Les minutes défilent comme des heures, sur la passerelle de commandement de l’Intimidant, là où chaque officier, chaque agent de liaison reste en permanence sur le qui-vive, conformément au niveau d’alerte un. A la seconde où l’objectif - le monde natal du Chancelier Arnor - est dans la ligne de mire, le centre névralgique des opérations bat son plein, plongé en pleine effervescence. Tous les membres d’équipage font preuve d’une discipline et d’un sang-froid exemplaire, relayant les informations avec sérieux et rigueur, à l’instar du commodore Poliakof qui, en chef d’orchestre avisé, supervise l’assaut des troupes au sol avec une rare efficacité. De temps à autre, il ne peut s’empêcher de jeter un regard en coin vers l’arkanien, bien que le casque qu’il porte l’empêche de savoir s’il garde ou non la tête froide, malgré l’attente toujours plus oppressante à mesure que le temps passe. En tête à tête, même si la chose n’avait guère enchanté l’officier commandant, ils avaient convenu d’une répartition des tâches : à lui la gestion des forces d’intervention terrestres, au dignitaire Sith celle de la campagne spatiale. Voilà pourquoi ce dernier restait à proximité des opérateurs chargés de la navigation, à l’affût du moindre signal détectant l’arrivée de navires dans le secteur Myto.

Derrière la baie en transparacier, le Seigneur Sith garde les yeux grand ouverts sur la surface bleutée de la planète en proie, ça et là, à une véritable ébullition pyrotechnique, observant en silence le déroulement du bombardement planétaire. C’est la première fois qu’il assiste, un sourire béat aux lèvres, à une œuvre de destruction si massive, se jurant de graver dans sa mémoire ce spectacle grandiose jusqu’à la fin de ses jours. Et que dire de ces navires au profil aquilin qui ne cesse de vomir leurs salves rougeoyantes à l’unilatéral, découpant sans relâche l’espace d’une multitude de faisceaux sanglants. Bien sûr, viser les objectifs stratégiques reste la première des priorités, même si les autorités locales avaient disposé du temps nécessaire pour alerter les instances de la République de l’agression subie sans préavis. Si bien que les renforts militaires ne tarderaient pas à venir prêter secours au système en péril, et ils ne viendraient sûrement pas pour faire de la figuration, mais en force, pour bouter l’assaillant hors de ce système et lui infliger une défaite cuisante par-dessus le marché…

Pour se préparer au mieux à l’offensive à venir, Darth Araya avait opté pour une formation serrée plutôt académique, laissant les arsenaux des Léviathans se charger du pilonnage orbital d’Artorias, formant une troisième ligne, compacte mais fragile, étant donné que ces bâtiments exposaient l’un de leurs flancs à d’éventuels assaillants. En protection rapprochée, l’Intimidant et les transporteurs d’escorte formaient une deuxième ligne de soutien, capables de prêter main forte aux autres navires composant l’escadre, d’où que vienne la menace. Enfin, le trio de croiseurs Interdictor situé à l’avant : les puits de gravité déployés en arc de cercle autour de la flotte ont pour rôle d’empêcher l’ennemi de sortir d’hyperespace trop près de sa position, ruinant tout effet de surprise et pouvant même altérer, si besoin est, la maniabilité des vaisseaux de taille modeste. Ainsi, quand le moment serait venu, les Léviathans pourraient « glisser » de leurs positions actuelles sans risquer d’être à découvert durant la procédure, pris au dépourvu car incapables de répliquer avec toutes leurs puissances de feu. Evidemment, un plan reste un plan, et dans la pratique, les choses ne se passent jamais comme on l’aurait souhaité ou anticipé. Le force d’une stratégie ne vaut que lorsqu’on s’y tient jusqu’au bout, en dépit de ses faiblesses, quitte à la corriger sur le tas, si besoin est. Il ne reste plus qu’à faire preuve de patience et… Tonitruante, la voix de l’un des officiers campé dans la fosse tactique résonna soudainement :

Stratégie:

« Monsieur ! Les senseurs détectent deux formations de croiseurs républicains qui viennent de sortir d’hyperespace, secteur E-5 et E-6 ! » lança-t-il, ne quittant pas sa console du regard.

« A tous les commandements, formation Bêta ! Que les Léviathans rejoignent les rangs immédiatement et déploient les champs d’antigravité sur les vecteurs d’approche des navires ennemis ! Lieutenant, il s’agit de gagner du temps et de gêner les manœuvres de l’adversaire. Les Interdictor doivent rediriger leurs puits de gravité vers la flotte républicaine. Dès qu’ils auront une solution de tir, cadence et puissance maximales ! Qu’ils n’hésitent pas à transférer l’énergie des boucliers arrière vers les systèmes d’armement s’il le faut… Et que la chasse se tienne prête à décoller ! » lâcha mécaniquement Araya, avant de laisser retomber la pression, laissant les officiers accomplir leurs tâches sans interférer outre mesure.

« Combien de temps avant de pouvoir faire feu ? » demanda-t-il en fixant les ordinateurs de visée.

« L’ennemi sera à portée effective de nos turbolasers dans… 96 secondes ! Artilleurs parés, tout systèmes parés, marge d’erreur… 18% et en baisse constante ! » répondit l’homme qui n’a de cesse de peaufiner les réglages en entrant sans cesse de nouvelles données télémétriques.

« Ouvrez un canal prioritaire vers tous les ponts de l'escadre ! » ordonna-t-il en s’approchant des officiers de communication, croisant au débotté le regard froid et austère du commodore Poliakof. S’en remettant à la Force pour trouver les mots justes, avant d’entendre un « Canal entrant ouvert ! » en guise de réplique cinglante qu’une voix couverte par l’agitation ambiante vient d’articuler haut et fort.

[ Jet de sagesse pour Amélioration des Capacités – Charisme +2 ]

« Messieurs, aujourd’hui, la bataille que nous allons livrer marquera un tournant décisif dans l’histoire de l’Empire, il n’appartient qu’à vous de la mener avec la détermination et la volonté de frapper la République pour la voir s’agenouiller à nos pieds, forcée de reconnaitre la puissance et la grandeur de notre Ordre ! Faites de cette victoire la vôtre, qu’elle reste gravée à jamais dans les annales de l’histoire ! Pour la gloire de l’Empire ! »

Sans effusion, Araya se hâte de rejoindre la fosse tactique. La boule au ventre, il se contente d'écouter fébrilement le décompte marquant le début imminent des hostilités.

« 3…2…1… A toutes les batteries, FEU A VOLONTE ! »

[ Jet d’intelligence pour attaque sur la flotte commandée par Saï Don ]

L’Eclaircie. A l’heure présente, se disait le vieil homme, la moindre once d’espoir n’est pas de trop, même si cela tient uniquement à un nom de croiseur interstellaire. Certains y verraient peut-être un signe, une inspiration. Les soldats républicains étaient si différents que les troupes que Maître Don avait l’habitude de commander… Privés de la Force, ils ne pouvaient compter que sur leur expérience tactique et sur ces cours qu’on leur dispensait dans les écoles militaires. Ils allaient tous savoir, finalement, si l’armée républicaine actuelle était à la hauteur du gouvernement que les Jedi avaient voulu instaurer.
En tout cas, ils comptaient sur eux. Le vieillard le sentait lorsqu’il croisait le regard d’un opérateur ou celui, inquisiteur, du commandant de bord qui lui débitait à intervalles régulières des commentaires sur leur position, celle du vaisseau du Chancelier et le temps qui les séparait de la rencontre avec l’ennemi.

Les Jedi avaient accouru sur les talons du Chancelier Arnor. Artorias, planète discrète et sans histoire, frappée par le mal qui prenait encore une fois une forme féminine et sévère. La Dame Noire… Pendant un temps, certains avaient même émis l’hypothèse d’un retour de Darth Synia –mais non, ce n’était pas possible, la Dame Noire faisait déjà parler d’elle à l’époque.
Les yeux clos, le vieillard se tenait proche d’un pupitre de communication, sur la baie de commandement. Ainsi tous les hommes pensaient qu’il scrutait l’horizon –mais ce n’était pas celui d’Artorias mais celui de ses pensées qu’il explorait. Que savaient-ils sur la Dame Noire qui pourrait leur servir durant la bataille ? Car il n’y avait pas de doute à ce sujet, il allait être difficile de mener des négociations tranquilles avec les dégâts déjà faits sur la planète. Halussius avait beaucoup d’espoir, et Saï s’était gardé d’exprimer son propre pessimisme pour ne pas l’entraver dans sa tâche. Il l’épaulerait au mieux, et guettait parfois d’une oreille attentive les bruits de l’holocommunicateur, quelques fois qu’un nouvel ordre leur soit transmis.

