Evadné Publius
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La silhouette holographique de Véragan Publius planait au-dessus de la console du bureau sénatorial de Cadezia. Profitant de l’absence de sa supérieure, Evadné avait engagé une communication longue distance avec son paternel. La voix froide du Ministre paraissait inhumaine, déformées par les haut-parleurs et le nombre d’unités astronomiques qui le séparait physiquement de sa tendre progéniture.


-C’est un caprice ? demanda-t-il.


-Une demande officielle, rectifia calmement la jeune politicienne. La délégation cadézienne a été reçue avec les plus grands honneurs. Il serait dommage de ne pas poursuivre une collaboration prometteuse. Cadezia, je ne vous l’apprends pas, manque d’appuis hors de son système d’influence.




-Bien, je te laisse voir cela avec le Comité des Sciences Académiques Cadéziennes que dirige le professeur Okoye. Nous parlerons du reste de vive-voix.


La correspondance fut coupée. Il lui fallut ensuite, au terme d'une journée exténuante au centre universitaire de soins médicaux, retrouver la chaleur de son appartement et des bras de son amant auquel elle expliqua patiemment les raisons de son prochain voyage sur Cadezia, qui les séparerait encore de nombreux jours.

***

Ilus IV était la plus importante cité de Cadezia. Séparée des canyons pourpres de la planète par un lac de glace. Les géologues et scientifiques cadézien s’écharpaient encore sur la notion de « lac ». Certains y voyaient plutôt une mer gelée. Le débat était franc et sans fin sur ce sujet qui hantait les grands esprits du CSAC depuis des siècles. Le domaine familial des Publius avait été construit en amont d’Ilus IV, sur une localisation topographique avantageuse pour dominer la vallée où s’étendait la tâche urbaine de la capitale.


C’était une saison clémente sur Cadezia. Les rares arbres des environs dégageaient pourtant une odeur âcre que répandaient leurs fleurs aux couleur violacées. Sur l’étendue de glace, les lointains rayons solaires de l’étoile du système brillaient comme autant de perles précieuses. Sur la terrasse aménagée de la grande demeure, père et fille partageaient un repas en silence. Le bruit des couverts était pesant. Evadné n’avait pas le cœur à savourer les mets délicats de la haute-gastronomie cadézienne. Du coin de l’œil, elle avisa les gardes ministériels postés dans le jardin en contrebas, armes à la main. Cette obsession permanente que Véragan portait à la sécurité était suffocante.


-Penses-tu que je l’ignore ?


-Pardon ?


Il rejeta un carré de tissu sur la table après s’être consciencieusement essuyé les lèvres avec.


-Tu fréquentes un vaurien depuis des semaines. Tu l’héberges même dans ce magnifique appartement que je te loue sur Coruscant.


Son cœur loupa un battement.


-Cet homme, dont le prénom est Ja’ar, m’a sauvé la vie.


Elle ne trouva rien de mieux à opposer dans l’immédiat, le temps de rassembler ses esprits sur la question.


-Je me fiche bien de lui, déclara-t-il d’un ton glacial. Bien que je sois contrarié à l’idée qu’il pose ses mains sales sur ma fille. Je présume que c’est lié à ta crise existentielle, soit. Toutefois, je tiens à te mettre en garde. Tu pourrais, par ton insouciance, t’exposer aux commérages ou pire. Je commettrai la pire erreur de ma vie si je te laissais te détruire. Tu te moques des convenances. Mon compromis sera donc simple. Je n’interviendrai pas tant qu’il ne se mettra pas en travers de ta carrière politique et de ton ascension sociale.


Il ne comptait guère séparer Evadné de son amant. Tant que la relation ne dépassait pas l’ombre des carcans de la haute société où chacun avait ses vices cachés. Il espérait qu’elle ferait preuve d’assez de maturité pour le comprendre. Véragan n’avait pas encore abandonné l’idée d’une union matérielle et intéressée avec un bon parti hors du système d’influence de Cadezia. Elle pourrait toujours être libre de choisir. Tout comme elle avait éconduit Valérian Hélix, pour de bonnes raisons, il ne l’empêcherait pas de refuser les prétendants qu’il lui proposait. Il était simplement hors de question qu’il accepte une alliance en dehors de la haute-société. Il ne souhaitait pas voir sa fortune avalée dans la consommation d’alcool et de drogues. L’empire industriel et familial dont il avait hérité, et qu’il avait fait prospérer à la sueur de son front, méritait des desseins supérieurs.


-Bien. Cela étant dit, passons à ta requête d’ouvrir des possibles liens diplomatiques avec le Consortium d’Hapès, via une collaboration scientifique. Il semblerait que les autorités scientifiques hapiennes aient en effet laissé un souvenir des plus positifs aux membres de la CSAC. Cependant…


Il consulta un datapad proche de son assiette. Devant ses yeux fut listée le nom des invités. Il s’arrêta sur l’un d’eux.


-Docteur Absalom Thorn ?


-Vous connaissez le Docteur Thorn, n’est-ce pas ?


-C’est un beau et intelligent Seigneur sith. Un peu trop idéaliste à mon goût, mais là n’est pas la question. C’est un impérial.


-C’est un émissaire diplomatique, corrigea-t-elle avec douceur. Et un citoyen du Consortium d’Hapès. Ses compétences en économie justifient parfaitement sa présence parmi la délégation scientifique hapienne sur Cadezia.


-La République…


-Comprendra les besoins d’une planète comme Cadezia de consolider ses capitaux politiques avec le Consortium d’Hapès, le coupa-t-elle avec un sourire poli. Notre innovation technologique s’essouffle, portée par une course à l’armement ridicule. De plus, l’Alliance des Classes Extérieures appréciera particulièrement l’arrivée prochaine de cet invité. L’intervention du Docteur Thorn au Sommet Galactique pour la Paix a été estimée par une majorité des couches populaires. Nous devons rendre Cadezia stable, Monsieur Publius. Cela passe par conserver nos prérogatives politiques locales.


Il marqua un silence glacial, accusant la magnifique figure de sa progéniture. Il ne l’avait jamais connu aussi résolue. D’un geste calculé, il piqua un morceau de viande qu’il porta à sa bouche fine. Savourant le goût relevé d’une chair maturée à la cuisson saignante. Il était étonné qu’Evadné puisse tisser l’ébauche d’un réseau d’influence du côté impérial. Lui-même y avait ses connaissances, mais le double-jeu consistait à garder la présence de l’Empire loin de Cadezia. L’Ordre Jedi avait déjà porté trop de soupçons sur ses possibles accointances avec les Siths. L’arrivée d’Absalom Thorn ne calmerait pas les suspicions.


-En ce cas, je compte sur toi pour accueillir le Seigneur Noctis avec tous les honneurs que l’on rend à un citoyen hapien, n’est-ce pas ? Ne le fais pas loger en ville. Je crains que les extrémistes de l’ACE ne tentent un acte aussi héroïque que navrant à son encontre. Je ne doute pas de sa capacité à se défendre, mais cela ferait mauvaise publicité pour Cadezia. La domesticité préparera une des chambres d’hôte, située dans l’aile diplomatique du domaine. J’ai à faire.


L’obsession de la sécurité et du contrôle : c’était décidément pathologique chez le patriarche. Il repoussa sa chaise et elle en fit de même, comme l’exigeait son éducation. Avant de quitter la terrasse, il marqua un arrêt, dos à elle et conclut :


-La souveraineté de Cadezia est indiscutable, même au sein de la République.


***


La professeure Okoye dirigeait le CSAC depuis une année. Sa peau bleue s’alliait parfaitement avec une tenue printanière sobre. Elle fut présente pour accueillir ses homologues hapiens dès leur arrviée à Ilus IV. Une navette speeder les conduisit ensuite jusqu’au bâtiment moderne du CSAC au centre du quartier universitaire de la capitale. Le parfum amer des fleurs ne démordait pas de l’air ambiant. C’était à la fois désagréable et plaisant, laissant souvent les touristes sur un avis en demi-teinte. Cependant le Soleil était au rendez-vous et dispensait généreusement sa chaleur. En conséquence, Evadné s’était drapée d’une robe cadézienne à la tulle légère et aux tons pastel. Dans le grand hall du building, trônait la réplique du premier croiseur à hyperpropulsion cadézien. Et sous ses ailes, quelques représentants académiques accueillirent leurs homologues du Consortium. Il ne fallut guère longtemps à la toute blonde pour saluer le docteur Thorn – après avoir adressé ses politesses au reste de la délégation qui s’était empressée de suivre Okoye.


