Le Masque de la Force
Le Masque de la Force
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Là-haut, tout en haut du somptueux édifice qu’est-le Sénat, une pièce a été aménagée pour recevoir une équipe restreinte pour filmer les deux personnages sur lesquels toute la galaxie a braqué ses yeux…

*****

Voilà bien des années qu’un plateau holovisé n’avait pas atteint une telle audience. La tension était à son comble, car le Sénat allait voter dans moins d’une heure. Tous étaient prêts, bien sûr, et un certain nombre d’entre eux déjà annoncé pour qui ils allaient voter. La plupart, néanmoins, gardaient le secret sur leur alignement, ne serait-ce que pour ne pas subir de revers si jamais leur candidat favori n’était pas élu. Enfin, parmi les Sénateurs votant, il y avait peut-être encore quelques indécis, quelques influençables…

Et c’était précisément ce pourquoi le Sénateur Scalia et la Sénatrice Kira étaient présents ce soir : tous deux avaient bien l’intention de se battre jusqu’à la dernière minute. Il fallait dire aussi que l’opinion publique comptait ce soir, car il lui était donné l’occasion de se faire un avis plus précis sur le candidat qui remporterait l’élection. Et démarrer un mandat avec les populations de centaines de mondes à votre côté était un enjeu plutôt séduisant…

Sans surprise, le présentateur du débat était un humain vêtu d’un costume tiré à quatre épingles : le célèbre Jon-Pon Perno, la cinquantaine bien passée, le favori des holonews. Il avait soigneusement préparé de petites fiches pour poser des questions mais, malgré son sourire de séducteur, il n’en menait pas large.

- Ça tourne ! clama une voix dans le fond de la salle.
- BIENVENUE sur le débat holovisé que vous attendiez tous ! s’exclama Perno avec fougue. Ce soir nous accueillons les deux candidats favoris pour l’élection de la Chancellerie : à ma droite, la reine d’Ondéron et sénatrice EMALIA KIRA ! Et à ma gauche le sénateur de la planète ravagée par les Sith VALERION SCALIA ! Ils s’affronteront devant vous SOUS VOS YEUX sur le principal sujet qui alimente toutes les discussions depuis quelques jours : la venue de l’IMPERATRICE SITH DARTH YNNITACH sur BYSS, oui, vous avez bien entendu, un MONDE REPUBLICAIN ! Après cela BIEN SÛR vous resterez avec nous pour découvrir le résultat des votes qui sera dépouillé d’ici UNE HEURE TRENTE ! Mais avant de commencer, tout de suite, RETOUR EN IMAGES !

Le présentateur avait-il seulement respiré pendant tout son baratin ? Il profita des quelques minutes où étaient diffusées les images de l’arrivée de la petite flotte Sith qui conduisait Darth Ynnitach vers Byss pour s’éponger le front.

Mais alors qu’il se préparait à reprendre l’antenne, ses yeux s’arrondirent tandis qu’un doigt se portait à son oreillette.

- C’est reparti !

- Mais QUE ME DIT-ON A L’OREILLE ?! C’est TERRIBLE chers holospectateurs, nous apprenons EN DIRECT que des HOSTILITES se sont déclenchées sur BYSS ! Nos reporters sur place parlent d’intervention militarisée par des REBELLES SITH tandis que la flotte républicaine tente d’intervenir pour faire cesser les combats. La flotte républicaine est-elle en train de PROTEGER DARTH YNNITACH mesdames et messieurs ? Voilà bien des nouvelles surprenantes ! Monsieur Scalia, seriez-vous capable de nous dire ce qu’il se produit ce soir ? Vous attendiez-vous à un TEL évènement ?!





Seuls les joueurs Emalia Kira et Valerion Scalia sont autorisées à poster dans ce sujet.
Ordre de posts : Valerion – Emalia
Votre combat est une joute verbale ! Vous devez donc utiliser la parole pour débattre autour des questions évoquées en introduction. Vous serez jugées sur la pertinence des propos de votre personnage mais aussi sur son charisme, la façon de parler des personnages (en cohérence avec son statut), et la qualité générale de votre RP. Bonne chance !

Invité
Anonymous
Valerion sentait son cœur battre à tout rompre. D’ici un peu plus d’une heure, son destin et celui de la République allaient être fixés par les sénatrices et sénateurs de la Rotonde. Il avait affronté bien des situations : entrainements intensifs sur Carida, défense des frontières de la République dans la Bordure, intrigues à la cour artorienne, attaque Sith contre Artorias, élections sénatoriales… Tout cela n’était finalement rien, comparé à ce qui se jouait aujourd’hui. En conséquence, Valerion n’avait jamais été aussi stressé.

Les dernières semaines, et particulièrement les derniers jours, avaient été marqués par une violence de plus en plus grande entre le camp Kira et le camp Scalia. La campagne s’achevant, les sponsors avaient libéré le plus de crédits possibles. Dans les médias et l’holonet, tout tournait autour de l’élection d’un nouveau chancelier. Certains sénateurs insultaient Valerion, des publicités dénigraient Emalia Kira… C’était le jeu électoral qui voulait cela. Derrière chaque candidat il y avait des intérêts, et ceux-ci attendaient beaucoup de leur poulain en cas de victoire.

Malgré tout, il n’était pas toujours humainement agréable de voir des individus, dont Valerion ne savait rien, le conspuer publiquement. Il savait qu’Emalia Kira subissait le même traitement mais cela ne le réconfortait pas vraiment. Cet holodébat final allait être l’occasion d’élever le débat, afin de convaincre le plus grand nombre possible de citoyens et de sénateurs.

    « Dix minutes » hurla un individu à travers le couloir.


La maquilleuse s’occupait toujours de lui, exaspérant l’Artorien. Il se connaissait : une fois sur le plateau, le stress s’évanouirait pour laisser place à une détermination sans faille. Mais l’attente préalable était tout simplement insupportable. Son équipe de campagne, voletant autour de lui, ne participait guère à l’établissement d’un peu de sérénité. Il semblait que Telkhar, son assistant parlementaire, allait s’évanouir à tout instant.

    « Vous voulez quelque chose ? » demanda-t-il fébrilement.


    « Assieds-toi. »


Il s’exécuta aussitôt, comme à son habitude.

    « C’est la dernière manche, Telkhar. Je refuse l’échec. Nous avons devant nous une occasion inespérée. Il y a quelques mois, je n’aurais pas même imaginé devenir un jour chancelier… Et maintenant… Tout est possible. Où est Agathe ? »


Sa fille, sa douce et précieuse fille… La chancellerie, Valerion en rêvait chaque jour depuis qu’il s’était rendu compte de sa possible conquête. Malgré tout, son ambition cédait le pas à son amour pour sa fille. Il l’avait sauvée d’Artorias en flammes et, souvent, Agathe lui rappelait sa défunte épouse. Helena… Que de chemin avait été parcouru depuis cette nuit de cendres et de feu où son âme sœur avait disparu. Lord Janos avait ouvert les portes d’Aargau, Valerion était devenu sénateur, tenant sous sa coupe le gouvernement artorien en exil. Il avait été mêlé aux évènements de Flydon Maxima, avait participé à la fondation du Rassemblement Républicain et n’avait cessé d’augmenter ses relations via son poste de chef de groupe. La mort d’Helena semblait à la fois terriblement proche et extrêmement lointaine. Les trois ans passés au Sénat lui avaient donné l’impression d’être plus vivant que jamais, plus combattif qu’il ne l’avait jamais été.

    « Elle est dans vos appartements sénatoriaux. Elle regardera l’holodébat, comme des milliards d’individus. »


La maquilleuse venait d’achever son œuvre. Et c’était plutôt réussi ! La demoiselle s’en alla, laissant seuls Valerion et Telkhar. D’une poche, le sénateur artorien tira un petit paquet de cigarettes artoriennes : il en restait deux. Après elles, Valerion ne pourrait plus profiter du délicieux tabac d’Artorias. Saisissant son briquet, il actionna le mécanisme et une étincelle vint allumer la cigarette. Le prince artorien posa ses fines lèvres sur le tube et aspira une bouffée revigorante. Il s’était remis à fumer après la débâcle d’Artorias. Il baissa les paupières un instant, profitant d’un moment de solitude intérieure.

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Le sol tremblait. La moitié du manoir venait d’être vaporisée. Le souffle avait projeté sur le mur un Valerion encore endormi. D’abord, il avait cru que c’était un rêve, ou plutôt un cauchemar. Mais non. La moitié de sa chambre donnait maintenant sur le vide. Le lit avait volé en éclat et Helena avait été soufflée comme un lamentable fétu de paille. Il n’était en vie que parce que sa partie de la couche s’était retournée sur lui en volant vers le mur opposé. Le lit avait été littéralement séparé en deux parties, l’une réservée à la mort, l’autre à la vie.

Valerion avait participé à trop de combats pour ne pas comprendre aussitôt la situation. Helena était morte, la ville en proie à un assaut meurtrier. Il ne pensa plus qu’à Agathe. Il arriva dans la chambre de sa fille, la maison brinquebalant, prête à s’effondrer à tout instant. Tétanisée, la jeune adolescente écarquillait les yeux d’horreur, silencieuse. Le sol tremblait.

Il prit sa fille avec énergie, la serra plus fortement qu’il ne l’avait jamais fait et courut, encore et encore… Une poutre s’effondra, brisant le plancher. Valerion contourna, tendu vers un but unique, ultime : sauver sa fille. Il ne pouvait pas mourir, il ne devait pas mourir. Il dévala l’escalier, et se retrouva directement à l’air libre. Autour de lui, l’enfer se dévoilait aux Artoriens. Le feu, partout, dévorait la vie. Femmes, enfants, hommes, vieillards, maisons, arbres… Tout cela n’était plus qu’un grand brasier.

Il ne se perdit pas dans une contemplation horrifiée. Il courut. Le bunker de la famille royale n’était pas loin. Il mit sa main devant les yeux d’Agathe et reprit sa course, le manoir familial s’écroulant derrière lui, dans un cri de détresse. Les cheveux de sa fille voletaient devant ses narines. Et de ce trajet fou à travers la mort et la destruction, Valerion se rappelait nettement l’odeur fraîche et douce de sa fille, mêlée au sel de ses larmes.

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Le sénateur rouvrit les yeux. Devant lui, il n’y avait qu’une glace banale renvoyant l’image de son visage. Pas de haine, pas de colère. Juste de la détermination.

C’était l’heure. Valerion quitta les coulisses et vint s’asseoir sur le plateau de l’émission. Il serra la main d’Emalia Kira et du présentateur.

L’Artorien était vêtu sobrement. Il portait sa tunique noire de cérémonie. Un bel habit dénué de tout luxe tapageur. Il n’était pas question de se présenter devant la République en habits de luxe, drapé dans une splendeur de monarque absolu. Les seules pointes de couleur provenaient de ses décorations militaires. Fixées à droite, sur son vêtement, elles présentaient diverses couleurs. Elles étaient au nombre de trois. Cette sobriété uniquement teintée de marques de bravoure militaire, contrastait avec l’image d’Emalia Kira relayée par les médias pro-Scalia. La Reine d’Onderon avait été présentée comme une personnalité avide de luxe, de bijoux et de vêtements hors de prix… En l’occurrence, cela n’avait pas été de la calomnie. Être reine impliquait une certaine tenue, mais aujourd’hui Emalia Kira postulait pour un tout autre poste. Le peuple n’appréciait guère l’étalage de richesse au sommet de sa République. A l’inverse, les pro-Emalia avaient essayé de faire passer Valerion Scalia pour un être rigide, coincé. Bref, chaque camp avait fait son travail.

Le présentateur-vedette beugla une présentation du programme puis lança les images. Byss, la délégation républicaine, la délégation impériale… Une nouvelle preuve de la prostitution de la République dont Halussius Arnor avait décidé d’être le souteneur jusqu’à la toute fin de son mandat.

Le débat allait débuter… lorsqu’une annonce saisissante eut lieu : un conflit venait de s’ouvrir sur Byss. La tension monta aussitôt et Valerion sentit son cœur résonner jusque dans son cerveau. Son visage arborait un air grave et solennel, parfaitement sincère. Le sénateur artorien ne s’était pas attendu à une telle action, pas aussi vite… Mais cela ne faisait que corroborer ses thèses et déforcer celles d’Emalia. Il y avait là une aubaine à saisir.

Il laissa un court instant de silence s’installer avant de répondre au présentateur, de façon à souligner la gravité et l’ampleur de la situation. L'atmosphère était électrique, sur le plateau comme dans l’ensemble du local. Plutôt que de répondre au journaliste, Valerion Scalia porta son regard vers la caméra, s’adressant directement aux téléspectateurs.

    « Ce soir, je m’adresse à la Nation. »


La phrase, prononcée avec force, venait d’ébranler tout le studio. Valerion ignorait l’effet produit dans les chaumières de la République mais, déjà, il entendait se donner une figure d’homme d’Etat.

    « Les informations qui viennent de nous parvenir forment la preuve ultime du bien-fondé de ma lutte. Notre lutte. L’heure n’est pas à l’inaction. L’heure n’est pas à l’attente. Aujourd’hui, à cette heure, à cet instant précis, toutes les forces vives de notre République doivent s’unir vers un seul but : la Défense Nationale. L’Union derrière le drapeau de nos libertés. »


Le sénateur cessa de fixer directement la caméra et reporta son attention sur son opposante et le présentateur-vedette.

    « Les Sith viennent d’amener leur haine et leur sauvagerie au sein même de nos frontières. Peu importe que ce conflit soit l’œuvre d’Ynnitatch ou de rebelles… Les Sith sont à l’intérieur de notre République et apportent le chaos et la destruction sur un de nos mondes! Ce dont je prévenais depuis trois ans le chancelier Arnor vient de survenir. Ce que veulent les Sith, ce sont les mondes de la République. Ils ont exigé Onderon, tout comme ils voulu auparavant Artorias. Ils veulent nos territoires frontaliers, de la même manière qu’ils convoitent Coruscant et les richesses du Noyau. Peut-on encore sérieusement croire dans la proposition d’Emalia Kira d’un espace neutre entre la République et l’Empire ? Voilà ce que vous proposez, dame Kira ! La mollesse, l’inaction et la passivité face à la barbarie Sith. Avec comme conséquence inéluctable la victoire de l’Empire. Face à de tels évènements, c’est de maîtrise et de sang-froid dont nous avons besoin. Sans fermeté point de salut. »


Le sénateur Scalia fit une légère pause, prêt à se relancer dans la bataille.

    « A l’heure où nous parlons, des soldats de la République sont pris entre deux feux. On leur a intimé l’ordre de protéger des Sith. Des Sith ! Ceux-là même qui ont tué les nôtres sur le monde aujourd’hui républicain d’Artorias. Ceux-là même qui ont séquestré le chancelier Arnor !

    Cette situation est absurde. Vous proposez la renégociation, dame Kira. Alors que ferez-vous si dans une heure vous êtes chancelière ? Laisserez-vous les nôtres mourir pour une Impératrice qui veut déchirer Onderon de ses griffes ? Je me refuse à une telle folie !

    Votre programme est sans espoir, sans ambition, sans volonté, sans crédibilité. Vous voulez renégocier le Traité d’Artorias mais n’osez aller jusqu’au bout du raisonnement… Oui, j’ose le dire, la guerre est une possibilité ! Elle n’a rien de réjouissant, la guerre est toujours une épreuve terrible. Mais je préfère prendre les armes et vaincre lorsqu’il en est encore temps, plutôt que d’attendre lamentablement que les Sith fassent flotter leur bannière au sommet de notre Sénat !

    C’est un discours de Vérité que je veux tenir devant les Citoyens. Pas un discours démagogique, comme le vôtre, voulant faire croire que la renégociation sera un succès et que nous éviterons la guerre. Mais ne voyez-vous pas que la guerre est là ? Qu’elle sévit à l’heure même au sein de nos frontières souveraines !

    A cette nouvelle crise, il faut répondre sans hésitation : les impériaux doivent quitter notre territoire. La République n’a pas vocation à être l’autoroute des Sith. Nos flottes doivent se mettre en mouvement et arrêter l’Impératrice Ynnitatch et ses sbires présents sur Byss. »


Donner une structure à son allocution était primordial. Improvisant et profitant de prendre en premier la parole, l’Artorien avait d’abord tenu à s’adresser directement aux téléspectateurs. Il avait tenu un discours assez semblable à celui qu’aurait pu tenir un chancelier ou un ministre en exercice. Se présenter en rassembleur, un homme prêt à endosser des responsabilités, voilà ce qu’avait fait – ou tenté de faire – Valerion. La suite avait été marquée par une position bien plus classique de candidat. Il avait voulu montrer que la situation était prévisible et qu’elle était absurde. Plus véhément, Valerion accompagnait sa prise de parole de gestes. Pas trop brusques, afin de ne pas paraître violent, pas trop grands afin de ne pas passer pour un hystérique. La gestuelle était cruciale en politique et la maîtriser correctement avait exigé au sénateur des mois de travail.

    « Une République ferme, mais juste ! Voilà ce que je propose aux Citoyens ! Non, je ne laisserai pas nos territoires frontaliers, je ne laisserai pas Onderon, je ne laisserai pas Artorias et je ne laisserai pas Coruscant tomber dans les mains de l’Empire.

