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Plus les secondes passaient, plus l'entreprise qui consistait à séparer son corps de celui d'Ulrich, se lever, mettre des vêtements et alors visiter une partie du monde-capitale lui semblait un projet insensé et, de toute façon, peu désirable. N'était-il pas en vérité beaucoup plus raisonnable de rester dans ce lit et d'apprendre à se connaître, puisqu'ils s'étaient promis de se découvrir l'un l'autre ? Ne devaient-ils pas céder à cette profonde impulsion qui était une force de la nature ? N'était-ce pas ce qu'enseignait la Voie du Jedi ?

Orme ne manquait pas d'excellentes raisons, toutes de plus ou moins bonne foi, pour justifier une sieste prolongée où il ne serait plus vraiment question de dormir. Il fallait dire que le parcours de la main d'Ulrich sur son corps, la jambe qui remontait entre les siennes, les lèvres qui se posaient sur les lèvres, n'aidaient guère le jeune homme à envisager la situation avec la philosophie la plus détachée du monde et dans les scènes qui se présentaient à son esprit, il n'y en avait aucune où Ulrich ne s'abandonnât pas à lui avec des soupirs de plaisir.

Orme se glissa sur le côté pour pouvoir mieux serrer son amant et, comme il pressait leurs corps l'un contre l'autre, le tissu qui les séparait encore ne suffisait plus guère à laisser de doute sur la nature des intentions du Padawan. Fort heureusement pour leur commune résolution, qui avait alors tout à fait disparu de l'esprit du Coruscantien, Ulrich fit épreuve d'un peu plus de lucidité que celui qui devait avoir le rôle de l'ange et eut le courage de mettre ses paroles à exécution.

D'un air malgré lui un peu déçu, et surtout guère innocent, Orme suivit son compagnon du regard alors qu'il se relevait, ne pouvant s'empêcher de laisser ses yeux s'attarder plus que de raison sur les fesses d'Ulrich qui s'éloignait. Quand son amant eût disparu dans cette chose incroyable, une penderie indépendante, le Padawan laissa échapper un nouveau soupir dont il était plus qu'heureux, pour leur fermeté d'âme commune, qu'Ulrich ne put l'entendre.

Sans doute le jeune homme eût-il dû mettre ces moments de solitude à profit pour calmer un peu ses sens, mais les imaginations qui peuplaient son esprit étaient trop agréables pour qu'il songeât à les chasser. Alors quand Ulrich émergeât de son antre improbable, Orme se redressa au bord du lit, parcourut d'un regard son compagnon et décréta :

— C'est très séduisant.

Bien sûr, si Ulrich s'était présenté dans un sac poubelle, le commentaire d'Orme eût été à la fois absolument le même et absolument sincère. Le jeune homme se leva et, résistant à la tentation de plaquer son amant contre le mur, de décréter que quatorze heures, c'était à peu près le soir et que par conséquent ils pouvaient enfin se débarrasser de leurs scrupules respectifs, il disparut dans la penderie, dont l'aspect, si éloigné de tout ce qu'il avait pu connaître, produisit une assez grande résolution dans son esprit pour retenir son attention.

A pas lents, Orme parcourut la pièce. Comment était-il censé choisir entre tous ces vêtements ? Il lui faudrait une vie pour les examiner tous un par un ! Lui n'avait jamais eu qu'à se décider entre deux ou trois tenues, dans les jours les plus fastes, et il n'avait jamais vraiment songé que l'on pût en posséder autant, leur dédier une pièce entière et parvenir malgré cela à ne pas y passer son existence dans d'interminables moments d'indécision.

Mais comme il s'approchait de la fin de la collection, il commençait à en comprendre, en gros, le principe organisateur. Bien sûr, il y avait des sortes de vêtements dont il ne comprenait pas très bien le rôle et qu'il eût été bien incapable d'enfiler, mais pour le reste, il devait pouvoir s'y retrouver. Avec des précautions infinies, il les parcourut, en examina quelques-uns d'un oeil professionnel, pour choisir le plus adapté.

Quelques minutes plus tard, il ressortit de la penderie vêtue d'une combinaison noire, assez semblable à celle qu'il avait portée sur Coruscant (mais naturellement mieux taillée, plus solide, plus élégante, meilleure en somme de tous les points de vue) et qui avait l'avantage, il le savait d'expérience, de ne guère attiré les regards — à moins naturellement d'avoir un faible pour les garçons, auquel cas Orme venait malgré lui de se transformer en cover-boy.

Mais pour les milieux interlopes de la capitale, il n'évoquerait que le spatioport et la contrebande, l'une des multiples professions plus ou moins obscures qui s'agitaient autour d'un trafic plus ou moins illégal. Il avait choisi des tenues semblables en bien des circonstances et n'avait jamais trouvé à se plaindre, n'avait jamais songé, même, qu'elles pussent réellement éveiller l'intérêt de ceux qui l'observeraient, tant il était d'usage, dans ces milieux, de n'en témoigner qu'avec une certaine grossièreté à des esclaves/employées fort dénudées.

Orme était manifestement peu gêné à l'idée d'être parcouru par le regard d'Ulrich et sa belle fougue laissait la place à sa légendaire timidité. D'une voix inconfortable, il glissa :

— On finit de manger et on y va ?

Déjà, il regrettait — mais pas tout à fait — de n'avoir pas revêtu quelque chose qui soulignât moins son corps.
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Orme émergea de la penderie dans une combinaison noire, qui soulignait son corps saillant, et lui donnait l'aspect d'un guerrier. Dans ma tenue décontractée, je laissais glisser dans l'air les replis de mon jogging, tout en me dirigeant en direction de mon amant, sur les lèvres duquel je déposai un baiser.

-Oublie pas ton arme.

Précision inutile, sans doutes, pour la sentinelle si affairée à conserver son image de combattant. J'enfilai alors des chaussures larges et confortables, plus sportives que mes tenues classiques, dont la languette remontait quelques centimètres au-dessus de mon pied, et recouvrais le bas de mon jogging. Je retournai alors dans le séjour, du côté de la table, et toisais avec insistance mon sandwich. Je n'en avais pas envie.

