Gary Kovani
Gary Kovani
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« Paaaaardon… »

Je glisse entre les deux silhouettes qui campent devant l’étroite arche de pierre. Une ouverture arrachée difficilement au granit par une foreuse laser il y a déjà plusieurs années. Ses contours abrupts ont depuis été lissés par le passage pratiquement ininterrompu de Jedi affairés dont les doigts se hasardent, inconsciemment, sur la paroi couleur sable. Comme les deux que j’esquive, bras en l’air, pour éviter l’incident tragique : les mugs sauvés in extrémis d’Ondéron n’ont pas été conçus pour une telle promiscuité. Le moindre choc risquerait de projeter leur bouillant liquide sur les kimonos écrus immaculés. Brûlures aux troisièmes degrés et tâches irrécupérables. Le Conseil, dans sa pragmatique sagesse, n’a pas jugé prioritaire de les remplacer par des gobelets couverclable. Un mot qui n’existe pas encore, mais qui aurait trouvé tout son sens, ici, au cœur du Temple troglodyte où les couloirs étroits imposent une dangereuse promiscuité. Je chasse ces pensées idiotes, alors que deux autres confrères m’adressent à peine un regard lorsque je les esquive d’un rond de jambe acrobatique. Leurs esprits sont monopolisés par une conversion bien plus importante que ma fugitive présence. Curiosité oblige, je laisse trainer mon oreille :

« … Inadmissible ! Les Jawa nous prennent pour une décharge ! »
« Ce n’est pas comme si on pouvait se permettre de faire la fine bouche… On s'adapte.»
« Oui, mais quand même, il y a des limites… Certains droïdes sont pire que des épaves : des chimères schizophrènes qui ne connaissent même plus leur numéro de série… »


Je les abandonne à leur déballage émotionnel. Le plus grand des deux, Ag’di, un Togruda, agite nerveusement un datapad sur lequel s’affiche encore l’inventaire de la dernière transaction conclue avec le petit peuple du désert. Ils sont devenus nos principaux fournisseurs, en ce qui concerne le matériel technologique : difficile de tomber plus bas. L’autre, peau ébène, humain originaire de je ne sais plus quelle planète de la bordure intérieure, hausse les épaules, blasé, fataliste. Ses traits sont dévorés par une imposante paire de lunettes de soudeur, destinées à protéger ses rétines du rayonnement de l’acier en fusion. Herbert. Tout le monde le connait. Un véritable prodige. La Force lui a offert un talent rare : celui d’apprivoiser les mécanismes, de parler avec les circuits électroniques. Il lui suffit de clore les paupières quelques instants, pour qu’Elle lui souffle à l’oreille l’origine des dysfonctionnements, et le moyen de les contourner. Bref. Un pilier de la communauté. Tout le monde le surnomme « 6D », abréviation de « Système D ». D comme débrouille. Compte tenu de nos moyens limités, ses talents se résument plutôt à rafistoler, avec beaucoup de ruban adhésif, tout ce qui déconne, des systèmes de propulsions des chasseurs Jedi, aux unités de recyclages d’air. En passant par les droïdes calamiteux que nous vendent les Jawa. La boucle est bouclée.

Je laisse le duo derrière moi. Aussitôt, tout mon attention est happée par l’immense cavité rocheuse qui se dessine dans la pénombre bien au-dessus de ma tête. Une grotte souterraine, naturelle, qu’il a fallu percer de part en part pour la connecter au reste du Temple souterrain. Sur sa voûte qui nous écrase de sa masse millénaire, des formations cristallines jouent avec les lumières artificielles qui garnissent son pourtour, tel un kaléidoscope hypnotique capable de sucer l’âme de ceux qui s’y perdent. Des reflets irisés : décomposition du spectre blanc imitant le rayonnement d’un astre diurne paisible, comme celui que fut pour nous le soleil d’Ondéron. Nos érudits affirment que ce genre de formations attestent de la présence ancienne d’eau, peut-être même d’un océan. Asséché depuis des millions d’années. Ça nous fait une belle jambe. Je n'ai jamais été un grand fan des vieilles pierres, de ces histoires d’un passé si lointain qu’il ne fait que nous encombrer l’esprit. Nous devrions regarder vers l’avenir, plutôt qu’admirer un passé révolu. La nostalgie et les regrets pavent la route qui conduit inexorablement vers l’extinction. Enfin, je m’arrache à ce spectacle magnifique. Dessous, je retrouve quelque chose de bien plus… terre à terre. Un vaste open-space, encombré de bureaux, de chaises, garni d’écrans géants, où trône, en son centre, un large projeteur holographique qui affiche une représentation tridimensionnelle de la galaxie en nuage de points bleutés. Je me dirige vers une petite alcôve, barricadée par de fines cloisons mobiles, sur roulettes, futile muraille incapable de stopper les échos des dizaines de voix entre-mêlées. L’acoustique est horrible. Mais l’air est plus frais qu’ailleurs. Alors on s’y habitue. J’enjambe un toron de câbles aussi épais que ma cuisse. Telles les ramures d’un arbre chauve, il chemine entre les postes de travail, jusqu’à rejoindre un tronc plus épais encore qui disparaît sous un plancher en caillebotis mal ajustés. Le genre qui grince péniblement lorsque l’on ose le fouler.

Définitivement, notre nouveau Temple n’a rien à voir avec la majesté de notre ancien chez nous. Ni colonnes de marbre, ni grands espaces ouverts, ni jardins arborés, ni statues antiques vantant les prouesses de milliers de Jedi nous ayant précédés. Mais c’est justement ce que j’aime ici : la brutalité de la roche nue, cette absence de fioritures qui divertissent l’esprit et nous distraient de nos devoirs. Ce chaos permanent, impossible équation entre le manque de moyens et le manque de place. Ce sentiment d’être revenu aux fondamentaux, de repartir à zéro… Tabula rasa. Même si les habitudes ont la vie dure : les plus entêtés, en quête de repères rassurants, aspirent plutôt à reproduire ce qui a été perdu… Plutôt que d’édicter de nouvelles règles, d’adapter notre dogme à une époque qui à chamboulé toutes nos croyances, nos acquis.

Je pénètre le petit espace dédié au Bureau de Recherche des Jedi Disparu. Je baisse la tête pour passer le bandeau led bidouillé, que j'ai sauvé d'une caisse poussiéreuse, au fond d'une remise. Il dessine maladroitement les lettres « BRJD », et change de couleur toutes les dix secondes. Un suplice pour les non initiés. Cinq têtes se relèvent aussitôt. Sourires amicaux, yeux embrumés par le manque de sommeil. Je dépose les mug fumants de cette si aguicheuse odeur de café sur une table inoccupée, entre des piles de documents, datapad et disques mémoires arrachés aux archives. Je lance, sans préambules :

« Du nouveau ? » Les regards retournent à leurs écrans. Sauf celui d’Anaka. Un twi’lek hideux, vert moisissure, mais incroyablement sympathique. Le genre de Jedi avec qui on apprécie boire un verre, entre deux missions suicidaires. Mais qu'on ne veut pas croiser au détour d'un couloir, en pleine nuit, au risque de friser l’arrêt cardiaque. Il avoue tout haut ce que le groupe pense tout bas :

« Pas vraiment… On a lancé la reconnaissance faciale sur le réseau holonet, on attend les résultats… Le Conseil nous a transmis plus de détails sur sa mission… On va resserrer la recherche. »

Je n’insiste pas. Je me suis absenté qu’une poignée de minutes pour aller chercher les stimcafé. Mais l’espoir fait vivre non ? Nous perdons régulièrement des Jedi dans la nature. Certains ne jugent pas utile de donner signe de vie, d’autres agissent sous couvert d’une identité que ne leur permet pas de rester en lien avec le Temple. D’autres disparaissent vraiment. Difficile de démêler le vrai du faux, chaque situation est différente. Mais lorsque les doutes se précisent, le Conseil mandate l’un des Jedi confirmé du BRJD pour une enquête de terrain. Plusieurs sont déployés au moment même où l’on parle. Pourrions-nous agir autrement ? Non. A moins de pucer chaque Jedi pour les suivre en temps réel… Une option que, moi le premier, je refuserai catégoriquement. Alors on fait sans. Je relève la tête, yeux braqués sur l’affichage holographique de la galaxie qui flotte au-dessus du centre de la cavité. Une myriade de points vert, jaune et oranges tournent lentement avec les étoiles. Les missions en cours. Fut une époque où avec un tel affichage, nous n’aurions plus été incapable de discerner le centre de la galaxie, noyée sous un nuage vert ardent. Une autre époque.

« Ok… Bon… Buvez ça et allez tous vous reposer les yeux, vous aérer la cervelle avant que le soleil soit trop haut. On ne peut rien faire de plus pour le moment, et il n’y a pas d’autres urgences. » J’étouffe d’un geste un concert de protestations. « Si le logiciel trouve quelque chose, je vous contacte immédiatement. » J’ai toujours un peu de mal avec le travail en équipe. Je préfère rester seul en général. Le Conseil m’a collé dans les pattes une bande de jeunes Jedi plutôt atypique, loin des canons des héros de l’Ordre. Des analystes au cerveau câblé pour le traitement de données, plutôt que pour l’action de terrain.  « Les rats du BRJD » comme disent les mauvaises langues. Un sobriquet mesquin qui est devenu une fierté. Une équipe de fouineurs que rien n’arrête. Si nécessaire, ils craquent les systèmes informatiques, infiltrent les réseaux planétaires, fouillent l’holonet. Vous n'imaginez même pas le nombre incroyable d’informations que l’on peut collecter sans bouger son cul d’une chaise inconfortable. Ils sont les yeux et les oreilles du bureau. Ceux du temple. Le filet de sécurité de nos frères et sœurs. Chaque Jedi sauvé leur doit une fière chandelle. Moi, l’informatique, l’inaction physique, les cavernes troglodytes… Ce n’est vraiment pas mon truc. Dès que j’ai une excuse, même mauvaise, je fonce sur le terrain. Le grand air, les coups foireux, les bidonvilles craignos, et les déluges de feu laser. Ça me manque déjà.

« Et il n’y a vraiment de quoi s’inquiéter encore. Ce n’est pas la première fois que Manfred « oublie » de prendre contact. » La procédure conseillée par le BRJD est de contacter le Temple au moins une fois par semaine. « Ne faites pas cette tronche, les geeks. Je ne vais pas bouffer vos claviers. En plus, dans deux heures je décolle :

Il y a un convoi prévu cet aprem pour aller chercher de l’eau à Anachore. Alors profitez de la pause que je vous offre ! Un Merci Gary suffira amplement !»
Des Jedi anonyme débarquent régulièrement sur Tatooine, informés de notre présence sur la planète désertique par les indices laissés sur l’holonet. Ils sont souvent méfiants, et usent de tous les subterfuges pour échapper aux radars. Alors, lorsque l’occasion se présente, je ne manque pas de faire le tour des cantina, pour boire quelques coups et laisser traîner mes oreilles. Les étrangers un peu trop solitaires attirent rapidement l’attention des petits crapules de fonds de caniveaux. « Je vous ramène un truc de la ville ? »

« Ouais, un processeur Z-48. En 124 bits. » La requête semble si sérieuse que je la mémorise, avant de réaliser l’air amusé des autres analystes, qui prennent sur eux pour ne pas me pouffer à la tronche. Encore une blague de geek à laquelle je ne pige rien. Je secoue la tête.

« Allez, déguerpissez avant que je ne change d’avis et que je regrette d’avoir fait le service pour votre petite bande d’ingrats congénitaux ! »
Dalla Tellura
Dalla Tellura
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La première chose dont Dalla eut conscience en se réveillant, ce fut sa peau. La douleur sur sa peau. Sur toute sa peau.
Enfin surtout sur ses bras, son cou, son visage et l’extrémité de ses lekkus.
Elle entendait aussi des bips bips et des murmures.

Elle ouvrit les yeux sur l’infirmerie de fortune du Temple de fortune des rescapés de l’Ordre sur Tatooine.
Il n’y avait qu’une poignée de patients à l’infirmerie. Dalla était sûrement la moins amochée. Brûlures au deuxième degré (officiellement les pires coups de soleil de toute sa vie), ecchymoses, coupures. Et le coquard.

Mais contrairement à son voisin de lit, on ne voyait aucun de ses os dépasser de nulle part.
En fait, on ne voyait pas grand-chose dépasser de nulle part.
L’intégralité de ses bras était recouverte de bandages, vraisemblablement imprégnés de bacta. D’après le peu d’info que lui donnaient encore ses nerfs, son visage et son cou devaient être dans le même état.
Elle était encore reliée à une perfusion. Elle avait encore soif. Et envie de pisser. Et faim, aussi…

-Chevalière Tellura ?

Dalla tourna la tête – elle avait bien des bandages dans le cou.

-Vous êtes réveillée ?
-Je crois…

Elle avait la voix éraillée, et ses lèvres desséchées semblaient s’être fracturées rien qu’à prononcer ces deux mots.

-Vous savez quel jour nous sommes ?
-J’ai arrêté de suivre le calendrier depuis qu’on s’est fait jarreter de la République.

Le soigneur – un keteerian que Dalla ne se rappelait pas avoir jamais rencontré auparavant-, eut un demi-sourire. Dalla avait mal aux lèvres rien qu’à le regarder.

-Vous vous rappeler comment vous êtes arrivée ici ?
-J’ai cramé dans le désert en cherchant le Temple…
-Oui…
-Puis… J’ai passé les épreuves. J’ai reçu quelques coups. Puis…

Elle fronça les arcades sourcières. Mauvaise idée. Il y  avait des bandages là-aussi, et de la peau en sale état en dessous.

-Je ne sais plus trop après…
-Le Conseil vous a fait conduire ici. Nous vous avons mise sous perfusion et avons traité vos brûlures et contusions au bacta. Pas d’immersion totale, nous n’avons pas assez de stock pour ça…

Dalla hocha la tête. Elle avait travaillé à l’infirmerie du Temple de Coruscant. Elle comprenait les problèmes que devait connaître cette infirmerie de fortune sur Tatooine.

-Vous êtes restée comateuse deux jours.

Ouaouh.

-Maintenant que vous êtes réveillée et lucide, je vais retirer votre perf et vos bandages. Vos plaies semblent en bonne voie de cicatrisation. Je pense pouvoir vous laisser sortir tout à l’heure.

Pour aller où ? songea-t-elle.
Elle avait beau avoir dormi deux jours, elle se sentait épuisée.

Le soigneur commença à défaire les bandages de ses bras. Sa peau avait un sale aspect. Mais un peu moins que deux jours plus tôt.

-Pas d’exposition au soleil, pas de sollicitation extrême. Hydratez régulièrement.

Dalla hochait machinalement la tête.
Elle se sentait vidée. Pourtant, elle n’aurait pas dû.

-Pour cette plaie, continua le soigneur en découvrant le haut de son bras gauche, il faudra repasser dans deux ou trois semaines retirer les fils.

Elle avait réussi les épreuves. Elle était une jedi. C’était ce dont elle avait toujours rêvé… Et pourtant…

-Vous avez des connaissances en médecine, de ce que j’ai lu dans votre dossier ? Vous pourrez nettoyer seule la plaie d’ici là, inutile de repasser ici.

Elle se sentait vidée. Perdue.
Ce n’était pas comme cela qu’elle s’était imaginé son accession au rang de jedi. Pas sans Larna. Pas hors du Temple de Coruscant. Pas sans presque toutes les personnes qu’elle avait connues.
Elle ne pouvait pas se départir d’une impression de gâchis. Elle avait l’impression d’avoir eu des Épreuves au rabais. D’être arrivée dans un Temple au rabais, dans un Ordre grabataire, avec un Conseil fait de bric et de broc.
Elle avait l’impression d’être une jedi au rabais.

-Tellura ?

Elle releva la tête. Elle n’avait pas reconnu la voix, mais elle reconnaissait ce visage. Brien Gorlon. Ils avaient partagé une paillasse en chimie organique pendant 6 ans, au Temple de Coruscant.

-Gorlon !

Le sullustéen s’assit à côté du lit de Dalla.

-Ça fait plaisir de te voir réveillée, Tellura.
-Je me suis permis de prévenir le chevalier Gorlon de votre réveil, expliqua le soigneur en s’attaquant aux bandages sur le visage de Dalla. Il est venu plusieurs fois prendre de vos nouvelles ces dernières 48h.
-Tu sais où tu vas crécher ? interrogea Gorlon quand le soigneur se fut éloigné.
-Non, je… je débarque juste.
-Parait que c’est le BRJD qui t’a ramenée ?
-Le quoi ?
-Voilà, reprit le soigneur en revenant avec un pot que Dalla identifia comme du gel cicatrisant. La peau est en bonne voie de cicatrisation. Pas d’exposition au soleil, attention au sable, aux coups… En ce qui me concerne, vous pouvez quitter l’infirmerie. Je vous laisse le temps de rassembler vos affaires.

Ce qui, Dalla le savait, était une façon polie de lui demander de lever le camp au plus tôt. Ils n’avaient l’air d’être que deux pour toute l’infirmerie, moins ils avaient de patient à gérer, mieux c’était.
Gorlon aida Dalla à se enlever sa blouse médicale et à passer ses vêtements. Pantalon et veste sans manches. Heureusement. Elle n’avait aucune envie d’avoir du tissu qui frotte sur sa peau.
D’un autre côté, c’était aussi parce qu’elle avait une veste sans manches que ses bras avaient cramé.

-T’étais pas très chargée, dis-donc, remarqua Gorlon.
-Les jedi sont pas censés éviter l’attachement et les possessions matérielles ?

Gorlon fit la moue.

-Je… Tu as été… hors de l’Ordre pendant cinq ans, alors… Enfin… Ça me regarde pas…

Gorlon avait l’air gêné. Dalla était gênée, en tout cas… Le visage de Laleeni Nyx lui traversa l’esprit.

-Je reste une jedi. Je n’ai jamais cessé de l’être.
-C’était pas un accusation ! Ni un jugement ! Ni… Ce que je veux dire…

Il regarda autour d’eux. Dalla accéléra le pas. Ils sortirent de l’infirmerie, et elle suivit Gorlon dans les couloirs du « Temple ».

-Moi aussi, reprit Gorlon, j’ai eu un petit moment où j’étais pas avec l’Ordre. Je… Personne ne m’a jamais interrogé sur cette période de ma vie. Et je n’interrogerais personne là-dessus…

Dalla hocha la tête. Il n’y avait pas que le visage de Laleeni dont elle se rappelait.

-Je crois que, vue la situation de l’Ordre, personne n’a trop intérêt à…
-… pinailler.
-Ouais.

Ils marchèrent un certain temps en silence.

-Là, c’est les cellules individuelles. Enfin, certaines… La mienne est là. Celle-là, c’est celle de Laelon Garjink. Je ne sais pas si tu te rappelles d’elle… Bref, sa chambre est là. Y en a des libres là-bas.

Dalla ouvrit la première des portes qu’il désignait. La pièce ressemblait à toutes celles qu’elle avait vues au Temple de Tatooine. Fonctionnelle. Pour ne rien dire de plus. Ou de moins.
Elle posa son petit sac sur le sol, à côté du lit.

-Bon, commenta Gorlon. Je crois que tu es de retour. Bienvenue chez toi, Tellura.
-C’est quoi le BDJD ?
-Le BRJD. Le Bureau de Recherche des Jedi Disparus. C’est… des jedi... qui récupèrent d’autres jedi.
-Comment ça ?
-Ben… Tous les jedi de l’Ordre ne sont pas ici. Tu en es un bon exemple. Certains sont volontairement dans leur coin. Pour d’autres, c’est… plus compliqué.
-J’en suis un bon exemple.
-Bref, le BRJD est là pour ça.
-C’est bien.
-C’est une idée de Gary. Kovani ? Non ? Bah, tu verras vite qui c’est… Il bosse avec d’autres jedi. Y a Anaka. Tu te rappelles de lui ? Il faisait des fêtes dans son dortoir. Ah, mais, c’est vrai que t’aimes pas les fêtes… Y a aussi Rubee. Tu la connais, elle !
-Oui, bien sûr.

Elle avait quatre ans de plus que Dalla. A l’époque, dès qu’un padawan avait un problème avec son comlink ou son datapad, c’était elle qu’il allait voir. Dalla lui avait fait deux ou trois disserts de littérature en échange d’un dépannage express.

-Je suis contente de savoir qu’elle…

… n’est pas morte.

-… va bien.
-Ouais...
-Ce sont eux qui m’ont sortie du désert, alors...

Dalla n’avait qu’un souvenir très flou de son sauvetage et de son arrivée au Temple. Malgré le foulard enroulé autour de sa tête et de ses lekkus, elle avait une belle insolation. Et un certain niveau de déshydratation, aussi.

-De ce que j’ai compris. J’ai appris ton retour par hasard. Par Anaka. Il passe souvent au Dépôt -c’est là que je bosse. Les pièces détachées. Le BRJD est toujours à l’affût de matos pour leurs trucs…

Il fit un geste vague de la main.

-Il a mentionné ton nom. Demandé si je te connaissais. On venait juste de t’emmener à l’infirmerie. Je…

Il semblait chercher ses mots.

-Je suis content de te voir, Dalla. C’est… C’est pas toujours évident, au quotidien, de…
-… de penser à tous ceux qu’on ne reverra plus jamais ?
-Ouais.
-Ouais. Toi aussi. Ça fait plaisir de te voir.

Après plusieurs minutes de silence, Gorlon reprit :

-Tu devrais passer voir Maître Harvaalomyn. C’est lui qui gère un peu l’intendance. Histoire de récupérer une bure ou deux, des draps, du savon…

Dalla soupira.

-Je le trouve où, Maître Harvaalomyn ?

Brien lui expliqua le trajet, elle essaye de suivre.

-Je peux aussi te conduire, si tu veux.
-J’aimerais bien aller voir le BDJD, aussi…
-Le BRJD.
-Oui, le BRJD. Les remercier.
-Ah oui. Tu peux. Je t’emmène ?
-Attends. Faut que je passe aux toilettes, d’abord.

Brien lui indiqua les sanitaires.
Dalla fila soulager sa vessie. Puis, elle se lava les mains. Passa un peu d’eau sur ses lekkus et son cou. Elle fixa son reflet dans le miroir.
Sa peau était encore violacée, encore craquelée par endroits. Elle devait avoir changé en cinq ans. Brien avait changé en cinq ans. Les traits plus marqués, les cernes plus creusées.
Ils avaient tous bien vieilli en cinq ans…

Brien la conduisit ensuite à travers le dédale des couloirs aux parois irrégulières. Ils croisèrent quelques jedi. Dalla n’en reconnut aucun.

Le Bureau de Recherche des Jedi Disparus était encore une pièce mal dégrossie, assez étroite. Une sorte d’enseigne clignotante indiquait les lettres « BRJD ».

-Bonjour ! lança Brien en entrant.
-Bonjour, murmura Dalla, trois pas derrière.

Une poignée de jedi était assis ou debout dans la salle. Dalla reconnut Rubee – un peu plus fatiguée, le visage un peu plus émacié. Elle reconnut aussi un twi’lek qu’elle connaissait de vue. C’était peut-être Anaka, dont Brien avait parlé. Il avait le genre de visage qu’on n’oublie pas.

-Je voulais vous remercier. De m’avoir… sauvée. Dans le désert.

Dalla se sentait très gauche, debout au milieu de la pièce, à côté de Brien qu’elle dépassait de quatre ou cinq têtes. Elle avait soudain une conscience très aiguë de des ses bras et de ses lekkus qui pendouillaient, de ses mains, dont elle ne savait pas quoi faire, de ses pieds, sur lesquels elle faisait reposer en alternance son poids, de sa peau, tirant par endroit au violet, sèche, qui la lançait.

-Je ne savais pas… qu’il y avait des jedi qui… recherchaient les autres jedi.

Si elle l’avait su, elle aurait peut-être pu rejoindre le Temple plus tôt. Serait-elle très différente, aujourd’hui, si elle n’avait jamais mis les pieds sur Dubrova ? Jamais travaillé pour Karka Banda?Jamais rencontré Laleeni ?

-Comment est-ce que vous m’avez trouvée ? Est-ce que c’est après mon… passage aux Trois Blasters ?

Elle était venue dans cette cantina pour essayer de rassembler des informations sur la présence de jedi sur Tatooine. La situation avait un peu… dégénéré.
Il y avait eu de la casse. Elle avait chopé un coquard. Mais elle restait persuadée d’avoir agi comme elle le devait. Les jedi devaient défendre les opprimés, non ?

Et après avoir, pendant plus de quatre ans, partagé un appartement avec des danseuses, elle n’était que plus sensible à ce que subissait les filles (twi’leks ou non) qui dansaient peu vêtues dans les cantina.
Alors, oui, elle avait cassé deux tables, six ou sept chaises, une douzaine de verres, à peu près autant de bouteilles, un miroir et trois nez. Mais ils n’avaient qu’à pas harceler cette pauvre kessurian, aussi !
Gary Kovani
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Au moment où la bande de geek à l’humour douteux envisage enfin de m’obéir, le gosier rincé par l’arôme corsé du stimcafé, deux silhouettes s’invitent notre espace, petit ilot de quasi-tranquillité lové à la périphérie de l’open-space crânement dénommé : centre des opérations du Temple. Mes bottes poussiéreuses quittent prestement la table réquisitionnée pour mon confort personnel. Je me redresse, debout. J’ai immédiatement reconnu les deux importuns. Je leur décoche un sourire chaleureux. Particulièrement à Dalla. Ravi de la voir sur pieds. Son aura, dans la Force, me semble vaciller encore, signe d’une fatigue physique et mentale qui se résorbera naturellement dans les jours à venir. Elle a traversé l’enfer, au sens mythologique du terme.

Evidemment, la petite troupe de jeunes Jedi analyses se jettent sur elle. Probablement qu’ils fréquentent plus de JPEG que de jeunes filles ou hommes en chair et en os. Ils se présentent, pêle-mêle, mélange étrange d’excitation et de timidité.

« Salut ! Moi c’est Anaka ! » Balance maladroitement le Twi’lek au faciès peu flatteur. Son camarade le plus proche, Arrrarra, un Aqualish aux yeux globuleux, le bouscule d’un coup d’épaule faussement agressif. Son duvet facial, hirsute, couleur paille, dévore le bas de son visage dissimulant les deux petites défenses qui orne sa bouche sans lèvres... « Qu’est que ce que tu fais là ?! » Les mots tonnent, rendus tranchants par son lourd accent. Mais ceux qui connaissant les Aqualishs savent à ne pas se fier aux apparences. Il s’agit d’une formule de bienvenue très polie en réalité… Je m’immisce au milieu de la bande, et écarte les analystes pour que Dalla n’étouffe pas sous la pression cumulée de leur amicalité immodérée. Je tends la main à la jeune Twi’lek, pour l’inviter à me la serrer… Mais au moment où elle esquisse un mouvement, j’avance et la serre dans mes bras. Je lui glisse à l’oreille :

« Heureux que tu t’en sois tiré… » Je recule alors, lui restituant son espace vital. Puis me lance dans de concises présentations. « Anaka… Arrrarra… Te fie pas à son apparence ou ses manières, c’est une vraie crème. » Je plaque mes deux mains sur les épaules d’une minuscule Caamasi. Elle m’arrive à peine au sternum. Sa petite trompe frétillante et son duvet olive, lui donnent un air de peluche. Atteinte d’une timidité maladive que ses enseignants Jedi n’ont jamais réussi à contrer, elle ne parle pratiquement jamais. Elle préfère s’exprimer par écrans interposés. Je la tire pour qu’elle s’avance d’un pas vers Dalla, dont elle détourne aussitôt le regard, gênée. « Notre mascotte, Gun’trouk. » Je la libère, pour filer une claque sonore sur l’omoplate d’un Corellien aux lunettes épaisses. De véritables culs de bouteilles. Il sourit d’un air béta, globes oculaires disproportionnés par rapport au reste de son visage filiforme. « Lui c’est Bernard. Il est cool. Si tu cherches quelqu’un pour faire tes devoirs, n’hésite pas, il a l’habitude… » Je pouffe, puis tente de reproduire le geste sur l’ultime membre de la bande, qui esquive avant de me filer un coup de coude dans les côtes. Mon ricanement s’étouffe, devenu grognement. « Et moi j’ai besoin de personne pour me présenter. En plus on se connait déjà. Hein Dalla ? » Il s’avance, dans un élan de courage soudain, pour attraper la main de Dalla et dépose dessus un baiser charmeur. Un geste qui aurait pu être chevaleresque si l’échalat Coruscanti n’avait pas viré instantanément au rouge rubicon, avant de commencer à bégayer, rattrapé par son manque d'assurance flagrant. Rubee. Je reprends aussitôt la main, grand prince, pour lui éviter de se ridiculiser encore plus :

« Bref. Voilà. C’est les geeks du BRJD. Ils sont loin des canons de l'ordre, mais ils en ont dans la tête ! » Je lance un clin d’œil complice, alors que quelques moues vexées apparaissent dans mon dos. Qui aime bien, châtie bien, non ? « Ne restez pas sur le pas de la porte, entrez ! » Je repousse l’une des cloisons sur roulettes pour leur ouvrir un passage plus large, au mépris des échos agaçants qui rebondissent inlassablement sur les parois rocheuses. Au diable les open-space. Dans cette grotte naturelle, des dizaines de Jedi de tous bords travaillent de concert pour permettre au Temple de fonctionner correctement : surveillance des systèmes vitaux, communications longue distance, gestion de notre flotte survivante, écriture des rapports de missions, et j’en passe. Le BRJD n’occupe qu’un modeste espace dans ce monde ouvert, confiné dans une grande anfractuosité, chaotique et bruyant. Un îlot qui recouvre un semblant de sérénité lorsque je replace la cloison anti-bruit derrière nos deux invités.

Les premières questions et remarques fusent, maladroites. Je reste muet, jusqu’à la mention des « Trois Blaster ». Toutes les têtes se tournent dans ma direction, sourcils froncés, entre accusation et curiosité.

« Une excellente cantina oui. Des welsh au fromage de bantha stratosphériques… » J’y vais surtout pour la bière artisanale. Personne n’est dupe. Je rebondis rapidement sur la précédente remarque, pour changer de sujet. « Bah, en vérité, l’esprit du BRJD existe depuis des lustres. Bien avant notre exode, on envoyait des Ombres sur la piste des Jedi disparus en mission. Nous n’avons pas réinventé l’eau chaude. » Je hausse les épaules. Une modestie qui n’a rien de feinte. Je le pense sincèrement. « La différence, de nos jours, c’est qu’il faut également retrouver la trace de ceux qui ont été les victimes collatérales de notre exil… Depuis que l’Ordre n’a plus la protection de la République, la galaxie est devenue une terre hostile. Les malfrats n’hésitent plus à nous prendre pour cible. Que ce soit par défi, ou par appât du gain : la République offre toujours de primes pour les Jedi… » Je secoue la tête. Il ne faut pas faire usage de la Force pour entrevoir la colère que je peine à réprimer. Les temps sont difficiles, et mettent à rude épreuve nos enseignements. Nombre de nos frères et sœurs ont sombré dans l’obscurité, ou se sont perdu eux-mêmes. D’autres, particulièrement les plus jeunes, garderont toute leur vie le traumatisme du déracinement violent. Une blessure intérieure, porte d’entrée du côté obscur si elle n’est pas correctement soignée. « C’est pour cette raison qu’on garde profil bas. Qu’on ne crie pas sur tous les canaux la localisation de notre nouveau Temple. » Un jeu de dupe grâce auquel nous devons probablement notre survie. Depuis les guerres mandaloriennes, et la grande purge Jedi qui suivi, l’Ordre n’a jamais été aussi vulnérable. Si notre position fuitait, rien ne pourrait empêcher l’Empire, la République, ou même les Kajiidic de lancer un bombardement sur nos positions, depuis l’espace. Pour vivre heureux, vivons cachés… Je chasse ces pensées pessimistes et continue :

« Pour être tout à fait franc, je n’aime pas cet acronyme. BRJD. Bureau de Recherche des Jedi disparu… ça fait trop… Académique. J’avais proposé au Conseil de créer un nouveau corps de service. Après l’agricorp, le medcorp, l’explocorp… On aurait pu avoir l’investcorp. Un corps dédié à l’investigation et à la recherche de nos frères et sœurs disparus. Faut croire que mon idée était un poil trop ambitieuse… Ralala. Mais c’est que je suis une vraie pipelette… » Je me tais enfin. J’ai tant monopolisé la parole que plus personne n’ose l’ouvrir. Trop d’informations en trop peu de temps. Je crois que j’avais besoin de m’exprimer. Lorsque je traine trop longtemps avec les geeks, je suis frustré. Soit ils ne parlent pas, soit ils parlent un charabia compréhensible seulement d’eux. Mes mains gantées échouent sur ma tasse, que j’achève d’une ultime gorgée. Le café est froid, je le préfère ainsi.