    Il est temps pour la République de se réveiller, le moment est venu pour la grande machine républicaine de se mettre en marche. Nous devons rétablir l’Ordre sur Byss, et assurer la défense de nos frontières. Nous serons alors en mesure de lancer une renégociation ferme du Traité d’Artorias. Et si les Sith refusent les conditions de la République alors, oui, nous devrons être capables de faire face à une guerre.

    Trois longues années ont été perdues par le gouvernement Arnor… Nous n’avons plus le choix : nous devons nous préparer à l’éventualité d’une guerre. Pour atteindre ce but, je propose de doubler le budget de la défense et de la sécurité intérieure. Nous devons faire tourner nos usines et nos chantiers navals à plein régime, afin d’être prêts en cas d’agression Sith. Les illusions dont vous voulez bercer la population, dame Kira, sont aussi dangereuses que traîtresses. »


Après avoir énoncé le problème et dénoncé les propositions du programme d’Emalia Kira, Valerion avait veillé à présenter sa solution au problème. Lancer la République dans une économie de guerre et dans un vaste plan de production militaire, afin d’être prêt face à l’Empire. Quant à la situation sur Byss, elle devait être normalisée au plus vite. Les Sith n’avaient pas leur mot à dire sur un territoire républicain et reconduire les impériaux à la frontière était parfaitement légitime.

    « Il est de notre devoir de restaurer l’honneur de nos Armées. J’ai été formé à l’Académie de Carida. J’ai pu constater l’excellence de nos officiers et de nos soldats. Pourtant, ces dernières années, nous avons délaissé la démocratie, nous avons délaissé la République… Celle-ci a été livrée à la direction d’un Jedi impuissant. Sur Artorias, les Jedi ont pris le commandement des forces républicaines, conduisant celles-ci à un fiasco. Lorsque je me suis retrouvé sur Flydon Maxima, au cœur des combats, je me suis retrouvé en contact radio avec un Chevalier Jedi ayant pris autoritairement le contrôle des flottes républicaines. Je lui ai dit que nous avions là l’occasion d’éviter une guerre. Nous avions l’occasion de capturer l’Impératrice Ynnitatch et de faire s’écrouler l’Empire. La parole d’un élu de la République n’a eu aucune prise sur un membre d’un ordre religieux. Et aujourd’hui, des Jedi défendent Ynnitatch sur Byss.

    Je veux rendre la République aux Citoyens. Je veux rendre nos flottes et armées à un gouvernement démocratique et à un Sénat uni ! Je souhaite que nos forces armées ne soient plus soumises aux décisions contradictoires de religieux mais qu’elles soient à nouveau commandées par des hommes et des femmes brillants, spécialement formés pour cette fonction. Le contrôle des différents niveaux de pouvoir par les Jedi doit cesser. L’Ordre Jedi a son utilité, il a un rôle important à jouer dans la lutte contre les Sith et il est un allié précieux de la République. Le sacrifice de nombreux Jedi est encore dans nos mémoires. Mais l’interférence de l’Ordre dans la sphère politique et militaire doit cesser, les Citoyens doivent se réapproprier ces lieux de pouvoir. L’Etat-major des Armées, marginalisé sous le gouvernement Arnor, doit retrouver une place fondamentale. Nos forces armées ne sont pas l’ennemi de la démocratie, elles en sont le garant. L’action militaire, commandée par le gouvernement et contrôlée par le Sénat, doit redevenir une fierté de notre Fédération. »


Cette profession de foi à l’égard du rôle social de l’armée était guidée par l’expérience personnelle de Valerion. Carida avait été une révélation pour lui. La camaraderie, le désir d’égalité, le plaisir de se sentir utile en défendant les plus faibles… Les pacifistes voyaient dans l’armée une foule d’horreurs, là où Valerion y trouvaient de nombreux bienfaits. Le sénateur n’était pas naïf pour autant, et c’était bien pour cela qu’il avait souligné l’indispensable contrôle sénatorial sur les opérations militaires. L’exilé d’Artorias était militariste mais également démocrate.

    « Emalia Kira, votre programme est dominé par l’Illusion. Le mien, je le veux marqué du sceau de l’Espoir. Pas une espérance niaise, chimérique mais une volonté, une conviction d’améliorer la vie des Citoyens de la République. C’est pour cette raison que j’assure, ce soir, devant les Citoyens, de mettre en oeuvre un grand Pacte Social, si le Sénat m’accorde sa confiance. Trop de gens souffrent de la situation actuelle. Il est temps d’élaborer un véritable système fédéral de Sécurité sociale ! De lancer la concertation sociale ! Ensemble, réunis dans la volonté de protéger notre belle patrie, dialoguant, nous réussirons à faire face à l’ennemi et à améliorer les conditions de vie de chacun. Ce n’est pas une illusion dont je vous berce, c’est une conviction profonde qui m’anime et me motive. »


Valerion était sincèrement ému. Le ton de sa voix restait serein mais il était évident que tout son être était parcouru d’une passion sincère et belle. Dans le studio, Telkhar serrait si fort les poings que du sang perlait de ses douces mains.

    « Je ne promets pas d’être le plus grand chancelier que la République ait connu. Je ne promets pas d’être le meilleur chancelier ayant foulé le sol de Coruscant. Je vous propose d’être le Chancelier de la situation, l’homme qui conduira la République à retrouver sa fierté. L’homme qui défendra nos territoires et nos libertés, jusqu’au bout. Depuis l’époque où je suis entré à l’Académie militaire de Carida, les idéaux républicains ont dicté ma conduite. J’ai connu le bonheur mais aussi le malheur. En cette heure terrible où des combats font rage sur Byss, c'est d’un plus grand malheur encore dont je veux préserver les Citoyens. Pour que nos enfants puissent connaître les libertés dont nous jouissons aujourd’hui, pour qu’ils ne nous reprochent pas d’avoir laissé tomber. »
Emalia Kira
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Emalia se regardait dans le miroir de la loge, le regard creux. Ces cernes, nom de nom, étaient la preuve de toute l'énergie qu'elle avait donné à travailler son programme, à se faire à cette maison de fous qu'était le Sénat... Mais c'étaient eux des ennemis aussi. Il fallait qu'elle ait l'air pimpante, souriante, en forme, prête à prendre à bras le corps les problèmes de la République. Et ce n'était pas avec des cernes qu'on allait la penser capable d'y parvenir !

- Dix minutes avant l'antenne, les invités sont demandés sur le plateau, votre Majesté.


Emalia sursauta en voyant le reflet de l'homme taciturne dans le miroir.

- Je passe un coup de fil et j'arrive,
déclara-t-elle simplement, tandis que la maquilleuse corrigeait de petits détails sur ses tempes. Si vous pouviez corriger un peu mes cernes encore, là... Oui voilà...

Elle était fin prête. Physiquement tout du moins. Psychologiquement, elle avait compris qu'elle ne le serait jamais : elle prenait les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentaient à elle depuis des mois... Prête à les affronter ou non. Parfois, elle rencontrait le succès, parfois l'échec. Ce soir, elle saurait si tous ses efforts avaient été vains... Mais en tout cas, elle aurait fait tout son possible jusqu'au bout. Ce soir, elle s'élançait d'une falaise les ailes sur le dos, en espérant apprendre à voler au cours de la chute.

- Jake ? Sa voix était chevrotante dans le répondeur de son amant, qui n'avait pas répondu. C'était peut-être mieux ainsi. Heum... Je voulais te dire, je ne vais plus être joignable, je vais sur le plateau de l'holonews. Embrasse fort les enfants pour moi, d'accord ? Je vous rejoins... je vous rejoins dès que les résultats seront publiés cette nuit. Je vous aime tous les trois. Je pense à vous.

Emalia coupa la communication, les larmes lui montèrent aux yeux mais elle les refoula : hors de question d'abimer son maquillage. Mais si elle ne gagnait pas ce soir, qu'allait-elle leur dire ? Milésya serait encore plus déçue qu'elle-même, elle qui croyait sa mère toute puissante... Enfin, il ne fallait pas penser à tout cela. Pas si tôt.

La souveraine vérifia une dernière fois sa tenue dans le miroir. Elle portait un chemisier ocre, qui recouvrait ses bras et son cou, et une jupe noire longue et fendue recouvraient partiellement ses jambes recouverts de nylon sombre. Sur talons aiguilles, quelques bijoux discrets aux oreilles et une chevelure remonté en un chignon serré, son allure était pour le moins... Sévère. Mais la presse l'avait trop diffusée dans les robes colorées et parfois aguicheuses. Des clichés qui dataient de plusieurs années. Comment avaient-ils osé ?! Ce soir, elle voulait présenter une image de femme sérieuse et compétente. Son regard se durcit avec satisfaction lorsqu'elle estima que sa tenue était appropriée, et que ses talons la grandissaient assez pour serrer la main de Valerion Scalia sans paraître plus petite que lui. Elle se présenterait comme une égale, et tout le monde serait forcé de reconnaître que la supériorité supposée de l'homme n'était pas si certaine.
Car effectivement, tout le monde avait parlé de son "inexpérience". Inexpérience ?! La bonne blague, et qu'avait donc fait Scalia de plus qu'elle ? Son monde à elle était encore entre ses mains à ce qu'elle en savait !

Emalia profita de cette montée de colère pour trouver le courage de sortir de la pièce à pas claquant de détermination. Lorsqu'elle arriva sur le plateau, elle arborait un sourire rayonnant. Elle serra la main du présentateur, puis celle de Scalia. Ca ne serait pas retransmis à l'écran, mais ce n'était pas important : si l'équipe qui filmait le débat était admiratif d'elle, alors ils l'avantageraient sans même en avoir conscience.

Brusquement, ils furent tous trois sous les feux des projecteurs, et Emalia sentit un frisson glacé lui faire frémir le dos. Elle posa ses mains bien à plat sur la table devant elle pour mieux faire cesser les tremblements imperceptibles de ses mains. Le présentateur se mit à parler de son débit d'excentrique, agaçant. Elle dissimula néanmoins sa moue avec un salut d'un signe de tête pour marquer son approbation lorsqu'il la présenta. Malheureusement, ils furent interrompus par le flash spécial - des difficultés sur Byss ? Zut, cela ne tournait pas du tout en sa faveur... Le fait qu'on parle de "rebelles" étaient néanmoins réconfortants. Sauf que, comment des rebelles avaient-ils pu entrer sur le territoire républicain ? Zut et re-zut, tout cela ne lui disait rien qui vaille ! Et comble du malheur, c'était à son opposant qu'on donnait en premier la parole.

Emalia se mordit la lèvre avant de reprendre une face neutre, se rappelant à quel point il était important qu'elle n'abime pas son maquillage ce soir. Heureusement, les propos de Scalia faisait évaporer son stress à vue d'oeil, pour le remplacer par la colère que lui insufflait ses insinuations. Sauf qu'il fallait à tout prix qu'elle garde son calme.

Quand cela fut son tour de prendre la parole, elle toisa d'abord d'un oeil sévère, silencieuse. Puis elle se tourna lentement vers l'holocaméra braquée sur elle. Sans sourire, elle prit néanmoins une longue inspiration pour être plus détendue, afin de prendre la parole de manière calme. Mais ferme...

- Mesdames et messieurs, bonsoir. Laissez-moi vous dire d'abord combien je suis ébranlée par les dernières nouvelles. N'allez pas croire que j'approuvais la décision de faire entrer l'Impératrice sur le territoire Républicain pour qu'elle vienne faire ce qu'elle souhaite sur un monde qui ne lui appartient pas. Ce qu'il se produit aujourd'hui, c'est le résultat de la capitulation odieuse de notre gouvernement actuel. Le gouvernement Arnor.


Emalia se tourna vers son opposant. Comme elle s'y était attendue, l'Artorien était prompt à s'enflammer, même s'il se maîtrisait avec beaucoup d'intelligence. Il est exclus de le sous-estimer.

- Cher Sénateur Scalia, ne me regardez pas comme si j'étais responsable de ce qui se produit actuellement. Je comprends tout à fait votre colère et vos craintes, comme je comprends celles de la population Républicaine. Pourtant, il ne faut pas céder à la panique. Prenons le temps, d'abord de comprendre ce qu'il se passe : les médias sont incendiaires, comme toujours, mais il s'agit apparemment de "rebelles Sith" qui s'attaquent à l'Empire sur Byss. Nous ne faisons pas parti de ce conflit. Le fait qu'il se produise sur notre territoire n'est que le résultat de la politique trop conciliante du Chancelier Arnor et... de toute sa "clique".


Qui, bien sûr, soutenait Valerion Scalia : elle pensait en particulier au Hutt, le ministre Rejliidic... Elle n'avait même pas besoin de mentionner son nom pour que l'on sache de qui elle parlait. Ce même Hutt qui avait soutenu Arnor, il soutenait maintenant Scalia. Quel retournement de veste... Ce monde de politiciens vereux l'écoeurait.

- Or, vous étiez là, ces dernières années. Vous, ainsi que ces figures politiques hautes en couleur que constituent le Ministre Rejliidic, le Sénateur Janos, et j'en passe. Et malgré vos critiques à l'encontre du Chancelier, et quand bien même vous lui avez sussuré à l'oreille toutes ces recommandations ! Vos efforts se sont révélés... Vains.

Elle avait insisté sur ce dernier mot pour montrer à quel point son "inexpérience" dont ils l'accusaient tous n'étaient en réalité que le fait qu'elle était étrangère à leur monde, et qu'elle ne baignait pas dans leurs magouilles. Maintenant, il fallait faire subtilement comprendre cela aux populations républicaines. Compter sur leur intelligence... mais aussi sur leur naïveté.

- Je comprends tout à fait votre colère, d'ailleurs,
poursuivit-elle en gardant son calme. C'est tout à fait justifié : tant d'efforts, ces dernières années, mais le Sénat est toujours englué dans ses histoires politiques, les sénateurs frileux à l'égard de l'Empire... Vous avez raison, Sénateur Scalia, c'est la mollesse qui a conduit l'Empire Sith à s'introduire dans l'espace républicain avec la bénédiction du gouvernement ! Alors comment qualifier les mesures que je propose de molles ? Séparer l'Empire et la République, ne plus lui permettre de s'approprier les territoires qu'il désire... Pourquoi dites-vous que mon attitude est passive, alors que mes projets sont évidents : ils proposent de faire réagir la République, de l'amener à s'imposer de manière forte face à une Empire aux pratiques agressives... Et vous, que proposez-vous, pour éviter cette "mollesse" ? Rien d'autres que des combats armés !

Le ton était progressivement monté, et Emalia s'interrompit un bref instant pour faire retomber la colère et le trac qui lui nouaient les entrailles. Elle ne voulait pas paraître hystérique mais énergique, et il y avait une nuance difficile à respecter.

- Vous avez raison sur une chose : sans fermeté point de salut, c'est vrai. Mais la République ne trouvera pas son salut dans des guerres incessantes. Vous le savez aussi bien que moi : si demain la guerre est déclarée, ce sera par vengeance... Ce qui nourrira cet Empire à vouloir nous déclarer la guerre à son tour une fois que nous l'aurons vaincu : c'est un cercle vicieux sans fin. Et surtout, consommateur de vies ! Il est bien facile, pour nous autres politiciens, d'ordonner à des troupes d'aller passer leurs derniers jours sur un champ de bataille, bien trop facile. Je suis consciente des terribles évènements qui vous ont fait souffrir, vous et votre peuple, Sénateur Scalia, mais vous laissez votre jugement s'obscurcir par le désir de vengeance. Cela n'est pas bon pour un politicien.


Elle avait soudain pris un ton plus doux, compatissant. Il n'était pas question de négliger, en effet, les douleurs terribles que Scalia avait dû vivre. Mais elle ne souhaitait pas qu'il pût s'en servir pour attendrir la nation. Mieux valait donc tout de suite classer le sujet comme une faiblesse de sa part, non comme une force.
Emalia laissa quelques secondes de silence, comme si elle laissait à son opposant le temps de se recueillir sur les évènements qu'ils venaient d'évoquer. Puis elle eut un regard pour le présentateur, puis puir l'holocaméra, comme si elle se souvenait soudain que ce n'était pas une discussion privée entre elle et son opposant. Comme si elle lui avait accordé quelques minutes de réconfort, d'intimité, alors que se jouait un débat public...

- Je suis d'accord avec le fait que ce n'est pas le rôle de l'Armée Républicaine de protéger l'Impératrice, en ce moment même sur Byss. Mais elle doit être sur les lieux, parce que son rôle est de protéger les mondes républicains,
fit-elle fermement, en regardant de nouveau le présentateur. Voilà pourquoi il est important qu'elle joue actuellement un rôle de médiateur et au plus vite, de pacificateur, afin que les Sith regagnent leurs territoires sans plus ajouter de dégâts sur nos mondes. De tels évènements, si je devais un jour être élue par mes confrères, ne se reproduiraient jamais : la paix est si récente, si fragile avec l'Empire, comment ont-ils pu organiser un si dangereux évènement ! Et pour quelles raisons ? Nous n'en savons presque rien. Tout ceci vous dis-je, a été magouillé par un gouvernement sans dévoiler les clauses véritables à tous les sénateurs... Cette ambiance ne peut plus durer, mesdames et messieurs. Le Sénat ne doit pas vivre en vase clos. De nouvelles âmes doivent y entrer, en sortir, aérer les idées et les motivations... Sinon, vous voyez ce qu'il se passe : un microcosme se crée, indépendant des volontés réelles des peuples républicains, et qui vit dans son monde... Et est capable d'envoyer des millions d'âmes à la guerre sans réaliser le gâchis que cela représente !