Une voix dans son dos se mit à lui détailler l’ennemi à vue –deux groupes de bâtiments Sith, composés chacun de sept croiseurs et entourés d’autres vaisseaux de taille importante, Saï reconnaissait là une stratégie préparée à l’avance. Quelles auraient été leur chance de prévoir un tel assaut ? Avaient-ils manqué quelque chose ?

- Ralentissez, déclara calmement le Maître en ouvrant les yeux sur le spectacle d’un monde en feu. Conservez la formation.

Le commandant de bord fit un signe à son second, qui se retira vers les opérateurs du pont. Puis ils contemplèrent tous les deux, dans un silence grave, le désastre. Les jeux de lumière et d’ombre sur la surface d’Artorias… Etait-il donc si dangereux d’intégrer la République, de nos jours ?

- Séparons-nous de la structure-mère, souffla-t-il, et le commandant s’exécuta, trop heureux d’avoir autre chose à faire que d’angoisser à la vue des terribles attaques des Sith.

Ainsi donc, ils allaient doucement s’éloigner du Chancelier Arnor. Ils seraient plus offensifs, du moins essaieraient, afin de concentrer l’attention des Sith sur eux pendant que le Chevalier Jedi à la tête de la République pourrait tâcher d’entamer les négociations. Ils verraient bien si cela fonctionnerait… Mais même si l’ennemi décidait de s’occuper de la structure en retrait, Saï ferait son possible pour harceler le groupe de bâtiments en ligne de mire.

- A toutes les unités ! retentit derrière lui la voix du commandant de bord. Cap à vingt-huit degrés bâbord, approche aux instruments. Conservez la formation ; que les chasseurs retiennent leur vitesse ! Attendez-vous à des manœuvres brutales de la part de l’ennemi. Tenez-vous prêts, les frictions vont se déclarer d’un moment à l’autre !

Autrement dit, ça allait chauffer. Mais le commandant savait parler à ses hommes, et le vieillard appréciait. Lui-même n’avait jamais été bon Général de Guerre. Même si la stratégie le passionnait, il ne savait haranguer les foules. Heureusement, ici, sa simple présence suffisait à rassurer quelque peu les troupes. Saï inspira longuement, attendant l’impact terrible entre eux et l’ennemi, comme n’importe quel fragile âme à bord de l’Eclaircie. Il mit à profit les quelques secondes de calme qui restait pour

Et puis soudain, une explosion de couleurs, comme un feu d’artifice, se déclencha face à eux. Ainsi, les Sith n’avaient rien attendu que d’être à portée de tir pour les inonder littéralement. Une offensive énorme pour un début de bataille… Mais eux louvoieraient, à la manière du navire face à un vent contraire, bravant les brouillards et les éclairs pour se faufiler un passage vers les zones sensibles…

- Retrait par tribord plongeant ! s'exclama le vieillard sans se retourner vers l’officier qu’il entendit aussitôt répéter à plein poumon l’ordre qu’il venait d’entendre, en y ajoutant des coordonnées de déplacement plus précises. Chasseurs devant, armez les tirs légers, on les prend par en-dessous !

L’énorme croiseur suivit le mouvement avec un ralentissement désespérant. L’image de la formation Sith commença son ascension devant leurs yeux, et Saï gardait les pieds bien ancrés sur la passerelle pour ne pas que leur mouvement lui donne le mal de l’espace.

[Jet de sagesse pour défense/se soustraire aux tirs]

Devant eux, la nuée de chasseurs avaient plongé comme des guêpes ordonnées poursuivant une cible invisible, et le vieillard devinait l’adrénaline qui se multipliait dans le sang de pilotes. Ils étaient transportés par la peur autant que par l’excitation d’une possible victoire. Saï posa une main sur le pupitre comme pour s’aider à tenir debout. L’officier était revenu près de lui et ils échangèrent un regard entendu.

- Ouvrez le feu dès que possible sur les organes offensifs. Qu’ils ne mettent pas leur vie en danger. On les harcèle pour le moment, rien de plus.
- Bien, Maître.

Le commandant se retourna de nouveau vers le centre du pont de commandement avec une rigidité confiante. La bataille était engagée.

[Jet d’intelligence pour attaque]

Le verdict tomba, sans appel, à l’instar du ton impartial avec lequel l’officier tactique annonça la couleur : « Dégâts structurels nuls ! Boucliers à 88 % ! Les corvettes Thranta ont manœuvré à temps pour esquiver la plupart des tirs ! Chasseurs en approche dans le secteur D-4 ! »

Le branle-bas de combat des officiers de pont de l’Intimidant se répand comme une trainée de poudre autour du seigneur Sith, avec en guise d’étincelles les rapports d’activité fusant d’un coup d’un seul aux quatre coins de la passerelle, dès que les premières salves atteignent l’objectif, ou plutôt le frôlent, sans produire l’effet dévastateur escompté. Tout en restant concentré sur l’objectif, l’arkanien scrute la liste des appareils s’affichant d’une traite sur l’une des consoles, tandis que son poing se contracte machinalement jusqu’à faire craquer ses phalanges.

« Stoppez les puits de gravité, recalibrage immédiat ! Faites décoller la chasse sur le champ, qu’ils se scindent en deux unités : la première pour contourner les bâtiments ennemis et les prendre à revers, la seconde encerclera leurs chasseurs. Qu’ils ne laissent pas les bombardiers approcher de nos positions ! Envoyez les transporteurs d’escorte pour appuyer le deuxième groupe avec des tirs de barrage, feu roulant ! Déployez l’escadre sur une ligne de front, vitesse de croisière standard, et que les Léviathans accélèrent le mouvement pour dépasser les Interdictors et ouvrir la marche… » argua-t-il, anticipant l’éventualité où la flotte républicaine tenterait de concentrer ses forces sur l’un des flancs impériaux, afin de se soustraire à la panoplie intégrale de sa puissance de feu.

Il n’y a plus qu’à espérer que les pilotes se sortent les tripes pour tenir la cadence face à des engins mieux armés et plus résistants que les Interceptors, bien que ces derniers soient en supériorité numérique... A eux de profiter de cet avantage crucial pour être solidaire les uns envers les autres et faire la différence ! Quoiqu'on dise de ces gars-là, il faut une savré dose de sang-froid et un tempérament d'acier pour ne rien lâcher, ne pas céder à la panique aussi ! Reconnaissables entre mille, le pas lent et cadencé du commodore Poliakof se rapprochent et résonnent jusqu’aux oreilles d’Araya, déjà occupées à écouter les premières observations des pilotes. De sa voix perçante et mesurée, il s’adressa à lui pour lui faire quelques remarques judicieuses, sans faire preuve de la moindre amertume concernant leur arrangement :

« Vous avez bien fait d’ouvrir le bal le premier, en martelant la flotte adverse d’entrée de jeu, si vous ne l’aviez pas fait, eux n’auraient pas hésiter à vous devancer. Mais à cette distance, et face à des navires si réactifs point de vue manœuvrabilité, il ne faut pas s’étonner de manquer ce genre de cibles, bien plus véloces que les vaisseaux impériaux, capables d’infléchir promptement le degré d’inclinaison de leurs trajectoires, même en cas de vitesse élevée. Mais patience, la bataille ne fait que commencer, il s’agit de ne pas se précipiter inutilement… A ce stade, je crois que je n’aurai pas fait mieux que vous, si cela peut vous rassurer… » dit-il à mi-voix, avant de réajuster ses lunettes sur son nez, et repartir dans la direction opposée. La voix du sergent le ramena brusquement à la réalité du moment.

« L’ennemi réplique ! Manœuvre d’évitement engagée ! Boucliers à pleine puissance, taux de recharge à 85 % et en augmentation. Rapport d’évaluation des dégâts en attente… » balança-t-il fébrilement, trépignant sur place, incapable de rester assis plus longtemps.

[ Jet de sagesse pour défense ]

« Paré à riposter ! » lança un autre opérateur à la volée.

