Alita T. Drummer
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Ils avaient cavalé le long d’une  ligne allant de Rhodia jusqu’à Coruscant.

Le voyage avait été une épreuve. Pénible. Interminable. Alita avait quelques faux papiers d’identité sur elle. Hélas, ni Mavia Khal, ni Nebula Kox, ni Siofra Elder ne correspondaient à l’archétype du super-soldat musclé et taciturne. En résumé, la nécessité d’échapper aux douanes officielles des spatioport avait corsé leur périple.

Elle avait dû éroder sa patience - ainsi que ses économies, auprès des pires faussaires de l’espace Hutt pour obtenir des papiers qui donnaient l’illusion que Jóska Drummer existait. L’ironie n’aurait pas pu être plus cruelle. A l’aube de sa vingtaine, elle touchait du doigt un rêve de petite fille : avoir un frère. Ce qui lui restait de persévérance avait servi à expliquer le concept de fraternité à son compagnon de route.

La chose fut bien plus aisée à démontrer que la tangibilité des relations charnelles entre un homme ou une femme. Ou un homme et un homme. Ou une femme et une femme. Ou une Twi’lek et…A cette simple idée, elle se découragea.

Pourquoi Coruscant ?

Ton père, je le connais. Il était avec moi. Il a… fait. Il était avec eux.

Ces mots, articulés par les lèvres épuisés, hantaient ses nuits, occupaient ses journées. Pas une seconde ne s’écoulait sans que l’énigme paternelle ne la tourmentât. Quoiqu’il eût fait; il était mort, incapable d’en parler, réduit au silence de l’éternité. Ne demeuraient plus que le sujet 384, et les rapports cryptés dérobés au laboratoire cadézien. La clé de déchiffrage se trouvait probablement sur Coruscant, dans un laboratoire d’informatique prisé par les reporters d’investigation, ou les truands en col blanc.

Elle y avait ses accès.

Cependant, les dossiers dérobés représentaient une masse à traiter conséquente. Des mois ne suffiraient pas. Il fallait envisager de poser bagages sur Coruscant pour une certaine période, non-définie bien qu’étirable.

Au fil de la Voie Perliemme, à bord de la navette de transport commun, Alita avait tenté d’apprivoiser Jóska. A chaque décision, elle avait pris le temps de lui exposer ses choix et leur justification. A l’aide de Pi, elle avait illustré ses propos avec des holographies de Coruscant dont les reflets ténébreux avaient éclairé les murs de leur cabine étroite. Deux lits superposés, un lavabo, une armoire exiguë leur avaient servi de mobilier. Le robot-aspirateur, cependant, avait encombré leur espace - ne cessant de pincer, d’aspirer férocement. S’il avait pris l’habitude d’épargner Alita, il s’attaquait souvent à Jóska.  En venir aux mains dans cette pièce misérable était devenu insupportable. Malgré tout, elle avait refusé d’abandonner cette pièce rapportée de Rhodia. Pi avait théorisé sur l’amour de sa maîtresse pour toute intelligence artificielle enrobée d’acier. Elle avait farouchement nié.

A leur débarquement sur Coruscant, elle regretta presque la routine qui s’était installée durant le trajet.

Direction les bas-fonds. Où seraient-ils allés d’autre ? D’accoutumée, Alita ne roulait pas sur l’or. Après un si long voyage, elle arrivait plus pauvre qu’elle n’était partie. Les hôtels aux façades ensoleillées étaient à proscrire, les beaux quartiers à éviter. Contre toute attente, elle n’avait pas enseigné à Jóska le concept de richesse ou de pauvreté. La honte l’en avait empêché. S’il avait la moindre capacité de jugement, elle n’aurait pas supporté qu’il portât un œil critique sur sa situation financière délabrée.

Aussi délabrée que le taudis qu’ils visitèrent au lendemain de leur arrivée.

Au matin, elle avait entraîné sa petite troupe dans la ronde épuisante des visites immobilières. Jusque-là, tous les biens en location dépassaient son budget. Aussi pour faire bonne figure, elle inventa quelques défauts à chacun d’eux. Ascenseur en panne, rue bruyante, cuisine sans équipement.

