-"Continuer. Et prendre un nouveau Padawan."

C'est ainsi, sur ces mots que Gabriel avait enclenché la suite de la discussion avec Maître Leti Geilvta, qui avait alors eu l'intérêt de lui demander si son choix était déjà arrêté. Et quand un sourire s'était dessiné sur son visage, l'humaine du Conseil avait su lire sur les traits qui s'étaient dessiné alors par la moue faciale. Non, il n'avait pas encore décidé et oui, il avait déjà des idées. La discussion avait un peu continuer, quelques noms et propositions sortants, pour se conclure par l'impératif de la représentante du Conseil à être ailleurs. Elle avait alors laissé le nouveau Maitre avec ces mots :

-"Ne sois juste pas trop gentils avec. Certains ont besoin qu'on les motive un peu..."

L'expression avait arraché un léger rire au Jedi, non empreint d'irrespect mais bien d'amusement. Par celle-ci, Maitre Geilvta ne se montrait pas sous un visage différent que ce que l'on aurait pu attendre d'elle en général. Mais quand bien même son choix n'était pas arrêté, Gabriel savait une chose. Sortirait aujourd'hui du Temple un ou une Padawan, avec lui. Et le reste de la journée, au travers de la tâche qu'il lui restait à accomplir, lui indiquerait si le choix de la Force était fait ou non. Car au final, c'était bien elle qui décidait.

Mais lequel prendre ? Un choix cornellien. Et presque même Corellien, il fallait bien l'avouer. Car cette fois, l'humaine du Conseil le lui avait précisé, l'assemblée en cercle qu'il venait de quitter s'attendait à voir sur qui porterait le choix personnel qu'il ferait. Et s'approchant de la fenêtre un peu plus, Gabriel laissa ses yeux se perdre en contre-bas. La vue depuis la Tour du Conseil était magnifique, et permettait de voir l'intégralité du Parc du Temple, si ce n'est la zone juste en dessous de lui. Un Parc enclavé, mais ne donnant pas moins, une fois en son sein, une impression d'espace immense.

Restant là plusieurs minutes, il finit par se décider à descendre, calmement afin de profiter tout de même du temps agréable qu'il faisait. Le Soleil d'Ondéron était décidé à se montrer, et Gabriel ne pouvait que constater qu'il n'était pas le seul à avoir cette idée. Dans un "coin" du parc, un Maitre donnait un cours, quand dans un autre un groupe de Padawan d'un age avancé se reposait un peu, et se retrouvait probablement. Tel était le Temple Jedi : un havre permettant de se retrouver entre deux missions. Un endroit où l'on voulait la paix, se recueillir avant de reprendre la suite de son existence. Et si le Temple avait été marqué par des combats, et que la paix avait par le passé était brisée plus d'une fois, Gabriel n'en était pas moins satisfait de voir que l'on n'avait pu lui retirer son "âme". La paix revenait invariablement dans ce lieu, et était apprécié de beaucoup.

S'installant près d'un rocher, d'où couler une petite cascade de la rivière, Gabriel laissa sa main appréciait l'écoulement d'eau, et la fraicheur que cet acte si anodin pouvait prodiguer. Un acte comme tant d'autre duquel nombreux ne faisaient plus attention.

-"Mélancolique ? Ou seulement pensive ?"

Son regard s'était tourné vers une Padawan assise non loin, sur l'herbe, intrigué qu'il était par l'impression qu'elle dégageait.

Une réponse bien complexe que celle-là, et nul besoin d'être Maitre Jedi pour le savoir. Le timbre de voix, les mots employés ou encore l'absence de réaction probante, tout trahissait l'ancienne Padawan d'un pourtant si bon Maitre. Car Gabriel se souvenait de celui qui fut un bon Maitre : Horus Vahalor. Comment s'en souvenait-il ? Très honnêtement, ce n'était pas d'avoir vu la Miraluka suivre l'humain à travers un couloir du Temple. L'insinuer aurait même était de l'orgueil. Non... Ce qui faisait que Gabriel pouvait aisément identifier la jeune femme comme étant la dénommée "Elora Faren", c'est surtout le fait qu'elle avait été l'un des sujets de la discussion dont il sortait.

-"Les rapports indiquent qu'il est mort, tu sais..."

Elle devait le savoir. Elle devait s'en douter. Bien sur, il restait l'infime possibilité que le rapport soit erroné, mais nourrir de l'espoir alors que ce dit espoir était plus proche de l'impossible n'était pas sain. Tout comme caché plus longtemps la vérité à cette enfant. Au final, la vérité, le fait de la savoir, lui permettrait de progresser et sur ce sujet-là, Gabriel n'éprouvait aucun doute.

