C'était pour le Twi'lek une agréable sensation de se sentir enfin libre après de si longs mois enfermé dans une pièce de quelques mètres carrés seulement, sans la possibilité de voir la lumière du jour à sa guise. La captivité n'était pas plus faite pour les hommes que pour les bêtes, mais au fond de lui, le Seigneur Sith savait qu'il pouvait remercier les Jedi pour celle-ci et tout ce qu'elle lui avait apporté.

" Merci pour le séjour, offrez mes bons sentiments à Maître Don. "

Voilà ce qu'il avait dit à ses geôliers lors de sa libération et aussi étrange que cela pouvait paraître, il n'y avait aucune réelle rancœur dans ces mots, ni même la moindre moquerie. Après tout, les Jedi n'avaient ils pas aidés à ce qu'il retrouve Lloyd ? N'avaient ils pas aidés à ce qu'il soit avec lui en tête à tête et qu'il l'écoute malgré ses doutes ? Darth Laduim était certain que jamais dans d'autres circonstances il n'aurait pu parler avec une telle liberté avec son futur apprenti et lui faire entrevoir tout ce qu'il lui devait et les projets qu'il avait pour lui sans véritablement entrer dans les détails, les oreilles Jedi étant un peu trop proche pour ce genre de confidences.

Alors qu'il venait tout juste de mettre un pied en dehors de sa prison, le Seigneur Sith avait deux objectifs distincts et pour les accomplir, il devait se mettre en contact avec quelques unes de ses petites mains au plus vite ! Par chance la Felacatian qui s'était entichée de sa personne lorsqu'elle avait apprit ses objectifs avec Lloyd était toujours bien renseignée et l'attendait avec son propre vaisseau prêt à décoller vers ce jeune homme dont elle avait la surveillance exclusive. Les premières questions de Darth Laduim quand à cet empressement furent rapidement comblées par la verbe de la féline, qui lui fit part d'un imprévu de taille quand à la surveillance du jeune Hapien. Un imprévu de taille ? La question n'eut véritablement le temps d'être posé que déjà la belle expliquait que le jeune homme se serait vu confronté à plus fort que lui, peu après leur entrevue. Sans le moindre moyen de lui venir en aide, la Felacitian s'était contenté de suivre avec suffisamment de discrétion son ravisseur afin de ne pas perdre sa trace.

Les premières descriptions de l'inconnu ne mirent pas réellement sur la voie Darth Laduim, mais au furent et à mesure qu'ils se rapprochaient, les doutes devinrent des certitudes. Darth Deavas, il avait découvert l’existence de Lloyd, il avait découvert que le Seigneur Sith avait empêché ses hommes de le réduire au silence... La panique aurait facilement pu emporter le Twi'lek qui imaginait sans mal la fureur qui devait en cet instant agiter l'esprit de son Maître, mais il se devait de rester calme, de se maîtriser comme celui-ci le lui avait apprit. Au fond de lui Darth Laduim savait que la vie du jeune homme était plus en danger qu'elle ne l'avait jamais été auparavant, mais il n'y avait rien qu'il pouvait y faire, si ce n'était continuer de faire ressentir sa présence au travers de la force à Lloyd ? Un espoir futile auquel le jeune homme était peut être entrain de s’accrocher, à moins qu'il ne maudisse cette présence puisque Darth Laduim était la cause de tout ce qu'il était entrain de lui arriver...

Nul doute qu'il était au courant de cela, son maître lui ayant sans doute clairement fait comprendre les raisons de tout ce qu'il lui arrivait. C’est avec cette idée que le Seigneur Sith bondit hors du vaisseau lorsqu'il s’amarra à la vielle station délabré où son Maître s'était raccroché d'après la Felacatian, Maître qui l'attendait un sourire aux lèvres, son corps masquant celui de Lloyd quelques pas en retrait.

