He’Thu Lhoss aka Alysha Myy’Lano, yellowgreen
Kil Regh, white

Quel étrange moment. Je n’ai jamais senti la responsabilité peser sur mes épaules, jusque-là, dans la mesure où les nombreuses entrevues que j’ai pu avoir avec le Chancelier, tout puissant qu’il est, ne me mettaient pas dans cette position de responsabilité. La chose est nouvelle pour moi. Je n’y ai guère été préparé, oublier dans un tiroir comme je l’ai été. Jusque-là, j’étais l’extension du bras, l’arme que l’on guidait. A présent, je dois être le bras, et même, l’esprit guidant la lame jusqu’au cœur.

Tandis que j’attends dans le bureau qui m’a été octroyé par la Chancellerie, je relis les échanges que nous avons eus jusque-là. Je ne peux être seule à former cette nouvelle génération et à répondre aux attentes du Chancelier, il me faut m’entourer et m’entourer de gens capables. Certes, d’aucuns pourront discuter mes choix, médire du passé, s’offusquer de voir revenir certaines figures dans la lumière. Et quoi ? Le pardon est-il à ce point étranger aux cœurs républicains ? Et les fautes d’hier, n’ont-elles pas aujourd’hui pris des tournures de pensées visionnaires ? A-t-on seulement à parler de faute, d’ailleurs, puisque l’acquittement a été prononcé ? Notre entrevue est pour bientôt, et pour la préparer davantage encore, je relis nos échanges, tentant d’y déceler l’attitude qui sera la sienne.

Mon premier message est venu au lendemain de la fondation officielle des Lames Républicaines, alors que partout les médias en faisaient le procès :

Chère Madame la Sénatrice Kil Regh,

Je me présente, Alysha Myy’Lano, Première Lame Prétorienne du Corps des Lames Républicaines. Je me permets de vous contacter du fait de la fondation officielle de notre corps d’armée et de la nécessité d’y intégrer les meilleurs éléments que peut compter la République Galactique. Je ne vous cache pas mon admiration pour votre carrière ni le besoin dans lequel nous nous trouvons de compter parmi nous des éléments de votre compétence. Bien que je n’ignore pas l’importance de votre rôle actuel et l’honneur qu’il y a à représenter son peuple, puis-je tout de même vous convaincre de m’accorder une entrevue ? Que nous puissions discuter ensemble de la possibilité d’un autre chose après la fin de votre mandat.

Très respectueusement,
Première Lame Alysha Myy’Lano.

Force m’est d’admettre, qu’alors, j’ignorais qu’elle serait la réponse. La politique pouvait très rapidement venir empêcher toute possibilité d’une telle entreprise, au-delà de toute contiguïté évidente dans nos idées et nos buts. Heureusement, la porte s’est trouvée entrouverte :

Madame Myy’Lano, Première Lame Prétorienne du Corps des Lames Républicaines,

Vous me voyez forte surprise de votre intérêt pour mon parcours, sachant qu'il s'agit présentement d'intégrer les Lames de la République.
En effet, vous n'ignorez sans doute pas le scandale autour de ma démission de l'armée républicaine doublée d'une regrettable inaptitude à servir, suite à un désaccord avec mes supérieurs concernant le nécessité d'éliminer un Jedi qui interférait dans la chaine de commandement lors d'une situation critique.
De même, n'étant pas moi même une sorcières de la Force, je m'interroge sur la place et le rôle que vous pensez être le mien dans ce nouveau corps d'armée.
Je ne vous cache pas que mon corps et mon âme défendent avant tout mon peuple, mais j'ai décidé de réfléchir au renouvellement de mon serment de sénatrice car j'estime que de meilleures combattantes manieront mieux que moi les armes inhérentes à la politique et sauront ainsi mieux défendre les intérêts d'Eshan.
De plus, les Siths et autres sorciers de Force représentent un véritable danger qu'il faut à tout prix contrôler d'une manière ou d'une autre. Ou éliminer.
C'est pourquoi j'accepte de vous rencontrer.

Je laisse mon droïde de protocole PR-3PO voir avec vous des modalités de notre entrevue.
Kil Regh, Sénatrice d'Eshan, Amirale de l'armée Echani.