Celui-ci est parfait ! s’exclama-t-elle en frappant dans ses mains, figée au beau milieu d’une pièce sans fenêtre. Les fenêtres n’existaient pas à ces  niveaux de profondeurs. Plus on s’enfonçait dans les entrailles de Coruscant, plus la lumière artificielle s’éloignait de celle du soleil. Ici, un néon se contentait d’éclairer un endroit sans chaleur. Dans un coin, une salle de bain fonctionnelle, dans un autre une chambre. Quant à la cuisine, ou au salon, ils se trouvaient en plein dedans.

Vingt-mètres carrés de vide absolu, mais…

C’est vraiment parfait, répéta-t-elle auprès de l’agent immobilier.
Moins d’un millier de crédits par mois, c’était l’occasion rêvée.
Pour les gagner, rien de mieux que de se remettre à investiguer dans ces quartiers miséreux.

Qu’il faille accéder à l’appartement en traversant une maison close n’était qu’un petit aspect parmi d’autres. Qu’ils entendissent résonner sourdement la musique de ce même établissement, juste sous leurs pieds, un détail qu’elle préféra oublier. Il suffirait d’aménager, de trouver du mobilier de troisième main.

Le droïde-aspirateur aspirait déjà des petits débris ci et là.

Alita porta son regard au-delà des hélices de Pi. La carrure de Jóska ne bronchait pas. Elle se sentit plus que jamais responsable de lui. De fait, elle aurait souhaité lui prodiguer un meilleur toit au-dessus de la tête ainsi qu’un environnement plus stable. Ce pied-à-terre n’était que temporaire. Sitôt ses premiers reportages vendus, ils pourraient déménager plus haut.

D’une pression sur un datapad, elle signa de son empreinte le bail de location, reçut les clés en échange.

Pi…
Oui, Alita ?
Quelles sont nos chances de nous faire braquer dans un endroit pareil ?
Quasiment nulle, Alita. Les statistiques tendent à prouver que les maisons closes offrent des environnements sécuritaires, pour le bien du commerce.
Bien tenté, mais je vais nous dégoter un verrou, ou plusieurs. Voire un système d’alarme.
Alita, mes calculs indiquent que la priorité serait une table, de l’électroménager, un lit.
Deux lits, rectifia-t-elle sans oser regarder Jóska.
D’après les mesures au sol, deux lits amputent beaucoup d’espace.
Pi, parlons-en plus tard.
Puis, se tournant vers le super-soldat, elle sourit :
Qu’en penses-tu ? C’est bien sûr temporaire. Et je prévois un neutraliseur d’odeurs dans le périmètre de l’appartement.

D’un pas familier, elle approcha, enroula ses mains autour du bras gauche de son frère, l’expression amusée.

Je vais t’envoyer en mission durant mon travail. Trouver des meubles, ton droïde-aspirateur pourra t’assister.

A cette proximité, elle percevait toutes les nuances corporelles de Jóska, de la solidité de ses muscles à son parfum indescriptible. Etait-ce seulement un parfum ? Elle approcha le bout de son nez recourbé pour humer près du cou masculin, curieuse de lever le voile sur ce mystère. Elle imaginait la violette amère de Cadezia flatter le derme palpitant. Rêveuse, elle égara son souffle autour du col dont elle souhaitait saisir les arômes, oublia le temps, oublia l’espace, se remémora tous les moments où ils s’étaient frôlés ou touchés.

A regret, elle se força à briser la bulle pour le lâcher, puis s’éloigna d’un pas.

Je vais avoir du travail, notamment avec les rapports cryptés.


Jóska
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Leur niveau, dans les bas-fonds, grouillait de bruits, à l’image d’insectes infestant une carcasse en décomposition. Diptères et leurs larves - coléoptères - acariens. Tous avaient un bruit particulier ; une appétence spécifique ; le paysage coruscanti les nourrissait tous. Il entendait le moindre crissement dans les entrailles putrides, l’insignifiant flottement, la basse palpitation, l’infime vibration se répercutant contre des masses qui émettaient en réponse leur propre réplique. Il avait cartographié l’abîme, et ses habitants de chairs ou d’acier, dans leur envergure, leur potentiel létal, leurs fonctionnalités, sans que cela ne se traduisît en vocable cadézien ou basic. Il était fort de précision, mais faible de dénomination. Quelle indication inscrire dans le datapad qu’Alita lui avait confié ? Son dictionnaire privé s’étoffait, mais Jóska se révélait parfois trop vague pour que la journaliste identifiât l’objet, ou l’être, en question. Son approche du monde était différente, sensiblement trop atypique pour permettre un échange compréhensible. Il parlait sons émis, gabarit, matière, alors qu’Alita attendait une description claire. Six mètres de masse enrobée de roche, grignotant les pierres artificielles ; mandibules cliquetantes dévoreuses de métal ; amas informes mangeurs de particules.