-Absalom, permettez-moi d’exprimer la joie sincère de vous accueillir sur Cadezia. J’espère que le voyage ne fut ni trop long, ni trop pénible.


Elle avait joint la parole à une révérence élégante.


-Je ne sais trop si vous souhaitez participer au discours de bienvenu que va prononcer la professeure Okoye et vous délecter de petits fours surgelés chinés à bas-prix chez le traiteur du coin. Les budgets du CSAC sont quelques peu limités, plaisanta-t-elle. Je ne pense pas faire un aussi bon guide que vous, mais j’espère m’acquitter de ma dette en vous faisant découvrir quelques points d’intérêts notables au cours de votre séjour.


Evadné l’invita gracieusement à le suivre, laissant la traîne de sa robe glisser paresseusement contre le dallage rutilant du hall. Les scientifiques cadéziens étaient souvent issus des couches médianes de la société. Ils n’avaient donc qu’un goût modéré pour les mondanités, mais aimaient singer les plus nantis avec des moyens bons marchés. Ainsi, dans l’amphithéâtre principal du CSAC, la chiss débuta son discours avec beaucoup de distinctions et d’éloges pour ses hôtes, rappelant les intérêts des missions scientifiques communes pour leurs deux planètes.
A l’arrière, le duo blond pouvait échanger sans déranger la cérémonie.


-C’est une cyberchirurgienne très réputée. Elle s’est occupée de la prothèse cybernétique du Ministre Publius quand celui-ci a perdu son bras lors d’une tentative d’attentat ratée voilà cinq ans. Le Ministre serait d’ailleurs honoré que vous acceptiez de loger au domaine, afin que vous puissiez disposer de tout le confort et toute la sécurité nécessaire à votre tranquillité. Si vous y voyez un inconvénient, sachez que je serai la première disposée à combler vos souhaits.


Sitôt le discours terminé, elle applaudit poliment, faisant tinter les bracelets précieux qui couvraient ses poignets. A son cou gracile était lové un collier de perles de mauvaise facture, qui tranchait avec le reste de sa parure coûteuse. Ses yeux se portèrent naturellement vers le profil d’Absalom pour tenter de percer, en vain, ses pensées.



Absalom Thorn
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Je n’ai pas l’habitude de recevoir les membres des délégations scientifiques.


Tels avaient été ses premiers mots, presque agressifs, quand le secrétaire avait conduit Absalom Thorn dans son bureau. Mais l’homme n’était pas dupe. Si on le recevait, c’était précisément parce qu’on avait envie de lui parler. Pas besoin. Le besoin était confié aux sous-fifres. Celles qui dirigeaient se réservaient autant que possible les entretiens les plus positifs.


Madame la ministre, croyez bien que je suis parfaitement conscient de l’honneur qui m’est fait.
Si vous n’aviez pas été le fils de la professeure…


La politicienne désigna d’un geste presque distrait de la main l’un des fauteuils aux lignes épurées qui meublaient le bureau, mais Absalom ne s’y assit qu’après elle. Il savait pertinemment que sa filiation n’avait joué qu’un rôle accessoire dans cet entretien et que c’était bien plutôt sa célébrité, et son rang au sein de l’Empire, qui avait motivé le ministère à s’intéresser à son cas.

Ses manœuvres auprès d’Evadné Publius portaient tous leurs fruits : non seulement il avait reçu une invitation officielle de la part de Cadézia, et c’était la promesse d’un premier pas officiel au sein de la République, fût-ce dans ses territoires les plus reculés, mais la complexité de son statut avait poussé la ministre des affaires étrangères à le recevoir. Elle était soucieuse, il le comprenait, de ne froisser ni la République, ni l’Empire, ni une famille qui comptait au sein du Consortium.


Il est hors de question qu’Hapès se trouve prise entre deux feux pour…


Elle avait failli dire : « pour satisfaire votre curiosité de touriste », et puis elle s’était rappelée qu’en face d’elle, elle avait certes un homme, c’est-à-dire un inférieur, mais aussi et d’abord un Seigneur Sith.


… une simple expédition scientifique.
Vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre, que Cadézia a consacré une bonne partie de ses talents au développement de son industrie d’armement, dans une région de la Galaxie où l’on peut tester plus à son aise ses nouveaux produits que sous la vigilance constante des censeurs républicains.


La ministre plissa les yeux.


La diplomatie hapienne n’a pas pour vocation de servir de courroie de transmission aux expéditions de shopping militaire de l’Empire.
Certes non, et croyez bien que mon intérêt pour ce monde est tout entier au service de l’intérêt du Consortium.
Je ne doute pas que Cadézia ait bien des mérites, mais il me semble que notre propre secteur de l’armement a suffisamment d’avances technologiques pour que nous puissions nous épargner des séjours aussi exotiques.
Absolument, mais je crois que vous serez d’accord avec moi sur le fait que la prospérité exceptionnelle dont nous jouissons grâce à la politique éclaire de notre monarque a aussi créé, et c’est bien normal, des contraintes particulières sur les fabricants. La richesse d’une société entraîne nécessairement des revalorisations salariales importantes.
Hmmm…


Appuyée contre le dossier de son fauteuil, les mains croisées, la politicienne chevronnée s’était débarrassée de son hostilité de façade pour considérer ces vastes problèmes qu’elle estimait dignes d’intérêt. Les jeux de pouvoir ne l’avaient au fond jamais intéressée, mais gouverner à la destinée de tout un Consortium, si.


Vous me parlez de délocalisation ?
Avec l’assurance de trouver sur place une main-d’oeuvre compétence et qualifiée, et un gouvernement à la recherche de la prospérité, donc d’investissements extérieurs. La route hyperspatiale est quasi directe, les régulations locales minimales, surtout si nos entreprises installent une partie de leurs structures relais sur les planètes indépendantes de la région, et nos relations avec la République n’en feront que fructifier.
Je vois. Mais tout cela mériterait plutôt une délégation commerciale, une mission d’industriels, un sommet des entrepreneurs.
La culture et la science sont les inépuisables lubrifiants de toute diplomatie d’envergure.
Certes, certes.


Elle n’avait elle-même jamais tourné ses pensées vers les mondes lointains de cette Bordure, préoccupée surtout par l’espace indépendant qui séparait encore les mondes contrôlés par les Hutts des frontières républicaines.


Et ce soudain intérêt pour l’avenir économique du Consortium vous vient de… ?
Je ne fais que favoriser les projets scientifiques de ma mère, et je crois que vous trouverez dans la plupart de mes anciens travaux académiques, comme de mes déclarations diplomatiques, la conviction toujours réaffirmée d’un tissu commercial dense à l’échelle galactique, pour assurer la stabilité politique.


Lentement, la ministre hocha la tête.




***




La présence d’Absalom au sein de la délégation avait suscité des réactions variées chez la dizaine de scientifiques qui la composait. Certains éprouvaient évidemment une fascination presque morbide pour un Seigneur Sith venu de leur propre espèce et, en le considérant, leur esprit rationnel le cédait parfois à l’imagination que bien des légendes noires venaient nourrir. D’autres ne cachaient pas une certaine hostilité, peut-être moins, au fond, parce qu’Absalom était un Sith que parce qu’ils le tenaient pour un politicien, et que leur séjour, selon eux, n’avait rien la politique. Ceux qui restaient étaient simplement rassurés que, dans cette aventure qui les emmenait si loin des planètes civilisées du Consortium, parmi les sauvages, pour ainsi dire, un être redoutable fût là pour les protéger.


La vaste navette des services diplomatiques hapiens s’était posée avec une légèreté d’oiseau sur le tarmac de l’astroport principal d’Ilus IV. La ministre avait écouté Absalom et puis, le Sith à peine partie, rassemblé ses conseillers. On avait produit des rapports sur Cadezia. Des notes diplomatiques internes. Le ministère de l’économie a fait été mis à contribution, sous le sceau de la confidentialité, pour sonder quelques capitaines d’industrie. Faire des projections. Toute une réflexion bureaucratique avait été mise en branle.


Le vaisseau qu’on leur avait confié était l’incarnation de ses conclusions : Cadezia pouvait en valoir le coup et il s’agissait de manifester toute la puissance économique et technologique du Consortium, de la plus concrète des façons possibles. Jamais les scientifiques ne vanteraient les fastes de l’appareil productif hapien, jamais ils ne parleraient non plus de sa croissance, de la solidité du système financier ou de l’extension de son réseau bancaire. Mais un vaisseau était une démonstration de force.