" Seigneur Laduim... Ravi de vous voir sortit de cette prison et prêt à me servir à nouveau... J'ai dors et déjà un travail à vous confier, inutile de vous préciser la teneur de celui_ci je suppose ? "

Quels déboires à la con. Lloyd avait encore peine à croire qu’il avait pu s’échapper de cette fichue station trouée de tous les côtés. Ces putains de soldats n’y allaient pas de main morte quand ils attaquaient. Merde ! C’était de la contrebande quoi, pas du terrorisme Sith ! Finalement, ce connard de militaire lui avait laissé la vie sauve. Il ne savait pas très bien pourquoi, ni même si le type ne l’avait pas tout simplement zappé. Fallait dire, il était un peu seul au monde contre tout le reste de la station… Le salaud avait sûrement pas dû s’en sortir. Etrangement, Lloyd ne s’en sentait pas du tout coupable. Pour une fois, c’étaient les problèmes qui l’avaient trouvé tous seuls, pas lui qui les avait cherchés ! Et puis, il avait d’autres soucis que ça en tête…

La disparition de Mat’ était beaucoup plus longue que prévu. Ils s’étaient séparés pour le boulot. Lui devait faire commerce pour faire voyager quelques armes illégales pour arrondir leurs fins de mois difficiles pendant que Mat’ s’engageait sur un contrat juteux avec la République. A bien y réfléchir, le Hapan ne savait pas comment ils avaient pu être d’accord là-dessus : Mat’ avait proposé, Lloyd avait accepté par fierté, presque pour faire celui qui pouvait très bien survivre tout seul sans problème, qui n’avait besoin de personne. Le gros dur, en somme. Il ne savait pas s’il trompait Mat’ là-dessus, mais Lloyd, lui, ne croyait plus du tout à ce personnage qu’il avait joué.

- Merde Mat’ ! s’écria-t-il un soir en jetant au sol les compresses avec lesquelles avec lesquelles il avait soigné ses petites blessures. J'suis pas fait pour m’en sortir tout seul ! Tu peux pas m’faire ça !

Le Soleil Vert, vide, angoissant, ne lui répondit pas. Il dérivait paresseusement en orbite d’Anzat, qu’il avait rejoint quelques jours auparavant après sa fuite de la station de contrebande. Il s’était hâté pour sortir de la zone Républicaine, mais il était désormais seul. Il se sentait nu comme un ver après les longues heures de silence, à avoir attendu le signal de Mat’.

Si ça tombait, elle ne reviendrait même pas. Elle avait trouvé une nouvelle existence en s’engageant dans l’armée républicaine. Peut-être même qu’un gentil petit bleu l’avait séduite, et elle l’avait oublié. Au bout de combien de temps devait-il considéré qu’il était bel et bien abandonné ? Même Jake était parti filer l’amour sur Ondéron. Il était resté le seul dindon de la farce !
Mais quelque chose dans tout cela sonnait faux : Mat’ avait mis toutes ses économies dans l’achat de ce vaisseau. Elle adorait le Soleil Vert, ça avait été leur premier point commun. Comment pouvait-elle l’abandonner, lui aussi ?

Le comlink avait bipé. Enfin. Lloyd s’était jeté dessus avec fébrilité avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’un message textuel. Il brancha son datapad et se laissa tomber à même le sol de la petite pièce qui servait de salle d’eau dans le Soleil Vert, pour pouvoir lire avec plus de concentration le message. Il était plein de fautes d’orthographe, mais c’était bien Mat’. Lloyd sentit une vague de soulagement l’envahir avant de se rendre compte que malgré ses mots d’amour, elle lui annonçait qu’ils ne se reverraient pas. Elle semblait avoir des problèmes. Il réfléchit à toute vitesse.

Impossible de l’abandonner. Maintenant qu’elle lui disait qu’elle l’aimait ? Jamais il ne renoncerait ! Le Hapan écrit rapidement une courte réponse à Mat’ – combien de temps faudrait-il pour qu’elle lui parvienne ? Si elle était loin, peut-être des heures, en passant par des relais… Il n’était pas prêt d’avoir une réponse. Où aller, en attendant ? Mat’ était-elle dans l’Empire ?

Il sauta sur ses pieds et, son torse nu et mais des bandages barrant ses blessures, il courut jusque dans le cockpit.