Je me tenais à la table, le regard rivé sur le ciel de Coruscant. Le soleil atteignait à présent son zénith, mais l'air pollué de la capitale en filtrait les rayons, et laissait une vision plus terne, plus fade, et peut-être plus morose, que celle que l'on a usage de connaître du côté de mondes plus purs.

-Te force pas à finir si t'en as pas envie. Que ça finisse à la poubelle ou dans ton estomac, ça change rien pour moi.

Je fixais toujours ce mouvement turbulent de vaisseaux et d'aéronefs. Que l'extérieur semblait violent. Que l'extérieur semblait dangereux. Alors qu'une certaine tension montait en moi, celle de sortir de ce cocon doucereux qui m'avait protégé dans une chaleureuse, mais étouffante constriction, ces derniers jours, je ravalai ces craintes infondées. Après tout, sortir ne m'avait jamais fait peur, avant. Je me raccrochai alors à la présence d'Orme, si enclin à me protéger. De plus, à présent... Je n'avais plus d'arme. Seulement ce pistolet blaster, outil que chaque race intelligente -pour peu qu'elle possède des doigts et non des tentacules- pouvait se targuer d'utiliser. Mon sabre-laser ? Perdu. Il était tragique de constater qu'un garçon, qui avait près de 10 années d'apprentissage au Temple Jedi, n'ait eu l'occasion de mener un combat auprès d'une véritable arme Jedi, pas cette stupide arme blanchâtre fournie aux apprentis, qui émet des décharges aussi utiles en entraînement que pathétiques sur le terrain.

Après tout, aurions-nous vraiment besoin de nous battre ? Dans tous les cas, Orme me protégerait... Je m'en faisais une certitude. Mais pour autant, je ne devais pas agir comme une pleutre. Mes yeux léchaient la surface des vêtements qui recouvraient mon compagnon et, d'une façon tragique, ce torse et ce dos d'athlète auquel je m'étais presque habitué. J'enchainai alors mon regard contre le sien, pour m'assurer de ce que nous allions faire. Si une quelconque appréhension s'était formée en moi, je détenais ce stress infantile, qui précède les grands moments d'aventure.

-Alors, le programme ? Tu m'emmènes dans les endroits les plus insalubres de la capitale, dans des bars où les gens rotent plus fort que la retransmission de matchs holographiques désuets, dans les rues les plus dangereuses ? On fait ça avant, ou après qu'on soit passé chez toi ?

Classique maladresse, qui ne visait en rien le milieu social d'Orme, mais plutôt ce que je m'attendais à découvrir dans des bas-fonds que je n'avais jamais rencontré. Cela grouillait-il sans nuls doutes de malfrats, de trafiquants et, en somme, de tout ce qui ne me faisait pas peur, avant les événements de Hapès. J'avais là-bas tant laissé mon instinct me conduire, que s'était substitué à mon âme belligérante une carapace de bois, celle d'une marionnette tirée par des filaments obscurs.
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Orme suivit son compagnon dans le silence et, à son tour, considéra pendant quelques secondes le ciel de Coruscant. Il n'ignorait pas que pour bien des habitants de la Galaxie, bien des personnes originaires de monde où la nature avait encore ses droits, Coruscant était une sorte d'enfer où il était impossible de vivre et le syndrome était bien connu, chez les touristes qui visitaient le monde capitale, de l'angoisse provoquée par un paysage entièrement artificiel.

Mais Orme avait grandi en observant, par les fenêtres de sa chambre d'hôpital, cette ruche sans cesse effervescente et ce spectacle lui était familier et rassurant. Il n'avait jamais, à proprement parler, vécu à Coruscant : il n'avait jamais eu à circuler dans ses rues comme un simple habitant et, la première qu'il avait réellement parcouru son monde natal, c'était en tant que Jedi. Il le connaissait sans le connaître, mais il éprouvait pour lui une sympathie familière, inexplicable, et réconfortante.

Détournant son regard de la baie vitrée, il revint vers la table, s'assit, attrapa son sandwich et recommença sa mastication peu convaincue. Il était vrai que l'atmosphère de la pièce avait perdu la froideur glaciale qui avait pesé sur le début du repas, mais Orme n'était pas un mangeur très enthousiaste en règle générale. Il haussa les épaules à la remarque d'Ulrich.

— Si j'le finis pas...

Il réprima les images les plus expressives et les plus inquiétantes qui lui venaient spontanément à l'esprit et, pour ne pas trop inquiéter son compagnon, il conclut avec une sobre pudeur :

— 'Fin, faut qu'je mange. C'est meilleur pour ma santé.

Inutile de détailler ce qui pouvait se passer s'il se privait trop longtemps de nourriture. Il avait besoin de reconstituer ses forces ; ce n'était pas très compliqué ni très exigeant, mais il fallait veiller malgré tout à ne pas y couper. La remarque de son compagnon fit naître un sourire sur ses lèvres, qu'Ulrich, plongé dans son observation de la capitale, était condamné à ne pas voir.

— On va chez moi d'abord. Question d'emploi du temps.

Il ne tenait pas à croiser ses parents et il n'y avait pas de moyen de prévoir le temps qu'ils passeraient dans la ville : mieux valait commencer par la visite de l'appartement. Les commentaires du fugitif ne paraissaient pas avoir blessé la Sentinelle ; c'était que le milieu d'origine d'Orme, aussi modeste fût-il, n'avait rien à voir avec les assemblées hétéroclites et peu recommandables qu'il fréquentait désormais et, à vrai dire, il ne se sentait appartenir ni précisément à l'un, ni précisément à l'autre.

Le jeune homme finit d'avaler son sandwich, termina sa boisson et croqua la pastille dentaire (trois fois par jour, bien entendu). Il préférait à vrai très loin cette délicate saveur de menthe que le goût de son repas — décidément, l'hédonisme était encore loin d'être dans ses cordes. Il se releva, se glissa derrière son compagnon et, passant les bras autour de sa taille, croisa les mains sur son ventre.