« Pas de suite, mieux vaut attendre que les Léviathans rejoignent une position avancée pour bénéficier de la totalité de notre arsenal, tenez vous prêt cependant ! » claqua le Sith d’un ton autoritaire, bien décidé à affaiblir le camp d’en face de manière significative sur ce coup-là.

[ Jet de sagesse pour redéploiement de la flotte ]

Sans reprendre son souffle, le sergent responsable de la fosse tactique, dont le front commence à luire de sueur, retranscrit en langage commun le flux de données tombant à un rythme effréné sur les différents scopes des ordinateurs. Le manque singulier d’enthousiasme qu’il témoigne n’est pas bon signe :

« Rapport des dégâts : boucliers à 76 %, en légère surcharge, taux de rétablissement à la normale, dégâts minimes occasionnant des dysfonctionnements touchant aux systèmes auxiliaires de survie sur l'un des Interdictors. »

L’Eclaircie plongeait toujours, comme s’il avait finalement décidé de plonger à la surface d’Artorias. De fait, ils n’avaient plus une excellente visibilité sur l’ennemi par la baie de commandement –au moins, songeait le vieillard, les hommes allaient-ils se concentrer sur leurs écrans de bord plutôt que sur les images impressionnantes et distrayantes de la grandiose bataille au cœur de laquelle ils étaient pris. En revanche, ils avaient une excellente vue sur la surface de la planète et sur les minuscules champignons oranges et noirs qu’y formaient les bombardements Sith.

- La plupart des dégâts semblent avoir été absorbés par nos boucliers, annonça le commandant de bord en accourant près du Maître. Moins de 10% endommagés et nos techniciens travaillent déjà à redéployer les zones laissées sans protection.
- Bien, acquiesça Saï, et du côté du Chancelier ?
- De moins bonnes nouvelles, commença-t-il avec une grimace. La partie commandée par le Chancelier Suprême Arnor a pris la première attaque de plein fouet. Près d’un quart de leurs boucliers sont hors-service.

Le vieil homme encaissa la nouvelle sans y paraître, mais c’était un coup dur. L’ennemi frappait fort. Probablement savaient-ils que la République serait venue avec les intentions de négocier et profitaient-ils de son hésitation pour envoyer le plus gros de leurs forces. Il fallait l’espérer, du moins, car s’ils avaient d’autres cartes dans leur manche, il ne savait pas si les Jedi et la République parviendrait à résister à cette attaque…

- Transmettez-leur mon soutien. Dites-leur de tenir bon, que nous ne nous tenons pas loin au cas où des renforts leur seraient nécessaires. Il faut préserver à tout prix le moral de nos troupes.

Le commandant tourna les talons après un bref signe de tête. Il s’occupait des détails techniques, Saï ne donnait que les directives à cause de ses connaissances des Sith. Mais ceux-là… Ceux-là précisément, il ne les avait jamais affrontés. C’étaient des ennemis d’une nouvelle ère, riches des enseignements de leurs prédécesseurs mais aussi d’idées nouvelles grâce à leur liberté d’action. Car non, ils ne semblaient pas avoir de lien avec Korriban, ils n’étaient pas dans la tradition habituelle de l’enseignement de l’Académie Sith… Dommage, leurs actions auraient été plus prévisibles.

Une nuée de chasseurs, comme des milliers d’insectes affolés, avaient envahi la vue devant eux.

- NOS ESCADRILLES DE CHASSEURS ENCERCLES, COMMANDANT ! hurla une voix au loin, dans le dos du vieillard.
- Qu’ils maintiennent la formation, prise de vitesse pour échapper aux assaillants vers la surface !
- NON ! intervint Saï en faisant volte-face. RETRAIT VERS L’INTERIEUR DE LA FORMATION !
- Qu’ils battent en retraite, DEMI-TOUR TOUTE ! reprit le commandant à pleins poumons pour ne pas laisser de doute à l’opérateur quant aux directives à suivre.

La tension était brusquement montée d’un cran. Elle était presque visible sur les visages blêmes des officiers et leurs doigts tremblant sur leurs claviers. Saï ne savait s’il avait fait prendre la bonne décision mais il avait eu l’intuition qu’en attirant l’ennemi à lui, ce dernier se rendrait… Où il le désirait, et c’était déjà ça.

- Les bâtiments ennemis nous contournent ! fit une nouvelle voix.
- LOURDES PERTES PARMI NOS CHASSEURS !
- FAITES SORTIR NOS RENFORTS ! Ils ne doivent pas rester seuls !

Le Commandant ne relaya pas l’information, cette fois, il avait les yeux rivés sur l’un des plus écrans du pont de commandement. Sur l’écran, des centaines de petits points représentaient les chasseurs repliés au cœur de la formation républicaine, bientôt suivis par autant de petits points ennemis. Piégés, estima le vieillard.

- QUE NOS CHASSEURS RESSORTENT A VITESSE MAXIMALE ! reprit le vieillard d’une voix qu’il ne se connaissait guère. ET FEU SUR LES ENNEMIS EN NOTRE SEIN !!

Les chasseurs au milieu de la formation républicaine se dissipèrent comme une nuée de mouches, ne laissant que ceux qui, trop lents, n’avaient pas compris la manœuvre du Jedi. D’intenses lumières éclairèrent le centre de la formation Jedi tandis les chasseurs républicains en ressortaient à toute blinde.

[Jet d’intelligence pour attaque sur le piège]

Il ne fallait plus qu’espérer que l’ennemi ne profite pas de cette manœuvre pour attaquer ailleurs… Ce qu’il aurait pourtant tout intérêt à faire.

- Manœuvre terminée ! lança la voix maintenant familière d’un officier de bord.
- Croiseurs ennemis en approche, ils modifient leur formation !

D’un même mouvement, le Maître Jedi et le Commandant de Bord braquèrent de nouveau leur regard sur l’écran de bord tridimensionnel.

Pourquoi n’attaquaient-ils pas ? Pourquoi n’en profitaient-ils pas ? Un ordre leur échappait-il ? Fallait-il mettre plus de chance de leur côté en faisant montre de plus d’agressivité ou bien laisser le choix aux Sith de se rétracter s’ils le désiraient ?

Saï secoua la tête comme pour se remettre les idées en place plus rapidement. Allons, se disait-il, il s’agit des Sith, et s’ils voulaient battre en retraite, ils seraient en train de faire demi-tour ! Non, Artorias est une candidate à la République, nous devons lui montrer que nous pouvons venir à son secours et ne pas laisser faire de telles horreurs…
Quel dilemme… Mais mieux valait s’attendre à tout.

- Bombardiers, croiseurs et vaisseaux intermédiaires, reprenez vos positions de défense !

L’Eclaircie se remit en mouvement, et malgré les puissants simulateurs de gravité à l’intérieur, le vieil homme ressentit le besoin de se cramponner au pupitre proche de lui.

[Jet de sagesse pour redéploiement]

Vague après vague, ce sont plus de trois cents chasseurs répartis en vingt-huit escadrons qui s’élancent à un rythme effréné, sans la moindre fausse note, alternant duos, trios et quatuors d’appareils, depuis les profondeurs des bâtiments de ligne. Imprimant une allure combinant vitesse et agilité d’exécution, l’étrange cortège mortuaire s’apprête, indéfectible, à s’engager dans une course funeste, aussi solennelle que guerrière, à grand renfort d’accélérations soudaines et de trajectoires parfaitement contrôlées. En un temps record, les appareils rejoignent leurs contingents respectifs, regroupés en autant de flèches aux pointes acérées et meurtrières, prêtes à fondre en silence sur l’ennemi désigné. Même si le sort de ces pilotes formés et entrainés aux tactiques de combat spatial parait peu enviable, à eux seuls, ils incarnent l’excellence des qualités que tout militaire se doit d’arborer fièrement : le sens du devoir, le self-control et l’esprit de cohésion. Casse-cous émérites ou simples bleusailles fraichement débarquées de l’académie, tous ont en commun le respect inconditionnel qu’ils inspirent au sein de la marine, quels que soient leurs grades. Et presque tous ont en mémoire, consciemment ou non, l’amer souvenir de frères d’armes tombés au champ d’honneur, sans jamais douter du fait qu’ils les rejoindraient, si ce n’est aujourd’hui, peut-être demain. Quand on est pilote, perdre les pédales et tourner le dos au champ de bataille revient la plupart du temps à anticiper une fin déjà programmée… Avec la volonté de surmonter le pire pour connaitre le meilleur, à leurs yeux, la mort n’est plus une fatalité, juste un accident de parcours, fatal certes, mais imputable à une erreur d’appréciation qu’il s’agit d’éviter si l’on tient à sauver sa peau. A eux seuls, ils peuvent déterminer l’issue d’un conflit, le renverser même. Dans le cas présent, comme ils submergent l’ennemi en nombre, l’objectif premier consiste à affaiblir les lignes ennemies en décimant le plus grand nombre de rivaux sans subir de pertes trop lourdes. S’ils y parviennent dès les premiers échanges de tir, nul doute que le moral de leur adversaire prendrait du plomb dans l’aile.

