Paul Hardin
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Déclaration conjointe de la Commission sénatoriale du Trésor et de l’Economie et de la Commission sénatoriale aux Affaires sanitaires et sociales de la République Galactique.

Les Commissions sénatoriales, réunies en session extraordinaire, ont annoncé l’organisation prochaine d’une visite officielle de leurs Présidents respectifs, Tchiïki Ranya et Paul Hardin, sur Eriadu. En effet, les grèves populaires qui frappent la planète depuis plusieurs semaines et les manifestations de violence répétées des deux côtés soulèvent d’importantes interrogations quant à la gestion de cette crise. Cette visite, avec l’accord des dirigeants locaux, doit permettre la rédaction d’un rapport qui sera remis au Sénat afin de régler cette situation critique dans les meilleurs délais et conditions.


L’espace, dans son sens de « vide intersidéral », possède une propriété qui lui est unique : la vitesse ne semble avoir aucune emprise sur lui. Que l’on file à quelques kilomètres heure ou à plusieurs années-lumière par heure, on, simple mortel engoncé dans une caisse métallique d’à peine cinquante mètres carrés, ne ressent aucune différence notable. Pire encore, dans les deux cas, Paul avait la très nette impression de patauger dans une mélasse noire et opaque qui n’autorisait aucun mouvement au vaisseau. Il acceptait volontiers de l’inintelligibilité de la politique, aussi âprement qu’il la combattît, mais il ne portait qu’admiration pour les scientifiques et chercheurs capables de manipuler des notions et variables si complexes que sa tête en tournait.


Paul s’étira, assis dans un siège en cuir. Il extirpa son regard de cet inabordable désert et le laissa dériver vers la porte qui venait de s’ouvrir. La Sénatrice Ranya la dépassa, accoutrée de ses inaltérables habits qu’elle seule pouvait porter. Paul se tairait bien de lui déclamer qu’à son sens, ces habits seraient ridicules sur quiconque d’autre, mais elle les portait avec un maintien si élégant qu’il ne se résolvait pas à les détester. Il sourit, détacha à nouveau son regard.


D’une taille modeste, suffisante à son sens, tout dans ce vaisseau témoignait d’une richesse incontestable, écœurante, mais non moins confortable. Sa longue silhouette chromée se fondait dans l’espace, bien qu’elle brillât pourtant de mille feux dès qu’il était posé sur une planète. Les boiseries murales ornaient les murs et les plafonds des pièces communes comme des trois bureaux, finement ciselées d’arabesques aux allures organiques, branches et feuillages, ne laissant que rarement transparaître les fades parties métalliques.


Paul avait d’abord grimacé devant ces fastes fioritures, sans doute des arbres de Kashyyyk centenaires, abattus et ouvragés. Toutefois, ce drastique changement dans cette permanence métallique, ces pièces de ferraille aussi grisâtres et moroses que les brumes d’automne, le réconfortait. Goûtant ce plaisir coupable, il appréciait maintenant, avec retenue, les chaudes couleurs lambrissées qui réchauffaient les lieux.


La Sénatrice s’assit face à lui dans un froufrou d’étoffes et de cuir. Paul l’accueillit d’un mouvement de tête attaché, attendit qu’elle soit à son aise et commença :


« Madame Ranya. C’est un plaisir de partager ce voyage en votre compagnie. Je ne m’attendais pas à ce que nos chemins se croisent ainsi, ailleurs que dans cette bruyante rotonde, mais nous y voilà. (Il but une longue gorgée d’eau.) Je peux vous servir un verre ? Je suis désolé, je ne sais pas pourquoi, invariablement, les voyages supraluminiques me donnent une soif de tous les diables. (Il but à nouveau, un air vaguement contrit sur le visage.) Pardonnez-moi. Ah, voilà. Eh bien, reprit-il après une courte pause, voilà que les commissions sénatoriales sont secouées, récemment. C’est le moment de prouver à notre… cher… Chancelier qu’elles ont leur utilité ! »


Il leva un doigt, concluant :


« Oh et… n’avez-vous pas vu Ariane ? Je voulais vous la présenter de vive-voix, c’est une proche conseillère de mon cabinet.


