Dans l’un des longs couloirs du Quartier des Jedi, une tête aux cheveux blancs en bataille apparut d’une coursive perpendiculaire. Personne à droite, personne à gauche. Même pas un petit morveux en exploration –comme ils aimaient tant le faire. Le pire du pire, ça aurait été de tomber sur la petite Twi’lek violette qui, pour sûr, se souviendrait très très bien qu’il était déjà venu par ici pleurnicher après la disparition du Chevalier Shein. Mais cette fois, personne.

Pas de témoin, pas de crime.

En silence, Lyrae longea les rangées de portes, sagement alignées et parfaitement identiques à celle qui abritait sa propre petite chambre, à l’étage supérieur de l’aile des Chevaliers Jedi. Un peu plus et il aurait pu se tromper. Mais non, il connaissait trop bien les lieux pour ne pas savoir où il allait.
Il s’arrêta devant une chambre sur sa droite, fermée, et jeta un nouveau coup d’œil autour de lui. Toujours personne et pas un bruit.

Toc, toc.

- Psst, c’est moi.

« Moi », c’était comme si la Zeltronne n’avait jamais connu quelqu’un d’autre dans sa vie. De toute façon, à part son tout nouveau padawan, qui irait bien toquer avec une voix de mec à sa porte ? Donc oui, c’était lui, le seul et l’unique, celui qui ne tenait plus en place depuis le matin même où on lui avait annoncé la nouvelle. Il ne savait pas si c’était de la nervosité, un simple enthousiasme ou de la terreur à l’état pur. En tout cas, il n’avait pas réussi à choper Jana à la fin d’un cours –il n’avait pas essayé trop fort, il fallait dire- et il s’était dit que ce serait peut-être bien de prévenir la maman en priorité, de toutes façons. La maman. Pouah ! Quelle idée.

- Pssst ! Ouvre !

Il se sentait comme un gamin qui risquait de se faire prendre la main dans le sac à l’instant même où il s’amusait à inverser les sacs de sucre et de sel dans la cuisine du réfectoire. Sauf que les conséquences, plus inconnues que de se retrouver obligé de passer la serpillère dans les toilettes des padawans, étaient aussi vaguement plus angoissantes. Et puis, il avait hâte de tout déballer.

Presqu’en même temps que la porte s’ouvrait, Lyrae s’engouffra à l’intérieur, emportant joyeusement sur son passage la Zeltronne en tenue de nuit. Par quoi on commençait ? La nouvelle ou les bisous ? Mais Luuna avait un peu une étrange mine.

Le Chevalier referma en silence la porte coulissante derrière lui et la verrouilla. Enfin, ils pouvaient faire du bruit. Un petit peu, quoi.
La pièce de Luuna était dans son état habituel, douce avec quelques petits objets éparpillés. Rien de très voyant –le tape-à-l’œil était rare, dans les chambres des Jedi- et il y avait un faible nuage d’humidité qui provenait de la douche.
Lyrae serra la Zeltronne contre lui, reniflant au passage l’odeur agréable du savon dans son cou, et décida finalement de commencer par ce qui trottait de plus urgent dans son esprit.

- Tu ne devineras JA-MAIS ce que j’ai à t’annoncer.

Mais Luuna avait toujours un drôle d’air. Des traits indéfinissables. Il y avait quelque chose.

- Ben quoi ?! T’es déjà au courant pour Jana, c’est ça ?

Le sérieux de la Zeltronne ne lui disait rien qui vaille. Elle n’avait ni sauté de joie, ni manqué d’air concernant le fait qu’il était devenu le Maître de Jana. C’était important, pourtant, non ? Etait-ce une simple formalité qui n’effrayait que lui ?

Légèrement boudeur, Lyrae se laissa glisser auprès de Luuna, sur son lit fraîchement défait. L’avait-il réveillé ? Non, elle n’avait pas l’air endormie, ce n’était pas la cause de son manque d’enthousiasme.

- Ah… Il s’appelle comment ? fit le Chevalier en tâchant de ne pas paraître trop intéressé tout de même –après tout, le fait que lui ait hérité d’un monstre ne lui avait pas fait d’énormes sensations à elle ! Il est âgé ?