Qu'était-ce ?

Ses impressions restaient… non baptisées.

L’œcuménopole était comme son esprit : peuplée, à chaque recoin, de formes dépourvues de mots les qualifiant, de dangers concevables, mais parfois innommables.

Que pensait-il de cet endroit ?

En quels termes ?

Ses goûts personnels ne l’empêchaient pas de vivre dans cet espace dépourvu de lumière naturelle, tandis que son instinct lui conseillait de partir au plus vite. La lumière artificielle lui brûlait les yeux, l’air corrodait sa peau, les bruits menaçaient ses pensées de nombreux maux. Il percevait tout cela alors même qu’un sens lui faisait défaut, le plus puissant.

L’odorat.

Il ne quittait plus le masque confectionné lors de leur voyage par un garçon possédant deux antennes au sommet du crâne, qu’Alita avait nommé Balosar dans son datapad. En échange de quelques flimsiplasts, que Jóska avait trouvé dans le sac volé à Rodia, le fabricateur aux mains habiles avait prélevé un changeur d’air dans le coffre du droïde-aspirateur, et l’avait intégré à un masque au tissu singulier. S’il était rigide au contact de la peau, ou de tout autre matériau palpable, il restait fluide contre son nez et ses mâchoires, permettant ainsi les mouvements les plus subtils sans dérangement. Sa couleur transparente laissait sa bouche visible, et l’aspect fumé de certaines parties camouflait les mécanismes neutraliseurs d’émanations. Préservé de tout ordre parfumé, Jóska s’en défaisait rarement, notamment pour garantir la sécurité d’Alita.

Que pensait-il de cet endroit ?

Il l’examina, le visage impassible, mais le regard à l’éclat métallique très attentif. Comme à peu près toutes les heures, il ne put s’empêcher d’écouter ses constantes, de décortiquer les différences, de scruter le moindre signe de fatigue. Elles étaient bonnes, bien qu’altérées par l’environnement vicié de la planète.

— C’est…

Sa voix n’était pas transformée par le masque ; elle gardait un ton grave, rocailleux, comme rouillé.  

— Oui.

Un neutraliseur d’odeurs était un achat essentiel, sans quoi il ne prendrait pas le risque d’être près d’elle, visage découvert. Surtout dans une pièce aussi… petite.

Un changement dans l’air, la lueur d’une prise de décision mutine dans ses prunelles émeraude, et il sut qu’Alita avait décidé de venir à lui. Il ne s’écarta pas, prit l’initiative imperceptible de tâter son pouls à son poignet du bout de ses doigts curieux, avant que son bras ne s’enroulât complètement autour du sien. Fréquence cardiaque normale. Son corps crispé par la promiscuité interdite se détendit très légèrement. Il devait rester aux aguets, particulièrement en cas de dysfonctionnement de son masque. Rien n’était infaillible. Ainsi, dès qu’elle s’approcha de son cou, il fit un pas de côté, et se libéra de son emprise dans un geste ayant la fluidité de l’eau.

Les rapports cryptés. 

Nathan Drummer. 

Les expériences sur lui.

— Où vas-tu travailler ? demanda-t-il en lui tendant son datapad.

Sur l’écran à fond noir grésillait le tracé bleu iridescent d’une carte représentant les différents niveaux de Coruscant.

— Je pourrais t’accompagner. Être journaliste.

Le droïde-aspirateur, non content de son éventuelle fuite, lui pinça le bras ; Jóska, habitué à l’agressivité robotique, ne se détourna pas d’Alita.

— Et trouver des meubles… après.

Nouveau pincement, qu’il ignora comme le précédent.  