- Je suis aussi ta femme, accessoirement ! coupa une voix fluette et sonore.


- Ah bon, la voilà paraît-il, dit Paul avec un tendre sourire. »

Tchiïki Ranya
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« … et la colère croissante se lit dans les yeux des affamés. Dans l'âme du peuple, les raisins de la colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines. »


Référence :

Lorsque votre vie s’érode, au point que vous vous enfoncez inéluctablement dans une misère, qui finira par vous consumer, désobéir peut sembler être la dernière solution. Bien plus qu'une soif de vengeance, ceux qui se révoltent, parce qu’ils n’ont plus les moyens de se nourrir, ont une soif de vivre. Lorsque subsister à ses besoins les plus élémentaires n’est plus à la portée de tous nos concitoyens, c’est bien cette République toute entière qui est en crise. À mon sens, le cas d’Eriadu illustrait tout à fait tout le mal que la politique gouvernementale faisait aux Mondes républicains et à leurs habitants. Sur cette planète, la casse sociale avait mené à la paupérisation de travailleurs déjà précaires ; le résultat : des émeutes de la faim.

Cela devait faire une demi-heure que nous avions décollé, le président Hardin et moi-même, de Coruscant, je n’avais toutefois pas encore eu l’occasion de me rendre dans la salle principale de notre navette diplomatique. Je fis donc mon entrée à l'intérieur de celle-ci, le dos et les épaules droits, le menton fier. Mon apparence et la revandiquée nonchalance avec laquelle je me vêtais, tranchaient indubitablement avec l’exagérée manière avec laquelle notre embarcation avait été aménagée, je m’y sentais comme dans un cube de bois vernis. Je rendis à mon collègue son sourire, mais me dirigeai directement vers un large fauteuil recouvert d’un cuir brun, quelque peu brillant, sur lequel je m’assis. Je ne voulais en aucun cas me montrer discourtoise, je préférais simplement prendre place avant que nous entamions quelconque conversation. Une fois installée, je portai enfin mon regard sur l’homme, l’enjoignant à prendre la parole.

- Monsieur Hardin, je suis moi aussi ravie que nous ayons pris la décision de nous rendre sur Eriadu, nous adressons à la fois un message de soutien aux populations qui y vivent en difficulté et envoyons un signal fort au gouvernement. Vous devez savoir, Président, que votre réputation vous précède. Les analyses, qui s’échangent dans les couloirs du Sénat, vous décrivent comme un remarquable orateur et un président de commission efficace. Je crois avoir certaines choses à apprendre de vous et serais assez enchantée si vous acceptiez de me donner quelques conseils. À la proposition de mon interlocuteur, je récupérai le verre posé sur une console à la droite de mon siège et tendai celui-ci à mon interlocuteur.

- Je vous en prie, j’avais moi-même une petite soif, donc buvons tous deux. Je conçois qu’il soit possible de remettre en cause nos commissions, cela fait partie du jeu de la démocratie, je pense d’ailleurs que nous y gagnerions si nous nous montrions plus transparents à l’égard du grand public. N’hésitons guère à communiquer sur nos travaux, par exemple. Ce qui me dépasse, ce sont les grotesques arguments employés par Grendo S’orn, comment peut-être se permettre de se comporter d’une façon aussi clownesque ? Je laissai échapper un doux rire au moment où Paul Hardin et son épouse échangèrent quelques mots. Je me levai rapidement et serrai la main d’Ariane.

- Enchantée, madame Hardin, Tchiïki Ranya. J’aimais moi aussi mon mari, malgré sa propension à se montrer un tant soit peu gougat.

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Paul Hardin
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Franchissant silencieusement l’encadrure de la porte pneumatique, Ariane révéla sa présence, prit dans la sienne la main de la Présidente Ranya, hocha respectueusement la tête puis s’assit à côté de Paul, le tout dans un mouvement uniforme qui rendait grâce à sa douce force tranquille.

