Lauren Aresu
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  Les cumulonimbus obscurcissaient le ciel de leur menaçante présence, champs de coton flétris qui s’étendaient à perte de vue. Tonitruants messagers, les éclairs zébraient le ciel d’Ondéron et teintaient le Temple d’inquiétants flashes lumineux. Au milieu de l’épaisse brume, les lieux ressemblaient à une vision onirique, entre l’éveil et l’endormissement, mouchetés de blancs. Un claquement sonore suivi d’un bourdonnement lointain tira Lauren de sa nuit réparatrice. De son épuisement naissait un sommeil si profond que les cauchemars ne parvenaient pas à l’en extraire. En avait-elle vu, pourtant, des horreurs.

  Voilà deux semaines qu’elle était finalement sortie de l’infirmerie du Temple. Curieuse sensation que celle de ne pas se souvenir d’y être arrivé. Elle se souvenait néanmoins de tout ça et dans un réflexe protecteur, elle fuyait les images désordonnées qui se rappelait à elle, contre son gré. Le dernier couloir, la fenêtre brisée d’où perçait les rayons écarlates du crépuscule. Du rouge, toujours du rouge comme une pulsion de mort à laquelle elle ne pouvait se dérober. Puis le néant. La culpabilité viendrait. Elle venait toujours. Comme un avide rapace qui se repaissait de son assurance. Pour l’instant, Lauren pansait ses blessures et pensait à son maître. A Echktor également, à qui elle devait leurs vies.

  Ses paupières pesantes n’étaient aujourd’hui pas agressées par la lumière vive qui baignait habituellement la pièce. Tout était terne, sale et grisâtre. Ce matin-là, la morosité gagnait Lauren alors qu’elle s’extirpait de son lit. Un frisson parcourut son échine quand elle posa le pied sur la pierre froide qui pavait le sol et des douleurs, réminiscences fantomatiques, coururent le long de son bras mécanique.

  Elle s’étira. Une quinte de toux déchira ses poumons, écorchant sa trachée. Les fumées toxiques respirées sur Arda n’y étaient pas étrangères, tâchant ses poumons de vilains points noirs. Les médecins, à cette vue, ne s’en alarmèrent pas. « Tu guériras, il te faudra quelque temps pour expectorer tout ça et tu seras sans doute prises de quintes de toux désagréables. Mais au moins, ce n’est pas quelque chose que tu devras supporter à vie. » Le médecin l’avait annoncé d’une voix douce, ponctué d’une accolade rassurante sur l’épaule. A intervalles irréguliers, ces crachats vénéneux attestaient de ses épreuves.

  Maître Vespen séjourna plus longtemps que Lauren à l’infirmerie. Elle demeurait dans un état d’inconscience à l’allure paisible. En parallèle des enseignements généraux qu’elle reprenait petit à petit, bravant l’odeur aseptisée qu’elle détestait, Lauren venait lui rendre visite, silencieusement. Elle tenait alors sa main. De temps à autre, les yeux de la Jedi s’affolaient derrière ses paupières closes et la jeune fille se persuadait que son maître rêvait simplement. Le souvenir douloureux de l’explosion refit surface. Étincelles oranges et bleues, flammes rouges, dévorantes. Durant ces moments de doute, qui perçaient sous la fragile carapace qu’elle s’évertuait à bâtir, son esprit s’amusait à broder, à s’imaginer le corps flasque de maître Vespen projeté contre un mur, craquer violemment. Elle ne voulait pas le voir, elle ne souhaitait pas concevoir cela. Pourquoi ses pensées étaient-elles si morbides, une fois les yeux fermés ?

  Non loin d’elle, déposé la veille au chevet de son lit, son comlink émettait un clignotement entrecoupé de « bips » discrets, au bruit d’une vibration. Sur pied et légèrement chancelante, elle étendit son bras d’un mouvement saccadé et attrapa le petit écran.

  « Ah, Lauren ! Tu es enfin réveillée. Ça fait cinq fois que je fais sonner ton comlink ! Quelle tête tu as ! » Ah oui, effectivement. Une diode verte clignotait tout son saoul, sourd témoignage des appels manqués. Elle ne lui laissa guère le temps de respirer qu’elle continua : « Bon, en forme ? Allez, aujourd’hui est un grand jour… même si tu ne sais pas pourquoi. Crois-moi ! Enfile ta bure, prend ton attirail et rejoins moi au spatioport. Une navette nous attend. Tu as dix minutes, pas plus. Oh et, j’y pense, n’oublie pas tes vêtements chauds, ceux d’Anoat. Dix minutes ! » La réponse de Lauren se perdit dans le bruit qui annonçait la fin de l’appel. Maître Vespen toute crachée. La padawan sourit.



***

  Le vaisseau atterrit sur la piste enneigé, déployant sous ses réacteurs des gerbes glacées qui s’évaporaient instantanément, laineuses. Le maître et la padawan en descendirent, correctement endimanchées dans leurs manteaux. « Ilum ? Sérieusement ? Nous avons été mandatés ici, maître ? Quel froid… »

  L’accueil était aussi glacial que ne l’était la planète. Dépouillé de tout apparat, la plateforme d’atterrissage, une grande plaque d’acier noircie entourée de clôtures autrefois électrifiées, débouchait sur un escalier de cinq marches, glissantes. La base avancée sur laquelle elles avaient échoué s’enterrait par une entrée taillée à même la roche et la glace. Un seul garde patrouillait la zone. En voilà une vie. Seuls, ici, ces gens défendent une base que personne n’a foulé depuis peut-être longtemps. Il tapait vigoureusement ses pieds sur le sol, rempart dérisoire contre le froid mordant qui profitait du plus petit interstice. A leur descente, il annonça quelque chose d’inaudible dans sa radio et s’avança.

  « Mesdames ? Êtes-vous perdues ?
Des gens arrivent réellement à s’égarer ici ? (Un ange passa.) Je vous fais marcher, soldat. Je suis Saery Vespen, maître Jedi et voici Lauren, ma padawan. Nous sommes ici de passage. »
Il haussa les épaules, las. Leurs sabres lasers pendaient, harnachés à leurs ceintures. Une preuve suffisante, selon lui.
« Bien, laissez votre navette ici, nous la ravitaillerons. »

  Sans plus de formalités, il s’éloigna aussi engourdi qu’à son arrivée et repris son poste.