— Il y a… une fille, non, plusieurs filles, qui ont proposé leur lit quand nous sommes passés… chez elles. Veux-tu que j’aille le chercher maintenant ? Cela ne sera pas long, il suffit juste que…

Le droïde-aspirateur lui aspira le t-shirt, l’obligeant à se tourner vers lui, et expirer un « quoi ? » de mauvaise humeur.
— J’ai trouvé mon nom, fit la voix de synthèse.
Jóska roula des yeux.
— Tu es agile, alors tu te nommes Chat.
Le robot actionna ses pinces jumelles.
— Moi, je pince, je pourrais être mite de roche…
Puis, le droïde aspira de nouveau son t-shirt, ce dont Jóska se défendit mollement.
— … mais j’aspire alors je pourrais être kubaz.
Mite de roche - kubaz, d’autres mots inconnus, ne signifiant rien.
— Mais toi, tu as un nom cadézien, alors moi aussi je dois en avoir un.
Jóska inspira profondément.
— J’aspire, et je pince. Je suis Sisemstipam.
Jóska fronça les sourcils, se tourna vers Alita, revint au droïde.
— J’accepte le surnom Sisem.
— D’accord, Sisem.
Le robot cliqueta son euphorie, avant de se diriger vers Alita, de la frôler de ses pinces sans lui faire de mal, de tourner autour d’elle, avant de demander :
— Toi aussi, tu acceptes, Alita ?
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Chat. Sisemstipam.

Deux noms pour deux drôles d’oiseaux. Depuis la mort de son père, Alita avait soigneusement évité toute forme d’attachement affectif. Allant de la simple amitié à la romance la plus fusionnelle. Elle ne croyait ni en l’un, ni en l’autre. Elle avait privilégié les relations courtes, donnant-donnant. Tout ce qu’elle avait de sentiments, d’instinct ou d’intuition, elle préférait le mettre au service de sa grande ambition : servir le monde en l’informant.

Pi avait été le premier être - mécanique certes, mais intelligent, à entrer dans son existence en deuil. Il possédait l’exception de l’allié, existait comme outil indispensable; était devenu compagnon inestimable.

Puis le sujet 384, puis…

Bien sûr que j’accepte. Sisem, mh? Tu vas devenir un vrai berata ! s’exclama-t-elle après avoir rompu le fil de ses pensées.

Formaient-ils une troupe semblable à celle de Jay’ ?

Dans une galaxie aussi peuplée, on ne restait jamais bien seul bien longtemps.

Jóska, nous devons parler de ces filles.

La tâche s’annonçait colossale. Elle l’aurait volontiers accomplie avec un remontant. A défaut, elle captura le datapad entre ses doigts fins, quitta la carte luminescente pour ouvrir le dictionnaire qu’ils bâtissaient ensemble. Elle ajouta une nouvelle entrée, la moue concentrée.

Prostitution. Ainsi que ses nombreux dérivés : prostituées, proxénètes, maison close. Enfin, comme il était de coutume, elle indiqua les équivalents en jargon galactique : bordel, etc.

Ces filles sont des travailleuses du sexe. Pour être claire…
Elle soupira, rien n’était jamais clair avec lui.
Elles vendent leurs corps à des mâles qui paient pour en disposer sexuellement.

D’un geste fébrile, elle fit apparaître le concept déjà vu de sexe, sexualité, rapport charnel, bien qu’elle doutât qu’il eût assimilé la chose avec suffisamment de clarté. Tant pis. Quoique

Soudain, elle déposa l’appareil sur une surface plane, attrapa un morceau de minerais que Sisem, par chance, n’avait pas encore aspiré. Il s’agissait d’un petit débris charbonneux dont l’aspect absorbait la lumière. Avec détermination, elle avisa le mur qui lui faisait face. D’un blanc sale, il était suffissament clair pour être marqué.

La pointe de la roche grinça désagréablement contre le plastacier couvert d’un plâtre effritable et bon marché.

Alita s’appliqua à dessiner les corps féminins et masculins au mieux. A sa décharge, elle n’avait aucun talent artistique; se targuait seulement d’exceller en matière de schéma. Elle parvint à dégager une œuvre qui ne fût pas abstraite bien qu’esthétiquement discutable. Les muscles mâles et les courbes femelles, d’espèces humanoïdes, formaient des entrelacs obscènes. Le tout représentait l’acte sexué sous divers angles.