Engoncés dans les cockpits étroits de leurs engins rangés en formation d’attaque, des voix légèrement déformées par le port de masques à oxygène résonnent tour à tour sur les différentes fréquences des escadrons : les leaders d’escadre de l’avant-garde impériale procèdent à un ultime rapport de situation, aussi concis que possible. L’ennemi ne tardera pas à entrer dans la zone d’engagement, tous scrutent les indications des instruments de bord, quand ils ne sont pas en train de contrôler visuellement l’emplacement des futures cibles en approche :

« Leader Zêta-un aux chefs d’escadrons, instructions de vol : coordonnées dix-un-deux, vecteur d’approche zéro point douze. Passez sur canal douze, à vous, terminé. »

« Leader Zêta-deux, bien reçu, prêt à virer de bord à votre signal, terminé. » A l’unisson, les autres chefs d’escadre confirment la réception du plan de vol transmis et ajustent leurs instruments de navigation, prêts à manœuvrer de concert.

« Leader Zêta à l’Intimidant, décrochage immédiat pour contournement de la flotte ennemie, à vous, terminé. »

« Contrôle de vol à leader Zêta, autorisation confirmée ! Faites-leur en baver ! Terminé ! » arrangua l’officier de communication, avant de verrouiller la fréquence du signal entrant. A des klicks de là, à bord d’un des Léviathans, un autre opérateur distille froidement ses consignes :

« Leaders Omega et Kappa, regroupez vos escadres au point deux-huit-neuf et appliquez le protocole d'engagement de l'unité Delta, terminé. »

Un « A vos ordres ! » et un « Bien compris ! » résonnèrent aussitôt dans le casque de l’agent de liaison, reconfigurant les fréquences de communication des escadres concernées pour leur assigner un canal commun, en cas de besoin. Pendant ce temps, sur l’un des Interdictors, on peut entendre la même rengaine se répéter, sans que la moindre nervosité ne transpire de la part des officiers de communication :

« Escadre Delta, au rapport ! »

« Leader Delta-un, escadrons en formation, chasseurs ennemis à cinq klicks en approche sur vecteur trois-cinq-neuf, prêt pour acquisition de l'objectif, terminé ! »

« Ordre d’attaque confirmé, Delta-un ! Oméga et Kappa en deuxième vague pour couper les trajectoires ennemies, bonne chance ! »

Une poignée de secondes durant, un silence de mort pèse sur les ondes courtes des fréquences radios, accompagnant le changement de cap de la centaine d’appareils déviant sensiblement leurs courses. Les ordinateurs de visée ne tardent pas à cibler les vaisseaux ennemis les plus proches, tandis que les pilotes, obéissant aux consignes, entrent en mémoire les signaux des bombardiers, hors de portée, mais néanmoins détectés par les senseurs. Alors que les chefs de formation donnent l’ordre de desserrer les rangs pour minimiser l’impact de tirs nourris et les risques éventuels de collision lors de dissociation des escadrons, l’imprévisible se produit. La chasse républicaine réagit de manière aussi soudaine qu’erratique : rompant la ligne de front, la voilà qui vire précipitamment de bord, exécutant sans même décélérer des manœuvres forcenées de repli, fonçant à bloc vers les flancs des corvettes en retrait.

Fondant sur leurs proies, les pilotes impériaux, sans suivre d’autres recommandations que leurs instincts, ne se laissèrent pas mener en bateau pour autant. En approchant des vaisseaux de ligne, leurs réflexes leur dictent la conduite à suivre : arrivés à portée de tir des chasseurs ennemis, ils se contentent de calquer leurs courses sur les leurs, enchainant des boucles et des tonneaux pour éviter de rester statique, se délestant de quelques rafales passant largement à côté. En un mot, feindre le combat et la panique pour réagir et contre-attaquer efficacement face aux tirs de barrage qui ne tardent pas à pleuvoir des frégates et des corvettes.

« Delta-un à escadre Delta, on accélère le mouvement ! Ne vous laisser pas embarquer par les chasseurs et engagez les corvettes ! Si on vous colle au train, déplacez la zone de combat en zéro-sept-deux, hors de portée des vaisseaux de ligne ! Oméga et Kappa, au rapport ! »

« On arrive sur vous Delta, corvettes et chasseurs ennemis en ligne de mire ! »

[ Jet d’intelligence pour contre-attaque sur les corvettes Thantra ]

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Sur l’Intimidant, Darth Araya ne peut s’empêcher de piétiner, parcourant les pontons espaçant la fosse tactique des consoles d'astrogation. Maintenant que les chasseurs prennent place sur le front des opérations, il est grand temps pour la flotte de réagir aux mouvements dilatoires des croiseurs de la République, et de contrer leur tentative de se soustraire à la zone d’abattage des bâtiments de ligne impériaux, essayant de se positionner sous leurs axes de navigation. Une tactique de la vieille école, efficace d’ailleurs, puisqu’elle avait fait ses preuves de nombreuses fois, mais trop lisible pour surprendre quiconque, à commencer par le seigneur Sith, que le commodore Poliakof accompagne dans ce moment décisif. Comme les opérations au sol suivent leur cours, le second s’est porté volontaire pour assister le premier, les deux hommes se partageant le commandement sans qu’aucun ne cherche à faire de l’ombre à l’autre : tous deux veulent la victoire, la raison est largement suffisante pour associer leurs efforts. Détaillant le plan de la bataille en cours en zieutant des coordonnées spatiales, le commodore prit les devants :

« Navigation, ordre à la flotte de croiser sur plan d'inclinaison, vecteur de descente treize point quatre, angulation à 19° ! Vitesse à 65% de la puissance nominale ! »

« A vos ordres ! »

« Monsieur, les navires ennemis vont bientôt être à moyenne portée de turbolasers, dois-je prévenir les équipes de canonniers de se tenir prêtes ? »

« Rapport de la chasse ? »

« Zêta à six klicks des croiseurs républicains, l'escadre Delta continue de les harceler et Kappa et Oméga viennent d’engager la chasse ennemie. »

« Probabilité de dégâts collatéraux si nous ouvrons le feu ? »

« Évaluation... Moins de 9 %, indice de fiabilité à 77 % ! »

Se retournant, Poliakof ferme les yeux pour se concentrer sur la teneur de l’ordre à venir. Reportant sa décision à un moment plus propice, il préfère jouer la carte de la prudence en attendant que tombent les premiers comptes rendus de la chasse :

« Prévenez-moi quand le risque tombera sous la barre des 5 %, où en est-on avec les avaries des systèmes de survie de l’Interdictor ? »

[ Jet de sagesse pour recharge maximale des boucliers ]

« Les équipes de maintenance finissent de les remettre en état de marche, les boucliers sont quasiment rétablis à pleine charge, commodore. »

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[ HRP : L'escadre Zêta rassemble les 95 chasseurs Sith du croiseur l'Intimidant ; Kappa réunit les 6 escadrons des Léviathans, soit 72 appareils, Oméga les 2 escadrons des transporteurs d'escorte ; L'escadre Delta comprend les 12 escadrons des Interdictors, soit un total de 144 chasseurs. ]

Le visage du vieil homme avait gardé une expression impassible, mais grave. Ses yeux clairs étaient braqués sur l’un des écrans de contrôle, suivant les mouvements de cette danse sans merci. Car les Sith ne flanchaient pas le moins du monde devant la force déployée par la République et les Jedi réunis. Il devait reconnaître que cela ne pouvait être dû qu’à une excellente préparation et beaucoup d’intelligence de leur part… Et ce n’était guère rassurant. Si les Sith montraient leur supériorité ici, ils pourraient devenir une vague fracassant une digue et renversant tout sur son passage… Non, il fallait qu’ils tiennent bon !