A nouveau, il observa pendant quelques instants le ciel de sa planète natale. Ce tableau qu'il trouvait paradoxalement apaisant éveillait chez lui une douceur sans mélancolie : il ne regrettait pas d'avoir quitté Coruscant, ni sa famille d'ailleurs et il éprouvait un plaisir sans mélange à retrouver ce ciel familier, qui n'était pas différent de la quiétude qui l'envahissait quand, après une difficile mission, il se reposait dans les jardins du Temple.

Il avait réprimé l'envie de glisser les mains sous le haut d'Ulrich, soucieux de ne pas susciter une nouvelle réaction angoissée de son ami, quand ses doigts se poseraient sur la sinistre cicatrice. Il semblait Orme que la tranquillité qu'il avait tant désirée s'installait entre eux et il ne voulait pas qu'une maladresse vînt rompre le charme. Après un moment, il se tira de sa contemplation et déposa un baiser dans le cou d'Ulrich, avant de chuchoter :

— Tu as un véhicule ? Un speeder ?

Il en doutait un peu, puisque son compagnon lui avait assuré ne pas savoir conduire, trois semaines plus tôt, sur Ondéron. Mais apprendre à manoeuvrer ce genre d'appareils, pour un Jedi, était théoriquement une formalité, et peut-être Ulrich avait-il désormais acquis une compétence si utile — et le véhicule pour l'utiliser. Qu'Orme se ferait un plaisir de piloter de façon toute personnelle dans le trafic incompréhensible de Coruscant.

— Sinon, on prend le bus. C'est très pittoresque.

Et très désagréable, pour toute personne étrangère à la planète-monde — d'autant plus désagréable, d'ailleurs, qu'ils auraient tôt fait de quitter les beaux quartiers. Mais manifestement, à en juger par le ton enthousiaste d'Orme, le Padawan voyait dans tout cela une sorte d'excursion de plaisance. La perspective de sortir, d'agir, dissipait en lui la fatigue, la tristesse et la souffrance qui s'étaient successivement emparées de son âme et l'homme d'actions retrouvait son énergie dans laquelle, malgré son calme habituel, il était aisé de sentir poindre la vivacité de sa jeunesse.
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Je réprimai un frisson, l'instant auquel Orme posa ses mains sur mon ventre. Sous ce sweat ouvert, seul mon tee-shirt faisait barrage entre ses doigts et ma peau immolée. Sous la table, mes doigts trituraient nerveusement les replis de mon jogging. Malgré cela, dans un même temps, je percevais cette douceur bienveillante qui m'embaumait, qui me voulait du bien, qui souhaitait me protéger; ce confort solide et molletonneux à la fois, que m'offrait l'ange Aryssie.

Le baiser qu'il déposa à la surface de mon cou jugula à la source mon malaise naissant, comme l'antidote de tous les maux qui pouvaient m'être infligés. Je me levai de ma chaise, laissai tendrement ma main courir sur le bras d'Orme, et m'aventurai à l'autre bout du salon.

-Non, j'ai tout vendu. Du moins, mon ancien majordome s'en est occupé. Mais puisque moi aussi, je déteste les transports en commun...

J'atteins l'hologramme, à l'opposé de mon salon, posé sur une table de couleur noire, plus petite que celle à laquelle nous étions installé.

-Bonjour, ce serait pour louer un speeder V-507 deux places.

-Bien sûr monsieur. C'est à quel nom ?

-... Aryssie.

-Très bien monsieur. À partir de quelle heure ?

-Le plus vite possible. Vous pouvez le poser sur la plate-forme Alla'tir, à côté de la tour Oxygène ?

-Il sera là dans un quart d'heure monsieur. Merci de faire appel à nos services, passez une bonne journée !

Je m'engouffrai alors de nouveau dans ma chambre pour y prendre mes cigarettes, mon briquet, et en retournant dans le salon, j'évoquai ma maladresse avec... maladresse.

-Euh... Désolé pour le nom, c'est la première chose qui m'est passé par la tête.

Sans doute ma paranoïa me poussait-elle à offrir à Orme mes excuses, mais à l'évidence, il y avait bien peu de chances pour qu'une enquête soit menée sur le padawan, et celles-ci s'amoindrissaient davantage s'il était question de faire le lien avec moi, sur une planète en telle surpopulation.

-J'te laisse conduire, ça va de soi...

Un sourire apparut sur mon visage, impatient de voyager une fois de plus dans un speeder avec Orme, dont la conduite était si nerveuse. Il me sembla à cet instant que, trois semaines auparavant, cette façon qu'il avait de guider un véhicule fut l'un des premiers aspects qui m'avait séduit dans sa personne. Car s'il avait affiché jusqu'à cette folle course nocturne un air calme et impassible, j'avais découvert à ce moment précis à quel point le garçon pouvait faire preuve de vigueur, à quel point son adrénaline pouvait être communicative.

-On y va ?

Prêt à partir, je me sentais empreint de cette infantile appréhension. Celle qui précède les grandes découvertes, et celle qui succède les glorieux souvenirs.
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Orme ne détestait pas les transports en commun. Il détestait être serré contre des gens. Sans doute n'était-ce pas une nécessité dans les vaisseaux de plaisance qui faisaient découvrir les merveilles naturelles du Naboo, mais la promiscuité était beaucoup plus difficile à éviter dans les trains aériens et les barges speeder qui s'enfonçaient dans les profondeurs de Coruscant, offrant à l'usager une compagnie d'autant plus douteuse que le véhicule s'approchait de la surface de la planète.

Aussi le jeune homme fut-il soulagé en constatant que son compagnon prenait la brillante initiative de louer un speeder, une idée qui ne lui eût pas traversé l'esprit, tout comme il n'eût jamais songé que quelqu'un qu'il connaissait pût avoir, ou tout du moins avoir eu, un majordome. Il ne cessait ainsi de prendre conscience qu'il existait entre le monde d'Ulrich et le sien un fossé impossible à combler, mais cette pensée qui, quelques minutes plus tôt, eût ajouté à ses angoisses, il l'abordait désormais avec une insouciance enjouée.