En réalité, elle était plutôt fière de son tableau, , en plein milieu de leur futur salon.

Alita, les rapports de proportions anatomiques ne sont pas….
Ce n’est pas la taille qui compte, Pi ! souffla-t-elle, frottant ses mains pour se débarrasser des poussières minérales.
Elle se tourna vers Jóska.
Bon, tu vois, le sexe. Enfin, l'acte de reproduction qui ne mène pas toujours à une reproduction, ça se monnaie pour un tas de raisons. Bon, déjà parce qu’il n’est pas toujours évident de trouver un partenaire consentant  à tous les coins de rue, ou parce que certaines femmes ou certains hommes ont un appétit assez féroce, et ont la flemme de séduire pour arriver à leurs fins, enfin pour plein de prétextes. Pour résumer, l’acte se fait normalement dans un lit. D’où l’expression proposer son lit. Tu comprends c’est une métaphore, ce n’est pas à prendre au premier degré, puis si tu leur prends leur lit, ce sera un vol, et j’ai certainement pas envie de dormir dans un lit où des….dizaines de…passes ont vu le jour.
En moyenne, une cinquantaine par semaine, d’après les statistiques du ministère du travail Coruscanti.
Bref, mais peut-être que tu devrais accepter l’une de ces propositions, je veux dire…moi je t’apprends la théorie, mais rien de mieux que la pratique. Parfois, c'est très agréable.

Assez agréable pour lui insuffler une larme d'humanité dont il semblait à peu près dépourvu.

Sisem s’appliquait déjà à aspirer les particules charbonneuses sur le mur, avec un résultat mitigé. Ses servomoteurs alourdissaient l’atmosphère d’un courant d’air tiède et bruyant.

Quant à Sisem, c’est ton droïde, tu dois être responsable de lui. Par exemple, il aurait besoin d’une révision, d’une mise à jour; je connais un roboticien qui pratique de bons prix. Sans parler qu’en plus des meubles nous aurons besoin de vêtements. Pi, tu notes ?
Par ordre de priorité, Alita : Neutralisateur d’odeurs. nourriture, vêtements, meubles, contrats.
Est-ce que j’ai un ex ou deux à Coruscant ?
Tandis que Pi consultait sa base de données, elle précisa vers Jóska.
Je demande à Pi de faire une liste, c’est toujours utile. Moi, je ne m’en rappelle jamais, surtout lorsqu’ils sont mauvais au lit.
Exercice pratique; avait-il compris l’allusion ?
Affirmatif, Alita. Adler Rendar.
Elle grimaça sa déception.
A ce nom, sa mémoire lui présenta un humain blond, aux yeux aussi noirs que l’espace irrespirable. Une carrure plutôt agréable. Un caractère franchement détestable.
Pourquoi avons-nous rompu ?
Vers le sujet 384 :
Pi consigne cela aussi, ça me permet de savoir si je peux reprendre contact ou pas.
Il a plagié l’un de vos articles.
Ah oui, je me souviens. A cette époque, n’était-il pas pigiste pour Vox ?
Affirmatif.
Parfait. Tu peux trouver ses coordonnées ?
Cela va me prendre du temps, mes accès aux réseaux Coruscanti ne sont pas à jour.

Puisque son droïde cherchait dans les limbes de sa connectivité une mise à jour, elle avait un peu de temps : nécessaire à ne pas laisser Jóska livré à lui-même.

Tu ne peux pas être journaliste c’est…
Elle l’examina de la tête aux pieds.
Tu es trop imposant. Et ton vocabulaire n’est pas assez au point. Puis

Alita craignait de l’exposer en public. Quoique fût le sujet 384, on le convoiterait pour ses capacités martiales. Si seulement elle pouvait le garder enfermé ici, toujours, jusqu’à lever le mystère sur les expériences dont il avait été victime. Trouver, peut-être, sa véritable identité. Le libérer. Toutefois, elle ne pouvait guère se résoudre à le traiter comme d’autres l’avaient fait avant elle. S’il fallait lui rendre une part d’humanité, concéder une relative autonomie était obligatoire.