Il savait ce qu’il pouvait faire : rejoindre Ondéron. Cette planète qu’il détestait, qui représentait l’échec de sa vie… Peu importait, aujourd’hui, si c’était pour Mat’. Il avait fait ce que les Jedi lui demandaient, ils pourraient bien l’aider s’il alertait le vieux Don que Mat’ avait été enlevée. Et si non, il pourrait aussi alerter Jake qui lui prêterait main forte. Il aimait bien la Twi’lek, lui aussi… Il ferait sûrement quelque chose !

Il sembla à Lloyd que son cœur gonflé d’espoir manqua un battement lorsqu’il se laissa choir dans le siège du pilote. Dans l’espace au-delà du transparacier, un large vaisseau de classe moyenne se dirigeait droit vers lui, deux de ses canons tournés dans un axe qui le mettait en pleine ligne de mire. L’appareil au matricule d’identification inconnu de Lloyd émettait un signal d’alerte, que son ordinateur de bord identifiait comme hostile : on lui demandait de se rendre. Mais c’était qui, bordel ? En tout cas, ça n’avait l’air de rien de bon : il n’était pas en territoire républicain, ici, alors le plus probable était qu’il allait se faire dévaliser et tuer par des pirates s’il les laissait faire…

Lloyd enclencha rapidement les turbopropulseurs pour fuir. Mais à peine les moteurs du Soleil Vert grondèrent que son axe de pilotage dévia de manière anormale. Il comprit rapidement qu’il avait à faire à des rayons tracteurs… Et qu’il était dans la mouise jusqu’au cou. Mais depuis quand les pirates étaient si bien équipés ?

Le Hapan détala vers le fond du vaisseau, fouilla l’un de ses sacs pour y trouver son sabre laser. Il accrocha aussi son blaster à sa ceinture et enfila un pull avant de faire de nouveau demi-tour vers le cockpit, au moment même où une voix retentissait dans la radio :

- Lloyd Hope. Nous sommes nombreux et armés, nous savons que vous êtes seuls. Vos biens et votre vaisseau ne nous intéressent pas. Votre vie, si. Merci de ne pas tenter d’acte héroïque, et vous resterez vivant.

Lloyd sentit sa gorge se nouer et perler à son front une goutte de sueur : le côté obscur, il le sentait… Si proches ! C’étaient des Sith… Nom d’un chien kath, ils l’avaient retrouvé ! Et il n’y avait aucun moyen de se cacher dans le Soleil Vert, du moins aucun moyen durable, car un Sith pourrait sentir sa présence, tôt ou tard, et il serait débusqué. Il ne lui restait donc plus que la solution de coopérer. Ses armes seraient prises et…

Il retourna dissimuler son blaster, son sabre laser, son comlink et son datapad dans une cache qu’il s’était trouvé, dans les tréfonds mécaniques de la zone d’entretien de l’appareil. Au moins, ils ne sauraient rien de Mat’, ruminait-il avec haine. Mais il sentait aussi son cœur se serrer, car il sut qu’il ne pourrait du coup plus recevoir aucune réponse de la part de la Twi’lek…

Quelques minutes plus tard à peine, Lloyd était remonté et s’était placé devant la passerelle, tandis que la vue du cockpit ne donnait plus que sur les entrailles du vaisseau ennemi. Au moment où la passerelle s’ouvrit, forcée par les systèmes de sécurité, dans un minuscule hangar, il sut qu’il ne s’était pas trompé.

- Je suis Darth Daevas. Tu es notre prisonnier, à partir de maintenant, Lloyd Hope. Tu seras avisé de te laisser faire.