« La République m’en garde ! dit-elle. Paul n’est pas un goujat. Il sait fort bien que s’il le devient, il aura à faire avec moi. (Elle lui adressa un clin d’oeil.) Mais pardonnez mon arrivée, je ne souhaitais pas interrompre votre conversation. »


Paul déposa ses doigts entre les siens, s’autorisa une nouvelle gorgée d’eau et reprit :


« Des signaux forts, voilà ! Surtout, des signaux concrets. J’espère résolument que le rapport que nous remettrons permettra effectivement d’aider à la situation de cette planète. Entre nous, je pense que la population n’attend rien d’un message de soutien et que les fautifs ne s’encombreront pas plus d’un tel message qu’un Rancor s’emcombrerait d’une cravate ! Notez la comparaison. (Il souffla du nez puis sourit.) Je suis sûr que vous partagez cet avis ! (Il baissa les yeux, modestie sincère, en direction du verre où ondulait doucement l’eau plate.) Je n’ai guère plus à vous apporter que vous ne maîtrisiez pas déjà, mais je pense que c’est une force que nous puissions œuvrer d’un mouvement commun animés par les mêmes idées. Enfin… Des idées, il en faut pour refaire le monde ! (Il tapota des doigts la table en simili-bois, créant plus d’ondes encore à la surface de son verre.) Des idées… des idées… J’ai dans l’idée, vous savez, Madame Ranya, que la démocratie n’est justement pas un jeu, même si je me doute que la formule est plus figurative qu’autre chose. »


Pendant quelques secondes, son regard se perdit dans les boiseries, les feuilles de vigne, les lauriers, les roses finement incrustés. Sa main se raffermit sur celle d’Ariane.


« Oui, plus de transparence, vous avez raison. La politique pâtit de son opacité. Tout pâtit d’être opaque, cela dit. Je nous fais confiance pour cela et me réconforte de vous savoir consciente de ces problèmes. Cependant… (Il baissa la voix.) La présence du Chancelier est aussi grotesque que ses arguments (le mot fusa de sa bouche, presque à contrecœur). Il n’y a pas d’argument à souhaiter abolir le débat quand bien même ce débat bénéficierait d’une approche différente. J’aurais pu entendre tout autre point de vue, mais là, j’ose espérer que nous - le Sénat - parviendront à outrepasser les différends politiques pour enfin tracer une limite claire entre les pouvoirs législatif et exécutif pour que personne n’interfère avec les débats sénatoriaux, surtout pas le Chancelier. Quelle horreur…


- Paul, intervint Ariane.


- Quelle horreur… Hein, Madame Ranya, d’être ainsi bafoués, en pleine séance ! Ça m’en hérisse encore le poil. Et cette pauvre Sénatrice Ekway, fort de sa jeunesse, ainsi… piétinée. Quelle horreur…


- Chéri !


- Quoi ? »


Ariane lui adressa un regard perçant, compatissant, mais dur. Paul avala une nouvelle gorgée d’eau, renversa un peu du liquide qu’il essuya du revers de sa manche. Il affecta une telle concentration à cette tâche secondaire qu’on eût pu comprendre le malaise qui s’était emparé de son habituelle verve.


« Bon, bon… Je m’égare, je m’égare, j’en suis ! »


Tchiïki Ranya
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- Je suis ravie de vous entendre dire cela, madame, vous avez tout à fait raison de ne point vous laisser faire ! Et ne vous en faites pas, c’est un plaisir de vous rencontrer ; je vous en prie, restez parmi nous aussi longtemps que vous le souhaiterez, je pense que votre époux n’y verra aucun inconvénient. J'adressai un sourire au couple, le visage quelque peu penché. Ariane semblait être dotée d’un caractère sacrément bien trempé, mais ils formaient, Paul et elle, un très joli couple. Ils apparaissaient plus forts ensemble, tant ils devaient se montrer complémentaires, à la fois alliés et amants. Après tout, si cela ne leur apportait guère de déconvenue, quoi de mieux que de pouvoir compter sur l’exigence et le support de l’être aimé à chaque instant ? J’eus moi aussi un tendre sourire pour le Sénateur, lorsqu’il s’essaya à l’humour, puis dodelinai de la tête, pour confirmer ses dires, avant de lui répondre :