Les speeders du gouvernement cadéziens avaient embarqué la délégation pour prendre la direction de l’Académie et, déjà, tel géologue s’extasiait sur les massifs montagneux, tandis qu’une botaniste fameuse regrettait que la vitesse de leur moyen de transport ne lui permette pas d’examiner les détails de ces fleurs singulières dont le parfum serait longtemps gravé dans leur mémoire à tous. Noctis, pour sa part, se contentait de comparer ce qu’il avait lu dans les encyclopédies avec ce qu’il voyait à présent.


L’économie n’avait été pour lui qu’un prétexte, un moyen de convaincre la ministre, presque une ruse, mais plus il y réfléchissait, plus il trouvait du sens à cette invention opportune.




***




Vraiment… ?


Dans le fond de l’amphithéâtre, Absalom détacha son regard de la cyberchirurgienne qui se sortait avec un certain talent de l’exercice délicat des discours protocolaires et le plongea dans celui d’Evadné. Il avait éprouvé un plaisir sincère à retrouver la jeune femme, dans le hall de l’Académie. Sans doute était-elle à bien des égards un instrument dans ses machinations, mais elle incarnait aussi ces vertus d’ambition personnelle et de sens de l’idéal qu’il tenait en haute estime. Elle était dévouée sans être naïve, comme l’avait prouvé leur discussion sur l’éthique médicale, dans l’ancien hôpital militaire, sur Hapès, et ces qualités étaient rarement réunies.


L’invitation à loger chez le Ministre Publius l’avait surpris et c’était une surprise qu’il ne jugea pas utile de dissimuler. Difficile de savoir si c’était le Seigneur Sith, le diplomate impérial ou le notable hapien que le dirigeant de la planète entendait ainsi recevoir chez lui.


Je suis confus, vraiment, si j’avais su, j’aurais fait précéder ma venue d’un message en bonne et due forme à son attention, mais je n’avais pas cru qu’il s’intéressait de près à une aussi modeste délégation scientifique.


C’était, au demeurant, parfaitement sincère : Absalom avait tenu ce voyage comme une première visite, une initiative somme toute assez modeste, qui devait servir à bâtir le socle de relations futures.


Cela dit, j’accepte avec plaisir, bien entendu.


Le discours prit fin et il se joignit aux applaudissements polis. La délégation hapienne avait été soigneusement composée par la chancelière de l’Académie des Sciences, sur les conseils avisés de Cala Thorn, pour réunir les scientifiques les plus susceptibles de s’enthousiasmer à la perspective de découvrir une planète nouvelle aux confins des terres républicaines, c’est-à-dire les moins prompts à prendre de haut ce que d’autres Académciens eussent tenu pour le caractère primitif de la technologie cadézienne.


On trouvait là un astrophysicien et deux géologues, une botaniste, une zoologue, une philosophe, qui représentait le comité des sciences morales, une mathématicienne, qui ne s’était probablement même pas rendue compte qu’elle n’était plus sur Hapès, une éminente météorologue et un archéologue. Les généticiens, les chimistes et les cybernéticiens, jugés trop imbus d’eux-mêmes, avaient été pour l’heure laissés sur le côté.


J’espère, Evadné, que vous ne me jugerez pas trop durement si je vous avoue que ma capacité à suivre les discussions qui vont avoir lieu entre experts est somme toute assez limitée et qu’au-delà des mathématiques appliquées à l’économie, mon expertise est malheureusement quelque peu réduite. Croyez-vous que nous puissions poliment nous éclipser ?


Il espérait bien s’éviter des heures de discussions enfiévrées sur la formation des massifs cadéziens ou les subtilités climatiques des différentes saisons.


Je crois que certaines de mes compatriotes préféreraient que je les chaperonne tout du long, mais je ne doute pas que vous ayez pris toutes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité, si tant est qu’elles eussent couru de toute façon le moindre danger.


Une manière comme une autre de commencer à sonder les réalités politiques locales.


De toute façon, conclut-il, par les temps qui courent, je crains que ces gens-là soient plus en sécurité ici que sur leur propre planète…

Et pour obtenir des confidences, confesser les faiblesses de son propre monde était une méthode éprouvée.
Evadné Publius
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Elle-même avait été gênée par la directive du Ministre, résultant d’une paranoïa difficile à assumer chez un proche parent. Elle n’était pas dupe sur le fait que Véragan préférait avoir un agent impérial sous ses yeux plutôt que de risquer une crise avec la République au moindre soubresaut concernant cette visite controversée.


-Je vous jugerai très certainement le plus sévèrement du monde si vous m’aviez fait part de votre vif intérêt pour les débats sur la calotte glaciaire du pôle sud de Cadezia.


Quittant les échos des discussions passionnées qui débutaient dans l’amphithéâtre, ils regagnèrent le hall prestigieux et elle marqua un arrêt devant les portes où un droïde protocolaire déclamait sa phrase d’adieu pré-enregistrée.


-Ils ne craignent rien, tant qu’ils ne quittent pas le centre administratif de la cité. Et ce n’est pas prévu au programme. L’instabilité et l’insécurité sont plutôt monnaie-courante dans la partie basse de la ville, qui s’étend parfois plusieurs niveaux sous terre. Ce qui a d’ailleurs constitué de véritables problèmes d’urbanismes…les plus démunis creusant davantage au risque de fragiliser les fondations de la ville. En tous les cas, la police de Bellum-Hélix veillera au grain. Et elle est plutôt intransigeante sur le maintien de l’ordre et de la sécurité.


Ils passèrent les portes du CSAC et prirent la brise amère de plein fouet.


-Les extrémistes du parti de l’Alliance des Classes Extérieures préfèrent s’attaquer aux personnes comme vous et moi. Mais sans l’étincelle qui met le feu aux poudres, ce genre d’agression est plutôt anecdotique. Le dernier attentat remonte il y a cinq ans, comme je vous le disais. Il fut revendiqué par la branche armée de l’ACE, l’acronyme pour l’Alliance des Classes Extérieures, à la suite de la destruction d’un cargo transportant de la glace vers Mariner Valley, une cité minière. Les conditions géographiques et climatiques y sont plus rudes. L’eau y est importée et rationnée de cette façon. Toucher à l’eau d’un cadézien…c’est signé votre arrêt de mort. L’ACE a accusé le gouvernement cadézien d’avoir commis une bavure et tout s’est enflammé. Le Ministre Publius a perdu un bras et les choses sont retombées. Mais la tension est encore vive.


Elle le guida vers un speeder du gouvernement de Cadezia. Un garde ministériel attendait devant, aussi rigide qu’un pilier de bois. Son armure grisâtre était spécialement conçue pour des missions anti-émeutes. Evadné avait dévoilé tout naturellement la fracture socio-politique que subissait Cadezia. Un conflit de classes aussi vieux que ne l’était la Galaxie. En avisant la couleur légèrement rosée du ciel, reflet des canyons pourpres qui composaient en majorité le globe, elle se demanda si finalement les choses n’étaient pas mieux ainsi. La haute-ville d’Ilus IV était relativement sûre, abritant le centre nerveux du gouvernement cadézien ainsi que les résidences des plus nantis et les sièges sociaux de diverses grandes entreprises planétaires. On y trouvait également les restaurants les plus coûteux et les boutiques les plus luxueuses. En termes touristiques, il n’avait pas grand intérêt si ce n’était l’esplanade des Glaces. Un point de vue imprenable sur le lac gelé et l’horizon des canyons au loin. Le soir, on pouvait même y apercevoir les lumières timides de Mariner Valley située pourtant à plus de cent kilomètres.


Ils auraient pu y aller à pied, mais les consignes de sécurité données par le Ministère cadéziens étaient strictes. Ils durent donc emprunter le land speeder qui eut le privilège de se poser directement sur l’esplanade, incommodant les rares touristes du jour.


Sitôt que leur escorte ouvrit les portes, ils descendirent et elle l’accompagna jusqu’à la vue magnifique, le milicien toujours sur leurs talons. Le vent des hauteurs jouait dans les plis de sa robe et elle tendit le bras vers l’horizon pour lui indiquer le point de fuite à observer.