En-dessous de 15 ans, ça va, estima-t-il mentalement. Au-dessus, ça craignait. A partir de 15 ans –bon, même bien avant, mais c’était moins grave- un jeune homme commençait à avoir de sacrées pensées lorsqu’il se retrouvait face à une jolie femme. Et Luuna, c’était bien plus que ça. Il n’avait pas très envie de la croiser dans le Temple suivie par un dégingandé bavant de désir pour elle.
Lyrae s’imagina un instant ficher une taloche à un padawan, se souvint de son expérience avec Lana Anthana dans les geôles d’Iziz et abandonna l’idée de faire justice autour de Luuna. Il faudrait bien qu’il se plie au destin qui était réservé à la Zeltronne un de ces jours, de toutes façons… Mais s’il pouvait quoique ce soit pour l’empêcher de se mettre dans des situations compliquées, ce serait déjà ça de gagné. Et autant dire qu’avec Luuna, les occasions étaient fréquentes…

Le Chevalier soupira, regarda autour de lui sans voir pourtant la pièce qui les protégeait comme un cocon, puis revint à sa bien-aimée. Quelque chose à lui dire… ?

- Vu ta tête, ça a pas l’air d’être la nouvelle du siècle, commenta-t-il mécaniquement, mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir un petit pincement dans le creux de ses entrailles. Allons, tu sais que tu peux me parler de ce que tu veux, je le prendrai pas mal.

Et si elle avait décidé de rompre ? Et si le Conseil l’envoyait vivre au Temple de Coruscant, vu qu’il allait prendre de l’ampleur ? Ils ne se verraient plus… A moins qu’elle ait une maladie incurable ? Non ! Qu’elle ait soudain retrouvé la mémoire et avec le souvenir de sa vie entière, elle est redevenue l’ancienne Luuna et elle ne m’aime plus !

Lyrae sentait l’émotion lui battre les tempes comme un forgeron enragé. Il sentait une chaleur désagréable lui envahir le cou, mais il resta immobile, se força à respirer doucement. Ne pas céder à la panique. Ce ne devait pas être si grave. Ou peut-être que si, mais il n’allait pas montrer à Luuna comme il serait fragile si elle décidait de s’éloigner de lui. Comme il ne serait plus rien, en réalité. Plus rien du tout.

Il attendit que les mots lui viennent tandis qu’il tripatouillait ses propres doigts, les yeux baissés. Soudain, même l’optique de passer dix ans à courir après une tornade à couettes marrons lui paraissait une épreuve risible.

- Je veux pas que tu m’laisses, laissa-t-il échapper dans un murmure, incapable de croiser son regard.

Le padawan ressemblait à Aykan ? Mais il ne pouvait pas y avoir pire comme nouvelle ! Rien qu’à entendre les douces lèvres de Luuna prononcer cet horrible nom, Lyrae sentait un vieux couteau se retourner brusquement dans son estomac. Il était parti celui-là, pourquoi en parler encore ?
Mais Lyrae se contenta d’écouter la Zeltronne en silence. Avec elle, il avait appris à être compréhensif. Que l’adolescent ressemblât à l’ancien amant de Luuna ne signifiait pas que l’histoire allait se répéter, se sermonnait-il intérieurement. Et puis, 17 ans, elle ne pourrait jamais s’intéresser à lui, c’était certain. Cela ne l’empêcherait pas de garder un œil à jeter de temps à autre sur la réputation et les performances de ce padawan Livian.

- Bien sûr que tu pourras l’aider, commenta le Chevalier en haussant les épaules et en arrondissant les yeux comme si Luuna avait dit une bêtise plus grosse qu’elle. Il a besoin d’être compris, et tu sais plus que quiconque avoir de la compassion pour quelqu’un. Si le conseil te l’a donné, c’est que c’est de la bienveillance qu’il lui faut et pour ça, tu n’as pas besoin de faire d’efforts, c’est ton état naturel.

Pour Lyrae, n’importe qui au monde ayant une peine ne pouvait désirer qu’une chose : être auprès de Luuna. C’était évident, non ? Comment faisait-elle pour ne pas s’en rendre compte ?