- Vous êtes trop modeste, Président, pour autant je plussoie l’idéal vers lequel vous aimeriez que nous tendions ! J’estime à ce titre que l'émergence d’une nouvelle formation politique est une nécessité, car ce n’est qu’en faisant le pari de nous rassembler largement, que nous pourrons offrir des conditions de vie plus décentes à nos concitoyens. Les querelles partisanes qui transcendent l’Opposition sont du pain béni pour S’orn et nous nous devons d’y mettre un terme. Monsieur Hardin apparaissait nerveux, ou peut-être était-il un homme d’un naturel anxieux ? Je poursuivis ma réponse :

- Je suis on ne peut plus d’accord avec vous, à ce propos, savez-vous qui d’autre le serait et pense, réfléchit même, avec opiniâtreté et raison ? Floaz Rĭ’i, Sénatrice de Dorin, accessoirement Présidente – elle aussi – de la Commission sénatoriale de la Législation générale ! L’avez-vous déjà rencontrée ? Nous avons fait plus ample connaissance, elle et moi, dernièrement et j’ai apprécié ses idées autant que sa personne. Sa vision résolument parlementariste confirme, qu’elle saurait être une précieuse alliée, si nous aspirons à préserver le modèle démocratique républicain. J’observai la direction dans laquelle s’était déportée l’attention de mon interlocuteur, avant d’échanger un regard étonné avec son épouse. J’esquissai plus tard un rictus satisfait, quand le Sénateur eut quelques mots agréables pour moi, puis approchai dès que le volume de ses paroles faiblit. J’étais une nouvelle fois sur la même longueur d’ondes politiques que lui, oui moi aussi j’avais eu le sentiment, que l’autorité du Sénat avait été odieusement mise à mal, par un Grendo S’orn à demi-triomphant. Il avait été déplacé de s’imposer de la sorte au beau milieu d’un débat sénatorial, pour en détourner l’objet. Je compris cependant la réaction qu’eut Ariane, elle pouvait préférer que son époux évite tout accès de colère, l’affect étant en quelque sorte une plaie dont toute personnalité politique est tenue de se détacher. Plus facile à dire, qu’à faire. Je les rassurai, l’un comme l’autre, qu’il n’y avait pas le moindre malaise entre nous et pris la parole, pendant que Paul Hardin retrouvait ses esprits.

- Comme je vous le disais, vous pourrez très probablement compter sur la Présidente Rĭ’i, ainsi que sur la Sénatrice d’Alderaan et moi-même, pour faire front commun avec vous. Nous nous attaquerons à la fâcheuse tendance, qu’ont eu les derniers chefs de l’État, à l’hyperchancelierisation. Je connais personnellement Evea Ekway, il me semble d’ailleurs, que vous avez eu l’occasion de publier une [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] ensemble. J’y souscris, étant donné que je m’inquiète également de l’irrépressible inclination de notre Chancelier à défier l’Ordre Jedi. À mon sens, les Jedi et la République sont plus qu’indissociables, tant nos amis utilisateurs de la Force prônent les mêmes idéaux libéraux et égalitaires que nous, tout en respectant la paix et en assurant la sûreté de tous. Je ne voudrais surtout pas me faire prophète de malheur, mais il est certain que nous avons à rester sur nos gardes.

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Paul Hardin
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Paul marquait et ponctuait les propos de la Présidente par des hochements de tête, des « mmhmmh » pensifs, des gestes approbateurs, des froncements de sourcils - eux si proéminents et révélateurs. Les échanges étaient longs, ça lui démangeait de parler, lui qui affectionnait tant la pratique ; il écoutait toutefois et consacra ses efforts à la patience. Les traits d’Ariane, figés, témoignaient de sa méditation, compulsant les paroles de Tchiïki comme un officier public le ferait d’une déposition.