***

C’était ainsi qu’avait commencé son étrange détention. Il n’avait pas vu grand-chose de plus de l’intérieur du vaisseau, à part la petite zone où le Soleil Vert avait été amarré et les coursives qui l’avaient conduit dans sa cellule : un banc et une couverture, et un coin toilette. Super. Mêmes les geôles de la République devaient être plus spacieuses et aménagées… Mais en attendant, au moins, c’était propre et il était régulièrement nourri. Il comptait justement les repas pour garder le sens des journées qui s’écoulaient, car il n’avait été informé ni de leur destination, ni du motif de sa détention. Il s’imaginait qu’il serait amené soit sur Korriban, soit sur Dromund Kaas… Mais au bout de quatre jours de voyage, ils n’étaient toujours pas arrivés à destination. Ce n’était pas normal… Allaient-ils plus loin dans l’Empire ? Pour où, dans ce cas ?

Au huitième jour, il remarqua que cela devait faire au moins quarante-huit heures qu’il n’avait pas entendu gronder les propulseurs de l’appareil. Ils ne s’étaient pas non plus posés, ils devaient donc s’être immobilisés quelque part. L’attente n’en parut que plus longue. Ses bandages commençaient à être miteux, et l’une de ses plaies s’étaient infectée sur son flanc. Il passait des nuits fiévreuses pendant que son corps combattait l’infection. Souvent alors, il songeait à Mat’, s’excusait à voix basse d’avoir été intercepté alors qu’il allait venir la chercher.

Et puis, brusquement, un soir, Darth Deavas était revenu. Il avait ordonné qu’on le sorte de sa cellule, et deux types musclés l’avaient pris chacun par un bras pour l’escorter, mains liées, vers l’extérieur du vaisseau.

Aussitôt sur la passerelle, Lloyd fut ébloui par les lumières d’appoint d’une grande allée métallique cerclée de transparacier. L’espace noir tout autour semblait indiquer qu’ils étaient… au milieu de nulle part. Les deux gardes étaient restés au bas de la passerelle lorsqu’ils eurent débarqués. Darth Daevas, imposant et sûr de lui, marcha droit en direction de l’intérieur du complexe spatial. L’un des gardes poussa brusquement Lloyd en avant, qui comprit aussitôt qu’il lui était demandé de suivre son hôte.

C’est alors que, brusquement, tous ses sens se mirent en alerte. Dans la Force, il l’avait senti. Lui ! Celui d’Ondéron ! A cause de la fatigue et de la fièvre, Lloyd sentit son corps trembler sous l’effet d’un frisson. Terreur et colère. Est-ce qu’il n’avait pas dit qu’il voulait le protéger ? Pour l’instant, il avait paumé son vaisseau et son capitaine. Il avait failli crever sur une station de contrebande et on l’avait ensuite laissé pourrir des jours durant, sans lumière dans cette geôle, sans aucune explication.

La silhouette du Twi’lek lui confirma bien vite qu’il ne se trompait pas. Pour autant, il se garda bien d’exprimer quoi que ce soit : le Sith devant lui avait l’air si puissant… Il serait vite écrabouillé s’il froissait l’un ou l’autre de ces personnages monstrueux… Aussi se contenta-t-il d’écouter attentivement l’échange qui débutait entre les deux adeptes du côté obscur.

Il était parfaitement inutile de préciser ce que le Maître du Seigneur Sith attendait de son élève, mais comment aurait il pu s'acquitter de cette tache ? Comment son Maître pouvait il imaginer qu'il allait lui obéir aussi simplement et mettre fin à l’existence du jeune homme, alors qu'il avait déjà fait tout son possible pour garder Lloyd en vie, allant jusqu'à trahir celui qui lui avait sauvé la vie en le prenant sous son aile ? Darth Laduim savait parfaitement ce que Darth Deavas cherchait à faire en l'obligeant à mettre fin à la vie du Hapien, mais cela n'arriverai pas, jamais il ne pourrait ôter cette vie !