« Quoi de neuf de ton coté Dalla ? » J’avoue que, inconsciemment, j’ignore Brien, qui ne brille ni par sa prestance, ni par son charisme. La twi’lek, quant à elle, dégage une aura rafraichissante. De celles qui attestent d’un caractère trempé aux épreuves de la vie réelle, hors de ces murs protecteurs qui ramollissent les Jedi qui y gâchent trop de temps.
Dalla Tellura
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Ces dernières années, sur Dubrova, Dalla avait perdu l’habitude de parler à des inconnus. A l’appartement, elle connaissait les filles, elle connaissait les filles invitées, qui parfois finissaient par intégrer la colocation, et elle finissait toujours par connaître un minimum les amants et amantes de ses colocataires -même si connaître ne voulait pas toujours dire apprécier… Et au garage, c’était généralement Kark qui gérait les clients.
Il y avait les cours particuliers, aussi, mais les enfants… c’était pas pareil.

Mais c’était des jedi qu’elle avait en face d’elle. Ce n’étaient pas complètement des inconnus. C’était des personnes avec qui elle partageait des liens, la Force, et puis… quelques traumatismes…

Elle sourit à Anaka et au jeune Aqualish, avec les sensations qu’ils étaient peut-être encore plus nerveux qu’elle.

Celui qui n’était pas nerveux, par contre, c’était le grand humanoïde – noorien lui semblait-il-, qui s’avança entre les autres. Dalla se rappelait de lui, confusément, dans les souvenirs de son arrivée. Ça devait être Kovani. Il dégageait une aura d’assurance, surtout en contraste avec les autres personnes présentes.

Dalla tendit sa main, en réponse à celle, tendue, du jedi… avant d’être happée dans une rapide accolade.

Là encore, Dalla n’était pas habituée. Un avantage de travailler dans un garage et d’être couverte d’huile de vidange. Ça aidait les gens à respecter son espace personnel, même quand on leur apprenait qu’on avait sauvé la carrosserie de leur tout dernier speeder à trois cent mille crédits.
Depuis cinq ans, elle n’avait pratiquement pas eu de contact physique avec un autre être sentient, à part son frère et sa sœur. Et à part Laleeni, bien sûr, mais…
Bref.

« Heureux que tu t’en sois tiré… »

Il y avait quelque chose, là derrière. Au milieu de cette assurance, de cette empathie qu’elle ressentait, dorée comme les yeux du noorien. Une fêlure. Pas le côté obscur, non… Plutôt…. Un peu comme…

Non… Elle ne voulait pas réfléchir à ce que c’était. Pas maintenant. Ce n’était pas le moment. Elle n‘était pas prête.
Cela ressemblait peut-être un peu trop à ce qu’elle ressentait dans son âme, quand elle croisait un kel dor, ou quelqu’un dont l’aura ressemblait un peu trop à celle de Larna.

Dalla se concentra sur la petite caamasi coincée entre les pattes de Kovani.
Pour compenser le silence de la petite jedi, et peut-être en écho aux heures qu’elle avait passées à enseigner à des enfants qui faisaient la moitié de sa taille, elle fit un grand sourire à sa vis-à-vis, projetant le plus possible de bienveillance dans son aura.

-Bonjour Gun’trouk, enchantée de te rencontrer.

En plus, il lui semblait que c’était la seule fille dans ce groupe de garçons, ce qui ne devait pas être évident.

Dalla semblait être re-rentrée dans sa posture sociale de prof particulière. Elle tendit machinalement la main à Bernard, en remarquant :

-J’avais plutôt l’habitude de faire mes devoirs toute seule, mais c’est toujours bon à savoir !

Dalla n’eut pas le temps de ramener sa main le long de son corps, avant que Rubee ne l’attrape.

Elle resta un instant figée à dévisager son ancien condisciple. Une fois le premier mouvement passé, Rubee semblait aussi stupéfait qu’elle, et incapable de savoir comment réagir. Ce fut finalement Kovani qui les décoinça.

Dalla suivit machinalement le noorien entre les cloisons, essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Est-ce que cela rentrait dans la catégorie des baise-mains ?
Dalla jeta un coup d’œil au dos de sa propre main, où le fantôme des ses mitaines dessinait un petit espace de peau bleue au milieu du violacé des coups de soleil.
Elle ne se serait jamais attendue à se retrouver de ce côté d’un baisemain. Surtout pas en duo avec quelqu’un comme Rubee, qui l’appelait « Schtroumpfette » - quoi que cela ait pu signifier- en lui tapotant le dessus de la tête quand ils étaient encore padawans.

Kovani rabattit une cloison, derrière laquelle Dalla entraperçut quelques regards courroucés, avant que le silence se fasse autour d’eux…

La mention de welsh réveilla l’estomac de Dalla. En plus, elle avait failli goûter un de ces welsh -végétarien, bien sûr-, avant que son assiette (et quelques autres) finissent par terre en morceaux. Dalla écouta cependant gravement les réponses de Kovani.

Elle avait toujours trouvé les Ombres impressionnants. Sûrs d’eux, irradiants le côté lumineux, efficaces, chirurgicaux, même…
Les membres du BRJD ne donnaient pas vraiment la même impression. Mais au fond, c’était peut-être une bonne chose. Elle savait que la bienveillance jouait un grand rôle dans la guérison des corps et des âmes, et l’Ordre exilé sur Tatooine avait clairement besoin de panser ses plaies, même après cinq ans.

«Depuis que l’Ordre n’a plus la protection de la République, la galaxie est devenue une terre hostile. Les malfrats n’hésitent plus à nous prendre pour cible. Que ce soit par défi, ou par appât du gain : la République offre toujours de primes pour les Jedi… »

Dalla frissonna. Elle avait eu beaucoup de chance, au fond, pendant ces cinq années. Elle avait été protégée, cachée, toutes ces années. Par Lebko, d’abord, qui avait pensé à la sortir de l’espace républicain, puis par Nassa et le groupe qui s’était formé autour d’elle…
Elle pensa à tous les autres, trahis par leur République, celle pour qui ils s’étaient battus et avaient soufferts, celle pour qui tant d’entre eux s’étaient déjà sacrifiés…
Elle pensa à Larna, et au soir où sa présence s’était éteinte dans la Force.
Elle eut une vision de cellules sombres, de cris, de sang, de l’obscurité…

-Dalla ?

Elle fut ramenée à l’instant et au lieu présents par Arrarra, qui lui tendait un morceau de tissu. Effectivement, elle avait les joues plus qu’humides.

Elle prit le morceau de tissu avec un petit signe de tête à Arrarra -c’était un chiffon microfibre pour écran de datapad ?- et s’essuya les joues aussi discrètement que possible.

« C’est pour cette raison qu’on garde profil bas. Qu’on ne crie pas sur tous les canaux la localisation de notre nouveau Temple. »

-Je comprends… C’est… c’est normal. Nous…

Elle eut un sourire amer.

-Nous sommes des fugitifs, maintenant. C’est nous qui sommes traqués…

Son cœur eut quelques embardées. Combien de ses anciens condisciples étaient pourchassés ou enfermés en ce moment même ? Combien morts ? Combien torturés ? Ou… pire encore…

Fugitivement, le visage de Kolin Valkizath lui traversa l’esprit.

Elle reporta son attention sur Kovani.

« J’avais proposé au Conseil de créer un nouveau corps de service. Après l’agricorp, le medcorp, l’explocorp… On aurait pu avoir l’investcorp. Un corps dédié à l’investigation et à la recherche de nos frères et sœurs disparus. Faut croire que mon idée était un poil trop ambitieuse… »

Était-ce égoïste de de sa part de penser que retrouver et sauver les jedi était une priorité ? Ou bien, était-ce pragmatique ? Après tout, chaque jedi sauvé et retrouvé était une personne de plus qui œuvrait pour la Lumière et la Galaxie.

Et elle ?

Maintenant qu’elle était là, parmi les siens, sauvée. Qu’allait-elle faire ?
Comment contribuer à la Lumière, maintenant qu’elle avait retrouvé l’Ordre ?
Maintenant qu’elle était une jedi.

« Quoi de neuf de ton coté Dalla ? »

Dalla ramena ses yeux et son attention sur le noorien. Le silence était revenu autour d’eux. Les autres la regardaient.

-Je… Le Conseil m’a accordé le rang de chevalière. Je…

Larna… Larna aurait dû être là… avec elle.

-… je suppose que je dois trouver ma place dans ce nouvel Ordre en exil…

Elle fit courir ses doigts le long de l’arête du bureau sur lequel elle était assise (à quel moment s’était-elle assise sur un bureau ?).

-Quand la… quand… J’étais avec ma Maître quand la République… nous a trahis. Larna Kemnitt. Elle… elle a essayé de sauver un enfant, très jeune, un duros, sensible à la Force. Je ne sais pas si l’enfant a survécu. Larna, non…

Elle déglutit.

-Je me suis réfugiée sur Dubrova, chez ma sœur. Ma jumelle. Nassa. J’ai eu de la chance. On était dans une ville moyenne. Personne n’a fait attention à moi. Il y avait beaucoup de passages dans le groupe de ma sœur… Artistes, danseurs, musiciens, serveurs, plongeurs. Alors une de plus ou de moins… J’ai travaillé dans un garage, donné des cours particuliers…

-Des cours de litté ? suggéra Rubee.

Dalla sourit.

-Entre autres. C’est… c’est chez les parents d’un élève que j’ai commencé à entendre parler des jedi qui… restaient.

Heureusement que les familles de nouveaux riches ne faisaient pas attention au petit personnel et aux précepteurs, sinon sa réaction, la première fois, aurait pu attirer les suspicions…

-Petit à petit, j’ai rassemblé des informations. Les nouvelles vont vite sur l’autoroute Hutt… Et puis… je suppose que cela doit vous faire la même chose quand vous enquêtez… La Force… Je savais quand une information était importante. Ce jour-là, la première fois que j’ai entendu des nouvelles des jedi, c’est comme si j’avais su, juste avant, que j’allais entendre quelque chose d’important.
-Et quand tu as eu assez d’informations, tu es venue.
-C’est ça.

Assez d’informations, et un beau-frère insupportable.

-La suite, vous la connaissez… Et… maintenant, il faut que je décide de ce que je vais faire. Avant, je voulais être jedi consulaire. Je… Je ne sais plus maintenant… Je pourrais aussi être utile à l’infirmerie, ou dans les ateliers mécaniques…

Elle se tourna vers Brien.

-Ce qui me fait penser que j’ai du boulot… Je vais vous laisser… Mais, honnêtement, Dalla, on n’a pas tant de trucs que ça à gérer aux ateliers. Tu seras plus utile ailleurs…

Il serra la main d’Anaka, salua les autres d’un signe de tête.

-Je te vois plus tard, Tellura !

Il écarta la cloison anti-bruit. Les visages que Dalla entrevit étaient plus curieux qu’hostiles, cette fois. Puis le silence revint autour d’eux.

-Je ne sais pas trop où je pourrais être la plus utile à l’Ordre, aujourd’hui…

Elle ne parvenait pas à se représenter l’Ordre Jedi aux aguets, affaibli… Il fallait qu’elle se fasse une meilleure idée de la situation, pour savoir quel rôle jouer pour aider les siens.

-Tu as enseigné à des enfants ? murmura soudain Gun’trouk. Tu pourrais peut-être travailler avec les padawans…

La caamasi sembla se ratatiner après son intervention.

-Je… je n’avais pas pensé à ça, murmura Dalla. Je… je ne sais pas su tout. Je suppose qu’il me faut du temps pour m’acclimater et trouver ma voie, admit-elle.

Elle avait hâte d’agir et d’être utile, mais il serait sûrement contre-productif de se précipiter. Même si c’était frustrant, elle devait réfléchir sérieusement. Après tout, c’était une décision importante pour son avenir… voire celui de l’Ordre.
Gary Kovani
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Je me laisse choir lourdement dans mon siège. Mon arrière-train frappe durement l’armature rigide de l’assise, sous la mousse depuis longtemps écrasée par des centaines de culs anonymes. Je m’y enfonce encore, à mesure que je mesure la gravité, la mélancolie, la détresse même, qui transpire des doutes légitimes de la Twi’lek pèse sur mon échine. J’inspire profondément, expire lentement.

Dalla, ton univers impitoyable
Dalla, et sous ton soleil implacable
Dalla, tu ne redoutes que la mort


Je reste silencieux. Un silence respectueux qui dissimule le tumulte éveillé un geyser d’émotions négatives, celles que je cherche à étouffer au plus profond de mon âme meurtrie par les traumatismes inhérents à une vie d’Ombre Jedi errant. Très tôt, on m’a appris à côtoyer l’obscur et l’horreur. On m’a enseigné la manière de me blinder l’esprit pour ne leur laisser aucune prise. Une forteresse mentale, inexpugnable, qui préserve de la corruption, mais qui, aussi, rend insensible. Il m’a fallu de très longues années pour parvenir à briser mes propres chaines, après la mort de mon Maître, pour réussir à réunir les miettes de mon empathie atrophiée. Je soupire. Il m’arrive encore de très mal mesurer la détresse réelle qui pèse sur le cœur de mes interlocuteurs.

Aujourd’hui, je ne suis plus une Ombre. Seulement un Chevalier atypique pour certains, borderline pour d’autres. Je joue souvent avec les règles, les limites. Et j'ai touché des fonds que peu de Jedi ont atteint. Il en résulte une part ténébreuse bien plus prégnante que je ne le laisse paraître. Un gouffre abyssal, où mes démons intérieurs n’attendent qu’une brèche pour en jaillir. Seul mon éternel optimisme, souvent forcé, me préserve de cette déchéance, de ces pulsions auto-destructrices qui me poussent à foncer droit devant, à prendre tous les risques. Sans même s'en rendre compte, les états d’âme de Dalla se font l’écho des miens…. Mais le départ soudain de Brien brise le cercle vicieux de mes sombres pensées. Je le salue. C’est un bon gars. La conversation reprend… Plus légère, pour moi en tout cas. Et lorsque je sens l’opportunité naître enfin, j’ouvre la bouche, pour ne prononcer qu’un seul mot :

« L’espoir. »

Silence théâtral, sourire au bord des lèvres. J’aime faire mon petit effet. Les sourcils se froncent alors que les esprits peinent à comprendre l’intérêt de ce mot esseulé, jeté au milieu de l’arène sans logique apparence. Enfin, parce que je ne suis pas sadique, j’achève leurs questionnements intérieurs :

« Tu ne dois jamais perdre espoir Dalla. Car c’est sur cet espoir que repose la préservation de notre Ordre, plus que sur nos compétences. Car c’est l’espoir alimente notre volonté de vivre, notre capacité à endurer les inévitables épreuves qui nous attendent. »
« Wouah, c’est profond… » ironie Rebee. Je lui décoche un regard assassin, et réponds du tac-o-tac :
« Tu vas voir ce qui est réellement profond si tu me coupes encore ! » Il lève les yeux à la voûte minérale. Gun’trouk vire au rouge derrière son pelage clair. Les autres ricanes bêtement. Tu parles d’une fine équipe. Je les aime bien. Je reprends :

« Tes doutes, Dalla, tous les Jedi les ressentent en ce moment. Simplement parce que nous n’avons jamais appris à faire des choix. Des choix existentiels. Nous sommes nés avec nos pouvoirs, avons été retirés de nos familles, très jeunes. Nous avons été éduqués pour être de bon petits Jedi, dans notre Temple, cette bulle imperméable aux horreurs de la galaxie. Nous avons été formés par des Chevaliers et des Maitres eux-mêmes biberonnés aux dogmes millénaires gravés dans l’ADN de notre Ordre… Nous n’avons jamais été préparés à… ça » d’un grand geste circulaire des deux bras, je désigne l’open-space, la caverne, et par extension notre Temple de fortune, ce monde désertique, cette galaxie traitresse. Je me retiens d’évoquer le réel fond de ma pensée critique envers le Conseil Jedi, que je juge responsable de nos déboires, aveugle aux changements de notre époque, incapable d’avoir pris les bonnes décisions. Cette longue et interminable guerre contre l’Empire nous a fragilisé… Et a transformé notre plus vieil allié en un nouvel ennemi. J’ai déjà été réprimandé plusieurs fois par le passé pour avoir exposé opinions tranchées avec véhémence. Car, je l’avoue, je rêve d’un Ordre Jedi sans Temples, sans Conseils, aux membres disséminés partout dans la galaxie, intégrées anonymement aux populations locales… Douce utopie. Ici, trop d’oreilles traînent, je déteste les open-space, et ce n’est certainement pas le moment de s’étendre sur de telles considérations. Surtout avec une toute jeune Chevalière encore meurtrie par les implacables soleils jumeaux.

Au lieu de cela, je décide de lui remonter le moral. Un devoir que je m’impose, presque contre ma volonté, mué par la nécessité de repousser au plus loin l’obscurité qui pourrait prendre prise dans mon cœur et mon esprit :

« Aujourd’hui, Dalla, nos destinées pré-écrites sont brisées… Et nous y avons gagné quelque chose d’incroyablement précieux, un luxe inimaginable avant l’exode : la possibilité de choisir. Essaye d’observer la situation sous cet angle, et tu sentiras l’espoir renaitre. Vous, les jeunes Chevaliers, vous avez l’avenir de l’Ordre entre vos mains. Vous pouvez choisir de reproduire ce qui a été… Ou bien décider de tout balayer pour couler de nouvelles fondations… » Paroles d’un vieux maître désabusé. Certes. Mais qui, j’espère, permettront à la jeune femme de voir la lumière au milieu des ténèbres, et de s’y raccrocher.

« C’est d’ailleurs ce qui me motive à retrouver tous les Jedi perdus. Ceux qui ont fui, qui ignorent encore que nous nous cachons ici. Ils sont nombreux. Je veux leur offrir ce choix : Revenir, ou rester là-bas, anonymes. C’est leur droit, leur décision.

Toi, tu as décidé de revenir. Ce n’est ni un bon choix, ni un mauvais. Simplement l’expression de ta volonté propre, et non celle d’un groupe ou d’une institution. Et maintenant que tu es là. Bah, éclate-toi ! Quoi que tu fasses, tu rendras service à la communauté. Alors, vazy : lâche-toi et file là où le cœur t’en dit ! Jamais tu n’as eu un horizon de possibles aussi vaste devant toi ! »


Je laisse le temps à Dalla de répondre, si elle le désire… Jusqu’à ce qu’une station holographique émette un bip strident. L’écran immatériel vire du bleu au rouge. Nuages de points enflammés qui voguent à quelques centimètres de la lentille de projection. Anaka bondit :

« On a une correspondance ! » Le logiciel de reconnaissance facial a réussi à retrouver notre cher Manfred sur les images de vidéosurveillance piratées. Les petits rats du BRJD ne sont certes pas des Jedi modèles : ni excellents bretteurs, ni grands manipulateurs de la Force… Mais ils connaissancent l’holonet et ses rouages nébuleux avec une précision chirurgicale. Leurs compétences, mêlées à l’intuition innée que leur offre la Force, leur permet de s’introduire dans pratiquement tous les systèmes galactiques ! Et sans lever leurs fesses molles de leurs sièges inconfortables ! « Regardez, Il est monté une navette. Hier soir. Un vaisseau de transport privé on dirait... » Je fronce des sourcils. Intrigué. « Hmm… La navette est enregistrée au nom d’un Kajidiic. » Il marque une pause. Soupire. « Rejliidic… ».

Je me redresse aussitôt : « Coupez tout ! Il tente de rejoindre le Refuge ! On stoppe les recherches ! Immédiatement ! » L’équipe obtempère immédiatement en se précipitant sur les stations holographiques pour les couper sans ménagement.
Dalla Tellura
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« L’espoir. »

Dalla sentit un frisson lui parcourir l’échine et les lekkus.

Son esprit – ou eut-être la Force, un peu. Pas sûr mais peut-être. Enfin, quelque chose lui envoya l’image d’un groupe d’initiés. L’image fut trop furtive pour qu’elle identifie qui que ce soit. Même pas les espèces. A peine des âges, des tout petits.
Était-ce un souvenir de son passé ? Une vision d’actuels initiés, ici sur Tatooine ? Une vision du futur ? Une image vue dans un livre sur l’Ordre ?

Une part de son esprit lui disait que quelle que soit cette image, l’important était-ce qu’elle représentait, et pourquoi le mot espoir avait spontanément évoqué cette image.

Mais une autre part de son esprit était aussi focalisée sur le sentiment, l’écho que ce simple mot avait provoqué. Bien sûr, elle connaissait ce mot, un mot assez courant, qu’elle avait entendu, lu et même employé des centaines de fois.
Mais… A cet instant de doute, ici, sur Tatooine, il lui avait semblé plus épais, plus consistant… ou plutôt plus vibrant ?
Elle n’arrivait pas à comprendre ce qu’elle avait ressenti. Comme si, soudain, le basic avait été une langue étrangère, qu’elle maîtrisait mal.
Et déjà, la sensation diminuait, s’éloignait.
Comme si le mot cachait une signification, des connotations, des références, qui lui échappaient, mais qui résonnaient dans la Force.

Dalla fut ramenée au présent quand Kovani prononça son nom.
Elle ignora la réplique de Rubee, ainsi que la réponse -qu’elle n’était pas sûre de comprendre- du noorien. Il y avait des mots, comme cela, qui avaient souvent un double sens pour beaucoup de gens, ce qu’elle avait fini par comprendre, et ce qui la mettait un peu mal à l’aise. Elle préférait ignorer ce genre de remarques, qui généralement n’étaient pas utiles à la compréhension de la conversation dans son ensemble.
En plus, elle voulait se concentrer sur les précédentes paroles de Kovani. L’espoir, plus que les compétences. La résilience. La foi. En eux, en la Force. En elle-même.

Kovani reprit, avec une conviction dont Dalla ne pouvait que constater la force, faute d’en saisir vraiment le moteur.

Des choix. Quand avait-elle eu à faire des choix ?
Bien sûr, elle avait choisi quelles langues elle voulait étudier et quels cours elle voulait suivre, pendant sa scolarité.
Bien sûr, elle avait choisi de quitter le temple d’Onderon pour celui de Coruscant, quand elle en avait eu la possibilité.
Bien sûr, elle choisissait ses vêtements, l’apparence qu’elle renvoyait à autrui.
Bien sûr, elle choisissait avec qui elle passait son temps libre, où elle s’asseyait pour manger, ou pour méditer.
Mais… Pour le reste. Pour ce qui importait…

Ses parents et son frère Lebko avaient choisi de la confier aux jedi.
L’Ordre avait choisi de l’envoyer combattre, sur Félucia, puis ailleurs.
Larna l’avait choisie comme apprentie. Et Dalla l’avait suivie, aveuglément.
Larna avait choisi de l’envoyer loin de la République, quand la Diaspora avait commencé.
Lebko avait choisi de l’emmener chez Nassa.
Nassa avait choisi de la présenter à Kark.
Kark avait choisi de l’embaucher dans son garage.
Laleeni avait choisi de l’embrasser, ce soir-là, malgré l’Ordre, malgré elle, malgré tout.
Nassa avait choisi de se marier.

Jusqu’à quel point ce choix de sa sœur avait-il influencé la décision de Dalla de rejoindre l’Ordre ?
Et même si elle avait réellement choisi de revenir, avait-elle vraiment attendu 26 ans pour prendre une décision par elle-même ?

Non, songea Dalla. La Force. Je me suis toujours fiée à la Force.

Était-ce cela qu’on appelait la destinée ? La Fatalité ?

Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix.

Elle avait toujours agi en accord avec sa conscience, dans la voie vers laquelle la poussait la Force.

Il n'y a pas d'ignorance, il y a la connaissance.

Que connaissait-elle de la Galaxie ? Kovani avait parlé des horreurs qui s’y déroulaient. Dalla les avaient à peine vues, avant que la République se retourne contre elle. Et elles avaient toujours été de l’autre côté de son sabre laser.

Il n'y a pas de passion, il y a la sérénité.

« Que la Force soit avec toi » avait-elle dit à Laleeni, quand elle était partie pour Nar Shaddaa.

Il n'y a pas de chaos, il y a l'harmonie.

Elle s’était toujours fiée à la Force, elle n’avait aucun remord.

Il n'y a pas la mort, il y a la Force.

Larna…

Dalla sentit son cœur se déchirer, une nouvelle fois. Mais… comme un écho. Comme une cicatrice.
Comme si seule une partie d’elle revivait cette douleur, lancinante, vieille de cinq ans.

Aujourd’hui, une autre partie d’elle lui disait : « Et maintenant, que te dicte la Force ? ».

Elle le plus terrible, ce n’était pas la douleur, ce n’était pas que la douleur soit moins forte.

C’était que la Force ne lui disait rien.

Non. Pas rien. La Force lui disait que sa peau cicatrisait. La Force lui disait qu’elle était à l’abri, ici, pour l’instant. La Force lui disait qu’une centaine d’âmes bruissait autour d’elle. La Force lui disait que les membres du BRJD regardaient Kovani, et qu’ils l’écoutaient comme ils le suivaient, comme ils lui obéissaient, comme on s’accroche à une bouée.

Mais la Force ne lui disait pas quoi faire. Il n’y avait aucun chemin qui vibrait avec certitude devant elle.
Ou plutôt, il y en avait tant…

Aujourd’hui, Dalla, nos destinées pré-écrites sont brisées… Et nous y avons gagné quelque chose d’incroyablement précieux, un luxe inimaginable avant l’exode : la possibilité de choisir.

Dalla sourit faiblement.

Vous pouvez choisir de reproduire ce qui a été… Ou bien décider de tout balayer pour couler de nouvelles fondations…

Dalla sursauta. Elle n’était pas sûre de comprendre.
"Tout balayer"

Simplement l’expression de ta volonté propre, et non celle d’un groupe ou d’une institution.

Dalla sentait le mal de crâne revenir. Il aurait fallu qu’elle demande s’ils avaient quelque chose à boire. Mais son esprit était trop occupé à gérer le flot de questions qu’avaient provoquées les dernières paroles de Kovani.

Jamais tu n’as eu un horizon de possibles aussi vaste devant toi !

-Vous avez raison, Maître Kovani (elle réalisa, trop tard, qu’il n’était peut-être pas Maître. Juste chevalier, comme elle. Comme elle. Cela donnait presque encore plus le tournis que le reste), je n’ai jamais vraiment eu à faire de choix. L’Ordre m’a toujours protégée. Mais… Je… C’est normal, non ? Comment… Comment protéger de jeunes êtres sensibles à la Force, sinon… C’est ensemble que nous sommes forts. Nous nous protégeons les uns les autres. Les plus expérimentés protègent les plus jeunes, et ceux-ci reprendront le flambeau un jour…

C’était dans l’ordre des choses.

-Certes, il peut arriver que certains fassent des erreurs, même le Conseil, mais… C’est ensemble que nous les corrigeons… Comment pourrions-nous… agir… sans l’Ordre. Sans…


-La démocratie représentative c’est des krifferies, Dalla, lui avait un jour dit Kark. Déléguer ta souveraineté à quelqu’un, c’est y renoncer. Tant que leur Sénat Galactique aura pas compris ça, y aura rien à en tirer.
-Mais sans démocratie représentative, il ne peut pas y avoir de Sénat.
-Je pense bien, oui…

Dalla était très remontée contre la République à l’époque – aujourd’hui encore. Elle n’avait pas réfléchi plus loin que la question du politique. Elle n’avait certainement pas pensé à son cher Ordre Jedi à l’époque. Et aujourd’hui…

-Est-ce que ce n’est pas… utopiste de penser que…

Elle fut dispensée d’essayer de trouver une expression verbale à son désarroi par un bip strident.

Dalla regarda Anaka et tous les autres s’agiter autour de leur matériel, ayant visiblement complètement oublié la twi’lek. Seul Rubee lui jeta un petit sourire avant de se pencher vers les écrans par dessus l’épaule de Bernard.

La seule chose qu’elle avait comprise, c’était « Rejliidic ». Et « immédiatement ». Ce qui lui donnait plutôt un très mauvais pressentiment.

-Euh… C’est quoi le Refuge ?
Gary Kovani
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« Minute papillon ! » Je lève une main autoritaire pour intimer le silence à la Twi’lek à Dalla. Un geste vif, brut, imposé par l’urgence de la situation. La bande de geek bondit déjà. Il leur faut moins d’une respiration pour retrouver la mousse inconfortable de leurs sièges. Leurs doigts agiles pianotent frénétiquement sur leurs claviers holographiques. J’inspire, bloque ma respiration. Quelques gouttes de sueurs perlent sur mon front plissé par l’inquiétude… Jusqu’aux paroles libératrices d’Anaka, qui devance tous ses camarades :

« Tout est coupé. Le système n’a enregistré aucune tentative d’intrusion. On est bon… »

La tension retombe d’un coup. Telle une chape de plomb qui s’écrase sur mon échine et affaisse mes épaules usées. Les rides profondes s’évaporent pour ne me laisser qu’un rictus fatigué. Un Jedi trop vieux pour son âge. Mais encore trop jeune pour abandonner la lutte. Je secoue la tête, et braque mon regard sur une Dalle dont les pupilles étrécies se font l’écho silencieux de sa fatidique question.

« Refuge… Par où commencer... » La manque de salive rend mon timbre plus rauque. Je me lève. Mon séant quitte le coin du bureau esseulé. La sensation du plateau rigide reste imprimée dans ma peau, douleur fantôme qui disparait rapidement. Je me racle la gorge et reprends, avec plus d’énergie cette fois. « Imagine un endroit merveilleux ou tous les utilisateurs de la Force peuvent vivre heureux, et en harmonie. Qu’ils soient Jedi, Sith ou n’importe quoi d’autre. Un lieu secret où ils pourront échapper à la répression, pour se laisser bercer par une douce philosophie de vie sans dogme où tout n’est que nuance de gris. On croirait le résumé d’un conte de fée, ou d’un holofilm pour enfant non ? Trop beau pour être vrai… Et pourtant, depuis la diaspora Jedi et la guerre civile impériale, beaucoup se sont laissés tentés…

Sauf que…

Personne ne sait réellement ce qui se passe là-bas. Secte ou utopie ? Trop de secret. Même sa position géographique exacte nous est inconnue. Et dis toi bien que cette belle société fantasmée a été fondée par trois personnalités pour le moins… Douteuses. Darth Velvet : ancienne Jedi devenue Sith, puis le bras armé d’un Hutt tristement célèbre. Halussius Arnor : Le fameux Chancelier-Jedi, celui qui, par ses actes et ses choix, a propulsé la République et l’Ordre Jedi dans une guerre sans fin, point de départ de tout ce que nous vivons aujourd’hui… Et enfin Ragda Rejliidic, le Hutt tristement célèbre en question : l’avatar de la trahison, recherché dans la moitié de la galaxie, et qui ne doit son salut qu’à quelques machinations politiques tramées sur le cadavre encore tiède du Seigneur de Guerre Borenga.

Refuge se trouve quelque part dans son Kajiidic, c’est la seule certitude que nous avons. Il est protégé par une intelligence artificielle féroce. La dernière fois que nous avons tenté de suivre un Jedi en partance pour Refuge, elle s’est attaquée à nos systèmes. Tout a craché. Recycleurs d’air y compris. Si nous n’étions pas parvenus à tout relancer dans l’heure, il aurait fallu évacuer le temple ou risquer l’asphyxie. Ici, sous terre, on va dire que la ventilation naturelle n’est pas au top… Et ce n’était qu’un coup de semonce. Ma main à couper qu’elle pourrait griller à distance tous nos systèmes vitaux si elle le voulait. Bref…. On vient d’éviter un nouveau savon de la part du Conseil Jedi, héhé. Et accessoirement une évacuation précipitée de notre nouveau havre. Cette journée n’est peut-être pas si mal finalement ? »


Incroyable toutes les aventures que l’on peut vivre le cul vissé sur une chaise, non ? Mon apparente légèreté cache une terrible gravité. Une douleur même, qui entre en résonnance avec celle de Dalla, qui vibre dans mon esprit, et transperce mon âme autant que la sienne. Chaque Jedi qui disparait pour le Refuge me laisse un gout amer d’échec. Oui, chacun est libre de faire ses choix. Bon nombre de Jedi préfèrent, encore aujourd’hui, rester anonyme, loin de l’Ordre pour leur propre sécurité… Mais ils n’en restent pas moins des Jedi. Ceux qui partent pour Refuge deviennent… Autre chose. Quelque chose que je n’arrive pas à comprendre, et qui me terrifie.