Bon, très bien. Allons te trouver un métier. Et surtout un neutralisateur d’odeurs.


© Laueee
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Jóska suivit des yeux les gestes d’Alita, grimaça quand elle tortura le mur avec le pointu de la roche. Le pas souple, il s’approcha dans l’intention de lui ravir l’objet de torture, ne fit qu’observer ce qu’elle avait produit. Des corps entrelacés dans des positions peu naturelles, voire impossibles. Il s’intéressa plutôt au matériau utilisé. L’odorat lui manquait pour un rapport complet. Il plaqua la pulpe de son index sur le plâtre, attira quelques miettes, qu’il effrita du pouce, reproduit le mouvement pour le résidu charbonneux. Les particules étaient fortement dégradées, mais il ne décela aucune paillette dangereuse. Pouvait-il seulement faire confiance à son instinct ? Il carra ses mâchoires. Pouvait-il suivre les informations incrustées si loin dans son esprit troué qu’il ne parvenait plus à les retrouver ? Il fit un pas en arrière, se tourna vers Alita, l’imagina à la place de la femelle dessinée, plissa les yeux, retourna à l’oeuvre, revint à elle.

— J’ai entendu cela, dit-il en pointant l’une des scènes.

Il entendait d’ailleurs, à l’instant où ils parlaient, d’autres dessins, ainsi que d'autres bruits, du bois tapant contre un mur, des grincements métalliques, des râles faisant penser à l’égorgement d’animaux, mais décida de garder ses réflexions pour lui. Tout comme sa réponse quant au fait d’apprendre, en pratique, la théorie exposée sur leur mur. N’avait-elle pas dit « payé » ? Elle avait inscrit ce mot sur le datapad, et il sous-entendait une monnaie d’échange, qu’il n’avait pas. Il n’avait aucun crédit à dépenser, ni d’ailleurs aucune envie à assouvir. Aucune de ces femmes ne l’intéressait, leurs soupirs ne réveillaient absolument rien chez lui ; leurs souffles étaient identiques aux hélices de leurs droïdes, du brouhaha quelconque. Une position, cependant, imposa un souvenir brûlant lui rappelant les thermes rodiens. Il se souvint d’autres gémissements, d’autres gestes, qui l’avaient bien mieux détourné que ne le faisaient ces autres dans les lits payés. Sa température monta d’un cran. Son corps se remémorait, comme s’il l’expérimentait présentement, le corps d’Alita contre le sien, ses mains arrimées à ses hanches, et ses propres lèvres expulsant, près des oreilles féminines, son prénom.

— Alita, dit-il comme il avait murmuré.

Elle parlait à son droïde, ne l’avait pas entendu. Tant mieux. Il se détourna, croisa les bras et s’adossa à l’un des murs. Une mise à jour ? Alita lui avait expliqué le concept. Cela avait permis d’ajouter la parole au robot-aspirateur. Maintenant il avait un nom, et pouvait plus aisément lui faire perdre patience. De quoi Sisem avait-il besoin en plus ? De toute évidence, lui n’avait rien à troquer, ni aucun crédit à donner. Un sentiment houleux compressa sa poitrine, qui s’accentua quand elle lui avoua pourquoi il ne pouvait pas être journaliste.

Imposant.
Vocabulaire pas assez au point.


D’autres phrases explosèrent dans ses pensées morcelées

Mais pas toi.

Tu n’es plus humain.


Il avait déjà éprouvé ce sentiment. Quand il avait été renvoyé dans sa geôle mentale, d’une pression sur une télécommande. Libre, pourtant impuissant. L’équilibre lui avait permis de reprendre un contrôle, de trouver une faille, de s'affranchir. Cela n’était d’aucune utilité ici, dans le royaume physique. L’équilibre ne lui ferait pas obtenir des crédits, son inhumanité non plus. Le feu se propagea dans ses veines. Il inspira. La paix intérieure commence dès l’instant où tu choisis de ne pas laisser les autres ou les évènements contrôler tes émotions, Andreas. À quoi bon ? Il décroisa ses bras, se rendit près des fenêtres ouvertes sur l’immensité viciée.

Super-soldat ké.
Juste donner une cible.


Il n’y arrivait pas ; l’équilibre le fuyait.