Pendant qu'Ulrich rassemblait ses affaires, le Padawan s'approcha de la baie vitrée et contempla le monde dans lequel ils se préparaient à se jeter. Ces lames d'acier jetées contre le ciel, ces speeders brutalement propulsés les uns contre les autres et tout le tumulte d'une vie qui ne semblait réglée que par le plus grand désordre lui paraissaient beaucoup plus réconfortants que la froide organisation du salon d'Ulrich — il y avait là dehors l'existence, l'existence réelle, celle que la géométrie ne parviendrait jamais complètement à régler.

Il se retourna vers son compagnon qui émergeait de la chambre et haussa les épaules aux excuses de ce dernier.

— Pas grave. C't'un nom assez courant.

Une affirmation sans doute difficile à croire, mais dans un monde comme Coruscant, où les milliards se joignaient aux milliards, tous les noms étaient courants, toutes les réalités étaient communes. Quelques efforts que fît le gouvernement pour contrôler cette grouillante illustration de la diversité de la Galaxie, la planète-monde demeurait l'un des endroits où il était le plus aisé de demeurer anonyme.

Le Padawan s'approcha du fugitif et déposa ses mains sur les hanches du jeune homme. La perspective de rejoindre le monde agité qui vivait au-delà de la baie vitrée réveillait en lui cette énergie virile et juvénile qui contrastait tant avec la fragilité si vite révélée par les épisodes de sa maladie et de ses doutes. Il répondit d'un sourire au sourire Ulrich.

— Un jour, faudra prendre des leçons. J't'apprendrai à conduire.

Orme ne paraissait pas exactement la personne du monde la mieux placée pour apprendre à qui que ce soit les rudiments de la sécurité en speeder. Son propre style était beaucoup trop atypique pour qu'on songeât à lui confier des élèves dans le domaine. Mais après tout, il savait manoeuvrer un speeder et c'était bien tout ce qui comptait, à ses yeux. Les codes aériens étaient des futilités qui n'avaient pas vraiment cours dans les milieux qu'il fréquentait.

Orme déposa un baiser au coin des lèvres d'Ulrich et murmura avec une tendresse qui l'intimidait lui-même :

— On y va.

Après un nouveau sourire, il se détacha du jeune homme puis s'effaça pour le laisser les guider à la plateforme. Pour l'heure, ils étaient encore dans le monde d'Ulrich et Orme n'avait que des notions très vagues sur l'architecture de cette partie de la Ville. Il y était venu parfois au gré des missions diplomatiques de son précédent Maître, mais il n'avait jamais eu l'occasion de beaucoup explorer, de sorte qu'il s'en remettait à son guide.

Une fois arrivés à la plateforme, ils n'eurent guère à attendre avant que le speeder de location, en pilote automatique, vint se poser près d'eux. A nouveau, Orme se tint en arrière pour laisser Ulrich composer le code de paiement qui déverrouillerait l'appareil, avant de s'installer aux commandes. L'habitacle était fermé — confort non-négligeable pour s'aventurer dans les niveaux inférieurs, où l'on n'était jamais certain de ce qui pouvait tomber des fenêtres.

Après les rapides vérifications d'usage, Orme démarra l'appareil et le fit bondir dans le trafic de Coruscant. A mesure qu'ils quittaient les beaux quartiers, il semblait que le style de conduite des autres usagers correspondaient mieux à celui du Padawan et bientôt, le spectacle du trafic aérien éclaira les particularités du conducteur Coruscantien : le jeune homme avait grandi dans un monde de fous du volant.

Régulièrement, et toujours sans paraître prêter beaucoup d'attention à ce qui advenait du speeder, Orme indiquait, à droite, à gauche, devant eux, tel ou tel bâtiment qu'il estimait remarquable et dont il faisait en quelques mots l'histoire : une fois, c'était le centre historique de l'immigration corellienne, une autre fois le siège d'un important syndicat du monde métallurgique. Le monde qui se déployait devant eux, si différent des rencontres qu'ils avaient faites à l'Opéra, sur Ondéron, n'en paraissait pas moins charger d'histoires, de notabilités, de réseaux compréhensibles pour ses seuls habitants.

Ils avaient déjà descendu plusieurs dizaines de niveaux quand le jeune homme gara l'appareil dans un parking modeste, mais bien entretenu. Ils étaient loin encore des criminels et des tavernes qu'ils s'étaient promis de visiter plus tard : il régnait encore ici un sens de l'ordre et de l'économie, une exigence de respectabilité qui, pour avoir moins de moyens, n'avait rien à envier à celle des classes les plus fortunées.

Orme entraîna son compagnon dans un ascenseur, puis dans un couloir régulièrement éclairé où s'alignaient des portes toutes identiques, qui menaient vers des appartements tous semblables, probablement. Après une minute entière de marche, Orme s'arrêta devant une porte sur lequel le nom Aryssie était inscrit en lettres noires. Il composa sur le digipad un code et le panneau métallique coulissa.

Le Padawan fit signe à son compagnon de le précéder. Une grande pièce s'ouvrait directement devant eux, sans couloir ni vestibule. Au fond une large vitre faisait entrer la lumière sur une table qui servait de salle à manger et, probablement, de bureau. A droite, quelques éléments de cuisine étaient encastrés dans le mur. Plus près de la porte, un canapé, qui servait parfois de lit, faisait face à un projecteur holographique un peu vétuste.

Les murs étaient couverts de rangements, placards ou étagères. Il s'y alignait quelques holodisks, des ustensiles du quotidien, quelques projecteurs d'hologrammes photographiques. L'un des clichés représentait un enfant de cinq ou six ans, aux yeux noirs, aux cheveux noirs, pâle, l'air un peu maladif à vrai dire, qui dessinait sous la surveillance d'une infirmière.

Sur le côté gauche, une porte fermée donnait sur la chambre des parents, entièrement occupée par le lit, exception faite du renfoncement qui contenait des éléments de salle de bain. L'exiguïté des lieux laissait aisément songer combien Orme devait se sentir dépayser par les proportions gigantesques de l'appartement d'Ulrich.
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Spoiler:


Une fois de plus, grisé par la vitesse et la turbulence de cette conduite à l'apparence hasardeuse, mais infiniment calculée. La trajectoire de notre vaisseau semblait aussi indécise qu'une feuille tombée de la sylve. Les sens de mon compagnon semblaient en exaltation, et je ne pouvais effacer ce sourire qui trahissait mon adrénaline naissante. Dans la turbulence et la vélocité du speeder, je laissai basculer ma tête légèrement en arrière, de façon à voir au travers du cockpit les navettes et les hautes bâtisses défiler.

