Deux adolescents gonflés aux hormones et aux pouvoirs, l'ingrédient parfait pour occuper l'après-midi d'un Chevalier déjà surchargé. Au Temple Jedi, les bagarres étaient toutefois rares car les jeunes étaient éduqués tout au long de leur vie pour apprendre à se contrôler. Les éléments belliqueux ne demeuraient guère, éradiqués par la lourde sélection que subissait les Aspirants puis les Padawans au fil de leurs études, c'est pourquoi il était plus simple, sous certains angles, de vivre sous la protection de l'Ordre. Luke avait subi le quart des moqueries que la société lui aurait infligé vis-à-vis de son handicap ou de son homosexualité. La contrepartie ? Lorsque ces rares discordes éclataient entre ces jeunes, elles étaient violentes.

Pour l'instant, Vack étaiT en soins intensifs par mesure de sécurité, bien que sa vie ne soit pas en danger. Son adversaire, Prim' s'en était mieux sorti, du moins pour l'instant. Aucun n'était réellement à plaindre, ils étaient rivaux depuis l'enfance. Les maîtres avaient essayé de les canaliser mais leur haine réciproque avait fini par éclater à propos d'un sujet ou d'un autre. Il était probable que Vack soit renvoyé, du moins c'est ce que les rumeurs tendaient à dire, quant à Prim', son cas n'était guère plus enviable. Lui qui se contrôlait davantage que sa Némésis avait probablement cédé aujourd'hui à cause d'une accumulation de stress. À 15 ans, il n'avait toujours pas de maître. Personne n'avait posé les yeux sur sa personne malgré son talent de bretteur, et ce n'était pas son faible taux de Midichloriens qui avait poussé ces derniers à le rejeter, sinon sa nature belliqueuse. Exactement comme Vack ironiquement dont le profil ressemblait étrangement au premier. Qui se ressemblait ne s'assemblait pas toujours. Malgré leur bon fond (car Vack n'était pas seulement un idiot égoïste. Ce serait trop facile de caser les gens dans une seule catégorie), leur carrière Jedi semblait compromise. La sélection naturelle, déjà dure, laissait très peu d'enfants Sensibles, l'écrémage de l'Ordre, nécessaire, réduisait encore le nombre de Jedis. Bien que se portant de manière honorable surtout depuis la création du Temple de Coruscant puis de l'Enclave sur Dantooine, les Gardiens de la Lumière étaient bien peu nombreux.

Luke administra les soins quotidiens à Vack. Ironiquement, il porterait à vie, désormais, les stigmates d'un passé chez eux, brûlé au visage par le sabre-laser de son adversaire. Bien qu'aucun n'avait eu l'intention de tuer, ils s'étaient beaucoup abîmés, allant au-delà de leurs pensées. C'était l'un des reproches faits à l'Ordre d'ailleurs, entraîner des gosses puissants de nature à se battre mais que faire de ces gamins ? Les plus infâmes extrémistes suggéraient une détection obligatoire et l'avortement, tout aussi forcé des enfants Sensibles. En tarissant la source, ils étaient certains de faire disparaître Siths ou Jedis. Heureusement, le mouvement était peu populaire, sans doute cela rebutait-il la moralité ou on avait trop besoin des Sensibles.

Loin des considérations politiques de leur "utilisation", le Chevalier accompagna Vack dans l'infirmerie. L'adolescent pouvait désormais quitter son lit lourdement médicalisé pour un autre simple. Ses brûlures au visage avaient laissé une joue complètement boursoufflé, une oreille en moins ainsi qu'une partie de son crâne chauve. Heureusement que les lames blanches d'entraînement étaient moins dangereuses que celles, colorées, des Jedis ayant fait leurs preuves.

C'était le Hapien qui s'était occupé de Vack. Le grand gaillard brun dépassait Luke d'une bonne tête et demi, mais rapetissé sur le bord de son matelas, il ne faisait pas le fier. D'un air inquiet, il consultait son "médecin" pour savoir ce qui allait advenir de son futur. Fut un temps, le Jedi lui aurait à peine répondu, inconsciemment manichéen, considérant l'individu comme un abruti plusieurs fois prévenu mais réitérant dans ses bêtises. Karm lui avait appris, au fil de plusieurs expériences, que les choses n'étaient pas si simples aujourd'hui. Sans compatir à l'extrême, le blond essayait de rassurer un peu Vack. Il lui disait que sa jeunesse, ses qualités lui permettraient de trouver sa voie, bien que lui-même certes, serait complètement perdu sans l'Ordre. Au moins essayait-il de consoler le garçon, sans toutefois lui dire ce que les maîtres avaient probablement prévu pour lui. Jusqu'à ce que la révélation soit officielle, il était interdit de faire des pronostics.