Emalia Kira reprit une nouvelle fois sa respiration. Rester calme. Surtout, rester calme. Alors que l'adversaire tempêterait, elle plierait, mais ne casserait point.

- Vous vous emportez, Sénateur Scalia, lorsque vous parlez de mon programme. Je suis consciente que vous êtes mon rival, mais nous avons beaucoup de points communs. Ce programme que vous critiquez tant, il s'y trouve des éléments semblables au vôtre : la renégociation du traité de paix, c'est une chose que vous avez proposé également, n'est-ce pas ? Il en va de même pour les référendums élargis à la population. Mon programme diffère du vôtre en ce qu'il propose une zone entre l'Empire et la République et en son orientation sur des sujets moins militaires : oui, je suis prête à nous défendre contre l'Empire, mais dans mon cas, je ne serai pas prête à tout sacrifier pour l'armée ! Il y aura toujours de la place pour l'éducation, la recherche, le développement économique et social des mondes des bordures médianes et extérieurs, des colonies... Il est hors de question de soumettre toutes les facettes de notre politique à la simple question militaire, quand bien même il y a des réponses urgentes à apporter face à l'Empire Sith. Votre ambition, Sénateur Scalia, me paraît se résumer à une seule chose : vous venger des torts qui vous ont été faits.

Elle soupira imperceptiblement, baissa les yeux, l'air navrée.

- J'admire votre énergie, Sénateur Scalia, mais vos émotions vous poussent vers une politique à la limite de l'extrémisme, et le passé nous a maintes fois montré combien les extrêmes se révélaient être de mauvaises solutions.

Nouveau petit silence. Seuls les holocaméras et des projecteurs émettaient des bourdonnements discrets, tandis que toute l'équipe technique étaient toute yeux, toute oreilles. Emalia imagina combien de familles devaient, en ce moment même manifester la même attention, et elle en eut le vertige.

- Oui, les impériaux doivent regagner leurs territoires au plus vite. L'Armée les reconduira aux portes de la République. Si cette zone neutre existait déjà, d'ailleurs, ceci pourrait être fait sans que notre armée n'ait à entrer dans le territoire impérial pour cela. Mais la proximité actuelle est, en plus d'être dangereuse car elle rend floues les frontières entre nos deux gouvernements, une source de tensions fortes entre les mondes républicains et les mondes impériaux. Un grand nombre de planètes, telles qu'Artorias, pourraient redevenir neutres au moins temporairement, afin qu'elles puissent choisir leur appartenance à un gouvernement ou un autre de manière souveraine. Car il n'est pas question, quand je parle d'une zone neutre, d'y abandonner les peuples qui s'y trouvent : si cette bande était constituée de mondes que l'Empire nous rendait, alors ces mondes seraient libres et pourraient faire appel à la République pour sa protection si l'Empire ne respectait pas son absence d'autorité en ces lieux. Oh, je sais ce que vous allez me dire, Sénateur : que ce n'est pas suffisant pour ces mondes-là. Mais il faut être réaliste : le Chancelier Arnor a offert des mondes à une Impératrice inconnue, et les lui reprendre ne sera pas facile. Vous le savez, d'ailleurs, j'en suis certaine. Voilà pourquoi vous évoquez sans cesse une possible guerre : ce que vous voulez, c'est partir en croisade, car vous savez que la solution diplomatique sera la plus difficile à mener... Pour la Chancellerie, tout du moins, car encore une fois, vous ne prenez pas en compte l'avis des millions de familles des soldats Républicains, qui vivent et meurent au gré des émotions de nos politiciens actuels.

Elle s'interrompit pour reprendre brièvement sa respiration. Il y avait tant à dire ! Mais il ne fallait pas que cela paraisse désordonné. Son adversaire, lui avait établi ses critiques points par points... Elle y répondait de la même manière. Il croyait mener la danse ? Elle allait lui montrer qu'elle s'était bien préparée sur les terrains de discussion qu'il comptait envahir !

- Doubler le budget de la défense, Sénateur Scalia, alors que l'Armée Républicaine engloutit déjà la part la plus immense des finances de l'Etat ! Et que direz-vous aux régions en pleine expansion à l'opposé géographique de l'Empire ? Qu'ils devront se débrouiller tous seuls car nous sommes occupés ailleurs ? Non, je crois en l'Armée Républicaine, elle est organisée, réactive, et oui, elle fait fonctionner l'industrie de manière admirable, elle sera à même de repousser l'Empire si cela devait arriver. Mais pendant ce temps, Sénateur Scalia, il ne serait pas judicieux de mettre tous nos œufs dans le même panier... Oui, Artorias fut un fiasco. Faut-il blâmer les Jedi à demi-mot comme vous le faites ? Je ne suis pas sûre. Selon moi, l'heure n'est pas à la recherche des coupables, car cela ne nous poussera qu'à diviser les forces qui unissent la république. La vérité, c'était que l'Armée comme les Jedi n'étaient pas préparés, par coordonnés. Il nous faut apprendre de ces erreurs, et établir une meilleure collaboration de toutes les forces dont nous disposons. La République est riche, Sénateur Scalia, riches de volontés, d'idées et d'ambitions. C'est de cela dont il faut se servir. Investir les yeux fermés n'est qu'une illusion. Délaisser les droits des êtres, l'éducation, le développement des bordures... Pour une simple utopie de puissance militaire, voilà qui est un beau rêve, Sénateur, mais un rêve stérile, sans lendemain pour des milliards d'êtres vivants.


Sa voix s'était presque brisée d'émotion. Comment Scalia ne pouvait-il penser qu'à lui-même, à son rêve de vengeance ?

- Quant à moi, Sénateur Scalia, je ne me comporterai pas comme vous ce soir, ni demain, qu'importent les résultats. Je ne vais pas insulter votre programme, ni votre personne. Ce n'est pas digne, il me semble, d'un homme ou d'une femme politique de notre rang. Je ne répondrai donc pas à vos insinuations quant à ma niaiserie, mon incompétence ou encore ma mollesse. Je ne m'abaisserai pas à ce jeu-là, car je considère que les populations républicaines, et même les autres si elles peuvent nous regarder ce soir, puissent avoir droit à un véritable débat, un débat de fond. Or, sur le fond, Sénateur, votre proposition "sociale" n'est qu'une décoration pour adoucir ce qu'est vraiment votre votre programme : une déclaration de guerre, pure et simple, une soif de vengeance que certes, bien des âmes doivent partager. Il est inutile d'endormir notre vigilance, il suffit de vous écouter pour comprendre que la couverture sociale des êtres ne vous importent guère, à moins qu'elle ne vous serve à envoyer des gens se battrent à votre place contre l'Empire !

Voilà, ce serait la seule remarque agressive qu'elle se permettrait dans cette lancée. Il était hors de question pour elle de passer pour la folle : il voulait jouer les attaquants : qu'il y aille ! Elle n'était pas prête de perdre son calme. Calme, elle l'était étrangement depuis qu'on avait essayé de l'abattre, elle et Jake, dans les bas-fonds de Coruscant...
Son regard se balada sur le costume et le visage de Scalia. Etait-ce lui qui avait commandité l'attaque ? Si c'était le cas, il devait être sacrément déçu de la voir ici... A y penser, Emalia lui offrit un sourire : un sourire compatissant, plein de bonne volonté. Un sourire probablement tellement agaçant...
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Plusieurs fois, au cours de l’allocution d’Emalia Kira, Valerion s’était retenu de sourire. Elle avait débité toutes les phrases auxquelles il avait pu s’attendre. Tous les poncifs dont la presse pro-Emalia l’avait abreuvé… Toutefois, il devait reconnaître un talent certain à l’Onderonienne. Elle se débrouillait bien, brillamment même. Serait-ce assez ? Elle semblait vouloir donner d’elle une image différente de sa réelle personnalité. Les robes luxueuses avaient été remisées au placard pour ce soir, mais qui était dupe ? Elles ressortiraient à la première occasion de se pavaner. La République devait-elle tomber dans les mains d’un dirigeant ferme ou dans celles d’une poupée de cire ?
    « Magnifique péroraison, dame Kira ! J’en aurais été presque touché, si chacune de vos phrases n’était pas trahie par la suivante. »

Lourde accusation.
    « Vous parlez de dignité, vous dites refuser d’insulter ma personne et mon programme. Vous ne faites pourtant qu’injurier tous ceux qui soutiennent mon projet, en m’accusant de revanchisme. Ne prenez pas les citoyens pour des idiots, dame Kira. Ils lisent entre les lignes de votre discours, et lorsque vous parlez de ma « vengeance », ils savent que vous avez en tête la mort de ma femme et de mes frères artoriens… »

Silence. La Reine d’Onderon n’avait pas osé être aussi directe. Elle n’avait cessé de bassiner Valerion avec ses prétendues idées vengeresses… Or, l’Artorien détestait les contournements, les hésitations, les faux-semblants. Tout le monde percevait les agressions d’Emalia Kira, même si elles étaient enbaumées de parfum.
    « Je ne vous permettrai pas d’utiliser à des fins démagogiques la mort de mes proches. Mes sentiments importent peu aux Citoyens, et la façon dont vous instrumentalisez des drames humains est honteuse, ignominieuse et déshonorante. Oui, sénatrice, j’ai perdu des êtres chers sur Artorias. Mais votre malhonnêteté irait-elle jusqu’à nier les faits ? Les purs faits ? L’exécution de milliers d’innocents dont les familles font aujourd’hui partie intégrante de la République ? La mort de tant de soldats républicains ? La capture du Chef de l’Etat ? Un attentat terroriste sur Flydon Maxima, lors de ce qui devait être des négociations pacifiques ? La mort de mon épouse et ces faits sont d’ordre différent. Je refuse que vous les mêliez pour déforcer le programme du Rassemblement Républicain. Que diable, un peu de tenue, nous ne sommes pas au bistrot du coin ! Drapez-vous dans votre assurance et votre mépris, dame Kira, mais épargnez-nous vos parades politiciennes. Ma politique s’appuie sur des faits et des conclusions objectives et sérieuses. Tâchez de vous élever à ce niveau. »

La remarque était cinglante et l’Artorien en était satisfaite. En quelques phrases, il venait de remettre à sa place cette aristocrate hautaine. Tout le respect qu’il avait eu pour la reine d’Onderon venait de s’évanouir. Elle avait voulu le présenter comme un homme dominé par ses sentiments, un homme uniquement rattaché à son passé. Elle n’avait encore rien vu de la combattivité de Valerion Scalia d’Artorias !
    « Vous écartez mon Pacte Social d’un revers de la main… La condition des ouvriers de cette République vous importe peu et c’est assez logique, n’est-ce pas ? Comment un être tel que vous, né dans les dorures des palais onderonniens, pourrait-il s’abaisser à porter ses yeux sur la plèbe ? Nous avons un point commun, un seul : nous avons eu la chance de naître parmi la noblesse de nos pays respectifs. Toutefois, un fossé nous sépare. Pour quelle raison ? Parce que j’ai rejoint l’Académie de Carida, parce que j’ai quitté ma situation facile et avantageuse pour une vie plus dure mais plus vraie. Alors que, vous, n’avez fait qu’hériter de votre trône et attendre que les domestiques vous servent. Mon attachement à la Justice sociale a toujours été une réalité et jamais une posture, comme vous le prétendez.

    Le Pacte Social que je propose serait une belle et grande avancée pour notre société. Pensez-y ! Le droit de négociation collective accordée aux syndicats, des assurances obligatoires protégeant les travailleurs des affres de la vie ! Des pensions afin de finir sa vie dignement ! L’amélioration des conditions de vie des citoyens ! Mais tout cela vous paraît risible et dénué d’intérêt. Vous me taxez de populisme pour mieux cacher votre absence de considération pour la Question Sociale. Derrière vous, se cachent les grandes entreprises, les grands industriels, les grosses fortunes. Comme Chancelier, je serais le représentant des plus faibles, des classes oubliées et délaissées. Comme Chancelière, vous seriez la représentante de ceux auxquels vous appartenez : les héritiers et les rentiers.

    Alors je vous en prie, continuez à tourner en ridicule mon programme. Cela ne fera jamais que renforcer ma conviction dans ma lutte pour l’amélioration des conditions de travail des hommes et des femmes de la galaxie : vos inférieurs mais mes égaux. »

Calme. L’Artorien était parfaitement calme. Il sentait, au fond de lui, une force dantesque, tapie dans l’ombre. Doucement, lentement, il réveillait la bête. Les paroles venaient spontanément à son esprit, les phrases jaillissant comme une source pure. Il y avait le fond, mais aussi la forme. L’éloquence était la maîtresse de Valerion. Droit sur sa chaise, son corps puissant et dominant dirigé vers un seul but, le sénateur Scalia était la virilité incarnée. La fermeté et la justice face au pépiement hystérique de la noble Kira.
    « Depuis la Débâcle d’Artorias, j’ai bataillé contre l’Empire et le lâche gouvernement Arnor. J’étais sur Artorias. J’étais au Sénat pour m’opposer au traité. J’étais sur Flydon Maxima. Vous raillez ma lutte, mais où étiez-vous à cette époque ? Je vais vous le dire : confortablement assise dans vos fauteuils d’Onderon, [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] le Chancelier Arnor à venir boire le thé. Mes idéaux républicains me guident depuis mon instruction militaire. Mon opposition à l’Empire et au gouvernement Arnor a été constante depuis mon élection, il y a trois ans. Curieusement, vous n’avez découvert votre antipathie à l’égard de ce gouvernement qu’au jour où la campagne pour la chancellerie s’est déclarée. Vous me reprochez de n’avoir pas fait changer à moi seul la politique du gouvernement Arnor, quand vous n’avez même pas essayé de le faire ! »

Devant lui, Valerion disposait de plusieurs documents. Il en saisit un.
    « Vous m’avez reproché le soutien du sénateur Rejliidic, et donc celui de la Ligue des Mondes Périphériques ? Fort bien. Alors, voyons ce que vous déclariez dans votre programme, si vous le voulez bien. »

Le sénateur jubilait.
    « … nous soutiendrons la Ligue des Mondes Périphériques autant qu’elle continuera à nous aider à protéger les bordures de notre territoire. C’est fort joli, Reine Kira. C’est de vous. Ainsi donc, vous me reprochez le soutien de la Ligue alors même que, dans votre programme, vous tentiez de les amadouer. Vous êtes une reine, certes, mais vous êtes celle du double discours ! Vous critiquez maintenant mes alliés, alors que hier vous tentiez d’en faire les vôtres. »

La contradiction était évidente et elle apparaissait devant des milliards d’individus. Ce n’était qu’une petite phrase, même pas très explicite. Cela suffisait à démontrer l’incohérence de la reine Kira.
    « Tout le reste suit votre logique du double discours. Vous nous assurez que la République interviendra militairement si c’est nécessaire, mais devant les évènements de Byss vous déclarez : « nous ne faisons pas partie de ce conflit. » Comment n’en ferions-nous pas partie, alors que ce conflit se déroule au sein de nos frontières souveraines ! Vous êtes l’incarnation de la mollesse. Votre camp est celui de l’inertie. Vos arguments ? Il faut attendre de voir, apparemment ce sont des « rebelles » Sith, ne pas se précipiter… Bravo, vous répétez là exactement le même blabla que l’on nous a servi sur Flydon Maxima : ce ne sont pas les gentils Sith d’Ynnitatch qui nous attaquent, ce sont les méchants Sith opposés à l’Impératrice. Le résultat en fut la signature du Traité des Sith. Que le Sénat prenne peur à nouveau aujourd’hui et vous serez élue ! Sérieusement, prétendez-vous réellement occuper la Chancellerie par de tels discours lénifiants ?

    Byss est un territoire républicain. Les Sith doivent l’évacuer. Point à la ligne. »

Le message était clair, précis. C’est ce dont avaient besoin les citoyens : une direction bien définie. Un Chef d’Etat devait apparaître comme un homme décidé, prenant les problèmes à bras le corps et offrant une réponse puissante. Il y avait quelque chose de martial, chez Valerion, et donc de terriblement érotique.
    « La guerre est l’ultime recours. Vous avez mal lu mon programme, je le crains. N’est-il pas clairement indiqué que la priorité va à la renégociation du traité ? La guerre est une extrémité que je tenterai d’éviter le plus possible. Mais s’aveugler, comme vous, fait courir un risque immense à la République. Croyez-vous que c’est avec joie que je pense aux combats susceptibles de survenir ? Non ! J’ai bataillé durant des années comme Major de la République, aux frontières de notre Nation. Des camarades sont tombés au front, je les ai pleurés, honorés, puis j’ai repris le combat. Que connaissez-vous de la guerre, du froid, de la faim, de la douleur ? Vous me présentez comme un politicien incapable d’imaginer les conséquences d’une guerre. Cessez votre petit jeu. J’ai passé vingt années de ma vie à protéger la République, à diriger mes hommes. Je connais le front. A l’heure où nous parlons, sur Byss, des soldats républicains tombent face aux Sith ! Ne m’accusez pas de vouloir envoyer à la mort nos braves soldats, lorsqu’une partie d’entre eux nous protègent et meurent en cet instant.

    J’ai une fille, dame Kira. Croyez-vous que je souhaite qu’elle connaisse la guerre ? Evidemment non. Je n’ai aucun intérêt personnel à ce qu’un conflit débute entre la République et l’Empire. Mais nous devons aussi faire preuve de réalisme, de sang-froid, et constater que la guerre est une éventualité. Pour les peuples de la galaxie, pour ma fille, je ferai tout pour éviter cette extrémité. Mais je ne fermerai pas les yeux sur la situation actuelle.