Je parcours le petit groupe du regard. Ils sont aussi exténués que je le suis. Certainement même plus. Je fanfaronne, eux ils triment derrière leurs écrans.

« Allez, prenez tous votre après-midi. Vous avez besoin de souffler… »

Cette fois, je n’ai le droit à aucune protestation. En silence ils se relèvent, épaules affaissées, mine sombre. Nous avons perdu l’un des notre, nous avons frisé une potentielle catastrophe. Je reporte mon regard sur Dalla. Droit dans les yeux. Et lui lance, passant du coq à l’âne en rebondissant sur ses précédents mots. Une tentative maladroite, désespérée, pour exorciser l’ombre qui plane en nos cœurs :

« T’as vu bol ma petite Dalla. Un peu plus et j’allais te faire la morale. Moi ? Maitre ? Mais ai-je l’air d’un vieux crouteux moralisateur ? Pfff… » Je me gratte une joue mal rasée. « Ok, peut-être que je commence à défricher, mais quand même… Regarde ce corps de rêve, taillé par les missions plus suicidaires les unes que les autres… Hors de question que je finisse un jour assis en tailleur à filer des conseils à des mômes ! » Je m’approche d’elle en ricanant, et lui passe un bras par sur l’épaule, et l’entraine vers la sortie de l’open-space des opérations. Vers un couloir anonyme qui débouche, après quelques minutes, sur une cafétéria. Déjà on s’affaire en cuisine, odeur de légumes braisés et d’épices exotiques. Le repas ne sera pas servi avant une heure trente encore. En attendant le réfectoire est pratiquement désert. Un autre open-space, mais plus chaleureux, plus calme. Plus bas de plafond aussi, et mieux décordé. Des fenêtres factices, en réalisé des écrans incrustés dans la roche, nous offrent une vue panoramique sur la jungle perdue d’Ondéron. Nostalgie. Je me dirige vers un distributeur automatique de boissons chaudes ou froide. Il est en libre-service, mais peu utilisé. Les breuvages ont tous un arrière-gout acre de moisissures qui refuse de disparaitre même avec des dizaines de nettoyages. J’ignore d’où les Jawa l’ont sorti, et je ne veux même pas le savoir… En attendant, l’amertume poisseuse me rappelle Nar Shaddaa. Nostalgie aussi.

« Tu veux un café ? Ou autre chose ? Jeb a réussi à mettre la main des canettes de D’jango D’jango. Ça doit faire cent ans que la marque a disparu… C’est collector. Surtout au goût. »

Malgré un début de mal de crâne, j’affiche de nouveau un sourire franc et chaleureux. J’ai laissé la tension derrière moi. Il est sincère. J’apprécie particulièrement les Jedi torturés, car j’estime que c’est de la faiblesse que nait la vraie force et l’audace. Les êtres trop parfaits finissent par succomber sous le poids de leur orgueil, aveuglés par leurs illusions dogmatiques. La mélancolie ne s’est toujours pas tue dans l‘esprit de Dalla. Mais c’est ma faute. J’ai mésestimé la profondeur de ses blessures encore trop fraiches en abordant de front un sujet complexe. Comme tant d’autres, le retour au Temple a rouvert ses plaies. La fine croute protectrice s’est rompue, libérant un flot de doutes, de tristesse et de douleur. Mais, bien loin de m’inquiéter, je considère ces émois comme une étape cruciale pour revenir vivre ici. Pour avancer, il faut se confronter au passé. Ici, dans ce Temple, il n’y a plus de fuite possible pour l’esprit. Ceux qui en auront la force morale deviendront des éléments moteurs de l’Ordres. Les autres sombreront dans l’obscurité et la léthargie. Mon propre fatalisme m’arrache un soupire. Mais, malgré une maigre hésitation, je décide d’enfoncer le clou, pour voir ce qui ressort vraiment de cette plaie sanguinolente. Lorsque l’on commence à crever un bouton, il faut presser jusqu’au bout, quelle que soit la douleur. Je redeviens sérieux :

« Tout à l’heure. Quand je parlais de faire table rase du passé… Je vais être franc, si ça ne tenait qu’à moi, je dissoudrais l’Ordre Jedi. Chacun partirait de son côté. Chevaliers et Maîtres avec un ou deux padawan. Dissimulés dans la population, aux quatre coins de la galaxie. Pour continuer à faire rayonner la lumière, et repousser les ombres depuis les ombres. Nous avons trop d’ennemis. Rester tous ensembles est tentant en ces temps de troubles, mais très risqué. Que se passera-t-il le jour ou l’Empire ou la République placera un croiseur en orbite pour nous bombarder hein ? » Je secoue la tête. Je vais peut-être un peu trop loin. « Bref. Je reconnais volontiers avoir des idées très tranchées, et peu orthodoxes, sur le sujet. De celles qui ne sont pas du gout de toutes les oreilles. Particulièrement de celles de vieux maîtres croûteux dont nous parlions tout à l'heure. M’enfin, n’en prend pas ombrage : c’est certainement ma formation d’Ombre Jedi qui m’a rendu aussi… fataliste et méfiant. Ce que je persiste à dire en tout cas, c’est que notre Ordre doit évoluer. Pour résister aux dangers de son temps. Il ne doit surtout pas s’accrocher bêtement aux règles d’un passé certes glorieux mais révolu. Mais bon, rien de toute cela ne tient à moi, heureusement d'ailleurs. Et ça ne devrait même pas tenir au Conseil Jedi non plus. Nous sommes vieux et sclérosés. Des reliques. C’est aux jeunes Jedi de ta génération de choisir la voie à suivre, car c’est vous qui allez passer le reste de votre vie à payer les pots cassés si nous vous imposons les mauvaises décisions. Nous avons autant besoin de fougue et d'audace que d'espoir si tu veux mon avis ! »

Je lève enfin le coude et m’enfile mon cinquième café de la matinée. Mon cœur palpite. J’aime le sentir qui s’excite sous ma cage thoracique. Ça me rappelle que je suis encore vivant. Que toutes ces horreurs n’ont pas encore eu raison de mon être. Qu’il reste un espoir de sauver l’Ordre et la galaxie de l’obscurité qui s’étend.
Dalla Tellura
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Dalla eut un petit mouvement de recul face au geste de Kovani, mais elle se reprit vite. Pas besoin d’être sensible à la Force pour prendre conscience de la tension qui s’était emparée de « l’investcorp ».

Un nouvelle fois, Dalla avait une conscience accrue de ses bras, de leur peau à vif, de ses jambes, de ses pieds, de ses lekkus… Elle ne savait pas trop où se mettre, à côté de ce groupe de jedi si concentré sur quelque chose de visiblement très sérieux. Elle était plus que jamais consciente de sa grande taille, surtout maintenant qu’ils étaient tous assis.

Dalla resta silencieuse, essayant de rendre sa présence dans la Force discrète, et observa ce qui se passait sur les écrans. Elle devait bien avouer qu’elle ne comprenait absolument rien aux lignes, chiffres, lettres, traits et autres entre lesquels jonglaient les membres du BRJD. Son truc à elle, c’était la mécanique, pas l’informatique et l’holonet. Elle aurait sûrement pu changer leurs ventilateurs incorporés en quelques secondes, mais pas une ligne de code -ou de quoi que ce soit de ce type- ne naîtrait sous ses doigts.

Dalla ressentit le soulagement et la fierté d’Anaka quelques fractions de secondes avant qu’il prenne les paroles. Dalla se sentit soulagée – sans bien savoir de quoi-, par sympathie avec ses confrères jedi. Elle sourit à Anaka, puis se tourna vers Kovani en sentant son regard sur elle.

Il avait écouté la question de Dalla malgré leur agitation. La twi’lek fit inconsciemment un pas vers lui, l’esprit concentré sur ses explications.

La première phrase de Kovani remplit Dalla de confusion pendant quelques instants. Pourquoi redouter un endroit si merv…
Ah. Des sith…

Qu’ils soient Jedi, Sith ou n’importe quoi d’autre. Un lieu secret où ils pourront échapper à la répression, pour se laisser bercer par une douce philosophie de vie sans dogme où tout n’est que nuance de gris.

Dalla secoua la tête, les lèvres pincées. Que des initiés puissent tomber dans une illusion si grossière, passe encore, mais des adultes ? Des jedi ? Dalla ne voyait pas comment on pouvait sérieusement penser qu’une absence de dogme ne soit pas un dogme en soi ? Elle l’avait constaté assez souvent en écoutant les discours des sénateurs… Tout était politique et tout était idéologique. Toutes les actions des êtres pensants, en tout cas.

Plus jeune, elle avait étudié les travaux de plusieurs jedi gris. Elle comprenait la démarche de plusieurs d’entre eux. Elle avait lu avec beaucoup d’intérêt un traité assez ancien sur la nature de la Force. Cela lui avait beaucoup donné à réfléchir, à l’époque. La Dalla de 14 ans avait eu beaucoup de mal à admettre que le Côté Obscur soit inclus dans l’équilibre de la Force.
Puis la Dalla de 15 ans s’était un peu désintéressée de la question, entre la guerre, les examens, puis ses missions avec sa Maître…

Et quand la question de la nature de la Force s’était représentée à elle , des années plus tard, Dalla avait accepté qu’elle ne connaîtrait jamais la nature même de la Force, pas alors que des érudits se penchaient sur la question depuis des millénaires. Mais surtout, elle avait décidé que ce n’était pas très important. Elle n’avait pas besoin de savoir toutes ces choses sur la Force.

Ce qu’elle avait besoin de savoir, c’était comment agir avec la Force. Quels principes d’actions elle devait s’attacher à respecter.
Et de cela, bien sûr, découlait que ceux qui n’avaient pas de principe d’action, ou en tout cas qui refusaient d’agir, agissaient en réalité pour maintenir la situation présente, l’état de Galaxie tel qu’il était effectivement.
Or l’état de la Galaxie ne semblait absolument pas satisfaisant à Dalla.

Et pourtant, depuis la diaspora Jedi et la guerre civile impériale, beaucoup se sont laissés tentés…

Bien sûr, elle pouvait comprendre ce besoin de se mettre à l’abri de la République. N’était-ce pas ce qu’elle avait fait, elle-même, pendant ces cinq dernières années ?

Darth Velvet, Halussisus Arnor et Ragda Rejidic.

Trois noms qu’elle connaissait bien sûr. Pas forcément trois noms qu’elle respectait, effectivement… et pourtant…
Pourtant à la pensée que ces trois personnes aient collaboré… aient fondé ce « Refuge » ensemble, Dalla se sentit étrangement troublée. Elle n’avait pas l’impression que ce soit un pressentiment de a Force. Plus… un étonnement intellectuel. Curiosité…
C’était presque fascinant, d’imaginer ce que ces trois personnes aient travaillé ensemble. Trois personnes qui s’étaient retrouvées, à un moment de leur parcours, aux limites de leur propre monde, de leur propre système. Et qui, à elles trois, semblaient caricaturer la Galaxie elle-même. L’Ordre, l’Empire, la République, les Hutts. Comme un étrange ballet, où ces quatre entités se croisaient, s’alliaient , s’affrontaient…

Dalla se concentra sur les aspects beaucoup plus pressants des explications de Kovani. Une intelligence artificielle asphyxieuse…

-Vous… vous pensez que cette Intelligence Artificielle pourrait nous repérer ? Pourrait… déjà savoir où est le Temple ?

Dalla frissonna de la tête aux pieds. Ils avaient déjà dû fuir une fois. Certains d’entre eux fuyaient encore, perdus aux quatre coins de la Galaxie. Cela devait bien s’arrêter un jour !

-Est-ce que le Conseil est au courant ? Il ne faudrait pas…

Sa gorge se noua, la fin de sa phrase mourut sur ses lèvres.

Elle fixa Kovani, se demandant à quoi il pensait.
Il tourna le regard vers son équipe :

« Allez, prenez tous votre après-midi. Vous avez besoin de souffler… »  

Ils n’étaient pas très bien assortis. Le vieux briscards et les petits hackeurs. Il y avait quelque chose de touchant dans leur association. De rassurant aussi. Et ils avaient tous bien besoin d’être rassurés. Dalla, en tout cas, en avait besoin. Qu’est-ce qu’elle n’aurait pas donné pour sentir encore une fois la présence apaisante de Larna. D’écouter ses conseils pleins de sagesses. De la suivre sans se poser des questions dans la prochaine mission…

« T’as vu bol ma petite Dalla. Un peu plus et j’allais te faire la morale. Moi ? Maitre ? Mais ai-je l’air d’un vieux crouteux moralisateur ? Pfff… »  

Dalla sourit maladroitement.

-Ce n’est pas… je ne voulais pas… Ca fait longtemps que je n’ai pas parlé à d’autres jedi… Et je sors d’une entrevue avec le Conseil… je suppose que j’ai pris le pli…

Elle soupira. Elle n'aurait jamais pensé vexer quelqu'un en l'appelant "Maître"...

-Je ne suis pas encore bien habituée à… ma nouvelle situation.

Elle n’était pas complètement sûre de savoir si elle parlait de son nouveau statut de chevalière, ou de ce qu’elle découvrait de l’état de l’Ordre.

Ok, peut-être que je commence à défricher, mais quand même… Regarde ce corps de rêve, taillé par les missions plus suicidaires les unes que les autres… Hors de question que je finisse un jour assis en tailleur à filer des conseils à des mômes !

Dalla sourit franchement cette fois.

-Je ne trouve pas qu’il soir infamant de donner des conseils aux initiés !

Elle repensa aux paroles de Gun’trouk.

Elle se raidit un peu quand Kovani passa un bras sur son épaule. Mais il avait fait attention à ne pas toucher à ses brûlures… Et puis… Dalla devait se réhabituer à la vie au sein de l’Ordre. Il y avait une époque où elle était habituée à ce que d’autres padawans ou des jedi plus âgés lui touchent le bras ou l’épaule. C’était un geste naturel pour beaucoup de personnes.

La suggestion de la caamasi lui trottait encore dans la tête.

Elle se demandait combien d’initiés étaient présents au Temple. Elle était déjà grande et sa formation était presque achevée quand elle avait perdu sa Maître, mais ce n’était pas le cas de tous les padawans…

Elle suivait machinalement Gary, perdue dans ses pensées. Elle sentit une odeur de nourriture, mais elle se sentait un peu nauséeuse pour l’instant. Elle jeta un regard machinal par la fenêtre…

Et s’arrêta net.

Elle avait grandi sur Ondéron, admirant sa jungle au petit déjeuner, au déjeuner, au goûter et au dîner… C’était la planète sur laquelle elle avait passé le plus de temps. Malgré toutes ces années passées loin d’Ondéron, elle n’avait pas réalisé tout de suite que ce qu’elle voyait ne pouvait pas être la jungle de son enfance…
Dalla resta quelques instants interdite devant ces fausses fenêtres. Elle se sentait trahie. Elle sentit son nez la picoter. Un instant, elle était redevenue la petite initiée de six ans, qui ne connaissait qu’Ondéron et se rappelait à peine de Ryloth, qui n’avait jamais vu ni sith ni sénateur, et avait une confiance absolue dans la toute puissance et la toute sagesse de l’Ordre.
Et même si cela n’avait durée qu’une seconde, le retour à la réalité était douloureux.

-Pourquoi avoir choisi de représenter Ondéron ? murmura-t-elle en se rapprochant de Kovani, qui se tenait maintenant devant une sorte de machine à distribuer les boissons. Je comprends la volonté de vouloir casser l’impression d’enfermement dans ces grottes, mais ne serait-il pas plus logique de montrer Tatooine ? Cela ne risque-t-il pas de perturber les initiés ? Comment vont-ils s’approprier leur environnement immédiat, s’ils ne sont pas immergés dans cet environnement ?

Ces fausses fenêtre la mettaient mal à l’aise. Elle repensa à Ondéron. Au Temple. Dans quel état était-il, maintenant ?

-Je prendrais bien du thé, merci.

Après un instant de silence, elle ajouta :

-Est-ce que ce n’est pas un peu risqué de boire quelque chose qui a été conditionné il y a aussi longtemps ?


Dalla enroula par habitude ses doigts autour du gobelet rempli d’eau chaude.

Que se passera-t-il le jour ou l’Empire ou la République placera un croiseur en orbite pour nous bombarder hein ?

Dalla frissonna encore. Elle n’aurait jamais imaginé frissonner aussi souvent sur une planète comme Tatooine.

Dalla eut un petit mouvement de surprise quand Kovani évoqua sa formation. Elle n’aurait jamais imaginé qu’il soit une Ombre. Encore une preuve qu’il ne fallait pas se fier aux apparences…

Dalla resta silencieuse un long moment après que Kovani se soit tu. Elle regardait sa tasse sans la voir.
Elle ne pouvait pas imaginer un monde sans l’Ordre Jedi.
Pourtant, elle comprenait, et même partageait certains arguments de Kovani. Bien sûr que l’Ordre devait évoluer. Il avait déjà un peu dû le faire, pour survivre.

Elle jeta un coup d’œil aux fausses fenêtres, ouvertes, justement, sur un passé révolu.

-Je ne sais pas si ma génération a beaucoup d’espoir en réserve,
soupira-t-elle. J’ai quand même un peu l’impression qu’on ne bénéficie pas des meilleures conditions pour commencer nos vies d’adultes…

Elle s’était toujours méfier des gens – quel que soit leur âge- qui glosaient sur le caractère extraordinaire de tel ou tel événement. Mais, bon, là, quand même, l’Ordre avait pris une sacrée claque. Une claque que les générations précédentes n’avaient pas eu à subir. Pas si jeunes, en tout cas…

Elle se demanda soudain quel âge pouvait avoir Kovani. Était-il plus jeune ou plus vieux que Larna ? Dalla avait toujours un peu de mal à évaluer l’âge des autres espèces...

-Mais je suis d’accord que nous devons évoluer. Nous adapter… Je… Je me demande simplement si ma génération est la mieux placée pour cela. Nous manquons d’expérience. Et puis, contrairement aux initiés d’aujourd’hui, nous avons grandi dans la République, avec elle. Nous avons construit notre vision du monde et de l’Ordre dans une galaxie qui n’existe plus. Enfin qui n’existe plus telle quelle.

Elle observa son gobelet de thé, et se demanda soudain avec angoisse depuis combien de temps le sachet pouvait bien infuser. Elle le retira précipitamment et le jeta dans une poubelle remarquablement vide à côté du distributeur.

- Gun’trouk, tout à l’heure, parlait des padawans… Comment…

Elle avait des millions de questions. Elle n’était pas vraiment sûre que Kovani ait les réponses.

-Y a-t-il de nouveaux initiés qui arrivent au Temple ? Y a-t-il encore des familles qui nous confient leurs petits, malgré…

Là encore, sa gorge se serra, l’empêchant de finir sa phrase.

Elle but une gorgée de thé et grimaça. C’était tiède, trop infusé, et… il y avait un arrière-goût bizarre. Mais elle se rendit compte qu’elle avait soif. Ce qui n’était pas très étonnant après avoir déambulé des heures en plein soleil.
Et puis, boire lui donnait une contenance.

-Je ne pense pas que dissoudre l’Ordre soit une bonne solution, finit-elle par déclarer, réagissant enfin à ce qui l’avait la plus marquée dans les paroles de Kovani. Je suis d’accord que certaines règles sont trop rigides et nous sclérosent…

Ne pas penser à Laleeni…

-Et nous sommes peut-être une cible trop facile. Même si… il y a un autre groupe sur Ilum, non ?

Il lui semblait avoir entendu cela, pendant qu’elle se préparait aux épreuves.

-Mais… Je suis vraiment persuadée que nous sommes plus forts ensemble. Que nous pouvons faire plus de choses ensemble. Plus de bien autour de nous. En nous compétant les uns les autres. En nous soutenant… Anaka, Rubee et les autres… Ils travaillent mieux en équipe, non ? Et vous, sans leur travail, feriez vous autant de choses ?

Elle but une nouvelle gorgée. Vraiment amer.

-Peut-être que notre organisation est trop rigide. Mais… je pense que nous avons besoin de l’Ordre Jedi. Je pense que la Galaxie a besoin de l’Ordre Jedi.

Elle but une nouvelle gorgée – on finissait par s’habituer au goût bizarre… Et une pensée lui traversa l’esprit.

-Mais vous avez peut-être des choses à faire ? Je ne veux pas vous gêner…

Elle n’avait aucune envie de se retrouver seule, surtout que Gorlon était retourné à ses occupations.

Elle redoutait un peu de se retrouver seule avec ses pensées, ses pressentiments, ses impressions et ses appréhensions aussi. Mais elle ne voulait pas être égoïste. Kovani avait peut-être d’autres jedi perdus à retrouver et à sauver.
Gary Kovani
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Que serait la galaxie sans un bon shoot de caféine ? Un espace mortel bien plus fade, triste et… insupportable. Amer, brûlant, le café glisse le long de mon œsophage, jusqu’à mon estomac. La chaleur, presque douloureuse, persiste quelques instants, m’offrant une carte mentale de l’antichambre mon système digestif. Jusqu’à ce que les sucs achèvent leur œuvre destructrice. Briser pour mieux absorber et remodeler. Ce pourrait être un adage Sith. La nature est ainsi faite. C’est pour cette raison que la lumière impose de maitriser ses pulsions primitives, biologiques. Je hausse les épaules, regard dans le vague. Pensées futiles à la lisière du ridicule. Philosophie de cantina. Je reporte mon attention sur la twi’lek, après quelques minutes d’absence pendant lesquelles je me fais bombarder de questions rhétoriques ou non. Je rebondis sur l’ultime :

« Pas de ça entre nous Dalla. Si tu m’ennuies, me gênes ou que j’ai mieux à faire, tu seras la première à en être informée. Et j’ose espérer que c’est réciproque. Tourner autour du pot pour ménager la chèvre et le chou n’est qu’une perte de temps et d’énergie. » Je ricane, tout en suçotant les dernières gouttes de café retombée au fond du gobelet. Elles ont déjà refroidi. Trop vite. Intéressant comme dans le marc tiède on peut lire la métaphore du temps qui file et des opportunités qui nous échappent. « Tu m’as l’air d’avoir la tête sur les épaules, alors ne te dissimule pas derrière un masque de politesse grotesque. Fait comme moi : mets les deux pieds dans le plat, saute à pieds joints, et hurle tout haut ce que les autres n’osent même pas penser tout bas ! »

J’inspire, et me perds à nouveau dans le néant. Lorsque l’on cherche à regarder en soi, souvent l’œil s’égare dans le vide, paralysé. Tout devient plus flou à l’extérieur à mesure que les pensées, à l’intérieur, prennent substance. Des dizaines de visages s’invitent. De toute âge, de toutes espèces. Masculin, Féminins, Autres, Indéterminés. Les Jedi que j’ai ramené au bercail. Je n’en ai oublié aucun. Ils sont gravés en moi. Ils sont une part de moi. Un liant qui maintient les tessons de mon âme brisée par l’affres d’une vie passée à côtoyer l’obscurité.

« Bah. N’écoute pas toutes mes tergiversations. Je vois le mal et les conséquences néfastes partout. Ce n’est pas de la peur. Non. Seulement une déformation professionnelle : toujours se préparer au pire pour ne pas être pris au dépourvu. Mais oui, tu as raison : nous devons rester unis, soudés. Les luttes intestines nous achèveraient. Nous devons nous remonter les manches, nous serrer les coudes, et nous soutenir mutuellement. Mais… Ce n’est pas une excuse pour baisser la garde. La galaxie n’est pas plus dangereuse aujourd’hui qu’hier. Seulement nos ennemis ont révélé leur vrai visage, leurs intentions… L’heure des grands changements devra probablement attendre que nous maîtrisions mieux notre destinée. »

Je secoue la tête. Il m’est parfois difficile de m’ancrer dans le présent lorsque l’adrénaline ne coule pas dans mes veines. Je me perds dans les limbes, repense au passé, me projette dans des dizaines de possibles plus sombres les uns que les autres. C’est parfois la Force qui m’envoie des signes, des présages… Mais le plus souvent ce n’est qu’un jeu pervers de mon esprit tourmenté. Il me faudrait une dose léthale de caféine pour remplacer la sacro-sainte hormone capable de me coller les pieds sur terre.

« Et pour te répondre : Oui, nous arrivons encore à trouver des initiés. Pas autant qu’avant, certes, mais tout de même assez pour espérer survivre. Ce n’est pas parce quelques politiciens influents nous ont déclaré hors-la-loi, que du jour au lendemain la population galactique s’est détournée de nous. On n’efface pas avec quelques lois et discours haineux des milliers d’années de bons et loyaux services. Lorsqu’une famille découvre que son enfant est sensible à la Force : quels choix a-t-elle ? Nous le confier ou prendre le risque de perdre le contrôle ? Risquer de le laisser tomber entre les mains d’une organisation obscure prête à tout pour mettre la main sur un utilisateur de la Force à modeler à sa convenance, pour servir ses intérêts ? L’Empire n’est que la tête d’une liste aussi longue que nos deux bras réunis. Et… » Je me fige. Alors que je devrais être en train de remonter le moral de la jeune Chevalière, de l’aider à museler ses doutes et ses inquiétudes, voilà que je déblatère encore sur les dangers tentaculaires tapis dans l’ombre galactique. Définitivement, mon pessimisme finira par avoir raison de ma chétive empathie. « Et… Laisse tomber. » Je marque une demi-seconde pour déglutir. « Si tu veux un cours de rattrapage sur les dangers galactiques, ma porte est toujours ouverte. Mais ce n’est ni l’heure ni le moment. »

J’affiche alors, en guise de muette excuse, un sourire amical quoi que teinté d’amertume. Pas celle du café. Plutôt celle-ci vient de plus profond que mes entrailles. « Nous avons évité le pire. Quoi que je puisse en dire, l’Ordre est parvenu à rebondir. Nouveau temple, une nouvelle génération à former. Les anciens finiront par poser leurs miches dans un siège au Conseil, tandis que les Chevaliers malmenés de ta génération trouveront la Force dans les épreuves difficiles qui les attendent. Et nous avons toujours quelques avant-postes disséminés sur des mondes éloignés de l’influence Républicaine. Illum entre autres oui… Il y a un travail énorme à abattre, mais nous sommes sur la bonne voie ! » Etrange formule de la bouche d’un Jedi dépenaillé qui sirote tranquillement son café dans un réfectoire désert. « Et comme je le disais au début, tu es libre. Plus que tu ne l’as jamais été. Tu peux devenir le Jedi que tu as toujours rêvé d’être... »

Je jette un coup d’œil sur l’horloge holographique au-dessus du comptoir self-service ou des dizaines de Jedi défilent trois fois par jour, plateau en mains. Certains un peu plus que d’autres, question de biologie. Il ne faut pas juger les appétits. Personnellement, deux ou trois paquets de crackers et un demi-litre de café suffisent à me maintenir en vie… Et un légume de temps en temps, pour faire plaisir aux médecins du Medcorp. Bref. L’heure avance. Elle ne recule jamais vous allez me dire. Oui. Mais souvent, lorsque l’on est en bonne compagnie, les secondes s’égrènent plus que de raison. Une idée me vient :

« J’ai un truc à te proposer si t’as rien de mieux à faire. Un convoi part en début d’après-midi. Pour aller troquer de l’eau à Anachore. Et si tu joignais à nous ? Tu sais ce qu’on dit : quand on tombe d’un Bantha, il faut remonter tout de suite. Alors autant ne pas attendre pour prendre une nouvelle dose de radiation solaires non ? Ça t’aérerait un peu l’esprit en sus… Histoire de te vider la tête de mes conneries et de repartir sur une bonne base.

Et puis, mon intuition me dit qu’on risque d’avoir besoin de tes… Compétences… »


Je me relève, subitement.

« Pour prouve, viens voir les vieux speeders pourris que nous ont refourgués les Jawa. Tu vas en avoir des sueurs froide… ». D’une certaine manière, c’est pratique d’en avoir sous les soleils de plomb de Tatooine : parce que ces vieux tacots n’ont évidemment pas la clim… « On va cuire sur les banquettes en cuir, crever de soif, et choper trois insolations par personne. Comment refuser ? » L’instinct de survie dicterait au premier venu de voyager de nuit… Mais c’est justement en pleine journée que les hommes de sables sont les moins actifs… On peut peut pas tout avoir : il faut savoir choisir ses maux avec discernement.
Dalla Tellura
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Tu m’as l’air d’avoir la tête sur les épaules, alors ne te dissimule pas derrière un masque de politesse grotesque.

Dalla sentit ses joues se violacer légèrement. Ça devait commencer à être criard, par-dessus ses coups de soleil…

Clélia lui avait dit, une fois, en parlant des filles de la coloc « Dalla, de nous toutes, c’est toi qui as le plus les pieds sur terre. »

Dalla n’aurait jamais pensé à se définir comme cela, mais à bien y réfléchir, elle supposait que son histoire personnelle lui avait donné du sang froid et du pragmatisme, et que ces choses pouvaient s’avérer utiles. En cas d’invasion de punaises de lit à la coloc, ou en cas de Diaspora jedi.

Et puis, elle aimait bien la Dalla que les mots de Kovani lui évoquaient. Droite dans ses bottes, ne s’en laissant pas compter, prête à râler et à mettre un coup de pied dans la lylekière.

Oui, elle décida qu’elle aimait bien cette Dalla, et qu’elle aimait bien Kovani, aussi.

Et elle songea que la Dalla qu’elle imaginait, et qu’elle avait bien envie de devenir, ne garderait pas un gobelet de thé vide dans les mains, même si c’était bien pratique pour se donner une contenance quand on parlait avec des gens.

Donc elle jeta son gobelet dans la poubelle où elle avait déjà jeté son sachet, roula légèrement les épaules pour les détendre et secoua un peu la tête pour ramener ses lekkus bien dans son dos.

Elle retourna son attention vers Kovani quand il reprit la parole.

-Un ennemi à découvert n’est-il pas moins dangereux qu’un ennemi dissimulé ? Enfin je suppose que cela dépend de quel type de danger on parle…

Elle soupira.

-Et puis, si la galaxie n’est pas plus dangereuse, nous sommes, nous, plus vulnérables.

Elle avait ouvert la bouche pour ajoute quelque chose, mais en fait, ils avaient déjà résumer la situation inconfortable dans laquelle se trouvait l’Ordre, sur le caractère décisif des choix que prendrait l’Ordre.
Donc elle referma la bouche.

-Je suis soulagée que des gens nous fassent encore assez confiance pour nous confier leurs petits. J’ai entendu tellement de critiques et d’attaques à l’époque de la République. Et depuis…

Sa propre famille, ou plutôt la famille de son père, le clan Tellura, s’était jadis opposé à son entrée dans l’Ordre. Les rares fois où elle était rentrée dans sa famille, petite, elle avait senti le poids de la désapprobation et de la méfiance. Même après Felucia, après sa première vraie mission et son premier vrai succès, quand l’écho de sa participation à la protection de la population était parvenu jusqu’à Ryloth, elle avait lu de la distance derrière les félicitations de sa grand-mère.
Et dans les années qui avait suivi, elle avait constaté la même défiance à plusieurs reprises. A chaque défaite des jedi, à chaque erreur, à chaque perte, même à chaque victoire un peu incomplète, elle entendait des échos réprobateurs, elle lisait des commentaires méfiants.
Bien sûr, tant que les jedi avaient travaillé pour la République, une partie de cette défiance était liée aux erreurs de la République elle-même.
Mais l’Ordre avait toujours eu, aussi, son lot de détracteurs. La Force faisait peur, la maîtrise qu’en avaient les jedi suscitait l’incompréhension et faisait des jaloux.

Dalla, qui hochait faiblement la tête s’immobilisa quand Kovani s’interrompit. Elle faillit protester qu’elle avait besoin de savoir où ils en étaient, mais elle prit conscience qu’il lui avait déjà donné beaucoup d’informations, et qu’elle allait avoir besoin de réfléchir et de méditer un peu pour assimiler tout cela.