L’obligation était de répondre à mon tour, simplement, et de ne plus considérer que la question calendaire, dans la mesure où la main tendue avait été saisie.

Chère Madame la Sénatrice Kil Regh,

Je ne vous cacherai aucunement l'honneur que vous me faites en acceptant cette rencontre. C'est précisément les événements que vous avez mentionnés qui m'ont poussée à cette audacieuse proposition. Je suis heureuse de votre réponse et me mets aussitôt en lien avec votre secrétaire afin de fixer les détails pratiques de notre entrevue,

Très respectueusement,
Première Lame Alysha Myy’Lano.

Cette heure est précisément sur le point d’advenir. Je balaye la pièce d’un regard, je passe une dernière fois les mains sur mon uniforme d’officier de la République. Mes cheveux sont tenus par un chignon à la perfection militaire, ma casquette se trouve posée à une distance de bras, sur mon bureau. Celui est relativement vide, prévu pour se couvrir d’hologramme selon mon désir, se transformant alors en gigantesque table de démonstration ou en terminal de travail. Sur un mur, les drapeaux de notre constellation de nations. Sur l’autre, l’étendard de l’armée républicaine et celui des Lames. Une pointe de fierté aiguille mon cœur, il faut dire que j’ai été inspirée dans chacune de ces créations.

Je ne peux être plus prête pour accueillir mon invitée, dans mon dos, la baie vitrée s’ouvre sur l’immensité toujours vivante de Coruscant. La tour de la Chancellerie dépasse la plupart des tours. J’ai levé la teinte noire des vitres pour que la Sénatrice puisse admirer la vue aussi bien que je l’ai fait. Il ne reste plus qu’à ce qu’elle arrive, alors je me lèverai et l’accueillerai avec tout le respect dû à une femme de son rang.

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Alors qu’elle entre dans mon bureau, je saisis immédiatement l’aura qui poussa ses adversaires politiques à l’affubler de ce nom croquignolesque de Dame de Glace. Je suis toujours surprise de la capacité de cette galaxie à garder au plus profond d’elle-même ses vieilles inquiétudes virilistes. Une femme forte, puissante, charismatique, magnétique même, capable de mener ses armées jusqu’en Enfer et d’en ressortir avec flegme, une Dame de Glace ? Aurait-on eu seulement l’idée d’affubler un homme de ce sobriquet ? A-t-on jamais entendu parler d’un Seigneur de Glace ? Ou d’un Amiral au Cœur de Glace ? Jamais. Car l’audace de son action, le courage de faire ce qui doit être fait sans considération pour les sacrifices nécessaires sont des qualités pour l’Homme véritable, il ne semble pas être attendu chez une femme : fut-elle militaire ! Quoique les cœurs timorés aient à en dire, je trouve en ce colosse de mon sexe, lequel me domine assez nettement d’une tête, le charme superbe de l’esprit brillant : celui qui fascine aussi bien qu’il tue.

Elle s’avance, porte ce que je devine être les couleurs des siens, et entame sobrement notre conversation. Directe, franche, elle ne me semble pas hostile, simplement peu gourmande en fioritures et autres circonvolutions protocolaires. Comme attendu, je m’adresserai donc à une militaire plus qu’à une femme politique et – quelque part – cela me rassure. Alors qu’elle m’invite à parler, d’un geste je l’invite à s’assoir tandis que moi-même je prends place, droite, croisant les jambes. Je dois patienter un instant, le temps que son majordome mécanique finisse enfin d’imiter sa maîtresse en parvenant à mon bureau et, me tournant vers lui, aussitôt mes doigts virevoltent. « Oui, Première Lame Myy’Lano, je suis PR3-PO et je comprends tout à fait la Langue des Signes Galactiques, ainsi que mille sept cent soixante-seize autres dialectiques des signes courants de la Galaxie. Je suis tout à fait en mesure de rapporter vos mots exacts à la Sénatrice. Je souris doucement à la Sénatrice, satisfaite, et aussitôt je reprends mes gestes, encore plus rapides que précédemment. Je ne souhaite pas lui faire perdre son temps. – Sénatrice, la Première Lame vous salue et vous remercie d’avoir répondu favorablement à sa demande de rencontre. Elle vous présente ses excuses pour la gêne occasionnée par son infirmité. Elle ne souhaite rien moins que de vous faire perdre votre temps, dont elle saisit la valeur, et aimerait pour ce faire cesser de passer par mon intermédiaire. Simplement, pour cela, elle vous demande votre consentement pour communiquer par une voie télépathique avec vous. Elle entend que cela puisse vous inquiéter, dans la mesure où vous sentirez une légère étrangeté liée à sa présence à la surface de votre esprit. Elle vous assure cependant qu’un esprit aussi aiguisé que le vôtre ne saurait, sans y réagir violemment, laisser quiconque le pénétrer plus avant et tient à engager son honneur sur le fait qu’elle ne lira rien de vos pensées : simplement, vous y entendrez sa voix aussi claire que si vous l’aviez effectivement entendue résonner ici.