Là même où Orme, dans une fluidité déconcertante, maniait ce pilotage intense à une conversation en continu, j'écoutais attentivement ses explications sur ces lieux qui m'étaient encore inconnus. Plusieurs fois, je cru que nous allions nous écraser face à une paroi, ou exploser en plein vol en percutant un aéronef. Mais au fur-et-à-mesure que notre speeder descendait les niveaux de Coruscant, je comprenais qu'Orme était bien loin d'être le seul à manœuvrer de la sorte. En vérité, il excellait dans une maîtrise du véhicule propre à tous ceux des niveaux inférieurs, qui suivaient un code bien éloigné de celui que l'on avait coutume, dans mon milieu, de suivre avec civisme. La loi de la jungle.

À l'atterrissage, lorsque je me glissai en-dehors du véhicule, je chassai l'envie lancinante d'embrasser le pilote avec fougue, redoutant moins le niveau de largesse d'esprit des foules de ce milieu, que le fait de passer pour une princesse impressionnée par la conduite de son noble cavalier, héros vêtu de blanc.

Dans l'ascenseur, je toisais Orme avec une impatience naissante. J'allais enfin découvrir le lieu qui l'avait vu naître et grandir. Nous sillonnâmes ensuite un couloir, jusqu'à accéder à la porte de son modeste appartement. La porte s'ouvrit. Une atmosphère encore inconnue se dévoila alors à moi. Elle me rappela celle que j'avais connu au Temple, dans la chambre de mon compagnon.

Je ne savais pas si le paysage était conforme à ce que je m'étais imaginé. Il n'était ni plus petit, ni plus grand que ce que j'avais envisagé. Je percevais l'habitat comme étant chaleureux et morbide, tout à la fois. Morbide, non en raison de mes goûts, mais du passé que m'avait révélé Orme. Alors, c'était là, qu'il avait grandi, atteint de cette maladie autrefois déclarée comme étant mortelle. Je m'avançai alors un peu plus avant sur les terres qui étaient les siennes.

-On sent que ça a vécu.

Je scrutai les meubles, les murs, les objets amassés, et j'inhalais cette odeur propre à chaque logis. Je me dirigeai alors en direction d'un détail qui, plus que les autres, avait attiré mon attention. Orme ne semblait pas avoir entretenu de contacts avec ses parents. Et pourtant, un hologramme laissait défiler en boucle la capture d'un temps perdu, envolé, où un enfant insouciant dessinait, surveillé par le regard bienveillant d'une infirmière. Pourquoi n'y avait-il que lui ? Son père était absent, sa mère aussi. Le seul souvenir que ses parents conservaient de leur fils, c'était un petit garçon sage, aux côtés d'une personne étrangère à leur famille. Je m'approchai, pour mieux discerner les traits floutés et vacillants du bambin. À mi-voix...

-T'étais trop chou...

Je pris la main d'Orme, me tournai en sa direction, et apposai ma tête contre la sienne, en plaçant mes mains sur ses hanches. Je le laissais écouter ma respiration calme et sereine.

-J'suis heureux d'être ici. Le premier lieu auquel je vais, dans cette nouvelle vie qui s'offre à moi, c'est chez toi.

Si je n'étais pas de ceux qui voient en chaque événement un signe du destin, cette symbolique ne fut pas sans me toucher. Je l'étreins contre moi. Il était devenu ma plus grande force, et ma plus grande faiblesse. Je réfléchis un moment à ce qui nous entourait. Ce décor était le propre de ce qu'avait vécu Orme depuis toujours. Un léger malaise se distilla alors dans mes veines, de sorte à ce que je décolle mon front du sien, les yeux rivés au sol. Nous n'étions pas nés avec les mêmes chances. Nous n'étions pas nés avec les mêmes espoirs. Et pourtant, mon ange gardien s'était battu de toutes ses forces, pour devenir ce qu'il était.

Le dire aurait sonné faux. Pourtant, je me sentais plus à l'aise ici que dans mon propre appartement. Je m'installai alors sur le canapé, moins confortable que le mien, mais façonné de cette usure qui insuffle une âme à un habitat. Je regardais patiemment mon compagnon, observant ses faits et gestes, guettant ses moindres intentions, brûlant de désir pour un baiser d'amour.
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Dans le regard qu'Orme promenait sur les meubles, sur les objets, sur les lignes et les formes de cet appartement qui jadis avait été le sien, il y avait une ombre, une réticence informulée. C'était lui pourtant qui avait proposé à Ulrich cette visité et, en ouvrant la porte, il ne la regrettait pas ; mais il voyait seulement en cet instant que son compagnon ne comprendrait peut-être pas ce qu'avait été, très exactement, cet appartement pour lui.

Pendant une seconde, un frisson parcourut son échine quand les mains d'Ulrich se posèrent sur ses hanches et les pensées que le spectacle de ses lointains souvenirs avait fait naître en lui s'évanouirent. Ce n'était plus leur première étreinte désormais, mais il y avait toujours dans ces contacts une nouveauté, une étrangeté savoureuse, et peut-être le charme de l'interdit, des sensations dont il espérait qu'elles ne se dissiperaient jamais.

Ses mains se posèrent sur le torse d'Ulrich — Orme avait retrouvé en un instant sa fragilité, dans les bras de son amant, poursuivant sa curieuse oscillation entre mâle assurance et timide incertitude, comme si son être n'éprouvait aucune difficulté à épouser tour à tour deux attitudes aussi opposées. Jamais Orme ne semblait se soucier de paraître fort et masculin ; jamais il ne songeait à exagérer sa faiblesse pour s'attirer plus de faveur — sans s'en soucier, il se laissait porter par son propre paradoxe.

Il laissa Ulrich se détacher et, sans tarder, vint s'asseoir tout près de lui sur le canapé. Pendant quelques instants, il demeura sans parler, puis sa voix, mal assurée, s'éleva dans le silence de l'appartement.

