Joao Orama
Joao Orama
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Le café était encore chaud et la brise fraîche du matin agitait doucement sa barbe grise. Un horizon libre de tout obstacle s’offrait à lui. Les montagnes tutoyaient les cieux et découpaient les rayons du soleil levant. Une neige fraîchement tombée recouvrait la cime des arbres, donnant au paysage un aspect figé et silencieux. Le temps semblait arrêté.

Le vieux général était soucieux. Il y a quelques jours, une communication militaire était arrivée. Il était convoqué devant un tribunal de guerre. Quand il pensait enfin pouvoir se reposer, la grande muette le rappelait pour le faire parler. Il savait pourquoi il était convoqué et, même si ce n’était pas formulé précisément dans la requête, il savait qu’il allait finir sur le banc des accusés.

De vieux dossiers avaient dû être retrouvés, des rapports d’opérations, de combats, de déploiement, avec les détails des ordres donnés par les officiers en charge, dont les siens. Joao n’a jamais été exempt de tout reproche. Il n’a jamais su se conformer à l’image de perfection demandée par l’armée. Il avait failli à plusieurs reprises, s’autorisant à des écarts de conduite pour assurer le succès d’une mission, d’un objectif qu’il jugeait primordial pour l’avenir de la République et la bonne conduite des opérations de guerre.

Pendant les combats, les services internes de l’armée l’avaient averti. Les dossiers problématiques seraient temporairement enfouis, cachés au milieu des innombrables rapports inhérents à toute guerre, mais cette cachette ne subsistera qu’un certain temps. Les dossiers allaient forcément ressortir un jour, quand les plus ambitieux n’auraient plus d’os à ronger ou d’ennemi extérieur à combattre.

Le vieux militaire était anxieux et avait peur. Peur de tout perdre, encore. Peur de se retrouver séparer de sa femme, encore. Elyanna ne savait pas tout, il n’avait pas eu le temps de tout lui dire, ni la force de le faire. Elle s’en doutait, forcément. Elle savait qu’un homme de son grade devait faire des choix parfois compliqués, parfois contre-nature, mais elle n’imaginait probablement pas à quel point certains pouvaient être discutables.

Joa remonta les manches de sa chemise. Après tout, c’était peut-être la dernière fois qu’il ressentirait l’air frais d’Aldeeran avant longtemps, autant en profiter. Il fit une photo mentale du paysage devant lui et ferma les yeux. Le soleil vint petit à petit lécher son corps puis son visage, propageant sa chaleur sur le corps du vieil homme. La nature s’éveillait, lentement, ses bruits se mêlant à celui du vent.

Elyanna regardait depuis plusieurs minutes son mari. Cet homme, à la fois un inconnu et son plus proche ami et amant. Ils étaient mariés, avaient eu une enfant, mais le temps les avait éloignés. Elle ne lui en voulait pas d’avoir préféré sa carrière, elle ne lui en voulait pas trop. Elle s’était toujours douté qu’épouser un militaire sortant de l’école d’officier serait compliqué, elle ne s’était juste pas doutée qu’il partirait pendant 20 ans. Il avait été plus souvent loin d’elle qu’à ses côtés et aujourd’hui, il était assis sur sa terrasse. Son retour changeait beaucoup de choses et pourtant, elle avait le sentiment, peut-être même le pressentiment, que ces moments ensembles allaient être éphémères et qu’il allait bientôt repartir. Elle n’imaginait pas à quel point elle voyait juste.

Elle s’approcha de la vitre qui s’ouvrit dans un glissement à peine audible. Le vent vint soulever légèrement sa robe de nuit. Le froid un peu trop mordant à son goût lui donna la chair de poule. Elle s’approcha de Joa et posa une main douce sur son épaule. Il sursauta légèrement et tourna la tête pour la regarder du coin de l’œil.

Une main, presque géante, vint saisir tendrement celle d’Elyanna. Joao y déposa un baiser et la gratifia d’un grand sourire. D’une voix calme et presque murmurée, il lui dit :

« Je ne t’avais pas entendu arriver. J’espère que je ne t’ai pas réveillée en me levant ? Je ne me suis toujours pas habitué au rythme d’une vie normale. »

La vieille femme récupéra sa main, un petit sourire aux lèvres qui disparut dès qu’elle prit la parole.

« Non, je n’ai rien entendu. Tu semblais songeur quand je suis arrivée, à quoi pensais-tu ? »

Joa fronça doucement les sourcils, accentuant sa ride du lion. Son regard se perdit à l’horizon quelques instants. Quand il lui répondit, sa voix se fit plus forte et un peu plus dure. Le militaire reprenait vie en lui.

« J’ai reçu un message, il y a quelques jours, de l’armée républicaine. Je suis convoqué devant un tribunal militaire. »

Elya s’assit à ses côtés et posa sa tête sur l’épaule de son mari. Elle ne voulait pas affronter le regard glacé et vide d’émotion qu’il devait avoir en prononçant sa phrase. Elle n’en avait pas le courage.

« Sais-tu pour quelles raisons ? »

Après un long soupir et une profonde inspiration, le vieil homme répondit d’une voix qu’il voulait douce et rassurante. Cela n’eut pas l’effet escompté sur celle qui partageait maintenant sa vie, mais elle se garda bien de le lui dire.