  « Comment font ces gens pour survivre ici ? Et pourquoi la République les envoie-t-elle ? s’enquit Lauren d’une voix nasillarde alors qu’elles se distançaient de la piste.
Que veux-tu, ils se débrouillent. C’est pas là que se trouve notre affaire pour aujourd’hui ! Viens. »

  Elle lui emboita le pas, bravant l’épais manteau neigeux, pour rejoindre la station de landspeeder située non loin.

  « Que fait-on dans cette toundra, maître ? »

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Suite à son nouvel échec et à sa longue remise en état, Saery décida qu'il était temps d'arrêter de se questionner sur la volonté de la Force. Elle devait faire ce qui était nécessaire. Et en l'occurrence, il lui fallait s'occuper de sa padawan. Elle amena donc Lauren sur Ilum, une planète bien connue des Jedi pour les cristaux qu'elle contenait. C'était grâce à ces minéraux que les combattants de la lumière pouvaient compléter leurs armes : les sabres-laser.

Les cheveux au vent, la capuche tombée dans le dos, Saery regardait la grande étendue neigeuse qui se dressait devant elle. Le landspeeder qu'elle conduisait dévorait les kilomètres à toute allure et l'épais pare-brise vibrait à chaque fois que le vent se décidait à souffler un peu plus fort. Pousser l'engin ainsi n'était pas très sûr, mais personne n'irait la réprimander dans cet endroit perdu.

Ses yeux, couverts par les lunettes sombres qui lui servaient à se protéger du vent et des reflets du soleil sur la neige, se tournèrent vers sa padawan qui s'interrogeait, avant de regarder à nouveau devant elle. Elle leva le pied et le boucan que faisait l'engin cessa presque. Comme satisfaite, la Jedi relâcha ses épaules dans un long soupir.

— Nous sommes ici pour toi, ma jeune padawan.

Sa main droite quitta le volant. Elle pointa du doigt droit devant elle.

— Là-bas, tu vas devoir te prouver que tu es capable de suivre la voix des Jedi, Lauren. Et quand ce sera fait, tu auras toi aussi la preuve de la réussite de ton premier test.

De sa main libre, elle tapota son manteau au niveau de sa taille. C'était un signe évident : ses deux sabres se trouvaient attachés à la ceinture qui se trouvait dessous.

— Retiens bien ceci : avant d'arriver à ton but, il te faut faire la route. Et avant de faire la route, il te faut t'y préparer.

Le maître sourit à peine. Elle faisait de son mieux pour ne pas ressembler à l'un de ces vieux sages qui se lançaient dans de longs discours énigmatiques, mais c'était parfois très tentant.

— Ce qui t'attend est avant tout une épreuve spirituelle, alors tu es la seule à pouvoir décider de la façon dont tu vas t'y prendre.

Très vite, les bruits du moteur et du vent se firent à nouveau entendre. Le landspeeder reprit sa vitesse de croisière en direction d'immenses pics de glace qui naissaient à l'horizon. Une heure plus tard, les Jedi commencèrent à passer entre les grandes tours givrées et arrivèrent devant ce qui ressemblait à une grande vague figée dans le temps. Il s'agissait d'un immense rocher qui avait l'air de sortir du sol sans se révéler complètement. Il était couvert de glace et de neige, ce qui lui donnait, de loin, cette apparence aqueuse.

A son ombre, d'innombrables stalactites plongeaient dans le sol et barraient la route aux deux Jedi. L'air semblait s'y engouffrer. Parfois, en passant à travers l'épaisse forêt de pics de glace, le vent produisait d'étranges sifflements.

— C'est ici que ton cristal t'attend, Lauren. Derrière ce mur de glace se trouve une grotte à laquelle tu dois accéder par tes propres moyens.

Saery s'avança. elle plongea sa main devant elle, à travers les pics qui ressemblaient à d'épais barreaux. Un craquement se fit entendre, puis elle sortit une petite pointe de glace qu'elle présenta à sa padawan.

— Tous ces pics n'arrivent pas jusqu'au sol. Et parfois, certains en sortent.

Les dents de givres n'étaient pas tous droites. Les vents rendaient leur orientation hasardeuse. Parfois, c'étaient même de véritables aiguilles qui s'étaient formées. Mais Saery ne jugea pas utile de le préciser. Elle croqua nonchalamment dans le glaçon qu'elle venait de montrer à son élève.

— Alors fais attention, hm ? Dit-elle, en levant le menton. Maintenant, je te regarde faire. Alors je t'en prie, fais comme si je n'étais pas là et va chercher ce qui t'attend de l'autre côté.

Lauren Aresu
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   La gueule béante, aux dents glacées, s’élevait devant eux, brisant l’uniformité du manteau neigeux. Le landspeeder avait taillé une profonde plaie de ses moteurs hurlants, plaie aussitôt cautérisée par le vent qui déplaçait les flocons comme les grains de sable des dunes de Tatooine.

   Abandonné par ses congénères, un rocher gardait vaillamment l’entrée d’un mystérieux passage. Des stalactites et stalagmites aux pointes affilées et aigues en barraient l’antichambre, encadrée par des lèvres translucides. Protégé du froid, le sol se dénudait ici et l’on apercevait petits cailloux et mottes de terre durcies qui n’avaient sans doute pas été foulées depuis plusieurs dizaines d’années, peut-être jamais.

   « C'est ici que ton cristal t'attend, Lauren. Derrière ce mur de glace se trouve une grotte à laquelle tu dois accéder par tes propres moyens.

   — Mon cristal ? Mais… Comment vais-je y passer, à travers ces pointes ? Et si l’une d’elles tombe ? Et vous ? »

   Saery repoussa ses deux dernières questions d’un revers de main.

   « Tous ces pics n'arrivent pas jusqu'au sol. Et parfois, certains en sortent. »

   La padawan embrassa du regard le spectacle que la nature offrait à elle, puis baissa celui-ci sur son épais manteau qui doublait sans doute sa taille normalement fine. Elle vérifia d’un geste discret la présence de son sabre et ajusta sa main valide sur son bras artificiel. Avançant de deux ou trois mètres, elle était maintenant accolée à la stalactite la plus proche, visiblement aussi grande qu’elle. Le pic ne s’arrêtait qu’à deux ou trois centimètres du sol et de sa pointe coulait des gouttelettes qui s’évaporaient dans leur chute. Trois autres aiguilles formaient la première barrière.