-Cadezia a toujours été une planète hostile. Ilus IV fut engendrée à la suite des travaux d’exo-formation des premiers colons. L’exo-formation visait à rendre l’atmosphère cadézienne plus vivable. Savez-vous qu’il fallut un certain temps aux humains afin de pouvoir procréer sur Cadezia ? Le génome des premiers colons ne permettait pas de porter la vie, ni de la donner à la surface de la planète. Certains couples quittaient la planète et procréaient en des lieux plus favorables avant de revenir sur Cadézia avec leur progéniture. Un brassage ethnique important et des milliers d’années de sélection naturelle et génétique ont rendu le miracle de la vie désormais possible pour le tout-venant sur Cadezia.


Elle se pencha pour s’accouder à la balustrade de marbre qui délimitait l’esplanade. Un coup d’œil vers le bas permettait d’aviser la frontière entre la haute-ville et la basse-ville. Les travailleurs grouillaient comme une masse difforme et curieusement ordonnée. La plupart ne prenaient même plus la peine de lever les yeux vers un monde qui les louvoyait dans une condition sommaire. Les agents de Bellum-Hélix n’avaient pas d’uniformes. La plupart du temps, ils parcouraient cette foule, blaster sous le veston, près de leur plaque d’identification. Evadné avait toujours été attirée par l’énergie qui se dégageait des niveaux médians et inférieurs de la cité. Elle n’était jamais allée plus loin que la surface d’Ilus IV et son agglomération industrielle. Les niveaux souterrains abritaient surtout les complexes résidentiels des classes moyennes et populaires, ainsi que des enseignes peu recommandables. C’était aussi l’empire du divertissement qui permettait à la grogne d’étouffer sous les cendres de la Révolution : bars, prostitué-e-s, supérettes du marché noir, salles de paris, casinos clandestins etc. Pour faire fleurir un commerce dans cette partie de la capitale, il fallait payer une « taxe informelle » à l’une des nombreuses bandes qui se partageaient le territoire des souterrains. Cette taxe couvrait des frais de « sécurité ». Un racket organisé qui stabilisait toutefois la situation des bas-fonds gangrénées par l’influence de l’ACE.


-Somme toute, une planète comme une autre dans la Bordure Extérieure, conclut-elle avec modestie et théâtralité.


Cependant, il serait fallacieux de penser que les niveaux inférieurs étaient en totalité insalubres. Jusqu’au cinquième niveau, ce fut l’œuvre d’entrepreneurs et d’urbanistes qui décidèrent d’aménager des tunnels immenses et des appartements à loyers modérés pour le travailleur moyen qui travaillait à la surface.


Un jeune couple, convolant probablement en noces, se rapprocha timidement d’eux sous l’œil sévère du garde ministériel. La dame, élégante parla avec une mimique à la fois embarrassée et admirative. Son attention tout entière était dévolue à Absalom :


-Cela…vous dérangerait-il si je prends une holographie avec vous Monsieur Noctis ?


La maladresse du « Monsieur » pouvait prêter à sourire. L’époux avait déjà ressorti sa holocamera, prêt à céder aux caprices de sa douce. Evadné se permit un regard circulaire sur l’Esplanade pour capter ceux des badauds fortunés. La plupart échangeaient avec un sourire, certains montraient discrètement le Seigneur sith du doigt. Cette notoriété soudaine avait eu le don d’exacerber la tension de leur escorte. Le soldat armuré se rapprocha de Publius pour lui suggérer :


-Mademoiselle. Nous ne devrions pas trop nous attarder ici. La zone est peu couverte.

Absalom Thorn
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J’adore les souterrains, s’enthousiasma Absalom, avec une spontanéité presque enfantine, l’imagination comme toujours frappée par les beautés singulières d’une planète inconnue et ces efforts colossaux que tout un peuple, au fil des millénaires, avait dû déployer pour la rendre habitable.

C’était peut-être la raison la plus profonde et la plus innocente de son amour pour la Bordure : là, l’industrie n’avait pas transformé entièrement les mondes dans cette masse uniforme et grouillante des villes du Noyau et les êtres devaient encore composer avec les rigueurs d’une nature dont l’impétuosité majestueuse s’exprimait en pics et en abîmes, en forêts immenses, en tempêtes, en volcans. Ni le nombre de ses voyages, ni le cynisme de la vie politique n’avaient réussi à épuiser en lui la capacité à s’émerveiller des paysages et de leur histoire.

S’enfoncer dans les profondeurs d’une planète, sentir la terre tout autour de soi, penser à ces formations nées dans le fond des âges, assemblées et maniées par les forces titanesques d’un monde qui vit avec la lenteur des géants, c’est à la fois sublime et concret.

(Encore un qui avait besoin d’une bonne psychanalyse.)

Absalom avait toujours préféré les décors dépouillés, minéraux, et même arides, comme ceux de Cadezia, à l’exubérance luxuriante des jungles qui avait pourtant, sur Ondéron, au Temple Jedi, servi de décor à une bonne partie de son enfance. Il lui semblait que dans les mondes désolés, la Force était plus exigeante, plus pure : elle était débarrassée des bruissements incohérents de la vie et rendue à sa forme primordiale, éternelle — cosmique.

Des extrémistes, vous dites ?

Les considérations politiques arrachèrent le Sith à la contemplation du lac gelé et des montagnes qui l’encadraient, pour la reporter sur la ville qui s’étageait devant eux. Les informations qu’il était parvenu à réunir sur Cadezia étaient demeurées fort superficielles, comme il en allait souvent des planètes de la Bordure : ce qu’on trouvait sur l’Holonet était généralement le fruit des efforts concertés de quelques passionnés ou d’un gouvernement, les uns comme l’autre soucieux de donner la meilleure image d’un monde sinon ignoré de tous, et on en apprenait guère sur les violences qui l’animaient.

J’imagine que la structure sociale de Cadezia et les rigueurs de l’environnement font naître des crispations d’un côté et de l’autre des envies radicales de renverser l’ordre établi. C’est une situation fréquente, sur des planètes comme celle-ci, bien que je ne doute pas que des particularités propres…

Sa phrase resta en suspens, alors qu’il s’abîmait dans ses réflexions. En bon diplomate, son premier réflexe était de réfléchir aux ponts qu’on pouvait jeter entre deux factions adverses et en bon économiste, il imaginait d’abord des solutions liées à la répartition des richesses. Cadezia se présentait à lui comme un problème intellectuel, qui stimulait peut-être plutôt sa curiosité que son empathie, et dont Ilus IV était en tout cas l’incarnation en quelque sorte schématique, avec ses niveaux superposés.

Vous savez que plus les flux de marchandise s’intensifieront entre Cadezia et les planètes républicaines, plus les entrepreneurs ici comprendront l’intérêt de remédier dans une certaine mesure à la fracture sociale et plus ce que le gouvernement perçoit comme des pressions se muera en intérêts bien compris. Mais c’est une fenêtre d’opportunité somme toute assez preuve, parce qu’une intégration accélérée déterritorialise les… Mais pardon, je me lance dans des explications quasi professorales, alors que nous venons à peine d’échapper avec succès et au péril de nos vies d’un futur assombri par la perspective de travaux académiques.

L’Hapien esquissa un sourire d’excuses et, en contrepartie, il s’abstint de se lancer dans un discours-fleuve exclusivement consacré à l’impact des évolutions démographiques et de la santé procréative des populations sur le développement économique et les mutations sociales, un sujet qui, au demeurant, de la part d’un Hapien éduqué dans un ordre monastique n’eût pas manqué d’inviter à bien des réflexions ironiques.

À ce propos, commença-t-il néanmoins, je n’ai pu m’empêcher de remarquer que la professeure qui nous a accueillis était…

Mais voilà que l’existence lui présentait une situation tout à fait inédite.

Une holographie, répéta-t-il avec une palpable perplexité ?
Oh, s’il vous plaît, quelques secondes simplement, ce n’est pas tous les jours… mon mari et moi, voyez-vous, nous venons de… d’une ville que vous ne connaissez certainement pas…
Assanie, tu ennuies Sa Seign… euh… Seignorosité… ?
Seigneurie, corrigea obligeamment Darth Noctis.

Jamais personne ne lui avait demandé une holographie. Jedi, il n’avait été qu’un diplomate parmi d’autres, et préoccupé essentiellement par des affaires si périphériques qu’elles ne l’avaient guère rendu célèbre. Et en Empire, il était un Seigneur Sith : les gens du peuple témoignaient leur admiration en des tremblements circonspects. On s’était prosterné sur son passage, on lui avait offert des filles en sacrifice et présenté bien des excuses bafouillantes pour des raisons parfaitement incompréhensibles, mais jamais personne n’avait eu l’idée suicidaire de lui demander de poser à ses côtés.