« Nous rassembler largement ? C’est une grande œuvre que vous m’annoncez-là, Présidente Ranya. (Il changea de ton.) Permettez-vous que je vous appelle Tchiïki ? J’admets que l’usage des titres ronflants dans un contexte privé me met mal à l’aise, c’est si forcé.


— Je préférerai, moi aussi, vous appeler Paul, acquiesça-t-elle.


— Parfait, parfait ! Je disais ? Ah, oui, quel type de rassemblement évoquez-vous donc ? Les échéances électorales sont proches, l’optique est-elle commune ?


Vous le soulignez avec Madame Rĭ’i — que j’ai bien évidemment rencontrée, furtivement certes, dans les couloirs de la Rotonde —, les partis d’opposition sont forts, nos idées sont portées hautes, nos bannières levées, mais… mais l’écho est vain pour le moment. Je ne nous placerais pas en chevaliers de l’ordre démocratique, tout de même pas, mais il est clair que le pouvoir exécutif prend une place prédominante dans des domaines dont il devrait être absent. Entendez-moi bien : purement et simplement absent. A mon sens, pour les séances plénières, un Chancelier n’a rien à faire au Sénat.


Et pour cause, cette opposition à la fois si présente et absente à la fois : on le sent également dans les décisions prises à l’égard de l’Ordre Jedi. Ça me ravit que vous partagiez ici aussi mes opinions, nous n’avons aucun intérêt — eux comme nous — à mettre fin à nos relations bilatérales. Je n’ai même pas besoin de m’épancher sur le sujet. »


Ariane prit la parole, Paul s’empara à nouveau du verre.


« Oui… Nous séparer de l’Ordre Jedi serait une catastrophe, Présidente Ranya. Il n’est pas question de garder le statut-quo, bien évidemment : aux temps qui évoluent, nous devons apporter une réponse évolutive elle aussi. Repenser les liens qui sous-tendent nos relations est très certainement nécessaire. Les rapports du CESSR le soulignent !


— En effet et en l’occurrence, je suis plutôt bien placé pour en parler. Tout ça pour dire que nous devons à mon sens réviser la Constitution fédérale. Les dépassements de celle-ci par le Chancelier seraient invariablement marqués et punis. J’oserais même dire qu’un organe indépendant chargé de vérifier le respect de la Constitution ne serait pas de trop, mais je place la charrue avant les bœufs. Et puis, je parle du Chancelier, mais vous me comprenez : tout dépassement, de quelque autorité que ce soit, serait ainsi sanctionné et censuré. Le Sénat est trop partisan pour la tâche, ce qui est normal. »


Au-delà des épaisses vitres, dehors — bien que dehors était inadapté pour désigner l’extérieur du vaisseau —, toujours cette mélasse noire dans laquelle ils s’engluaient. Paul avait toujours cru en cette norme suprême, constitutionnaliste dans l’âme, décidé à édicter et renforcer la prééminence du droit sous réserve que les pouvoirs s’appliquassent à son respect. A quoi seulement soupeser un excès de pouvoir si aucune évidente limite normative n’était auparavant tracée et qu’un juge puisse statuer à ce sujet ? Or, la Constitution fédérale actuelle, malgré les améliorations successives de Sénateurs dévoués, ne concédait pas aux pouvoirs législatif, exécutif et judicaire l’indépendance nécessaire à leur fonctionnement ; elle cultivait, à son insu, d’évidentes lacunes où s’immisçaient et musardaient aussitôt ceux que le droit, l’unique garde-fou de l’activité galactique, n’étouffait pas ; ceux qui érigeaient son universalité en se plaçant à sa marge.

Tchiïki Ranya
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J’appréciais l’attention, l’inclination et l’ouverture que mon collègue témoignait à mon égard, plus renfermée, certainement concentrée, son épouse restait elle stoïque. Puis vint le moment où le Sénateur – enfin, Paul – devait reprendre la parole. Je m’appliquai, moi aussi, à porter un souci tout particulier à son discours.