    Votre refus d'accorder votre soutien à nos forces militaires, votre complaisance à l’égard des Sith, font froid dans le dos. Vous semblez craindre nos Armées autant que celles des Sith. Pourtant, pour vous défendre et protéger Onderon, seuls les soldats de la République se battront. Ouvrez votre esprit et voyez que l’armée n’est pas l’ennemi de notre démocratie. Elle en est le gardien. »

Valerion fit une pause. Il plongea son regard dans celui d’Emalia Kira. Le sourire qu’elle avait affiché à la fin de sa prise de parole n’avait pas du échapper aux caméras… Les citoyens en penseraient ce qu’ils voulaient.
    « Pour ma part, je ne saisis pas ce sourire que j’ai vu sur votre visage. L’heure est grave, vous devriez en être consciente. Mais vous êtes l’immobilisme et l’inertie incarnés, dame Kira, même si vous vous en défendez. Votre « zone neutre » est une autre façon d’accepter l’inique traité d’Artorias. Dans cette zone, vous serez obligée de mettre des mondes aujourd’hui républicains. Les Sith en mettront peut-être quelques-uns, histoire de vous bercer de douces illusions. Mais le résultat sera toujours le même : la République aura dû laisser tomber des pans de son territoire. Vous cachez derrière un prétendu réalisme votre lâcheté, semblable en cela au Chancelier Arnor. Vous seriez la parfaite continuatrice de sa politique, seule changerait la communication.

    La renégociation que je propose n’a rien de semblable à la vôtre. Vous irez quémander une zone neutre improbable, j’irai affirmer le principe d’Indivisibilité de la République. Vous irez donner des territoires républicains, j’irai reprendre notre dignité. Vous représenterez une République divisée. Je mènerai une République unie, montrant aux Sith que la guerre n’est pas une solution pour eux, car elle signerait leur perte. Qui veut la paix prépare la guerre.

    Un élément m’échappe dans votre programme. Que ferez-vous si les Sith refusent la renégociation ? Vous lancerez-vous dans une guerre que vous refusez aujourd’hui ? Avec quels moyens vous lancerez-vous dans un conflit militaire ? Vous avez raillé ma proposition de doubler le budget de la défense. Mais nous avons besoin de forces militaires plus nombreuses, de vaisseaux plus performants, d’armes nouvelles… Si vous refusez aujourd’hui d’allouer des moyens à l’armée, alors vous ne pourrez faire face à une potentielle guerre demain. Ma proposition de refinancer et rénover nos forces militaires n’est pas belliciste. Au contraire, j’entends par là adresser un message clair aux Sith : attention, nos flottes et armées sont nombreuses, mobiles et modernes, une guerre signera votre défaite. La dissuasion militaire, voilà mon credo. Par des moyens militaires conséquents, nous assurerons une renégociation effective du traité. Et si la dissuasion échoue malheureusement, alors nous serons en mesure de faire face aux agressions Sith. »

Garder le fil. Toujours conserver un système logique pour ne pas paraître incohérent aux yeux des citoyens. La pire chose était de perdre l’auditeur par un raisonnement alambiqué ou par une dispersion des idées. Répondre aux accusations d’Emalia était une nécessité, mais un débat politique en vue d’obtenir la chancellerie ne pouvait se limiter à cela. Mis à part la question de la zone neutre, Emalia Kira n’avait pas fait de véritables propositions politiques. Elle avait principalement fait face aux positions et prises à partie de Valerion. Elle l’avait mouché, mais s’était contentée de critiquer. Critiquer une entrée en guerre, critiquer sa position militariste, critiquer son Pacte Social… Parmi tout cela, la reine d’Onderon ne proposait pas grand-chose.
    « Vous vous contentez de tempêter, dame Kira. Critiquer la lucidité de mon parti concernant l’éventualité d’un conflit armé, critiquer mon travail sénatorial, critiquer mes alliés, critiquer mon soutien sans failles à l’armée, critiquer ma fermeté à l’encontre des troubles sur Byss, critiquer l’augmentation du budget de la défense. Lorsque votre rancœur ne se déverse pas sur moi, elle vise le chancelier Arnor. J’estime cet individu, même si je ne l’approuve pas. Vous pourriez en faire autant, vu les liens d’amitié qui vous lient. La critique ne suffit pas pour siéger à la chancellerie. Moi, je veux construire. Bâtir une nouvelle République, avec l’ensemble des Citoyens. C’est pour cette raison que je propose une grande Réforme Institutionnelle. »

Devant lui, Valerion plaça le texte constitutionnel et à côté de celui-ci les changements qu’il souhaitait y apporter. Ils étaient nombreux. A l’évidence, si cette réforme était mise en œuvre, une République fort différente verrait le jour. Plus démocratique, évidemment, mais aussi plus lisible dans son fonctionnement pour les citoyens.
    « C’est une grande différence entre nous, dame Kira. Vous critiquez les institutions actuelles mais ne souhaitez ni les modifier ni les supprimer. Finalement, le statu quo actuel vous convient. Vous n’avez pas été élue sénatrice, pas plus que vous n’avez été élue reine. Vous présentez le sénat comme un microcosme mais vous profitez du droit actuel pour ne pas être soumise à la consultation populaire. Avant de mener des réferendums comme chancelière, soumettez votre mandat sénatorial à des élections ! Aujourd’hui, nul citoyen n’a encore jamais voté pour vous, à quelque poste que ce soit. Votre programme propose timidement de décentraliser les moyens économiques… Tout cela est bien joli, mais la République est déjà un Etat fédéral. Vous devriez le savoir, puisque vous prétendez gouverner l’autorité fédérale.

    Quatre institutions formeront le socle de la République. Tout d’abord, le Chancelier Suprême, chef d’Etat élu au suffrage universel. Ensuite, le Gouvernement, dirigé par le vice-chancelier et responsable devant les parlementaires. Puis, le Sénat, élu directement tous les six ans, avec à sa tête un Orateur sénatorial élu par les sénateurs et servant de lien entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Enfin, la Cour Suprême verra ses compétences élargies, afin de contrer au mieux toute dérive. »

C’était net et comphrénsible ! Avec un tel système, on montrait fin à la cacophonie existante. Les constitutionnalistes de la galaxie se tiraient toujours les cheveux avec cette question : le chancelier suprême était-il chef de l’état et chef du gouvernement ? Du fait qu’une motion de méfiance pouvait être votée par le Sénat pour le renverser, le Chancelier apparaissait comme un chef de gouvernement. La composition de celui-ci lui revenait, appuyant cette thèse. Mais, visiblement, le chancelier était également chef de l’état. Toute constitution saine d’esprit aurait eu le bon sens de séparer les deux fonctions. Pour l’heure, il en allait pourtant d’une toute autre façon… Cela avait des conséquences difficiles en pratique. Comment représenter la Nation ainsi qu’un gouvernement, c’est-à-dire une majorité au Sénat ? Dans la configuration proposée par Valerion, le vice-chancelier, présenté par le chancelier, obtiendrait un véritable pouvoir en tant que chef du gouvernement. La fonction d’orateur sénatorial serait séparée de la vice-chancellerie et prendrait enfin son envol. Restait la problématique du fédéralisme.
    « Nous devons aussi consolider le fédéralisme.

    Dame Kira veut prendre aux entités fédérées plus de pouvoir que ce qui n’a déjà été pris. Elle ne veut pas unir la République mais applanir celle-ci, elle veut rendre les citoyens uniformes et se fiche de leurs traditions, coutumes, races et cultures. Moi, je pense que la République une et indivisible met sur un pied d’égalité tout citoyen. Mais l’égalité n’est pas l’indifférenciation des peuples et des individus. La République est le lieu où se rencontrent différents peuples, un lieu où ceux-ci décident d’un avenir commun qu’ils partagent. Ce n’est pas ce que propose dame Kira. Elle présente une république de l’uniformisation, dans laquelle chaque individu doit s’effacer face au pouvoir brutal, puissant et lointain de l’autorité fédérale. Je m’oppose fortement à cette pente dangereuse pour la République qu'est le centralisme. Les Entités fédérées ont un rôle primordial à jouer et doivent exercer des compétences importantes. Il ne s’agit pas de diviser la République mais de s’assurer que chaque niveau de pouvoir exerce les compétences qui lui conviennent le mieux. Et à ce titre, j’estime que l’enseignement et la culture sont des matières inhérentes aux entités fédérées. Il ne revient pas à Coruscant de dicter aux citoyens leur culture ni la façon dont doit s’organiser l’enseignement sur leur planète… Notre Nation trouve sa richesse dans la diversité. Préservons celle-ci et refusons l’uniformisation culturelle proposée par Emalia Kira.

    Le fédéral ne doit plus traiter que des matières d’intérêt vraiment national : la défense, la sécurité intérieure, la compétence monétaire, la justice, la sécurité sociale. L’Autorité fédérale cessera de se disperser dans tous les sens et se concentrera sur quelques domaines précis. De cette façon, nous dégagerons des moyens pour assurer la Défense et la Sécurité Intérieure de notre République. Et par des politiques de nationalisations, nous assurerons la prospérité de l’Etat, une juste redistribution des revenus et nous présenterons des projets sur le long terme. Répartir clairement les compétences entre autorité fédérale et entités fédérées permettra d’assurer l’efficience des différentes politiques. »

Pacte Social, précisions sur la renégociation, fermeté diplomatique, politique économique… Valerion avait d’abord répondu aux piques féroces de la reine Kira pour revenir, petit à petit, vers les propositions de son programme. C’était là une façon subtile de conserver le monopole de la proposition et de confiner Emalia Kira dans une critique se mordant vite la queue. Valerion Scalia, incarnation de la force de rassemblement et de proposition, Emalia Kira, rigide à l’excès et sans vision globale de l’avenir. Deux tendances s’entrechoquaient : le progressisme de Valerion et le conservatisme d’Emalia. Deux choix de société, deux tendances. Les deux programmes présentaient des similitudes évidentes mais même sur ces sujets, l’opposition idéologique de fond éclatait. Valerion s’était exprimé calmement, remplaçant sa fouge d’orateur par une gravité de ton. De la sorte, il réduisait l’agressivité que pouvait comporter ses paroles. Parlant lentement, il avait réussi à trouver son équilibre, à s’apaiser. Et, par là, il avait pris une posture d’homme d’état.

De ses feuilles, Valerion tira le programme du Rassemblement Républicain.
    « Voilà l’avenir. »

A côté de son programme, il plaça celui d’Emalia Kira et posa un index ferme dessus.
    « Voici le passé. »

Emalia Kira
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La souveraine, l'air grave, ne put s'empêcher d'opiner négativement du chef, lentement et de temps à autre, pendant le temps de parole de son adversaire. Elle s'était pourtant promis de rester de marbre, mais elle se sentait provoquée à tout bout de champ. C'était déjà une grande victoire pour elle de ne pas perdre son calme - performance due uniquement ou presque à la préparation mise en œuvre pour l'évènement de ce soir. En effet, comment ne pas s'attendre à toutes ces attaques, alors même qu'elles les avaient lues dans la presse ? Parfois, elle avait eu envie de baisser les bras, de se dire que toutes ces critiques dans les médias auraient raison de sa volonté et de ses désirs... Mais la détermination, systématiquement, lui était revenue. A cause d'Ethan, de Milésya, de Jake, d'Ondéron... Et même parfois à cause de ses détracteurs qui l’agaçaient au point de lui rendaient l'énergie de se battre.

Après un temps qui lui parut infiniment long, ce fut de nouveau son tour, et le présentateur dardait sur elle des yeux noyés de suspens. Il était évident que les journalistes se repaîtraient grassement de cet échange fleuri... Si elle ne devenait pas Chancelière, elle serait à jamais dans l'esprit des gens celle qui se serait faite humiliée devant toute la galaxie par le vainqueur Scalia. Sauf qu'il n'avait pas encore gagné, et qu'il était hors de question de lâcher le morceau jusqu'à ce que le vote les départageât définitivement.

- Encore une fois, je vois que vous ne tarissez pas d'éloges sur ma personne, commenta-t-elle sans un sourire. Est-ce ainsi, Sénateur Scalia, que vous conduisez habituellement vos négociations diplomatiques ? En agressant continuellement vos interlocuteurs ?

Elle eut un bref soupir de mépris. S'il voulait déclarer les hostilités, grand bien lui fasse, il n'allait pas être en reste... Sauf qu'il était hors de question pour Emalia de s'abaisser à répondre hystériquement par des injures. Elle se remémora encore une fois l'importance de la ligne de conduite qu'elle s'était donnée. S'il voulait être insulté, il faudrait qu'il le soit de manière beaucoup plus sournoise.

- Voyez-vous, Sénateur, je ne parlais pas de votre famille personnelle, même si cela bien sûr a toute son importance. Dans la débâcle d'Artorias, des milliers de familles ont été ainsi brisées, et c'est tout un monde jusqu'alors paisible qui s'est vu détruit. Votre rancœur est plus que normale, et je ne suis pas là pour instrumentaliser vos morts. Jamais, d'ailleurs, je n'ai tenu un discours différent. Jamais je n'ai nié l'horreur de la situation. Sinon, pourquoi refuserais-je si ardemment que cela puisse se reproduire sur d'autres mondes ? Vous mentez en m'accusant de nier ces faits, Sénateur Scalia. La seule chose que je dis, c'est que l'émotion vous emporte. Que les citoyens n'en aient rien à faire, peut-être. Personnellement, je sais que la qualité première d'un politicien est peut-être sa capacité à contrôler ses émotions afin de savoir faire passer le bien général avant ses intérêts propres.

Son ton était devenu beaucoup plus ferme qu'auparavant. C'était qu'elle n'appréciait pas celui de son interlocuteur, qui s'était transformé en un donneur de leçons alors qu'elle l'avait pourtant fortement apprécié, ce fameux soir dans ses appartements... Mais alors sa fureur n'avait pas été dirigée contre elle personnellement. Maintenant qu'elle en était la cible, ce côté farouche de la personnalité de Valerion lui paraissait beaucoup moins séduisant.

- Par conséquent, non, je ne prends pas les citoyens pour des idiots, bien au contraire. J'essaie de raisonner pour résoudre les situations actuelles, et c'est ma logique que je leur expose. Qu'elle ne vous convienne pas est une toute autre histoire.

Elle aurait pu sourire, mais l'envie n'y était plus. Elle se contenta d'observer son adversaire d'un œil morne.

- En ce qui concerne mon ascendance, Sénateur Scalia... D'une part, puisque vous êtes vous aussi d'une famille noble, pourquoi m'accuser de la chance que j'ai eue pendant mon enfance ? Qui prend les citoyens pour des idiots, je vous le demande ! D'autre part, vous abordez justement un point essentiel de mon programme : vous me jugez par mon ascendance, par ma richesse, et non par mes compétences, mes capacités, mes actes, mes projets. C'est une mentalité que je souhaite combattre, désormais. Mon programme est axé sur l'éducation et l’égalité de tous les citoyens parce que, précisément ! Il n'est pas normal que les gens soient encore jugés sur le contenu de leur porte-monnaie, leur origine ou leur genre, dans cette République ! Mais vous êtes encore ici, Sénateur Scalia, à essayer de pointer des gens du doigt parce qu'ils viennent de tel ou tel milieu social, sans vous soucier le moins du monde que des gens différents ont à apporter des compétences différentes, des perspectives différentes, qui permettent à la République d'évoluer ! De mon côté, je me fiche de savoir d'où viennent mes interlocuteurs : ce sont les actes qui font la valeur des gens. Vous prenez bien trop de soin, Sénateur Scalia, à pointer du doigt tout ce qui ne convient pas à votre idéal. Vous n'êtes visiblement pas capable d'accepter la diversité.

Elle ponctua sa phrase d'un regard flamboyant. La remarque sur son ascendance, elle s'y était attendue, et elle avait bien préparé sa riposte. Mais que diable, elle n'allait pas renier ses origines, ni s'excuser d'être née là où elle était née !

- Par ailleurs, je n'ai pas ri de votre pacte social, et je n'ai pas dit qu'il était dénué d'intérêt. C'est une habitude pour vous que de proférer des mensonges ? Ce que je dis, c'est que la partie sociale de votre programme est bâclée par rapport à l'énergie que vous avez mise à déployer vos plans militaires. Pas que vos idées sur le plan social soient néfastes.... D'ailleurs, si je suis élue, je serais toute disposée à rediscuter avec vous ce Pacte Social, qui a certainement de très intéressants projets à apporter.

Quant à ce "thé" qu'elle avait pris avec le Jedi quelques années plus tôt, le Sénateur était visiblement mal informé...

- Je n'ai jamais "invité" le Chancelier Suprême, sachez-le. Encore moins pour boire un thé. C'est le Chancelier Arnor lui-même qui a souhaité me rencontrer sur Ondéron. Je n'allais tout de même pas lui fermer mes portes ! Et oui, j'avoue que qu'à l'époque - comme combien de milliards de citoyens ? - je nourrissais beaucoup d'espoir à l'égard de cet homme plein de projets pour la République, déterminé... mais calme, lui. Mais ensuite, encore une fois comme bien des âmes, j'ai été déçue par ses actes, puis son immobilisme, lorsque l'Empire est survenu. Il n'est néanmoins pas question de laisser le traité quel tel, vous le clamez aussi bien que moi : il doit être renégocié. Mais le Sénat a voté la paix et en ce que je souhaite respecter cette décision, vous me trouvez trop conciliante avec le gouvernement précédent. Evidemment, ce sera certainement moins une cassure que si vous déclarez la guerre à l'Empire, c'est certain ! Pourtant, vous oubliez que je prône comme vous que la République ne doive pas se plier aux exigences de l'Empire, que son chef d'Etat n'a pas à faire ce qu'il souhaite sur notre territoire en ce moment même ! Sur bien des points, notre programme se rejoint, mais vous préférez jeter le bébé avec l'eau du bain...