Sur Cadezia on faisait comme les Cadeziens et Absalom croisa sagement les mains derrière lui pour se prêter au regard de l’holocaméra, avec un sourire plus naturel et chaleureux que s’il venait de rencontrer des amis perdus de vue depuis longtemps et que la joie de ses retrouvailles le transportait entièrement.

Quand l’objectif de l’holocaméra s’adresse, il se lança dans une série de questions. Qui étaient-ils ? Où vivaient-ils ? Que pensaient-ils de la capitale ? Et donc ils venaient de se marier ? Son regard passait de l’un à l’autre, plein d’intérêt, il souriait, il hochait la tête, il ponctuait leurs récits de plus en plus libres de ces petites remarques anodines qui rendent une conversation spontanée et naturelle. Et pour une bonne part, elle l’était : s’il était vrai qu’il cultivait son personnage aux yeux d’Evadné, parce qu’il savait que l’affection que lui porteraient les quidams locaux serait l’un des plus sûrs moyens de lui attirer la confiance de la jeune politicienne, pour l’essentiel, il ne faisait que donner libre cours à sa curiosité naturelle.

Sans doute, au fond, Assanie et son époux l’intéressaient bien moins en eux-mêmes que parce qu’ils incarnaient leur planète, sa société, son économie et sa politique : ils étaient pour ainsi dire des spécimens mais, pendant quelques secondes, ces spécimens-là, pour Absalom, avec leur petite vie à eux, leur quotidien que ce voyage à la capitale éclairait de plaisirs exceptionnels, c’était Cadezia toute entière.

Mais à l’intervention du soldat, l’expression des deux touristes changea subtilement. Leurs traits se fermèrent — c’était une transformation que Darth Noctis avait souvent vue, mais plus spectaculaires, sur les planètes les plus brutalement dominées par l’Empire — et, avec des excuses dont la courtoisie reflétait une froideur maladroite que leurs bavardages venaient pourtant de quitter, ils prirent congés de la célébrité, ou plutôt, ils le libérèrent de leur présence, retournant s’effacer dans la masse indivise du peuple sans visage et sans prénom.

Et peut-on visiter les niveaux inférieurs ?

Le garde le regarda à peu près comme s’il avait suggéré de faire du saut à l’élastique mais sans élastique.

Il me serait difficile d’assurer votre sécurité, monsieur, dans des rues plus étroites, plus fréquentées…
Mais moi, je promets d’assurer la vôtre, répondit le Seigneur Sith avec un sourire tranquille, avant de se retourner vers sa guide. Evadné, je ne voudrais pas bien sûr vous poser la moindre difficulté et si vous préférez que nous passions d’abord saluer votre père… C’est d’ailleurs probablement ce qui nous dicte l’étiquette, non, encore que je ne connaisse pas les coutumes locales ? Et nous aurons sans doute le temps plus tard de nous éclipser pour aller faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus stricte prudence dans les rues étroites et fréquentées.
Evadné Publius
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L’échange entre le couple et Absalom lui avait tiré un sourire amusé bien vite effacé par les préoccupations de leur escorte. Sa demande de visiter la ville basse fut surprenante. Aucune personnalité importante ne s’intéressait à cette partie d’Ilus IV.

-La décision revient à Mademoiselle, trancha finalement le garde avec une teinte d’incertitude dans son ton faussement résolu. Le Seigneur sith avait réussi à semer le germe du doute dans son esprit étriqué et programmé pour suivre les ordres.

Evadné se détourna vers son invité, la figure encore colorée par la surprise.

-Etes-vous certain ? Je veux dire…

Elle en mourrait d’envie aussi, à vrai dire, possédée par la curiosité impétueuse et cette frustration de ne pas bien connaître une partie de son propre monde.

-J’y ferai un mauvais guide, mais nous pourrions en trouver un. En tous les cas, si votre souhait est d’arpenter les niveaux inférieurs, nos tenues ne sont pas du tout adaptées. Les signes d’opulence sont généralement suffisants pour y créer des émeutes. Je suggère de pouvoir y réfléchir à l’ombre de la terrasse du domaine.


Ils avaient quitté l’Esplanade des Glaces à bord du véhicule gouvernemental pour se rendre en amont de la cité, sur des terrains plus sauvages, moins bâtis, où les plus puissants avaient érigé avec orgueil des résidences somptueuses. Le domaine Publius était assez verdoyant et cette nature avait nécessité des monstres d’efforts aux exo-formateurs de la planète, aux ingénieurs-biologistes et aux botanistes. L’arrière-grand-père d’Evadné avait eu la folle prétention d’aménager une cascade artificielle depuis le sommet de la falaise qui bordait le domaine. Elle était alimentée par un réservoir de glace qu’une technologie transformait en eau. Le fief privé des Publius était coûteux à entretenir, mais il créait des emplois si l‘on voulait voir le côté positif de la chose. Le land-speeder fit halte sur la plateforme aménagée à cet effet, donnant sur l’immense terrasse.

Dès leur descente, Véragan Publius émergeait de la demeure, une pléthore de secrétaires sur les talons. Il ajustait ses gants avec minutie et semblait sur le départ. En les apercevant, il fit une halte et d’un geste discret – congédia sa petite troupe.

-Docteur Thorn, salua-t-il de sa voix froide.

Comme toujours, il avait gominé sa chevelure platine en arrière, dégageant son visage taillé à la serpe. Et ses yeux bleus, perçants – la seule chose qui paraissait vivre et humaine chez lui, étaient en tout point semblables à ceux de sa tendre progéniture. Il était plutôt fin et de grande taille. Les légères rides aux coins de ses yeux menaçaient de dévorer un charme encore présent. C’était un homme qui s’entretenait et il avait cœur à ce que le premier quidam venu le sache. Sans doute partageait-il avec Absalom l’aversion du temps qui passait et fanait les âmes autant que les plastiques.

-Je suis ravi d’avoir enfin l’occasion de croiser votre route. Votre réputation vous précède si bien.

C’était un compliment dans la bouche de Véragan. Il estimait les gens qui savaient se hisser intelligemment sur les devants de la scène. Un autre signe, pour le garde ministériel et ce dernier les laissa.

-J’avais une réunion avec le Conseil de Sécurité cadézien, au sujet de votre visite justement. Ce n’est pas tous les jours qu’un Impérial est accueilli en presque grande pompe dans un système républicain. Cela nourrit quelques inquiétudes du côté des mes administrés les plus fidèles. Je ne remets absolument pas en question votre citoyenneté hapienne. Mais j’ai bien peur que cet argument ne tienne qu’un temps, surtout quand l’information atteindra le Noyau dur. Evadné. Pourrais-tu me laisser seul avec notre invité, s’il te plaît ?

-Bien…concéda-t-elle avec un regard entendu pour Absalom. Sans doute en profiterait-elle pour préparer la suite de leur expédition.

Avec élégance, elle prit congé de leur présence, avalée par le bâtiment imposant. Véragan invita d’un mouvement poli son hôte à prendre place à la table qui trônait sur la terrasse. Lui-même s'installa sur l’un des sièges et croisa ses jambes, le port altier. Ses yeux azurés se promenaient sur le Sith avec curiosité.

-Comment trouvez-vous Cadezia ?

Il ne semblait pas pressé par le temps pour quelqu’un qui avait une réunion à tenir. Cependant, il était le dirigeant de cette planète. Les autres attendraient. Ce ne serait ni la première, ni la dernière fois qu’il ne respecterait pas la ponctualité exigée par un emploi du temps que ses secrétaires ficelaient à la seconde près.

En contrebas, le jardin que des soldats, effectuant des rondes inlassables, dénaturaient. Plus bas encore, s’étendait Ilus IV et ses méandres, entourée d’une vaste étendue sauvage. Le lac gelé ressemblait à un miroir dans le lointain. L’air aurait pu y être frais et revigorant si les nombreuses fleurs de la saison ne poursuivaient pas de répandre dans l’atmosphère cette odeur âcre. Le bruit sourd des chutes d’eau était la seule trame musicale de leur environnement. Pas le chant d’un oiseau à l’horizon, pas le beuglement d’un bantha..si bien qu’on aurait pu se demander si une faune existait sur Cadezia.

Absalom Thorn
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Ah, mais figurez-vous que par le plus grand des hasards…


Absalom esquissa un sourire de garnement malicieux.