Depuis des années le Twi'lek prenait soin de ce jeune homme comme s'il était un fils et voilà qu'à présent, l'être le plus proche de ce qu'il pouvait considérer comme étant son père, lui demandait de mettre fin à sa vie sans la moindre cérémonie. Pourquoi Darth Deavas ne pouvait voir ce que lui avait décelé chez Lloyd ? Ce jeune homme était la perfection incarné ! Il était tout ce que Laduim avait un jour cherché à être sous les ordres de son Maître alors pourquoi celui-ci ne s'en rendait il pas compte ! Faisant quelques pas sur le côté, afin de se rapprocher de son protégé, le Twi'lek jeta un rapide coup d’œil sur le Hapien avant de raccrocher son regard sur son Maître. Le jeune homme était malade pour sur, mais ne semblait pas avoir été maltraité outre mesure ou tout de moins cela avait été très habillement dissimulé si tel était le cas puisqu'il ne voyait aucune des blessures que son Maître aimait à appliquer.

Croyait il vraiment que cela allait lui permettre de marquer des points ? C'était aussi stupide que de croire qu'il se souciait de se racheter à ses yeux pour avoir sauvé Lloyd de ses griffes des années auparavant. Il se rappelait encore de ce tête à tête qu'ils avaient eut au sujet du garçon, de cette discussion enflammée entre eux et voici qu'aujourd'hui la même discussion allait devoir avoir lieu à nouveau...

" Maître, je ne compte pas vous obéir... Comment se peut il que même après toutes ces années, vous ne vous rendez pas compte qu'il est, ce que pendant tout ce temps vous avez cherché à faire de moi ? "

Le regard de Darth Deavas vint se poser sur Lloyd alors qu'un rictus se dessinait sur ses lèvres une pointe de colère venant faire nettement son apparition sur le visage du Clawdite.

" Sottises ! Regarde le, comment pourrait il être qu'un centième de ce que j'ai fait de toi ! La force est faible en lui, il y a même renoncé ! Tu devrais le voir il n'est rien et ne sera jamais rien ! Si j'ai attendu aussi longtemps que tu reviennes à moi ce n'est pas pour entendre de telles sottises, mais pour te permettre de te racheter ! "

L'attitude du Seigneur Sith ne laissait aucun doute quand à la finalité que tout cela allait prendre, que Darth Laduim le veuille ou non Lloyd vivait ses derniers instants. Il pouvait le lire dans l'attitude de son maître qui semblait ne pas comprendre, ou tout du moins ne pas chercher à comprendre, ce que le jeune homme pouvait représenter ! Était-ce à cause de Darth Orn ? Cela serait stupide et particulièrement puéril, mais tout à coup cela prenait du sens, un sens qui fit bondir le Twi'lek devant le corps de Lloyd.

" J'ai compris... J'ai enfin compris ce que vous aviez à reprocher à cet enfant et pourquoi vous refusez à ce point de le considérer avec sérieux... C'est parce qu'il n'a pas été découvert par vous, mais par Darth Orn... N'est-ce pas Maître... "

Les doigts du Seigneur Sith virent aussitôt se saisir de ses sabres sachant parfaitement que la réaction de son Maître n'allait pas être des plus tendre et comme prévu Darth Deavas laissa échapper un râle de rage une vague d'éclairs venant se briser sur les sabres tout juste sortis.

" Ne prononce jamais plus ce nom en ma présence ! "

Lloyd opéra un bond de côté, par instinct de survie. Putain, il aurait dû s'en douter que ce jour arriverait : se retrouver face à des seigneurs Sith haineux et violents dont certains voudraient sa peau. Pourquoi n'était-il pas resté planqué sur Coruscant, déjà ? Ah oui, Mat'. Ca lui faisait une belle jambe, maintenant qu'elle avait pris la poudre d'escampette et qu'on lui avait pris son vaisseau, dans lequel devait se trouver ses armes et son comlink. Sans son blaster ni son sabre, il se sentait nu. Il avait de plus les mains encore liées, même s'il n'avais pas été entravé, est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Non, rien. Il ne faisait pas le poids face à ces mastodontes.
Leurs paroles, néanmoins, lui restaient complètement obscures. Il aurait dû être exécuté pour avoir déserté voilà longtemps. Pourquoi le maintenait-on en vie, maintenant qu'il avait été retrouvé ? Cela n'avait aucun sens. Il avait l'impression d'être un insecte au milieu d'un échiquier géant. Tout cohérence lui échappait.