La souveraine s'interrompit brièvement pour recentrer ses idées. Il fallait aussi, bien sûr, qu'elle pointe du doigt les faiblesses du programme de son adversaire. Mais avant cela, il y avait un dernier point sur lequel elle souhaitait répondre...

- Ce qui est visiblement une autre de vos habitudes, mais pas chez moi. Le Sénateur Rejliidic s'est montré plus d'une fois odieux envers ma personne, surtout ces dernières semaines. Et pourtant, oui, la Ligue des Mondes Périphériques m'apparaît être un projet de grande valeur, et d'une grande utilité. Pourquoi associez-vous forcément un projet à l'un de ses représentants ? N'êtes-vous pas capable de distinguer la personne et le projet ? Dans le monde de la politique et de la diplomatie, pourtant, il faut savoir travailler avec des gens, parfois, que l'on ne porte pas dans son cœur, mais qui ont les bonnes idées au bon moment. Et si effectivement, je trouve malpoli et magouilleur cet ami qui est le vôtre, cela ne veut pas dire que tout ce qu'il a fait dans sa vie est à jeter aux oubliettes. C'est un peu comme moi, Sénateur : ce n'est pas parce que vous me détestez à ce point que le Sénat devrait considérer tout mon programme comme inutile...

Voilà pour le point Rejliidic. Maintenant, au tour du programme...

- Laissez-moi, à mon tour, vous rappeler quelque petit passage de votre programme...

Elle se tourna vers le présentateur et lui fit glisser sur la table un holoenregistreur. Dessus, bien évidemment, le discours du Sénateur Scalia, lorsqu'il avait annoncé ses projets... La voix de Valerion s'éleva lorsque le présentateur eut enclenché l'enregistrement.

... Cependant, je suis un légaliste. La volonté du Sénat doit être respectée et même si je n’approuve pas le traité, j’estime les décisions du Sénat. Toutefois, si je deviens Chancelier de la République, ce ne sera pas pour appliquer aveuglément ce traité !

- Autrement dit, embraya immédiatement Emalia, vous vous fichez du choix que le Sénat a opéré. Ceci est bien contradictoire. Un légaliste qui dit qu'il respectera les décisions du Sénat, mais qui les abolira dès son accession au pouvoir ? Bien sûr, le traité doit être retravaillé, puisqu'il ne convient pas aux exigences Républicaines. Mais de là à ignorer que le Sénat souhaitait conserver la paix... En outre, vous ne cessez de répéter dans votre programme comme ici, ce soir, que les citoyens courent tous un grand danger, mais que ce danger ne proviendrait non pas seulement de l'Empire, mais aussi de l'intérieur, comme si aucun représentant de ces mondes n'était capable de défendre son territoire et de prendre les décisions qui s'imposent en des temps comme ceux-ci. Autrement dit, Sénateur, vous instaurez la peur dans les esprits : encore une fois, vous jouez sur leurs émotions, vous essayez de les effrayer pour les gagner à votre cause et surtout, les convaincre que la violence est la seule des solutions. Je ne suis pas d'accord. Les terribles évènements d'Artorias ne doivent pas se reproduire. Qu'elle soit provoquée par la République ou par l'Empire, la guerre n'est pas la bonne solution.

Elle s'interrompit de nouveau. Il ne fallait pas parler trop vite. Laisser aux spectateurs le temps d'assimiler ses idées, sa logique. D'un autre côté, son temps de parole était déjà bientôt écoulé...

- Enfin, puisque vous tenez tant à m'attaquer sur mon histoire, Sénateur Scalia... Oui, il est vrai que je n'ai pas été élue Sénatrice. Il vous faut savoir que chaque planète est souveraine, ici au sein de la République... Et que chacune a la liberté de choisir ses représentants de la manière dont elle l'entend. Sur Ondéron, ce choix est traditionnellement opéré par la famille royale Ondéronienne... Parmi d'autres devoirs politiques, gestionnaires, militaires... Hé oui, ce n'est pas parce que je suis une Reine que je n'ai jamais rien entendu aux questions gouvernementales, comme vous le laissez entendre. Les centaines de mondes qui composent la République, vous avez l'air de l'ignorer, ont des régimes très différents. Exiger d'eux qu'ils changent leurs gouvernements pour se conformer à un régime idéal unique est impossible, en plus d'être une insulte aux spécificités locales.

Et toc. Non, elle n'avait pas été élue. Qu'allait-il encore pouvoir lui trouver, la prochaine fois ? Cet acharnement, en plus d'être désagréable, les poussait dans un débat pas toujours tout à fait uniquement politique. Mais il avait voulu l'affronter par ces moyens, elle lui rendait donc la pareille.
La souveraine prit garde à reprendre une contenance déterminée pour prononcer les derniers mots de son tour de parole, sur lesquels elle s'appliqua tout particulièrement...

- Résumons donc, Sénateur Scalia : vous jugez les gens sur leurs origines, leur statut social, leur richesse ou leur pauvreté. Vous dites respecter les décisions du Sénat, mais comptez les balayer d'un revers de main dès que vous serez élu. Vous instaurez un climat de peur pour pousser les citoyens à la violence. Vous parlez d'"unité", de "vérité"... Comme si seule votre vision des choses était celle possible et valable dans ce monde. Et par conséquent, vous voulez conformer toutes les planètes à ce régime unique et idéal. Félicitations, voilà un beau tableau, Sénateur... Les ingrédients idéaux du totalitarisme.

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Agathe avait les yeux fixés sur le projecteur holovision. Elle suivait le débat depuis le début, se rongeant les sangs avec fébrilité. Que son père gagne ou perde, la vie ne serait plus la même après cette élection. Elle en était intimement persuadée. Tant de changements étaient apparus si vite dans sa vie… La perte de sa mère, la perte de son foyer, son père élu sénateur, leur arrivée sur Aargau pour ensuite immédiatement déménager sur Coruscant… La Débâcle d’Artorias avait bouleversé son existence et formait une crevasse profonde dans sa courte vie. Agathe venait d’atteindre sa seizième année. Elle était encore une adolescente mais son corps serait bientôt celui d’une femme. Elle était belle, d’une beauté renforcée involontairement par une curieuse mélancolie. Ses lèvres étaient fines et douces, gorgées de sang. Sa peau était délicate, d’un rose pâle à la texture de pèche. Deux beaux yeux d’un vert brillant rajoutaient à ce visage une lumière sublime. Des cheveux blonds, lisses et longs, formaient une chevelure de déesse du nord.

Elle était consciente que son père la voyait différemment des autres personnes. Pour Valerion Scalia, Agathe était sa précieuse fille, son amour chéri. Seize ans, ce n’était pas grand-chose pour un homme de quarante-trois ans ayant connu les combats, l’exil et la politique. Il ne la voyait pas comme une adolescente se découvrant peu à peu, ce qu’elle était désormais. Agathe avait parfois l’impression que son père avait vécu en quelques mois les trois années écoulées depuis leur fuite d’Artorias. Ce n’était pas son cas, à elle. Les trois années avaient été longues et changeantes. Elle avait treize ans en arrivant sur Coruscant, seize aujourd’hui. Ce n’était plus exactement la même personne, celle qui avait fui sa terre natale et celle qui jouait pour l’heure avec ses beaux cheveux dorés.

Agathe savait que, sur ses épaules, reposait l’attente ambitieuse de son père. Son éducation était vaste et riche, afin de faire d’elle le digne successeur de la lignée Scalia. Pourtant, la politique lui semblait une chose bien vaine. Elle rêvait, imaginant une vie simple et tranquille, où le travail n’existait pas et où elle se contentait de vivre avec un être qu’elle aimait. Agathe, comme bien des adolescentes et des adolescents, pensait à l’Amour. Elle souhaitait ardemment trouver un garçon de son âge, dont elle aurait pressé les lèvres avec avidité et douceur. A l’école, elle se rendait bien compte que son physique attachait l’œil des damoiseaux. Mince, gracile, Agathe n’en avait pas moins de beaux et jeunes seins, des formes avenantes flattant le regard masculin. Elle tirait un certain orgueil de sa Beauté mais se désolait de n’intéresser les garçons que par son physique. Elle aurait voulu rencontrer un adolescent qui n’entendit que sa voix. L’Amour, découvert dans les beaux romans qu’elle lisait, lui semblait un sentiment réservé aux autres. Elle en pleurait, lorsque la nuit était tombée.

Elle éteignit l’holovision. Son cœur battait trop vite à son goût. Elle n’avait pas reconnu son père, pas plus que la Reine Kira aperçue hâtivement dans les appartements sénatoriaux de Valerion Scalia. Il lui semblait que les hologrammes reflétaient deux titans, mus chacun par une volonté grandiose et féroce, luttant avec acharnement et puissance. Elle fit coulisser une porte vitrée et se rendit sur le balcon de l’appartement. Elle sentit aussitôt le vent, qui fit virevolter ses cheveux, touche d’or dans la nuit sombre. Agathe portait une robe fine, bleu barbeau, dans laquelle le souffle de Coruscant formait des vagues. Elle regarda le ciel et vit les étoiles, fait rare dans la capitale de la République. Elle aimait Coruscant, à l’exact inverse de son père. La vie grouillait en permanence dans la Ville-monde, prodiguant une chaleur qui compensait la froideur des tours métalliques. Agathe aimait ce lieu qui l’avait accueillie facilement, comme tant d’autres personnes. Coruscant n’était pas belle, mais on sentait que c’était le cœur de la galaxie. Des hommes et des femmes convergeaient vers ce point, réalisant un pèlerinage inconscient. La nuit n’était jamais obscure, toujours illuminée par le passage incessant des vaisseaux. Agathe avait également rencontré de véritables amies sur Coruscant. Elle n’avait guère connu l’amitié sur Artorias, du fait de sa position de membre de la famille royale. Ici, elle était fille de sénateur, ce qui était prestigieux mais pas improbable ni spectaculaire. Elle fréquentait une école publique réputée. On y trouvait des jeunes filles et de jeunes garçons de tous les milieux, même si les enfants issus de familles aisées étaient les plus nombreux. Dans cette grande école, une fille de sénateur n’était pas une surprise. Rapidement, elle avait fait la connaissance de trois filles, fort différentes les unes des autres : Lydia, Gwenaëlle et Morgane.

L’air de Coruscant était impur. Agathe en inspira, malgré tout, une grande bouffée. Elle posa les mains sur la barre métallique du balcon, sentant le froid. Elle ferma les yeux et sourit, aussi belle et lumineuse qu’un cierge dans une église nocturne.

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Valerion avait chaud. Dans la pièce, la tension n’avait cessé de grimper depuis le lancement du débat. Toutefois, même si les passes d’armes étaient incisives, Emalia Kira et Valerion Scalia prenaient la peine de ne pas s’interrompre l’un l’autre. Les mots étaient tranchants mais le sénateur d’Artorias conservait une respectueuse courtoisie à l’égard de son interlocutrice.

Il aimait ça. Il devait bien se l’avouer à lui-même, cette lutte des mots et des idées le passionnait. Valerion y trouvait ce qui l’avait grisé lors de son parcours militaire : l’adrénaline du combat. Au moins, cette fois-ci, ne risquait-il pas sa peau. Ses pensées dévièrent un instant vers les soldats combattant sur Byss… Un vif sentiment de compassion et de pitié l’étreignit, au goût de bile. L’Artorien était sincère : le sort des soldats de la République lui tenait à cœur. Sa position militariste n’était pas un vain fanatisme. Valerion avait vu ce dont les Sith étaient capables. Seule la dissuasion militaire pouvait stopper – peut-être seulement pour un temps – le désir d’expansion de l’Empire. Il espérait sincèrement éviter la guerre, éviter la mort. Combien d’hommes avait-il perdu, lors de ses missions contre les pirates dans la Bordure ? Il avait perdu des êtres proches, avec lesquels il avait fait ses études sur Carida. Il avait perdu des individus arrivés à bord depuis quelques jours à peine. Chaque fois, cela avait été une piqûre de poison pour Valerion. Responsable d’une très petite flotte, il avait eu l’impression de porter le monde sur ses épaules. Jusqu’à peu, il n’avait pas jamais convoité la chancellerie. Lorsque l’occasion s’était révélée, il avait douté de ses capacités. Il avait balayé toute hésitation. Les pirates qu’il avait affrontés n’étaient pas de joyeux personnages de légende… Il s’agissait d’esclavagistes, de criminels formant des réseaux denses et complexes. Tout homme de la République qui passait entre leurs mains était effroyablement torturé. Les défis qu’il avait relevés et les horreurs qu’il avait vues formaient une expérience l’assurant d’être légitime d’ambitionner la chancellerie suprême.

Etrangement, les dernières paroles d’Emalia Kira avaient glissé sur Valerion Scalia. Un duel verbal vous prenait toujours aux tripes. Même si l’interlocuteur mentait ou calomniait, même si on le méprisait, ses paroles pouvaient réellement blesser. C’était humain. Supporter les mesquineries et méchancetés de la politique pouvait être fort difficile. La Rotonde avait son lot de suicidés annuels. Valerion eut donc cette impression curieuse de ne pas se sentir concerné par les reproches que lui faisait Emalia Kira, comme s’il se trouvait en hauteur, contemplant le débat. Il y avait quelque chose d’amusant à voir l’opposition de forme entre les deux prétendants. L’Artorien recourrait aux exclamations, aux prises à partie, enrobant ses paroles de sa voix grave et chaude, détaillant son programme. La Reine Kira était d’une éloquence sobre et élégante, aux antipodes de Valerion. Deux styles, deux visions de la société.

    « Votre obsession de ramener mon combat à mes sentiments est impressionnant, dame Kira. »


Il avait prononcé ces paroles sur un ton de lassitude appuyée. Il était réellement las de devoir revenir sur ce terrain… Mais il le fallait. Ne pas répondre à l’Onderonienne aurait été la preuve qu’elle déclamait la vérité.

    « Derrière moi, il y a le Rassemblement Républicain, madame. Il y a aussi des alliés précieux, comme les membres de la Ligue des Mondes Périphériques… Croyez-vous que tous ces individus avec lesquels je combats ne sont dominés que par leurs émotions ? Pensez-vous que l’on peut former un groupe politique sur base du seul sentiment ? Non, bien sûr. Notre programme est clair, cohérent, construit. Vous voudriez ramener ce combat collectif à une pure revanche personnelle. C’est, une fois encore, indigne et réducteur. »


Grave et calme, Valerion fit silence. Il posa les mains sur la table, les réunissant.

    « Un travail long et patient a été accompli pour élever la voix des opposants à la politique du chancelier, que vous proposez malhonnêtement de continuer. Trois longues années depuis la Débâcle d’Artorias… La vengeance et la colère m’ont, au départ, saisis. J’étais abattu par la mort de mon épouse, de mes amis, de mes concitoyens.

    Mais je me suis rapidement rendu compte de ceci : la haine et la revanche ne construisent rien. Ce sont des sentiments définissant la personnalité des Sith. Je n’ai pas voulu m’abaisser à leur niveau de bassesse, j’ai refusé d’être semblable à ces Barbares. »


Valerion s’était tourné vers le présentateur, auquel le spectateur pouvait aisément s’identifier. Il s’agissait de partager avec le public une réflexion intime, pas de déballer sa vie à l’antenne.

    « Dès cet instant, mon combat n’a plus été dicté par l’émotion. Je pouvais faire part de ce que j’avais vu sur Artorias sans être obscurci par des passions violentes. J’ai usé de ma Raison et conclu que les Sith ne s’en arrêteraient pas là. L’expérience d’Artorias avait pour but d’instiller la Peur dans nos esprits. J’ai rencontré des Jedi, avec lesquels j’ai pu discuter. Tous peuvent vous assurer que les Sith font, pour une grande part, reposer leur pouvoir sur la peur qu’ils distillent.

    Aujourd’hui, vous agissez par peur, dame Kira. Vous vous laissez emporter par l’émotion, tombant dans le piège tendu par les Sith. La Débâcle d’Artorias avait pour but d’effrayer les Citoyens de la République, le Gouvernement et le Sénat. Les attentats de Flydon Maxima devaient faire peur aux sénateurs, pour que ceux-ci acceptent le Traité d’Artorias. Les évènements de Byss sont censés nous épouvanter, afin de prendre votre voie : celle de la peur et du conservatisme.

    Vous avez peur. De quoi ? De voir votre planète sombrer aux mains des Sith, naturellement. C’est légitime, mais insuffisant pour prétendre exercer la chancellerie. Mon combat, je le mène depuis trois ans, aux côtés d’individus formidables et volontaires. Vous ne vous lancez dans la lutte que lorsque celle-ci peut vous rapporter la chancellerie. Vous ne vous lancez dans le combat que lorsque votre planète est menacée d’être sous tutelle Sith. »


Valerion s’était exprimé avec une agressivité décroissante. Les dernières paroles d’Emalia Kira ne l’ayant pas heurté, il n’avait pas senti le besoin d’être piquant.