- La fin justifie les moyens, Paul, je pense que ce n’est point à vous que je vais apprendre cet adage. Nous avons à nous montrer ambitieux, le plus vite possible, ou nous ne serons jamais voués à exercer le pouvoir. Cela va peut-être vous paraître paradoxal, mais je crois que nous devrions, tout d’abord, rejoindre un unique parti et le redynamiser, lui forger une réelle identité anti-S’orn. Lorsque j’évoquais la venue d’une association neuve, j’ai oublié de préciser, que j’estimais qu’il nous était possible de prendre appui, sur une base politique déjà existante. L’Union galactique des Systèmes solidaires ne demande, par exemple, qu’à muer, tant elle a perdu en superbe et ne dispose plus d’une gouvernance faible. Une idée traversa mon esprit : si nous nous y attachions, évincer l’actuelle direction du parti ne serait qu’un jeu d’enfant, étant donné qu’à nous deux, Paul et moi étions déjà deux puissants présidents de commissions. Je me souvins ensuite de la remarque de l’Humain, sur les rapports entre le Chancelier et le Sénat.

- Si vous me le permettez, j’éclaircirais et nuancerais peut-être légèrement votre propos en ajoutant, qu’à mon sens, le chef de l’État républicain n’a sa place au Sénat, que dans le cadre d'un régime politique où notre exécutif n’est pas bicéphale. L’entrée au Sénat ne saurait lui être refusée dans le cas où cette personne endosse, de plus, les fonctions de chef du gouvernement : ne serait-ce que pour laisser au gouvernement tout loisir de rendre des comptes, devant le parlement, auprès duquel il est responsable. Quoi qu'il en soit, il se trouve que je partage votre position : il nous faudra reprendre la Constitution républicaine, afin que celle-ci corresponde mieux à nos attentes. Je suis également d’accord avec votre contribution, Ariane et estime que nous pourrions tirer profit de la modification de notre norme suprême, pour réaffirmer nos principes et leur convergence avec ceux de l’Ordre Jedi. Nos opinions continuèrent à s’accorder, tandis que nous partagions la collation, qui nous avait été apportée par le personnel de bord. Cette distraction dura même assez longtemps, pour nous occuper jusqu’à ce que nous arrivions.

Avant de s’y poser, notre vaisseau survola la surface d’Eriadu ; c’était un Monde industriel, finalement semblable, en tout point, à n’importe quelle autre planète gangrenée par l’exploitation de gisements de minerais, ici du lommite. Pour ne rien arranger, l’atmosphère semblait polluée et l’air assez irrespirable, de longues traînées d’une fumée poisseuse étaient dégobillées, par les hautes cheminées des usines parsemant les terres goudronnées. Dès lors que nous nous approchâmes du spatioport, j'aperçus un ensemble de personnes massées sur les pistes d'atterrissage et échangeai un regard intrigué avec Ariane et Paul. Notre pilote réussit tout de même à nous poser et nous pûmes fouler le sol d’Eriadu, sans le moindre heurt, ni la moindre marque d’hostilité. Nous comprîmes rapidement, qui étaient les individus, nous ayant fait office de comité d'accueil : une partie des manifestants. Je n’eus qu’à jeter de furtifs coups d'œil, aux pancartes brandies par les citoyens, pour comprendre quel lien ils établissaient entre cet endroit et leurs revendications. Selon eux – et ils n’avaient guère tort –, ce spatioport était un lieu mis à la quasi-exclusive disposition des plus aisés, des grands patrons : les exploitants. À eux seuls, ils formaient en effet les principaux usagers des vols commerciaux, donc tenter de paralyser cette activité me semblait tout à fait pertinent. Un spatioport est également le moyen mis en œuvre, par un Monde, pour se connecter au reste de la République, faire le lien avec elle. Or, la confiance en cette dernière était actuellement plus qu’amochée, érodée. Je me demandai si, lorsqu’ils avaient vu notre clinquante navette arriver, les manifestants avaient cru recevoir la visite d’envoyés du gouvernement. Une chose était certaine, jamais ces snobs coruscantii n’auraient envoyé quiconque, ils n’avaient cure de la misère sociale, peut-être finiraient-ils seulement par envoyer quelques hommes armés, histoire de faire s'évanouir la colère des derniers dissipés, qui ne seraient pas encore retournés à leur labeur.