Et comme je le disais au début, tu es libre. Plus que tu ne l’as jamais été. Tu peux devenir le Jedi que tu as toujours rêvé d’être...

Une fois encore, ses pensées dérivèrent vers ce point étrange, entre présent et futur, où la Force ne lui donnait encore aucune indication. Mais que ce soit le thé ou les paroles de Kovani, elle se sentait moins prise de vertige. Plus sereine.

Elle se sentait capable de faire face à ce nouveau départ. Elle avait déjà affronté bien pire.
Et même si Larna n’était plus là, même si elle était maintenant une jedi qui devait avancer seule sans s’appuyer sur sa Maître, elle n’était pas seule. Il y avait d’autres jedi autour d’elles. Des jedi comme Brien, qui avaient traversé le même genre de choses qu’elle. Des jedi comme Gary Kovani, qui sans la commander ou l’infantiliser pouvaient la conseiller, comme des égaux un peu plus avancés dans leur parcours personnel.
Et puis il y avait des jedi plus jeunes. Initiés, padawans, qui avaient besoin d’aide. Qui avaient, encore plus qu’elle, besoin d’être guidés. Qui avaient besoin d’être protégés.
Qui avaient besoin d’elle.

Elle devait avoir un sourire un peu bête quand Kovani reprit la parole pour lui parler d’Anachore.

Dalla écouta sa proposition. Remonter sur le bantha, bien sûr, mais à l’infirmerie, on lui avait dit de ne pas s’exposer au soleil et de ne pas solliciter sa peau brûlée. Une excursion vers Anachore semblait être une très mauvaise idée.

-Excellente idée !

Dalla se sentait toute excitée à l’idée d’être utile aux siens. Et si en plus elle pouvait mettre à profit ses nouvelles compétences !

-Les vieux speeders pourris c’est ma spécialité ! Kark -mon patron, même s’il détestait que je l’appelle comme ça, - se réservait toujours les modèles neufs et les appareils bien entretenus… Pour m’aider à développer mon expérience, il disait…

Cela lui faisait plaisir de penser à Kark. En plus, elle était sûr que l’ugnaught se serait bien entendu avec Kovani.

-Comment refuser, en effet ? plaisanta-t-elle, tout en sachant que la Dalla du futur la maudirait très certainement quand elle aurait passé plusieurs heures sur lesdites banquette en cuir en plein soleil. Laisse-moi… Laissez-moi…

Elle secoua la tête.

-Juste le temps de choper une bure et j’arrive !

Dalla fit quelques pas dynamiques vers la porte du self… puis revint sur ses pas :

-Gorlon m’a parlé d’un certain Maître Harvaalomyn, qui gérait l’intendance. Une idée d’où je peux le trouver ?

Elle avait évité toute formule lui demandant de choisir entre tutoiement et vouvoiement. Le tutoiement lui était venu spontanément quelques instants plus tôt, et quelque chose lui disait que Kovani ne s’en offusquerait pas, mais elle n’était pas sûre d’être encore tout à fait prête à tutoyer un vrai jedi. Elle préférait garder cette question pour plus tard.

Pour les heures à suer dans un speeder en route pour Anachore, par exemple.

Elle trouva assez facilement Maître Harvaalomyn dans son bureau, en face de trois datapads de tailles différentes.

-Maître Harvaalomyn ? Je suis Dalla Tellura. Je…
-Ah oui, Tellura. Vous êtes sortie de l’infirmerie, à ce que je vois.

Ça aussi, il allait falloir qu’elle s’y habitue. Que des maîtres la vouvoie parce qu’elle était une vraie jedi et plus une enfant.

-On m’a dit que vous pourriez me fournir une ou deux bures…
-Oui, bien sûr. Un instant.

Dalla attendit sagement. Elle se sentait toute vibrante à l’idée de repartir en mission pour l’Ordre, et pleine de bonne résolution qui l’aidait à attendre patiemment.

-Bien, fit Maître Harvaalomyn au bout d’un certain temps en éteignant l’un de ses datapads. Suivez-moi, chevalière Tellura, je vous prie.

Il la conduisit, quelques pièces plus loin, dans une sorte de grand entrepôt rempli de caisses et de bidons.

-Alors… Des bures…

Il la regarda des pieds à la tête.

-Taille 4 ?

Dalla haussa les épaules.

-C’est ce que je mettais avant…
-Hum… Essayons une taille 5.

Dalla était dubitative. Pourtant, en essayant la bure taille 5, elle dut bien reconnaître que la taille 4 lui aurait sûrement un peu comprimé les bras (elle avait clairement gagné de la masse musculaire en 5 ans), et accessoirement fait un mal de chien à ses brûlures.

Maître Harvaalomyn lui donna un peu de linge, à commencer par une chemise pour protéger ses bras du tissus rugueux, puis quelques effets personnels, deux paires de bottes (là par contre, elle avait gardé la même pointure).

-Je n’ai rien mangé et je dois partir en mission…

Avec une évidente mauvaise volonté, Maitre Harvaalomyn lui donna une barre de ration, qu’elle avala en retournant dans sa cellule poser ses affaires.

Elle ne se perdit qu’une fois sur le chemin.

Après avoir posé ses nouvelles possessions, elle fouilla dans les anciennes pour sortir ce dont elle avait besoin.

Elle fit une petite pause en sortant son sabre laser de la couverture où elle l’avait roulé.

Elle considéra l’objet un long moment. Elle devait l’avoir sorti quatre à cinq fois maximum pendant son séjour sur Dubrava. Elle avait toujours peur que quelqu’un le voie, le reconnaisse et ne la trahisse. Bien sûr, la République n’avait aucun pouvoir sur Dubrava, mais Dalla en avait encore moins, elle était isolée, à l’époque.

Mais aujourd’hui elle ne l’était plus.

Elle fixa le sabre à sa ceinture multi-poche.

Même si elle n’avait presque pas touché son sabre en cinq ans, elle s’était régulièrement entraînée au combat avec un bâton, et elle avait aménagé une accroche à sa ceinture, pour le jour où elle pourrait ré-arborer l’arme des jedi.

Et ce jour était venu.

Elle finit néanmoins par enlever sabre et ceinture pour enfiler la bure qui – elle l’espérait- la protégerait mieux du soleil que ses vêtements noirs. Elle ré-enfila sa ceinture multi-poches, après y avoir rangé les outils qu'elle avait apportés avec elle, et attacha son serre-lekku. Si elle devait bidouiller un speeder, elle préférait être prudente. Se coincer le lekku une fois dans un coupleur d’énergie lui avait suffi !

Elle réussit à trouver le chemin jusqu’au hangar grâce à une jeune padawan du nom de Mosroka.

-Ah oui, quand même ! s’exclama-t-elle en voyant le contenu du hangar. L’Ordre jedi est encore plus mal en point que je ne l’imaginais !
Gary Kovani
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Je me retourne, pour faire face à une Dalle relookée pour l’occasion.

« Ce n’est donc pas une légende : y’a encore des jeunes qui portent ces vieilles bures écrues et sans âmes ? Ô Tristesse, Ô désespoir, Ô faute de gout ennemie… »

Je m’esclaffe, humoriste douteux amoureux de ses propres tirades. Critiquer le physique et les fringues : c’est si vil. Mais si drôle aussi. Bah. Même si je refuse de l’avouer publiquement, je suis un vieux con. Toutefois, entre mes lèvres étirées par un franc sourire amusé, chaleureux, mes mots revêtent des atours gentiment moqueurs, « boutadesque », plutôt qu’une gangue critique crue et cinglante. Enfin, je crois. Disons que la jeune Twi’lek sur le retour ne m’a pas semblé être une personne complexée, en manque flagrant d’assurance. Alors j’espère que cette re-salutation douteuse éveillera ses traits plutôt que de les assombrir de vexation.

Par réflexe, je lance une fugace œillade sur mon propre accoutrement, qui n’a guère changé depuis nos précédents échanges. Pantalon sombre élimé aux fesses, déchiré aux genoux. Tee-shirt jaune pâle ayant été jadis, il y a trois générations de Jawa, blanc. Veste de contrebandier aux poches multiples, affublé d’un écusson dont la signification m’échappe toujours. Je l’ai trouvée dans une poubelle lors de ma dernière mission sur Nar Shaddaa. Elle est parfaite : anonyme et pratique. Pourquoi abandonner un vêtement d’aussi bonne facture ? Probablement que les traces de sang sur les manches que j’ai galéré à laver y sont pour quelque chose. Dans la vie, comme avec la Force, il faut parfois savoir avancer sans se poser trop de questions. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaitre. L’ignorance peut protéger du doute, et donc prémunir de la fatale hésitation. Un adage personnel que j’évite de ressortir au premier venu, afin de ne pas passer pour un branque de bas niveau. Ce que je ne suis pas, c’est certain. Evidemment. Sûr de sûr. Cent pour cent. Mes bottes elles aussi sont râpées, couvertes d’une couche de sable si ancienne qu’elle s’est incrustée dans le cuir, et qu’aucun cirage ne saurait faire disparaitre plus d’une journée. Le seul élément nouveau se situe à ma taille : un sac banane en toile, deux zips, qui contient quelques crédits, un paquet de crackers, et quelques pastilles mentholées rafraichissantes. Je voyage léger, comme d’habitude.

Je l’achève d’un clin d’œil ravageur, en portant le coup de grâce :

« Quand on parlait de vulnérabilité, et d’ennemis à découvert… Dis-moi, Dalla, quels mots ont refusé de s’inscrire dans ton esprit ? Entre ta bure et la poignée de ton sabre, n’importe qui peut t’identifier à des kilomètres à la ronde, derrière une paire de jumelle ou la lunette d’un fusil blaster… »

Mon faux ton sérieux, je le sens au travers des fluctuations de la Force, éveille en elle soudainement un horrible doute… Mais presque toutes les silhouettes qui s’affairent autour des speeders du convoi portent eux aussi la fameuse bure Jedi. Un vêtement que j’ai jeté au recycleur dès que j’ai eu mes galons de Chevalier. Après l’assassinat de mon Maitre par un Sith. Un psychologue dirait certainement que cet évènement traumatique est à l’origine de mon rejet du système, de mon obsession à jouer au funambule sur les limites de l’acceptable. Peut-être. Mais même le savoir n’y changerait rien. Je suis comme je suis. Trop tard pour corriger le tir.

« Baaah, ne fait pas cette tête, je déconne. Enfin, non je ne déconne pas. T’es vraiment identifiable à des kilomètres… Mais là ou on va, c’est bon. Anachore est cosmopolite, y’a de tout et surtout du n’importe quoi. Et dans ce genre de ville ensablée où la mafia Hutt et le syndicat des eaux tirent les ficelles, les gens préfèrent regarder leurs bottes plutôt que de lever les yeux vers les inconnus. Tant qu’on y va pour commercer, qu’on échange des trucs, et qu’on ne met pas notre nez partout, on n’aura rien à craindre…

En revanche, si je puis me permettre : on devrait profiter de la mission pour te trouver des nouvelles fringues. Plus discrètes, plus passe partout, moins propres. Pour tes futures missions au-delà des frontières exiguës de notre sphère d’influence locale. A moins que tu ne préfères rester cloitrer au Temple… Chacun son choix, je ne juge pas. Personnellement, je ne tiens pas en place entre quatre murs, un sol et un plafond de pierre brute et monotone… »


J’écourte mon monologue en suivant du regard l’attention de la Chevalière qui fuit déjà sur nos destriers d’acier tout droit sorti d’un vieil holo-film. Elle ne semble plus écouter mes tergiversations, mes digressions absurdes. Mais je ne m’en offusque pas. Je m’ennuie souvent moi-même. Elle n’est probablement pas du genre à tourner autour du pot inutilement. Un qualificatif que j’inscris, mentalement, dans la case de ses qualités. Celle de ces défauts ne porte qu’une seule indication pour le moment : gouts vestimentaires douteux. Venant de moi, ça fait mal non ? Haha.

Je hausse les épaules, préambule de réponse à son ironique remarque :

« Et encore t’as pas vu les autres. Ceux qu’on ne préfère pas utiliser pour des trajets de plus d’une heure en pleine canicule… Mais bon, très honnêtement, je n’y connais pas grand-chose en mécanique. Le minimum syndical pour dépanner et éviter de mourir bêtement au milieu du désert. Je suis plus adepte du scotch et des rustines, que des clés dynamo et des cliquets. »

Elle ferait une syncope si elle voyait l’état de la salle des moteurs du cargo que j’utilise depuis plus de dix ans.

« Mais la Force nous a offert un atout précieux… »

Je balaye la scène du regard, à la recherche dudit atout. Je fixe enfin la silhouette, sombre, derrière les trois speeder pick-up dont les bennes sont chargées de bidons vides, et le camion-citerne à chenilles qui compose le convoi. Et hurle en levant les deux bras :

« 6D ! Come on, amigo !»

L’humain à la peau d’ébène, relève les yeux de son datapad, hausse un sourcil interrogateur, et se dirige vers nous rapidement, avec cette moue caractéristique du type débordé qui râle intérieurement d’être dérangé pour des banalités. Je ne lui laisse pas le temps d’agiter ses lèvres épaisses :

« 6D ? Je te présente Dalla. Dalla, 6D… »

Evidemment 6D n’est pas son véritable prénom. Mais tout le monde l’appelle ainsi. 6D comme Système Débrouille. Ce Jedi qui porte plus souvent l’habit de mécano, aux fermetures éclairs qui cheminent du col jusqu’à l’entrejambe, que la bure traditionnelle, est un véritable prodige de la mécanique et de l’électronique. Il est capable réparer tout ce qui existe, et même ce qui devrait ne plus exister. Un talent aussi rare que précieux. Certains Jedi sont naturellement proches des animaux, de la vie. D’autres parlent à l’oreille des mécanismes. Il fait incontestablement parti de cette seconde catégorie. Cette fois, il intervient avant que je puisse placer la suite. Son ton las ne cherche même pas à dissimuler la terrible fatigue qui grève ses traits burinés. Une atonie se fait l’écho de son évident fatalisme blasé.

« Salut. Herbert. Mais tout le monde m’appelle 6D… » La dernière syllabe traîne une demi-seconde de trop. Une hésitation. Finalement, il reprend. Direct. Factuel. Au risque de froisser ses interlocuteurs par son manque évident d’intérêt pour la conversation. « Vous embarquez avec le convoi, c’est ça ? On n’est pas prêt. Je dois y retourner. J’ai un problème de transmission sur le camion. On ne partira pas tant que ça ne sera pas réglé. La chaîne avant gauche refuse de suivre le rythme. Je n’ai pas encore trouvé le… »

Je lève la main pour le faire taire, grand sourire au bord des lèvres. Si large qui manque de rouvrir quelques gerçures.

« Une mission parfaite pour notre jeune Chevalière ! Dalla est une pro de la mécanique ! »

Il se fige. Le déshabille du regard, de la tête au pied, sourcils froncés. L’éclat de ses pupilles trahit sa curiosité. Il l’observe, l’évalue. Une froide analyse dépourvu de jugement hâtif. Herbert juge sur les actes, non sur les apparences.

« Ok. On a une demi-heure de retard sur le planning des révisions de dernières minutes. Je ne crache pas sur une paire de bras supplémentaires. »
« Deux paires ! »
Son regard change soudainement. Herbert a eu largement de se faire une opinion sur ma personne… Et il sait parfaitement que je n’ai pas les compétences qu’il exige. Mais avant qu’il n’exprime son véto, j’argumente : « Bah faudra bien quelqu’un pour tendre les clés de douze, pendant que vous faites vos trucs sérieux non ? Sinon quoi ? Je traîne ici dans vos pattes ? » Il hausse les épaules, volte-face et retourne d’un pas rapide vers le camion sans même s’inquiéter de notre capacité à le suivre.

A demi-mots, pour pas qu’il ne puisse l’entendre, je glisse à l’oreille de Dalla :

« Tu vas voir. Il est… Hmmm… Spécial 6D. Certains disent qu’il a des rouages à la place du cœur et du cerveau… Bref. Tu vas vite savoir si tu veux bosser avec lui au garage, ou bien si tu préfères postuler pour enseigner aux plus jeunes. »

Tout ce que je me dis, c’est que ça promet d’être intéressant. Après l’open-space bruyant et surchauffé par les composants électriques du centre des opérations, après l’open-space aux relents douçâtres de nourriture épicée et de café froid du réfectoire, voilà l’open-space crasseux du garage où flotte dans l’air une fragrance détonante de sueur, d’huile de moteur, et de graisse graphitée. Alors que nous contournons le premier pick-up de la file, je lance :

« Tiens, pour l’anecdote… » Je désigne du doigt une épave désossée, carcasse destinée à être phagocytée pour que d’autres véhicules survivent « … C’est dans le coffre de cette ruine qu’on a retrouvé les trois caisses de D’jango D’jango. On n’a même pas réussi à identifier avec exactitude le modèle, tellement son origine se perd dans les méandres nébuleux de la mémoire galactique. Faudrait poser la question à des historiens plutôt qu’à des mécanos. Mais bref. Des cannettes de D’jango D’jango… Un véritable don de la Force ! Promets-moi d’en gouter une à l’occasion. Certes… Il y a au moins trois composés chimiques interdits par les autorités sanitaires Républicaines dans sa composition… Mais ce serait con de s’en priver pour si peu ! »
Dalla Tellura
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-Moi j’aime bien la bure ! protesta Dalla. Toutes les traditions ne sont pas forcément mauvaises ! Je la trouve réconfortante ! Et puis, elles sont confortables.

Dalla appréciait que sa poitrine disparaisse dans les plis de sa veste.

-C’est un peu comme un uniforme, mais sans le côté hiérarchie bête et méchante et sans avoir à tuer tout le monde. J’aime bien. Et puis… ça fait cinq ans que je n’en ai pas porté… je crois que ça me manquait…

C’était vrai que Kovani n’avait pas des vêtements très jedi… ni très élégants. Ni très récents. Le t-shirt était immonde, mais elle aimait bien la veste.

-C’est l’emblème du BRJD ? interrogea-t-elle en désignant le blason sur ladite veste.

Dalla sentit le sang affluer à ses joues à la suite des paroles de Kovani.

-Je.. je… balbutia-t-elle, pas fière.

Elle se sentait un peu ridicule. Fini le sentiment d’être une vraie jedi indépendante et l’égale de ses aînés.

-Je n’ai pas réalisé que…

En fait, elle avait fonctionné selon les habitudes de l’ancien ordre jedi. Mission de jedi =costume de jedi. Et elle était si contente de repartir en mission pour l’Ordre !

-Je n’ai pas su m’adapter… murmura-t-elle, plus affectée qu’elle n’aurait souhaité l’être.

Elle se sentait déçue de se sentir aussi vexée. Elle réagissait comme une vraie gamine.

-Mais j’ai vu plein de gens qui portaient des bures semblables aux nôtres sur Tatooine ! protesta-t-elle, d’un ton peut-être un peu trop sérieux par rapport à celui employé par Kovani.

Elle n’avait pas envie d’être une gosse vexée, ni une jedi qui se laisse tourner la tête par son amour-propre.

-Je n’ai qu’à cacher mon sabre dans ma manche comme ça…

Elle glissa le sabre dans sa large manche gauche…
...et poussa un petit cri quand le métal froid toucha sa peau sensible.

Le sabre glissa le long du tissu quand elle leva les bras par réflexe, et descendit le long de son bras jusqu’à se retrouver bloquer par sa ceinture à l’intérieur de sa bure.

-Au moins, là, il  est caché… Mais pas très facile d’accès en cas d’urgence.

Elle dénoua sa bure et entreprit d’en extraire le sabre. Puis elle fixa l’objet avec sérieux.

-Je ne m’en suis pas servi depuis cinq ans. Je l’ai caché à tous pendant cinq ans, même à ma propre sœur. Je… je n’ai pas forcément réfléchi…

Elle acquiesça sagement de la tête quand Kovani lui présenta Anachore. Cela n’avait pas l’air très différent du bled où elle avait atterri, quelques jours plus tôt.

-Des fringues, j’en ai… Des « normales » je veux dire. J’en ai même plusieurs avec des belles traces indélébiles de cambouis ! Le problème c’est qu’elles découvrent toutes mes bras… et que là, il faut vraiment que je les couvre pour les protéger…


Elle haussa les épaules.

-Je suppose qu’un manteau plus passe partout ne me ferait pas de mal…

Mais l’attention de Dalla avait déjà été happée par un immense moteur T-92 presque entier.

-Ouah ! Quelle antiquité ! s’exclama-t-elle en en faisant le tour.

Elle fit prudemment jouer quelques valves.

-Le scotch, c’est pas ce qu'il y a de mieux… murmura-t-elle distraitement. Ça fout de le colle n’importe où, c’est un truc à enrayer des mécanismes. Rien de mieux qu’un bon petit soudage…

Dalla releva la tête, curieuse. Elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de concilier Force et mécanique (à part peut-être cette fameuse fois où elle avait réussi à échapper in extremis à l’explosion d’un modulateur d’énergie, ce que Kark avait immédiatement attribué à  ses "réflexes de jedi". C’était d'ailleurs à cette occasion qu’elle avait compris qu’il savait qui elle était réellement).

Contrairement à ce à quoi elle s’était attendu, ce ne fut pas un droïde qui émergea de derrière les speeder, mais un humain.

-Enchantée, euh… Herbert…

Dalla se sentait toujours mal à l’aise avec les surnoms. Elle avait toujours trouvé ça très cool d’avoir un surnom, et surtout d’appeler quelqu’un avec un surnom. Mais elle ne savait jamais à partir de quand il était socialement acceptable de le faire. Là, cet Herbert venait de dire que tout le monde l’appelait « 6D ». Mais Dalla venait de le rencontrer, il était sur son territoire… Elle ne voulait pas paraître cavalière ou irrespectueuse.
Il ne sembla en tout cas pas s’offusquer de l’emploi de son prénom, et leur présenta rapidement la situation.

Dalla suivit machinalement son geste quand il évoqua le problème du camion. Il lui sembla qu’elle identifiait le modèle, mais les chenilles ne correspondaient pas. Elles avaient dû être…

Elle sentit de nouveau le sang affluer à ses joues quand Kovani la présenta comme « pro » de la mécanique.

-Oh, je ne… euh…

Herbert l’observait, ignorant visiblement ses bafouillages.

Je ne crache pas sur une paire de bras supplémentaires.

Dalla sourit, soulagée de ne pas s’être fait rejeter par une sorte de confrère, puis se tourna vers Kovani.

-L’homme droïde ou les initiés ? murmura-t-elle. Quel choix kor’nellien...

Dalla observa les alentours, les carcasses, les caisses où s’entassaient des tas de pièces détachées et d’outils crasseux. Elle se sentait à l’aise ici.

Elle se tourna vers l’engin que lui désignait Kovani. Effectivement, elle n’avait jamais vu ce modèle, ni en vrai ni en holo.

-Je crois quand même que je vais m’abstenir… Laisser ce plaisir aux vrais amateurs… Si le stock est limité… en plus, je préfère le thé.

Elle grimaça en se rappelant du thé du distributeur.

-Le bon thé…
-Gamine ! retentit la voix d’Herbert-6D. Viens manipuler l’bazar pendant que je cherche où ça coince. Je préfère pas faire ça à la Force quand j’ai pas de visuel.

Dalla s’assit sur le siège conducteur, comme le lui indiquait Hebert. Elle suivit ses instructions, démarrant, éteignant, débrayant, rétropédalant ou freinant selon ses instructions.

-Ça coince en deuxième position, non ?
-On dirait… Viens m’apporter une lampe, je vais jeter un œil à l’accoupleur d’axes.

Dalla s’exécuta. Elle se glissa sous l’appareil à côté de Herbert et l’éclaira.

-Vous enlevez des boulons besh avec une clef d’osk ?
-Ben quand on n’a pas de besh, on fait avec le système D…

L’accoupleur d’axe avait cependant l’air en bon état. 6D lui passa tout de même un petit bout de graissage, au cas où.

-Si le problème c’est la chaîne gauche, faut peut-être regarder par là. Ce sont des Warden XT ?

-Des Warden RT. Mais j’ai déjà vérifié les barbotins.
-Et les galets de soutien ? Il y en a peut-être un de travers derrière.
-Je l’aurais vu. C’est des rangées les Warden RT.
-Vu la taille du camion, c’est peut-être ça le problème. Le chenilles sont pas conçues pour…
-Pas bête… Gary, file moi une clef de 8.
-Une clef de 8 ?
-Non, pas celle-là, Gary. Ben oui, à moins que t’ai une clef corellienne…

Dalla afficha un grand sourire.

-T’as une clef corellienne ?

Dalla se releva, essuya par réflexe ses mains sur ses cuisses – qui se couvrirent de longues traces brunes parallèles.

-Clef corellienne, duracier inoxydable, de chez Korkovis.
-Je préfère les Lakita, mais Korkovis, c’est pas mal.
-Va trouver des Lakita dans l’espace hutt, surtout !
-Pas faux !

Dalla fouilla dans son sac, en sortit sa précieuse clef corellienne et la tendit à 6D.

-C’est ta clef, gamine, à toi l’honneur.

Dalla lui fit un grand sourire et se pencha sur les Warden RT.

Un quart d’heure et quelques trifouillages plus tard, le camion effectua un impeccable tour du hangar.

-Et ben voilà problème résolu, déclara 6D. Avec les galets supplémentaires entrelacés, ça devrait tenir l’aller retour sans problème. Quant au moteur, pensez à le laisser refroidir toutes les deux heures au moins. Mais bon, au pire, s’il vous pète une durite, y a des pièces dans la boite à gants, Dalla saura retaper tout ça. Et, gamine, si tu trouves une clef corellienne, à Anachore, tu penses à moi !

-J’y penserai, 6D !

Dalla rangea sa clef dans son sac, puis y glissa son sabre.

-Sabre dissimulé. Ma bure est assez sale comme ça ? demanda-t-elle à Gary en arborant fièrement les grandes taches de poussières, d’huile de moteur et de rouille.
Gary Kovani
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Je vais vous l’avouer, même si vous le savez déjà chers amis imaginaires qui lisent mes pensées : Je me coltine au quotidien un sacré paquet de défauts. Des tares même diraient les moins sympathiques, ou les plus réalistes. Une valise complète. Si je devais les ranger dans mes proches, même les coutures solides de mon blouson rétro-contrebandier craqueraient sous leur poids. Mais. Oui, il y a un Mais. J’ai aussi quelques qualités. Dont une principale : l’honnêteté.  Je dis ce que je pense, je pense ce que je dis. Même si ma franchise, par moment, vexe ou déplait. Je ne suis pas du genre à tourner autour du pot lorsque la vérité vraie hurle à mes oreilles et que ma langue refuse de l’étouffer…

Alors, voilà : je vais être franc : Je ne pige quedal. Nada. Jargon de mécanos crasseux incompréhensible. Une langue étrangère. Je les observe, œil rond, sourcils froncés, cerveau perdu dans ses méandres synaptiques, tentatives d’interprétations qui n’éclosent d’aucune certitude. Des histoires de galets bidules, de Warden choses, de Coupleurs machins trucs, et de clés de… Je sursaute, éjecté de mes tribulations sous-crâniennes particulièrement éreintantes moralement par le tranchant affûté du ton directif de 6D. Paumé, incapable de me remémorer avec précision l’ordre formulé, je plonge deux mains penaudes dans la caisse à outils largement ouverte, et en extrait, en piochant au hasard, trois clés aux formes alambiquées. Je les tends au Mécano-Jedi, qui me réponds aussitôt, sans même avoir besoin de jeter un regard désapprobateur sur mes trouvailles improvisées :

« Non, pas celle-là, Gary… »

Je reste interdit, figé, une poignée de secondes. Et après un haussement d’épaules blasé, je les re-range en ordre de bataille, tentant vainement de les réagencer par taille, ou forme. Déjà 6D est passé à autre chose, toute son attention captée par la sainte relique extraite miraculeusement du sac de voyage de Dalla. Une clé. A mes yeux semblables à milles autres, mais qui, entre les deux êtres, crée une étrange et soudaine alchimie. La fraternité secrète des geeks du cambouis. Incroyable. Pourtant 6D n’est pas réputé pour être particulièrement sociable. D’où son surnom. Officiellement c’est pour Système D… Oui. Mais officieusement, ce matricule lui colle à la peau comme celui d’un droïde sans âme. L’homme à la peau sombre est froid, cartésien, d’une rectitude mentale qui ferait pâlir de jalousie les plus orthodoxes dogmatiques. Sans même le mesurer pleinement, Dalla vient de marquer de précieux points avec celui qui gère d’une main inflexible la flotte de véhicules rouillés et en bout de vie de notre nouveau Temple. J’ai la sensation, tout d’un coup, d’être le bon pote invité à la table d’un jeune couple, qui tient malgré lui la chandelle, les yeux perdus dans le vague, l’esprit hanté par le fait de n’avoir su refuser l’invitation… Sauf dans ce cas précis, je l’ai moi-même lancé… Bref… Je m’emmerde.

Je regarde les allées et venues des autres mécanos de l’équipe de 6D, silhouettes anonymes engoncées dans des bleus de travail mitraillés de tâches sombres, entre, derrière ou sous, les autres véhicules affectés au convoi. Vérifications de dernières minutes. Quelque part, derrière le camion sur chenilles, un répulseur gronde soudain. Allumage abrupte. Aussitôt après, il ronronne si sourdement tout mon squelette vibre sous ma peau et mes muscles. Quelques droïdes bipèdes rachitiques à l’œil unique et l’encéphale bombé, disproportionné, transportent des pièces de rechanges, chargent les plateaux des pick-up de bidons vides pour la précieuse eau. Comme dans une fourmilière, le chaos apparent dissimule une organisation millimétrée… Mais qui a pris un retard certain. D’où la tension ambiante, muette mais omniprésente. L’atmosphère étouffante chargée d’odeur de graisse et de solvants pèse déjà sur les âmes et les esprits, alors que la grande porte du hangar n’est pas encore ouverte. Dehors, c’est un four qui nous attend. Une étuve à l'azur ouvert saturée d’ultraviolets ardent, et de poussières de sable surchauffées qui élèveront la température du garage de dix degrés en moins d’une cinq minutes.

Je chasse ces pensées parasite. J’ai trop tendance à me perdre dans les conjectures, à me laisser distraire par l’avenir, à me noyer dans les possibles. C’est la Force qui parfois m’envoie des signaux. Mais je préfère les ignorer pour me concentrer sur l’instant présent… Même si là, tout de suite, je me sens d’une non-utilité absolue. Moi et la mécanique… Bah. Quand ça ne marche pas, je file des coups de pieds. Si ça ne marche toujours pas, j’y ajoute les poings. Et si ça ne marche toujours toujours pas. Je balance tout et cherche une solution alternative.

Voilà… Voilà… Alors, après quelques minutes interminables de flottement, j’abandonne la desserte d’outils, m’accroupis à côté des pieds d’une Dalla allongés sous le ventre du camion, et lui lance sur le ton de la plaisanterie :

« T’as vérifié que le bismuth d’assiette était bien réglé sur le cyclotron de la tête de delco ? »

Je pouffe, sentant le regard désapprobateur de 6D quelque part derrière les durites hydrauliques de l’imposant radiateur ventral. Tout ce que je sais de cette grosse boite rectangulaire bardée d’ailettes chromées, c’est qu’il est sensé capter la maigre fraicheur résultante de l’ombre du mastodonte d’acier pour refroidir les fluides lubrificateurs du moteur. Autant dire qu’il s’agit d’un organe plus que vital dans la fournaise du désert.