    « Je peux vous donner un second argument, attestant que mon combat se fonde sur la réflexion et non l’émotion. Vous avez lu le Traité d’Artorias, n’est-ce pas ? Alors, vous savez que le texte prévoit la rétrocession de la planète Artorias à la République. Si je n’avais agi que par émotion, pour quelle raison me serais-je opposé à ce traité ? Aucune ! Je me serais fichu de l’avenir des Territoires frontaliers, je me serais fichu du futur d’Onderon. Mon désir de revanche et mon souhait de revoir ma planète natale auraient été assouvis.

    Pourtant, je m’oppose au Traité d’Artorias. C’est donc que l’émotion ne peut motiver mon action. Et, en effet, je ne veux pas de ce traité qui divise les peuples de la République. Je me bats pour la Nation, pour ses citoyens, pas seulement pour les Artoriens. En tant que Sénateur de la République, il est de mon devoir d’œuvrer dans l’intérêt général, pour le bien de chaque Citoyen. Je n’ai pas voulu défendre que les Artoriens, dresser mes frères contre les Onderoniens ou les Frontaliers. J’ai voulu également protéger ces derniers, refusant l’idée qu’on puisse vendre nos territoires souverains, et nos Citoyens, aux bourreaux d’Artorias.

    Vous ne voulez qu’une chose : éviter à Onderon une domination Sith. Pour cela, vous êtes prête à créer une « zone neutre » dans laquelle vous abandonnerez des territoires de la République. Pour ma part, je ne souhaite qu’une chose : éviter à l’ensemble de la République l’empire des Sith. Vous vous démenez pour Onderon, c’est louable. Mais un chancelier doit s’élever au-dessus des intérêts particuliers, afin d’assurer la sécurité de tous ses compatriotes. C’est ce que j’ai voulu faire en refusant le traité d’Artorias. Je bataille pour Onderon, pour Artorias, pour les Frontières, pour Ryloth, pour Correlia, pour Coruscant… C’est ce qu’attendent les Citoyens du prochain Chancelier Suprême de la République. C’est ce que je veux être pour eux. »


Valerion porta le verre d’eau qui lui était destiné à sa bouche. Le débat était éreintant et donnait soif. Il devait continuer sur sa lancée.

    « Vous ne m’avez pas écouté, dame Kira ! »


Il avait dit cela d’un ton doctoral, qui avait du énerver au plus haut point la souveraine, fronçant les sourcils.

    « J’ai revendiqué mon ascendance noble. Mais plutôt que de rester dans la facilité, j’ai quitté mon milieu pour rejoindre l’Armée républicaine. Je ne suis pas resté dans un palais ! Je me suis formé à la sueur de mon front, comme l’écrasante majorité des Citoyens de notre République. Bref, mes actes m’ont construit. Or, précisément, qu’avez-vous fait ? Hériter, dame Kira, hériter. Vous vous êtes donnée la peine de naître. Cela vous a permis de devenir Reine d’Onderon. Où sont les actes et les compétences dont vous parlez ? Onderon a parfaitement le droit de ne pas procéder à une élection pour désigner son représentant au Sénat. Mais vous êtes Reine d’Onderon, dame Kira ! Ce n’est pas comme si le gouvernement avait désigné un inconnu ou une personne éloignée des cercles de pouvoir onderonniens ! Votre nomination au Sénat s’est faite au moment même où la campagne pour la chancellerie débutait.

    J’ignore si vous faites preuve de malhonnêteté ou de naïveté. Vous refusez d’évoquer le milieu social. Croyez-vous que l’on a les mêmes chances de devenir sénateur en naissant dans une riche famille noble ou en étant élevé dans la pauvreté ouvrière ? Non ! C’est cette réalité que je veux changer, et que vous niez. Selon vous, les Citoyens ne devraient pas tenir compte de votre ascendance, de votre richesse… Oui, vous estimez cela bien vulgaire , n’est-ce pas ? Pourtant, notre milieu nous forge. Je ne suis pas resté cloitré derrière les dorures du manoir familial, aujourd’hui en cendres. J’ai connu la Fraternité humaine par l’armée. Quelle fraternité connaissez-vous, madame, si ce n’est celle de la noblesse ? Etre noble n’est pas une tare, mais il faut aller vers le monde, dame Kira. Ne pas rester enfermé dans une tour d’ivoire d’où l’on ne sort que lorsque cela peut rapporter gros ! La noblesse sans prise de conscience n’est que cynisme. Il ne s’agit pas de cataloguer les citoyens, il s’agit de constater la réalité que vous refusez, pour se diriger vers un idéal d’Egalité.

    Tâchez de vous assumer : vous n’avez pas lutté pour vos titres. Ce ne sont pas vos actes qui ont justifié que vous soyez Reine. Ce ne sont pas vos actes qui vous ont fait sénatrice. Quels actes pourraient donc justifier que vous soyez à la tête de notre Nation !

    Mais vous l’avez dit : il ne faut pas juger les gens sur le contenu de leur porte-monnaie. Il vous est facile de dire cela, vous qui vivez dans l’opulence. Vous essayez d’évacuer la Question Sociale, la misère, par ces quelques mots si révélateurs. Pourquoi les plus riches devraient-ils être solidaires des plus pauvres ? Il ne faut pas juger les gens sur le contenu de leur porte-monnaie. Vous refusez les catégories alors que vous faites preuve d’un bel esprit de caste. »


Le sénateur d’Artorias s’arrêta un instant. Il profita de cette pause. Allait-il être chancelier ? Rien n’était moins sûr. Mais il n’allait pas laisser Emalia Kira cracher sur le peuple.

    « Vous êtes l’Inconstance personnifiée. Vous critiquez mon pacte social et puis… c’est une bonne idée ! Celui-ci concerne un tiers de mes propositions mais vous le jugez bâclé… Votre programme caresse la Ligue des Mondes Périphériques menée par le ministre Rejliidic, une fois la LMP alliée au Rassemblement vous la critiquez… puis vous vous rétractez ! Tâchez de conserver une ligne cohérente, madame.

    Je veux une République d’Union. C’est dans ce but que j’œuvre au Sénat depuis plusieurs années. Vous avez raison, dame Kira, il faut travailler avec toutes sortes de personnes, peu importe qu’on les aime ou non. En tant que Chef de groupe du Rassemblement Républicain au Sénat, croyez bien que c’est ce à quoi je me suis attelé. Le Sénat est une belle et solide institution, qui doit être renforcée. C’est le lieu du compromis, de l’écoute. Il s’agit d’un travail long et difficile, requérant patience et abnégation. A nouveau, c’est ce qui me distingue de vous : je dispose d’une certaine expérience sénatoriale. Elle reste modeste, comparé à d’autres, mais face à vous elle apparaît grande. Avez-vous déjà négocié des projets législatifs? Avez-vous déjà participé à la rédaction de nos lois ? Demandez à mes collègues sénateurs… Mes idéaux sont clairs et inébranlables. Mais je sais être à l’écoute d’autrui, afin de concilier les points de vue et arriver à l’Union. C’est pour cela que je me félicité du soutien de la Ligue des Mondes Périphériques, apporté par Ragda Rejliidic. Bien sûr, je ne partage pas toutes les analyses du sénateur de Bakura. Mais un prétendant à la chancellerie se doit de réunir.

    De quelle diplomatie ferez-vous la preuve ? Vous n’avez cessé, depuis votre royal piédestal, de commander. Commanderez-vous aux sénateurs comme à vos laquais ? Exigerez-vous des Sith une zone neutre, tout en refusant des crédits supplémentaires à notre Armée ? La Chancellerie n’est pas un trône !

    Nous en revenons toujours au double discours que vous tenez. Vous m’accusez de ne pas être capable d’écoute et de synthèse, mais mes actes prouvent le contraire. Vous voulez être jugée sur ce que vous avez accompli, mais vous n’avez jamais ni réuni, ni négocié. »


Décidemment, Emalia Kira voulait s’enterrer, ce soir. Valerion Scalia eut presque un orgasme lorsque la Reine d’Onderon crut le piéger en sélectionnant un passage de son programme. Cela ne faisait que lui offrir l’occasion de la vilipender.

    « Il ne s’agit pas d’un paradoxe , madame, mais de droit public . »


Valerion avança son corps vers la table, menaçant.

    « Vu les fonctions que vous occupez sur Onderon, j’ai cru que vous connaissiez ces notions. Laissez-moi vous éclairer.

    L’article quinze de notre constitution souligne la nécessité d’une ratification du traité par le pouvoir législatif. C’est une condition nécessaire pour donner des effets internes au texte. Concernant l’engagement de l’Etat sur le plan international, c’est une prérogative du pouvoir exécutif. De même pour la dénonciation , qui revient au gouvernement, mettant fin aux obligations découlant du traité.

    Oui, je suis un légaliste. Le Traité existe, pour l’instant, dans notre droit. Il ne tient qu’au nouveau gouvernement de le dénoncer et d’aller conclure un nouvel acte international. Il reviendra au Sénat de consentir ou non à ce texte. Ce sont les procédures légales habituelles, que j’entends suivre si je suis nommé Chancelier. C’est bien parce que je respecte ce qu’a fait le Sénat que j’entends renégocier, et non déclencher une guerre comme vous le prétendez.

    Veuillez m’excuser pour ces termes techniques et un peu barbants… Mais je refuse que l’on détourne mes propos de façon malveillante ! Vous voulez me caricaturer, dame Kira, prétendre que je ne suis qu’un petit tyran se fichant du Sénat et de la loi. Je viens de prouver l’inverse, en faisant référence à des principes juridiques basiques de notre Etat de droit, qu’étonnamment vous semblez méconnaître. Avant de prétendre à diriger une Nation, il faut en connaître les règles. »


Valerion Scalia poussa un soupir de dépit à la suite de la finale de la Reine d’Onderon. Le débat ne volait pas très haut et l’Onderonienne venait de l’abaisser vers un gouffre duquel l’Artorien allait devoir l’arracher.

    « Je m’étais attendu à mieux de votre part, madame. Vous me décevez. Êtes-vous capable d’autre chose que la caricature ? Allez-y, accusez-moi de soutenir le totalitarisme… Décidemment, vous ne reculez devant aucune indignité pour atteindre vos fins. Vous avez instrumentalisé le décès de mes proches, vous avez instrumentalisé la Débâcle d’Artorias, maintenant vous faites fi de ce tout ce que j’ai pu dire, écrire et accomplir. Vous avez transformé un beau et grand débat, destiné à convaincre les Citoyens de soutenir un candidat plutôt qu’un autre, en un outil de propagande et de diabolisation. Tout cela, dans l’unique but de masquer la vacuité de votre programme.

    Moi, le totalitaire ? Les Artoriens m’ont fait l’honneur de m’élire sénateur. Qui vous a élu ? Personne. Totalitaire, alors que je travaille depuis trois ans au Sénat, avec acharnement ? Totalitaire, alors que j’ai bataillé aux frontières de notre République pour protéger notre démocratie ? Totalitaire, lorsque je propose un Pacte Social pour lutter contre les inégalités ? Totalitaire, lorsque je veux augmenter les crédits de l’armée afin de dissuader l’Empire de toute agression ? Totalitaire, lorsque je présente une Réforme Institutionnelle destinée à renforcer nos institutions démocratiques et notre fédéralisme ? Totalitaire, lorsque je fonde avec d’autres sénateurs le Rassemblement Républicain ? Totalitaire, lorsque je me rends sur Flydon Maxima dans l’espoir de renégocier le traité ? Totalitaire, lorsque je souhaite évacuer les Sith de Byss et cesser le massacre en cours !

    Vos insultes à mon égard ne souillent que vous, dame Kira. Je ne suivrai pas la pente que vous avez dévalée, celle de la caricature de l’adversaire ! La République nous regarde, soyez à la hauteur. »


Le sénateur artorien avait contenu toute fureur. Il aurait été aisé de se laisser emporter et de répondre aux injures par des injures. A la dernière minute, il s’était repris. Il ne voulait pas qu’Agathe le voie faire le lion devant un serpent. L’aigle, voilà quel avait été son modèle : le prédateur du reptile.

    « Quel programme avez-vous exposé, dame Kira ? Où sont vos propositions ? Vous parlez vaguement de l’enseignement… Vous parlez de renégociation sans dissuasion militaire.

    Jusqu’ici, vous n’avez fait qu’esquiver. Votre programme est inconsistant. Or, c’est pour nos propositions que les Citoyens nous écoutent ce soir. Ils souhaitent entendre nos solutions face aux problèmes actuels, pas des piques mesquines et oubliées demain.

    Voilà pourquoi j’entends désormais m’attacher à mon programme, et pas seulement ferrailler avec vous. »


L’Artorien plaça le programme du Rassemblement Républicain devant ses yeux.

    « J’ai eu l’occasion de présenter ma position à l’égard des Sith : dissuasion militaire pour assurer la renégociation, moyens militaires plus importants pour faire face à l’éventualité d’une guerre. Concernant le programme institutionnel il était également clair : refus du centralisme et amélioration du fédéralisme. Solidification de nos institutions – le Sénat, le Chancelier, le Gouvernement et la Cour Suprême – et limitations des compétences de l’autorité fédérale aux matières d’intérêt strictement national. »


Emelia Kira avait épinglé le caractère vague du Pacte Social. Elle n’avait pas tort. Le programme ne détaillait pas l’ensemble des mesures envisageables. Il fallait bien laisser un peu de suspense de temps en temps…

    « Aujourd’hui, les syndicats ne sont pas considérés. Les ouvriers et les salariés n’ont pas voix au chapitre dans l’entreprise. La protection sociale n’est pas une matière fédérale, elle est encore aux mains des entités fédérées. Ce qui entraîne des différences majeures entre entités, au niveau du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Dans une majeure partie des territoires de la République, la couverture sociale est inexistante ou minime. Certaines entités fédérées ont mené une politique progressiste en la matière, mais subissent une concurrence déloyale du fait des différences de législations. Certes, le fédéral est parfois intervenu, mais toujours faiblement, ne pouvant agir sur la base d’une habilitation constitutionnelle solide, faisant du droit du travail et de la sécurité sociale une matière fédérale. »


Précisément, la Réforme institutionnelle présentée par Valerion permettrait d’attribuer ces matières au fédéral. La concurrence que réalisaient entre elles les entités fédérées n’amenait qu’une dangereuse course au moins-disant social. L’enseignement, la culture… ces matières pouvaient sans encombre être gérées par les entités fédérées, disposant de leur propre assemblée démocratique et de leur propre gouvernement. Mais la sécurité sociale nécessitait une politique d’envergure fédérale, si l’on voulait s’attaquer aux mauvaises conditions de vie des travailleurs.

    « Nous devons aller de l’avant et créer un nouveau modèle, un système national dans lequel dialoguent les représentants des travailleurs et les représentants du patronat, afin de conclure des conventions collectives de travail.

    Il s’agirait de créer différentes commissions paritaires. Chaque secteur d’activité aurait sa commission paritaire : la métallurgie, les chantiers navals, l’agriculture etc. Les conventions collectives conclues par ces commissions paritaires établiraient des normes pour le secteur : salaire minimum, conditions d’hygiène et de sécurité, durée de travail… Bien entendu, la loi établirait une protection minimale, mais il reviendrait aux commissions paritaires de mettre en place les modalités plus précises. Une commission paritaire interprofessionnelle devra également être installée, au niveau national.

    Comment seront composées les commissions paritaires ? En instaurant des élections sociales ! Celles-ci permettront aux travailleurs de voter pour les candidats des différentes Organisations représentatives, c’est-à-dire les syndicats. De même pour les membres du patronat, qui éliront leurs représentants.

    Tout cela devra aller de pair avec une loi générale établissant les conditions minimales de protection des travailleurs. La réforme institutionnelle sera également l’occasion de reconnaître constitutionnellement les syndicats, la concertation sociale et le droit de grève. Avoir des organisations représentatives des travailleurs et du patronat permettra également aux autorités politiques d’avoir un contact direct avec les interlocuteurs sociaux.

    Par ces nouveautés, nous assurerons de meilleures conditions de travail aux travailleurs tant en ce qui concerne le salaire et la durée de travail que la sécurité et l’hygiène. »


C’était un programme rafraîchissant ! Il s’agissait, pour la première fois dans l’histoire de la République, d’enlever la mainmise toute puissante du patronat. Il ne s’agissait pas de cogérer l’entreprise… L’entrepreneur en conserverait la gestion. Mais, si le Pacte Social voyait le jour, la concertation serait obligatoire et, sur des points importants, le compromis serait nécessaire entre travailleurs et patrons. C’était également une façon d’assurer une certaine paix sociale en favorisant le dialogue.

    « La solidarité impose de nous entraider. Par une redistribution juste des revenus, la collectivité pourra venir en aide aux plus démunis par un système d’allocations : pour les personnes sans-emploi, les familles, les personnages âgées.

    Les soins de santé sont encore trop souvent un luxe. Nous devons instaurer une assurance publique obligatoire. De la sorte, chaque individu aura accès aisément aux soins de santé et pourra voir une partie importante de ses frais médicaux remboursés par un office national d’assurance maladie-invalidité. Accroître la santé de tous et de chacun, c’est assurer la bonne santé des travailleurs, et donc de notre économie. »


Quel candidat à la chancellerie avait jamais proposé un programme si ambitieux en matière sociale ? La guerre était une éventualité… Si elle survenait, la misère se répandrait comme une traînée de poudre… L’Etat devait intervenir.