Après avoir demandé des nouvelles de Prim' et avoir redemandé pardon, le brun s'endormit doucement. Sa respiration était entrecoupée de légers sanglots, à peine audibles. Luke fit mine de ne se rendre compte de rien, l'adolescent cachait sa tristesse pour une raison évidente : en cet instant, il avait besoin d'être seul.

Le Chevalier arpenta donc l'infirmerie. Tant qu'à être ici, autant avancer le travail de ses collègues du MedCorps affectés en permanence ici. On faisait parfois appel à lui en renfort ou pour des soins "mixtes" : des pansements, des diagnostics d'infection entremêlés de l'utilisation de la Force. Luke avait beaucoup appris aux côtés de Balian. Certes, pas assez pour devenir réellement médecin, mais il aimait utiliser les connaissances acquises grâce à leurs discussions ou son observation, si limitée soit-elle.

À l'infirmerie, le jeune homme achevait méticuleusement les tâches à sa portée. Si Jedi soit-il, son handicap le gênait parfois et concernant le rangement, c'était visible. Il agissait sans se décourager, certes, mais plus lentement. Parfois, la moindre ineptie pouvait lui prendre des heures, comme chercher ces fichus bandages imbibés de Bacta. Qui avait eu l'idée d'éparpiller et d'entamer trois boîtes neuves ? Ce devait être Sirk, médecin doué mais étourdi au possible. Luke galérait toujours quand il fallait passer après : le Rodien avait une capacité extraordinaire à semer des objets inadaptés dans des lieux encore plus étranges. La légende racontait d'ailleurs qu'il avait déjà perdu son sabre-laser et qu'on l'avait retrouvé sur un monde reculé, dans la glacière d'un coeur qui devait être transplanté.

- Bonjour

Luke héla une présence qui passait par là. Il avait rapidement identifié un apprenti assez âgé ou un jeune chevalier à l'aura, selon l'expérience qu'il pressentait au sein de la Force. La personne étant saine, elle ne devait pas faire partie des malades. À moins que ce ne soit un convalescent en fin de traitement ? Quoiqu'il en soit, pas de chance, le blond l'avait vite repéré sur son passage.

- Excusez-moi, pourriez-vous m'aider à trouver une boîte de bandages au Bacta s'il vous plaît ? Je crois qu'elle est neuve si personne n'a eu l'idée de l'ouvrir, alors qu'il en reste deux autres entamées... Disparues d'ailleurs elles aussi. Ce sont des boîtes assez petites me semble-t-il.

Le ton du Jedi était plutôt doux et calme. Luke n'était pas du genre à s'imposer, pas même aux apprentis malgré sa tendance à respecter les règles ou la hiérarchie lui-même. En tant que professeur dans la société actuelle, sa gentillesse (ou son manque d'autorité?) lui auraient valu un joli massacre.

- Si vous êtes disponible bien sûr.

Le Temple était pavé de gens aux bonnes intentions, Luke finirait bien par tomber sur un pair conciliant au pire. Il demandait très peu d'aide, généralement autonome. Ceux qui le connaissaient, même peu le savaient car son indépendance le caractérisait beaucoup, mais aujourd'hui il ne comptait pas perdre une autre heure à la recherche des boîtes égarées... Et puis, il devait encore procéder aux soins de Prim', l'adversaire de Vack.

Luke sentit aussitôt la gêne de son interlocuteur. Précisément lorsqu'il buta sur deux mots désignant le même sens. Avec un léger sourire, il répondit sans hésiter.

- Et bien regardez donc, vous aurez certainement de meilleurs résultats que moi. Et si ça peut vous faire gagner du temps, ne vous embarrassez pas en censurant des expressions censées m'être... Douloureuses ? Elles font partie de la vie quotidienne, je les utilise aussi, et entre nous, heureusement que l'un de nous voit bien, sans quoi, nous n'aurions pas fini.

Le jeune Jedi avait toujours été plus ou moins à l'aise avec son handicap. Bien sûr, il avait complexé face à des apprentis capables d'actions incroyables liées à l'observation ou aux réflexes, lesquels étaient évidemment corrélés avec le sens favori des humains : la vue. Il avait également parfois eu des difficultés à accepter que des civils non-entraînés exécutent simplement des gestes du quotidien, surtout à l'adolescence. Ceci dit, ces "bas" avaient été aussi peu nombreux que peu marqués. Maître Don lui avait appris à ne pas s'apitoyer sur son sort, être heureux de ce que la Force lui offrait. De toute manière, son départ dans la vie le condamnait à bien pire de base. Avoir été sur le terrain pour soigner, enfin, avait achevé de le convaincre de sa philosophie : ne jamais se plaindre. Il avait vu (sans jeu de mot !) tellement d'horreurs.