Dans tous les cas, cela signifiait que la Zeltronne allait devoir passer du temps à s’occuper de quelqu’un d’autre que Jana et lui. Ces deux derniers allaient devoir partager… Mais Lyrae faisait confiance à la terreur pour se serrer les coudes avec lui –elle avait sûrement déjà un plan pour que Ferus ne prenne pas trop de place. En voilà une qui avait les idées en place : on pouvait dire ce qu’on voulait de Jana, elle avait compris le véritable but de la vie, à savoir se faire une place au chaud près de Luuna.

Et puis, soudain, il y eut cette falaise, ou ce gouffre, enfin il ne savait plus très bien. Alors qu’il se laissait doucement rassurer quant à son avenir avec la Zeltronne, il y avait eu ces mots, comme une claque dans la figure au moment où l’on s’y attend le moins.

- Qu… Quoi ? ne réussit-il qu’à bégayer lamentablement.

Ses yeux cherchaient des explications dans le regard de Luuna. Ils semblaient demander : « c’est une blague, hein ? tu plaisantes, c’est ça ? »

Non. C’était une vérité implacable. Bien sûr que son amante ne s’amuserait pas à faire ce genre de farce. Ce devait être vrai. Mais il y avait tellement d’informations dans cette simple déclaration qu’il ne savait guère par quel bout commencer pour examiner la chose. Et il en avait besoin pour savoir comment réagir.

D’abord, il y avait que le fait que Luuna soit enceinte et le fait qu’il allait être papa constituait un grand écart que son esprit réalisait difficilement. Parce qu’être enceinte, on en guérissait, aujourd’hui. Mais elle devait avoir déjà pris sa décision, puisqu’il allait être papa. Etre papa ! C’était donc qu’il était de lui. Et qu’il faudrait qu’il assume qu’il était de lui. Il ne savait pas comment s’y prendre avec une simple padawan, alors une petite chose toute fragile dont il faudrait changer les couches, apprendre à parler, à ne pas mettre ses doigts dans son nez, à consoler quand ça hurlerait, à … Et puis, ils allaient être QUATRE à se partager Luuna ! Et si l’enfant était une fille ? Et si elle voulait mettre des robes, et qu’elle s’enfuyait et qu’elle lui faisait les terreurs que leur avaient faites Jana ? Et si c’étaient des jumeaux ? Des triplets ? Six à se partager Luuna, ce n’était pas possible. Et si les enfants qu’ils auraient ne possédaient pas la Force, qu’est-ce qu’ils en feraient ? Et s’il y en avait un seul, l’autre serait jaloux. Et s’ils étaient en mauvaise santé ? Luuna ne se pardonnerait jamais, elle serait malheureuse.

- … Luuna ? glapit-il en dévisageant le mur devant lui, livide.

Et qu’est-ce qu’ils allaient dire au Conseil ? On vous présente Jean-Robert, notre fils. Ou bien Jan’Aora, notre fille. Il s’imaginait déjà les visages décomposés de Maître Don et de Maître Caldin quand Maître Mi se dépêcherait de venir embrasser la petite chose à tentacules dans les bras de Luuna. Ah non, normalement, le bébé ne devait pas avoir de lekku, s’il était sa progéniture. Et il serait blanc. Aux cheveux blancs ou noirs. Et s’il avait ses deux bras, il serait vachement chanceux, vu les bras des parents.

Et si cette petite chose grandissait et qu’elle avait honte de lui ? Oui, ton père c’est le chevalier qui un bras plus long que l’autre et qui se retrouve assigné à la porte d’entrée parce qu’il a tabassé une importante sénatrice quand il était jeune. Et si elle ne l’aimait pas, et que du coup Luuna s’arrêtait de l’aimer aussi, et que Jana changeait de maître pour être assigné à Ferus parce qu’il était meilleur que lui et que ses enfants à lui avaient des têtes de Lyrae adultes dans leur berceau qui tournoyaient et qui tournoyaient…

- Je crois que j’me sens pas bien.