Le Jedi échangea un regard déterminé avec le commandant de bord, lui aussi bien campé sur ses deux jambes et prêt à continuer à se battre jusqu’au bout.

- La deuxième formation Sith s’en prend toujours au Chancelier, expliqua-t-il brièvement, faisant tomber sur eux comme un deuxième et pénible coup de marteau. Ils ne résistent que très difficilement, 40% de leurs boucliers sont inutilisables.

Saï acquiesça en silence, conscient de la gravité de la situation. Ils ne savaient pas, finalement, à qui ils avaient à faire, et c’était là que le bât blessait. Terriblement. Un jeu d’échecs était tellement plus aisé quand on connaissait la façon de penser de celui que l’on essaie de vaincre. Et là, leur échiquier ressemblait à d’immenses bâtiments fièrement alignés, baignant au milieu des nuées de chasseurs affolés. Les troupes devaient être sacrément déçues de leur manœuvre ratée…

- Manœuvre de redressement terminée Mon Commandant !
- Bien, répondit l’homme rigide en tournant brusquement le dos au vieux Maître. Qu’en est-il de la vitesse ennemie ?
- Ils seront à portée de tir d’ici 2 minutes et 50 secondes ! répondit son camarade sans ciller.

Saï avait l’impression que ses méninges s’activaient à toute blinde. Moins de trois minutes pour prendre la décision : attaquer malgré leur dernier échec, ou bien se concentrer sur une solution de repli ? Prendre des risques, et si oui lesquels…
Le vieil homme ferma les yeux. Sentit la Force autour de lui, comme un cocon au milieu d’une tempête effroyable. Il sentait les cœurs serrés des hommes, leurs peurs et leur adrénaline. Parfois, l’un d’entre eux s’éteignait aussi soudainement et simplement que si quelqu’un éteignait la flamme d’une bougie d’un seul souffle. Eux-mêmes étaient à l’abri dans un croiseur, du moins en avaient-ils l’impression. Mais parfois, mieux valait pouvoir disparaître au combat plutôt que de voir ce qu’il adviendrait après l’échec.

- Faites armer les canons lasers, dit-il finalement en rouvrant les yeux devant l’écran.
- Mon Commandant, ils accélèrent ! A portée de tir d’ici 40 secondes !
- Armez les doubles turbolasers lourds et les canons lasers des croiseurs ! répliqua l’homme d’une voix forte. Que les bombardiers utilisent leur armement intermédiaire, à pleine puissance !

Les secondes s’égrenèrent ensuite dans le silence feutré. Trente. Vingt-cinq.

- Ordonnons-nous le tir dès l’ennemi à portée ? interrogea le Commandant en se retournant vers Saï, une inquiétude voilant brièvement son visage. Les croiseurs ne seront peut-être pas prêts.

Le vieil homme se mordit la lèvre, laissa son regard errer sur le pont et y rencontra quelques paires d’yeux parmi les opérateurs en attente.

- Non, décida-t-il finalement. Nous attendons la charge totale des croiseurs, afin que l’attaque soit de meilleure puissance. En nous concentrant toujours sur l’Interdictor déjà touché.
- Bien, Maître, acquiesça le Commandant avant de repartir en direction des officiers.
- Les bombardiers sont parés à tirer ! cria l’un d’eux. Départ à portée de tir ?
- Portée de tir dans 7 secondes !
- Non ! Qu’ils attendent l’ordre, les croiseurs doivent être prêts !
- 5 ! 4…
- Faites sortir les chasseurs de la zone intermédiaire, accourut Saï derrière le Commandant. Ils pourraient prendre les devants !

[Jet de sagesse pour retrait]

Il ne fallut qu’une poignée de minutes supplémentaires pour que les croiseurs soient, au grand soulagement du vieux Jedi, enfin prêts à faire feu. Il s’était retourné vers la baie gigantesque pour voir en face ce que cette nouvelle attaque allait donner. Devant lui, comme un public terrifiant, les bâtiments ennemis se croisaient en une étrange géométrie, et il se sentit comme un artiste qui n’aurait pas bien su son texte. Mais ce ne serait pas la première fois qu’il improviserait…

- A TOUS LES BÂTIMENTS, FEU !

[Jet d’intelligence pour attaque]

En un éclair, les corvettes Thranta se retrouvent assaillies sous un déluge torrentiel de tirs croisés s’abattant de toute part sur leurs flancs, amenuisant leurs boucliers déflecteurs, sans toutefois parvenir à endommager leurs systèmes de bord, et encore moins leurs structures. Faut-il y voir un coup du sort purement hasardeux ou bien la marque d’une réussite insolente, il n’empêche que la chasse impériale ne compte aucune perte dans ses rangs, malgré le revirement de tactique opéré et l’éclatement in extremis des appareils ennemis, dûment anticipé par les escadrons de la formation Delta. Sauf qu’aucun d’entre eux n’a l’occasion de s’en rendre compte, étant donné le capharnaüm général qui embraye d’emblée sur la contre-attaque, provoquant un sentiment fugace de confusion chez les pilotes de tout bord, même les plus chevronnés. L’efficacité de la riposte menée ne tient qu’à l’effet de surprise provoqué et aux réflexes aiguisés de ces casse-cous, voilà pourquoi un second passage à proximité des vaisseaux de ligne républicains reviendrait à courir un risque inconsidéré face aux batteries de tourelles laser défouraillant à tout-va, visant en priorité la poignée d’escadrons encore en formation de vol. D’autant que si les impériaux tirent un avantage certain de leur supériorité numérique, la puissance de l’armement embarqué à bord de leurs vaisseaux, dépourvus de lanceurs, ne peut décemment pas faire le poids face à des cibles de cette envergure. Autant de conclusions gambergées à toute allure par le lieutenant et chef d’escadre Görendt, qui n’a ni le temps ni le loisir de réfléchir plus avant. Dans son casque, malgré les consignes de ne pas encombrer le canal de communication prioritaire, ses frères d’armes ne peuvent s’empêcher de se soutenir mutuellement, félicitant les uns, haranguant les autres à tenir bon.

Eh oui, tenir bon ! Car, qui plus est, les rôles viennent subitement de s’inverser : les appareils ayant mené la contre-offensive se retrouvent pour la plupart poursuivis, avec aux trousses des engins ennemis dans la peau du chasseur, sans mauvais jeu de mot. Conformément aux ordres reçus, les premiers, talonnés de près, s’écartent aussitôt du champ de bataille pour croiser dans le dos des vaisseaux de ligne, à l’abri de leurs artilleurs, virant et revirant de bord, piquant des trajectoires courbes pour tenter de les semer, non sans mal. Heureusement que les renforts – l’escadre Zêta – ne tardent pas à pointer le bout de leur fuselage, alignant sans vergogne les cibles isolées, qui ne tardent pas à changer de cap, accélérant pour rejoindre les frégates, couverts par leurs tirs de barrage.