— C'est pas vraiment chez moi, tu sais. J'ai pas vécu longtemps ici et même quand j'étais petit, j'étais surtout à l'hôpital.

Quand il regardait cet appartement, il s'en rendait compte désormais plus clairement que par le passé, il n'y trouvait pas la douceur protectrice et inexplicable du foyer, le sentiment de réconfort qui l'envahissait quand, après une rude mission, il rentrait au temple, se promenait dans les jardins, se laissait tomber sur son lit, arpentait les rayons de l'immense bibliothèque. L'appartement de son enfance ne lui inspirait que la familiarité lointaine, et un peu gênée, qu'ont les maisons des parents éloignés.

Cette pensée le rendait malgré lui un peu mélancolique et à nouveau il regagna le silence. Au bout d'un moment, le Padawan poussa un soupir.

— J'suis désolé. J'sais pas pourquoi j't'ai amené ici.

Sa main s'était posé sur le genou d'Ulrich — elle vint chercher celle du fugitif.

— J'crois juste que j'me sens coupable. De pas te parler assez. J'veux dire, de moi. Alors j'te montre les trucs. C'est pas chez moi, mais c'est justement pour ça que c'est important, je suppose. Que je me sente pas chez moi dans l'appartement où je suis censé avoir grandi.

Il ne savait pas exactement pour quelle raison c'était important et il n'était pas certain de deviner dans quelle mesure cette enfance curieuse déterminait le jeune homme qu'il était devenu. C'était une vague intuition qu'il partageait avec Ulrich et un témoignage de confiance d'autant plus grand qu'il ne percevait pas clairement les conclusions que son compagnon pourrait en tirer.

Orme hésita quelques secondes puis risqua :

— Pour tout te dire, j'me sens pas vraiment chez toi dans ton appartement non plus. J'veux dire... La chambre, en désordre, un peu, j'aime bien. Le reste c'est trop... Géométrique.


Cette confidence, somme toute dénuée d'une grande importance, représentait malgré tout un grand effort pour Orme et elle était le gage qu'il avait tiré la leçon de leurs disputes et qu'il se disposait à se livrer plus complètement, pour les choses indifférentes comme pour celles plus importantes. Il déposa sa tête sur l'épaule de son compagnon.

— En fait, j'vais p't'être saboter ton robot quand tu auras le dos tourné. Enfin, saboter, c't'un bien grand mot pour moi étant donné mes compétences en électronique. Lui donner un grand coup. Ensuite, j'mettrai le bordel...

Ses yeux se fermèrent et un sourire s'installa sur son visage.

— Et puis tu me crieras dessus en agitant sous mon nez les vêtements que j'aurais laissé traîner partout et ce sera bien...

Bien sûr, tout cela impliquait d'abord qu'il eût plus de vêtements que les tenues en nombre fort restreint qui composaient sa garde-robe et qui, pour l'heure, attendaient toutes au Temple. Cela dit, le dressing d'Ulrich offrait assez de matière pour mettre ses sombres projets à exécution.
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Née de cette nouvelle union de nos âmes dans un emplacement nouveau, une quiétude rassurante avait pris possession de mes sens. Au creux de ce petit appartement, Orme m'ouvrait pleinement la fenêtre donnant sur son passé. Une vie dénuée de sens, où le futur était une notion abstraite, dans les couches populaires de Coruscant. Mes doigts se lièrent à ceux de l'hôte, qui m'avait suivi sur le canapé. Alors qu'il se confiait, mes yeux glissaient à la surface de son visage angélique. Je ne su me résoudre à l'interrompre, car la rareté du moment en faisait tout son charme, et je me livrais à l'écoute des paroles de mon compagnon, suspendu à ses lèvres.

-Alors, pour commencer, si tu touches à mes fringues, je te tue.

Un sourire naquit sur le coin de ma joue, et je resserrai mon corps contre le sien. Mes doigts caressaient sa main, et je rivai mon regard du côté de la petite fenêtre. L'endroit était bruyant, et sombre. Les vaisseaux circulaient en nombre, et l'appartement était à l'ombre des plus hauts édifices de Coruscant. Il était aisé de comprendre que, dans la cité-monde, le prix des logements s'accroissait proportionnellement avec le niveau d'élévation de l'habitat.

-Je crois que je comprends ce que tu veux dire...

Me revinrent en mémoire les images capturées par mon esprit, dans la chambre d'Orme, au Temple. Il me paraissait effectivement qu'il s'y sentait plus à l'aise, et son inconfort dans ces lieux était présentement palpable.

-C'est triste d'avoir des mauvais souvenirs dans le lieu qui nous a vu grandir. J'ai bien saisi que ton enfance n'était pas un paradis perdu et... c'est aussi pour ça que je t'admire. Tu as quand même conscience que le monde peut t'offrir mieux, alors tu te bats. T'as su trouver ta vocation en aidant les autres. Comme je te l'ai dit, tu dois penser à toi. C'est pas parce que t'as pas l'habitude d'être heureux... que tu dois faire avorter les occasions de le devenir.

J'approchai alors mon visage de sa joue, et mes paupières tombèrent lourdement. Je déposai un baiser sur le coin de ses lèvres, et installai mes deux jambes sur le canapé, les mains liés contre sa nuque, et le torse posé sur son épaule. Alors, je lui susurrai...

-Et je crois que j'ai aussi un rôle là-dedans...

Je laissais le silence s'installer, et refermai les yeux, pour mieux apprécier cet instant auprès de l'être aimé. Touché qu'il m'en dise plus long sur sa propre personne, ses agissements ancraient une fois de plus en moi l'idée qu'avoir écouté mon cœur avait été la meilleure des initiatives. Orme était définitivement une très belle personne. Pourtant, derrière l'armure du guerrier, sommeillait un être tellement plus fragile, subissant les âpres rafales de la vie. Je devais être son rocher. En aucun cas, je ne devais l'abandonner.