Pendant quelques secondes –ou peut-être quelques minutes, il n’arrivait plus très bien à se rendre compte- Lyrae se concentra sur sa respiration. Il manquait d’air. L’atmosphère humide n’aidait pas, mais il s’occupait d’inspirer profondément, puis d’expirer lentement. Voilà une occupation fort peu angoissante, et qui surtout ne lui demandait aucune réflexion. C’était relaxant.
Il avait donc abandonné l’idée d’argumenter, ou même de se creuser la cervelle du pourquoi, du comment, du passé et de l’avenir. Déjà, parce qu’il faisait confiance à Luuna pour s’occuper de ces détails. Ensuite, parce qu’il ne se sentait pas capable de faire le lien entre l’adolescent romantique et attardé perdu qu’il était dans sa tête et le père responsable qu’il serait (ou pas) d’ici quelques mois.

La main de la Zeltronne le calmait. Il sentait sa peau, velouté, sur ses doigts rugueux. La voix de Luuna le berçait, mais c’était comme si le sens de ses mots ne l’atteignait qu’à retardement. En différé, il songea qu’il ne comprenait pas que cela dût arriver un jour, mais que ça paraissait tellement évident. Il ne voyait pas le lien avec Jana (à moins qu’elle n’ait donné envie à la Zeltronne d’avoir d’autres enfants ?), il ne voyait pas le lien avec Ferus.

Et puis soudain, à cause d’un éclat de voix féminin, le Chevalier sembla sortir brusquement de sa torpeur et tourna la tête vers la Zeltronne.

- Hein ? Pourquoi tu pleures ?

Y’avait rien de triste dans tout ça, c’était juste terriblement effrayant ! Pleurait-elle parce qu’elle avait peur, comme lui ? Si c’était le cas, il ne faudrait pas qu’il le montre. Il faudrait qu’il soit fort, ne serait-ce que parce que maintenant, il y aurait de nouvelles personnes à protéger. Il ne se sentait pas prêt à assumer tout cela –mais alors pas du tout- mais il était trop tard pour faire machine arrière. Aimer Luuna, il l’avait voulu. Dès qu’il l’avait rencontré, il avait ressenti cette attirance physique, cet attendrissement pour ses manières naïves et cette envie de la protéger.

- Je ne suis pas triste, fit-il en lui serrant la main à son tour. Je ne suis pas triste, Luuna…

Pouvait-il dire que cela le rendait heureux ? Pas vraiment. Pas encore ? En fait il n’en savait rien. Tout ce qu’il souhaitait, c’était qu’elle soit heureuse.
Le Chevalier s’efforça d’avoir un sourire rassurant, puis il la prit au creux de ses bras et la serra fort –mais pas trop, il ne fallait pas écraser le bébé…

Le bébé ! voilà qu’il se mettait déjà à penser en fonction de cela. La Force lui permettrait-il de le sentir un jour prochain ?

- Tout va bien ma puce, je suis content pour nous, lui chuchota-t-il. Le Conseil ne peut rien contre ça, nous avons fait de notre mieux. Je suis sûr qu’ils l’accepteront. Ils savent combien tu es sérieuse et…

… et combien je suis idiot ? Lui feraient-ils confiance, à lui ? Hors de question de faire part de ses doutes, dans tous les cas. Terminé les petites gamineries, il fallait qu’il soit un homme pour qu’ils restent soudés à jamais tous les deux. Tous les trois. Tous les quatre avec Jana, tous les cinq avec Ferus… Enfin bref, ils faisaient partis de la communauté des Jedi, ils en étaient indissociables.

- Je ferai tout pour qu’on ne nous sépare jamais. Jamais, jamais, jamais… Et plus que jamais, je veux que tu prennes soin de toi. Cet enfant mérite de connaître sa mère !

Et dire qu’il avait mis un temps fou à comprendre comment rendre une Zeltronne Jedi amnésique heureuse, voilà maintenant qu’il allait falloir se plonger dans les holo-books « Etre Papa : l’Aventure » et « La vie en couple dans l’attente d’un heureux évènement, par le professeur H. D. Loovkor » !
Et Jana ? Qu’allait dire Jana ?