… j’ai dans mes valises précisément des tenues plus ordinaires, qui se prêteraient tout à fait une de semblables explorations.


Autant dire qu’il avait prévu dès son départ de ne pas s’en tenir aux parcours soigneusement tracés par des responsables du protocole soucieux de présenter leur planète sous son meilleur jour. Noctis avait trop fréquenté les bouges infâmes de l’Espace Hutt et les bourgades rurales des périphéries impériales pour ne pas penser spontanément que la vérité d’une planète se trouvait tout autant dans ses cantines pour ouvrier que le long des buffets à petits fours.


Je vous suis donc.


À nouveau, dans le speeder, il se laissa absorber par la contemplation du paysage. La majesté du domaine Publius lui fit certes moins d’effet que celle de la nature cadézienne : le goût d’Absalom pour le luxe n’allait pas au-delà des appartements confortables mais dépouillés dans lesquels il s’installait d’ordinaire et où il évitait, autant que possible, de recevoir les visiteurs étrangers. Il y avait d’ailleurs quelque chose de trop sévère dans les beautés artificielles que les Publius avaient choisies pour manifester leur puissance.


Véragan Publius. L’homme était fidèle à ce que suggérait ses portraits holographiques et les quelques entrevues sur lesquelles Absalom avait pu mettre la main. Froid, austère, calculateur même, avec cette conscience chimérique des hommes d’État dont les intérêts personnels étaient si étroitement liés à ceux de la nation, et depuis si longtemps, qu’ils devenaient une extension de leur planète et que le souci égoïste de leur mérite personnel pouvait se muer en vertu sociale.


Monsieur le Ministre.


Il y avait un changement subtil dans l’attitude d’Absalom : un peu moins chaleureuse, un peu plus princière, moins riante et plus officielle, il avait rapidement repris le rôle d’un Seigneur Impérial, mais sans jamais y mettre la morgue et l’esprit de domination que d’autres Siths eussent tenu à témoigner au dirigeant trop humain d’une planète trop périphérique. Absalom savait que l’importance de sa personne ne devait jouer que comme un honneur pour son hôte, jamais une prétention pour lui : il fallait laisser le Ministre maître en sa demeure, sans lui faire sentir toute l’immensité de l’Empire et toute la force terrible de la tradition des Siths.


Je ne doute pas que votre Conseil de Sécurité soit à la hauteur du courage dont Cadezia fait preuve dans ce geste dont l’instinct grégaire des mondes plus ordinaires du Noyau les eussent hélas rendus incapables, et si je mesure à sa juste valeur, je l’espère, l’honneur qui m’est fait en me recevant ici, loin de moi l’idée d’en abuser en prétendant qu’il se mue en confiance et je suis prêt à me prêter bien volontiers à toutes les mesures de sécurité que votre Conseil pourrait juger utiles.


C’était au demeurant d’autant plus vrai qu’il ne nourrissait pas de sombres projets pour Cadezia, bien au contraire, et qu’il ne comptait pas s’éclipser au milieu de la nuit pour se fondre dans les ombres et murmures des propos étranges dans une langue inquiétante, à l’abri d’une cave maudite. Si les Cadéziens voulaient mettre des caméras dans sa douche et le prendre en filature, il le supporterait avec équanimité.


Quelques secondes plus tard, Publius et lui étaient attablés l’un en face de l’autre, et Absalom avait eu un bref regard pour Évadné s’éclipsant dans le manoir familial. Rencontrer le père de la politicienne, dans ce qui avait dû être le décor de son enfance, éclairait de manière singulière le tempérament d’une jeune femme prisonnière entre ses aspirations personnelles et le poids marmoréen des traditions familiales.


À couper le souffle.


Absalom était à l’aise.
Absalom était presque toujours à l’aise.
C’était comme s’il s’était assis depuis toujours à cette table, comme s’il avait grandi en écoutant le fracas de la cascade qui tombait de la falaise, dans l’odeur des violettes amères de Cadezia. Il était convaincant, parce qu’il était sincère : comme tous les grands manipulateurs, il disait aussi souvent que possible la vérité.


La rudesse splendide de votre nature, qui est admirable en elle-même, donne, et c’est peut-être le plus saisissant, une haute idée de l’âme d’un peuple assez industrieux et intelligent pour l’habiter et la domestiquer. On vante souvent les charmes des mondes faciles et généreux, et la douceur du tempérament de ceux qui y vivent, mais la vraie mesure d’une nation se devine à sa conquête des beautés hostiles.


Il avait laissé son regard s’égarer sur la cascade, qu’il devinait artificielle, et donc probablement, dans les circonstances de la planète, une démonstration de force de la famille Publius : il convenait de lui rendre hommage et de sembler y voir, même si au fond il la désapprouvait, le symbole de cet effort sublime des Cadéziens face à leur environnement.


Mais ses yeux revinrent dans ceux du Ministre quand il enchaîna aussitôt :


J’ai cru comprendre cela que cette nation n’était pas sans être agitée par des forces contraires et on a voulu me faire craindre des attentats.


Technique éprouvée : enchaîner les compliments les plus vifs par le sujet le plus douloureux, celui-là même que n’importe quel autre diplomate aurait évité avec des trésors de politesse, pour se distinguer de la masse grouillante des admirateurs de bon aloi.


Toute conquête a ses sacrifices et tout sacrifice a ses douleurs. Il se trouve toujours des tribuns populistes pour promettre des solutions faciles et brutales à ce qui exige au contraire le travail patient et méthodique d’hommes et de femmes d’esprit et de caractère. Au demeurant, par les temps qui courent, je ne doute pas d’être plus en sécurité sur Cadezia que sur Hapès, ou même bien des mondes impériaux, encore travaillés par les soubresauts de la guerre.


Ainsi donc le sujet douloureux pouvait devenir un motif de fierté, puisque Cadezia l’emportait là où de grandes puissances faiblissaient. Absalom s’était même permis un sourire juste assez mélancolique, en évoquant ses deux patries, pour qu’on eût juré que la tristesse qui s’y lisait avait échappé malgré lui au Seigneur Sith.
Evadné Publius
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Véragan n’était pas dupe, mais il apprécia toutefois les éloges du Sith, tout comme les reproches en demi-teinte. Il ne pouvait nier les difficultés que Cadezia pouvait rencontrer. Publius était un pragmatique. Une Twi’Lek appartenant à la domesticité, apporta des rafraîchissements et il se servit de l’eau en toute simplicité. L’eau était de l’or sur cette planète. En boire tous les jours, en quantité illimitée, soulignait une aisance de vie et une proximité avec le pouvoir. Il empoigna le verre de sa main gauche gantée, mais la raideur de son mouvement trahissait sa prothèse cybernétique.

-On vous aura fait craindre l’impossible, pour trois fois rien. Aussi, je suis satisfait que vous vous sentiez en sécurité. Nous travaillons chaque jour à aller vers davantage de stabilité. Mais vous comme moi savons que les extrêmes sont inatteignables tant ils se situent…et bien. Aux extrémités.

Il étira un sourire et leva son verre dans un simulacre pour trinquer, qu’Absalom eut choisi de boire, ou pas.

-Le milieu est ce qui m’intéresse et il faut tendre vers cette médiane pour garantir l’assise de la stabilité.

Il s’accouda avec aisance à son siège et logea son menton contre le dos de sa main, visant davantage son interlocuteur de son regard perçant. Il l’analysait : sa beauté irréelle, cette facilité qu’il avait de se fondre dans un décor étranger, son langage réfléchi. Autant de qualités dont il se méfiait, mais qu’il encensait paradoxalement.

-Voyez-vous. Je suis un homme de compromis. Lorsqu’Evadné m’a annoncé souhaiter votre présence parmi ce qui n’était rien d’autre qu’une simple délégation scientifique étrangère, j’ai pensé à un caprice. Elle semble vous porter en haute-estime. Et je sais de quelle naïveté, elle est faite.

Un soldat débarqua, au garde à vous, patientant que Véragan lui fasse signe d’approcher. Le milicien se pencha avec déférence à son oreille pour y laisser tomber quelques mots. Sitôt son message délivré, il s’effaça vers son devoir. Publius but une simple gorgée d’eau et se pinça les lèvres dans une moue difficile à déchiffrer. Était-ce de la contrariété ? De l’amusement ?

-Personne n’ignore sur cette planète qu’elle est mon point faible. J’ai passé mon existence à déployer d’innombrables ressources pour la protéger. Mais, il est difficile de la protéger d’elle-même. Quoiqu’il en soit, si vous souhaitez visiter les niveaux inférieurs d’Ilus IV.