« Blague à part… » Je baisse les yeux sur mon bracelet holocom. En état de veille, il affiche simplement l’heure. Fini l’heure standard galactique calquée sur le cycle de Coruscant. Maintenant nous vivons avec les fuseaux locaux. « Je peux aller te chercher un casse-croute si tu veux… Je te sens lancée, et 6D risque de ne plus vouloir te lâcher… Le convoi devrait partir juste après le repas. Enfin, si vous parvenez à réparer de vieux tacot hein… Les autres Jedi de l’expédition arriveront dans une petite demi-heure, après tout s’enchainera rapidement. Autant dire qu’il te faudra choisir entre la douche sonique ou la cantine… Après filera jusqu’à Anachore, sans escale. Le trajet promet d’être éprouvant, mais c’est le prix à payer pour éviter les mauvaises rencontres : personne n’est assez malade pour sortir en plein désert aux zéniths. Sauf nous, les désespérés. » Je marque enfin une pause, pour reprendre mon souffle et reprend : « Du coup, tu préfères quoi ? Sandwich au simili-poulet ? Panini végan ? Pâte comestible dextro-calorifique presque pas modifiée ? Y’a aussi des poches de nutriments liquides pour ceux qui n’ont pas de vraies bouches… ça a le mérite d’être vite ingéré et digéré… Moi perso c’est ce que je préfère. Une paille, trois sussions, et tu peux passer à la suite. En ce moment je crois qu’elles sont aromatisées au Xofbrenghan. Le faux-vrai gout des originelles, celles de Malastare… Pas celui insipide des copies génétiques et low-cost qui se vendent partout sur les marchés de la bordure intérieure. Je peux te ramèner un thermos de thé glacé, sans supplément... Parce que c'est toi hein. Je ne fais pas les serveur pour tout le monde hein ! »
Dalla Tellura
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Dalla s’arrêta en plein milieu de de son tour de clef, en essayant de faire le tri dans ce que venait de lui dire Kovani.

Elle était quasiment sûre qu’il n’y avait pas un gramme de bismuth dans cet engin, voire dans tout le hangar. Quant à l’idée d’équiper un cyclotron sur un moteur de cette taille…

-Avec un véhicule à chenilles, il n’y a pas vraiment besoin de contrôler l’assiette, finit-elle par déclarer prudemment, en émergeant de sous le tas de ferrailles…

Mais elle finit par comprendre que c’était une blague, au regard que 6D lança à Kovani.
Dalla observa le fondateur du BRJD. Elle n’avait pas trop fait attention à lui ces dernières… 45 minutes ? Cela faisait plus longtemps que ce qu’elle aurait cru… Pauvre Kovani, il avait dû s’ennuyer ferme…

Elle s’assit, dos à la carlingue, et écouta Kovani. A la mention d’un douche sonique, ce fut comme si toute la surface de sa peau se rappelait soudain à son existence. Bien sûr, ses bras et ses lekkus étaient toujours graisseux du baume qu’elle y avait appliqué, mais elle prenait soudain conscience de tout le reste des éléments qui semblaient s’être déposés sur son corps. Sueur, graisse mécanique, poussière du hangar, rouille, sable comme à peu près partout sur la planète.

Même si elle ne trouvait pas les douches soniques aussi satisfaisantes que les bonnes vieilles douches hydriques, la perspective d’un bon décrassage lui sembla soudain extrêmement attirante.

Elle jeta un coup d’œil à la porte du hangar. Cela valait-il le coup de se décrasser si c’était pour se retrouver en un instant de nouveau couverte de sueur et de sable ?

Avant qu’elle ait trouvé une solution à ce dilemme, Kovani lui en posa un autre. Décidément son corps semblait se réveiller et réclamer tout un tas de choses. Tant qu’elle était prise dans ses manipulations, elle n’était que main, cerveau et yeux. Mais maintenant, sa peau, son estomac se manifestaient en écho aux paroles de Kovani.

-Un petit en-cas ne serait pas de refus, effectivement, murmura-t-elle.

Kovani préférait la version efficace, et elle sentit une vague de culpabilité en songeant qu’elle préférait quand même de la vraie nourriture… Cela ne lui semblait pas très pro… Pas d’attachement, tout ça tout ça, détachement matériel et efficacité désintéressée.

Elle soupira. Qu’est-ce que ça pouvait, faire, au fond, qu’elle préfère manger un vrai truc ? Et puis, elle n’était sûrement pas la seule jedi dans ce cas.

-Un panini végane, c’est pas de refus… tant qu’il n’y a pas de coriandre chandrilénne ou d’un autre truc dans ce genre…

Elle grimaça, puis se souvint de ses manières.

-Merci ! Et merci pour le thé, aussi, ce serait vraiment super ! Je sens qu’on va avoir besoin d’hydratation…


Elle ne poussa pas jusqu’à demander que Kovani évite le thé rouge, qu’elle trouvait souvent un peu écœurant, même froid. C’était déjà gentil de sa part de s’occuper d’elle. Surtout qu’au départ, elle n’était même pas censée être là...

Se remettre au travail maintenant qu’elle était consciente de son estomac affamé et de son corps poisseux fut assez désagréable. Mais finalement, elle fut récompensée de ses efforts, par les ondes de satisfaction qui émanèrent de 6D quand il émergea finalement du camion.

-Ecoutez-moi ça comme ça zinzinule ! Un vrai guba !

-Je croyais que ça cancanait, les guba, remarqua Dalla en se frottant la base des lekkus.
-Zinzinule, cancane, gazouille, peu importe, ça ronronne comme un tooka !

Dalla sourit.

-Un très gros tooka, alors…

Elle n’avait pas remarqué que le hangar s’était rempli pendant qu’elle travaillait. Une demi douzaine de jedi, de tous âges et de toutes couleurs, se tenait entre les véhicules, discutant plaisantant. Elle n'en connaissait aucun.
Pas encore de traces de Kovani, mais la pensée de sa douche sonique était devenue obsédante.
Et tant pis si elle devait à nouveau puer dans moins d’une heure.

-Je reviens, dit-elle, sans vraiment trop savoir à qui elle s’adressait.

Elle parcourut aussi vite qu’elle le put les couloirs du Temple-grotte, et fut assez satisfaite de constater qu’elle se rappelait où était les cellules.
Elle se débarrassa à la hâte de ses vêtements crasseux, s’accorda 3 minutes dans la douche sonique, puis enfila des sous-vêtements propres, se retartina de baume hydratant (elle glissa le bocal dans son sac), et enfila de nouveaux vêtements. Elle garda sa bure, seule à couvrir ses bras, mais pensa aux paroles de Gary et troqua le pantalon brun des jedi pour son pantalon en toile renforcée. Il risquait de lui tenir chaud, mais elle ne serait vraisemblablement plus à ça près dans quelques heures…

Elle parcourut le trajet jusqu’au hangar en sens inverse, et ne se perdit qu’une fois.
Elle commençait à regretter un peu d’être partie. Et si l’expédition était déjà en route ?

Elle fut soulagée de constater que jedi et véhicules étaient encore là quand elle déboucha dans l’antre de 6D.

Elle ralentit le pas, soudain gênée. Elle n’était pas censée participer à cette expédition, elle n’avait vu aucun jedi depuis 5 ans. Elle avait peur d’être un peu le cheveu sur la soupe de chuba.

Elle chercha Kovani du regard en se rapprochant de 6D.

Au moins, elle ne sentait plus le cambouis à trois mètres à la ronde, ce qui serait sûrement un avantage pour se faire accepter par ses condisciples.

Ces derniers étaient visiblement en train de se répartir à un ou deux par véhicule.

Une part d’elle songeait qu’elle serait plus tranquille seule dans un appareil, sans empuantir personne de sa sueur.
Mais une autre part d’elle-même avait vraiment très envie de profiter un peu de la présence des autres jedi, après en avoir été privée pendant tant d’années.

Et elle avait toujours faim…
Gary Kovani
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Un être « normalement » constitué, c’est-à-dire de mon point de vue morphologique : avec deux jambes articulées d’au moins un genou soutenant une démarche rythmée par deux appendices antérieurs utilisés comme balanciers stabilisateurs, déambule, sans trop se forcer, à une vitesse avoisinant les quatre ou cinq kilomètres à l’heure. Une bagatelle à l’échelle galactique : un parsec équivalent à quelque chose comme 3,086e+13 kilomètres. A ce rythme il faudrait donc à un être « normalement » constitué plus de 6 mille milliards d’années pour parcourir cette distance… Parfois on oublie les distances astronomiques qui séparent les mondes habités, l’esprit engourdi par le maigre temps passé en hyperespace pour les relier…

Fort heureusement pour moi, et pour la jeune fille qui attend impatiemment son casse-croute, la cantine du Temple a été creusée dans la roche à une distance bien plus raisonnable pour ma paire de jambe habituée aux longues errances… Je reste difficilement en place. Bref. Suivant ma logique implacable, il m’aurait fallu, à la grosse, en jouant avec les virgules comme un jongleur débutant, quelque chose comme cinq minutes pour rejoindre le réfectoire. Et autant pour en revenir, évidemment. Mais… c’est sans compter sur l’étroitesse des corridors rocheux, vomissant de chaque intersection une horde de silhouettes affamés en bures ou tuniques majoritairement écrues. Ma moyenne en prend donc un bon coup. La théorie se fait toujours malmener par les contraintes d’une réalité souvent difficile à prévoir.

Mécaniquement, mon sourire s’étire, alors que je croise des visages connus. Que j’échange quelques signes de tête, quelques mots policés, sans grande importance si ce n’est le raffermissement d’un tissu social effiloché par les péripéties récentes. J’en ai aidé quelques-uns dans le lot. Jeunes êtres égarés dans l’immensité galactique, en crise identitaire ou en simple perte de repères, abandonnés sur le bas-côté d’une route hyperspatiale par la destinée qu’ils s’étaient imaginés. Une poignée d’autres ont dû être tirés, à la force des muscles et de l’esprit, des griffes acérés de bandes criminelles opportunistes. Ils sont des myriades… Quelques années en arrière ils n’auraient jamais osé s’interférer entre un Jedi et sa mission… Mais cette époque est révolue depuis que la République nous a déclaré hors-la-loi. Je soupire. Un vieux maitre me tape sur l’épaule, je lui rends son accolade. Poignée de main secrète avec une gamine blafarde de six ans, qui a décrété du jour au lendemain que nous étions grands amis. Je joue son jeu. Qui suis-je pour briser les fragiles rêves d’enfants ? Ces jeunes… Je ne sais pas comment font leurs précepteurs. Je n’ai aucune patience même s’ils m’amusent bien souvent avec leurs démarches dégingandées et leurs réparties inattendues. Je n’ai jamais eu de padawan, je doute être capable d’enseigner correctement à un esprit en pleine formation… Et mes missions sont trop dangereuse pour y risquer une vie prometteuse. Ma vieille carcasse a déjà suffisamment donnée. Si un jour je ne reviens pas, je ne serai qu’un nom de plus sur une liste déjà longue de disparus en mission.

Rapidement, très rapidement, trop rapidement, l’espace auditif étriqué croule sous les échos des conversations qui se répercutent sur les parois rocheuses déjà huileuses de condensation. Aux voix se mêlent les grognements sourds des estomacs affamés, qui ordonnent à leur hôte d’accélérer le pas. Mais à mesure que nous approchons du réfectoire, la foule devient plus dense, et donc, le rythme s’amenuise…

Et enfin, après une dizaine de minutes, j’y pénètre. Jouant des épaules, avec assez de mesure pour ne pas paraitre plus impoli que ma réputation le dénonce, je remonte la file, et me plante devant le cuistot en sueur. Une Besalisk obèse, peu ragoutante d’après mes canons personnels… Mais affublée d’un tablier immaculé, qui lui octroie une aura de sérieux irréfutable. Elle est armée de trois paires de bras chacun aussi large et musculeux que mes deux cuisses réunies. Je lui décoche un sourire charmeur alors qu’elle m’apostrophe d’un regard désapprobateur. Les petits malins trichouilleurs qui doublent les camarades, elle en surement réprimandé plus d’un… Mais avant qu’elle n’ouvre sa large bouche bardée de canines pointues, j’interviens. C’est que j’ai une bonne raison, moi :

« Mission Jedi. Prioritaire. Collecteur d’eau. »

Le mot « eau » est magique sur Tatooine. Il suffit de le glisser dans une phrase pour capter l’attention, et justifier n’importe quelle action. L’eau c’est la vie, dit le dicton. Il aurait pu être écrit sur ce monde désertique. Je n’ai rien besoin d’ajouter. L’imposante cuisinière quitte son masque moralisateur et m’invite d’un regard oblique à faire mon choix parmi les victuailles préparés à l’avance. Elle n’est pas du genre loquace. Ce qui me sied très bien… L’heure tourne.

« Je vais prendre un panini végan… Et deux poches de nutriments. » Oui deux, j’ai l’estomac dans les talons. J’ai sauté le petit-déjeuner pour rejoindre le bureau du BRJD très tôt ce matin. Il y a dans ces deux poches incolores assez de vitamines, oligo-éléments, protéines, glucides et lipides pour tenir jusqu’à la nuit tombée. D’un point de vue purement nutritionnel. Mon estomac, rapidement vide, ne manquera pas de se faire entendre bien plus tôt. D’où les paquets de crackers salés dans mon sac banane. « Si c’est possible, sans coriandre chan… » je me tais, fusillé du regard. J’imagine que préparer, avec les maigres moyens du bord, le repas de plusieurs centaines de Jedi de toutes espèces n’a rien d’une sinécure. Alors, elle se passerait bien des petites demandes de convenances individualistes… Mon sourire se crispe. J’abdique.

Deux de ses paluches griffues plongent alors dans un bac d’où s’évade des vapeurs d’eau surchauffées. Elle en extirpe un panini de pseudo-pain sans produit animal, généreusement garnis de fruits et légumes. Deux autres mains l’enroulent aussitôt dans un papier type aluminium pour qu’ils ne dessèchent pas le temps du trajet retour. Les deux poches, elles, sont récupérées suspendues à des crochets de manière bien moins cérémonielle.

Craxtère, de son petit prénom qui n’a rien de mignon, n’est pas une Jedi. Elle appartient aux corps de services que l’on qualifierait de « laïc » si notre ordre avait été religieux. Ce qu’il n’est pas. Plusieurs dizaines de ses membres dévoués ont fui Ondéron avec nous, de peur d’être catalogués comme complice de désignés terroristes. Ils nous soutiennent au quotidien : maintenance, entretient, logistique, restauration. Médecine aussi. Bien que l’on compte nombre de Jedi dans le Med Corp, oublie bien trop souvent les petites mains insensibles à Force qui gravitent autour. Le Temple tournerait bien moins bien sans eux. Alors je la remercie chaleureusement. J’avance, et m’arrête ensuite au stand « boisson » :

« Un deux thermos de thés. Mission extérieure. » Evidemment, je n’ai pas eu la présence d’esprit de demander à Dalla ce qu’elle préférait… Mais ce n’est pas comme si vous avions beaucoup de choix. J’opte pour un thé noir épicé dans le premier, et pour un rouge fruité dans l’autre. Les deux extrêmes du spectre gustatif des amateurs de feuilles décantées dans l’eau chaude. En me retirant, j’attrape au vol une canette de boisson gazeuse énergétique. Je la viderai dans mon thermos lorsque Dalla aura fait son choix…

Vingt minutes que j’ai quitté le garage. J’avise l’heure sur mon bracelet comlink. Je conclue assez rapidement que j’ai le temps de faire un crochet par ma cellule. Six minutes. Les couloirs sont pratiquement déserts à présent… Ma paume glisse sur le mécanisme, lecture d’empruntes (plus pratique qu’une carte ou une clé parce qu’on ne les perd pas, en général, dit celui qui a déjà perdu une main…). La porte coulisse, elle disparait dans le plafond, seule la Force sait où. Je jette aussitôt mon dévolu sur le porte manteau mural, trois crochets sans charme, pour récupérer mon large chapeau d’inspiration Epicanthix. De loin, il ressemble à une large assiette plate, tressée de fibres végétales imputrescibles. Il mesure presque cinquante centimètres de diamètres. Idéal pour se protéger du soleil, ou pour dissimuler dans son ombre le haut de mon visage. Cependant, pour la discrétion… Bah, on ne peut pas tout avoir. Le datapad logé dans la poche arrière de mon pantalon vibre alors. Je dépose le repas improvisé sur le lit défait, et avise le message. Ordre de rassemblement au garage. L’heure du départ est maintenue… Ce qui signifie que le camion à chenilles est réparé et opérationnel. Dalla doit m’attendre avec impatience, la faim au ventre…

Je referme ma cellule aussitôt, et m’élance en trottant dans les couloirs. Evidemment je m’arrête deux fois pour discuter avec de vieilles connaissances… Et lorsque je débouche enfin dans le garage, elle est là. A m’attendre, prêt pour le départ imminent. Ai-je crain de le louper ? Pas le moins du monde : ils n’oseraient pas partir sans moi quand même, hein ? Je remonte à son niveau et lui jette sans prévenir le panini :

« Réflexe ! »

Je lui tends les deux thermos de café :

« Vu que je suis couillon, je n’ai pas demandé ce que tu préfères… Alors j’ai pris thé noir épicé, et thé rouge aux fruits… rouges. Bref. Tu as le choix des armes, personnellement tout me convient. J’ai de toute façon prévu de l’arranger un peu… En tout bien tout honneur… »
J’exhibe le soda énergisant bourré de caféine et d’hormones. « J’aurais bien besoin de ça pour rester alerte. »

Je regarde autour de moi, d’un simple coup d’œil circulaire. Déjà les Jedi se départissent dans les véhicules.

« On monte ensemble ? Je te propose de grimper dans le camion. Les autres préfères les pick-up parce qu’ils ont la clim… Mais ce confort n’est qu’une illusion. Ils transpireront comme les autres… Mais accolés les uns aux autres. Nous, on aura plus d’espace dans la cabine du camion. »
Dalla Tellura
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« Réflexe »

Dalla sursauta, et joignit, effectivement par réflexe, ses deux mains. Elle n’avait pas entendu Kovani arriver.

-Oh, merci ! fit-elle en tendant -pour de bon cette fois- une main.

Après un court instant de réflexion, elle déclara :

-Thé noir ! C’est une valeur sûre. Encore merci !

Elle referma la main sur le thermos que lui tendait Kovani. Il était encore frais.

Elle attrapa le panini de l’autre main, et hésita un instant. Elle avait faim, mais aussi soif. Et puis, elle venait de se laver, elle était à peu près propre. Si elle mangeait, elle allait se mettre des miettes dessus, sur les mains, la bouche, le visage autour de la bouche, de la sauce ou autre. Cela allait être désagréable, surtout avec la chaleur. Et elle n’avait plus le temps de partir se débarbouiller le museau après avoir mangé.

Mais elle avait besoin de manger.

Elle croqua dans son panini, en observant d’un air sceptique les mélanges de Kovani.

-C’est quoi exactement ?

Puis après temps de réflexion :

-C’est… potable ?

Elle croqua une deuxième bouchée de panini et fronça les sourcils. Elle observa d’un œil méfiant les garnitures entre les deux galettes de pain. Après un rapide examen, elle décida de ne pas trop chercher à savoir, et d’essayer de penser à autre chose.

-Avec plaisir ! Le camion ça me va… Surtout si on a plus d’espace.

Elle jeta un regard au thermos de Kovani.

-Je te laisse conduire pour commencer ? Et on échange dans deux heures ?

Puis, comme une gamine qui ressent le besoin de se justifier, elle ajouta :

-Ma maître m’a appris à piloter un speeder, je promets que je vais pas m’ensabler…

Elle repensa aux leçons de Larna, dans la neige, la terre battue, l’asphalte. Elle lui avait même fait conduire des véhicules à roues, une fois, lors d’une mission sur Kalee.

-C’était une grande pilote, même si elle préférait les véhicules spatiaux…

Nouvelle bouchée de panini.

-Je finis ça avant de monter à bord. Pas envie de mettre des miettes partout !

Elle activa sa mâchoire, augmenta la taille de ses bouchées pour accélérer le repas.

Autour d’elle, les jedi avaient commencé à monter dans les véhicules. Elle se débarrassa de l’emballage vide de son repas dans l’une des nombreuses caisses de déchets non recyclables qui parsemaient le hangar, se frotta énergiquement la bouche du dos de la main, puis les mains sur un chiffon pas trop sale.

Elle s’accorda une gorgée de thé -infusé dans de l’eau un peu trop chaude, mais elle trouvait que ce n’était pas trop grave pour le thé noir-, puis referma soigneusement le récipient. Autant essayer de conserver le frais aussi longtemps que possible !

Elle grimpa enfin dans le camion, après un dernier salut à 6D, déjà occupé sous une carcasse qui avait sûrement dû être un module de courses, il y a une ou deux éternités.

La grande porte du hangar commença lentement à s’élever. La pièce, jusqu’à présent baignée dans une certaine obscurité, même si elle était percée de lampes et de lanternes, se retrouva soudain inondée de soleil.
Seul l’un des soleils jumeaux était visible, presque encor au zénith. Mais dès qu’ils seraient sortis, les deux astres leur darderaient leurs rayons brûlants en plein sur le toit. Dalla serra son thermos.

Un à un, les véhicules s’ébranlèrent. Le camion venait en avant dernier, juste avant la « voiture-balais ».

Dalla garda les yeux plissés plusieurs minutes, le temps que ses pupilles s’habituent à l’avalanche de lumières. Puis elle inspecta plus précisément le tableau de bord.

-Le système de comm marche ? interrogea-t-elle en effleurant les cadrans du doigt.

Cela pouvait être utile si un des véhicules avait un pépin...

-Je crois que je l’ai déjà dit, mais ça me fait vraiment plaisir de repartir en mission ! La dernière fois, c’était…

Elle sentit sa gorge se nouer.

-… on était sur Duro. C’était censé être une mission de routine. Voir un enfant qu’on nous avait signalé comme sensible à la Force…

Elle haussa les épaules.

-C’était compter sans Grendo S’orn…

Elle posa sa tête contre la vitre du camion… et le regretta aussitôt. On sentait l’absence de clim. Ils avaient à peine fait quelques klicks, mais l’atmosphère extérieure et les soleils avaient déjà commencé à faire grimper la température du transparacier et de la tôle.

Dalla attrapa son datapad et l’agita devant son visage comme un éventail. Geste certes dérisoire, mais qui apportait une fugace sensation de frais à son cou, là où la transpiration commençait à se former, notamment au contact des lekkus.

-La dernière fois que je suis partie en speeder, les conditions climatiques n’étaient pas les mêmes ! s’exclama-t-elle en étouffant un rire.

Elle agita les lekkus en repensant aux plaids en laine de govath qu’elles avaient entassés sur elles.

-C’était juste après le retour de ma sœur. Son retour de lune de miel…

Elle grimaça inconsciemment.

-On voulait aller observer une éclipse d’une lune, je sais plus quoi. Fallait qu’on s’éloigne de la ville… Finalement, après 3h de route, il faisait nuit, et les nuages cachaient le ciel. On est restées dans le speeder à bavarder…

Bavarder de tout et de rien… Sauf de Gredeon. Surtout pas de Gredeon, du mariage, du voyage de noces, ou même du prix du speeder dans lequel elles étaient.

-J’ai conduit tout le trajet du retour parce qu’elle s’était endormie. Ma sœur, je veux dire. Le speeder était à elle…
Gary Kovani
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« Cocktail maison, recette spéciale du chef ! Transmis de père en fils depuis moins d’une génération… » Réponse extravagante, affublée d’un sourire moqueur. Je lâche aussitôt du regard la Twi’lek pour me re-concentrer sur le filet pétillant qui dégringole de la canette de soda droit dans le large goulot du thermos ouvert. L’immuable mécanique des fluides repousse les effluves fruitées, suaves, du thé chaud jusqu’à mes récepteurs olfactifs. Mes glandes salivaires frisent l’excitation. « Potable ou pas, c’est ce qu’il me faut pour tenir assis sur un siège pendant les deux heures que vont nécessiter le trajet… Hors imprévus prévisibles. Soda énergisant à base de lolocaloca concentrée. Pour le gout… Bah ça sera la surprise… » Mon sourire s’étire, révélant deux rangées de dents qui tirent sur le jaunâtre avec les années, et l’hygiène buccale trop souvent délaissée. Puis une fois mon œuvre achevée, je referme le thermos, et balance la canette de l’autre côté du garage. Elle décrit une parabole au-dessus des têtes des Jedi affairés. D’une pichenette dans la Force, j’ajuste sa trajectoire, qui s’achève, sans même toucher les bords, dans la gueule béante du recycleur rouge. Celui pour les déchets métalliques. « Panier, héhé… » Jeter des trucs dans d’autres truc : je suis passé maître en cet art. Enfin je hausse les épaules en m’en détournant, répondant aux doutes de la jeune Jedi. « T’inquiète, je ne suis pas un as du pilotage non plus… Mais si les Jawa arrivent à conduire leurs chars des sables… dans le sable, bah on devrait y arriver non ? Tu pars avec des points bonus en plus : moi, mon maître ne m’a jamais appris à piloter, je me suis débrouillé sur le tas. Le bon vieux temps… Bref… Pendant que tu finis ton panini, je fais le tour du propriétaire. » Je me hisse aussitôt jusqu’à la cabine, côté conducteur, en gravissant les trois marches en caillebotis piquées de rouille. La portière grince en résistant légèrement, elle mériterait un bon coup de lubrification. Mais j’imagine que ce n’est pas la priorité. Je jette mon chapeau et mon sac banane dans le maigre espace de stockage derrière la banquette. Sous mon séant, le simili-cuir craquelé crisse d’agonie, me rappelant que j’ai probablement pris quelques kilos par manque d’exercice ces derniers jours. J’ai tendance à me laisser aller lors de mes courts séjours au Temple… Ce n’est pas comme si on pouvait sortir pour courir au grand air. Entre le soleil, les hommes des sables, et la faune sauvage… Question faune, Ondéron était pire. Certes. Mais on s’y était accommodé. Il faudra encore du temps pour que l’on considère cette boule de roche et de sable comme un véritable foyer. Une génération peut-être.

Le volant a connu des jours meilleurs. Le plastique antique s’effrite presque sous mes doigts. D’un coup de vent, je déchire l’ouverture facile d’une des deux poches nutritives que je suce aussitôt, avant que son précieux liquide ne s’évade en grosses gouttes visqueuses. Vite fait, bien fait. Je m’essuie les lèvres d’un revers de manche, et jette le cadavre en bioplastoïde à l’arrière.

Bon, j’en étais où… Ah oui ! Sourcils froncés, j’avise le tableau de bord, essayant de décrypter les cadrans à aiguilles datant d’une époque bien antérieure à ma venue au monde. Rustique mais fiable. Entre la chaleur et le sable insidieux, mieux vaut miser sur les bonnes vieilles technologies increvables… L’électronique c’est magique… Sauf quand ça tombe en panne : c’est-à-dire bien trop souvent. Niveau de carburant, huile moteur, température du circuit de refroidissement, anti-patinage des chenilles… Les pictogrammes parlent pour la plupart d’eux-mêmes… Et c’est donc avec une moue satisfaite que j’accueille mon acolyte du jour lorsqu’elle grimpe enfin dans la cabine, la bouche encore pleine. « Parée ? » J’ai à peine le temps de lui demander, que la porte du hangar s’ouvre. Avec célérité, je rabats d’une main le pare-soleil pour m’éviter d’y laisser mes rétines, tandis que l’autre plonge dans l’une des poches intérieures de ma veste pour en extraire une paire de lunettes fumée. Les larges verres, style pilote de bolides rétro, dévorent tout le haut de mon visage. Ouais, c’est grave la classe. Je ne me souviens même plus où je les aient glanées celles-là. Peut-être sur un type mal en point au cours d’une mission. Il ne me manque qu’un chewing-gum pour parfaire mon look de vagabond solitaire au grand cœur, dans la fleur de l’âge. Mais je n’en ai pas pris. Ça me file des gaz. J’ai décidé d’épargner ce désagrément à Dalla pour sa première mission depuis son retour parmi nous…

« Et c’est parti ! Allons-y Alonzo ! » Je joue avec les pédales, passe la première. La boite manuelle grince sur les premiers passages de rapports tandis que toute la cabine vibre, malmenée par les soubresauts du moteur encore froid. Ça va vite changer. A peine avons-nous crevé l’ombre porté du rocher évidé dans lequel nous nous terrons, que les cadrans s’emballent. Il toussote, mais il ne cale pas, malgré mes gestes brusques, et mon manque évident de pratique sur ces vieilles mécaniques. La conduite, c’est comme le vélo. Ça ne se perds jamais vraiment. Cette fameuse mémoire musculaire qui échappe à la compréhension des plus grands neurologues. Je me suis toujours demandé si un membre greffé conservait la mémoire de sa vie d’avant… Flippant.

« Le système de com ? J’espère bien qu’il fonctionne ! Sinon on est mal en cas de pépins » Qui peuvent être de multiple nature. « On devrait peut-être confirmer ça… » De la main droite, la gauche toujours ancrée sur le volant, je décroche le talkie relié à l’émetteur-récepteur radio par son cordon en queue de cochon élastique. Il tient dans ma paume, vaguement rectangulaire, bombé là où il faut pratiquement poser les lèvres pour parler sans que la cacophonie ambiance ne dévore les mots :

« Allo ? La radio fonctionne ? » Aussitôt, une voix sèche, autoritaire me répond :
« Bleu-4, libérez immédiatement la fréquence d’urgence. Bleu leader terminé. »

Sa voix s’éteint au profit d’une nuée de grésillement dissonant. Je lève les yeux au ciel.

« Ça ne rigole pas avec les convois d’eau hein… On est bleu-4 donc. C’était surement marqué quelque part dans le mémo de la mission… Mais je n’ai pas encore pris le temps de le lire. » Je l’habitude des missions solo, l’organisation quai-militaire de ce genre d’opération échappe à ma logique trop terre à terre. Pourquoi en faire autant ? Le responsable de l’expédition, le Maitre Sergio Morales, est réputé pour son sérieux, sa sévérité. Il est de la même trempe que 6D, par certains côtés. Typiquement le genre d’autorité aveugle qui me donne de l’urticaire… Mais je laisse couler, bien conscient que mes sentiments personnels n’ont pas à interférer avec les enjeux vitaux pour le Temple de notre sortie du jour. Je lance un regard accusateur à Dalla, comme si elle était la responsable de cette remontrance… Mais je ne le pense pas, je m’en amuse même.

« Radio qui fonctionne. Check ! »

Je repose le talkie à sa place, et m’affale dans le siège. Horizon déchiré par les dents rocheuses qui encerclent notre repère discret. Les astres diurnes, haut dans leur ciel, dardent d’un flot d’UV quasi-mortel. Fort heureusement, notre pare-brise est équipé d’un film qui en filtre la plupart… Mais sans atténuer leur luminosité crue qui m’irritent les rétines malgré les lunettes. Finalement, après quelques instants, alors que Dalla semble prendre plaisir à cette sortie, en atteste sa soudaine loquacité, je remonte plus haut dans le ciel, afin que le haut de l’habitacle occulte les deux soleils. Je la laisse évacuer vocalement les pensées nostalgiques, vieux souvenirs encore douloureux, qui la tiraille. Je ricane à mon tour :

« Tu sais, en ce moment, pour ceux qui restent dans le rang, c’est soit les soleils jumeaux de Tatooine, soit les glaces d’Illum… Toutes nos autres enclaves ont été fermées, pour des raisons de sécurité. Il y a encore quelques avant-postes actifs, probablement. Je ne suis pas dans tous les secrets du Conseil. » Je profite de la brèche pour m’immiscer plus activement dans la conversation. « Ta sœur ? Nassa c’est ça ? Ou c'est peut-être Nessa ? T’en a parlé tout à l’heure. Jumelle tu disais… T’es toujours en contact avec d’autres membres de ta famille à part elle ? » Moue impressionnée. « Chapeau. Ce n’est pas le cas de la plupart des Jedi. Difficile de garder du lien social en dehors du Temple. Parfois, lorsque l’on regarde nos règles avec un œil critique, on pourrait se dire que c’est extrême. Arracher des enfants à leurs familles, réduire au minimum les contacts qu’ils pourraient garder avec elles en grandissant… C’est sympa d’avoir ce genre de souvenir. Au moins, quand tu doutes, tu te souviens pour qui tu te bas. Pour eux. » Je hausse les épaules, regard derrière les verres fumés perdus sur l’horizon rocailleux. Le convoi s’engage dans une série de lacets qui remontent vers les cimes pour permettre de gagner la mer de dunes de l’autre côté. La pente est raide, le moteur râle. « Je n’ai jamais revu mes parents. Je n’en ai aucun souvenir. Si, peut-être, vaguement, celui du visage de ma mère. Mais ce n’est probablement qu’une construction de mon esprit juvénile. J’ignore même s’il me reste un seul membre de ma famille en vie. J’ai remis le pied sur Nooria que deux fois seulement… Dont une où je n’ai même pas quitté le terminal de transfert du principal spatioport de la planète. Il n’y a rien qui m’attend là-bas, et c’est mieux comme ça. Les liens de sang c’est surfait de toute façon. L’important c’est de passer du temps avec ceux que l’on apprécie, que nous partagions un patrimoine génétique ou non. » Serait-ce une note d’amertume qui infléchi dans les graves de mon ton fataliste ? Elle me surprend moi-même. Je ne pense jamais à… ma famille biologique. Je change rapidement de sujet :

« Vas-y, choppe le datapad dans la poche arrière de mon futal… » Je me contorsionne sur le siège, pour la lui présenter, sans quitter des mains le volant, et des yeux la route, alors que nous nous engageons dans un virage en épingle qui ne m’inspire rien de joyeux. La piste, accidentée, nous secoue de plus en plus. Les malheureuses pierres, arrachée au relief déchiré du erg par l’érosion, qui paressent sur notre trajectoire sont broyées sous nos chenilles. Je frissonne, les racines des dents douloureuses. « … Le mot de passe c’est PapyDon4Ever. Avec « P » , « D » et « E » majuscule. Et le « for », bah c'est un quatre. Va dans la boite holocom, et chercher le mémo du briefing de l’expédition… Il est encore dans la boite des messages non-lu. Lis-le et dis-moi si y’a un truc qu’on devrait savoir, à part laisser la fréquence d’urgence libre, ou qu’on s’appelle bleu-4… » Je ferme la bouche, et la ré-ouvre aussi tôt, peut-être un peu trop vite alors que les doigts agiles de la jeune chevalière virevoltent déjà sur l’écran tactile :

« Et… heu… Si tu pouvais éviter de mater mon historique de recherche holonet… » Rire nerveux. « Non, je plaisante ! » Ou pas.
Dalla Tellura
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Dalla se raidit quand Kovani s’empara du comlink. Ils n’étaient peut-être pas censés…

-Bleu-4, libérez immédiatement la fréquence d’urgence. Bleu leader terminé.