- Ca va faire beaucoup de bouleversements pour Jana, tu ne crois pas ? On ne sera pas trop de deux pour la gérer…

Car quitte à être papa, à être en couple avec Luuna dont la fille adoptive était le petit monstre à couettes qu’on lui avait assigné… C’était un peu comme dire que Jana devenait sa fille, non ? Il signait un pacte avec le diable là, non ? Au moins, il savait sur qui il allait s’entraîner à avoir un minimum d’autorité… D’abord, commencer par ne pas avoir peur des enfants. Ils n’avaient jamais mangé personne, alors pourquoi s’en faire ?

- Tu lui annonceras toi, hein ?

Ok, les bonnes résolutions de courage et de persévérance seraient difficiles à tenir.

Ainsi donc, il n’existait pas qu’un seul monde. Lyrae avait connu le monde de l’enfance, celui de la solitude aussi, celui des Jedi. Celui de l’amour. Et voilà qu’un tout autre s’ouvrait sous ses pieds sans même qu’il ne s’inquiète plus avant. La panique s’était volatilisée comme un soufflé de la cantine serait retombé après être sorti du four. Le Chevalier ne savait guère pourquoi. Ce n’était qu’une dimension de plus, celle d’être papa. Peut-être était-ce parce que le bébé n’était pas encore là. Que se passerait-il lorsqu’il le verrait ?

Lyrae serra la zeltronne contre lui, l’embrassa sur le front, dans les cheveux, avec un sourire. Elle était si fragile, elle était si elle-même : sans cachotterie, sans faux-semblant.

- Tout est parfait, ma puce. Tu n’as rien fait de travers, c’est même magnifique. Il y a cinq minutes encore, je me serai senti incapable d’être père, murmura-t-il. Mais là, c’est avec toi. C’est le plus beau cadeau que tu puisses me faire. Le scellé de notre amour. Il me restera toujours quelque chose de toi grâce à cet enfant.

C’était l’évidence, d’ailleurs. La petite chose serait si précieuse, se dit Lyrae, qu’il ne saurait comment la prendre pour ne pas la briser. Il ne serait pas le meilleur des pères, mais le fait que ce soit un morceau de Luuna lui aurait fait affronter une armée sans peur pour le protéger.
Ferus était tellement moins menaçant, soudain ! Lyrae ne savait pas très bien si être enceinte et s’occuper d’un padawan était compatible mais il ne s’inquiétait guère : ce n’était pas comme si Ferus était Jana, il y avait peut-être un peu moins de risques !

Le Chevalier prit le visage de Luuna dans ses mains pour mieux que leurs regards se fassent face.

- Tu es déjà maman, je te rappelle. La meilleure maman de la galaxie, c’est Jana qui me l’a dit.

Il sourit et sécha les larmes de la zeltronne avec ses pouces. Il en était tellement certain, soudain ! Il aurait fait n’importe quoi pour elle. Etre papa ! Ce n’était rien, ça, il le serait avec fierté. Luuna lui donnait cette Force, Luuna lui permettait de se dépasser, toujours. Comment le Conseil pouvait bannir l’amour dans ces conditions ? Bien étrange était ce phénomène…

- Par contre, assagir Jana… Je crois que là, tu rêves. J’imagine même pas le trop plein d’émotions qu’elle va déverser sur nous quand : un, elle saura qu’elle va être grande sœur et deux, c’est moi qui vais la former.

Lyrae rit. Mais intérieurement, il songeait quand même qu’il allait rudement falloir qu’il occupe la petite padawan pour qu’elle ne fatigue pas trop sa mère, surtout le mois précédent et celui suivant l’accouchement. L’accouchement ! Luuna souffrirait-elle ? Peut-être… Luuna survivrait-elle ?
Le Chevalier chassa cette pensée morbide – des milliers de femmes accouchaient et n’en mouraient pas, voyons. Mais la douleur qu’elle pourrait subir suffisait à l’effrayer. Comment faisait-elle pour ne pas avoir peur ? Comment faisait-elle pour s’inquiéter de sa réaction au regard de ce qu’elle allait vivre ? Est-ce que toutes les femmes étaient si courageuses ? Non, ce devait être elle.