   « Alors fais attention, hm ? Maintenant, je te regarde faire. Alors je t'en prie, fais comme si je n'étais pas là et va chercher ce qui t'attend de l'autre côté. »

   Lauren fut tentée de lui demander ce qu’elle trouverait là-bas ou bien comment elles garderaient le contact, mais elle se ravisa. J’y vais doucement, je reste calme. L’Echani inspira l’air piquant et, en prenant l’expression la plus confiante possible, elle adressa un signe de tête à maître Vespen.

   Si ce n’était les dangereuses pointes, la jeune fille s’étonnerait de la beauté des lieux. Les rayons ternes se réfractaient de pics en pics et dévoilaient toute la pureté du travail d’orfèvre que le vent, inlassable artisan, façonnait depuis si longtemps. Les courbes dessinées dans la glace, les sons chantants, la moindre impureté semblait avoir été chassée pour ne garder que l’eau la plus claire et les sons les plus mélodieux.

   Cependant, concentrée, Lauren ignorait ces détails. Elle avançait prudemment, le pas lent et l’œil alerte. Lorsqu’elle décelait un interstice suffisant pour y passer, elle s’y glissait dans un mouvement gracile puis s’interrompait pour chercher le passage suivant. Malgré ses contorsions, aussi bas pliait-elle les genoux, les dents verglacées grattaient son manteau comme si elles cherchaient à n’en faire qu’une bouchée.

   La padawan progressa ainsi sur sept ou huit mètres. Au fur et à mesure qu’elle s’éloignait de l’entrée, l’eau se faisait plus abondante et ruisselait le long des parois. Plusieurs gouttes s’écrasaient parfois sur l’Echani alors qu’elle tamponnait un peu plus durement un pic glacé. De toute cette eau supplémentaire naissait plus encore de stalactites, densifiant la forêt transparente.

   Elle n’avait pas eu, jusqu’ici, besoin de sortir son sabre pour y tailler un passage plus grand. Elle doutait seulement d’en avoir la possibilité. L’espace était parfois si exigu qu’elle ne pouvait y déplier les bras.

   « Lauren ? Tout va bien ?

   — Oui… Oui, oui ! Ça devient plus difficile, mais je pense y parvenir. Je sais pas s’il me reste encore beaucoup de chemin.

   — Ne te déconcentre pas. »

   Le timbre cristallin de maître Vespen se réverbéra pendant plusieurs secondes avant de s’évanouir dans le souffle du vent.

   La prochaine étape de Lauren était barrée d’une aiguille qui descendait un peu trop bas, interdisant le passage à la padawan. Elle n’était pas à même de rentrer davantage sa tête dans son manteau sans risquer de s’empaler en se relevant. Considérant la situation, elle choisit par sécurité de casser l’extrémité du glaçon. Elle profita pour cela de son bras robotique qu’elle abattit à maintes reprises sur la stalactite qui, d’abord fissurée, se brisa au sol.

   L’Echani loua de ne pas sentir la morsure du froid sur sa main droite quand seul un courant d’air caressant son visage pourtant protégé lui picotait les joues. Elle réitéra ses déplacements fractionnés – trouver un passage, s’y faufiler, chercher le suivant avec application – pour gravir une bonne partie du chemin restant. Là ! Elle entrevoyait enfin la suite, filtrant grâce à d’épars rais de lumière. Seules une dizaine de stalagmites et stalactites l’en séparait, mais celles-ci semblaient plus compact et menaçantes que jamais. Leur volumineuse taille interdisait à la padawan d’utiliser sa main, même artificielle, pour s’y frayer une voie. Attentive, relevant doucement son manteau sur son flanc gauche, elle agrippa le sabre à sa ceinture. Le vrombissement doux était amplifié, il devenait presque entêtant. Lauren plia ses bras, tailla un premier morceau, éteignit l’arme, s’y insinua et répéta l’opération.

   La chaleur de la lame contrastait avec le froid ambiant. Son œuvre faisait naître des volutes de vapeur qui, après trois pics découpés, gênaient sa vision. Elle tenta, prise d’une bouffée de chaleur, de relever son cache-visage, mais le froid, malgré le sabre, cingla sa peau de son emprise glaciale. Parfois, je suis débile, pensa-t-elle en cachant un sourire derrière la laine qu’elle avait replacée devant sa figure. Elle prit une pause. Maître Vespen a donc jugé que j’étais apte à recevoir mon propre sabre ? Waouh. Je ne sais même plus la couleur du sabre de ma mère. Elle aurait été fière de moi, je suis sûre. Ces pensées suffirent à motiver la jeune fille, déjà ardemment déterminée par la confiance que Saery plaçait en elle.

   Plus que deux. Pourtant, Lauren avait omis un détail important : la vapeur chaude qui s’élevait n’était pas sans effet sur les autres stalactites.

   Un craquement. Puis deux, trois. Déchaussées, les aiguilles s’écrasaient au sol comme autant de pieux qui ne demandaient qu’à chasser l’intrus de leur havre de paix. Son instinct de survie couvrit le vent de panique qui tentait d’embrumer ses pensées. Elle fixa le fond de la grotte, au plus loin. Ses pieds prirent appui sur les graviers. Du bras droit, elle écarta un petit pic et sauta. Elle atterrit juste à côté d’un autre, plus gros, qui se disloqua dans un vacarme assourdissant. D’un balancement du bras, elle tailla un autre en deux et frappa violemment son genou gauche dans le second morceau juste avant qu’il n’atteigne le sol.

   Un cri s’échappa, aigu. Mais elle n’était pas en sécurité. Deux pics tombèrent à sa droite et elle pressa avec énergie sur sa jambe valide avant de tomber à la renverse. Dans la précipitation, elle n’avait pas éteint son sabre. Celui-ci, incontrôlé, sectionna un lourd morceau de glace qui fila aussitôt sur le visage Lauren. Elle ferma les yeux aussi fort qu’elle le put et roula vers la droite. Son genou palpitait. Elle pria. Dans un dernier effort sur ses jambes, elle glissa puis dévala une petite marche avant d’oser rouvrir les yeux.