« Leader Zêta aux chefs d’escadre, nous prenons le relai, ordre d’engager la chasse ennemie, ne les laissez pas approcher de la flotte, à vous, terminé. »

« Bien reçu, leader Zêta ! » répond le lieutenant Görendt, avant d'éviter l'un des siens, contraint de se déporter violemment. « A tous les chasseurs Delta-Kappa-Oméga, éloignez-vous des corvettes sur-le-champ et soyez vigilants, ne restez pas dans leurs lignes de mire ! Si j’en vois un qui vole en ligne, j’le descends moi-même ! Formation G ! Les bombardiers restent les cibles prioritaires, alors on les harcèle pour les forcer à se désengager, rien d’autre ! Bonne chasse ! »

Sur ces mots, la myriade virevoltante d’engins au design profilé répond au doigt et à l’œil en se scindant en deux entités distinctes, chacune suivant des trajectoires inverses tout en décrivant une large courbe à l’homothétie flagrante, manœuvrant de manière à pouvoir fondre sur l’ennemi par l’arrière, presque en tenaille. Au pire, ils pourraient toujours intercepter les missiles si jamais leur timing s’avère trop serré… Là encore, le surnombre des chasseurs impériaux serait un avantage certain, puisqu’il y en aurait toujours pour rester sur l’objectif tandis que d’autres s’occuperaient d’embarquer la garde rapprochée encadrant les bombardiers, faisant des cibles faciles car bien moins manœuvrables…

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Pour la première fois depuis leur rencontre, Araya surprend le commodore Poliakof en train de manifester un signe d’agitation, un sourire aux lèvres. Et il n’est pas le seul, vu l’excitation qui survole soudainement les fosses jalonnant la passerelle, d’où jaillissent simultanément de légères acclamations enthousiastes entrecoupées d’éclats de voix. L’arkanien ne tarde pas à comprendre pourquoi en fixant l’un des écrans de contrôle : l’un des vaisseaux de ligne de la République vient d’être malmené par une attaque en règle des chasseurs impériaux, voltigeant sur ses flancs telle une flopée de prédateurs assénant des coups de griffes face à une proie cherchant à se rebiffer, mais incapable de venir à bout de la menace virtuose par manque de réactivité. Le revers de la médaille ne se fait pas attendre : déconcentré par la bonne nouvelle, les opérateurs de navigation commettent des erreurs d’estimation concernant la course des bâtiments ennemis, qui se rapprochent à toute vitesse de la zone d’abattage, la plus propice à des tirs suffisamment précis pour les atteindre, sans représenter de réels dangers pour leur chasse. Ni une ni deux, le seigneur Sith demande à ce que soit ouvert le canal de communication de la flotte pour s’adresser aux officiers commandant de tous les navires :

« Messieurs, nous aurons tout le temps de nous féliciter des exploits accomplis par la chasse une fois la bataille emportée, ce qui n’est pas encore le cas ! Il ne s’agit pas de faiblir, mais de montrer une détermination sans faille dans nos tâches respectives. L’ennemi s’apprête à nous faire mal, et il le fera sans doute, alors rendez-lui sa hargne au centuple ! Pour l’Empire ! »

Enivré par la fougue qu’il essaie de transmettre aux hommes d’équipage de tout poil, c’est avec la même verve qu’il réclame un rapport de la situation concernant les mouvements des vaisseaux ennemis auprès de l’un des officiers de la tactique :

« La flotte républicaine sera à portée de tir dans… Moins d’une minute ! Acquisition des systèmes de visée en cours… Hormis l’Intimidant, tous les bâtiments pourront ouvrir le feu à votre signal ! »

« Bien, donnez l’ordre de concentrer les tirs sur les cibles en fonction des estimations de réussite, je veux que chaque salve touche au but ! » lâcha-t-il haut et fort, la sévérité de sa voix témoignant du degré de crispation qu’il ressentait à ce moment précis.

« A vos ordres ! Je viens d'envoyer une configuration optimisée des commandes de redistribution d’énergie aux autres bâtiments, dans le cas où nous aurions à essuyer des tirs, le maximum de puissance sera immédiatement alloué à la recharge des boucliers déflecteurs ! »

« Bonne initiative… » répliqua Araya, espérant bien qu’il réussirait à défendre sa position bec et ongles face aux stratèges du camp adverse. Ce qui n'empêcha nullement la sentence de tomber telle un couperet amer tranchant le fil de ses réflexions, avec un goût de métal rouillé au fond de la gorge. L'ennemi venait de faire mouche :

« L'Interdictor du commandant Layek vient d'essuyer plusieurs tirs, les boucliers ont absorbé l'impact mais ils ne tarderont pas à céder s'il en encaisse d'autres ! » s'affola l'opérateur, recevant les premiers relevés d'avaries.

[ Jet de sagesse pour parer l’offensive républicaine ]

[ Jet de sagesse pour dérivation de l’énergie vers les boucliers déflecteurs de l’Interdictor ]

- Ils s’en prennent en particulier à nos bombardiers, Commandant. Leurs chasseurs sont près de 3 fois plus nombreux que les nôtres, c’est l’Evanescent que vous avez vu être touché. Ses boucliers ont été réduits de 79 % de leur puissance opérationnelle, mais ils sont déjà en réparation.
- Absorbez-le dans la formation, répliqua l’homme froidement. Il y sera plus en sécurité.

Evidemment. Il ne fallait pas donner la satisfaction aux Sith de voir un vaisseau de cette envergure détruit. Sans compter la sécurité des hommes à bord, bien que nul n’ignorât dans cette guerre que des sacrifices humains seraient inévitables.

Saï écoutait à demi les rapports des officiers et les directives mesurées du Commandant de Bord. Quelque chose le chagrinait, mais il n’arrivait pas vraiment à mettre le doigt dessus. Ils résistaient plutôt bien, depuis quelques minutes, et leur attaque avait fait d’importants dégâts sur le croiseur Interdictor affaibli. Si les Sith ne faisaient rien pour le protéger, ils risquaient de le perdre… A moins que cela ne les dérange pas de le sacrifier ? Si c’était le cas, il y avait vraiment de quoi s’inquiéter, mais le vieil homme avait du mal à y croire.
Non, ce qui le gênait, c’était qu’il percevait que les Sith auraient dû être, lui semblait-il, beaucoup plus vindicatifs que cela. Certes, leurs chasseurs étaient très actifs et passaient d’une cible à l’autre avec une fougue étonnante, mais les gros bâtiments, eux, n’employaient pas les gros moyens. Pourquoi ? Pourquoi ne pas tirer dans le tas ? Qui attendait les ordres de qui, et pourquoi ? A tel point qu’il se demandait s’ils devaient poursuivre leur propre offensive…

- Adoption de la formation stratégique Sun 91 ! criait derrière lui le Commandant de Bord.

[Jet de sagesse pour réorganisation]

Nouvelle réorganisation pour absorber les vaisseaux les plus touchés, estimait le vieillard. Les manœuvres Sun étaient pour la plupart des techniques de la nouvelle école militaire, encore peu employées dans cette zone spatiale et qui donc étaient peut-être moins faciles à décoder que les anciennes formations. Tout était question d’atténuer l’avantage des Sith d’être plus imprévisibles car moins bien connus de tous.

- Pensez-vous qu’il faille mener un nouvel assaut sur l’Interdictor touché ? interrogea le Commandant, de retour près de lui.
- Mmmh… grogna Saï. Que se passe-t-il du côté du vaisseau mère ?
- Le Chancelier encaisse toujours d’importants dégâts, Maître, admit-il, mais ils se sont adaptés et répondent mieux aux attaques violentes des Sith. Je ne comprends pas pourquoi…

Il ne termina pas sa phrase, comme s’il s’était soudain souvenu que le moment n’était pas à l’heure des discussions. Mais le vieillard, lui, avait besoin de confirmer ses propres doutes.

- Pourquoi ils ne sont pas si violents de ce côté, vous voulez dire ?
- Oui. Peut-être devrions-nous nous rétracter et voler au secours du Chancelier, ne pensez-vous pas ?
- Si nous nous lançons sur cette piste, nous aurons des Sith en face et des Sith dans le dos, Commandant. Et là, ils ne nous feront pas de cadeau. Nous leur faisons face, il nous est impossible de nous retirer maintenant.
- Evidemment. Mais cela nous prendra du temps d’en venir à bout avant de pouvoir aider le Chancelier.
- Oui… Trop de temps. Attaquons donc encore l’Interdictor, Commandant. Ce serait un symbole fort s’il tombait. Même pour le Chancelier.
- Bien.

[Jet d'intelligence pour Attaque sur les Sith]

Le Commandant, pour la énième fois depuis le début des manœuvres, tourna les talons en vitesse et accourut vers les opérateurs pour que les ordres soient transmis. Saï inspira longuement devant l’immense paysage surréaliste. Puis il ferma les yeux doucement, et se concentra sur la Force.

Un tel bouleversement, une telle tempête. Même l’aura de son padawan s’y trouvait insaisissable. Comment aurait-il pu localiser le Chancelier à travers un tel raffut ? Si seulement il pouvait au moins lui communiquer l’important… Saï rouvrit les yeux. Tant pis pour la Force, la technologie aiderait peut-être. Il s’arracha à la contemplation de la scène de bataille et prit la direction, déterminé, d’un opérateur des communications.