- Tu es unique, tu sais. Je ne peux plus imaginer une vie sans toi.

Il la serra de nouveau  dans ses bras et ferma les yeux pour mieux respirer son odeur.

Il n'en fallait pas plus pour la Zeltronne alors que son amant essuyait lentement les larmes qui avaient perlées le long de ses joues tout en lui expliquant avec tendresse qu'elle n'avait rien fait de travers. Au contraire, il lui assura qu'elle avait fait ce qu'il fallait et ce à la perfection ! Luuna aurait sans doute douté d'une telle chose si ce n'était pas Lyrae qui lui en faisait part, alors qu'il ajoutait qu'il était prêt à surmonter n'importe quoi du moment que c'était avec, elle ce qui lui empli le cœur d'un sentiment de bonheur à peine imaginable. Inutile de dire qu'il en fut de même lorsque le jeune Jedi lui rappela qu'elle était déjà la maman d'une petite chose à couette brune qui s'était venté d'avoir la meilleure maman de la galaxie ?

Ce fut la première fois que Luuna prit conscience de ce qu'elle avait parcouru comme chemin depuis la descente aux enfers qu'elle avait vécu suite à la rencontre avec Khajad. Cette femme qui disait être son amie lui avait arraché toute dignité en si peu de temps que la jeune maman n'avait jamais réellement réussi à prendre le temps de faire le point sur sa situation. Et pourtant sa vie avait évolué à une vitesse folle depuis ce jour où elle avait perdu Noct dans les pires conditions. À présent elle avait une petite fille de 11 ans,un bébé à venir, une relation suivie avec Lyrae qui, depuis quelques instants, avait prit une place encore plus importante dans sa vie au point qu’appeler le jeune homme " son amant " en deviendrait presque vulgaire et réducteur. Elle avait aussi un nouveau padawan à remettre sur les bons rails, ce qui impliquait tout d'un coup la confiance totale du conseil...

La voix de Lyrae la ramena doucement vers la réalité, le jeune homme lui signifiant qu'elle était sans doute un peu trop optimiste quand à la réaction de Jana ce qui, en y réfléchissant un peu, n'était pas faux. Une petite sœur ou un petit frère allait sans doute mettre la jeune fille dans de tels états qu'il allait être difficile de la calmer, mais peut être qu'en tirant les bonnes ficelles ils arriveraient à la canaliser un tant soit peu. Un léger rire s’échappa des lèvres de la belle accompagnant celui de son compagnon alors qu'il lui rappelait qu'il était en charge de leur fille adoptive, une autre nouvelle qu'il allait falloir gérer !

" Peut être que je devrai te laisser tout lui annoncer alors ?! Après tout tu vas devenir très proche d'elle à présent, sans doute même plus proche d'elle que l'ait Aora ! "

Un sourire révélateur étira les lèvres de Luuna qui pouvait déjà imaginer les sales coups que Jana avait en réserve pour son nouveau maître lorsqu'elle n'aurait pas envie de travailler où qu'elle aurait à tout prit envie d'une chose qui lui serai interdite. Pauvre Lyrae !! Comme pour joindre cette pensée à la scène elle enlaça Lyrae qui la serrait déjà dans ses bras lui offrant les plus beaux mots de la terre. Unique, une vie sans toi, combien de femmes avaient la chance d'être ainsi aimée ? Une sur mille ? Une sur cent mille ? Elle n'en avait aucune idée mais tout les doutes qu'elle avait il y a encore peu venaient de disparaître en un instant.

Embrassant les lèvres de son amant avec douceur, la Zeltronne se laissa tomber sur le lit entraînant son partenaire avec elle. Le savoir à ce point amoureux avait fait naître en elle un plaisir charnel qu'elle n'avait aucunement envie d'occulter, contrairement à de si nombreuses fois où elle s'était forcée à réprimer ce genre de sentiments depuis son arrivée au temple et même lors de sa relation avec Lyrae.

" J'avais tellement peur que tu n’aies pas envie d'un bébé... Que tu ne veilles plus de moi si j'avais un enfant... "

Quelques mots suivi d'un nouveau baiser plus tendre encore, son corps venant se lover au plus prêt de lui qu'elle aimait une main écartant ses vêtements avant que ses lèvres ne deviennent un peu plus entreprenantes.