En revanche... Le nom de Darth Orn était la seule chose qui tombait sous le sens. Oui, c'était bien cette créature immonde qui l'avait découvert... Grâce à un fichu tournoi de sauvages sur Korriban. Il se souvenait encore de l'affrontement final, sous les yeux avides du Seigneur Noir des Sith, et les cris inarticulés du public enflammé des colonies de Dreshdae. C'était là qu'il s'était illustré - ou plutôt qu'il avait montré son talent sournois pour survivre. Cela n'avait pas échappé à Darth Orn et alors, ce dernier lui avait emprunté le chemin tortueux qui l'avait conduit à sa perte... Mais aussi à sa liberté illusoire.

Lloyd recula jusque contre une paroi de verre. Il ne pouvait pas fuir : à peine en aurait-il eu l'intention qu'un des Seigneurs l'aurait retenu, fauché par un sabre projeté ou électrocuté par des éclairs de Force. Il n'y avait aucune issue, à moins bien sûr que Darth Laduim l'emporte et qu'il décide une nouvelle fois de l'épargner, de "veiller sur lui" comme il l'avait dit... Le Hapan déglutit en ne perdant pas une miette de ce qui se déroulait sous ses yeux.

Il se demandait si l'affrontement qui se déroulait sous ses yeux allait dégénérer en combat sanglant, auquel cas il aurait peut-être une petite chance de s'échapper au bout de quelques minutes - mais pour aller où ? - ou s'ils parviendraient à un accord. Et si le Twi'lek acceptait finalement d'achever Lloyd pour se soumettre à ... son maître ? Que ferait-il alors ?

La mort soudain ne lui parût pas supportable. Ne plus jamais revoir Mat', décevoir sa pauvre mère dans sa tombe, souffrir et puis disparaître loin de tous, comme un misérable, sans jamais avoir rien accompli ? Non ! C'était trop injuste ! Il fallait que Laduim ne le tue pas, il fallait qu'il se rappelle de ce qu'il avait dit, qu'il allait lui apprendre des choses, non qu'il allait l'exécuter !

Suivant le fil de ses pensées, Lloyd ne quitta plus des yeux le visage du Twi'lek à la peau rougeoyante. Il voulait croiser son regard, lui insuffler le souvenir que tous les deux étaient liés, qu'ils avaient des choses à faire ensemble. Le comprendrait-il ? Cela lui donnerait-il la force de vaincre son adversaire ? Ou bien de tourner la négociation à son avantage.

Le Hapan fit un pas, puis deux, en direction des deux Seigneurs, mais ils ne parurent pas le remarquer. La Force qu'il avait rejetée depuis si longtemps, soudain était présente en lui comme au premier jour : la terreur lui faisait d'instinct retrouver ses vieux réflexes et le fruit de ses longs entraînements d'adolescent.

*Je ne veux pas mourir. Je ferai ce que vous voudrez, mais ne me laissez pas mourir ici !*

Haletant, Lloyd s'était plaqué contre la paroi de transparacier la plus proche. L'espace, noir et profond derrière lui, semblait vouloir l'avaler. Le transparacier se briserait-il si les deux Sith en venaient à le heurter, sabres allumés ? Lloyd préférait ne pas le savoir. La matière avait beau être solide, elle n'était pas si blindée que ne l'était le plastacier. Pourtant, être asphyxié et gelé en quelques secondes lui semblait presque un sort préférable à celui que lui réserverait un Seigneur en colère.

Le combat se poursuivait sous ses yeux, entrecoupés de conversations incompréhensibles, et il était incapable de faire un geste pour l'influencer. Que pouvait-il de toute façon espérer ? Il n'était qu'un insecte face à eux.

Et puis soudain, tout se mit en place. Lloyd comprit ce qu'ils évoquaient.