Il n'y a pas de passion, il y a la sérénité.
Il n'y a pas de chaos, il y a l'harmonie.


Andreas, qui était Andreas ?

Était-ce une phrase de son passé ? L'avait-il entendue ? Vécue ?

Il ferma les yeux.

— Quel métier, Alita, où il ne faut pas parler ? Où il ne faut pas comprendre ? Où je pourrais garder ce masque ? Où il n’y a aucune odeur ? Où on ne me questionnera pas ? Où on m’expliquera ce que je ne saisis pas ? Où on ne comprendra pas que je ne suis… pas humain ?

Sisem avait arrêté son ménage, et les observait, ses pinces bougeant sans faire de bruit.

— Pi, quel métier pour… une entité comme moi ? Niveau d’honnêteté maximum, exigea-t-il en se tournant vers la journaliste.
Alita T. Drummer
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Aucun, Monsieur Jóska. Un métier où il ne faut pas parler, ne pas comprendre, ne pas sentir, ne pas être questionné, où on comprendra que vous n'êtes pas humain est un métier pour lequel on emploie des droïdes.
Alita leva les yeux au ciel, la lèvre inférieure frémissante.
Ces métiers englobent la sécurité, le nettoyage, poursuivit Pi d’un timbre mécanique, dépourvu de la moindre humanité.
N’écoute pas Pi, Jóska, fit-elle en l’approchant.

A son tour, elle croisa les bras, l'œil pétillant, le nez retroussé par l’assurance. Quel métier conviendrait ? A vrai dire, elle ne savait pas. La Galaxie abritait des milliers de planètes, brassait des milliards d’individus : un métier devait bien exister pour lui. Une tâche hybride, conçue pour les entités entre l’homme et la machine, entre l’humanité et la monstruosité. Non, il n’était pas monstrueux. Le souvenir de ses mains tueuses autour de sa gorge remontèrent à la surface de sa mémoire. Une nausée faucha sa poitrine.

S’il tuait des innocents, elle se sentirait profondément responsable.

Tu vas devenir journaliste, céda-t-elle. Si c’est ce que tu veux, tu pourras être d’abord mon assistant. Mais je te mets en garde…

Elle s’éloigna sous les bips perplexes de Pi. Sisem, quant à lui, brassa l’air de ses pinces enthousiastes, visiblement satisfait de la tournure des choses.

C’est un métier profondément ingrat. Au départ, on est très mal payé, à la pige. Puis, nous sommes jamais les bienvenus. Sans parler des collègues plagieurs. Des heures supplémentaires non-rémunérées, des enquêtes d’investigation dangereuse.

Après une profonde inspiration, elle avança vers lui, puis se saisit de son couvre-chef. Elle observa la chevelure mi-longue, aux reflets ténébreux, s’épanouir autour du visage masqué, arrangea quelques mèches en arrière. Cette figure qu’elle côtoyait depuis des semaines, qui lui était pourtant dangereusement inconnue, appelait son empathie. . Derrière le masque - pas celui qui filtrait les odeurs, mais celui de chair et de sang, existait une âme humaine. Profondément enfouie. Son instinct le lui certifiait. Elle avait manqué de discernement; l’avait injustement traité.


Finalement, c’est un métier qui te conviendra parfaitement. Puisque tu seras celui qui questionne, celui qui observe et où tu pourras conserver ton masque.

D’un geste badin, elle enfila la casquette au sommet de son propre crâne. Dans quoi s’embarquait-elle ? Des problèmes, toujours plus de problèmes; ce qui, au final, avait été sa vie. La seule stabilité qu’elle connaissait était la vérité immuable qu’elle cherchait à chaque investigation journalistique.

Alita. j’ai trouvé les coordonnées d’Adler Rendar, intervint Pi.
Paré pour ta première mission, Jóska ? Adler m’en doit une avec cette histoire de plagiat. Il va pouvoir nous donner des informations à propos des clés de décryptage; je sais qu’il a accès aux technologies nécessaires.
—- A votre dernière rencontre, vous l’avez traité de “Petit con arrogant, sans honneur, débile comme le cul d’un bantha et…
Tu consignes ça aussi ? le coupa-t-elle avec étonnement.
Oui, Alita.
Elle ferma les yeux, se massa l’arête du nez.
Il a dû oublier. Je crois qu’en plus j’avais trop bu. Enfin, ne me juge pas Pi ! J’étais…il m’a volé l’article de ma carrière !
Je n’ai pas de logiciel de jugement.