Maintenant, il ne pouvait ignorer les raisons pour lesquelles le Conseil s'était probablement tût. Pareilles révélations pouvaient troubler, bouleverser, réveiller. Et il n'y avait pas trente six remèdes à cela, le meilleur restant la discussion. Mais quelle tâche ardue que celle-là au final : amener un Padawan à se confier alors qu'il semble plus fermer sur lui-même qu'autre chose. Grâce au ciel, la Force pouvait aider.

Fermant un instant les yeux, une vague s'échappa du corps de Gabriel avec pour but non de repousser tout corps étranger mais d'apaiser la zone, de lui apporter une certaine quiétude au moins égale à celle qu'il pouvait lui-même ressentir quand il écoutait le chant d'un oiseau, ou encore le bruit de cette eau limpide qui coule si proche. Et quand il rouvrit les yeux, ce fut pour prendre en compte toute la mesure de son geste, ainsi qu'aller dans le sens de celui-ci.

-"Je ne peux qu'imaginer ce que ce genre de nouvelles peut provoquer. La relation entre un Maitre et son Padawan est un élément déterminant dans la vie de l'un et de l'autre."

Pourtant, il n'en démordrait jamais. Elle devait le savoir. Car à regarder son passé éternellement, il n'y avait aucun intérêt. Tout comme celui qui ne faisait que regarder l'horizon, l'avenir. Les deux n'accordaient au final jamais l'attention requises au présent, ne montrait pas l'équilibre attendu.

-"Pardonne-moi si c'est indiscret mais... je sens autre chose en toi. Comme si..."

Comme si elle était une fleur, fragile, qui se retrouvait submergée d'épines. Métaphoriquement, le doute pouvait être une source de telles épines. Mais était-ce la cas ? Gabriel avait-il raison ? Et si oui, pouvait-il seulement aider la fleur à s’épanouir ? A se libérer ?

-"Comme si quelque chose de plus profond te troublait. Te hantait. Peut-être voudrais-tu en parler ?"

-"Peut-être, en effet..."

Ca ne lui avait pas échappé, et il ne s'agissait pas d'une erreur. Face aux doutes de la Padawan, Gabriel ne pouvait pas changer sa façon de penser, de raisonner. Etait-elle faite pour la vie de Jedi ? A partir du moment où la question se posait, la réponse ne pouvait être que celle qu'il venait de donner, à son sens.

-"Non. Ne raisonnes pas ainsi..."

Avait-il lu sur un quelconque trait de visage ? Avait-il lu dans les pensées de l'enfant ? Rien de tout cela. Gabriel était juste humain. Un jour, il avait lui-même affronté ce genre de doutes, il avait lui-même enduré cette réponse, et ce qu'il avait pensé alors était à jamais resté gravé dans son esprit. Son approche personnelle était certes différente que celle qu'avait eu à son égard Shanti, mais cela n'enlevait pas à la "brutalité" de la réponse.

-"Ce que je veux dire, c'est qu'être Jedi n'est pas une condition que l'on peut acquérir. Le voeu de Jedi est une vocation, Padawan. Un engagement profond..."

Oh, il n'y avait aucune remontrance dans les propos du Corellien. Que du contraire même. Son timbre était doux, et ses mots avaient, quant à eux, vocation de rappel.

-"Aucun enfant ne choisi de naître avec la Force. Mais tous, nous choisissons ce que nous faisons de ce pouvoir qui nous a été confié. Mais personne ne choisira jamais à ta place. Que du contraire... Au final, tu choisiras ce que tu deviens."

Il y avait cette mesure à prendre. Ce que nous sommes, qui nous choisissons de devenir... C'était définitivement un choix personnel. Si le choix de la Miraluka s'avérait alors d'être celui d'un devenir autre que celui du Jedi, alors elle n'en était pas une. La tête de Gabriel pivota, balayant l'horizon proche les entourant.

-"Je peux comprendre que les tentatives qui ont suivi ont échouées. C'est même parfaitement logique. Sans savoir la vérité sur ton Maitre, tu n'avais pu rompre ce lien qui vous unissait. Et je crois que c'est ce lien qui te freine, ma jeune amie."

Un peu comme si elle était attachée à un poteau nommé "Passé". Sans rompre la corde, elle ne pourrait dépasser la limite que celle-ci lui autorisait. Pourtant, si elle rompait la corde, et progressait, le poteau ne bougerait pas. Chaque fois qu'elle se retournerait, elle le verrait encore.