Cependant, la Première Lame est consciente de l’incongruité de la demande et entend qu’une défiance – tout à fait légitime – puisse amener à votre refus qu’elle acceptera. Elle continuerait, alors, à user de moi pour communiquer. » Je regarde à nouveau la sénatrice, un sourire sérieux sur le visage, pour l’assurer autant que je le peux de la sincérité de ma demande. J’ai pu constater, en la personne du Chancelier, combien ma présence dans l’esprit de mes interlocuteurs peut, parfois, amener à une réaction hostile démesurée. Je ne peux me permettre de prendre le risque ici de faire naître chez l’Echani une méfiance exagérée pour une simple question de praticité. S’il me fallait poursuivre par gestes, soit, alors je le ferai.

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Il m’est difficile de cerner tout à fait mon interlocutrice, et même, de savoir si mes mots parviennent jusqu’à elle. C’est une noble dame, laquelle a appris de longue date à effacer de son visage les sentiments. Dans une conversation comme en combat, le moindre signe est un avantage offert à l’adversaire et, je dois bien l’avouer, elle fait un adversaire de taille. Elle répondit, avec tout le recul de quelqu’un sceptique quant à ce qui vient de lui être exposé.

« Mes compétences sont liées à l'art de la guerre. Combat rapproché, stratégie militaire, diriger. Je ne suis pas formatrice. Avec moi, "on marche ou on crève", pour reprendre une vieille expression humaine en basic. Je peux mener des troupes déjà formées sur le champs de bataille, au sol comme dans l'espace. Pour ce qui est de transmettre mon savoir et savoir-faire, je peux vous garantir que cela fera le tri dans les postulants. Sa voix est autoritaire, tranchante. Elle n’entend pas être discuter sur la façon dont elle formerait qui que ce soit. Plissant les yeux pour souligner chaque point de défiance, elle poursuit : Qu'entendez-vous par « formation spécifique » et par « poste de consultante » ? Comment voyez-vous cette « collaboration » ? J’ai le sentiment de marcher sur une corde raide et qu’il me faut clairement faire mes preuves. Elle ne dispose d’aucune bienveillance et n’attends rien sinon de la fermeté tout en exigeant que le produit soit immédiatement ciselé pour elle, préparée pour elle. L’attitude en déstabiliserait plus d’une, mais c’est oublié que j’ai longtemps eu à me fondre dans les attentes d’autrui aussi spontanément que la cire chaude s’adapte à la forme de l’objet dans laquelle on la plonge. – Notre corps d'armée doit pouvoir rivaliser avec n'importe quelle élite de la Galaxie si nous voulons ne pouvoir prétendre remplir les fonctions qui seront les nôtres. Que la transmission de votre savoir-faire se fasse sans tendresse n'est certainement pas un sujet d'inquiétude pour nous.