« Ils ne l’ont pas précisé, mais j’ai peu de doutes. J’ai été amené à faire ou à ordonner des choses contraires aux règles d’engagement de l’armée républicaine. Je ne l’ai jamais fait gratuitement, toujours avec un objectif précis en tête. À l’époque, j’ai été averti que je risquais gros, mais il n’y a jamais eu de suite. Je suppose que quelqu’un veut se faire bien voir et est tombé sur les bons dossiers. »

Joao cachait volontairement que les services internes de l’armée l’avaient couvert. Il ne voulait pas alarmer sa femme plus que nécessaire, il ne voulait pas qu’elle le croit coupable de trafic d’influence ou de corruption alors que ce n’était pas le cas. Le vieux général avait toujours assumé ses actes et ses ordres et jusqu’à maintenant, on ne le lui avait jamais reproché. Il sentit néanmoins Elyanna se raidir légèrement quand il eut expliqué les causes de sa convocation. Il ne rentrerait pas plus loin dans les détails, mais il savait que l’imagination de sa femme allait lui faire envisager le pire.

Le silence s’installa entre eux. Les deux étaient plongés dans leurs pensées. Joao essayait de construire sa défense pendant qu’Elyanna réfléchissait aux conséquences de ces accusations pour eux, mais aussi pour elle. Après plusieurs minutes d’introspection, Elya enleva sa tête de l’épaule de son mari et se positionna face à lui. Elle reprit la parole, d’un ton assuré et ferme.

« Il est temps de resserrer les rangs. Construisons ta défense, je peux appeler nos avocats, nous ne nous laisserons pas faire, soyons une équipe. Agissons enfin comme le couple que nous aurions dû être. »

Cette histoire réveillait les instincts endormis de politicienne d’Elya. En poussant encore un peu, elle pourrait presque se sentir plus jeune d’une dizaine d'années. Joao fronça les sourcils. De son côté, l’instinct de préservation du militaire semblait refaire surface également.

« Non. »

Sa voix tonna, Elya en fut bouche bée et ne réagit pas. Il continua, plus doux et calme.

« Je suis accusé de crimes de guerre, Elyanna. M’accompagner donnerait raison à toutes les accusations de tes opposants ici, sur Aldeeran et tu serais discréditée, reniée par ton camp, par ceux qui t’ont supportée et probablement par certains amis. »

« Ma position sur Aldeeran et mon influence vont décroissants depuis la perte de mon ministère. Si des amis choisissent de s’éloigner de moi pour ça, c’est que ce ne sont pas des amis. Enfin, l’opposition a déjà réussi à me faire évincer, ils ne pourront pas faire grand-chose de plus. »

Joao sentait que sa femme tenait à l’aider. Qu’elle ne changerait pas sa ligne de conduite et que cette tentative de la faire changer d’avis ne servait à rien. Il se détendit, résigné, tripotant sa barbe grise pendant qu’il réfléchissait.

« Si tu veux m’aider, je préfère que l’on reste discret. Je ne sais pas jusqu’où cette histoire va aller. A ma connaissance, la convocation du tribunal n’est pas publique. L’armée gère généralement ses problèmes seule et dans la discrétion. Néanmoins, je ne sais pas qui à fouiner, ni pourquoi. Je ne prendrai pas le risque que cette affaire te retombe dessus… »

Elyanna le coupa.

« J’apprécierais vraiment que tu acceptes mon aide. »

Le vieux général arqua un sourcil puis repris, plus mielleux, mais sans dévier de ses idées.

« Oui oui, c’est d’accord ! Différons nos départs. En limitant nos apparitions ensemble, nous devrions passer inaperçus. »

Elle le coupa de nouveau.

« Tu ne m’empêcheras pas pour autant de chercher qui en a après toi pendant que tu seras occupé avec le tribunal ! »

« Non non non, je ne t’en empêcherai pas ! »

Un sourire commençait à naître sous l’épaisse moustache du militaire. Sa femme, elle, réussissait à rester sérieuse. Pourtant l’image de ce vieux grincheux qui fait semblant de s'agacer d’être coupé avait de quoi faire rire.

« L’armée met à ma disposition une navette pour ce voyage, je la prendrai seule. De ton côté, tu peux me rejoindre sur Coruscant par le moyen que tu souhaites. C’est là-bas qu’aura lieu le jugement. »

« Tu seras logé où ? »

« Probablement dans une base militaire. Nous devrions pouvoir nous rencontrer dans la zone des invités et en insistant un peu, tu pourrais peut-être venir dans mes quartiers. »

Elyanna prit quelques secondes de réflexion avant de répondre.

« D’accord. Je propose que toutes nos discussions autour de cette affaire aient lieu ailleurs que dans la base. Je connais un bar dans les étages d’une tour coruscanti proche du spatioport : Le Coronet Céleste. »

Ce bar n’était pas très connu, ni très réputé. Il était effectivement dans les étages d’une tour en surface, mais quand même très proche du sol et de la zone de la couche de séparation entre la ville haute et la ville basse. Ce bar était surtout privilégié par les pilotes et équipages de vaisseaux commerciaux de passage sur la planète capitale. Ils y seraient tranquilles et loin des oreilles indiscrètes.

« Très bien. J’espère qu’ils me laisseront sortir de la base. Je ne connais pas bien les règles dans ce genre de situations… »

Leur discussion continua ainsi pendant encore plusieurs dizaines de minutes. Préparant le voyage, leurs rencontres et le comportement qu’ils auraient ensemble dans la base militaire. Elyanna en profita également pour envoyer un message à ses avocats, avec une classification d’extrême urgence.

Le sujet le plus important n’avait pas été abordé : qu’avait fait Joao ? Cette question attendrait encore un peu, Elyanna n’était pas pressée de le savoir et Joa ne semblait pas pressé de lui dire.

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