   A son regard s’offrit une voûte d’un bleu nacré. Plus de pieux ou d’aiguilles. Seulement les reflets paisibles. Le bruit, lui, n’avait pas cessé. Les uns après les autres, les pics s’écrasaient et leur hurlement s’enfonçait dans la cavité qui continuait. En à peine plus d’une minute, Lauren avait réduit tant d’années à néant. A cet instant, seule comptait sa vie. Elle était sauve. Silencieuse et immobile, l’Echani souffla.


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À l'entrée de la grotte, Lauren avait provoqué une véritable tempête. Pendant que les derniers pics fragilisés s'écroulaient encore, Saery traversa la mâchoire de glace pour rejoindre sa padawan. Sans se précipiter, elle s'avança vers la jeune fille. Derrière elle, le triste spectacle commençait à peine à s'arrêter.

— Tu as eu de la chance.

Sa bouche se tira en un sourire forcé et plat qui montrait à la fois sa sympathie et son insatisfaction. Elle se tourna vers l'entrée dévastée, puis elle inspira, comme pour chasser ce sentiment qu'elle éprouvait et qui n'avait rien à faire là.

— La témérité dont tu as fait preuve lors de ton entrée a défini le rythme de tout ton trajet. D'autres choix plus tranquilles et moins risqués s'offraient à toi, mais tu n'as pas pris le temps de les évaluer. J'espère que tu vois où je veux en venir.

Saery avait essayé de guider Lauren vers une approche plus réfléchie, mais celle-ci avait décidé de laisser faire son instinct plutôt que de prendre son temps. D'une main plate, le maître désigna l'entrée de la grotte dévastée. Elle accompagna le geste d'un discret rire nerveux.

— Enfin tu es là, maintenant. C'est que tu as réussi. Continuons.

Saery ouvrit la marche pour guider sa padawan à travers la grotte. Elle prit une lampe de poche qu'elle dirigeait vers les parois qui se trouvaient devant elle. Grâce aux nombreux reflets, l'endroit se retrouvait très bien illuminé. Mais, la Jedi ne prêtait aucunement attention au somptueux décor que dessinait le givre sur les mur irréguliers de la caverne. Elle préférait faire attention au sol, parfois gelé et glissant, et aux petits gravillons qui menaçaient de rouler lorsque l'on marchait dessus. Parfois, elle faisait signe à son élève de faire attention.

Après quelques minutes passées à avancer prudemment et à descendre, l'endroit se fit plus étroit et sombre. En s'approchant, les Jedi virent que les pierres étaient taillées. Après avoir passé cet étroit couloir, Saery rangea sa lampe. Elle arrivait dans ce qui ressemblait à un ancien temple. Il s'agissait d'une grande salle dont le centre du plafond ressemblait à un puit de lumière cristallin qui plongeait à peine dans la pièce. Un simple escalier de pierre menait devant le centre de l'endroit. Saery invita sa padawan à passer en premier.

De l'autre côté, face aux Jedi, se trouvait une grande porte de pierre. Sculpté sur ses deux battants, un Jedi encapuchonné saluait avec son sabre de roche. Pour les accompagner jusqu'à cette nouvelle entrée, de nombreux blocs cristallins étaient mis en valeur sur des socles finement taillés. Au milieu de la traversée de cette véritable exposition d'art, Saery s'arrêta, laissant Lauren continuer quelques mètres seule.

— À partir d'ici, c'est à toi de jouer.

Saery se laissa tomber pour finir assise en tailleur. Les bras posés sur ses genoux, elle clôt ses paupières. Alors, la grande porte se mit à trembler. Puis, lentement, à s'ouvrir sur une voie de givre blanc qui surplombait le vide. L'air s'y engouffra, comme pour inviter la padawan à entrer. Le maître ouvrit les yeux et invita elle aussi Lauren à partir seule, d'un simple geste de la main.


Lauren Aresu
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   Lauren trottinait derrière son maître qui semblait bien loin d’apporter autant d’attention qu’elle aux magnifiques sculptures qui pavaient leur chemin. Le pied alerte, malgré l’hématome qui s’était formé sur son genou, elle dépassa la première partie de la grotte aux milles reflets d’un bleu iridescent. Le délicat travail de l’Homme se mêlait harmonieusement à l’inlassable œuvre de la nature. Aucun des deux n’ombrageait la splendeur de l’autre. La beauté de la nature rejaillissait sur l’ouvrage des Jedi dans une union parfaite.

   L’Echani traversa le petit escalier grossièrement taillé dans la pierre, baigné de lumière. Combien de temps les Jedi ont-ils mis pour construire tout ça ? Ils savaient pertinemment que bien peu de personnes ne verraient leur œuvre et, quand bien même, ils ont taillé ces merveilles qui rivalisent de beauté avec celles du Temple d’Ondéron. Le but de cette entreprise n’était pas d’être exposée à la face du monde, d’être représentée dans les expositions coruscantis ou d’être affichée dans les derniers holo-films. Lauren en avait conscience. C’était à la fois un discret hommage, une profonde marque de respect et une voie tracée pour les futures générations qui, comme elle, parcourraient cet escalier glissant vers leur destinée lumineuse. Une essentielle leçon d’humilité.

   Les grincements de la porte rendirent inaudible l’exclamation de surprise de la padawan. Le Jedi encapuchonné, en bas-reliefs, perdit son sabre, devenu inaccessible sur l’autre battant de la porte.

   « A partir d’ici, ce sera à toi de jouer. »

   De son émoi naquît subitement une peur indicible, une menace abstraite qu’elle ne parvenait pas à identifier. Elle s’avança prudemment. Le chemin se déroulait devant elle, ne mesurant guère plus de cinq mètres de large. Tout le reste était noyé dans une obscurité pesante. Lorsque la padawan sonda les lieux, le vide à ses côtés lui renvoya un écho terrifiant. Une chute serait mortelle. Un éclairage diffus lui permettait de se guider, sans qu’elle ne puisse en identifier la source. Il semblait venir de partout et nulle part à la fois. Une vingtaine de mètres la séparait maintenant de Saery, immobile dans l’embrasure de la gigantesque porte.