Les faites et gestes suffisent parfois à impacter davantage que les mots. C'est pourquoi j'avais choisi la voie du mutisme. Savoir apprécier les silences est, en amitié ou en amour, chose qui marque inexorablement le degré d'importante d'une relation. Ma main balaya alors ses cheveux, tandis que mon autre main s'était à présent postée sur sa cuisse. Mon visage, au creux de son épaule, miroitait les nuées de nefs vrombissantes, au travers de la fenêtre. Après quelques instants, quelques secondes ou, quelques minutes, je n'en su rien, tant la perception du temps m'échappait lorsque j'étais en si grande proximité avec celui qui était si vite devenu mon amour, je déclarai:

-Si cet endroit te met dans l'inconfort, on peut partir.
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Orme se promit de toucher aux vêtements d'Ulrich. Il était curieux de voir son camarade s'emporter pour des choses aussi futiles. Pas une seconde ce mot sinistre — tuer — n'évoqua en lui les souvenirs de leurs disputes, l'obscurité qu'il avait sentie chez l'ancien Padawan et le sinistre avenir qu'elle présageait. Les sentiments et l'étreinte qu'ils avaient fait naître ôtaient à Orme une bonne part de sa lucidité et, sans être tout à fait comme n'importe quel autre adolescent, il avait en ces instants l'insouciance des premières idylles.

Avec une innocence fort discutable, mais officiellement pour que son compagnon ne glissât pas de ses genoux et ne fît pas une terrible chute d'au moins, oh, trente centimètres, Orme déposa ses mains sur les fesses d'Ulrich et le maintint contre lui. Les gris souvenirs que l'appartement réveillait en lui n'étaient pas assez puissants pour endormir tout à fait les rêveries beaucoup plus chaleureuses d'un jeune homme dans la force de l'âge et la proximité de leurs corps effaçait bien des inquiétudes dans son esprit.

Laborieusement cependant, Orme étouffa son mâle intérêt pour le corps de son compagnon plutôt que ses paroles et réfléchit pendant quelques instants à ce qu'Ulrich avait dit. Etait-il vraiment plus méritant, parce que son enfance avait été plus difficile ? C'était une chose à laquelle il n'avait jamais précisément songé et, en entrant au Temple, il avait si bien embrassé la parfaite égalité des conditions qui régnait à première vue au sein de l'Ordre, et dont il n'avait compris que bien plus tard qu'elle était une grande illusion, qu'il n'avait jamais trouvé que son parcours fût plus difficile qu'un autre.

Il n'en était pas encore très convaincu mais il lui suffisait pour l'heure de penser que, de la sorte, pour Ulrich, il était encore un peu plus héroïque. Une fierté un peu euphorique monta en lui — ses mains remontèrent légèrement, pour se glisser sous le haut de son compagnon et caresser la peau de son dos. Elle avait une chaleur, lui semblait-il, qui n'était pas tout à fait humaine — et une douceur à laquelle il n'eût jamais rêvé — et elle sentait bon, très certainement, plus que tout autre parfum — et — Orme était aux anges.

L'énergie de la jeunesse, une certaine force de caractère habituée à disposer de tous les obstacles, chassait résolument loin de lui le souvenir des disputes douloureuses qui pourtant n'étaient pas si lointaines et le peu de présence d'esprit qu'il restait encore à Orme était entièrement occupée à imaginer pour Ulrich et lui-même un avenir radieux et essentiellement dévêtu. Il se déversait dans ces espoirs des rêveries longtemps contenues, sans détails précis, formées dans la solitude d'une chambre d'ascète et qui trouvaient enfin à s'incarner.

Il fallut quelques instants à Orme pour émerger de ses agréables pensées en entendant la voix d'Ulrich. Ses mains s'arrêtèrent au bas du dos de son amant, à la lisière d'un pantalon qu'elles paraissaient encore hésiter à franchir.

— Hmmm ?

Orme rouvrit les yeux et ne put s'empêcher de rougir légèrement. Un peu plus sages, ses mains s'échappèrent pour se reposer chastement sur les hanches de son compagnon. Tempérer ce genre d'emportement n'avait pas précisément fait partie de son entraînement jedi et le jeune homme, d'ordinaire si stoïque, se retrouvait désarmé face à ces assauts séduisants auxquels, d'ailleurs, il n'avait vraiment aucune envie de résister.

— Ah. Euh. Oui. Non. J'sais pas. On avait dit...


Le Padawan se redressa un peu sur le canapé, non sans retenir contre lui, avec sa force insoupçonnable née d'un rude entraînement, son compagnon.

— Qu'on irait explorer un peu. C'est bien. On va faire ça. "Faut se dépenser.

Les yeux du jeune homme retrouvèrent le chemin de ceux du fugitif et le Padawan ne put s'empêcher de laisser un sourire tendre et peut-être un peu idiot s'installer sur son visage.
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C’était peut-être absurde. Mais je me disais que, si je cédais à la tentation à cet instant, il y aurait comme une bavure, dans la fabuleuse histoire qui s’écrivait. Quelque chose me soufflait d’aspirer à repousser le moment que nous désirions tous les deux, pour mieux l’apprécier encore. Cette notion de mon esprit inspirant l’ordre était en proie aux tentations immédiates de ces mains qui effleuraient ma peau.

« Qu’on irait explorer un peu (…). ‘faut se dépenser. » Finalement, je commençais à en être convaincu, la maladroite candeur d’Orme n’était pas représentative d’un esprit aux mœurs si purs que cela. J’étouffai un rire bref, laissant glisser mes yeux un instant au sol. Ils remontèrent alors lentement dans une ascension grisante. Bien que recouverts, je miroitais les pieds, les tibias, les genoux, les cuisses, les hanches, le torse, le cou, puis le menton, les lèvres, le nez, puis les yeux de mon compagnon. Le duvet de mes bras se hérissait, et mon cerveau se nimbait de pensées fugaces. Je désirais chaque partie de son être.

Mes paupières voilèrent alors ma vision, et j’embrassai Orme, dans un baiser qui dura une bonne vingtaine de secondes. Mes lèvres caressaient, mes dents mordillaient, ma langue allait et venait, tandis que je posai ma jambe pliée plus près de lui, mon genou entre ses cuisses. Tournant le dos à ce qui se passait au-travers de la fenêtre, je me laissais pleinement submerger par la magie de l’instant.