-"Je ne peux pas t'aider à rompre un tel lien. Et tu le sais. Je suis sur que tu peux le deviner. Tout comme tu peux deviner que si je m'y essayais, ta réaction pourrait être démesurée. Mais cela ne veux pas dire que tu ne seras jamais une Jedi, ou que tu ne pourras pas avancer."

Le temps, voila ce qui l'aiderait au final. Le temps. Chaque être faisait son deuil à sa manière et Elora prendrait compte aujourd'hui qu'elle en avait commencé un. Et il se terminerait, Gabriel n'avait aucun doute là-dessus.

-"Ton coeur ? Et ton esprit ? Que te disent-ils ? As-tu fait un voeu ? T'es-tu engagée en toi-même à devenir ou non Jedi ?"

Petit à petit, alors que la Miraluka reprenait la parole, se confiant petit à petit et s'ouvrant enfin réellement à la discussion, Gabriel plissait le regard dans sa direction. Elle reconnaissait ne pas être en phase entre ce que ressentait son cœur et ce que désirait son esprit. Mais si sa première venue au Temple n'était pas de son fait, elle avait su renouveler cet acte d'elle-même plus tard dans sa vie.

Et Fyldon Maxima n'était visiblement pas innocent dans le mal-être présent de la Padawan. Elle disait y avoir fait une rencontre, et ne plus savoir qui ou quoi croire depuis, et Gabriel ne put que se demander ce qu'était cette rencontre ? Était-ce avec un Sith ? Son père même peut-être ? Ou autre chose ? Le pouvoir de faire douter n'était après tout pas qu'un apanage des serviteurs de l'obscure facette du pouvoir mystique ?

-"Il n'y a pas d'émotions, il n'y a que la paix..."

Loin de revenir sur cette rencontre tout de suite, Gabriel restait tout de même plus inquiet sur un point : "cette part obscure qui grandit en moi". Et se levant, il vint s'asseoir près de la Jedi en devenir.

-"Certains rendent le mot paix par sérénité. Et l'emploi de ce mot révèle une idée : tout comme les émotions sont tiennes, la paix dont le code fait mention n'est pas la paix entre les peuples, mais bien la paix de ton être."

Il devait bien le reconnaître, parfois même lui avait tendance à oublier cette nuance pourtant si importante. Et principalement dans le "conflit" que voyait en elle Elora, d'avis du Jedi. Car au final, Gabriel n'était pas de ceux qui croyait en un Coté Lumineux et un Coté Obscur. Du moins, pas de manière si catégorique. La Force était, pour lui, un tout indivisible, une entité propre, dont chacun la cultivait à sa manière.

-"Cette impression que tu as, que tu ressens... provient je crois d'un oubli de ces paroles. Non pas que tu ne les connais pas, mais peut-être que, dans le feu de l'action, ou face aux doutes, l'on oublie leur sens. La précipitation entraîne la défaite, là où le recul peut te permettre d'obtenir la victoire. Ne sous-estime dès lors jamais la patience que l'on peut accorder à une chose."

Que l'on peut... l'emploi du pronom ici pouvait se comprendre dans une notion de groupe, comme l'Ordre entier, mais n'était pas l'objectif suivit par le Consulaire. Le "on" les désignait, elle et lui.

-"La lumière que tu cherches ne peut s'obtenir qu'au prix de cette méditation continue. Et elle est capitale pour toutes les castes de notre Ordre. Quant à t'aider..."

Le Jedi pivota sa tête vers l'horizon avant de reprendre.

-"J'ignore si j'en serais capable. Il est difficile de discerner le bon chemin pour soi, et ça l'est encore plus quand ce choix, nous le faisons pour quelqu'un d'autre."

Au fond, Elora était une plaie ouverte, que le temps guérirait. Mais agir sur elle à la façon dont elle le demandait était un acte à réfléchir, autant que si l'on voulait éteindre la souffrance que pouvait ressentir certaines planètes. Le comprenait-elle ? Peut-être pas. Mais elle le comprendrait. Viendrait ce jour, et ce jour, Gabriel espérait être... à ses cotés. Une pensée qui le fit sourire, avant de renchérir.

-"Mais je ne pourrais le savoir qu'en essayant. Et tant qu'à essayer... Vas chercher tes affaires et rejoins-moi à la bibliothèque d'ici une heure. Nous allons nous rendre à Iziz. J'y ai... Non, nous y avons quelqu'un à rencontrer."