Dalla blêmit, violaça et souhaita un instant disparaître sous terre.

-Pardon bleu leader ! Bleu 4, terminé !

Kovani, par contre, ne semblait pas du tout affecté par la réprimande de bleu leader.

-C’est normal… balbutia Dalla en s’agitant sur son siège. L’Ordre n’est pas en position de prendre le moindre risque…

Cela conformait que Kovani n’était pas du genre à suivre les consignes à la lettre. Dalla ne pouvait certainement pas en dire autant d’elle-même. Même avec les plans de moteur, elle avait mis deux ans à accepter de se fier à ses connaissances et son instinct plutôt qu’aux gribouillis sur l’écran de son datapad…
Elle n’aura jamais envisagé de partir en mission sans lire attentivement le mémo…

Mais travailler avec Kark lui avait appris que suivre la feuille de route n’était pas toujours la meilleure option.
N’empêche que lire un mémo ne pouvait pas faire de mal…

Dalla vira une teinte encore plus violette sous le regard de Kovani.

-Mais, je ne pensais… je ne voulais pas dire…

Elle s’interrompit face au sourire en coin de son voisin. Ah. Il la taquinait. Kark aussi faisait ça. Et Nassa. Et Larna aussi, d’ailleurs…

-Ilum… murmura Dalla. Par comparaison avec Tatooine, ça fait rêver. Surtout en ce moment…

Elle soupira, s’éventant de plus belle.

-En cet instant, j’ai du mal à me représenter qu’il y a des endroits dans la Galaxie où il fait FROID !

Elle poussa un nouveau soupir.

-Même si, rationnellement, je sais qu’il fera froid, ici même, d’ici quelques heures…

Si on lui avait donné à choisir, elle n’aurait certainement pas choisi Tatooine comme nouvelle localisation principale de l’Ordre jedi…

-Tu sais ce qui a fait que l’Ordre s’est posé ici ? Je… je n’ai rien suivi de ce qui s’est passé ces cinq dernières années. J’étais…

Dépressive ? En deuil ? En état de choc ? Fourrée sous un moteur ou entre…

-Hum. Je… je ne sais pas ce qui s’est passé sur Coruscant, quand… Nous avons été bannis. Ou sur Ondéron…

Dans quel état étaient les Temples, aujourd'hui ? Elle avait laissé des affaires dans sa cellule sur Coruscant...
Et la bibliothèque ?

-Nassa, oui. C’est marrant, plein de gens se trompent ou veulent l’appeler Nessa, je ne sais pas pourquoi…

Peut-être l’accent de la bordure extérieure où elle vivait ? [Ou la joueuse pas foutue de se rappeler un nom qu’elle a inventé, lol]

-J’ai surtout renoué avec elle depuis… la Diaspora… Avant ça, je n’avais quasiment pas de contact avec ma famille… Sauf une fois, après ma première vraie mission… Mon nom avait été cité dans les médias, j’avais reçu un message de ma grand-mère, pour me féliciter. Je crois que c’était surtout de la politique…

Dalla sentit la colère lui monter au nez  en se rappelant la fidélité qu’elle avait témoigné, alors, envers la République… Si elle avait su…

-Il n’y a que mon frère, mon demi-frère, en fait, Kebko, qui a continué pendant toutes ces années à m’envoyer régulièrement des messages. La plupart du temps, je ne lui répondais même pas… mais… je pense que c’est pour ça que… Quand je me suis retrouvée seule… désemparée… quand j’ai été séparée de ma maître, il y a cinq ans… Je l’ai appelé à l’aide. Il est venu me chercher sur Duro… Et il m’a emmenée chez ma sœur. C’est… C’est comme ça que j’ai renoué le contact avec elle…


Elle haussa les épaules, le regard fixé vers le véhicule devant eux. Sûrement bleu-3.

-Un Ordre de perdu, une sœur de retrouvée…

Elle grimaça.

-Mais oui, je suppose que ce que j’ai vécu avec elle, notamment ces cinq dernières années… Personne ne pourra me l’enlever…

Même pas ce petit mynock de Gredeon Erisko…

-Mais… je ne suis pas sûre d’avoir besoin de ça pour… enfin… avant la Diaspora, je savais déjà pourquoi je me battais… Il me suffisait de voir les petits initiés… ou n’importe quel enfant…

Elle se remémora les petits réfugiés, sur Félucia. Les enfants des bas-fonds, qu’elle avait vu sur Coruscant. La petite Milésya Kira, si brave…

-Je crois que je n’ai jamais douté de ce pour quoi je me battais… Juste de… ma capacité à y arriver…

Elle écouta gravement Kovani parler de ses rares souvenirs de famille, en essayant d’ignorer les gémissements du moteur. Pas bon signe, ça… heureusement, le trajet n’était pas trop long, normalement…

-C’est vrai, murmura-t-elle. La plupart des membres de ma famille biologique sont des individualistes égoïstes qui ne cherchent qu’à s’enrichir. Même mes parents… Ils étaient plutôt pro-République… Je ne sais pas du tout comment je serais accueillie, aujourd’hui, si j’essayais de retourner chez eux…

Elle se rappelait de son soulagement coupable, quand Nassa avait annoncé que ni leur père ni leur mère ne pourrait venir à son mariage. Le délai était trop court, avait-elle dit. Dalla se demandait si ce n’était pas aussi un moyen d’éviter à Dalla de les voir…
De la même façon que la jedi n’apparaissait sur aucun holo de mariage.
Sous ses airs de garce frivole, Nassa était bien consciente que sa sœur, en tant que jedi, était traquée comme tous les siens…

Elle fut soulagée quand son comparse changea de sujet.

Elle ne put retenir un petit rire amusé en allant pécher le datapad. Pourquoi le moment où la route était la plus accidentée était aussi le moment où elle devait approcher ses mains des fesses d’un confrère ?

Mains qui, à l’occasion d’un nid-de-poule particulièrement profond, cognèrent brusquement ledit derrière.

-Désolée !

Dalla était mi-embarrassée mi-amusée par cet accident.

Elle se réinstalla dans son siège, datapad en main, petit rire aux lèvres, et un brin de violet aux joues.

-Euh, c’est verr…

-Le mot de passe c’est PapyDon4Ever.

-D’accord. Parfait. Très bon mot de passe !


Cette fois, elle était franchement morte de rire.

Elle suivit les indications de Kovani. Elle s’interrompit dans sa recherche le temps de jeter un regard à son voisin, sourcils froncés. Elle ne savait pas trop comment interpréter cette dernière requête. C’était sérieux, ou c’était encore une plaisanterie ? Elle avait toujours du mal à détecter les plaisanteries…
Ce n’était pas comme si elle avait eu l’intention de regarder son historique, de toute façon, mais…

En reprenant sa recherche dans la boite de réception de Kovani, elle se demanda brièvement à quoi pouvait ressembler son propre historique…

« rumeurs jedi Tatooine »
« rumeurs jedi Tatooine » filtre de résultats : moins de cinq ans
« sauce à la jawa ingrédients »
« Laleeni Nyx »
« température optimale infusion thé ola »
« comparatif prix clef corellienne »
« temps de trajet Mos Espa Mos Entha »
« Laleeni Nyx »

-Trouvé ! Alors…

Elle parcourut rapidement l’en-tête du mémo. Ça ne servait jamais à rien, ça.

-… partie d’un convoi composé de 4 à 5 véhicules selon les ressources rassemblées par le chevalier

Elle buta un instant sur le nom inconnu, puis demanda :

-C’est 6D, c’est ça ? Bref… Maître Morales, chargé de diriger cette mission, prendra place dans le premier véhicule, matricule lead... Morales ça me dit quelque chose… Il était pas, genre, responsable du génie ou de je sais plus quoi pendant la guerre? Bref… Vous trouverez ci-joint l’itinéraire prévu par nos équipes, d’après la carte des environs, mise-à-jour le… ouais, bah hier, quoi. Je la télécharge sur le tableau de bord.


Elle joignit le geste à la parole et bientôt, la carte des environs du Temple s’afficha, avec le trajet prévu en surbrillance bleue.

-gnagnagna Maître Morales pourra si nécessaire être amené à modifier ledit trajet si de nouveaux éléments sont portés à sa connaissance. Genre, si une dune nous tombe dessus ?

Elle se passa la mais sur le front, pour en chasser une goutte de sueur.

-Les membres de la mission devrons suivre le véhicule bleu leader, en maintenant les distances de sécurité, telles que prévues dans la circulaires A-38 alinéa 12 sur les déplacements à la surface de Tatooine. Y a un lien vers la circulaire, je continue quand même ?

Bien sûr, elle n’avait pas eu le temps de lire la circulaire, mais Kovani l’avait sûrement fait, non ?

-Tous les véhicules doivent garder – Ah ! voilà - les lignes de communication ouvertes et disponibles à tout moment, comme rappelé dans les mémos n°, etc.  Tous les véhicules doivent également se conformer à l’itinéraire choisi par le chef de l’expédition. En cas d’attaque – bon, ça va peut-être devenir intéressant – en cas d’attaque, l’usage des sabres laser est à proscrire, surtout à moins de cinquante klicks du Temple. A cet effet, veuillez vous munir d’un ou plusieurs blasters chargés et en état de fonctionnement. Euh... J’ai pas. J’ai juste une vibro-lame…


Elle se tourna vers Kovani, pleine d’espoir.

-L’usage du sabre doit être uniquement réservé, continua-t-elle, au cas de danger de mort imminente, ou à la rencontre – peu probable – d’un.e autre utilisateur.ice de la Force, animé.e d’intentions belliqueuses. On a le droit de sortir les sabres si les sith attaquent, ok. Une fois arrivé à Anachore, le convoi devra procéder au chargement en eau du véhicule citerne (selon les ressources blabla, donc ça c’est nous, Bleu-4), dans un délai d’une heure standard maximum. Pour cette opération, le chef de l’expédition peut réquisitionner à sa discrétion n’importe quel membre de l’expédition. Avant de quitter leurs véhicules, les membres de l’expédition devront s’assurer de respecter le protocole d’entretien des véhicules en contexte de chaleur extrême, blabla. Les membres qui ne seront pas réquisitionnés pour le chargement de la citerne disposeront de 30 à 40 minutes standards pour procéder à des échanges commerciaux, dans le respect des conditions exposées dans la blabla. Pas lu non plus.

Pour plus de sécurité, cette fois, elle ouvrit le lien dans une deuxième fenêtre, afin de la lire avant leur arrivée à Anachore.

-A l’expiration du temps imparti, les membres de l’expédition devront rejoindre leur véhicule et se tenir prêt à partir au signal du chef de l’expédition. Sauf indication explicite de ce dernier, le trajet de retour s’effectuera par le même trajet que l’aller. Les membres de l’expédition devront attendre l’aval du chef de l’expédition avant de considérer la mission comme finie. Et après, y a cinq pièces jointes « contrat d’approvisionnement en eau machin », « lexique jawa-basic », etc.


Elle jeta un œil à Kovani.

-Je lis une des annexes ou…

Elle fut interrompue par un bruit, sur sa droite, un peu en avant d’eux.

-C’était un coup de feu ?
Gary Kovani
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« Pas de sabre ? » Chiotte. J’aurais vraiment dû lire ce mémo. « J’ai seulement mes griffes laser… ». Ricanement crispé. « Bah, ils exagèrent… Tout va bien se passer… J’ai un bon feeling pour cette journée ! Et au pire, bah, on improvisera. Tout peut devenir une arme entre de bonnes mains… » J’ai vu, il y a quelques jours seulement, un holofilm où un gars bute un autre d’un coup de tasse à thé en plein cœur… Dans ces conditions, un thermos est une arme de destruction massive. Au même instant, notre vieux tacot fait une embardée, dévié de sa trajectoire par un fragment de roche sombre assez volumineux et dense pour résister à l’assaut de ses chenilles crantées. Par réflexe, je contre-braque immédiatement. Ce qui m’évite d’ouvrir la bouche pour sortir une autre connerie. Nos deux silhouettes sont malmenées par la force centrifuge, qui tente de nous arrache de nos sièges. Des torrents de sueur dégoulinent de mon front… Un être minuscule pourrait prendre mon sillon inter-fessier pour le toboggan phare d'un sinistre parc aquatique. Il fait chaud, terriblement chaud. J'accepterais presque de vendre un rein pour une climatisation digne ce nom… Les soleils jumeaux, à leur zénith, rudoient si fort que la tôle de la cabine, au-dessus de nos têtes, qu'elle irradie comme la résistance d'un four. Comment garder la tête froide dans ces conditions ? D’autant que la conduite s'avère plus ardue que les souvenirs de ma précédence expédition, qui remonte à plusieurs mois en arrière. Je secoue la tête, pour chasser ces futiles, et même contre-productives, pensées parasites. Je décide plutôt de les museler en répondant, un peu en retard, aux interrogations à Dalla. Je profite de son silence, entre deux paragraphes qu’elle parcourt des yeux avant de m’en faire le résumé :

« Moi non plus je n’étais pas là lorsque la loi anti-Jedi a été promulguée. Rah ! Maintenant que j’y repense ! Ma collection de cartes de joueurs de Huttball doit encore être dans ma cellule, sur Ondéron ! J'en avais des collectors ! Dont une qui ne valait pas moins de trois mille crédits sur le marché des échanges à l’époque… Quel gâchi… Bref. Le passé appartient au passé, il faut aller de l’avant… » Je hausse les épaules, mains moites crispées sur le volant. « Pendant l’exode, j’étais…. Hmm… En mission… Sur Nar Shaddaa.» L’hésitation trahit le demi-mensonge qui franchit mes lèvres, alors que mon esprit refuse toujours d’assumer la pleine vérité. « J’ai cru comprendre que le premier vaisseau d’évacuation s’est plus ou moins posé en urgence dans la vallée, à la suite d’une avarie. Ils ont trouvé là une cache de contrebande abandonnée, creusée dans la roche. Nos grands manitous se sont probablement dit que c’était un signe de la Force… Et le campement de fortune s’est rapidement organisé, à mesure que d’autres vaisseaux les ont rejoint. » Je secoue la tête. « Désolé, je n’ai jamais été très bon pour raconter les histoires. Faudrait demander à quelqu’un qui était là ce jour-là. 6D peut-être. »

Les lacets sont de plus en plus serrés. Maintenant que nous avons achevé l’ascension jusqu’au col, nous descendons l’autre versant, l'adret, en direction la vallée sableuse, antichambre de la sempiternelle mer de dunes. De ce coté, l’horizon est dégagé. Du sable à perte de vue. Les bourrasques s’intensifient. Rapidement le pare-brise polarisé se couvre d’une fine couche de sable pernicieux, tandis que le frottement des particules de silice, emportée par le vent étouffant m’arrache une grimace. Je déteste ces grincements d’acier torturés.

Mes doigts glissent jusqu’à la commande des essuie-glaces. Ils gémissent en repoussant le sable accumulé, bien plus récalcitrant que les gouttes d’eau dont ils ont eu, jadis, l’habitude. Les balais souples ploient dangereusement, mais achèvent leur œuvre avec efficacité, dessinant deux larges demi-disques dans la crasse. Une trainée plus sombre subsiste, là où nous sommes parvenus, miraculeusement, à dénicher quelques molécules d’eau volatiles préservée par l'ombre de la montage, lors de notre ascension.

« Laisse tomber les annexes… C’est toujours là qu’on fourre les trucs pas importants, non ? Pas la peine de… » Nouvelle embardée. Frisson glacial. Cette fois – est-ce que mon esprit me joue des tours ? – j’ai la sensation qu’une partie de la piste s’est dérobée subitement sous les chenilles. Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur me le confirme : le terrain vient de glisser, juste derrière nous, comme l’atteste le panache de poussière qui remonte du précipice. Je laisse échapper un soupire, mi-rassuré, mi-résigné. Mais reste silencieux, pour ne pas stresser outre mesure ma partenaire. Le rayon de braquage calamiteux du camion-citerne me force à tutoyer dangereusement l’à-pic pour parvenir à suivre les virages en épingles à cheveux. L’instabilité de la piste vient aussi du fait qu’elle est récente, cette section a été entièrement dégagée du massif montagneux par les premiers colons Jedi, il y a cinq ans, pour leur permettre de rejoindre Anachore sans avoir à se farcir un détour de deux jours, en plein territoire des hommes de sables. Elle est dont particulièrement sensible aux intempéries, à l'érosion. Et nous manquons de moyen pour l'entretenir avec soin. J’enchaîne, sur un ton moqueur, artifice destiné à chasser l’inquiétude de mes pensées, sans succès :

« Garde le datapad. Si tes doigts glissent encore, tu risques d’y prendre gout. Moi, ça ne me dérange pas hein… Mais bon, évitons les quiproquos dès notre première mission ensemble, si... »

Je me fige soudain. Une détonation retentit. Suffisamment puissante pour couvrir le bruit du moteur déjà en surchauffe. Ses échos, multiples, nous encerclent de toutes part, rendant totalement illisible ce qui se passe au dehors. Je freine, des deux pieds, alors que les véhicules devant moi pilent. Des Jedi en treillis beige et sable sortent des deux pick-up de tête, pistolet blaster en main. Ils se déploient, en formation serrées.

« Oui, ça m’a tout l’air d’un coup de feu… Restons dans le camion en attendant de voir ce qui se passe, si tu veux bien… »

Il ne s’agit pas de lâcheté, mais de bon sens. Nous risquerions de gêner les Gardiens en charge de la sécurité du convoi, rompus à ces exercices paramilitaires. Je déglutis, gorge sèche, yeux braqués sur l’horizon, à la recherche de la moindre anomalie, du moindre mouvement. Mais rien ne bouge. Je laisse la Force refluer par delà les limites de mon enveloppe charnelle. Autour de nous, malgré les apparence, la vie prolifère. Insectes invisibles, vie bactérienne à peine perceptibles, mammifères et lézards dissimulés sous les roches, qui végètent en attendant une heure plus clémente pour chercher pitance. Parmi cette myriades, deux flammes brillent plus que les autres. Deux âmes conscientes. Humaines ou proche-humaines. Au même instant, la radio grésille. Au loin, à la tête de notre colonne, je distingue la silhouette de Sergio qui fait des grands signes :

« Bleu leader au convoi. Écartez-vous de la piste. Bleu-4 remontez la file jusqu’à moi. Nous avons un véhicule accidenté en contre-bas. Il y a deux survivants. Ils ont probablement dévalé la pente. Ils sont peut-être blessés… On ne peut pas les laisser là. Mais il peut aussi s’agir d'un subterfuge. Alors on reste sur nos gardes. Ils ont tiré en l’air pour attirer notre attention. Rien de plus. Bleu-4, placez-vous au plus proche du précipice, nous allons utiliser le treuil pour les hisser. Bleu Leader Terminé. »

La fameuse solidarité qu’implique de vivre sur un monde aux conditions extrêmes. On ne peut se permettre d’abandonner personne, si l’on a un tant soit peu d’humanité. Sinon autant leur tirer directement dessus pour les achever. Je choppe le talkie, et annonce de ma voix la plus sérieuse :

« Bleu-4, bien pigé chef. On arrive. » Je le repose aussitôt pour plaquer mes deux mains sur le volant, moue crispée. « Ça va être serré, même s'ils se poussent… »

Je presse de nouveau l’accélérateur, peut-être un peu trop durement. Le moteur râle dans les graves, tandis que les chenilles dérapent. Devant nous, la file composée de trois pick-up s’est lovée contre la montagne, rétroviseur passager qui lèche la roche sombre, nous libérant un couloir à peine assez large pour notre bahut.

« Je vais y aller doucement. Tu veux bien surveiller de ton coté Dalla ? On va éviter d’arracher un rétro, ou une portière, hein… Sinon 6D va me refaire le portrait à grands coups de clés corélliennes. » J’exagère à peine. « En tout cas, si c'est un piège, on est mal... Impossible de faire demi-tour.» Est-ce que ce genre de remarque portent la poisse ? Non, je n'ai jamais été superstitieux. Ce qui doit arrivé arrive, ainsi va la Force. Affirmer ou taire nos craintes n'y change rien. «Je me demande bien ce qu’ils foutent ici quand même, ce n’est pas vraiment une route très fréquentée… » Je ne crois pas, non plus, aux malencontreuses coïncidences. Rien n'arrive sans raison.
Dalla Tellura
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-Entre de bonnes mains ou entre de mauvaises mains ? interrogea Dalla, en passant mentalement en revue le contenu de son sac et de ses poches.

Elle n’avait rien qui puisse se comparer à un blaster ou une arme à distance. Sauf peut-être un petite boite de clous, qu’on devait pouvoir lancer… Kark avait bien un pistolet agrafeur, qui pouvait faire de gros dégâts, mais Dalla n’en avait pas sur elle. D’ailleurs, elle avait toujours détesté cet engin…

-Des cartes de huttball ?

Dalla étouffa un rire.

-Ne sommes nous pas censés renoncer à tout attachement matériel ?

Elle se demanda soudainement si certains ou certaines voyaient dans la Diaspora un moyen de « tester » les jedi, de les obliger à revenir aux principes millénaires de leur Ordre. Elle trouvait cette idée stupide, mais elle était sûre qu’il devait y avoir des fanatiques pour se représenter les choses de cette façon. Peut-être même pour y voir une punition pour les liens des jedi avec l’univers très matérialiste de la République et de sa capitale… Coruscant la Corrompue… La Nouvelle Korriban…
Bon cela dit, c’est vrai que les jedi auraient peut-être mieux fait de ne pas fricoter avec la République, vu ce qui leur était arrivé…

Dalla soupira.

-Nar Shaddaa ?

Il lui semblait avoir perçu de l’hésitation dans la voix de Kovani. Elle était sur le point de lui demander plus de détail, sa curiosité piquée par une sorte d’ondulation étrange de la Force, mais elle se souvint soudain de la discussion qu’elle avait eue, à peine quelques heures plus tôt, avec Brien Gorlon. « Personne ne m’a jamais interrogé sur cette période de ma vie. Et je n’interrogerais personne là-dessus… » avait dit son camarade. Elle avait trouvé cela très sage, et très juste.

Alors elle déclara simplement :

-Je ne suis jamais allée sur Nar Shaddaa. Je sais que mon frère y est allé, et ma sœur y a travaillé quelques temps, avant d’être recrutée par le Dubro Go Go Cabaret.

Dalla se demanda brièvement si Nassa aurait pu croiser Kovani. Mais non, bien sûr. L’époque où elle travaillait sur Nar Shaddaa était bien antérieure à la Diaspora. Kovani n’aurait eu aucune raison de la croiser avant l’Exil des jedi…

-Un signe de la Force ? répéta Dalla. C’est une façon de voir les choses… enfin, je suppose qu’il fallait bien s’installer quelque part. Le nomadisme stellaire n’est pas forcément très adapté à l’éducation de plusieurs dizaines d’initiés et padawans…

Cependant, songea Dalla, si chaque initié était pris en charge de façon personnalisée par un adulte, il n’y aurait pas besoin de tous ces dispositifs lourds… Un.e maître et son apprenti.e pouvaient sans doute vivre de façon nomade…

Elle secoua la tête. Cela semblait difficilement réalisable en l’état. Et puis, la vie en commun était aussi un des aspects de l’apprentissage des jedi… Une façon de réduire les tendances individualistes…

-6D ? Tu crois ?

Dalla se demanda ce que cela avait pu représenter de vivre tout cela en direct, de devoir agir, trouver des solutions, parer au plus pressé, prendre soin des petits, qui devaient être terrifiés…

Dalla dut s’essuyer les paumes à plusieurs reprises sur sa bure, tant la sueur gênait ses manipulations sur le datapad.

Le coeur battant, elle observa ses camarades jedi sortir de leurs  véhicules. Il fallait savoir que c’était des jedi, parce que rien dans leurs tenues ne le laissait présumer… Ni dans leurs armes.
Dans leurs mouvements, par contre… Mais peut-être que quelqu’un qui n’avait pas été élevé par l’Ordre n’aurait pas remarqué ces mouvements caractéristiques, cette tension, en lien avec la Force.
Dalla se demanda à quel moment de sa vie elle était devenue suffisamment familiarisée avec le combat au sabre laser pour identifier que cette rodienne, devant elle, était adepte de la forme V…

Dalla suivit le conseil de Kovani, et resta sagement dans le camion. Elle farfouilla néanmoins rapidement dans son sac, pour s’assurer que son sabre était sur le dessus, à portée de main, au cas où.

Dalla se sentait déstabilisée par toutes les auras de Force qu’elle sentait autour d’elle. Voilà bien longtemps qu’elle ne s’était pas retrouvée entourée de tant de personnes qui maîtrisaient la Force, et surtout tant de personne qui utilisaient la Force, pour guetter, voir, comprendre… Cela la perturbait et l’empêchait de sonder les alentours, au-delà de la présence de ses confères et consœurs.

Finalement, le grésillement de la radio la fit sursauter.

Dalla se tourna vers Kovani quand il répondit à Bleu leader, puis elle observa les véhicules devant eux. Serré, en effet.

Tu veux bien surveiller de ton coté Dalla ?

Elle hocha la tête et pivota complètement contre la portière, essayant d’ignorer le contact brûlant de la tôle sur ses genoux et ses bras. Elle concentra sa perception sur le flanc droit du camion.

-Ça va… déclara-t-elle, les dents serrées par la concentration. Hun hun.

Sa concentration lui fit ressentir pleinement le long grincement d’un rétroviseur modifié sur la carrosserie de leur véhicule.

Dalla gémit. Le camion s’immobilisa. Dalla entrouvrit sa portière pour évaluer les dégâts. Une bouffée d’air brûlant l’assaillit.

-Vu d’ici, les dégâts n’ont pas l’air considérables. Je suppose que ce ne sera pas bien compliqué de lui repasser une couche de peinture…

Elle re-claqua la portière.

-Ce sera pas du luxe, de toute façon…

Le reste du trajet jusqu’à l’avant du convoi se fit sans nouvel incident.

Sergio Morales – cela ne pouvait être que le chef de l’expédition, vue la façon dont il se tenait, campé sur ses jambes, à contempler le vide à ses pieds -, se tourna vers les deux jedi quand ils descendirent du camion. Il ordonna à un autre jedi d’activer le treuil, puis fit trois pas vers Dalla.
Au moins, ici, une petite brise venait adoucir un peu la chaleur extrême.

-Qui êtes-vous ?
-Dalla Tellura. Je suis une chevalière, je me suis jointe à l’expédition, parce qu…
-Vous ne faites pas partie de l’expédition. Votre tenue…
-Je…

Elle se tourna vers Kovani, en quête de soutien

-Je me suis dit que…
-Nous avons des protocoles, il faut suivre les protocoles !

Il se tourna à son tour vers Kovani, l’air peu amène.

-J’ai une formation médicale, déclara Dalla, espérant susciter l’intérêt de Morales. Si… si les deux personnes sont blessées, je peux sûrement faire quelque chose. 3 ans à l’infirmerie du Temple de Coruscant, sous la supervision de la chevalière Belluma…

Morales se tourna de nouveau vers elle, et l’observa plusieurs minutes. Ni son expression ni son aura ne laissaient filtrer la moindre trace de bienveillance.

Pendant ce temps, le jedi qu’il avait chargé de s’occuper du treuil s’affairait. Morales et Dalla se tournèrent en même temps vers les deux rescapés, dont ils sentaient la présence se rapprocher dans la Force.
Il s’agissait de deux humanoïdes, un homme et une femme. Elle était zabrak. Dalla ne parvenait pas identifier l’espèce de son compagnon. Dalla ne sentait pas d’hostilité chez eux. Surtout de la peur.

Sana attendre l’aval de Morales, Dalla fit un pas vers la zabrak et l’humanoïde, paume en avant.

-Êtes-vous blessés ? Je peux peut-être vous aider ?

Ils échangèrent un regard. Dalla sentit de l’incertitude se mêler à la peur, et peut-être un peu de méfiance.

-Je m’appelle Dalla.

Nouvel échange de regard, puis l’humanoïde prit la parole.

-Elle s’est blessée au bras. Vous avez du bacta ?


Dalla se tourna vers Morales.

-Non.
-Je peux quand même regarder ? proposa Dalla.

Elle attendit que la zabrak hoche la tête en signe d’assentiment pour s’approcher d’elle.

-Vous êtes médecin ? interrogea l’humanoïde.
-J’ai une formation médicale.
-Médecin militaire ?

Dalla résista à l’envie de jeter un œil aux vêtements de ses compagnons.

-En un sens. J’ai vu beaucoup de blessures de guerres…

La zabrak lui montra son bras. Cela ne semblait pas trop profond, mais beaucoup de sable et de poussière s’était accumulé sur la plaie.

-Venez vous asseoir, proposa Dalla à la zabrak.

Elle lui ouvrit sa portière et l’aida à s’installer. L’humanoïde restait tout près d’elle, surveillant les moindres gestes de la twi’lek.

Morales était visiblement assez mécontent. Dalla se tourna vers lui sans lui laisser le temps d’intervenir.

-J’ai besoin d’une trousse premier secours.
-On en a deux, déclara le jedi qui s’était occupé du treuil, un jeune chagrien.
-Qui sont réservés aux membres de l’équipe, déclara Morales, l’air de signifier que Dalla ne faisait pas plus partie de l’équipe que les deux non jedi.

Dalla soupira. Elle se tourna vers sa « patiente ». Hors de question de la laisser comme cela. Surtout vu ce qu’elle percevait de la zabrak.

-J’ai une idée.

Elle se pencha à côté de la blessée, pour atteindre son sac, toujours posé dans le camion. Elle farfouilla dedans, en faisant bien attention que son sabre laser reste invisible de l’extérieur.

Elle trouva enfin ce qu’elle cherchait, et brandit avec satisfaction son gonfleur à air comprimé.

-C’est pas exactement prévu pour, mais…

Elle modifia quelques réglages, afin de modifier l’intensité du souffle. Elle le régla au minimum. Ce qu’elle utilisait pour gonfler les ballons, pour les fêtes à l’appart. De toute façon, c’était surtout une couverture. Elle allait faire le gros du travail grâce à la Force.

-Je vais utiliser de l’air comprimé pour nettoyer votre plaie.
-Vous êtes sure de vous ? interrogea l’humanoïde.
-Ne vous inquiétez pas. Sur une planète comme Tatooine, on doit trouver des solutions au manque d’eau…

Ce qui, techniquement, n’était pas un mensonge.

-On perd du temps sur le programme, là, maugréa Morales.