Par ailleurs, si j'ai laissé ces termes dans un flou relatif jusque-là, c'était pour ne pas vous imposer une situation qui ne vous soit pas tolérable. S'il ne tenait qu'à moi, je vous offrirais un poste de général directement dans notre armée, mais j'ignore si vous y consentiriez. Voilà l'objet proprement de notre réunion, savoir s'il est possible que vous trouviez une place à nos côtés qui vous convienne absolument. L'idée même vous séduit-elle ? Ne considérez pas mon manque de précision comme un manque de volonté, il n'est qu'une preuve manifeste que je n'envisage pas notre relation possible sur le mode du rapport de domination, je laisse aux Hommes le soin de croire stupidement qu'ils peuvent décider pour nous de ce qui est le mieux, je ne considère pas mes collaborations selon ce mode. – Ah ! Je cherche à parler d’égale à égale, à bâtir avec elle mais j’ai le sentiment, avec le rire sec qui suit, d’avoir mis un coup d’épée dans l’eau. Vous ne m'imposez rien. Si je décide de refuser, je le ferai. Parlez franchement, Première Lame, je n'en prendrai pas ombrage. Elle s’avance pourtant, joignant ses doigts, déposant son visage sur ses mains. Suis-je parvenue à éveiller son intérêt ? J’ai le sentiment de devoir chasser l’hiver avec des allumettes. Heureusement que je ne crains pas le froid… Vous avez tort. Ne laissez pas les hommes croire qu'ils peuvent décider pour nous. Elle sourit. Etait-ce une forme de victoire ? Use-t-elle, à ma façon, du second degré ? Quelle panache. Donc, si je comprends bien, vous me voyez d'égale à égale. Bien. Pour répondre à votre question, reprendre une place dans l'armée ne peut que me séduire. L'art de la guerre me sied mieux que l'art de la rhétorique, voyez-vous. Seulement, il y a deux ennemis à votre proposition. Le premier prend la forme d'une inaptitude à servir dans l'Armée Républicaine. Je suis prête à vous en expliquer les raisons. Le deuxième, pas des moindres, est que je défends les intérêts de mon peuple avant tout. Je suis Amirale dans l'Armée d'Eshan. Si le poste que vous me proposez est incompatible avec cela, je refuserai tout risque de conflit d'intérêt. Il s'agit même de quelque chose que je combat en tant que Sénatrice, par les armes-lois. »

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C’est assez enivrant, depuis tout ce temps, d’avoir à me mesurer à une femme de cette trempe. Je lui reconnais volontiers la justesse du surnom qui lui a été donné, et, je dois bien dire qu’elle ne démérite en rien la légende de sa ténacité. Je l’admire, mais je n’en suis pas moins une louve et si mon cœur n’est pas de glace, mon esprit sait le rester quand bien même on semble s’opposer à moi.

« Première Lame, je suis Amirale servant Eshan et sa Déesse-Lune. Donner de mon temps pour former et diriger les Lames Séculaires est possible. Tout comme il est possible que je ne renouvelle pas mon mandat de Sénatrice. Toutefois, je vois mon rôle dans cet affaire comme un partenariat entre la République et Eshan. Bien entendu, je parle sous l'autorité de la Commandante Lisaela Drasal. Elle me corrigera donc si nécessaire. Elle marque une pause, laisse triompher l’attente, puis reprend sa passe d’armes. Si Eshan m'offre aux Lames, qu'offre la République en retour à Eshan ? Pas de surprise, lorsque j’en appelle à des alliés sérieux, je n’ai pas l’indécence de supplier : j’ai autant à proposer que je n’ai à lui demander. C’est à moi de frapper. – Pour ce qui est de votre inaptitude au service, les Jedis ont largement démontré leur incapacité à s'intégrer de manière efficace au sein des armées de la République. Je ne doute pas que le Chancelier saura faire en sorte de vous rétablir dans vos fonctions. Hier, vous étiez conspuer, aujourd'hui, vous êtes une visionnaire. La grande roue du destin a son propre sens du drôle et du surprenant. Pour ce qui est de la coopération avec Eshan, vous n'ignorez pas ce dont la Force est capable, notamment sur l'esprit, même des êtres les plus forts. C'est là le principal atout des êtres sensibles et formés à son usage. La télékinésie, les capacités augmentées, la régénération... Ces choses peuvent être contrer aisément par des moyens technologiques. Un assaut mental, au contraire, sauf à équiper lourdement un individu en implants au point d'en faire une simili-machine, ne connaît pas de parade technologique.