- Oh, merci, c'est gentil. Je vais me débrouiller pour la mettre, je vous ai dérobé bien assez de temps.

Luke se dirigea vers le lit de Prim', ses gestes étaient étonnamment habiles, une fois qu'il savait où se trouvait son matériel. Proches de sa personne, en arc-de-cercle, ses outils étaient accessibles lorsqu'il passait sa main dessus. Les frôler lui suffisait pour les reconnaître, les manipuler dans le bon sens. Le Hapien avait développé des techniques d'aveugle tout à fait lambda pour lire le mode d'emploi en braille, retourner l'emballage dans le bon ordre, verser uniquement quelques gouttes de désinfectant, s'assurer que la bande était bien tendue puis la disposer sur le bras de Prim'. Les doigts du jeune homme semblaient tricoter pour toujours maintenir le contact avec les objets, la peau. Il posait et reprenait un médicament rapidement, tâtonnait certes, un peu jusqu'à trouver la table de chevet mais finissait pas toucher l'anti-douleur auparavant soigneusement posé là. Son autre doigt lui servait de repère, tandis que la Force, elle, servait surtout à repérer les plaies ou les guérir de l'intérieur, travailler à ce que les muscles se reforment, à guider le sang dans la bonne veine, solidifier l'artère fragilisée que le sabre-laser de Vask avait failli sectionner.

- J'en ai fini avec vous Padawan Loork. Reposez-vous bien.

Tout à coup, alors qu'une onde de Force sillonnait le corps de Prim' pour s'assurer que la guérison allait dans le bon sens, un trémolo l'avertit. Luke relança une petite vaguelette, douce, chaleureuse et lumineuse au hasard dans la pièce. Il se tourna vers ce qui semblait être un jeune homme -à la voix- et l'interpella , ayant trouvé le point de rupture. Celui autour duquel la Force dansait pour l'avertir que quelque chose n'allait pas.

- Vous êtes blessé, pourquoi ne rien m'avoir dit, approchez. Je suis le Chevalier Kayan, vous êtes ?

Le Chevalier sentait pulser l'endroit douloureux, échauffé du jeune. C'était assez simple pour qu'il pose un diagnostic rapide. La Force sillonna le garçon, s'infiltrant dans ses veines à la recherche d'une fuite, d'une brisure. Rien.

- Je ne pense pas que votre poignet soit cassé, mais il est fragilisé. Quand votre corps va refroidir, la douleur risque d'affluer. Quelques soins via la Force devrait accélérer le processus, mais il faudrait l'empêcher de bouger un jour par sécurité. Savez-vous apaiser la douleur via vos dons ?

Luke penchait désormais pour un Padawan sans en être certain. Ce dernier oscillait entre deux âge, deux expériences où se tromper devenait possible. Une honte potentielle pour le blond qui avait posé des questions peut-être blessantes à un homme aguerri, mais après tout, ce dit homme n'avait pas encore réparé son poignet. Ironie du sort, c'était désormais à lui d'être gêné à l'idée "d'insulter" involontairement l'inconnu. Ceci dit, le domaine de la restauration était un particulier, certains maîtres y touchaient à peine, possédant d'autres talents. Il existait des apprentis très doués en revanche, surtout ceux qui cumulaient une grande Sensibilité à la Force avec des problèmes de santé fréquents. Luke pensa à ce jeune Jedi dont le corps vivait dans la souffrance continuelle. Sans ses pouvoirs pour atténuer les symptômes, il serait mort. Lui qui était condamné à la dégénération parvenait même à améliorer ses conditions de vie générale. La Force était incroyable.

Luke, lui, ne faisait pas partie de ceux qui possédaient le don inné de soigner. Il s'y était mis tardivement et plutôt par hasard. Son aura, très lumineuse et son haut taux de midichloriens avaient fini par avoir raison des capacités naturelles. Aujourd'hui, il était plutôt bon dans ce domaine bien que son handicap et son expérience assez tardive le limitent un peu. Cela ne l'empêchait pas de vouloir s'améliorer encore, le plus possible, afin d'aider son prochain et de progresser, même si le fait de ne pas se spécialiser le ralentissait.

Posé, patient, il attendit la réponse de son interlocuteur, vaillant assistant dans la recherche de bandages, qu'ironiquement, il devrait lui placer sur le poignet afin de l'immobiliser convenablement. Qu'avait donc fait ce maladroit pour se faire ainsi mal ? Sans entrer dans l'esprit de ce dernier, respectueux du code implicite de la vie privée entre Jedis, Luke sillonna tout de même les alentours du cerveau d'Eldo, fouillant sa mémoire musculaire. Un gros coup, ou alors une charge trop forte, imposée brusquement au poignet, peut-être une chute ? C'était ce que les nerfs de douleur, irrités, semblaient disposés à dévoiler en tout cas.