    « La question que vous auriez pu poser, madame Kira, ou plutôt la question que vous auriez poser, est celle-ci : comment financer tous ces projets ? Je vais présenter mes propositions en plusieurs étapes.

    Tout d’abord, en ce qui concerne les services de Sécurité sociale, ceux-ci devront être alimentés par des cotisations sociales, versées par les salariés et les employeurs pour une part plus importante. Ces cotisations serviront à couvrir les risques de la vie : famille, chômage, maladie… L’assurance maladie viendra augmenter les montants disponibles. Tout cela permettra de financer la Sécurité sociale. Je ne peux assurer que le financement intégral de celle-ci reposera sur les seules cotisations mais il reviendra au Ministère des Finances de présenter un projet à l’équilibre, contrôlé par la Cour des Comptes. »


Valerion but un peu de l’eau qui subsistait dans son verre. L’explication de son programme prenait un certain temps, mais il fallait agir avec pédagogie. Il voulait que les spectateurs comprennent et s’assimilent son projet. Le Pacte Social qu’il présentait n’était pas une lubie ou une utopie… Ces mesures, certaines entités fédérées les avaient déjà adoptées. La République de la solidarité pouvait voir le jour. La tâche serait ardue mais c’était cette difficulté qui faisait la beauté du projet ! Valerion rêvait de la chancellerie, pas seulement pour satisfaire une ambition personnelle mais surtout pour changer concrètement les choses.

    « Une seconde source de financement proviendra des effets de la Réforme institutionnelle que mon groupe politique propose. Transférer certaines compétences aux entités fédérées libèrera automatiquement des centaines de millions de crédits, disponibles pour d’autres politiques. Ces réformes structurelles permettront de concentrer les moyens fédéraux vers les matières réservées au fédéral.

    De même, une fiscalité plus juste est possible. L’impôt doit être progressif ! Il est logique que les personnes gagnant énormément de crédits contribuent plus que ceux dont les moyens sont plus réduits. De la sorte, nous augmenterons les recettes de l’Etat sans pénaliser les personnes les plus vulnérables. Une réflexion quant à un impôt sur les transactions financières devra être menée, l’Etat pourra trouver là une source de revenus non négligeable.

    Enfin, il existe aussi la possibilité de nationaliser de grandes entreprises. Cette hypothèse ne m’emballe guère et c’est une solution que je réserve en cas de réelle nécessité pour l’Etat de trouver des recettes supplémentaires. Quoi qu’il en soit, les entreprises devenues publiques assureront alors à la République de nouveaux moyens pour ses politiques. En matière bancaire, nous devons envisager d’éventuelles nationalisations. »


Valerion Scalia avait présenté son Pacte Social. Il devait admettre qu’il en tirait une certaine fierté. Il était sincère sur toutes ses propositions et croyait réellement en celles-ci. En cet instant, plus que jamais, il espérait que le Sénat lui accorde sa confiance. La guerre représentant un horizon sombre, Valerion voulait contre-attaquer par l’Espoir de jours heureux.

    « C’est un beau projet, madame, que celui-là ! Plein d’espérance et de confiance dans le changement que les êtres humains peuvent créer. Quel totalitarisme voyez-vous derrière ces propositions concrètes ? Rien de vague dans mon projet. La Solidarité, l’Egalité, voilà ce qui se cache derrière mon programme.

    J’ai exposé la vision que je propose pour notre République, notre Nation. Quelle est la vôtre ? Nous l’ignorons. Devant les difficultés qui s’annoncent, votre conservatisme n’offrira aucune réponse constructive. Je propose une voie trop longtemps délaissée, une piste trop souvent écartée : celle du changement, ce moment où la Nation évolue, progresse et grandit vers l’idéal du bien commun.

    Solidarité, Egalité, Justice! Telle sera la nouvelle devise de notre belle République si je suis élu! »


Le sénateur d’Artorias avait prononcé ces paroles avec une sincère émotion. La présentation de ses idées l’avait mû d’une énergie brillante, solaire. Dans sa voix transparaissait tout son espoir et ses idéaux, ses yeux pétillaient de lucidité et son âme se dressait vers les cieux, instant de miracle où l’éloquence vous fait dieu.



Spoiler:
Emalia Kira
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Plus le temps passait, moins Emalia parvenait à maîtriser son agacement. Son visage gardait sa gravure élégante sur marbre blanc, mais intérieurement, son sang bouillonnait furieusement. Elle s’était pourtant attendue à ce que la joute soit difficile, et elle avait longuement préparé ses arguments pour tenir la route aussi bien que son interlocuteur. Mais l’exercice durait maintenant dans la longueur, et il fallait qu’elle parvienne à rester calme… Malgré son cruel essoufflement. Mais elle espérait qu’il en était de même pour Valerion Scalia, son adversaire. Maintenant qu’ils ne leur restaient chacun plus que quelques cartes, il allait falloir être doublement vigilant : la moindre petite erreur pouvait disqualifier l’un des deux candidats. Ce constat en tête, Emalia parvient à conserver son calme apparent, et à écouter son interlocuteur en se composant un visage tantôt effaré, tantôt hautain.

- Non, répondit-elle sèchement. Je n’ai pas dit que ceux qui étaient derrière vous étaient dans l’émotion. Et non, je n’ai pas dit que je souhaitais continuer le programme du Chancelier Arnor. Encore une fois, vous me prêtez des propos qui ne sont pas les miens.

Emalia fronçait les sourcils : Valerion menait-il ainsi toutes ses négociations ? Oserait-il parler de cette façon à l’Impératrice Ynnitach, et si oui, cela ne déclencherait-il pas inévitablement les hostilités ? Un instant, la souveraine fut tentée de penser que la stratégie de son adversaire était peut-être plus payante que la sienne… Mais il était trop tard pour changer de cap. Elle finirait bien par savoir, dans moins d’une heure, si elle avait ou non choisi les bonnes méthodes.

- Et non, je n’ai pas peur. Vous savez, Sénateur Scalia, comme vous, j’ai été fort ébranlée d’apprendre l’avènement de ce nouvel Empire Sith, et oui, j’ai été effarée, effrayée même à l’époque, de constater qu’Ondéron était vouée à être dominée par les Sith. Mais si je n’avais pas surmonté cette peur, cher ami, je serais encore sur ma planète, à pleurnicher sur mon sort. Or, ce n’est pas le cas. Ces évènements ont été un choc pour moi, un choc qui m’a fait réaliser que la République était en danger, et que je faisais partie des êtres ayant assez de courage pour reprendre les rênes du navire sans céder aux passions et aux magouilles de la haute sphère politique. Si j’avais peur, Sénateur, je ne serai pas devant vous, ce soir, à proposer d’aller au-devant de cet Empire afin de renégocier avec lui les termes de la paix qui a été instaurée, afin qu’elle soit plus juste. Non. Si j’avais peur, Sénateur… Je serais certainement comme vous : je prônerais les armes, la violence, j’hurlerais de terreur en demandant que toutes nos ressources soient englouties dans un combat pour repousser l’Empire !

Emalia avait étréci ses yeux en toisant son adversaire, l’air de clamer : poule mouillée, va !
Et il le méritait bien, songea-t-elle : c’était elle qui l’avait accusé d’être dans l’émotion en gardant un calme parfait, et il osait reprendre son argument en le retournant contre elle ? Il accusait alors son propre style, l’imbécile !

- Bien sûr que non, le sort d’Artorias tel que le traité le prévoit ne vous convient pas. Dans trente ans ! Vous ne me ferez pas croire que pareil laps de temps est négligeable dans une vie, alors même que la façon dont Artorias a été prise fait figure d’expulsion en bonne et due forme de votre planète natale. Par ailleurs, je n’ai jamais dit que la zone neutre serait composée de mondes républicains actuels : j’ai bien l’intention, figurez-vous, que l’Empire rétrocède certains des territoires qu’il a volé !

Et elle avait déjà ses petits projets pour faire accepter cela à l’Impératrice. Mais cela resterait sa botte secrète, si elle arrivait à se faire élire.
Encore une fois, Emalia avait la sensation que Valerion utilisait contre elle les mêmes arguments qu’elle avait formulés à son encontre. A quoi jouait-il, au juste ?

- C’est justement parce que je pense à l’intérêt général, et pas seulement au combat contre l’Empire, que je trouve inconscient d’utiliser toutes nos ressources pour le seul versant militaire de la République. C’est justement parce que la République ne se résume pas à votre combat contre l’Empire que j’ai développé un programme social et culturel. Car c’est l’éducation qu’il nous faut développer, l’égalité des chances, la condition de la femme, peu importe les espèces, encore mise à mal sur des mondes tels que Ryloth. Il y a tant à redresser à l’intérieur de notre République, Sénateur, et vous ne pensez qu’à votre fichue guerre !


Sous la table, Emalia serra ses mains tremblantes. Elle s’était promis d’être calme, elle devait le rester. Mais ce ton condescendant à l’égard de son histoire, ce mépris évident digne d’un prétentieux donneur de leçons… Non, non, il fallait à tout prix rester calme. Encore quelques toutes petites minutes…
Emalia respira reposa ses mains sur la table, délicatement. Elle croisa les jambes, soutint le regard de son adversaire, avant de se tourner vers le présentateur en prenant une inspiration. Elle retrouva en l’espace d’une seconde ses yeux malicieux.

- Oui, Sénateur, nous vous avons bien entendu. Vous l’avez dit et redit, que vous êtes un militaire. Le rôle d’un officier militaire, d’ailleurs, est de commander une armée. Vous êtes certainement brillant dans ce rôle, je n’en doute pas. Néanmoins, un gouvernement n’est pas une armée. Sa finalité n’est pas de combattre. J’ai confiance en l’actuelle armée de la République pour repousser l’ennemi le jour venu. J’ai confiance en notre armée pour nous défendre, pour être forte, pour être puissante aussi. Mais le rôle de l’armée n’est pas ici, Sénateur, pas au Sénat. Au sein de la Rotonde, ce sont des diplomates, dont nous avons besoin. Des personnes qui savent communiquer se-rei-ne-ment les uns avec les autres, sans agressivité aucune, sans insulte, de manière à fournir des débats constructifs qui servent à prendre des décisions importantes… Mais pas seulement militaire.


La voix de la reine était redevenue douce, soyeuse. Elle avait repris le ton employé au tout début du Sénat, teinté de cette petite compassion à l’égard du pauvre homme perdu que Valerion Scalia représentait pour elle. Oui, il devait être brillant dans son domaine… Mais l’on n’était pas à l’armée, ici. Il s’adressait à elle comme un autre militaire, et en ferait certainement de même avec ses collaborateurs si jamais il devenait Chancelier. Les civils ne s’habitueraient jamais à pareil commandement, mais comment le faire comprendre aux spectateurs ?

- Plaisantez-vous, Sénateur, lorsque vous dites que je refuse d’évoquer la question sociale ? Je n’ai pas dit que mon ascendance ne m’avait pas aidée à devenir Sénatrice. En revanche, cela fait la troisième fois que je vais devoir vous expliquer : mon programme contient un volet social qui s’occupera principalement de rétablir l’é-ga-li-té-des-chan-ces dans l’éducation. C’est-à-dire, que toute personne, de n’importe quelle espèce, et de n’importe quel sexe, et de n’importe classe sociale, puisse accéder à une école, puis à une université qui lui permettra d’atteindre les postes les plus importants dans tous les domaines : scientifiques, politiques, juridiques, entrepreneuriaux… Vous comprenez ? J’ai pointé plusieurs fois du doigt ce problème dans la République : l’officier qui réussit, dans l’armée, est celui de naissance noble… De même que la Sénatrice dans le monde politique. Vous et moi sommes issus de ce même problème. Vous avez beau dire que vous vous êtes hissés, seul, au poste que vous avez aujourd’hui… Mais nous savons tous très bien que l’armée aussi, malheureusement, a ses passe-droits. N’importe quel officier aurait intérêt à promouvoir l’élève descendant d’une famille noble. Vous savez aussi bien que moi que même dans l’armée, les personnes ne débutent pas à égalité.


Bien sûr, tout cela frôlait encore la question de la corruption. Mais elle existait partout, à tous les niveaux. Cela au moins, la reine en était certaine. Et cet individu-là ne pouvait pas avoir tout à fait les mains propres, elle ne pouvait y croire. D’ailleurs, elle ne serait certainement pas la seule.

- « Tâchez de vous assumer » ?
répéta-t-elle, un bref instant éberluée. « Tâchez d’être cohérente » ? Est-ce ainsi que vous vous adresserez à vos collaborateurs si vous êtes élu, Sénateur ?

Si manières il lui avait été inculquées, manières il semblait avoir oublié ! Mais elle se ferait fort de les lui rappeler…

- La condescendance dont vous faites preuve à mon égard présentement reflète bien votre façon de penser, mais aussi de diriger, Sénateur Scalia. Vous ne pouvez vous empêcher d’insulter, de donner des leçons avec toute l’amertume, le mépris et la supériorité qui vous animent. Mais surtout, cela montre encore une fois que vous êtes incapable de vous maîtriser. Et quelle leçon d’union osez-vous me servir, quand je tends la main à vos projets, à la Ligue des Mondes Périphériques malgré nos mésententes ? Alors qu’en insultant, vous ne parviendrez qu’à diviser la République, vous le savez aussi bien que moi. Et quelle leçon juridique pensez-vous me donner, quand vous savez pertinemment que le traité actuel est déjà appliqué à l’international, et que le briser reviendrait à engendrer la guerre, celle-là même que le Sénat a souhaité ne pas voir ? Ainsi, c’est en manipulant le droit que vous parviendrez à vos fins, Sénateur Scalia ? Vous accepterez les idées du Sénat, mais ferez aboutir les idées inverses, celles qui comptent pour vous uniquement ou pour votre seul parti ? Est-ce ainsi que vous concevez la politique, Sénateur ? Vous usez de mots techniques pour rassurer l’auditoire, mais vous vous dévoilez lorsque vous le faites : vous entendez réellement tordre le droit afin de faire ce qui vous arrange !

Emalia fulminait, ses poings serrés faisant blanchir les articulations sur ses doigts, si du moins ceux-ci pouvaient être encore plus pâles qu’ils ne l’étaient déjà. Sa voix pourtant était restée ferme, mais au prix d’un gros effort de maîtrise de soi. D’ailleurs ses joues avaient rosi, et elle se félicita de sa tenue, qui ne permettait pas de remarquer qu’elle transpirait abondamment.

En plus, bien sûr, il l’attaquait de nouveau sur l’expérience. Si elle voulait ne pas laisser croire qu’il avait raison, il fallait pourtant bien répondre à ses accusations.

- Je suis loin d’être aussi idiote que vous le laissez entendre avec votre perpétuelle condescendance, Sénateur, reprit-elle froidement. Mais il est vrai que je suis moins expérimentée que vous. La raison en est que vous êtes de dix ans mon aîné. Je compte d’ailleurs bien m’entourer de personnes de votre âge pour me conseiller dans mes fonctions. Car contrairement à vous, je sais collaborer dans l’entente, dans le respect des idées, car je crois en la force de la diversité et de l’union. Mais ceci n’est pas du « commandement », Sénateur. Il s’agit de gouvernance bien plus que de se faire obéir au doigt et à l’œil. Il s’agit de coopération plus que de hiérarchie… Ce sont des modes de gestion qui sont encore peu utilisées par votre génération, je l’admets. Pourtant, il vous faudra bientôt vous mettre à la page : les citoyens n’accepteront plus longtemps d’obéir sans réfléchir, comme si un Chancelier avait la science infuse. Croire que cela est possible alors que nous pourrions utiliser les ressources intellectuelles variées pour une meilleure rationalité revient à nous condamner d’avance. Mais ça, Sénateur, je ne suis même pas certaine que vous puissiez le concevoir.

Décidément, leur langue à tous deux était devenue venimeuse. Emalia tâchait pourtant de se garder de le traiter de tous les noms d’oiseaux, ce qui aurait eu pour effet de la décrédibiliser. Est-ce que ses injures, à lui, le mettraient hors course ? Encore une fois, c’était un pari qu’elle avait décidé de tenir, et il était trop tard pour revenir là-dessus. Il allait falloir tenir ainsi jusqu’au bout. Cette nuit, elle pourrait en tirer les conclusions.

Pendant que l’adversaire lisait son programme, Emalia rongeait son frein. Comment ça, elle n’exposait pas ses propositions ? Elle avait parlé de sa zone neutre, de sa branche sur l’éducation et de son désir de renégocier le traité. Si elle en répétait encore les détails, comme lui s’y attachait, n’allait-elle pas tout simplement lasser leurs auditeurs ?