Dépitée, elle s’adressa au cadézien, un faible sourire aux lèvres.

Qu’en dis-tu ?





© Laueee
Jóska
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Aucun.

Aucun métier, parce qu’il n’était ni un humain, ni un droïde.

Sujet 384.
Super-soldat ké.


Alita aurait dû le laisser dans la jungle inhospitalière, son corps hybride soumis au dessèchement régulier, au dépérissement inévitable, à l’anéantissement par une nouvelle troupe d’autochtones cherchant un monstre éteint. Cela aurait été une fin plus acceptable que cette dérivation incertaine. Il avait vu sa lèvre trembler alors que Pi disait sans ambages ce qu’elle refusait d’admettre à voix découverte ; avait entendu son coeur s’accélérer de battements frénétiques alors qu’elle mentait ; avait compris son dégoût quand son ventre s’était tordu de nausées ; avait su que tout ceci n’était qu’un cirque quand elle avait joué avec sa casquette avec le même sourire qu’elle avait offert à Jayselme quand elle pensait que tout était perdu pour eux.

Sa première mission.
Adler Rendar.

Qu’en disait-il ?

Qu’il devrait disparaître dans les tréfonds de l’oecuménopole pourrissante, se laisser dévorer par ses démons, quels qu’ils fussent. Rendre une liberté volée dans le naufrage d’un vaisseau. Les données cryptées sur les actes que son père, Ethan Drummer, avaient faits, n’étaient pas suffisantes, ne changeraient rien à sa nature instable.

Incurable.

— Oui.

Il avait cartographié l’abîme, savait où trouver le silence.

— Je vais t’accompagner.

Dans un entrecroisement, cependant, il prendrait une autre voie.

— Sisem, dit-il en se tournant vers le droïde.

Sisem cliqueta ses pinces avec enthousiasme.

— Trouve ce dont Alita a besoin. Nourriture. Eau. Vêtements. Meubles, récita-t-il comme Pi l’avait fait quelques minutes plus tôt. Pour les…

Il hésita.

— … crédits, trouve un moyen.

Sa ténacité devrait le pousser à un chapardage ingénieux.

[…]

La piste Adler Rendar n’avait rien donné. Rien d’immédiat, avait dit Alita. Ils devaient se rendre ailleurs, dans l’espace Hutt, récupérer autre chose, un élément caché au coeur d’une planète gangrénée. Nar Shaddaa. Ce nom était aussi silencieux que les autres. Il n’avait pas questionné, Alita avait quand même expliqué que le lieu était « une décharge » avant de mettre sa définition dans le datapad. Sens 1, action de décharger des marchandises qui ont été transportées ; sens 2, action d'enlever un poids qui surcharge ; sens 3, lieu public où l'on déverse débris et déchets divers ; sens 4, tir simultané de plusieurs armes ; sens 5, action de diminuer ou d'annuler la charge électrique d'un corps électrisé ; etc, etc…

Cette fois, c’était le sens 3.

Un maelström d’odeurs pire que celui de leur échappatoire sur Rodia, là où il avait ressenti, dans son corps, une autre sorte de décharge, lorsque tous les ordres s’étaient confondus pour le laisser inapte. Tremblant. Tu ne peux pas m’accompagner, avait-elle expliqué, préoccupée. Il n’avait pas contredit, avait prétexté chercher des éléments pour son droïde, pensait déjà à son effacement.

À présent, il était là, environné de Pi, et d’autres bruits, d’une multitude de présences qu’il voulait oublier.

Il observa son datapad, écouta son grésillement familier, chercha une entrée particulière, en créa une nouvelle.

Merci.

Sens 1, d’avoir voulu soigner.
Sens 2, d’avoir recouvert.
Sens 3, d’avoir écouté.
Sens 4, d’avoir cru.


Cette fois, c’était tous les sens.

Il remit le datapad à Pi, les crédits, et disparut dans la foule hétéroclite. Aussi silencieusement et habilement qu'un félin.
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