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Paul Hardin
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Harnaché, les mains posées sur les genoux comme un enfant lors de sa photographie de classe, Paul attendait que succède à ces longs filaments irisés, caractéristiques du voyage supraluminique, la vue d’Eriadu. Après la conversation que Tchiïki et lui avaient entretenu durant la majeure partie du voyage, il s’excusa et se présenta à la salle de pilotage de l’appareil, d’où il pourrait contempler la sortie d’hyperespace et l’arrivée sur place.


« Nous sommes bientôt arrivés ? demanda-t-il.


— Une grosse dizaine de minutes, répondit laconiquement le co-pilote, sans se retourner. »


Quelques autres questions lui brûlaient les lèvres, mais il se tut, s’imprégnant de leurs gestes précis, de leur jargon technique : des mots et des chiffres lancés à la volée ; un argot dont Paul était exclu. Le Sénateur ne distinguait pas le visage des deux hommes, dissimulé par un casque, mais les interminables silences témoignaient de leurs expériences de vol communes.


« Dix, neuf, huit, sept… quatre, trois, deux…, commença le co-pilote.


— Un, sortie d’hyperespace, poursuivit le pilote. »


Une brève secousse, un sursaut des moteurs, deux bips à deux tons qui se turent après dix secondes et, devant eux, une gigantesque boule apparut au milieu de la mélasse. Depuis l’espace, les tons ocres et bruns dominaient à sa surface d’où l’on apercevait déjà les belles courbures des nuages, portés par les vents. Durant la demi-heure qui suivit, la planète enfla à mesure qu’ils s’approchaient jusqu’à ce que leur vaisseau ne troue la couche nuageuse et révèle au yeux de Paul la surface d’Eriadu. Des plaques brunâtres et sales, à la manière de nappes de pétrole s’échouant sur les flots, peuplaient les strates intermédiaires du ciel et teintaient les rares ouvertures bleues de reflets jaunis. Depuis le sol comme depuis l’espace, Eriadu dégageait le même relent nauséabond.


Paul revint aux côtés d’Ariane – emportant à nouveau sa main dans la sienne, caressant le dos de celle-ci d’un pouce distrait – et de Tchiïki. Leurs regards qui s’entrecroisèrent révéla un sentiment commun.


« Nous voilà avec un comité d’accueil, dit Paul.


— Ont-ils été prévenus de notre arrivée ou protestaient-ils déjà ici ? » s’enquit Ariane, un soupçon d’appréhension dans la voix.


« Les derniers rapports des autorités locales indiquent que des manifestations ont cours dans les trois quarts des spatioports de la planète, ainsi que sous les fenêtres du palais du Dirigeant. Les citoyens auraient réussi à forcer plusieurs cordons de sécurité. De plus, de nombreuses mines et usines ont été contraintes de cesser toute activité, expliqua la Présidente Ranya. » Les figures se rembrunissent, les traits se tirent. Le vaisseau toucha le sol, tous trois agrippèrent les barres de part et d’autre de la porte, massive, qui se découpait sur l’aile gauche de l’engin.


« Je me demande si la situation n’est pas pire que nous l’imaginions, alors. Devrions-nous leur adresser la parole maintenant ? Je sais bien que ce n’est pas prévu dans le protocole du jour, mais quelques mots d’apaisement pourraient aider. Qu’en pensez-vous ? »