   Le grincement reprit, plus tonitruant cette fois. Lauren fit volte-face, vive. La porte se refermait à une vitesse que sa taille ne laissait présager.

   « Maître ! Maître ! hurla-t-elle. » Tout geste brusque l’aurait précipitée vers une mort prématurée.

   Naissant de l’obscurité dévorante, le silence retomba. Elle demeurait pétrifiée. Je… je n’ai plus le choix. Je dois continuer à avancer. C’est un Temple Jedi, il ne peut rien m’arriver de mal. Elle n’y croyait pas. J’inspire. J’expire. Je ne suis pas seule, maître Vespen est juste là, derrière cette porte… Est-ce elle qui l’a refermée ? Elle fut frappée par cette réflexion subite. Etait-ce le sanctuaire qui requérait sa seule présence ou bien la Jedi la forçait-elle à se débrouiller seule ?

   Lauren s’était timidement confiée, une fois, au sujet de sa monophobie. Elle n’avait pas fait preuve d’auto-apitoiement excessif. Elle avait résumé son histoire en quelques phrases seulement, teintées de la sincérité inspirée par les expériences marquantes de sa vie. Puis, les deux femmes n’en avaient plus jamais parlé. C’était une tacite compréhension. Est-ce que maître Vespen a vraiment refermé cette porte ? Elle ?

   Ce sentiment l’obnubilait. Leurrée dans l’angoisse, elle ressentait cela comme une trahison. C’est peut-être le sanctuaire. Les vieux maîtres sont parfois tordus.

   Absorbée, elle continuait de progresser sur le passage glissant. Si glissant qu’elle finit par s’aider de la Force pour maintenir son équilibre et prévoir les aspérités piégeuses du sol. Un simple être vivant dénué de lien à la Force serait assurément déjà mort.

« Peut-être que des squelettes n’attendent que ma chute, en bas, ricana-t-elle. »

   Elle se surprit à parler à voix haute. La caverne rocheuse dans laquelle elle évoluait devait être si vaste que l’écho de sa voix s’étouffait avant de rebondir, quelques secondes plus tard, pour ne lui renvoyer qu’une voix faiblarde brisée par la terreur. Elle eut un instant la sensation qu’elle entendait aussi l’écho de son cœur battant la chamade. Ou de ses pensées.

   Trois statues se révélèrent à l’Echani. Derrière elles, Lauren distinguait trois plateformes, identiques, donc l’accès lui était interdit par un insondable gouffre, rongé par les mêmes ténèbres qui enveloppaient déjà le passage qu’elle venait d’emprunter. L’obscurité s’arrêtait à peine une dizaine de mètres dans son dos, cherchant à l’engloutir.

   La paix se lisait dans les traits figés des visages de pierre. L’attention au détail était surprenante : Lauren parvenait à discerner depuis les légères rides des visages jusqu’aux fines stries sur les lèvres. Leur expression était rassurante, mais sévère à la manière de trois instituteurs surveillant attentivement le travail d’une élève. Il y avait un Twi’lek, un humain et une autre race, inconnue de Lauren. Tous les trois arboraient la même bure, aux plis subtilement incrustés, la capuche rabattue qui pendait dans leur dos. Leurs mains, paumes en l’air, attendaient de recevoir quelque chose. Elles étaient cependant vides.

   Elle s’approcha d’un présentoir, au centre de l’îlot qu’elle partageait avec les statues. Il n’existait à ce moment que Lauren, les trois faces pétrifiées dans le marbre et le sabre qu’elle découvrit. La poignée, sculptée à même la glace, était d’une brillante sobriété. Dépouillé de fioritures et d’apparats superflus, les formes arrondies et les simili-plaques manifestaient la qualité d’une arme de maître. Lauren décelait même le réceptacle du cristal, finement ciselé au cœur de l’œuvre.

   Au-dessous, écrit en lettres cursives, la padawan lisait :

   Quelle est la vraie signification du Code Jedi ?

   L’Echani risqua doucement l’un de ses doigts hors de son gant. Elle s’attendit au froid mordant, mais ne ressentit qu’une brise fraîche. L’air provient forcément de quelque part ! Ça veut dire qu’il y a une sortie ! pensa-t-elle dans une énième tentative de faire taire la sourde angoisse qui assaillait sa cage thoracique. A la manière de rivières alimentant un fleuve au puissant courant, sa monophobie avait été noyée. Elle éprouvait le saisissement d’un claustrophobe piégé dans un espace exigu alors même qu’elle arpentait la plus extraordinaire caverne qui lui fut donné de voir. Dès qu’elle détournait la tête vers les profondeurs abyssales, elle sentait peser l’oppressante perception de milliers d’yeux qui dardaient sur elle leur impassible envie de la voir chuter. Elle résista.

   Quelle est la vraie signification du Code Jedi ? La paix, l’absence d’émotions qui obscurciraient le jugement du Jedi, la paix, la connaissance. Encore la paix. A croire que ce foutu Code voudrait que l’on reste assis en tailleur, bras croisés. Comment peut-on défendre les valeurs chères si rien ne nous anime ? Est-ce qu’une personne dénuée de passions est une personne vraiment sereine ?

   Lauren s’extirpa de ses pensées qui divaguaient sans n’amener autre chose qu’une confusion supplémentaire. C’était comme essayer d’éteindre un feu avec de l’essence, dans son état. Dans un élan de témérité, elle empoigna le sabre. Il n’était pas froid, mais similaire au touché du verre. Il ne fondait pas non plus sous la chaleur de son étreinte.