- J’ai un message à transmettre directement au Chancelier de la part de Maître Don. Dites-lui que nous résistons. Notre ennemi est gérable pour le moment, de notre côté. Nous comptions les contenir mais au vu de sa situation, il nous faut savoir si nous devons être plus offensif, continuer à résister ou nous rabattre de leur côté pour leur apporter du renfort. Sachant que cette dernière option de regroupement est un risque de mettre tous nos œufs dans le même panier. Attendons ses ordres.

Ainsi, nous étions dans un cas exceptionnel, et les Jedi se soumettraient aux directives de la République pour lui venir en aide. Toute première preuve de réconciliation entre l’Ordre lumineux et le gouvernement du cœur de cette galaxie… Pour le meilleur, ou pour le pire…

Plus la joute spatiale suit son cours, plus un étrange statu quo semble s’installer entre les ennemis jurés, pesant le pour et le contre avant chaque prise de décision, insufflant celles-ci avec prudence et parcimonie, comme si les mouvements de chaque pièce sont en mesure de faire basculer la partie à tout moment. Il est vrai qu’Araya préfère miser sur un attentisme flagrant, préférant voir venir le clan rival pour comprendre ses tactiques, et prévoir son prochain coup afin de le devancer d’une tête. Après tout, il était là pour soutenir le blocus d’Artorias, pas forcément pour éradiquer ses sauveurs potentiels, sauf s’ils ne lui laissent pas d’autres choix. Scénario qui risque bien de se produire, par le fait. D’autant que les stratèges républicains, pugnaces et réfléchis, s’avèrent de plus en plus menaçants à mesure que la bataille gagne en intensité, distillant des coups de boutoir aussi soudains qu’impétueux. Resserrant leur formation pour couvrir les navires les plus fragilisés, les bâtiments de ligne du camp adverse en viennent à se réorganiser en formant un front commun pour mieux frapper l’ennemi et résister à ses assauts, faisant preuve d’une cohésion et d’une organisation sans faille. Une manœuvre habile qui témoigne de l’aplomb et de la lucidité du commandement adverse. Si Araya n’est pas né de la dernière pluie, l’état-major républicain non plus…

Quoi qu’il en soit, aucun des belligérants n’a de pertes majeures à souffrir, malgré des velléités qui ne reviennent qu’à mettre à l’épreuve la résistance des boucliers enrobant la coque de chaque vaisseau comme une seconde peau, hormis celle des chasseurs, bien entendu, qui tient plus lieu de coquille d’œuf. Si ces derniers se livrent, de leurs côtés, à une lutte acharnée pour prendre le dessus, l’opposition des vaisseaux de ligne n’a engendré jusque-là que de timides offensives, l’un taquinant l’autre tout en restant à bonne distance. Néanmoins, les dernières salves expulsées par les batteries de turbolasers d’en face se sont avérées particulièrement précises, il faut bien le reconnaitre. En concentrant leur attaque sur le même Interdictor, ils pourraient finir par causer de graves avaries causant un préjudice certain à son bon fonctionnement, sans lui laisser le temps d’intervenir sur les pannes subies à son bord. C’est pourquoi il faut remédier à cette situation, et il n’y a pas trente-six moyens pour ce faire :

« Ordonnez au commandant Layek de se décaler pour qu’il soit couvert par le Léviathan du capitaine Broyles, qu’il reste dans son sillage le temps que ses boucliers soient pleinement opérationnels. Et prévenez le capitaine Broyles de la manœuvre, qu’il ajuste son cap en conséquence ! » articula Araya sur un ton autoritaire, les bras croisés, trépignant d’une console à une autre, avide d’obtenir des résultats probants. « Les puits de gravité ont-ils été recalibrés ? »

« Affirmatif, monsieur ! »

« Rapport sur la flotte républicaine ? » demanda-t-il brusquement, en figeant son visage juste à côté de celui de l’officier tactique.

« Trajectoires inchangées, les navires de la République viennent de se réaligner sur nos positions… Les senseurs de surface détectent un accroissement d’énergie vers leurs systèmes d’armement, ils s’apprêtent à ouvrir le feu ! » scanda l’officier, la voix tremblante d’excitation.

« Il faut tenir la position, coute que coute, hors de question de les prendre en chasse pour les voir nous semer l’instant d’après ! A mon signal, préparez la flotte à ouvrir le feu ! »

[ Jet de sagesse pour défense ]

[ Jet de sagesse pour recharge des boucliers de l’Interdictor du commandant Layek ]

Même si le plan de retraite de l'Interdictor fonctionne, se plaçant d'extrême justesse à l'abri du Léviathan, ce dernier vient de prendre de plein fouet plusieurs déflagrations sur le flanc exposé à la flotte ennemie. Les rapports ne tardent pas à tomber sur les canaux de communication de l'Intimidant : quelques générateurs auxiliaires n'ont pas résisté à l'impact des tirs, bien que les boucliers aient joué leur rôle, diminuant en puissance.

S’extirpant quelques minutes du climat agité et électrique des fosses jalonnant le pont de commandement, Araya déambule le long de la baie en tâchant de faire le vide, fixant au loin les tâches grisâtres marquant les positions des vaisseaux formant la ligne de front ennemie, lesquels paraissent ridiculement insignifiants à cette distance. A contrario, les Léviathans aux courbes effilées paraissent gigantesques, pointant droit vers la zone de combats des chasseurs. En fixant son attention sur elle, on arrive même à distinguer, en contrebas, le fourmillement des tirs causés par les engins monoplaces pour qui la réalité des combats est toute autre, leurs survies ne tenant qu’à un fil, lançant et relançant les dés du destin à chaque seconde. Peut-être faudrait-il envisager de remettre une distinction honorifique à ceux qui se seraient illustrés au cours de cette bataille, ou bien élever en grade les plus méritants. Cependant, l’heure n’est pas encore aux palmes et aux trophées décernés, il s’agit de rester concentrer sur l’objectif, même si Araya aurait bien aimé en finir le plus vite possible, à tort, sûrement. La patience s’impose souvent au cœur même du conflit, aussi insupportable soit-elle…

« Monsieur, nous venons d’intercepter une communication des forces républicaines à l’instant ! Manifestement, elle n’était pas cryptée… » annonce d’une voix sonore l’un des officiers chargé des transmissions.

« Qu’est-ce que vous attendez pour l’afficher !? » beugle Noval, un air passablement renfrogné assombrissant ses traits depuis la dernière attaque de la flotte ennemie. Projetés depuis une console holographique, les messages concis apparaissent aussitôt dans un scintillement verdâtre.

« Le Chancelier ?! Le Chancelier est venu en personne superviser l’attaque ?! C’est à peine croyable ! » s’étonne le commodore Poliakof, tandis que le Sith scrute avec attention le nom de son correspondant : « Maitre Don ». Rien que ça… Si sa mémoire ne se joue pas de lui, ce qui n’arrive pour ainsi dire jamais, l’individu qui supervise les opération militaires sur ce secteur n’est ni plus ni moins que l’un des maitres Jedi les plus émérites et les plus respectés de son Ordre. Pas étonnant qu’il ne commette pas le moindre impair, son expérience de la guerre et des conflits armés doit dépasser de loin celles de Noval et du commodore réunis ! D’autant qu’il sait sûrement s’y prendre pour galvaniser les membres d’équipage, au vue de la résistance farouche que la flotte adverse oppose depuis le début des hostilités. En revanche, le Chancelier connait des difficultés dans son face-à-face avec la Dame Noire, nouvelle qui tombe à pic et conforte le Sith dans l’idée que son rôle se borne à dresser un mur infranchissable sur lequel vient se fracasser les attaques ennemies, se contentant de riposter à chaque fois que l’occasion se présente. Après tout, ils ne risquent pas de se sauver, étant donné le nombre de puits de gravité prêt à être enclenchés à tout moment, empêchant toute retraite éventuelle. Si Darth Ynnitach vient à bout des forces navales dirigées par le Chancelier, refusant, qui plus est, toute intervention de la part du maitre Jedi, le sort de ce dernier serait vite scellé, se retrouvant pris en tenaille entre deux feux.

« J’imagine que vous n’allez pas attaquer, je me trompe ? » murmura le commodore à son oreille.

« C’est tout à fait ça, autant préserver nos forces et ne prendre aucun risque, après tout, nous ne sommes pas là pour sauver qui que ce soit, et je ne tiens pas à engager une lutte qui pourrait nous affaiblir plus qu’autre chose. Je préfère leur laisser croire qu’ils ont les cartes en main, et jouer notre va-tout au bon moment. » commente un Noval d'un ton monocorde, encore absorbé par le contenu des envois adressés aux chefs républicains.