Si Paul guettait la réaction de Tchiïki, par excès de prudence, c’était parce qu’il connaissait les dangers d’une telle initiative. Les politiciens avaient toujours été prolixes des mots d’apaisement et, aujourd’hui, la population s’en défiait. Transiger au protocole était un acte fort, s’adresser à une foule en colère en était un autre, mais jamais les instances dirigeantes d’Eriadu n’accepteraient que, même pétris de bonnes intentions, Paul et Tchiïki déclenchassent un nouveau soulèvement à cause d’un discours improvisé. Paul discernait cette multitude compacte et usée, mais fière, au travers d’un hublot sans teint, face à lui. Il isola des visages, hommes et femmes, toutes races confondues, trempés de sueur, sales. De leurs yeux, de leurs traits, transpirait la peur effacée à chaque cri par une détermination amère. Chaque geste semblait mu par le désespoir criant de on n’a plus rien à perdre. Le Sénateur s’en fit écho :


« Ils ont bien peu à perdre, la tension est oppressante. » La réponse de Tchiïki ne se fit pas attendre :


« Je suis assez perplexe, je ne doute pas de vos capacités, mais j'ai peur que les manifestants aient un a priori plutôt négatif, à la vue de notre vaisseau. Peut-être pourrions-nous commencer par échanger avec les personnes en première ligne ? Si nous commençons par leur prouver notre bonne foi, je pense qu'il nous sera bien plus aisé de parler à un plus grand nombre d'individus ultérieurement.


— Aucun parmi ceux-ci n'ont l'air d'être des agents de sécurité. Vous reconnaissez l'un des dirigeants, quelque part ?


— Pas le moins du monde, je pense que nous allons devoir attendre de nous poser, pour obtenir de plus amples renseignements. »


Paul se tenait debout, roide, les deux pieds légèrement écartés, emmuré dans un silence soucieux. Une bouffée d’appréhension s’empara de ses sens, vibra le temps de deux battements de cœur dans ses tympans. Ce peuple étranger, pourtant si proche, l’ébranlait d’une manière particulière, distincte de cette foule de Sénateurs huant et braillant qu’il fendait ordinairement. Il inspira profondément, rapprocha la main d’Ariane de sa bouche, y déposa un baiser presque candide. Elle frissonna au contact de sa barbe. La porte s’ouvrit dans un chuintement pneumatique.


Un brouhaha monumental emplit l’air, n’admettant d’autre son que ce fouillis de voix et de cris, d’éclats et de pleurs. Cet intense grondement avait quelque chose de mécanique, d’irréel et, plus que tout, de profondément vénéneux. Il asphyxiait toute pensée consciente. Sa présence était si oppressante qu’il semblait presque doué d’un sentiment indépendant – un tout dépassant l’individu.


Paul fronça les sourcils et entama le lent mouvement d’un salut qu’il s’efforça de rendre le plus pacifique possible. L’échec se répercuta en huées successives, véritables lames de fond qui ne demandaient qu’à le noyer.


Paul accusa le coup, interrompant son geste. Il chercha du regard ceux de Tchiïki et d’Ariane, y lut de l’incompréhension. Et maintenant ? Que devaient-ils faire ? Les services du protocole planétaire avaient assuré que « tout sera en ordre, dès votre arrivée ». Piégés entre le vaisseau et la foule, uniquement contenue par les barrières déployées dans un rayon d’une dizaine de mètres autour du quais, ils étaient rongés par une attente gênée et rien ni personne ne venait à leur encontre, sauf cet immense chaos, assourdissant de malheur.


Une sirène retentit, puissante et péremptoire. Elle se tut, retentit à nouveau. Les visages se tournèrent d’un mouvement uniforme. La chose bougeait. Bientôt, dans un fracas de bottes, une centaine d’hommes déchira la foule, s’alignant à mesure de leur avancée pour former une haie qui dégageait un passage jonché de détritus écrasés. Dix hommes les attendaient, à quelques mètres seulement. Dix autres temporisaient de l’autre côté.


Ils traversèrent ainsi encadrés. La bête perdit de sa massive allure alors qu’à nouveau, Paul discernait les visages qui la composait. Quel niveau de misère désinhibait ainsi une population ? Il redressa finalement la tête, ne pouvant soutenir plus longtemps tous ces regards qui oscillaient entre imploration et reproche.

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