   Quel rapport encore ces trois personnes, ce sabre et cette phrase ? Elle relut à voix haute, très lentement. « Quelle est la vraie signification du Code Jedi ? » Devait-elle méditer ? Etait-elle supposée découvrir un quelconque sens caché derrière cette question ? Serait-elle obligée d’user de la Force ? Et surtout, pourquoi ne mettre qu’un sabre alors que trois personne réclamaient un mystérieux objet ?
   A ses réflexions décousues ne répondaient que l’indomptable silence, brisé spontanément par une interjection qu’elle lançait à voix haute, plus ou moins polie. Un Twi’lek, un humain et une… autre chose. Un magnifique sabre. Des mains tendues. Quelle est la vraie– Oui ! Oui ! Comment s’appelle-t-il déjà ? Oran-Dune ? Obran-Ur-Orr… Odan-Urr ! Oui !
   Oui, c’est la question d’Odan-Urr ! Je ne me rappelle plus du nom de sa race. C’était… C’était un Jedi connu, peut-être pas à l’origine du Code Jedi, mais presque. Maître Arh'ti en avait longuement parlé.
   Lauren en vint à la conclusion, abasourdie, qu’elle tenait entre ses mains, si nonchalamment, l’exacte réplique du sabre d’Odan-Urr lui-même. Si le légendaire Jedi n’était ni un Twi’lek, ni un humain, alors… Elle déposa l’arme avec vénération dans les mains du troisième individu de pierre. Un rayon de lumière drue traversa le sabre depuis le faîte de l’immense sanctuaire, tel un flash, avant que celui-ci ne se liquéfie pour disparaître au pied de la statue.
Effrayée, Lauren recula de quelques pas. Un grondement jaillit, différent du grincement de la porte. La statue, jusqu’ici immobile, pivota pour faire face au gouffre qui la séparait de la plateforme, juste en face. Le vacarme ne cessait pas, devenant plus intense encore. Depuis l’îlot central, une lourde dalle de pierre rejoignit l’autre extrémité, autorisant dorénavant le passage. Le mécanisme entier n’avait duré qu’une minute maximum, assez longtemps pour que Lauren en tremble de tout son être, ignorante de son sort. Elle redoutait de glisser pour rejoindre les ténèbres à tout jamais.

Invité
Anonymous

Saery relâcha son emprise sur la porte. Celle-ci se referma aussitôt, séparant la padawan de son maître. La Jedi se leva alors pour déambuler quelques instants à travers les cristaux que l'on traitait comme des oeuvres d'art. Elle ne les regardait pas avec grand intérêt. Leurs reflets n'étaient pas si passionnants, pour elle qui avait déjà vu tant de choses bien plus captivantes et, parfois, bien plus surnaturelles que les couleurs changeantes de ces pierres.
Puis, comme si elle s'y attendait, elle se redressa en entendant une voix qui résonna dans la pièce :

— Saery Vespen, c'est bien vous ?

L'intéressée se tourna vers celui qui l'interpelait. C'était un feeorin, étrangement petit et particulièrement vieux. Son visage ses tentacules étaient barrés de rides profondes. Deux longues tiges bleues comme sa peau faisaient penser à une longue moustache. Plié sur lui-même, il s'avança tranquillement vers son invitée.

— Oh oui. Vous avez grandi...

Il la regarda en biais. D'un côté, puis de l'autre.


— Enfin, pas tant que ça.

Saery sourit à peine

— C'est plutôt vous qui continuez de vous tasser doucement.

Le feeorin balaya la remarque d'un coup de main dans le vent. La jeune femme pouvait bien dire ce qu'elle voulait. Il se dirigea vers l'autre bout de la salle, accompagné de Saery qui le suivit sans vraiment réfléchir. Après un petit moment de silence, le vieux gardien reprit la conversation :

— Personne ne m'a prévenu de votre arrivée. Je ne m'attendais pas à recevoir quelqu'un.

— Il fallait vous prévenir ?

Le vieux soupira.

— Pas vraiment. Je suis juste content d'être passé par là au bon moment. Je ne vois pas grand monde, ces dernières années.

— Et pourtant, vous êtes toujours là après tout ce temps. Même pour quelqu'un de patient, ça doit être... épuisant.

— Reposant, ma chère, reposant. C'est le mot que vous cherchez. Quand on a eu une vie aussi longue que la mienne, passer quelques dizaines d'années au frais est une véritable bénédiction.

Saery n'arrivait pas vraiment à comprendre. Elle ne savait pas vraiment quel âge avait ce vieillard, de toute façon. Elle ne savait pas non plus comment il faisait pour supporter le froid, habillé de sa simple bure brune.

Le vieillard guida Saery à travers un petit couloir sombre. Au bout, une porte bien plus moderne tranchait avec la pierre qui l'encadrait. Elle s'ouvrit en glissant silencieusement pour libérer l'accès à une pièce éclairée d'une lumière changeante. Les teintes des cristaux étaient amplifiées par quelques lumières encastrées dans la roche que l'on avait creusée. Les ombres de grandes étagères dansaient lentement le long des murs.

Saery suivit le vieillard à travers quelques rayons où divers objets étaient entreposés. Elle ne savait jamais ce sur quoi elle allait tomber. Du regard, elle pouvait aussi bien trouver les restes de droïdes vieux de plus de deux fois son âge, ou bien des bocaux dans lesquels étaient conservés d'étranges matières organiques. Saery grimaça en reconnaissant des yeux. Elle se demandait pourquoi toutes ces choses étaient gardées ici. Ca lui rappelait l'alchimie Sith, avec laquelle elle a vécu des expériences dont elle se serait bien passée.

Après quelques mètres, le gardien guida Saery à travers une petite holothèque avant de l'inviter à s'asseoir à une table qu'il avait rafistolée déjà quelques fois. La Jedi observa les alentours, le gardien semblait vivre ici depuis bien longtemps. Et, même si tout était rangé et réparé avec soin, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir l'impression que son hôte vivait dans une certaine précarité. La température ambiante, toujours aussi froide, devait y jouer pour beaucoup. Mais ça ne semblait pas déranger le vieux feeorin. Il ramena une boisson chaude qu'il posa devant Saery avant de s'assoir lui aussi.

— Si peu de padawans sont passés par ici... Je me souviens encore de votre passage comme si c'était hier. Comment va Maître Morans ?

Saery, perdue dans une certaine nostalgie, secoua la tête pour sortir de ses pensées. Sans dire un mot, elle présenta l'une de ses armes au gardien.

— Oh, je vois. Dit-il, en reconnaissant le manche noir du sabre du maître.

— Rien n'est sûr. Une chevalière, ma précédence padawan, est sur une piste. Peut-être que...

— Une autre padawan ? Coupa-t-il.

Le feeorin ne savait pas grand-chose de Saery. Il était parti du principe qu'il s'agissait d'une humaine. Elle avait l'air un peu jeune pour déjà avoir élevé quelqu'un au rang de chevalier. Les choses pouvaient devenir floues, parfois, même pour un Jedi.