Je vous propose, en échange de votre engagement, de partager avec vos femmes les plus valeureuses les techniques et parades leur permettant de répondre à cette faille. Je pourrais, d'ailleurs, vous former en premier lieu pour que vous puissiez vous-même juger de la valeur de ce que je vous propose. » Je n’ignore pas que jamais les Jedis n’ont fait pareille offre à l’Armée de la République, préférant garder jalousement leurs secrets de même que leur ascendant ; peut-être considèrent-ils aussi, naïvement, un caractère hérétique dans le fait d’apprendre à certains êtres à se couper de la Force. L’offre est en or serti d’argent, nous le savons toute deux.

« Bien, j'accepte d'être le symbole que vous voyez en moi. Je transmettrai dans les plus brefs délais votre offre à la Commandante Drasal. Nous pouvons partir sur la base de dix soldats républicains formé aux arts de la guerre pour une guerrière d'Eshan formé à la résistance mentale. Vous ne serez pas déçue : je pourrais former vos soldats sur le terrain ET dans la réalité du feu de l'action, pour reprendre vos mots. Je pourrai même être en soutien aux Lames Prétoriennes étant donné la fraicheur de leur création, si vous avez besoin. Pour ce qui est des détails administratifs et contractuels, PR-3PO ici présent se tiendra à votre disposition. » J’opine légèrement du chef, avec un sourire très discret, manifestant ma joie dans toute la sobriété que mon interlocutrice a démontré jusque-là. Les Lames viennent de se trouver une instructrice d’une plus grande valeur que ce que j’avais espéré jusque-là.

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C’est un moment que j’ai attendu. A dire vrai, je l’espérais même beaucoup. Elle représente noblement son monde, fidèle à son idéal, à sa philosophie. Si je ne suis pas tout à fait de cette fibre, je ne suis pas insensible à la beauté de la Geste que compose les Echanis. Cette épopée devenue une vie qui amène chacun à s’ouvrir dans le feu de l’affrontement. Quelque part, Idès me manque. Cette vérité qu’il y avait dans notre violence. Une autre vie. J’ai l’impression qu’un voile onirique l’a pudiquement recouverte. Je souris et mes mains signent ma réponse : « Je dois dire que l'idée me séduit et que j'espérais que les choses se passeraient ainsi. Si vous le souhaitez, je n'aurais pas de mal à nous réserver, dans l'immédiat, le dojo des forces de sécurité de la Tour. L’arc de mes lèvres trouvent un écho léger sur le visage de la guerrière. – Bien et soudain la glace le fige de nouveau, Il ne s'agit ni d'un duel d'honneur, ni d'un duel judiciaire, mais bien d'un moment où nous allons pouvoir nous jauger. Le duel, avec armes d'entraînement ou sans, prendra donc fin lorsque les deux combattantes seront satisfaites de l'échange. Le phrasé est protocolaire, l’intonation presque solennelle. Je me contente d’assentir d’un signe de tête. Dans ce cas, allons au dojo. » Je perçois, émanant d’elle, une certaine excitation. L’idée de cette rencontre lui plaît également.

Le chemin se fait en silence, sinon le cliquetis du droïde et les efforts pneumatiques des appareillages de la future capitaine. Elle m’a laissé la devancé, d’à peine un pas, afin que je la guide, ce que je fais sans hésitation : les lieux sont déjà les miens quand bien même je ne les ai investis que depuis peu. Le Dojo de la Tour dans lequel je la mène a plusieurs vocations. D’abord, il est le lieu privilégié de l’entraînement quotidien des services de sécurité de la Chancellerie, lesquels ne peuvent se permettre de rester longtemps éloignés de la Tour et de la personne du Chancelier, préférant ainsi la proximité de ce lieu jusque dans leur préparation physique. Par ailleurs, la diplomatie Echani n’est pas la seule à voir dans le combat une forme de rituel social d’importance. De fait, ce dojo est aussi le lieu dédié à la démonstration de ces négociations… musclées. Ce rôle officiel lui vaut de ne pas être retiré dans un coin dissimulé de la tour, mais bien de se trouver parmi les pièces d’importance, précédé par un couloir à la longueur toute vénérable, l’auguste du lieu étant renforcé par les nombreux bustes qui flanquent l’ensemble.