Ainsi, c’était de la contrariété.

-J’apprécierai que vous ne le fassiez pas en sa compagnie. Loin de moi l’idée de mettre en doute vos capacités à vous défendre, mais le risque zéro n’existe pas. Si la fille unique du Ministre tombe entre les mains des extrémistes de l’ACE, ou pire. Et bien, je n’ai pas besoin de vous faire un dessin.

Il reposa son verre d’eau avec la plus grande des précautions. Son ton n’était pas péremptoire, malgré la froideur habituelle. Tout montrait qu’il serait peut-être réceptif à un contre-argument, mais il doutait qu’une argumentation suffisamment solide existe en ce monde pour lui faire accepter de faire courir un tel risque à sa progéniture. Il digérait à peine avoir failli la perdre quelques mois auparavant, pour une stupide fugue. Ces préoccupations existaient uniquement parce qu’il avait à cœur la survie de son empire industriel et familial. Si la vie lui avait offert d’autres enfants ou héritiers, il se serait volontiers passé d’Evadné et l’aurait laissé à autant de lubies superficielles ou mortelles. Tout n’était qu’étendues glaciales et pragmatisme dans l’attitude du dirigeant. Finalement, il correspondait bien à Cadezia.



Dans le manoir à l’architecture épurée et futuriste, Evadné terminait d’inspecter sa garde-robe. Lorsque l’Intendant du domaine se présenta avec politesse, ayant été annoncé par l’un des nombreux droïdes protocolaires qui hantaient la bâtisse. Contrairement aux Thorn, la famille Publius n’avait aucun scrupule à user et abuser de la technologie robotique. Premièrement parce que c’était l’une des mannes de l’économie cadézienne et deuxièmement parce qu’elle coûtait éminemment moins chère que de la main d’œuvre organique – moyennant des marges d’erreurs presque similaires.

Elle se détourna vers lui, l’expression interrogative. L’intendant était une figure familière et intransigeante, qu’elle connaissait depuis sa tendre enfance. C’était un Abednedos à l’âge déjà avancé et la vieillesse faisait ployer ses épaules sous un poids invisible. Malgré la lassitude du temps, il demeurait d’un professionnalisme rigide et d’une loyauté sans faille.

-Mademoiselle. Les préparatifs pour la chambre de votre invité sont terminés. Souhaiteriez-vous inspecter le tout pour vous assurer que tout est en ordre ?

Une courte hésitation et elle répondit.

-Non.

-Bien, en ce cas…

-En fait, si, le coupa-t-elle dans un sourire gêné.

L’intendant était bien le seul être dans cette Galaxie auquel elle osait faire des caprices. Il inclina la tête, disposé à écouter la suite.

-Avez-vous utilisé des violettes de saison ?

-Un bouquet sur chaque chevet, Mademoiselle.

-Bien. (Elle s’interrompit, semblant passer en revue une liste imaginaire, pensive). Et…vous avez bien apprêté la chambre offrant la vue sur les chutes d’eau ?

-Celle-là même, Mademoiselle., confirma-t-il d’un ton calme.

-Préparer un hologramme de bienvenue ? Disposer les brochures holographiques sur Cadezia ? Et…préparer un plateau de pâtisseries locales ?

-Tout cela a été fait.

Elle joua nerveusement avec son collier de perles, se mordillant les lèvres. En réalité, elle évacuait difficilement ses appréhensions concernant l’entrevue entre Absalom et Véragan. Depuis la grande baie vitrée de sa propre chambre, entre deux pans de tenture, son œil azuré avisait leurs silhouettes attablées sur la terrasse. Ils étaient trop éloignés pour qu’elle puisse comprendre l’objet de leur conversation, mais elle pouvait capter le mouvement de leurs lèvres. Dans son dos, l’Abednedos se racla la gorge pour attirer son attention et elle leva une main élégante, sans se retourner.

-Pourriez-vous faire venir Jung ?

-Mademoiselle. Ce ne serait pas raisonnable, tempéra l’Intendant dans une moue contrariée.

-Faîtes-le venir où qu’il soit, insista-t-elle.

Et il prit congé en s’inclinant brièvement. Ne restait plus que le droïde protocolaire qui arpentait ses quartiers dans un silence relatif. Elle ferma les yeux, vidant son esprit dans une profonde inspiration. Manéo Jung, pensa-t-elle, non sans un petit sourire tendu. Il n’y aurait pas meilleur guide pour s’enfoncer dans les boyaux d’Ilus IV. Elle se reprit, expirant tout l’air qu’elle avait bloqué dans ses poumons et se dépêcha de quitter sa chambre.



Lorsqu’elle leur revint, toujours drapée de sa robe précieuse. La brise saisonnière incessante s’engouffra dans les plis pastel de sa tenue et elle s’approcha de la table, tandis que son père la quittait. Il posa un regard sévère sur elle.

-Je me rends au Congrès, lui annonça-t-il. Je saluerai Valérian Hélix de ta part.

Imperceptiblement, elle leva les yeux au ciel, légèrement agacée. Mais les convenances voulurent qu’à la place de soupirer sa lassitude, elle ploie son corps dans une courte révérence.

-Tâche ne pas trop ennuyer le docteur Thorn. (Et il se tourna enfin vers ce dernier.) Docteur Thorn. A moins que vous préfériez Seigneur ? Cela m’est égal au fond. Je vous souhaite un bon séjour sur Cadezia. Peut-être aurons-nous l’occasion d’approfondir notre discussion ce soir ou à tout autre moment favorable.

Un soldat du Ministère se dépêcha de le rejoindre et ils se dépêchèrent vers l’un des deux land-speeder à l’arrêt dans la cour jouxtant la terrasse. Evadné admira un court instant l’appareil s’éloigner vers la ville dans un sifflement presqu’élégant. Son attention revint ensuite à Absalom auquel elle sourit, l’expression désolée.

-Et bien, je crois que vous avez salué mon père.

Dans l’encadrement des portes qui menaient au manoir, la silhouette de l’Intendant se détacha.

-L’Intendant Trell sera ravi de vous guider jusqu’à vos quartiers afin que vous puissiez vous mettre en condition pour le reste de votre visite. Le guide est en route.




Absalom Thorn
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La naïveté est parfois une vertu précieuse : elle permet de saisir avec plus d’audaces des opportunités que la prudence, trop nourrie d’expérience, pourrait parfois laissé passer. Les années qui passent, quand elles nous rendent et clairvoyants, et circonspects, nous enlèvent parfois l’optimisme forcené nécessaire aux conquêtes les plus surprenantes. J’ai toujours pensé que plus un homme était rompu à l’exercice du pouvoir, dans quelque domaine que ce soit, plus il avait intérêt à s’entourer de naïveté. Une sagesse que nous devons partager vous et moi dans une certaine mesure, puisque vous avez autorisé ma présence.

En trahissant l’Ordre Jedi pour le compte des Siths, après ses premiers pas au sein de l’Empire, Absalom avait rapidement compris que la solitude méthodique qu’il avait adoptée pendant toute la première partie de sa vie rencontrerait rapidement ses limites dans son nouvel environnement. Il avait appris à s’entourer et à rechercher chez celles et ceux qui les secondaient non seulement les qualités qui lui manquaient, mais aussi et de plus en plus certains des défauts qu’il avait vaincus en lui-même, mais dont il finissait par comprendre l’utilité.

Je crois, mais c’est présomptueux de ma part de prétendre bien la connaître évidemment, je crois malgré tout qu’elle a bien saisi votre engagement sans retenu pour votre planète et que, spectatrice de la manière dont se diluent, à Coruscant, dans les couloirs des administrations républicaines, les fiertés nationales, les indépendances et les souverainetés, au profit des institutions immenses et abstraites d’un État galactique, elle commence à cerner ce qu’une planète de la Bordure peut tirer de profits de quelques provocations soigneusement contrôlées.

Absalom avait une idée assez précise de la manière dont il instrumentaliserait une visite comme la sienne, dans le rapport non seulement à la République mais aux mondes indépendants du voisinage de Cadezia, s’il avait été à la place du Ministre Publius. Mais dans ce qui n’était qu’une première conversation, il eût été indélicat de partager autre chose que des considérations générales et de prétendre descendre dans le particulier d’une situation planétaire singulière, quand il n’avait vu que quelques kilomètres de la capitale.