Saery sourit timidement.

— Oui. Lauren, qui doit être en train de faire la première traversée en ce moment-même, est ma seconde élève.

Le vieillard but une gorgée, puis posa sa tasse qu'il tint un instant, pensif.

— Et vous amenez celle-ci ici, pour trouver son cristal ? Qu'est-ce qui justifie ce choix ? Pourquoi pas la précédence ?

— Vous savez aussi bien que moi pourquoi si peu d'entre nous passent par ici.

Le feeorin hocha la tête.

— Les temps changent. À l'époque, on avait pleine confiance en nos enseignements. Un Jedi ne courrait presque aucun risques, ici.

— Vous ne pouvez pas nier que les lieux sont dangereux.

— Laissez-moi vous expliquer : les oiseaux n'ont pas peur du vide, parce qu'ils savent voler. Vous comprenez ? Le danger, ici, est mesuré pour être réel, mais absolument pas insurmontable pour une personne guidée par la Force. N'aviez-vous pas confiance en votre ancienne padawan ?

Saery retint un rire. Elle s'amusait de voir le vieil homme s'offusquer et traiter les Jedi de froussards. Il en profitait pour jouer les vieux sages.

— Non, non, ce n'est pas ça. Leera n'avait pas besoin d'aiguiser son sens du danger. Elle s'était sentie guidée ailleurs, alors nous avons suivi son instinct. Lauren me ressemble plus, ici. Comme moi, elle n'a pas senti d'attache particulière. Pas jusqu'au dernier moment.

La Jedi parlait lentement. Elle cherchait à justifier ses choix. A elle comme au vieux maître qui se trouvait là. Et si elle faisait une erreur ?

— Et puis, je pense qu'elle a besoin de prendre confiance en elle par rapport au danger. Notre dernière mission s'est terminée de manière plutôt dramatique. Et les retours que j'ai eus ont...

Elle s'arrêta et frappa la table du poing. Le vieillard sursauta, accompagné par le bruit des tasses soulevés par le coup. Tiré du sommeil dans lequel il se laissait paisiblement glisser, il regarda autour de lui, un peu perdu.

— Pour quelqu'un qui ne voit pas grand monde...

— Hein ? Oh. Oui, votre padawan.

— Elle a besoin de se montrer qu'elle peut passer ces épreuves, voilà tout.

Lauren Aresu
Lauren Aresu
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   Qu’importait sa sensation d’être progressivement rattrapée par l’obscurité, sensation démentie chaque fois qu’elle se retournait pour vérifier, Lauren s’accorda quelques minutes de répit. Le mouvement de la plaque avait soulevé un petit nuage de poussière qui, éclairé par l’étrange lumière, se dispersait emporté par un discret courant d'air. Elle fit demi-tour ; rien n’avait bougé. Pas même la porte. Elle inspecta son genou d’une main peu assurée. Il enflait. Les yeux fermés, elle se concentra durant une minute supplémentaire et atténua la douleur qui poignait. Dans ce lieu, elle se sentait plus « efficace », comme si la Force imprégnant le sanctuaire rejaillissait sur elle.

   La padawan contourna la statue. Pas d’approbation dans son regard, seulement de l’indifférence. Elle se moquait peut-être de tout ça maintenant, elle qui depuis des milliers d’années témoignait des succès et des échecs des jeunes pousses Jedi. Elle traversa le pont amovible, ses pas résonnant dans le vide.

   Révélée à son arrivée, une porte se dressait à nouveau. Un homme était assis en tailleur, façonné sur les battants, les mains posées sur les cuisses. Deux sphères, trous creusés dans la pierre, lévitaient au niveau de ses épaules. Ses paupières closes marquaient l’état méditatif dans lequel il se trouvait. Lauren découvrit également, à la base de la porte, deux sphères pleines qui tenaient à la manière de bilboquets.

   L’exercice lui parut plus simple cette fois et, alors qu’elle s’asseyait en miroir au Jedi immobile, elle esquissa un sourire. Dans cette salle de méditation silencieuse, en cette matinée au soleil radieux, maître Vespen l’avait exercée à soulever des sphères dont l’une, boulet de canon involontaire, avait fini logée dans le mur de la salle. A-t-elle été chercher son cristal ici aussi ? M’a-t-elle demandé ça en sachant qu’un jour, je me trouverai à cette même place ? Ça semblait si anodin à l’époque. Chassant ces douces pensées, Lauren ferma elle aussi les yeux et régularisa son rythme respiratoire. Quatre secondes inspirées, quatre secondes expirées. Je dois créer ce lien avec la Force. On ne pousse, ni ne tire la sphère. Aussitôt, les deux globes s’élevèrent avec grâce, stables. Elle les inséra dans les deux réceptacles, aux abords du Jedi et la porte émit un « clic ». Lauren demeurait concentrée, le raclement de la pierre contre le sol lui indiquant son ouverture. Ce qu’elle savait déjà grâce à la Force.

   Elle pénétra dans une salle plus éclairée. Une ouverture, au plafond, déversait une raie de lumière circulaire au centre. Brillante comme une étoile. Un cercle gravé par terre y faisait face, entièrement sombre. Plus de vide, plus de vertigineux chemin qui descendait son pied dans des profondeurs que la Force elle-même n’aidait pas à sonder. Seulement ce terrain parfaitement lisse, flamboyant en son centre, indistinct aux abords.

   Lauren poursuivit son chemin. Elle était pénétrée par une appréhension inexplicable. Une partie d’elle se sentait apaisée tandis que l’autre semblait assaillie d’émotions plus virulentes, comme la colère ou la rancœur. L’esprit aiguisé, elle sonda la pièce pour y découvrir deux statues supplémentaires, mais également deux bas-reliefs, taillés à même le mur de la caverne, trois ou quatre mètres au-dessus du sol.