Alors que, au plus près de lui, j’entreprenais de lentement descendre le zip de son sweat… Je m’arrêtai brusquement. Mes muscles se figèrent quelques instants, et je laissais mon regard dans celui d’Orme, les yeux brillants et les paupières semi-closes. Clairement… Ce garçon me faisait l’effet d’une drogue. Je me levai alors, ne songeant qu’à une chose. Il était plus raisonnable de partir… Alors, debout, les bras ballants, et un sourire un peu mièvre affublant mon visage enivré par ses iris, son expression, son corps tout entier, son odeur qui m’était si particulière… j’entrepris de prendre la parole, d’une voix douce et sincère.

-Tu sais… J’ai toujours pensé que le bonheur était une chose qui n’existe que chez les idiots. Chez ceux qui n’ont pas la conscience, ni l’éveil, de se rendre compte des difficultés, des pressions qui parsèment notre vie… Et là, bah… Orme, je crois que tu me rends idiot.

Le galbe de mes lèvres se prêta à un sourire d’enfant.

-T’as raison, on va y aller.

Mon regard s’abaissa alors, et se riva au bas de mon ventre. J’étouffai alors un rire affreusement gêné.

-Oh… C’est tout le problème avec les joggings… Ça fait… euh… mise en relief.
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Orme n'était pas certain d'avoir su rendre parfaitement claire ses chastes intentions à son compagnon. Mais comme Ulrich avait entrepris de l'embrasser et que, en la matière, la volonté du Padawan n'était pas aussi inflexible qu'elle eût dû l'être, le jeune homme s'abstint de protester et ne songea pas une seconde à repousser son assaillant pour lui expliquer plus en détail ce qu'il comptait faire : se lever, sortir de l'appartement et aller se promener dans les bas-fonds de Coruscant.

En lieu et place de ce sage discours, Orme abandonna ses lèvres aux propositions entreprenantes du fugitif, laissant sa langue se joindre à la sienne, se cambrant légèrement sur le canapé pour que son corps pût mieux rejoindre celui qui voulait l'étreindre, frissonnant en sentant la pression de la jambe d'Ulrich entre les siennes. Ses mains à nouveau s'étaient glissées sous le haut de son amant pour reprendre leur course sensuelle.

Orme n'avait désormais plus qu'une envie : qu'Ulrich continuât à le dépouiller de ses vêtements pour qu'ils pussent concrétiser cette affection si sincèrement partagée. Ce fut donc avec un soupçon incontrôlé de frustration qu'il observa le jeune homme se détacher de lui finalement, se relever et tenter, pour la énième fois depuis qu'ils s'étaient retrouvés, de tempérer les ardeurs bien légitimes de leurs corps adolescents.

La confession tendrement maladroite du fier aristocrate faillit réussir cependant à attirer les pensées du Padawan vers un terrain, si ce n'était plus raisonnable, toujours moins sensuel, mais Orme suivit naïvement le regard que son compagnon jeta sur son propre jogging et le spectacle que le tissu trop souple suggérait réveilla aussitôt dans l'esprit du Coruscantien les imaginations les plus charmantes et les moins susceptibles de l'aider à se concentrer.

— Hmmmmm...

Ses projets s'étaient brusquement modifiés : ce ne serait plus lui désormais qui, débarrassé d'encombrants textiles, posséderait virilement son compagnon ; tout au contraire il désirait à présent s'abandonner à la présence d'Ulrich, se laisser déshabiller, se laisser posséder tout entier, et offrir à son conquérant les gages d'une féline soumission. Alors Ulrich pourrait...

Orme secoua la tête et détourna le regard pour se ressaisir un peu.

— OK. Bon. J'sais pas. Concentre-toi sur autre chose. Les grosses dames qui vont à la plage sur Alderaan l'été. Un truc comme ça.


Pendant qu'Ulrich reprenait le contrôle de son anatomie (au grand désespoir du Padawan), Orme se releva, contraignant toujours son regard à se poser sur les objets rectangulaires et géométriques qui composaient le mobilier du petit appartement et qui étaient fort éloignés des formes du corps de son amant. Au bout de quelques minutes de silence embarrassé, il risqua un coup d'oeil vers Ulrich et, constatant que son ami était un peu plus présentable, décida qu'il était temps de quitter une si compromettante intimité.

— Bon, on y va.

Après un instant d'hésitation, il ajouta d'un air ravi et un peu triomphant.

— Idiot.

Car il n'avait pas été si hypnotisé par les preuves physiques de l'affection qu'Ulrich qu'il n'avait pas entendu sa déclaration et, naturellement, il en était comblé ; toute sa pudeur de guerrier ne suffisait pas à dissimuler les marques de sa joie sur son visage ni dans l'inflexion de sa voix.

Les deux jeunes gens sortirent de l'appartement, regagnèrent leur speeder et s'élancèrent à nouveau vers les profondeurs de la capitale, laissant autant de niveaux au-dessus d'eux qu'ils en avaient déjà descendus pour rejoindre la demeure des Aryssie. Les publicités désormais se faisaient plus rares et les affiches politiques inexistantes ; d'autres placards holographiques ornaient les murs, dont le message, fait de noms qui ne circulaient que dans certains milieux, était à peu près hermétique aux étrangers.

Orme déposa le speeder au fin fond d'une ruelle tortueuse où il était certain que personne ne viendrait jamais s'aventurer. Ils étaient loin encore de la surface, mais il n'y avait plus de vie depuis bien longtemps à la surface de la planète que les systèmes de retraitement des eaux, de l'air, des énergies, que les engins, les turbines, les déchets. Le Padawan avait aussi laissé entre eux et la véritable cloaque du crime une dizaine de niveaux, préférant la zone grise où tout n'était pas encore obscur.

Il y avait ici autant d'établissements de boissons, de jeux et de plaisirs parfaitement légaux que de trafics criminels et la population qui arpentait ces rues toujours animées et toujours joyeuses n'étaient pas entièrement composées de hors-la-loi. Ici, deux mondes se rencontraient, qui tiraient profit l'un de l'autre ; il y avait du danger, sans doute, mais on ne mourrait pas encore à tous les coins de rue.
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