Dalla activa le gonfleur. Elle sentit la zabrak se crisper. La sensation ne devait pas être agréable.

Le plus discrètement possible, elle tendit son esprit vers la plaie, vers l’air qui y circulait, et accentua le mouvement de l’air, tout en le contrôlant, en agrippant au maximum les poussières, en épargnant autant que possible la chair.
Le résultat était loin d’être parfait, et elle entendit la zabrak pousser plusieurs gémissements.

Finalement, quand elle estima que la plaie était suffisamment nettoyée, elle coupa le gonfleur.

-Maintenant, il va falloir couvrir et bander la plaie…

Pendant qu’elle se demandait si cela valait le coup de demander à Morales si elle pouvait avoir un pansement ou un morceau de tissu, l’humanoïde demanda :

-Vous voulez un morceau de ma veste ?

Dalla l’observa. Ses vêtements, comme ceux de la zabrak, étaient couverts de saletés.

-Vous avez un truc en dessous ?

Il avait une chemise. Cela ferait l’affaire. Dalla en découpa un morceau, et l’enroula autour du bras de la zabrak, en veillant à travers la Force à bien serrer les bords de la plaie l’un contre l’autre. Au passage, elle utilisa son pouvoir de Guérison pour accélérer la cicatrisation. Elle n’avait qu’une maîtrise rudimentaire de ce pouvoir, et ne pouvait pas faire grand-chose de plus.

Avec un dernier sourire au couple, elle se dirigea vers Morales.

-Je pense que ce sont des esclaves en fuite, déclara-t-elle à voix basse. Elle, au moins. Il y a avait un pansement sur son poignet, à l’endroit où on met souvent les puces de localisation.

Elle avait senti la chair quand elle avait exercé son pouvoir de guérison. Encore à vif et un peu béante, là où on avait retiré quelque chose.

-Je pense aussi qu’elle est enceinte. Nous pourrions…
-Cela ne nous regarde pas, la coupa Morales. Nous avons une mission à accomplir pour l’Ordre. Nous ne pouvons pas nous en détourner au premier tooka blessé que nous croisons.
-Mais les jedi ont pour devoir de sec…
-Sans eau, il n’y aura bientôt plus de jedi. Notre Ordre n’est plus ce qu’il était. Nous ne pouvons pas sauver tout le monde. Note devoir est d’abord de sauver les nôtres.

Dalla n’eut que le temps d’ouvrir la bouche. Morales reprit, d’un ton accusateur.

-Je n’ai pas le souvenir de vous avoir vue, chevalière Tellura, quand il s’est agi d’aménager ces grottes obscurs pour y faire dormir jedi et initiés. Ni quand des tuskens nous ont attaqués, il y a deux ans, en pleine nuit.

Dalla sentait ses joues brûler. Elle redressa la tête et les épaules. Elle n’avait rien à se reprocher. Elle était une padawan quand tout cela était arrivé. Isolée, privée de sa Maître. Morales était déjà un chevalier expérimenté à l’époque. C’était facile pour lui de dire cela…

Ils s’affrontèrent du regard un instant. Dalla sentait toute l’assurance du jedi. Le sentiment de faire ce qui est juste, d’être au-dessus des fauteurs de trouble et des individualistes irresponsables. De n’avoir rien à se reprocher et d’en être fier.

Mais Dalla n’avait pas du tout l’impression de valoir moins que lui, ou que sa vision des choses valait moins que celle de Morales.
Il n’avait rien à se reprocher ? Elle non plus. Elle…

Mais peut-être que Morales n’était jamais tombé dans les bras de sa coloc, un soir de pleines lunes.

Momentanément troublée, Dalla cilla.

Morales eut un grognement dédaigneux et se détourna d’elle.

-Mon expédition a un objectif, un objectif que nous allons remplir. Mais vous ne faites pas partie de cette expédition, chevalier Tellura. Je n’ai pas d’ordre à vous donner, et vous pouvez faire ce qui vous chante.

Et avec un dernier haussement d’épaule, il la planta là.
Gary Kovani
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Je m’extrais de la cabine, mine contrite, sans couper le moteur, ni refermer la portière. Juste au cas où il faudrait détaler rapidement. L’air est lourd, poisseux de toute cette tension qui préoccupent les esprits des gardiens à présent disséminés autour du convoi, surveillant les moindres variations suspectes dans la Force, annonciatrices d’une embuscade mortelle. Je fais le tour de notre vieux camion, par l’arrière, pour constater par moi-même les dégâts. Je grimace. Une rayure d’une cinquantaine de centimètres défigure la carrosserie déjà défraîchie. L’acier nu s’affiche entre les écailles de peinture arrachées. Je souffle, à voix basse : « 6D ça me tuer… ». J’avise le rétroviseur malmené, du second pick-up de la file. Déjà, le petit malin resté au volant, prêt à démarrer si nécessaire, use de la télékinésie pour le redresser. Ni vu ni connu. Lui, au moins, passera entre les mailles de l’inspection de notre mécano en chef. Du moins, c’est ce qu’il croit. Personne ne dupe 6D.

Les affres de la vie m’ont appris une maxime universelle : ce qui est fait est fait. Il ne sert à rien de ruminer ce qui ne peut plus être effacé. Alors j’applique la règle des trois « A » : Accepter, Assumer, et Avancer. Je détourne le regard, et déjà mon esprit cloisonne l’incident dans la boite des « on verra plus tard ». Elle déborde. D’un pas leste, je me glisse alors jusqu’au petit groupe qui s’est formé autour du treuil. Sergio, Dalla, et Er’monz, un jeune chagrien. Le padawan de Sergio. C’est d’ailleurs ce dernier qui lutte avec les commandes encrassées du mécanisme. Le moteur grogne, chuinte, grince. Le filin descend péniblement dans l’abime, le long de la falaise. J’arrive au moment où Sergio recadre Dalla. Rapport à sa tenue un peu trop… reconnaissable. Anachore est cosmopolite, certes, mais une bure Jedi risque d’attirer un peu trop l’attention. Ce n’est pas faute de lui fait dit ! Je me place derrière le Gardien acerbe, en secouant la tête :

« Ces jeunes… Ils ne lisent plus les mémos… » Je dois user de tout mon self-control pour ne pas exploser d’un rire moqueur. Haha. Evidemment, mon intervention envenime la conversation… Mais je détourne ainsi l’attention de Sergio pour que Dalla puisse s’esquiver. Je me retrouve avec un index inquisiteur plaqué sur le torse.

« Toi, Gary, t’as intérêt à ne pas la ramener. Tu as outrepassé tous les protocoles de sécurité en la ramenant ici. Tu es l’unique responsable de ce bordel ! » Je baisse les yeux sur son doigt. Son ongle s’enfonce dans mon tee-shirt, comme la griffe d’un prédateur prêt à me déchirer la gorge. Esprit de contradiction oblige, je ne cille pas, et lui décroche même un sourire en coin provocateur. Nul besoin de lire dans la Force pour sentir l’agacement s’emparer de son âme. Je lui lance, folle impertinence :

« Et tu vas faire quoi ? Rédiger un rapport assassin au Conseil ? Oulala, j’ai peur Sergio. Vas-y, fait-le. Ça fera un blâme de plus dans ma collection. » Je désigne Dalla du menton, alors qu’elle aide les deux inconnus à reprendre pied sur le promontoire rocheux. « Elle avait besoin de s’aérer la tête, c’est tout… » Sergio grogne, sourcils si froncés qu’il forment un ersatz de moustache aux dessus de ses arcades. Il inspire bruyamment, comme un buffle. Nous avons le même âge. Je le connais bien. Depuis l’exode, depuis qu’il est passé Maitre, il n’est plus le même. Obnubilé par les règles, les protocoles et la sécurité des expéditions qu’il dirige pour la plupart. Doit-on obligatoirement devenir si sérieux lorsque l’on murit ? Ma désinvolte l’exaspère tant que j’arrive presque à voir les ondes de l’obscurité tenter de pénétrer son esprit. Je suis comme ça, que voulez vous… Face à l’autorité, je ne peux m’empêcher de jouer les contradicteurs. Il retire enfin son index… Mais avant de reculer, il ferme son poing, et me frappe durement le sternum. Un coup de semonce. « Un jour, quelqu’un va mourir à cause de tes conneries, Gary… Et tu perdras définitivement ton sourire. » Peut-être, peut-être pas. J’ai aussi sauvé mon lot de vies, et il le sait. Fin de la conversation. Le répit aura été de courte durée pour Dalla.

Malgré la gravité de Sergio, la tension s’amenuise autour de nous, dans la Force, dans les échos des pensées entremêlées de mes frères et sœurs. Chaque seconde qui s’égrène repousse la crainte d’une embuscade. J’écoute vaguement la conversion qui s’engage, quelques pas en retrait, le regard perdu au loin. Le panorama est si monotone qu’il est facile de perdre toute notion du temps et des distances. Anachore et quelque part là-bas, encore invisible derrière la ligne ondulée de l’horizon, dessinée par silhouette renflée des plus hautes dunes. Pareilles à des bourrelets sur le corps d’un Hutt esseulé. A mieux y regarder, je crois distinguer quelques volutes de poussière, qui s’élancent vers l’azur pour disparaître rapidement, dispersés par les bourrasques. Elles sont soulevées par les piétinements d’une dizaine de milliers d’âmes, amassées autour d’une des rares sources d’eaux potables de la planète. Je m’en détourne seulement lorsque le ton monte à nouveau. Sergio recommence… Alors je m’incruste. Non, je ne le lâcherai pas de tout le trajet, même s’il doit sombrer dans le côté obscur par ma faute !

« Si je peux me permettre, Sergio… »
« Non Gary ! Pas maintenant ! »
« Permet moi d’insister… »
« Bordel, Gary ! Tu ne lâcheras jamais l’affaire hein ? Ok ! Accouche. Qu’on en finisse ! »

Je me racle la gorge. Recule de quelques pas, plaque une main dans mon dos. L’autre, index levé, virevolte comme celle d’un chef d’orchestre. Je déambule en parlant, caricature d’un de ces détectives surdoués tout droit sorti d’une holo-série policière. « Regardons les faits, mon cher Sergio...  Uniquement les faits ! » Il bout déjà de l’intérieur. « Nous ne sommes pas tombé dans un piège. Donc, par conséquent, j’ai envie de croire en la bonne foi de nos deux compères. Tous les éléments corroborent leur histoire. Dalla à entièrement raison. »
« Ca ne change rien. »
« Si, ça change absolument tout. »
Silence dramatique. « Les faits ! Si nos nouveaux amis fuient… C’est qu’ils craignent d’être poursuivis. Donc, ils ne feront jamais demi-tour. Et s’ils ne font pas demi-tour… Bah ils remonteront notre piste, en suivant les belles et larges empruntes laissées par les chenilles de notre camion-citerne, droit sur notre… »
« C’est bon, on a compris… »
« Tu es donc certain de vouloir les abandonner là ? Et de mener leurs poursuivants vers notre... base ? » Je n’ai le droit à un grognement en guise de réponse. Je commence à faire mouche. « Sinon, tu peux toujours les achever tout de suite, on leur rendrait probablement service… » L’esclave et le protecteur se raidissent, soudain très nerveux. Sergio lui, lève les yeux au ciel. Bien sûr que cette option n’est pas envisageable.

« Alors voilà ce qu’on va faire : » Taaadaaam, c’est le moment dans le film ou l’inspecteur pointe du doigt le coupable que personne ne soupçonnait :

« Nous les emmenons, avec nous, jusqu’à Anachore. »
« C’est une blague ?! »
« Jamais ! Nous ne retournerons pas là-bas ! »
J’ignore les commentaires et continue, impassible :
« Comme tu l’as martelé, Dalla ne fait pas partie de l’expédition. Elle aura donc tout le loisir de leur trouver deux places sur un transport en partance, vers un monde meilleur… N’est-ce pas ? Et, bien évidemment, je l’accompagne. Voit le bon côté des choses : tu ne m’auras pas sur le dos pendant toute l’après-midi, à commenter chacun de tes faits et gestes… » Une offre qui ne se refuse pas. Il ne me répond pas. Un silence lourd de sens. « Alors ? On a un plan ? » Démonstration en règle. Argumentation sans faille. La seule question que l’on pourrait se poser c’est : pourquoi ? Pourquoi tant d’énergie dépensée pour sauver deux âmes égarées ? Simplement parce que nous sommes des Jedi, les porteurs de la lumière. Notre devoir n’est pas de combattre l’obscurité par les armes, mais de le repousser par nos actions vertueuses. Telle est ma devise.

« Gary… Tu fais chi… Raaaah… De toute façon même si je refuse tu feras comme tu l’entends, au mépris de toutes les règles... Mais je te préviens, si y’a le moindre pépin, compte sur moi pour t’enfoncer devant le Conseil ! Comme tu le dis bien, leurs maitres sont probablement à leur trousse… Tu prends le risque de nous impliquer dans un conflit qui ne nous concerne pas ! » Il secoue la tête.

« C’est précisément pour ça que mon plan est parfait : vu qu’ils ont volé un speeder, Anachore est le dernier endroit où ils iront les chercher. » C. Q. F. D.
« Et si on les croise en route ? » Je hausse les épaules.
« On improvisera. Ce n’est pas quelques pécores qui vont te faire peur, si ? Toi a combattu sur le front… »

Sergio soupire, abdique définitivement et ordonne à toute la colonne de reprendre la route. Je remonte dans la cabine, coté conducteur, et laisse nos deux acolytes occuper les sièges du milieu. Ils sont calés entre Dalla et moi. La jeune femme apeurée ne parle pas, mais je peux lire un remerciement silencieux dans son regard fuyant. Tout sourire, alors que je laisse les premiers pick-up nous dépasser avant de presser l’accélérateur, je lance à Dalla :

« Première leçon de la journée, ma jeune amie. Les faits. Toujours les faits. Range tes émotions au plus profond de ton âme, car elles sont une arme facile à retourner contre toi. Alors que les faits, eux… Sont implacables… » Élémentaire ma chère Dalla. « Et… Rend moi mon datapad s’teup.»
Dalla Tellura
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Dalla était plus que fébrile. La situation n’avait fait qu’empirer depuis qu’elle était descendue du camion. Ce Maître Morales était plus têtu qu’un wookie et complètement obnubilé par sa mission.
Dalla s’en voulait surtout de s’être laissé clouer le bec. Elle sentait, pourtant, qu’elle avait raison de vouloir agir ainsi. Pourquoi ne pouvait-elle pas trouver les bons mots pour en convaincre le chef de l’expédition ? Elle sentait, pourtant, qu’elle avait raison. Mais comment exprimer ce sentiment , cette conviction ?

Elle venait à peine de revenir au sein de l’Ordre. Avait-elle déjà tout gâché, en quelques heures ?
Les derniers mots de Morales tournaient en boucle dans sa tête. Allait-elle se retrouver de nouveau seule en plein désert ? Une part d’elle n’était pas sûre qu’elle aurait le courage d’affronter à nouveau la solitude, le soleil brûlant à perte de vue, même pour une juste et noble cause.
Pour la énième fois depuis que le Conseil lui avait accordé le rang de chevalière, deux jours plus tôt, elle se demanda si elle méritait ce titre. Quand l’Ordre s’était retrouvé pourchassé, elle avait fui. Elle avait obéi à sa maître, bien sûr, elle ne pensait pas un seul instant qu’elle aurait pu, seule, à à peine vingt ans, faire fait quoi que ce soit contre la puissante République Galactique de Grendo S’orn.
Mais pendant les cinq années qui avaient suivies, qu’avait-elle fait pour les autres ? Pendant ces cinq ans, avait-elle agi d’une quelconque façon qui ait amélioré la Galaxie ? Qui ait allégé les peines de celles et ceux qu’elle était censée protéger ?
Avait-elle réellement mérité ce rang de chevalière ? Et, surtout, saurait-elle s’en rendre digne ?

Elle leva les yeux des demis-cercles qu’avaient fait leurs bottes dans le sable quand elle entendit Kovani intervenir une nouvelle fois.
La première fois, elle avait plutôt eu l’occasion qu’il voulait taquiner encore, même si elle n’était pas sûre de savoir s’il visait plutôt Morales ou Dalla.

Cette fois, cependant, elle sentit une bouffée d’espoir en voyant le jedi détective se dresser devant Morales.
La présence de Kovani lui semblait plutôt rassurante depuis qu’elle l’avait rencontré, peut-être parce que sans lui elle aurait continué à cuire en plein désert. Ou peut-être parce qu’il avait l’expérience et certaines des réponses qui lui faisaient encore défaut. Ou c’était peut-être le thé et le panini…
En tout cas, Morales semblait également, malgré son clair énervement, faire plus cas des arguments de Kovani que des siens. Ce qui n’était pas vraiment étonnant…

Dalla sentit un peu du poids qui oppressait sa poitrine se dissiper quand Kovani dit qu’elle avait raison.
Elle écouta les paroles du noorien avec attention. Elle n’avait pas du tout pensé à cet aspect des choses. Un frisson la parcourut, malgré l’air étouffant autour d’elle, quand elle pensa au Temple qu’ils venaient de quitter, à tous les jedi, et surtout tous les initiés qui s’y trouvaient. Certes, l’entrée du hangar, comme toutes les entrées de l’Enclave, était bien dissimulée dans la roche, mais leur Ordre était devenu si fragile…
Sa bure lui semblait encore plus étouffante et plus lourde, soudain. Quelle égoïste elle avait été ! Ne pas penser à leur nouvelle situation, à tous ces dangers qui les entouraient.
Elle s’était laissée aveugler par la satisfaction d’être rentrée. Par le confort de retrouver l’Ordre jedi et ses petites habitudes…

Dalla se tourna instinctivement vers les deux fugitifs quand elle les sentit se raidir. Bien sûr, elle savait que Kovani n’envisageait pas sérieusement de les achever, et elle était presque sûre que Morales non plus. Mais la zabrak et son compagnon ne savaient pas cela, ils ne savaient même pas qu’ils étaient de jedi. Cela devait être angoissant. Surtout pour des personnes qui avaient, peut-être pendant toutes leur vie, été traités comme des objets, sans empathie et sans respect.

Heureusement, Kovani enchaîna sur ce qu’il avait réellement en tête.

Morales comme le compagnon de la zabrak réagirent avec véhémence. Dalla devait avouer que ce n’était pas exactement ce qu’elle s’attendait à entendre.

Dalla remarqua que la zabrak avait porté sa main à son ventre, dans un geste visiblement protecteur, en entendant la déclaration de Kovani. Elle tourna les yeux vers Dalla et remarqua son regard. Elle enleva vivement sa main, les lèvres pincées. Dalla lui sourit de la manière la plus rassurante possible. L’effet était sûrement limité quand on était accompagné d’une dizaine de personnes en treillis.

Dalla reporta son attention sur Kovani. Son plan était loin d’être bête, et elle était soulagée qu’il propose de l’accompagner.

-Alors ? On a un plan ?

Kovani, Dalla, les deux fugitifs, et trois autres jedi, dont le chagrien de tout à l’heure, fixaient intensément Morales.

Dalla tiqua aux mots de « Conseil » et « maîtres ». C’était bien la peine de l’engueuler sur sa tenue et de couper Kovani, pour sortir ce genre de choses…
Avec un peu de chance, les deux fugitifs étaient trop soulagés de cette réponse pour avoir fait attention aux mots employés.
Et puis, peut-être que pour quelqu’un qui ne connaissait pas l’Ordre, ces mots n’étaient pas très évocateurs.
N’empêche qu’entre sa bure et ça, ils avaient encore plus de raison de faire que la zabrak et son compagnon leur soient reconnaissants. Elle était sûre qu’il y avait plein de personnes pour qui l’information de la présence des jedi dans ce coin de Tatooine valait sans problème deux esclaves !

Morales parti vers son véhicule, la zabrak se tourna vers Dalla.

-Personne n’est au courant, à part Haddy et moi…
-Je suis tenue par le secret médical, non ? répondit Dalla, en essayent de na pas trop se sentir coupable de l’avoir déjà dit à Morales.

C’était pour l’apitoyer et l’inciter à les aider, après tout.

La zabrak eut un tout petit sourire, très timide et assez triste, au fond.

-J’espère que votre ami sait ce qu’il fait, ajouta-t-elle en regardant Kovani monter dans le camion.

Dalla se retint de répondre un « j’espère aussi ». Elle était un peu comme le médecin de cette femme. Elle était une adulte et une chevalière, elle avait des responsabilités, à commencer par celle ce prendre sur elle-même, de ne pas inquiéter les autres inutilement.

Dalla soupira pendant que Haddy grimpait à son tour à bord, enjambant le sac de Dalla, resté à terre. Elle ne réalisait pas sa chance, quand Larna était encore là, et qu’elle pouvait non seulement se confier de ses appréhensions auprès d’elle, mais entendre des paroles rassurantes.
A elle, maintenant, d’être rassurante.

-Nous allons vous aider. Vous allez pouvoir quitter cette planète, et vous serez tranquilles.

Elle aida la zabrak – Zamya – à grimper à la suite de son compagnon dans le camion.

-Ça va ? Vos jambes ? Je… vous avez assez de place ?

Elle jeta un rapide coup d’œil à Kovani, espérant qu’il n’ait pas fait le lien entre mal aux jambes, jambes lourdes, grossesse…

-Je vais bouger mon sac, attendez.

Il était bien plus lourd que dans son souvenir. Il faut dire qu’elle était bien plus fatiguée qu’en montant dans le camion la première fois. Entre la chaleur, le stress du coup de feu, son pouvoir de guérison et la confrontation avec Morales…

Elle se hissa à son tour dans le camion. En refermant la portière, ses mains tombèrent sur la thermos, qu’elle gardait pour le bon moment. Les parois de sa bouche commencèrent à saliver à la pensée du thé, sûrement plus très froid, mais savoureux et surtout mouillé !

Mais les autres véhiculent s’ébranlaient, et Kovani démarra le camion.

Dalla n’eut pas le temps de méditer sur les paroles de Kovani. Elle avait complètement oublié qu’elle avait encore son datapad ! Elle l'avait glissé dans une poche intérieure de sa bure en descendant de véhicule et n’y avait plus pensé.
Elle se tortilla pour atteindre la poche en question, en essayant de gêner le moins possible sa voisine, ce qui’ n’était pas évident dans l’espace restreint entre Zamya et la portière.

Elle réussit enfin à sortir le datapad, et le fit passer à Kovani, après s’être assurée qu’il était bien de nouveau verrouillé.
Elle avait aussi remarqué que Kovani avait dés-affiché la carte de leur trajet. A moins que les paramètres de conduite se réinitialisent à chaque fois qu’on coupait le contact du véhicule. C’était le cas sur plusieurs vieux modèles, et c’était donc très probable vu l’état du camion.

Dalla s’apprêtait à savourer enfin son thé. Elle sortit le thermos de la portière. Apprécia un instant la sensation sur sa peau du métal plus frais que l’air ambiant.

Puis elle se rappela qu’elle n’était pas seule, et qu’elle était une jedi altruiste et bienveillante.
Puis elle se rappela que Zamya était enceinte.

-Euh, je… euh. C’est du thé noir… Ce n’est peut-être pas très…
-Je ne suis pas déshydratée. On avait de l’eau dans le speeder…
-On aurait peut-être dû aller le récupérer.
-Je ne suis pas sûre qu’on nous y aurait autorisés…

Elle n’avait sans doute pas tort.

Dalla se sentait mal de boire seule, alors elle proposa du thé à Haddy et à Kovani.
Après un instant de réflexion, elle avait décidé de s’adresser au jedi en l’appelant par son prénom. C’était sûrement plus discret. Au cas où…

-Vous vous êtes brûlée ? interrogea Zamya.

Dans sa recherche du datapad de Kovani, Dalla n’avait pas renoué sa ceinture aussi serrée, et un pan de tissu avait glissé de son épaule en attrapant le thermos.

-Coup de soleil…
-Il faut mettre du beurre bleu !
-Enfin, sauf si vous avez du bacta, ajouta Haddy d’un ton un peu amer.
-Herda ne nous en donnait jamais, bien sûr… murmura Zamya.
-C’est elle que vous fuyez ? interrogea Dalla, espérant que sa curiosité ne les effaroucherait pas.

Ils échangèrent un regard, puis Haddy répondit :

-Herda c’est ma tante. La sœur de mon père. Elle a une ferme près d’Anachore. Elle m’a recueilli quand mes parents sont morts… C’est là que j’ai rencontré Zamya… Chez nous, les esclaves sont moins chers que les droïdes, alors…

Il se tut un instant et prit la main de Zamya. Dalla détourna le regard.

Le sable s’étendait à perte de vue. Implacable.

-Quand… Enfin… il y a trois semaines, on a décidé que c’était plus possible. Trop dangereux pour Zamya et…
-On avait tout préparé. On attendait qu’elle aille chez le maire, à cause des taxes foncières, tout ça. Mais on avait prévu la chute de cette roche…
-J’ai paniqué, gémit Haddy. J’ai perdu le contrôle du speeder… J’aurais pu tous nous tuer…
-Où se trouve la ferme de votre tante ? interrogea Dalla.
-Au nord de la ville.
-On doit entrer par où, déjà ? demanda-t-elle à Kovani.
-Je pense qu’à cette heure-ci, elle doit déjà avoir constaté notre disparition…
-Sauf si elle est contente de son entretien avec le maire… Elle a peut-être fait un détour par la cantina de Thann…

Dalla regarda au loin. Une bonne partie de l’horizon lui était cachée par les véhicules devant eux, mais elle savait qu’ils s’approchaient de la ville. Elle sentait la tension monter.

-Vous savez où vous voulez aller ? Quelle planète ?
-Un endroit où il y a de l’eau ! s’exclama Haddy, avec un grand sourire.

Dalla se demanda soudain quel âge il avait.

-Je suis née sur Nar Kaaga. J’ai été vendue plus de six fois avant d’arriver ici. Je veux aller quelque part où l’esclavage est interdit ! Je me fiche de ce à quoi ressemblera la planète. Je veux aller dans l’espace républicain. Je sais que la République a interdit l’esclavage. C’est là-bas que je veux aller !

Dalla avait un peu l’impression qu’on lui avait tiré un coup de blaster en plein ventre. Elle avait un peu envie de vomir. Elle ferma les yeux. Elle tourna le visage vers l’extérieur, ignorant la discussion qui se continuait à sa gauche.

Quand elle rouvrit les yeux, les premiers bâtiments d’Anachore étaient visibles. Elle observa la ville, et lui trouva l’air triste. Plus elle s’approchait, plus elle voyait de bâtiments à l’abandon. Sans compter les traces d’anciens quais de train à répulsion, à moitié enfouis sous les sables.

-Il y a beaucoup de monde à l’entrée de la ville ? Non ?

A ce moment, la comm grésilla :

-Bleu leader ? On fait quoi pour le contrôle à l’entrée de la ville ?
-Suivez le protocole.

Dalla n’avait aucun souvenir de quoi que ce soit concernant un contrôle à l’entrée de la ville dans le mémo. C’était peut-être dans l’une des annexes en copie ?

-Pourvu que ce ne soit pas pour nous, murmura Haddy.

Pourvu que ce ne soit pas pour nous, songea Dalla, en coulant un regard inquiet vers Gary.
Gary Kovani
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Je fais mine de ne pas entendre la remarque. Moi ? Gary Kovani : est-ce que je sais ce que je fais ?! Baaaaah…. Le plus souvent non. J’agis à l’instinct, au feeling. Je ne suis pas du genre à planifier mes actions trois coup à l’avance. Je suis un adepte invétéré du dicton : « Agissons, nous verrons bien ce qui se passe ».

Alors, non, je ne suis absolument sûr de rien. Et c’est même à ce doute permanent que je dois ma survie. Les âmes trop confiantes finissent par succomber, aveuglées par leurs certitudes… Mais il y a l’effet inverse aussi : à trop improviser on se retrouve parfois dans une impasse, une meute de chiens aux fesses, et pour seule arme un slip tâché de la veille. C’est arrivé à un… hmm… un ami. Je secoue la tête pour chasser ces pensées idiotes. Le virage suivant est un peu moins serré que le précédent. La pente est plus douce à mesure que nous approchons de la base du massif rocheux. D’un coup d’œil dans le rétroviseur, je vérifie que la voiture balais ferme toujours la marche. Je repense au speeder accidenté. Ces deux loustiques ont eu de la chance de s’en sortir qu’avec des blessures légères. Si leur appareil n’avait pas été retenu par une saillie rocheuse, ils se seraient écrasé deux cents mètres plus bas. Et si n’étions pas passé aujourd’hui, ils seraient probablement mort de soif… Au moins, leur épave n’est pas visible depuis le haut de la piste, elle ne risque pas d’attirer trop l’attention. S’ils n’avaient pas tiré en l’air pour…

Je me raidis soudain. Mains crispées sur le volant. Ils sont armés. Le ton est monté si rapidement avec Sergio que ce détail, qui n’en est pas un, est passé entre les mailles du filet de nos esprits échaudés. Je ne regrette pas de m’être opposé à l’autoritarisme exacerbé du Gardien Jedi. Il abuse… Mais nous nous sommes emportés plus que de raison. Nos paroles ont dépassé nos pensées, nous en avons même oublié les protocoles de sécurité… Morales me fera porter le chapeau, c’est clair. Mais bon. Même si nos deux invités ont fait le rapprochement, qu’ils ont deviné notre nature, eux aussi cachent des secrets.

Les secrets font les bons amis, comme je dis souvent. Seuls les idéalistes croient que toutes les vérités sont bonnes à être avouées. Non, bien au contraire. Il faut savoir se taire, travestir ses pensées, jouer sur les mots. Ce n’est pas mentir : c’est s’exprimer avec tact. De la diplomatie à son bas niveau d’expression… Mais lorsque l’on devine le secret d’un autre, et qu’il devine le nôtre en retour, alors naît un pacte tacite, muet. Un équilibre des forces, une dissuasion mutuelle.

Les pensées tournent sous ma chevelure hirsute, ramenée en queue de cheval dont déjà des dizaines de mèches souillées de sueur et de sable s’échappent. Mais je reste muet. J’écoute leur histoire. Maintenant que j'ai donné ma parole, elle importe peu. J'irai jusqu'au bout, parce que je m'y suis engagé. Chacun révèle ce qu’il désire, ou ce qu’il ne peut contenir. Et je ne suis pas du genre à poser des questions indiscrètes, en dehors de mes enquêtes. Je déteste lorsque l'on m'en pose.

La suite du trajet se passe sans anicroches. Adieu le reg, bienvenue dans l’erg. La colonne de véhicules s’élance entre deux dunes si hautes qu’elles tutoient l’azur désespérément nu. Ça monte, ça descend. Ça monte, ça descend. Mieux vaut ne pas avoir le mal de mer. Un comble sur Tatooine. Très vite, nous apercevons les silhouettes trapues de la banlieue d’Anachore, déformée, ondulées, par les mirages causés par la chaleur extrême. Cette ville perdue en périphérie de la mer de Dunes, érigée dans une vaste cuvette sablonneuse, est surtout un amas chaotique de petites structures serrées les unes contre les autres. Les étroites ruelles préservent péniblement la fraîcheur nocturne, lovées dans l’ombre portée des bâtiments râblés. Elles canalisent aussi les vents, qui s’y engouffrent en prenant de la vitesse. Ventilation naturelle. L’ingéniosité implacables des peuples des bordures, qui, avec des moyens dérisoires, se débrouillent aussi bien que les peuples soi-disant civilisés du noyau avec leurs technologies éprouvées.

Le véhicule de tête ralenti. Nous contournons la première ferme hydroponique, creusée profondément dans le sol friable. Ses condensateurs, enchevêtrement complexe d’ailettes chromées et de durites opaques, captent le peu d’humidité qui remonte du sable lorsque la chaleur diurne chasse la fraicheur nocturne. Il y en a des centaines disséminées autour de la ville sur des dizaines de kilomètres à la ronde. L’entretient de ces installations est fastidieux, et nécessite beaucoup d’esclaves ou de droïdes… Hydroponeur, un métier à risque : il n’est pas rare que les hommes de sables s'aventurent jusqu’ici pour piller quelques litres d’eau. L'or bleu.

C'est justement l'élément liquide qui rend le syndicat des eaux est aussi influent. Une organisation mafieuse qui a la main mise sur la moitié des points d'eaux de la planète. Sur le papier, il est vassal des seigneurs Hutt de la région, eux-mêmes assujetti au puissant Kajiidic Djiilo. Mais dans la pratique, il est libre d'administrer ses concessions comme il l'entend, tant qu’il paye le tribut demandé. Un système féodal qui fonctionne tant que l’économie ruisselle, sans mauvais jeu de mot.