« Où en sommes-nous ? » coupe-t-il comme s’il vient de sortir d’un songe, en s’adressant aux officiers tacticiens.

« Les boucliers de l’Interdictor viennent d’atteindre leur rendement maximal, ils seront rétablis dans les minutes qui viennent. Prêt à faire feu à votre ordre, générateurs de sphères antigravs recalibrés et parés à être déployés à votre signal ! »

[ Jet de sagesse pour recharge des boucliers ]

Long moment, étrange flottement.

- Ils font quoi, tu crois ? demanda discrètement un officier à son collègue d’un coup de coude.

Et c’était exactement la question que se posait le vieillard. La Force ne lui disait rien d’autre que ce que les radars affichaient : des chasseurs tournoyant pour éviter d’entrer en conflit frontal et des bâtiments de guerre alignés, semblant regarder les leurs en chiens de faïence. Pourquoi la bataille ne faisait-elle pas rage comme c’était le cas non loin d’eux ?

- Que se passe-t-il du côté du Chancelier ?
- Il vient de répondre à votre message, Maître. Il donne l’ordre de poursuivre l'engagement avec l'ennemi afin de le contenir et d'empêcher tout regroupement avec l'autre partie de leur flotte. Il a bien précisé qu’aucune tentative de leur porter secours ne doit être tentée.

Facile à dire, faillit répondre Saï, mais il se retint de faire un commentaire. Les défenses du Chancelier s’amenuisaient dangereusement, selon les officiers de bord. Le Commandant, lui aussi, avait les yeux gris de celui qui sait qu’il faut renoncer à certains espoirs. Mais il reprit la parole comme si de rien n’était.

- Des renforts ont été appelés, mais le Chancelier a précisé que vous deviez prendre la direction des opérations s’il venait à tomber.

Saï admirait la lucidité du Chancelier. Il était étrange que cet homme-là se fût imaginé sombrer du côté obscur, car ses actes autant que ses paroles, en pareille position, prouvaient une maturité qu’il n’aurait pas attendue d’un Chevalier Jedi. Mais si les mots étaient honorables, la situation n’en était pas moins épineuse. Et bien sûr, il n’était pas question de laisser le Chancelier aux mains de la Dame Noire.

- Nous allons reprendre l’assaut, décida le vieil homme avec fermeté. Nous n’avons pas le choix. Il n’y a pas de négociation possible s’ils essaient de détruire le Chancelier.

Le Commandant acquiesça gravement, mais paraissait soulagé. Lui non plus n’aurait pas fait demi-tour. Comme la plupart des hommes à bord, après tout. Les militaires étaient loyaux, même s’ils n’avaient pas toutes les qualités. Et par-dessus tout, il y avait tellement de Jedi à terre… Impossible de laisser les Sith détruire cette planète et toute leur flotte ! Qu’arriverait-il alors au reste de la galaxie derrière eux ? Le Jedi en était presque à regretter l’époque de Darth Ritter. Les ennemis terribles d’alors avaient la faiblesse d’être divisé… Là où la Dame Noire avait été intelligente, c’était à l’endroit du rassemblement qu’elle avait su produire autour d’elle. Même éphémère, le pouvoir alors créé était destructeur.
Les Sith commençaient donc à apprendre de leurs aînés…

- Les vaisseaux sont en attente de vos ordres, Commandant ! cria un officier qui extirpa Saï de sa réflexion.
- Dites-leur d’attaquer, officier ! A toutes les unités, visez les maillons faibles de leur flotte ; les vaisseaux les plus fragiles ou déjà bien endommagés ! Feu, FEU !

[Jet d'intelligence pour Attaque]

Les opérateurs répétèrent les ordres, pianotèrent, les yeux rivés sur leurs écrans, dans le brouhaha feutré du pont de commandement. Seul la voix du Commandant se détachait, rauque et déterminée.

- Détachement des escadrilles Quartz et de la formation secondaire vers la planète ! 26 points d’angle sur un biais tribord, et accélérez !
- Ordres transmis Commandant ! Trajectoire Quartz et formation secondaire modifiée dans 40 secondes !
- Avarie détectée sur le bombardier Corail Commandant !
- Retrait du Corail, je répète, retrait du Corail pour réparations !

[Jet de sagesse pour réorganisation]

Saï inspirait longuement, expirait dans sa barbe chaude l’anxiété que faisait monter en lui la position d’infériorité numérique qu’ils étaient doucement en train d’acquérir. Même si leur flotte était quasi-intacte, ils ne résisteraient pas longtemps au rassemblement des deux flottes Sith… Il fallait les en empêcher à tout prix…

Sinon quoi ? Il n’en savait rien.

Même si dans les faits, l’opposition contre les forces de la République ne dure que depuis une poignée de minutes, Noval a pourtant l’impression chevillée au corps que ce face-à-face s’éternise, sans qu’aucune des deux puissances en présence ne prennent réellement le dessus. Et c’est précisément le cas. Les mastodontes de duracier impériaux se contentent de calquer leurs trajectoires sur celles des vaisseaux capitaux républicains, sans jamais se livrer à une course-poursuite vaine, rendant coup pour coup dans l’espoir de leur infliger le maximum de dégâts possible tout en limitant la prise de risques. Livrer bataille, certes, mais sans pour autant renoncer à dresser un barrage infranchissable face à l'adversaire. Une stratégie certes peu gratifiante, mais qui offre l’avantage de voir venir le danger, tout en restant capable de palier au pire des scénarios envisageables, comme l'arrivée soudaine et inopportune de renforts. De leurs côtés, Les chasses respectives ont engagé le combat rapproché, entamant un ballet spatial où les manœuvres acrobatiques s’enchainent à un rythme effréné : vrilles, boucles et tonneaux deviennent le lot quotidien pour des centaines de pilote qui ne cessent de relever d’improbables défis que les gens du commun jugeraient complètement fous. Comme pour encourager la bravoure de ces téméraires du manche, les pertes des deux côtés ne permettent pas de les départager, attisant leur volonté d'en découdre dans des duels de voltige. En tout cas, les pilotes républicains, pourtant largement en sous-effectif, font preuve d’un talent certain pour résister aux assauts des chasseurs Sith qui s’abattent sur eux vague après vague, contraints de composer avec de nombreux tirs de soutien issus des corvettes et des frégates croisant à quelques klicks à peine de leurs positions.

Le moment de latence observé par la flotte rivale s’achève sur une nouvelle tentative de forcer le blocus en cassant la formation des navires de ligne de l’Empire. La position avancée des Léviathans en font des cibles de choix, laissant les Interdictor dans leurs sillages tout en étant suffisamment excentrés pour avoir des opportunités de tirs, notamment de barrage, au cas où les appareils légers les plus lourdement armés échappent à la vigilance de la chasse et parviennent à verrouiller leurs ogives sur les croiseurs ouvrant la marche. L’offensive ne tarde pas à être lancée, malmenant la protection des écrans déflecteurs de l’un d’eux. L’offensive ne tarde pas à produire ses premiers effets. D’un ton calme, Noval donne l’ordre de leur rendre la pareille, et de faire feu.

[ Jet d’intelligence pour contre-attaque ]

Réagissant au quart de tour, c'est tout l'arsenal impérial qui fait parler la poudre en faisant mouche, les senseurs confirmant la donne : les boucliers des bâtiments adverses viennent de chuter d'un coup, mais tiennent toujours bon. Encore quelques salves aussi précises que celles-ci, et ils auraient tôt fait de voler en éclats.

« Monsieur, l’ennemi accélère et change de cap, vecteur B-1-0, je crois qu’il risque le tout pour le tout et tente de passer en force ! »

« Affichez toutes les trajectoires qu’ils pourraient suivre en essayant de contourner nos positions ! » réplique Noval, laissant transparaitre de l’agressivité dans l’intonation de sa voix. « Ne les lâchez pas ! Préparez les manœuvres de pivotement pour optimiser le champ d’action des turbolasers ! » harangue-t-il à l’adresse des officiers tacticiens, hochant la tête à l’unisson, les fronts perlant de sueur. « Et feu à volonté ! »

[ Jet d’intelligence pour attaque ]