Darth Orn. La perle du vieux Seigneur Noir. Alors ainsi, le Tournoi des Apprentis avait eu un but : trouver une âme méritante pour recevoir les enseignements de Darth Orn... Et Lloyd s'était détourné de cette voie lorsqu'il avait désobéi. C'était pour cela qu'il n'aurait pu s'en sortir sans l'aide de Darth Laduim : le Seigneur Noir avait certainement voulu se venger, mais le Twi'lek l'en avait empêché... Pour pouvoir s'approprier l'apprenti brillant que Darth Orn avait choisi.

- Non...

Le mot lui avait échappé des lèvres sans qu'il s'en rende compte. La vérité, c'était qu'il avait abandonné l'Académie depuis des années maintenant et... La Force avec elle. Il n'était plus brillant, il était même devenu médiocre. Et ce Sith qui plaçait en lui un espoir fou... Il se trompait sur toute la ligne, Lloyd n'était pas celui qu'il croyait ! Il avait gagné ce fichu tournoi par un simple coup de chance, la fatigue de son adversaire ! Combien d'années s'était écoulées depuis qu'il avait rangé son sabre ? Il ne savait même plus s'il serait capable de se battre avec cette arme correctement... Oh, comme ils se trompaient tous deux en l'imaginant dangereux et prometteur... L'un pour en faire un apprenti, l'autre pour le tuer avant qu'il ne puisse être une concurrence.
Tout ceci était absurde. S'ils savaient cela, tous les deux, le laisseraient-ils partir ? Probablement pas, il était trop tard.

Tal, Vasm'eitsis le traître... Il aurait donné cher pour avoir cette information quelques mois plus tôt. Elle ne lui servirait plus à rien maintenant qu'il allait mourir. Sa seule chance résidait dans la possibilité que Laduim décidât tuer son Maître. Etait-ce possible ? Pouvait-il l'influencer pour que...

Lloyd prit une longue inspiration puis ferma les yeux, cherchant à tâtons sa connexion à la Force, à tout ce qu'il entourait grâce à elle. La chaleur incontrôlée revenait vers son corps, celle-là même qu'il avait écarté pendant plusieurs années. Sa seule chance, se répétait-il pour ne pas perdre courage. Sa seule chance de survie, pour aller sauver Mat'...
Les battements de son coeur tonnaient violemment à ses tempes quand il rouvrit les yeux. Le combat avait repris de plus bel, les sabres de deux Sith émettant des bourdonnements assourdissant à chaque coup porté. Le Hapan observait plus particulièrement l'impressionant Maître de Darth Laduim...

Et commença à utiliser son pouvoir d'absorption de vie. L'énergie vitale d'un Seigneur Sith commençait à être doucement ponctionnée... Bien sûr, il ne tarderait pas à se rendre compte de ce procédé parasite.
Cela l'agacerait. Alors, il voudrait tuer la vermine qu'il représentait une bonne fois pour toutes.

Et face à un tel danger, Darth Laduim n'aurait plus d'autres choix que de porter un coup fatal...

Lloyd crut que sa tête allait exploser lorsque Darth Deavas tourna brusquement son regard vers lui, ses yeux injectés de sang le fusillant furieusement. Ce visage déformé par la haine, c’était le visage de la mort du Hapan. Pendant une brève seconde, il ne vit pas toute sa vie défiler, loin de là : il imagina la souffrance qu’il allait endurer avant de mourir pour s’en être pris à un Seigneur de ce rang. Il sentait déjà la brûlure sur sa peau, la main invisible se refermer sur sa gorge et son cerveau comprimé par les pouvoirs du Seigneur, le tout avec la certitude de mourir. L’anticipation de cette souffrance l’écrasait plus encore que ne l’aurait fait cette souffrance elle-même, et il souhaita mourir au plus vite, au plus tôt. Tant pis. Il aurait voulu tenter quelque chose pour Mat’, mais il n’était tout simplement pas assez fort pour se tirer d’un piège comme celui-ci…

La masse de muscles rouges s’interposa avec la rapidité d’un éclair sous les yeux du Hapan. Darth Laduim prit les éclairs de plein fouet sous le regard ébahi de Lloyd : une telle puissance l’aurait probablement tué, mais Darth Laduim avait choisi de souffrir à sa place pour le protéger. Quelques secondes s’écoulèrent tandis que Lloyd contemplait le massacre avec une incrédulité catastrophée, avant que le Twi’lek ne reprît brusquement le dessus en contrant les violents éclairs de Force. Mais Darth Deavas n’avait pas dit son dernier mot, et son regard se reportait déjà sur Lloyd après avoir constaté l’absurdité de l’intervention de son ancien disciple. Mais Darth Laduim avait visiblement décidé qu’il règlerait définitivement le problème.