« On entre par le Nord, nous aussi… » La réponse sonne comme un aveu de faiblesse, comme une faille dans mon plan soi-disant implacable. Alors, je me sens obligé d’ajouter : « Pas le choix. Le syndicat des eaux y a un poste de garde. Deux ou trois pécores qui se grillent les miches au soleil, rien de plus sérieux... Mais personne n’approche de leur quartier général sans y être passé. C’est juste une formalité. Sergio sait ce qu’il fait.  » Lui

Nous ralentissons encore. Le cœur de ville est ceinturé par une modeste muraille en terre crue. Une défense rudimentaire seulement destinée à dissuader les Tusken d’y pénétrer. Quelques miradors, sur lequel sont juchés des hommes en arme, la dominent. Nous dominent. Je garde un œil sur eux, tout en assouplissant ma conduite pour éviter les à-coups susceptibles de nous rendre plus douteux que nous le sommes déjà. Je rebondis sur les propos de la jeune femme :

« De l’eau, il y en a partout. Sauf ici et sur Klatooine… » Je me demande soudain si le suffixe « Tooine » ne veut pas dire désert en vieux huttesque. « Je ne vous déconseille fortement d’immigrer illégalement vers la République. La législation s’est durcie ces dernières années. Les passeurs sont sur les dents. Ils vous extorqueront le peu qu’il vous reste, et vous largueront au milieu de l’espace profond dans des capsules de sauvetages bondées, livrés à vous mêmes et aux marées gravitationnelles. Si vous survivez, vous devrez échapper aux services de l’immigration. Vous serez contraint de travailler illégalement. L’exploitation de sans-papiers n’est qu’une autre forme s’esclavage. Vous allez fuir la peste pour vous jeter sur le choléra. Le risque n’en vaut pas la chandelle. Choisissez plutôt un tranquille petit monde agricole, le temps de vous retourner. Le travail des champs est rude, mais vous avez l’habitude… Et vous serez libre. M’enfin, vous êtes adultes, faites ce que vous voulez... »

La liberté. Un idéal. Un rêve. Un fantasme. Un mensonge. Personne n’est véritablement libre. Partout nous devons suivre des règles, des lois, des directives. La pression sociale nous assaille de toute part. La question n’est pas d’espérer jouir d’une liberté sans borne… Mais plutôt de chercher un équilibre satisfaisant entre le pouvoir et le devoir. Un équilibre instable qui peut basculer à tout instant, et qui mérite que l’on se batte pour. Le peuple de la République finira par s’en rendre compte un jour. Peut-être trop tard.

Pendant les minutes suivante, un lourd silence s’abat sur nos consciences. Mes mots ont maltraité les espoirs et les certitudes de nos hôtes, tandis que je sens l’aura de Dalla vaciller. Je comprends son malaise. Difficile de cautionner les élans de sympathie Républicains lorsque les souvenirs de nos défuns, fauchés par les tirs de nos anciens alliés, sont encore à vif. Je ne suis pas du genre à m’attacher… C’est ma manière de me protéger des inévitables drames.

Pour rejoindre la porte nord, nous devons traverser une bourgade clairsemée, dont la plupart des bâtiments sont abandonnés. Des colons, il y a bien des décennies, ont tenté de s’affranchir des règles strictes du syndicat des eaux en fondant ici leur propre comptoir commercial… Mais sans leur soutien logistique, les vents ont rapidement ensablé leurs installations. Maisons, hangars et quais de train à répulsion. Une initiative osée mais vouée à l’échec, dont la carcasse agonisante a été laissée à la vue de tous, comme pour rappeler ce qu’il en coûte de s’émanciper de l’ordre établi. Au milieu des congères massées par le vent contre les murs effrités, quelques os polis par la silice achèvent toute envie de pratiquer l’Urbex. Enfin, nous approchons du check point. Une barrière en métal flanquée de guérites en bois blanchi. Elle est baissée, c’est la première fois que je la vois ainsi. La zone grouille d’hommes en armes. Le foulard passé sur leurs visages avale leurs traits, leur donne des airs de momies ambulantes. Des momies équipées de lunettes de protection UV et de munitions en bandoulière par-dessus leurs treillis paramilitaires couleur sable. Ils ne portent pas l’écusson dégueulasse du syndicat des eaux. Des mercenaires ?

« Ça grouille de monde… Il se passe un truc. » Je lâche ces mots, regrettant aussitôt de les avoir formulés. J’ajoute du stress au stress. J’enchaîne donc, espérant me montrer plus rassurant : «  Mais ça n’a rien à voir avec vous, c'est sûr... Sauf si votre Herda est du genre rancunière et prête à dépenser une petite fortune pour retrouver son neveu.» Qui irait engager autant de mercenaires pour une simple esclave en fuite avec un benêt amoureux ? La colonne s’immobilise. Je tourne la tête vers nos deux invités, un sourcil levé. Haddy est crispé sur l’arme dissimulée sous son poncho. Il est si tendu que j’entends presque ses dents crisser entre ses mâchoires serrées. Je secoue la tête :

« Va falloir te détendre mon pote. Là tu pues le type louche à des kilomètres à la ronde. Même ta sueur sent la peur. Tu ferais mieux de me filer ton arme avant de… »
« Pas question !! Elle est à moi !! »


Sa manière de me couper la parole, réplique sèche et cinglante, éveille ma suspicion. Intuition de détective. Même la jeune femme à son coté parait soudain bien plus calme que lui. Pourtant elle est morte de trouille, parfaitement conscience du châtiment réservé aux esclaves en fuites. Je lâche les mains du volant. Et forme un « T » avec.

« Temps mort. » Mon œil plonge dans celui d’Haddy. Si intense qu’il ne parvient plus à le fuir. Je le happe pour y lire son âme. « J’ai pour habitude de dire que chacun mérite de garder ses secrets… Mais, là, je sens que y’a un truc que t’as besoin de nous dire… » Il secoue la tête, son regard fuit vers ses cuisses. Il se mure dans le silence jusqu’à ce que sa comparse lui donne un coup de coude, à présent convaincue, elle aussi, qu’il cache quelque chose. Elle a bien plus de pouvoir sur lui que moi.

« Je… C’est que… » Il se racle la gorge. « Au moment où nous allions mettre les voiles, que tu étais en train de finir de préparer le speeder, Herda est revenue. Elle était furieuse. Elle savait pour… Nous. Son rendez-vous avec le maire, c’était juste… un piège. Pour nous prendre la main dans le sac. Alors… Alors j’ai paniqué... » Il baisse les yeux sur la silhouette de son arme. « Je l’ai frappé. Avec la crosse. Juste un coup. Un seul. C'était juste pour la faire taire. Pour qu'elle m'écoute. Il y a eu un craquement. Elle est tombée, et… » Sa voix meurt. Zamya recule soudain, main posée sur sa bouche déformée par la terreur, comme si son compagnon venait soudain de changer de visage. « Je… Je ne voulais pas… Je… J’ai pas eu le choix, c’était elle ou toi, et… Je l’ai fait pour nous… »
« Haddy. Ferme là. Tu en as assez dit. » le ton glacial jette un froid dans la cabine, bien plus efficace que toutes les climatisations de ce monde perdu. J’en ai un frisson. Elle ne pleure pas, ne tremble pas. Sa timidité s'est évaporée sous la chaleur ardent de sa colère. Mais elle se contient. Elle renifle, regard assassin. J’inspire lentement. Et pose une main gantée sur l’épaule du paladin déchu. Il sursaute, penaud.

« Tu vas commencer par me donner cette arme. » Je la réquisitionne avant même qu’il n’approuve. « Et nous allons rester calme. Il va me falloir en dire plus sur ta tante, ses relations avec le maire, le syndicat… Ils ont déployé les gros moyens... Pourquoi ? » La tempête gronde sous monde crâne. Chimie synaptique. Overdose de neurotransmetteurs. « S’ils ont bouclé Anachore, c’est soit parce qu’ils vous cherchent à l’intérieur, soit parce qu’ils pensent que vous allez revenir… Mais comme on n’a croisé aucune patrouille dehors… » Cette conclusion ne fait vraiment pas notre affaire. J’ai raccompagné ces deux pauvres âmes dans la gueule du loup. « Ils vous pensent encore dans Anachore. Ils doivent retourner toute la ville, pour vous retrouver. Je pense que nous n’aurons aucun mal à rentrer… Mais pour la suite... »

Je lance une œillade à Dalla. Nous allons devoir la jouer fine. Sergio n'est pas un délateur, mais si nos deux fugitifs sont découverts, il fera le nécessaire pour que l’expédition ne soit mise en échec. Nous allons devoir nous esquiver aussi vite que possible, une fois en ville. Et raser les murs jusqu’au spatioport… Qui sera aussi, je ne me fais aucune illusion, sous autre surveillance. Je soupire. Mon super plan tombe à l’eau. Bordel. Qu’ai-je fait aux étoiles pour mériter un tel acharnement ?

« Dalla… Désolé de t’avoir entrainé là-dedans. » Sourire fébrile.  « Je propose que nous nous séparerions une fois passé le contrôle. Ils recherchent un homme et une esclave. Tu iras avec Zamya, vous passez devant. Je resterai avec Haddy, quelques rues en retrait. On garde le contrôle visuel quoi qu’il arrive. On se la joue décontracté. Cool. On reste sur les artères passantes, surtout on ne coupe pas par les ruelles louches, comme si nous cherchions à éviter les patrouilles. Evidemment, je reste ouvert à toutes les propositions. Si vous avez une meilleure idée, je signe direct. »

Haddy me dévisage de ses deux grands yeux ronds. Il balbutie :

« Vous, vous allez nous aider ? Malgré ce que j’ai fait ? » Je lui réponds par un haussement d’épaules suivi d'une claque amicale dans le dos, geste jovial destiné à faire retomber la tension avant que les mercenaires n’arrivent à notre niveau :

« Une parole est une parole mon ami. Et puis, je le sens quand les gens ont mauvais fond. Il m’est aussi arrivé de faire de très mauvais choix pour de très bonnes raisons. Ainsi va la F… » Je manque de prononcer le mot Force. Mais à peine ai-je refermé ma bouche hésitante que Zamya lance :
« Que la Force soit avec nous. »

Je n’aurais pas mieux dit. Je profite de cet ultime instant de répit pour me contorsionner, attraper mon thermos et ma dernière poche de nutriments. Je les descends tous les deux cul-sec. Un shoot de dopant ne sera pas de trop pour ce qui nous attend.
Dalla Tellura
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Le syndicat des eaux… Dalla n’avait prêté que peu d’attention à la situation économique et politique de Tatooine en arrivant, toute préoccupée qu’elle était de rejoindre l’Ordre. Mais elle en avait quand même entendu assez pour savoir que la situation était vraiment préoccupante. Un peu comme partout dans l’espace hutt, si vous vouliez son avis. Mais sur Tatooine, les problèmes inhérents à la mainmise des Hutts étaient encore aggravés par la pénurie d’eau. Dalla se souvenaient de cours qu’elle avaient suivis au Temple, où les Maîtres parlaient du statut de l’eau. Elle s’était insurgée, alors, comme plusieurs de ses condisciples, contre l’idée qu’on fasse de l’eau une marchandise dans certains systèmes.

Elle était assez âgée, maintenant, pour comprendre le sourire amer de ses professeurs. La marchandisation de l’eau était certes un problème, mais bien dérisoire, quand on avait de quoi payer cette ressource vitale. Sur Tatooine, en revanche…

Et une fois encore, ce fut un rappel douloureux de la situation très précaire de l’Ordre. Elle repensa en frissonnant aux paroles de Morales : « Sans eau, il n’y aura bientôt plus de jedi ».

-Quelle horreur d’être obligés de traiter avec ces criminels, grommela Dalla.
-Quelle horreur d’être obligés de dépendre de ces criminels, murmura Zamya.

Et Dalla se sentit un peu bête. Comme une enfant capricieuse, confrontée pour la première fois aux limites de pouvoir de ses parents, et rappelée à la modestie par quelqu’un qui n’avait jamais eu de pouvoir.

Dalla se sentait soudain honteuse des privilèges dont elle avait bénéficié toute son enfance. Malgré la guerre, les sith, puis la République. Elle n’avait jamais eu soif, ou faim, ou été frappée et traitée comme un objet.

Elle se sentait vraiment toute petite face aux miradors qui les cernaient. Elle était consciente de ne plus être une membre du tout puissant Ordre Jedi. Elle n’était rien pour ces hommes. Rien qu’une twi’lek un peu trop sûre de son bon droit. Une twi’lek seule, avec la petite dizaine de jedi qui l’accompagnait, non plus soutenue, mais soutenant l’Ordre rescapé…

Dalla fut tirée de ses réflexions amères par la remarque de Kovani.

-Il se passe un truc.

La barrière métallique était tout aussi inquiétante que les hommes armés qui l’entouraient.

Dalla se rendit alors compte que la tension était montée dans le camion sans qu’elle s’en rende compte. Zamya était stressée, bien sûr, Dalla n’avait pas besoin d’avoir la moitié de la cuisse collée à la sienne pour s’en rendre compte.
Mais Haddy semblait tout particulièrement crispé. Elle ne le voyait pas bien de là où elle était assise, le corps de sa compagne lui dissimulait une bonne partie de son profil. Les paroles de Kovani allaient dans le même sens. Mais ce fut surtout la réponse de l’humanoïde qui inquiéta Dalla.

Quelle arme ?

Dalla sentait presque les rouages de son cerveau tourner péniblement, comme immobilisés par tout le sable, par la chaleur irrespirable, par le poids du regard des hommes en armes, et par le marasme général dans lequel se trouvait la Galaxie.

Mais bien sûr, l’arme ! Celle qu’ils avaient entendu tirer, pour les alerter. Haddy l’avait gardée ? Cela lui semblait tellement improbable. Mais en même temps, elle ne voyait pas à quel moment on la lui aurait prise.

Kovani réagissait avec beaucoup de calme, et Dalla lui en était très reconnaissante, parce qu’elle ne se sentait pas du tout en état de prendre les choses en main. Repenser à la République l’avait beaucoup affectée, de même que les reproches de Morales, un peu plus tôt.

Dalla écouta, toute tendue, le récit de Haddy. Sa propre tension était encore aggravée par les sentiments qu’elle sentait émaner de Zamya.

Celle-ci recula, semblant vouloir s’éloigner de son compagnon, ce qui eut pour effet de pousser encore un peu plus Dalla vers la portière brûlante.

Mais ce n’était clairement pas le moment de se plaindre.

Dalla ne pouvait plus tourner le buste vers sa gauche, l’épaule gauche presque aussi proche de la portière que la droite. Elle tourna donc simplement la tête, la silhouette de Haddy toujours dissimulée par celle de Zamya. Mais au ton de Gary, elle sentit que le jedi avait récupéré l’arme. Ouf.

-Je… c’est une… balbutia Haddy.
-Son mari était le frère de l’ancien maire… le coupa Zamya.
-Ça explique peut-être le déploiement de force… Si elle a… avait toujours des relations…

Ça faisait quand même beaucoup de monde pour la belle-sœur de l’ancien maire. Sauf, bien sûr, si l’ancien maire était lié au syndicat des eaux. Ou à n’importe quelle organisation criminelle ou semi-criminelle locale.

Dalla n’était plus vraiment sûre du plan de Gary. Mais bien sûr, il serait compliqué de faire demi-tour maintenant.

-C’est plutôt moi qui… enfin…

Bon, c’est vrai qu’il lui avait proposé de venir. Elle espérait ne pas avoir à le regretter trop longtemps…

-Rien de mieux, non… Mais… espérons qu’ils nous laissent déjà passer…

Dalla essaya de se représenter ce qu’un garde pouvait penser de leur quatuor. 4 espèces différentes, 2 générations. Les vêtements de Zamya et Haddy étaient clairement sales et déchirées, ce qui risquait de les faire sortir du lot des jedi, moins poussiéreux, et dont les vêtements, surtout, n’étaient pas déchirés…

-Prenez ma b… veste, Haddy, déclara Dalla. Cela cachera l’état de vos vêtements. Je vais prendre votre veste à vous.

Elle regarda ses mains, qui portaient encore les stigmates de ses brûlures.

-Au moins, on est raccord niveau blessures. Je vais m’installer entre vous, pour éviter que les gardes vous associent l’un à l’autre.


C’était plus facile à dire qu’à faire. Dalla n’avait jamais été très souple, l’espace dans la cabine était étroit, et elle avait très peur de frapper Zamya ou de lui marcher dessus par inadvertance. Ils étaient trop près de la ville, maintenant, pour descendre du véhicule sans attirer les soupçons.

Après deux rencontres malencontreuses avec le plafond et un malheureux coup de lekku sur la tête de Zamya, Dalla réussit enfin à prendre place entre les deux fugitifs.

La veste de Haddy était un peu serrée. Elle n'essaya pas de la fermer.


-Vous, vous allez nous aider ? Malgré ce que j’ai fait ?

-C’était un accident, murmura Dalla, qui avait très envie de le croire.

Elle se tourna vers Zamya, le corps parcourut de frisson.

-Tu ne devrais pas dire ça, Zam,
chuchota Haddy. On ne sait pas qui…

Sauf que bien sûr, maintenant que Dalla était assise entre eux, ils ne pouvaient pas communiquer discrètement.

-Je ne m’en fais pas pour nos alliés, déclara Zamya, les yeux plongés dans ceux de Dalla.

Puis elle tourna son regard vers Gary. Dalla tourna complètement la tête, pour voir son compère avaler le reste de son repas.

Il avait à peine fini que la file de véhicule repartit. Ils restèrent tous quatre silencieux, les yeux rivés sur les hommes armés qui entouraient la route.

Dalla sentit la main droite de Haddy frémir, comme s’il brûlait de prendre la main de la femme qu’il aimait. Mais Dalla était entre eux. Surtout, il fallait éviter que les hommes du syndicat, ou du maire, ou qui que ce soit, les identifient comme un couple.

Ce fut enfin le tour de « bleu 4 » de passer le poste de contrôle. La chaleur envahit l’habitacle quand Kovani ouvrit sa fenêtre. Haddy resta immobile, silencieux, très tendu. Zamya, plus sûre d’elle, joua l’impatience. Entrant dans la stratégie de Dalla, elle échangea ostensiblement avec la twi’lek un regard irrité. Elle jeta aussi un coup d’œil à Gary et à l’homme qui le contrôlait. A aucun moment ses yeux ne se posèrent sur Haddy.

-C’est vous la citerne ? demanda la sentinelle en huttese. Vous avez une capacité de combien ?

Sous ses couches de protection, Dalla n’arrivait pas à identifier son espèce.

-6000 litres, je crois, déclara-t-elle, se rappelant l’avoir lu dans le mémo.

La sentinelle la regarda.

-Il vous est arrivé quoi ?
-Notre véhicule a versé dans un canyon… déclara Zamya, le bras négligemment posé sur la poignée de sa portière, son bandage bien en évidence.

L’homme les regarda pendant des secondes qui semblèrent infinies à Dalla. Puis, enfin, il leur fit signe de passer.

Haddy ne put retenir un soupir de soulagement.

-On est passés !
-Ce n’était que la première étape…

Une fois que le dernier véhicule eut passé le contrôle, le convoi jedi roula encore quelques instants, puis s’arrêta dans une sorte de cour entre plusieurs bâtiments. Certains ressemblaient à des hangars, d’autres à de petits immeubles à trois étages. Le plus imposant était une citerne, de près de 30 mètres de haut.

Une fois le camion immobilisé, Zamya fut la première à sortir. Dalla l’imita après quelques instants. Elle se décida à attraper son sac. Il valait peut-être mieux qu’elle garde son sabre sous la main. Que ce soit pour s’en servir, ou pour éviter qu’il traîne sans surveillance dans le camion.

Morales se dirigeait déjà vers eux, l’air peu amène. Certains autres jedi, descendus de leurs véhicules, se dirigeaient tranquillement vers la ville. Dalla leur emboîta le pas, Zamya sur les talons.

-Ça va ? demanda-t-elle à la zabrak, quand celle-ci cala sa cadence sur la sienne pour qu’elles marchent à la même hauteur.
-Ça va, répondit-elle d’une voix blanche.
-Vous vous sentez prête ?
-A quoi ?
-A tout. La fuite, la suite. Ça.

Dalla fit un petit signe de tête vers le ventre la zabrak.

-Ça va vous faire beaucoup de choses à gérer…
-Vous pensez que j’aurais dû rester sagement chez ma propriétaire ?
-Je n’ai jamais dit ça…
-Vue la façon dont elle me traitait, je n’aurais jamais pu mener cette grossesse à terme.

Dalla n’osait pas encore se retourner pour vérifier sir Gary et Haddy les suivaient bien.

-Vous ne lui faites pas confiance.
-Quoi ?
-A Haddy. Vous pensez qu’il n’est pas à la hauteur.

Dalla ne répondit pas tout de suite.

-Pas à la hauteur de quoi ?

Zamya eut un petit rire.

-De tout. De ça.

Elle imita le geste de Dalla.

Elles s’arrêtèrent au tournant d’une petite ruelle, bloquée par un cortège de dewback. Dalla en profita pour regarder autour d’elle, se forçant à regarder d’abord à sa droite, et seulement ensuite derrière elles, afin de vérifier que « bleu 4 bis » était bien là.
Gary Kovani
Gary Kovani
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« Deuxième leçon du jour, mon bon ami : ne jamais prendre une décision sans disposer de toutes les informations requises… » Je lance la maxime improvisée à un Haddy décontenancé, dont le visage couvert de sueur trahit sa culpabilité. Il trouve la force de lever un sourcil interrogateur, visiblement accablé par tant de pensées que sa gorge reste sèche, muette. Il transpire littéralement la peur et la confusion.

Du coin de l’œil, j’avise la silhouette de Sergio qui fonde sur notre position. Je réagis aussitôt. Ma paume gantée s’écrase sur le dos d’Haddy, entre les deux omoplates. « Aller, on bouge… » Un geste amical faussement anodin. Je profite de la proximité physique pour lui insuffler l’apaisement, via la Force. Même ceux qui ne maitrisent ses arcanes y sont sensibles. La lumière chaude et maternelle qui irradie de ce contact chassent la peur, la colère et le doute dans les méandres de l’âme d’où elles ne devraient jamais sortir. J’applique assez de pression sur le dos d’Haddy pour le forcer à avancer, afin de sortir le plus vite possible de rayon d’action de Sergio. Le Maitre Jedi ne risquera pas la réussite de la mission, même si l’envie de me jeter au visage un : « Je t’avais prévenu Gary ! » le démange tant que je peux presque entendre ses pensées. Il se fige, bras croisés sur la poitrine, dès que nous quittions le périmètre du convoi. Son regard assassin pèse sur mon échine, qui frissonne malgré la chaleur étouffante.

« Détend toi Haddy. Décontracté. Soit cool. » L’apaisement fait lentement son effet. Ma main quitte son dos, et retourne dans mes poches. J’avance d’un pas décidé, ni trop rapide, ni trop lent. Je laisse à Dalla et sa comparse une trentaine de mètres d’avance. Elles s’engagent dans une ruelle, chemin le plus rapide pour rejoindre le spatioport, en théorie. « Facile à dire… »

Lorsque Haddy me lance un nouveau regard, l’éclat dans ses pupilles étrécies par la luminosité insoutenable n’est plus le même. Il a quelque chose… d’accusateur. Peut-être même une pointe de jalouse. Je lui décoche un sourire amusé. Il réagit aussitôt, retrouvant sa verve, preuve que l’apaisement a officié comme prévu, sans qu’il ne s’en rende compte. « Ça veut dire quoi votre leçon là ? Si vous aviez eu toutes les infos, vous nous auriez abandonné dans le désert c’est ça ? »

Je réponds d’abord par un haussement d’épaules. Puis par quelque chose d’évasif, de taquin « Qui saurait l’affirmer ? Ni toi. Ni moi. Nous ne le saurons jamais. Le passé est écrit, il est immuable. Penser aux possibles manqués ne change rien à l’instant présent. Alors laisse tomber. »
« Pff… Vous parlez comme un putain de livre… On dirait que ça vous amuse… » Il regarde par-dessus son épaule, comme un gars qui s’attend à être suivi. « Tout ça… »
« Non, je ne m’amuse pas. Je fais le nécessaire pour survivre. » Mon ton devient plus sec, tranchant « Toi tout ce que tu fais, c’est nous mettre en danger. Bordel arrête de regarder derrière toi toutes les deux minutes ! »
« Je suis sensé faire quoi ? C’est la première fois que je suis hors-la-loi… Contrairement à vous j’imagine… » La réplique se veut sarcastique. Il ne se croit pas aussi proche de la vérité. Une pinte de mélancolie s’invite à mes pensées. Oui, hors-la-loi et pourchassé dans la moitié de la galaxie connue. Je secoue la tête :
« J’ai simplement l’expérience des filatures. Plus qu'une science : un art… »
« Filature ? Suive quelqu’un ? un art… Mais bien sûr » Je le sens dubitatif plus que moqueur. Tant de candeur est presque… rafraichissant. Voilà une belle occasion de meubler le silence par une conversation d’apparence anodine, qui le détournera de ses pensées pour Zamya et son enfant en devenir. Pendant ce temps, au moins, il ne parait pas suspect au premier coup d’œil.
« Détrompe-toi mon ami ! Filer quelqu’un c’est plus que le suivre… C’est marcher dans son ombre, aussi discret de que le vent. Il faut savoir garder ses distances, juste assez pour tuer les soupçons, mais pas trop pour ne pas le perdre. Il faut sentir l’état d’esprit de sa cible, décrypter son langage non-verbal. Si le moindre doute surgit, il faut le tuer dans l’œil. Bifurquer, s’arrêter, détourner l’attention… Tout faire pour que ta silhouette n’apparaisse jamais dans son champ de vision direct.

Ou au contraire, tu peux laisser ta cible d’apercevoir. Faire semblant de filer discrètement quelqu’un. Quel intérêt tu vas me dire ? Pour lui mettre la pression, le pousser à la faute. Ça marche à condition d’être très subtile, sinon l’autre comprendra tes intentions.

Il y a mille façons de filer quelqu’un… »


Une démonstration théâtrale qui se heurte au pragmatisme terre à terre sans faille de mon interlocuteur :

« Heu… Ok… Mais là on ne file pas les filles. On ne fait que les suivre… » Echec, mais pas mat. Gary n’est jamais mat. Gary est trop brillant pour être mate.
« Raison de plus pour se la jouer décontracte. Il n’y a rien de moins naturel que d’avoir l’air naturel. Tu piges ? »
« Heu, non. » Il ne m’aide pas !
« Le gars qu’on vient de croiser, est-ce que tu as mémorisé son visage ? » Je lui file un coup d’épaule au moment où, par réflexe, il se retourne pour observer la silhouette du dévaronien qui vient de passer à coté de nous, en sens contraire. Il sortait d’une arrière-boutique, plusieurs rondeurs suspectes lovées dans ses vêtements amples. Haddy interrompt son geste, et mon répond :
« Bah, heu, non. Je ne l’ai pas regardé. » Amateur !
« Mais tu t’es fais une opinion de lui quand même ? Une impression ? »
« J’en sais rien ! Je… je crois qu’il marchait vite. Il avait pas l’air net. »
« Bingo mi amigo ! Tu vois… Notre cerveau est une vraie machine. Il enregistre des tas d’informations, tellement, que seule une infime fraction est réellement traitée par ses circuits logiques. Il en résulte tout un tas d’images et de sensations qui d’inscrivent dans de grandes boucles synaptiques préconçues, la plupart depuis l’enfance. Des biais, préjugements et aprioris qui influencent ta pensée et ton état d’esprit sans même que tu t’en rendes compte. Croise un gars qui tire la gueule, et tu penseras intuitivement qu’il n’était pas sympathique. Bref. Tu comprends mieux ? »
« Je crois oui… Mais comment vous savez tout ça ? »
« Bah disons que comme un mécanicien aime comprendre le fonctionnement des mécanismes, moi j’aime comprendre comment fonctionnent les gens. »
« Mais c’est quoi votre boulot ? Psychologue ? »
« Non. Je suis un trouveur. »
« Un quoi ? »
« Un gars qui retrouve les gens qui se sont perdus sur le chemin de la vie. »
« Ah… Ok. » Se sent-il visé ? Peut-être. J’enchaine, pour achever ma démonstration :
« Pour en revenir à nos banthas… » Expression très populaire dans le coin. « Dis-toi que ces impressions inconscientes sont tes pires ennemies. Si tu regardes derrière toi, si tu baisses le ton quand quelqu’un s’approche, si tu chuchotes tout le temps… Si tu marches trop vite, trop lentement, si tu fuies systématiquement du regard tous ceux que tu croises, s’il s’accroche trop souvent sur la silhouette de Zamya devant nous, si tu conserves une distance trop parfaite avec elle… Si tu fais tout ça, alors tu sèmeras la suspicion dans les inconscients. Et lorsque ces badauds anonymes seront interrogés sans ménagement par ceux qui t’en veulent, leurs premières pensées iront vers ta silhouette jugée suspecte.

Donc. Soit naturel, cool et décontracté… »


Dalla et Zamya sont stoppées par un troupeau de Dewback. Elles s’arrêtent.

« Tu vois, là si on s’arrête à trente mètres, comme des imbéciles, pour garder la distance, quelqu’un se demandera sans même s’en rencontre compte : pourquoi ces deux types louches attendant au milieu de la rue. Ne change rien de ton attitude surtout… »

Je ne ralentis pas. Je casse la distance pour me poser, à coté des deux jeunes femmes. J’attends patiemment que les Dewback passent feignant d’en avoir strictement rien à carrer d’elles. Les lézards quadripèdes, lourdement chargées de denrées alimentaires, descendent l’allée principale de la ville depuis le spatioport pour rejoindre la place du marché central. Leurs pas martèlent le sol. Ils soulèvent tant poussières et de sable que la visibilité ne dépasse plus deux mètres. D’un geste vif et rapide, profitant de la situation, je glisse une oreillette dans la poche de Dalla. Un dispositif miniature, gélatineux, qui s’adapte parfaitement à la plupart des morphologies proches humaines. L’un des éléments clés de mon petit kit de détective tout terrain. Leur couleur jaune-orangé les rends très discrets. Une fois en place, elles ressemblent à un bouchon de cérumen. Tout ce qu’on risque, c’est de passer pour des êtres à l’hygiène auditive douteuse…

Lorsqu’enfin la route se libère, j’avance sans attendre. Je n’ai lancé aucun regard à Dalla, ni même prononcé la moindre parole. Je regarde à gauche, à droite, pour traverser l’avenue très fréquentées par des speeders hors d’âge dont je n’aimerais pas tester le système de freinage d’urgence. Je m’arrête de l’autre côté de la chaussée, devant une échoppe de fruits secs. Ils ont une sale tronche, bien trop fripés pour être honnêtes. Je devine les grains de sables lovés entre les plis de peau craquelée. Ça va croustiller sec.

« Un peu creux Haddy ? »

Il secoue la tête, médusé par tant de nonchalance. J’attrape une barquette cartonnée et jette deux pièces au vendeur. Il en mord une par réflexe. Puis, convaincu du résultat, il passe déjà à un autre client.

Pendant ce temps, du coin de l’œil, j’avise la progression de Dalla. Etant moins expérimentée que moi en sciences de la filature, je préfère la laisser devant. Mais que va-elle choisir ? Remonter l’avenue principale, se noyer dans la foule, au risque de devoir franchir de nouveaux cordons de sécurité avant le spatioport… Ou contourner la cohue par les petites rues tranquilles, mais labyrinthique qui pourraient nous faire perdre un temps précieux ? Ce choix lui appartient. J’active l’oreillette, plaque mon datapad sur mon oreille comme si je répondais à un appel courte fréquences :

« Si on se perds de vue, on reste en contact radio. Ouvrez la voie, je couvre vos arrières. Si jamais y’a un souci et que tu ne peux pas parler, tu te grattes l’arrière de la tête, nous interviendrons. Sinon, aucun contact direct, ni visuel, ni verbal. Pas la peine de te retourner pour vérifier que je suis là. Je serai toujours là quand tu en auras besoin Dalla. »
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