Mais elle comprit peu à peu que le temps s’était écoulé vite tandis que les deux adversaires s’affrontaient, et que les prochaines minutes devant elle étaient peut-être les dernières pour se défendre et faire bonne impression. Elle n’avait donc qu’à rétorquer avec son propre programme…

- Je n’adhère pas à vos idées, Sénateur, vous le savez. Transférer des compétences à des entités fédérées sans leur en transférer les crédits qui accompagnent ces missions obligera ces entités à lever de nouveaux impôts, vous y songez aussi bien que moi. Et où les trouveront-ils, alors que les entreprises fuient en masse vers les espaces neutres et l’espace Hutt ? Ils trouveront ces crédits dans la poche des individus ! Belle nouvelle, pour quelqu’un qui se veut être un messie de la politique ! Mon programme, de mon côté, prévoit pourtant lui aussi la création de telles entités, avec une déconcentration des pouvoirs du gouvernement républicain. Pourtant, ils seront accompagnés des crédits : vous savez, ces fameux crédits que vous comptez allouer à vos projets militaires. En outre, nationaliser les grandes entreprises vous rapportera certes une temporaire rentrée d’argent… Mais cette recette, en entreprise, est réinvestie pour que l’entreprise devienne plus compétitive. Si vous engloutissez ces recettes dans les dépenses de l’Etat, alors ces grandes entreprises ne pourront plus suivre au bout de quelques années et ne seront plus rentables. En plus d’avoir dépouillé de grands entrepreneurs qui auraient pu être un soutien à l’Etat, vous aurez ajouté une charge à l’Etat en lui donnant à faire vivre un métier qui n’est pas le sien. Peu importe la façon dont on prend vos propositions, l’on retombe toujours sur le principal problème de votre programme, que vous pointez vous-même : il n’est financièrement pas réalisable. Vous allez lancer des projets pour ne jamais les voir aboutir, fautes de crédits. Vous allez sacrifier l’avenir à long terme de la République pour faire votre coup d’éclat à court terme... Mais assez parlé de vous.

Elle lui adressa un sourire aimable, quoiqu’un peu forcé.

- Le temps m’est compté, aussi vais-je reprendre points par points mon programme, chers spectateurs. Premier point : j’irai conduire des négociations auprès de l’Empire Sith pour d’une part renégocier le traité de paix : les torts faits à Artorias et autres mondes devront être réparés, et une zone neutre sera créée afin d’envisager des relations moins conflictuelles avec l’Empire. Cette zone neutre ne sera pas constituée de mondes Républicains actuels : ce qui appartient à la République reste républicain, il n’est pas question de céder sur cette question. Tous les Sith seront évacués de Byss au plus vite, il n’est pas normal qu’ils soient encore sur ce territoire. L’Armée, les Jedi, la LMP… Je ferai en sorte de nous unir pour être une République forte face à cet Empire agressif, afin que nous dictions nos règles.

Voilà pour le compte de leurs voisins. Deuxième volet.

- Nos moyens économiques seront décentralisés afin de rendre plus indépendants les différentes régions de la galaxie. Ils pourront gérer à un niveau plus local les questions d’ordre industriel, financier et économique, tandis que le Sénat se concentrera sur les questions politiques, militaires, juridiques et internationales. Cela lui permettra d’être plus efficace, en plus de redonner aux planètes des moyens de se gérer elles-mêmes en fonction de leurs besoins.

Voilà pour l’organisation de la République. Ne restait plus que l’aspect social.

- Enfin, je déplore les inégalités, notamment de genre et de races, à l’œuvre dans notre République. Je mettrai un point d’honneur à rendre l’éducation, même supérieure, accessible à tous, via des programmes spécialisés. Un ministère sera voué à la question des droits des individus sans discrimination raciale ou de sexe, et se chargera de régler définitivement de régler les questions des trafics de femmes Twi’lek, pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres.

C’était un peu résumé, mais avait-elle le temps de faire plus que cela ? Non, il lui fallait conclure, on allait bientôt rendre l’antenne…

- En bref, mesdames et messieurs, je suis pour une République ferme, stratégique, et éthique !



Spoiler:
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Spoiler:

Valerion était éreinté. Le sénateur artorien maintenait un masque de calme et de dureté, mais il attendait avec joie l’instant où cet exercice éprouvant et périlleux prendrait fin. A maintes reprises, il avait du se retenir de sauter sur la table pour étrangler Emalia Kira en l’utilisant comme un hochet. Il aurait joyeusement pris les talons de la reine pour les lui ficher dans les orbites, saisissant ensuite sa tête poudrée et l’écrabouillant sur la table jusqu’à ce que le sang recouvre son maquillage putassier. Cela aurait pu être une scène d’un film d’Onitnarat. Il avait du se contenter de mimiques désapprobatrices, de soupirs de dépit et d’yeux levés au ciel.

Sincèrement, il avait cru qu’Emalia Kira aborderait le contenu de son programme. Sa prise de parole finale n’avait même pas servi à cela. Elle se contentait de débiter des injures à son égard. Oh, il n’avait pas lui-même manqué d’agressivité ! Mais, finalement, sa stratégie s’était montrée payante : en étant agressif au départ, en maintenant ensuite la discussion sur ses propositions, la Reine d’Onderon n’avait rien détaillé de son programme et s’était contentée d’agressions terminales, dernières convulsions d’une aristocrate hautaine ou premiers vagissements d’un nouveau Chef d’Etat. Qu’importe, la sénatrice cédait aux émotions dont elle l’avait accusé.

Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il lui restait peu de temps, il allait devoir être concis. Bientôt, les sénateurs décideraient de son sort, l’élevant au sommet de la Nation ou le maintenant dans la fange sénatoriale. A cette heure, Valerion n’osait imaginer une éventuelle défaite. Il s’était battu avec ténacité, acharnement, cherchant dans ses tripes et ses idéaux toute l’énergie nécessaire à la lutte. Lui, qui, quelques mois plus tôt, ne pouvait même pas rêver de la chancellerie, ne pouvait imaginer le futur sans elle. Il y avait l’ambition personnelle, bien sûr, mais pas seulement. Sa réforme institutionnelle, son pacte social… c’étaient là des promesses d’un changement certain. Gouverner l’Etat, ce n’était pas que répondre aux Sith. Un projet pour l’avenir devait conduire la Nation.

Une dernière fois, il allait prendre la parole. Jamais son cœur n’avait aussi vite battu, mais jamais son esprit n’avait été plus clair.

    « Par le mensonge, la calomnie, le mépris, vous entendez devenir Chancelière. Vous pariez sur la bêtise. Par un programme construit et cohérent, j’ai parié sur l’intelligence des Citoyens et des Sénateurs. »


Il en avait assez entendu. Il n’allait pas reprendre chaque point pour le démonter, lentement et précisément. Il l’avait déjà fait. Emalia Kira n’avait peut-être pas d’autres arguments que ceux qu’elle avait déjà énumérés, mais Valerion refusait de sombrer également dans cet abysse. Il fallait détruire le faux programme de l'Onderonienne.

    « Vous proposez de renégocier le traité, en refusant des moyens supplémentaires à notre Armée mise à mal.

    Vous parlez de votre courage alors que vous ignorez tout des Sith, de leurs méthodes et capacités.

    Vous m’accusez de vouloir déclencher une guerre, lorsque, [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien], j’ai proposé une renégociation du traité !

    Vous prônez une zone neutre, formée seulement par l’Empire. Pourtant vous refusez la dissuasion militaire, sans laquelle les Sith vous riront au nez. Vous ne serez pas confrontée à des courtisans, dame Kira, mais aux ennemis héréditaires des Jedi. Ayant refusé d’augmenter les moyens de notre Armée, l’Empire ne vous craindra pas et rejettera vos termes. L’Impératrice Ynnitatch n’hésitera pas à entrer en guerre, lançant un conflit que la République ne pourra assumer pour une seule et simple raison que vous vous obstinez à ne pas comprendre : vous aurez empêché l’augmentation du budget militaire. »


Il avait marqué ces derniers mots d’une diction sèche, brutale. Les contradictions de la Reine d’Onderon devaient être soulignées.

    « Vous soutenez l’enseignement, l’égalité des chances. Belles paroles inlassablement répétées, ne se fondant sur rien. Votre programme est vide de propositions concrètes. Comment améliorer l’enseignement ? Pourquoi le conserver au niveau fédéral ? Comment favoriser l’égalité ? Vous ne répondez pas. J’ai présenté mon Pacte Social.

    Vous méprisez l’armée, ainsi que les services que j’ai rendus à la République sous ses drapeaux. L’Armée n’a, certes, rien à faire dans la Rotonde. Mais comment osez-vous parler du Sénat, madame ? »


Le dédain le plus sublime jaillissait de la bouche de l’Artorien.

    « Une institution que vous n’avez jamais fréquentée, dans laquelle vous n’avez jamais travaillé. Le vide de votre programme n’a pour équivalent que le néant de votre expérience. Vous occupez un siège pour lequel nul citoyen ne vous a élu. Vous avez été nommée par le gouvernement d’Onderon, planète sur laquelle vous régnez ! Ce sont là des faits, madame, aussi vrais et constatables que mes trois d'années d'expérience sénatoriale, guidées par le compromis et l'écoute de mes collègues. Ce n’est pas votre jeunesse que je mets en cause, mais votre népotisme.

    Artorias n’était même pas membre de la République lorsque j’ai rejoint Carida, juste une petite planète éloignée de tout. Alors, madame, cessez vos calomnies quant à ma carrière militaire. Ne me recouvrez pas de la boue dans laquelle vous vous roulez. Je méprise vos minables insinuations, ou devrais-je dire : in-si-nu-a-tions. »


Ce dernier mot, Valerion l’avait prononcé en imitant le ton pédant de l’Onderonienne, cherchant le rire facile des spectateurs épuisés. Par deux fois, elle avait cru intelligent de hacher ses mots, une technique efficace la première fois, risible ensuite. S’en moquer, tel avait été le parti de Valerion.

    « Evidemment, vous pointez du doigt les affreuses nationalisations que j’ai présentées comme ultime recours. Vous parlez de « chancelier à la science infuse » lorsque je propose le renforcement du Sénat, vous voyez, cet organe législatif qui vous intéresse si peu que déjà vous souhaitez l’abandonner pour la Chancellerie. Vous ne pouvez m’accuser sérieusement de totalitarisme, lorsque ma Réforme Institutionnelle propose l’élection directe des sénateurs, de façon à éviter les situations comme la vôtre : l’obtention d’un poste sénatorial sans consultation populaire. Des élections sénatoriales renforceront l’institution, de même que l’élection directe du Chancelier Suprême aboutira à une démocratisation de la chancellerie. Si ce soir vous êtes élue chancelière, madame, ce sera une défaite cinglante pour la démocratie : vous occuperez le sommet de l'Etat sans avoir jamais été soumise à un seul vote populaire. Vos accusations de dérive totalitaire sont donc absurdes, il suffit de lire mon programme pour le comprendre. Rendre des compétences aujourd’hui fédérales à nos entités fédérées, c’est aussi une manière de renforcer la démocratie : par une distribution démocratique des pouvoirs à chaque échelon. Renforcer le fédéralisme, c'est renforcer la démocratie.

    Face à cela, vous n’avez qu’une maigre décentralisation à proposer, et celle-ci coûtera cher. Vous allez augmenter le nombre d’entités, ajouter de l’administration… Vous voulez donner des moyens financiers aux secteurs, fort bien. Mais il vous faudra bien compenser quelque part, et vous devrez alors passer par une augmentation d’impôts au niveau national. Tout cela est flou et hasardeux. »


On arrivait à la fin du débat. Bientôt, le présentateur conclurait. Ensuite, viendrait l’instant fatidique : le vote des sénateurs. Dans moins d’une heure, le prochain chancelier serait nommé : Emalia Kira ou Valerion Scalia. En cet instant, l’Artorien avait du mal à contenir son stress. Il se fit violence, pour ne pas céder dans les dernières minutes, parmi les plus importantes de sa vie.

    « Vous criez à la gabegie, concernant les investissements que je souhaite entreprendre dans le domaine militaire. Une analyse sérieuse tord le cou à vos exclamations hystériques. Il ne s’agit pas de dépenser mais d’investir. Nous ferons tourner l’industrie à plein régime, créant ainsi de nombreux emplois nécessaires pour la confection de vaisseaux, d’équipements etc. Ces crédits auront des retombées indirectes : augmentation de la production de nos entreprises, développement des projets de recherches, hausse de l’emploi et, par conséquent, accroissement de nouvelles rentrées en taxes permettant de financer les réformes que j’ai présentées. De même, le renforcement de nos frontières, par la création de postes avancés et le déploiement de nos troupes, aura des retombées économiques favorables pour ces régions trop souvent délaissées. Le programme économique que je présente tient la route.

    Malheureusement, ces réformes, pour reprendre vos termes, je ne suis même pas certain que vous puissiez les concevoir. Le mépris et la soif de pouvoir, dame Kira, c’est tout ce qui vous anime.

    Je vous plains. »


Cette phrase était pleine de compassion, feinte évidemment. Il fallait en finir.

    « Injures et calomnies sont vos méthodes. J’avais cru pouvoir m’entretenir avec vous du fond de nos propositions. Malheureusement, votre programme n’est que l’emballage d’un cadeau imaginaire. Vous avez préféré instrumentaliser le décès de mon épouse, la mort de nombre d’Artoriens, le sort des Onderoniens, mon programme de dissuasion militaire.

    Je ne vous ai pas insultée, pas plus diffamée. Je n’ai eu qu’une obsession : convaincre les Citoyens de la force de mon programme et présenter la véritable Emalia Kira, non les atours charmants dont vous vous êtes accoutrés. Vous ne proposez que des modifications à la marge, madame. Voilà pourquoi vous êtes la continuatrice de la mauvaise politique du Chancelier Arnor : semblable à lui, vous utilisez de belles formules entourant de jolies idées. Mais rien qui ne change notre société, rien qui n’améliore notre République ! J’entends réformer, car l’avenir ne peut se satisfaire de vos méthodes éculées, de vos mantras cent fois ressassés.

    Le courage de la Vérité, voilà la véritable audace dont doit faire preuve l’homme ou la femme dévoué à la politique. C’est ce que j’offre aux Citoyens et que vous foulez aux pieds : mon dévouement, la vérité.

    Vous avez longtemps critiqué mes propositions, rarement expliquer les vôtres. Alors, vous permettrez que je m’adresse maintenant à ceux qui attendent du concret. »


Valerion Scalia se tourna vers la caméra, solennel. Il terminerait comme il avait commencé : en donnant de lui l’image crédible d’un homme d’Etat.

    « Citoyens, citoyennes. A l’heure où vous m’écoutez, nos hommes se battent pour défendre notre Liberté sur Byss. Nous ne pouvons céder à la panique, nous soumettre à la peur.

    Si le Sénat me fait l’honneur de m'accorder sa confiance, j’exigerai le départ des Sith de Byss. Je ne peux pas vous promettre qu’il n’y aura plus de morts, plus de blessés. La vérité, l’âpre vérité. Mais toute mon énergie sera mise au service de la renégociation du traité. Chacun de mes gestes aura pour but d’épargner les souffrances que j’ai connues aux Citoyens de notre République. En augmentant les moyens alloués à nos forces militaires, nous dissuaderons l’Empire de tenter une folie contre nous. La Dissuasion Militaire pour assurer un traité ferme avec l’Empire, mais juste pour notre République !

    Cependant, notre société ne peut plus reposer sur le sacrifice et le courage des plus faibles, de ceux qui n’ont rien ou si peu. Le Pacte Social n’est pas une nouvelle source de dépenses : il est le signal d’une société nouvelle, empreinte de Justice, refusant la loi du plus fort! Dans la nuit de la misère et de l’asservissement, nous pouvons faire briller la lumière de la Solidarité. Il ne s’agit pas de ralentir nos entreprises, de condamner la richesse. Il est question d’être ferme : non à l’indigence, non au dénuement, vive la juste redistribution des revenus, vive les soins de santé pour tous !

    Enfin, la Réforme Institutionnelle que je soutiens consolidera notre fédéralisme. Nous disposerons d’institutions capables de faire face à l’imprévu, de répondre aux crises, grâce à des structures nationales plus tangibles, plus stables, plus fermes. Mais, car les institutions ne sont que des organes au service des Citoyens, celles-ci seront plus démocratiques, rapprochées du Citoyen et intéressées des seuls enjeux nationaux, afin que notre République soit plus juste qu’elle ne l’est aujourd’hui.

    Ensemble, unis et solidaires, nous pouvons affronter les défis qui nous attendent, si nous faisons preuve de Fermeté et Justice. »


Le slogan avait retenti dans la pièce. Valerion aurait pu toucher ses idéaux tant, en cet instant, ils lui semblaient matérialisables et beaux. Quelque part, dans cette Coruscant ténébreuse, Agathe l’aimait.

    « L’avenir est sombre, obscur. Mais nous pouvons se faire lever le soleil, chers amis, pour qu’une aube brillante nous éclaire et nous donne, enfin, un nouvel espoir ! »


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- MESDAMES ET MESSIEURS LE TEMPS EST ECOULE ! Le vote aura lieu d’ici quelques minutes à peine aussi allons-nous libérer la Sénatrice Kira et le Sénateur Scalia afin qu’ils puissent prendre part aux scrutins. Merci à vous et merci à VOUS holospectateurs de nous regarder ce soir. RESTEZ AVEC NOUS ! Dans quelques instants l’analyse de l’expert en politique Monsieur Karadjakis…

Les deux Sénateurs s’esquivent pour que l’émission se poursuive. Enfin, ils ne sont plus sous le feu des projecteurs. Mais ils n’ont guère le temps de bavarder. Des gardes du Sénat les escortent prestement vers la Rotonde où se tiendra finalement le vote. Bien sûr, ils ne peuvent s’empêcher d’écouter les commentaires qu’ils entendent ça et là.
Or, il paraît que le calme de la Reine d’Ondéron a plus fait mouche que la sévérité de l’Artorien… Mais ce dernier n’est pas trop inquiet : à la sortie de l’émission, il reçoit une petite missive du Maître Jedi Vorkosigan, qui l’informe que les évènements sur Byss se sont envenimés, au point certainement d’influencer le vote en sa faveur ce soir…

Emalia Kira remporte la joute.

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