Elle était si douce, si belle, tellement irrésistible que Luuna retrouvait le sourire. Lyrae avait appris peu à peu à sécher les larmes et calmer les angoisses de la Zeltronne, même si toujours, ses pensées et sa façon de vivre lui apparaissaient obscures. Mais là, visiblement, il avait gagné ; elle ne pleurait plus, elle répondait à son étreinte.

- Ne plus vouloir de toi m’est impossible… Tu le sais bien, chuchota-t-il au creux de son oreille.

Le Chevalier ne savait plus qu’ajouter. Il songeait à Jana et à la réaction qu’elle pourrait avoir quand elle apprendrait la nouvelle – ça ferait beaucoup de nouvelles en un seul coup – ainsi qu’à sa propre réaction quand il verrait le fameux bébé. Ses angoisses resteraient, il le savait. Il allait falloir apprendre à vivre avec. Il ferait des efforts, Jana aussi sûrement, et il imaginait mal le nouveau né ne pas contribuer au bonheur de Luuna. Ils avaient (ou elle avait ?) tissé une toile autour d’elle pour la protéger du reste du monde.

Au fait, Luuna repartirait-elle rapidement dans le monde, justement ? Elle allait sûrement rapidement devoir s’arrêter à cause de sa grossesse et ensuite, elle serait épuisée. Après, il faudrait s’occuper du bébé qui aurait besoin de sa maman les premiers mois – voire les mois suivants. La carrière de la Zeltronne était-elle compatible avec sa vie de famille ? Lyrae était presque prêt à lui proposer de quitter le Temple pour s’installer dans une petite maisonnée tranquille pas très loin d’ici ; il travaillerait dur pour nourrir sa famille et…
…mais non. Ils étaient des Jedi, et ils le resteraient à vie, au moins dans leur cœur. Le Temple et son centre médical prendraient soin de l’enfant dès que Luuna serait prête à repartir. D’ailleurs, il était inutile de s’angoisser à cause de tout cela puisque la Zeltronne ne semblait pas s’en alarmer pour le moment. Depuis quand était-il devenu le plus inquiet d’eux deux ?

Les yeux clairs de Lyrae rencontrèrent les iris sombres de la belle. Avait-elle jamais été plus radieuse ? Il se souvenait encore de leur premier baiser ; elle était si pâle alors, et si triste… Aujourd’hui, c’était tout le contraire. Sa peau était redevenue couleur de pêche, ses traits étaient rayonnants de santé et ses yeux humides (voilà au moins un détail qui n’avait guère changé) étaient malicieux. Luuna changeait, en toujours mieux. Comment était-ce possible ? Combien de temps avant que d’autres ne s’intéressât à elle de trop près ?

Lyrae n’eut pas le temps de répondre à sa propre question. Les lèvres de la belle s’étaient écrasées sur les siennes et il ferma les yeux pour mieux ressentir la douceur dans laquelle elle l’enveloppait. Il se laissa entraîner sur le lit en faisant attention à elle comme à une poupée fragile – plus encore maintenant qu’il savait qu’il y avait un autre habitant à l’intérieur – et se laissa doucement déshabiller.

La nuit ne fut parsemée d’épisodes de plaisir et de tendresse, et Lyrae ne regagna pas sa chambre avant l’aube, comme il l’avait pourtant prévu. Il lui était impossible, après une telle nouvelle, de ne pas profiter pleinement de ces rares instants d’intimité avec Luuna… D’ailleurs, au diable les convenances et les précautions ! Ils n’avaient qu’une seule vie, après tout ; autant la vivre pleinement. Il ne mourrait pas après quatre-vingt années d’ennui et de regret, non. Il mourrait après des années (peut-être moins, certes) d’amour, de tendresse, de vie, de courses pour son enfant, de danger pour protéger sa famille. Un tel Jedi existait-il ? Peut-être. Si non, il l’inventerait. Son vieux grand-père avait dit un jour :

« L’on devient l’homme que l’on choisit d’être… »

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