Lorsque nous passons les hautes portes de bois, le comble du luxe et de la sévérité grave des grands philosophes dans une société comme la nôtre, le lieu se dévoile. Il ne fait aucun doute que tous les matériaux sont d’une rareté et d’une perfection remarquable, et pourtant la sobriété martiale l’emporte. La pourpre chancelière, ici, marque la qualité de l’hôte des lieux, mais pour le reste, il est surprenant de voir combien le décor est peu habité. En réalité, cette vacuité permet de décorer au besoin et rapidement le lieu aux armoiries et aux traditions de ceux que l’on accueille. Parvenue au centre de la pièce, je me tourne vers l’horrible droïde qui me sert de voix et signe : « M’est-il permis d’user d’un bâton ? Ou la tradition exige-t-elle que je sois désarmée ? »

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Je ne peux exprimer la jubilation paroxystique qui s’est emparé de moi sitôt que nos lames feintes ont commencé à se rencontrer. J’ai appelé en moi les heures de frustrations et de bouillonnement, contenus toute entière dans cette uniforme dont je me suis défaite, afin de porter chacun de mes coups. Des mois désormais que je suis forcée de me contenir, de me restreindre, d’observer l’étiquette militaire, d’ignorer les camouflets, de ne jamais répondre par le cinglant. Des heures à regarder les choses se faire sans moi. Que dis-je ? Des années. Ma Dame m’avait promis, dans une autre vie, de faire de moi quelque chose et qu’avais-je reçu en cadeau de ma loyauté ? Une mise au ban. A cet instant, je réalise aussi combien mes affrontements avec Idès peuvent me manquer, combien notre émulation pouvait libérer de vapeur confuse d’émotions. Je suis seule, dans une tour d’ivoire, depuis si longtemps, en costume, et l’Echani m’offre enfin l’occasion de me libérer de toutes les frustrations de ma condition.

Je refuse de l’insulter, je lui donne tout ce dont je suis capable. Je sais que mes yeux flamboient, je ne crains pas de faire savoir d’où je tire mon pouvoir et en assume la maîtrise. La Force est un outil, il peut être comme chaque marteau employé avec méthode, à des fins acceptables ou manié avec la stupidité destructrice dont les Sith savent faire preuve. Je suis la Méthode. L’outil ne me consume pas. Je ne me laisse pas gagner par sa virulence, j’en saisis simplement ce qu’il me faut. L’Ataru me demande de puiser intensément dans mes ressources, je ne lui laisse pas de répit et à la fois je l’observe, à chaque bond, à chaque tentative, j’aperçois ses défenses, je suis sincère dans ma volonté d’apprendre. N’est-ce pas d’ailleurs l’abord fondamental de cette tradition ? L’honnêteté dans le geste ? Je me livre tout entière : je ne retiens rien, n’épargne rien, frappe quand je le peux, touche pour blesser. Nous sommes des militaires, nous ne sommes pas ici pour faire preuve de diplomatie.

Je ne peux poursuivre mon assaut au risque de m’épuiser. D’un bond ample vers l’arrière, je lui permets la contre-attaque dans laquelle j’espère trouver le moyen de ma victoire. Dans un concert froid de frottement et de mécanique, elle s’avance et frappe, méthodique, dans une épure millimétrée d’artisan, chaque geste compte, chaque geste est pensé, chaque geste est pesé. Aucun de mes coups ne semblent l’avoir affectée, elle avance, inexorable, marmoréenne et à mon tour, je dois lui concéder quelques morsures dans ma chair : la violence de ses coups réveille en moi la fureur de vivre. Alors que je dévie sa lame, je sens une ouverture, un clignement de cils, je semble avoir disparu, un battement de cil, ma lame simulée tiens sa gorge en respect : son arme n’a pas eu le temps de venir trouver mes côtes, bien qu’elle en a débuté le chemin. J’ai gagné.

Le souffle court, les dents serrées, je respire profondément et le feu s’éteint. Je replie les extrémités du bâton pour libérer mon émule tenue en respect, et je viens me replacer au lieu attendu pour la saluer, non sans avoir replacé quelques mèches échappées de mon chignon militaire. J’ignore ce qu’elle attend de moi, je lui laisse l’entame de notre conversation après avoir mené ce duel.