Le Hapan fut incapable de comprendre exactement ce qui se produisit. Le Seigneur Sith qui voulait sa mort avait tendu la main vers lui comme pour lui régler son compte, puis son regard était devenu interrogateur. Une rage sans nom s’était alors peinte sur son visage tandis qu’il se retournait de nouveau vers Darth Laduim, dont Lloyd ne voyait que le dos musclé. Darth Deavas ouvrit la bouche comme s’il avait souhaité hurler, mais seul un flot de sang gargouillant sans était brusquement échappé. Comme au ralenti, le mastodonte s’était alors effondré sur lui-même, sans vie. Son sabre glissa lui aussi au sol et, toujours allumé, roula doucement sur quelques mètres avant de s’immobiliser. Son bourdonnement fut le seul son que Lloyd entendit pendant plusieurs secondes. Plusieurs minutes, peut-être même.

Le Hapan s’était laissé glisser au sol contre la paroi de transparacier, suant à grande eau et tremblant de peur, de fatigue et de la fièvre de son infection. Ce devait être elle qui était en train de le faire halluciner, il n’y avait pas d’autres explications. Des frissons secouaient ses épaules et ses genoux tandis qu’il réalisait qu’il était toujours en vie – oui, Darth Laduim avait sauvé sa peau. Aussi incroyable que cela était, son plan désespéré de faire réagir le Twi’lek avait fonctionné.
Il se demanda quelques secondes s’il avait vraiment le courage de penser maintenant à tout ce que cela impliquait : que Darth Laduim avait été sincère quand il avait dit l’avoir protégé et vouloir le protéger encore, et qu’il avait eu raison de dire qu’ils se rencontreraient de nouveau, et que Lloyd l’accepterait. Comment pouvait-il en être autrement ? Il ne pouvait plus nier désormais à quel point il lui était redevable. Et si l’Empire voulait lui mettre la main dessus alors qu’il recherchait Mat’, le Twi’lek était sa seule chance de survie dans son entreprise.

Lloyd mit plusieurs minutes à rassembler ses esprits et son courage, mais il n’avait pas assez de force pour se relever. Sa jambe le faisait souffrir et il ne savait de toute manière ce qu’il devait faire, et où il pouvait aller. Au loin, les gardes du vaisseau de Darth Deavas contemplaient la scène immobile avec l’air ahuri de ceux qui n’en croient pas leurs yeux. Probablement, eux non plus ne savaient guère comment agir désormais que leur maître était mort. Pour qui travailleraient-ils, maintenant ? Devaient-ils s’enfuir ?
La bouche pâteuse, le Hapan tourna son regard vers le Twi’lek avant de baisser les yeux, comme un acte de soumission.

- M-merci, Darth Laduim, bafouilla-t-il d’une voix à peine audible. Je…

Que dire exactement ? Qu’avait-il à offrir en échange de cette protection inespérée ?

- Je ne sais pas comment vous remercier.

Une formulation sobre pour dire que le Twi’lek pouvait demander à peu près ce qu’il voulait. Non que cela pût faire plaisir à Lloyd, mais il se savait dominer : par sa propre loyauté d’une part, et par la supériorité évidente de Darth Laduim dans cette situation terrible où la vie du Hapan ne tenait qu’au bon vouloir de cette créature des plus puissantes.

Et dire qu’il avait failli croire le baratin des Jedi. En réalité, personne n’avait jamais voulu son bien ni sa survie. Seul, peut-être, ce Seigneur-là l’avait jamais réellement souhaité, comme un acte de bonté sans précédent dans sa misérable vie.