   L’Echani se rapprocha d’abord des deux sculptures qui représentaient des planètes sous forme de demi-globes. L’une et l’autre ne paraissaient pas différentes, si ce n’était la disposition des continents à leur surface. Cependant, un fait supplémentaire les distinguait : leur aura. A proximité de la planète située à gauche, l’émanation négative se renforçait et, sans savoir envers qui, une colère latente bouillonnait en elle. La padawan lançait sa colère contre cette statue qui, paradoxalement, nourrissait ce malaise. La planète placée à droite, à l’inverse, affermissait son emprise avec la Force lumineuse, déversant des vagues réconfortantes successives.
Les deux statues trônaient côte à côte non loin, rangées dans l’ombre. A gauche, elle portait les bures Jedi semblables à celles de la première salle. A droite, l'œuvre était habillée d'un vêtement plus sombre aux allures menaçantes. Sous ses traits, tirés par la souffrance – la rage ? –, sa tête était hérissée de petites cornes. Un Zabrak. Elles semblaient toutes les deux dégager deux auras différentes comme deux ondes radio qui se chevaucheraient sans que l'une ne parvienne à prendre l'ascendant sur l'autre.

   Récapitulons : deux statues, l’une qui ressemble à un Jedi, l’autre à un Sith ou un utilisateur du Côté obscur. Deux planètes. Un rond de lumière et un cercle gravé. Qu’est-ce que je dois faire ? Lister ainsi les éléments eut pour effet d’accentuer la perplexité qui habitait Lauren depuis son entrée dans ce lieu singulier. Les trois sont évidemment liés, mais comment ? Et… pourquoi je ressens ces émotions ? Elle avait rapidement identifié que chaque planète, ou statue, taraudait son affect positivement ou négativement. Quand la colère m’envahit, c’est presque ingrat. Je veux être en colère contre quelque chose, ces… objets veulent que je me rappelle ce qui m’a fait mal par le passé, que je me venge. Mais d’une manière qui rendrait l’idée rationnelle ? Oui, rationnelle, comme si j’étais irrésistiblement attirée, que c’était naturel. Contrairement aux autres émotions. Des émotions qui me correspondent plus. Du calme, de l’empathie, la paix. Elles me remémorent ma mère qui les personnifiait.

   Elle se plaça au centre du cercle lumineux par acquis de conscience, mais rien ne se produisit, sans surprise. Le trou était directement percé dans le plafond et abreuvait la salle de l’éclairage blanc immaculé si caractéristique d’Illum. Tout tourne autour des Côtés lumineux et obscur, ici. Ça correspond : un cercle de lumière, un cercle sombre. Mais, les statues, à quoi servent-elles ? Elle s’en rapprocha. L’excitation contradictoire reprit. Les piédestaux, ronds eux aussi, s’accordaient en taille avec les cercles centraux. Comment déplacer ces statues ? Leur carrure paraissait trahir un poids de plusieurs centaines de kilos ; la Force serait bien inutile. Luttant contre ses propres démons, elle tapa du poing sur l’une des sculptures. Un son creux résonna. Ah. Les blagueurs ! Voilà qui facilite l’affaire !

   Elle revint en arrière, s’agenouilla entre les deux cercles et appliqua à nouveau la règle des quatre secondes. Maintenir une concentration suffisante relevait du défi lorsque tout dans ces lieux s’amusait à torturer l’esprit de la jeune fille. Sa détermination fut récompensée lorsque la statue de gauche, le Jedi, s’éleva de quelques centimètres dans les airs. Le fil qui matérialisait le calme de Lauren quand elle méditait vibra ; la statue vacilla, puis recouvrit sa stabilité. Lentement, au fur et à mesure que l’Echani plongeait plus intensément dans son recueillement, la sculpture progressait et traversa le chemin jusqu’au cercle lumineux dans lequel elle se posa. Lauren ouvrit les yeux. Et dire que je trouvais les sphères de maître Vespen difficile au début ! Y a un truc qui ne tourne pas rond dès fois, chez les Jedi. Sans attendre, elle réitéra la manœuvre et plaça l’autre statue, celle du Sith, dans le cercle gravé.

   Elle attendit une manifestation qui ne se déclencha pas. Elle se releva, poussant sur ses jambes ankylosées et son genou douloureux, et gravit la distance qui la séparait des planètes de plusieurs grandes enjambées.

   « Quoi ? Le Jedi avec la lumière, le Sith avec l’obscurité, ça ne vous convient pas ?! »

   Dans son impétuosité, elle n’observa pas le fin trait lumineux qui commençait à se propager depuis le cœur de la statue du Jedi. Il s’étirait dans l’espace, horizontalement, comme si l’on avait ralenti un tir laser jusqu’à qu’il s’étende dans l’air. Elle ne le remarqua que lorsqu’il dépassa son épaule. Il se mit à crépiter avant de parcourir les derniers mètres d’un seul coup, frappant ainsi la planète de droite.

   Le spectacle qui s’offrit à elle était différent de tout ce qu’elle avait pu voir jusqu’à présent et aucune description ne rendrait jamais hommage à sa splendeur. La lumière découpa les continents dans la vaste pièce du sanctuaire et le globe se mit à tourner sur son axe central. C’est… c’est comme lorsqu’on met une bougie dans une citrouille !

   Le globe, éclatant de lumière, agissait comme un projecteur et les masses continentales se profilaient sur les murs, sur le plafond, au sol. Partout. A son grand dépit, placer les statues sur les cercles n’avait été pour elle qu’un test, sans qu’elle n’eut réellement compris les tenants et aboutissements de son acte, ni ceux de l’énigme d’ailleurs. Maintenant, elle embrassait toute la solution : c’était Ashla et Bogan ! Ce n’était pas des planètes, mais des lunes de Tython. Ashla avait accueilli les Je’daii après le Deuxième Exode quand Bogan devint une prison pour ceuxx qui s’étaient écartés de la Voie. Les symboles du Côté lumineux et du Côté obscur, les émotions. Tout corrélait.

   Entre les deux lunes, un pan de mur se détacha. Il eut ce bruit, le même qui invariablement trahissait la mise en œuvre d’un mécanisme dans ce sanctuaire. Lauren s’y engouffra, pensive. Elle croyait dans les missions des Jedi, elle croyait en Saery, elle croyait dans les petits et grands sacrifices qui, comme une équation où rien ne se perd, résonnaient quelque part dans l’univers. L’appétit que le Côté obscur avait fait naître en elle l’effrayait et confortait son alignement. Oui. Tout était aligné.

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