Je comprends, dit-il ensuite sans hésiter que son interlocuteur l’invita à se tenir à l’écart des niveaux inférieurs. Je m’en voudrais de faire courir à votre fille des risques inutiles et je mènerai ces visites plus tard, peut-être, en solitaire.

Il ne doutait pas que sa solitude serait toute relative et que le Ministre veillerait à ce qu’on le prenne en filature. Dans une certaine mesure, il comptait même dessus et il avait bien l’intention de s’assurer que ses anges gardiens ne le perdent pas de vue.

Peut-être les niveaux intermédiaires ? Je m’en remettrai à l’expertise de votre garde.

La conversation roula encore quelques minutes sur des généralités, jusqu’à ce que la jeune fille refît son apparition. Absalom s’était levé en même temps Véragan, qu’il salua d’un geste de la tête et, plutôt que d’observer le speeder s’envoler vers le coeur de la capitale, comme le faisait Evadné, il considéra la jeune femme elle-même, dont la personnalité lui paraissait d’autant plus saisissante, désormais qu’il en avait rencontré le père.

Ah, hélas, je crains que votre père ne s’oppose fermement à notre petite expédition, et quelque légèreté dont je témoigne d’ordinaire à l’égard des autorités parentales, je crains que celle-ci n’ait trop les moyens de sa surveillance pour que je songe à m’y soustraire. Si je l’avais mieux connu, j’aurais tenté de le convaincre de bénir notre projet d’escapade, mais j’ai senti que c’eût été beaucoup trop demander pour une première entrevue.

Au demeurant, Véragan lui avait donné à demi-mot l’autorisation de visiter les niveaux inférieurs par lui-même et cela suffisait amplement au Seigneur Sith, qui jugeait que d’autres occasions se présenteraient à l’avenir d’observer le comportement d’Evadné avec les couches les plus modestes de la population, une étude qui promettait de s’avérer instructive.

Ceci étant dit, j’écouterai avec plaisir les récits de votre guide et l’imagination nous servira d’yeux. En attendant, puisque vous me le proposez, je vais de ce pas endosser une tenue moins guidée. Monsieur Trell, je présume.

Son regard s’était dirigé vers l’Abednedo. Hideuse créature, du point de vue hapien, mais Absalom n’en laissa rien paraître et, après un nouveau sourire d’excuse à Evadné, il emboîta le pas à l’Intendant. En chemin, il multiplia les questions sur le domaine, son architecture et ses décorations, un invité gracieux qui sait que la politesse lui impose de s’intéresser aux lieux. Du reste, Absalom était toujours d’une bienveillance inaltérable envers le petit personnel : on n’apprenait jamais tant sur une maison qu’en sympathisant avec les domestiques.

Une demi-heure plus tard, dont il avait consacré cinq minutes à se changer et vingt-cinq à ranger très ostensiblement ses affaires dans la commode, pour que les éventuelles caméras de sa chambre puissent constater qu’il ne dissimulait dans ses valises, outre son sabre laser, posé bien en évidence, aucun artefact sinistre ni aucune machine de désolation, Absalom refit son apparition, guidé par l’intendant, dans le salon de la demeure où l’attendait Evadné.

Il avait revêtu un pantalon et une chemise dont il avait retroussé les manches, de fort bonne facture, mais sobre, adoptant comme souvent ce précepte de relative austérité qui distinguait les vieilles familles de la grande bourgeoisie hapienne des aristocrates, que la nécessité de manifester leur pouvoir politique conduisait plus souvent à des démonstrations d’opulence.

Votre père est un homme… intéressant, démarra-t-il de but en blanc, en s’asseyant dans l’un des fauteuils. Mais peut-être est-il préférable que vous et moi soyons d’abord plus familiers l’un de l’autre avant de nous plonger dans ce sujet. Un esprit remarquable, en tout cas, et des qualités humaines certaines, quoique pudiquement manifestées.

Une manière comme une autre de suggérer que Véragan était aussi chaleureux qu’un hiver sur Hott.

Ceci étant dit… et vous m’arrêtez, bien entendu, si j’outrepasse les limites de ce que j’espère être notre amitié naissante… je n’ai pas pu m’empêcher de croire, peut-être à tort, que vous et lui ne partagiez pas exactement les mêmes sentiments sur ce… comment a-t-il ? Valériane Hélice ? Hilarant Crevisse ? Quelque chose comme cela. Un jeune homme auquel vous êtes promise à votre coeur défendant, je présume… ?

Pour quelqu’un d’autre qu’un Hapien, la conclusion eût été hâtive, mais les mariages arrangés étaient un aspect si important de la vie de la bonne société, sur sa planète, et les scènes de jeunes filles irritées par les salutations que leur père transmettait en leur nom au parti qu’il leur avait choisi si courantes, que tout autre Hapien fortuné qu’Absalom eût formulé spontanément la même hypothèse.

Il vous déplaît psychologiquement ? Physiquement ? Les deux… ?

(Les Seigneurs Siths ont apparemment un instinct de commère.)
Evadné Publius
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Un air incrédule, quoique contrarié, colora son minois. Elle aurait dû s’y attendre. Leur escorte n’aurait jamais gardé cette information frondeuse pour elle. Toutefois les mots d’Absalom et sa bienveillance qui semblait éternelle gommèrent rapidement les affres de sa déception. Dès le départ de ce dernier vers le repos de ses quartiers, elle fit signe à la Twi’Lek de lui apporter un rafraîchissement dans le salon.

Elle s’y installa en patientant le retour de son invité. Et elle quitta son siège confortable dès qu’il fut de retour, par politesse. Ils étaient dans l’un des nombreux salons de la demeure. Evadné avait toutefois choisi le plus intime et familier de tous. Les proportions de la pièce n’étaient pas démesurées et les grandes fenêtres donnaient sur un versant du jardin inondé du mauve des violettes. La réflexion polie sur son père lui arracha un sourire amusé. Elle savait lire entre les lignes, quand la nécessité s’imposait et elle se demandait si quelqu’un, un jour, avait déjà trouvé son père chaleureux. Sa mère, sans doute, puisqu’elle était née de leur union.

La remarque au sujet de Valérian la prit au dépourvu. Elle ne sut cacher son étonnement qui céda bien vide le pas à un fou rire qu’elle s’empressa de dissimuler, avec élégance, dans la manche de sa robe. Ses yeux pétillants d’hilarité s’étaient posés sur le Sith et une fois apaisée, elle répondit avec une sincérité déconcertante.

-J’ai grandi avec Valérian. C’est…le fils de Josephus Hélix, le numéro deux du gouvernement cadézien. Il gère la police d’Ilus IV et possède Hélix Bellum, qui est une entreprise de cybernétique de guerre. Composants de droïdes de combat, technologies de communications martiales, armement. Les vaisseaux stellaires en tout genre ne sont que des bulles en métal dans lesquels on flotte dans l’espace. Hélix Père & Fils vouent leur vie à ce que chacun essaie de percer la bulle de l’autre. Charmante vocation, n’est-ce pas ?

Elle se pencha vers la table basse pour récupérer sa boisson, dont elle fixa la surface, pensive. Elle y détourait vaguement son reflet.

-On m’a toujours préparé à ce que je l’épouse un jour. Le Congrès a poussé mon père et Josephus Hélix dans ce sens. Une union de nos clans aurait permis de balayer des rivalités futiles et de poser l’hégémonie de la haute-société sur le reste de Cadezia. J’ai refusé et face à ma résolution absolue de ne pas l’épouser, mon père a cédé. Cela a occasionné un léger froid entre nos deux familles. Physiquement, c’est un homme charmant. Il a une tâche de naissance sur le visage qu’il tente de dissimuler, mais je trouve que…loin de l’enlaidir, cela lui offre un charme considérable. Cependant, il est égoïste et lâche.

Et ses lèvres frémirent dans un sourire attristé, parce qu’elle repensait à sa position. Cette place parmi les riches qu’elle avait occupé dès sa naissance et qui avait tracé une route aussi sûre que les segments commerciaux de la Galaxie. Jusqu’à peu, elle s’était toujours sentie privilégier et avait, inconsciemment, eu tendance à regarder le « reste » de haut, malgré sa générosité et sa compassion.

-Mais je deviens dramatique, critiqua-t-elle dans une tentative d’autodérision, Personne ne me force à l’épouser. La pression est forte, mais je demeure libre de mes choix. Un mariage d’intérêt arrangerait une grande partie des affaires de mon père. Et je serai prête à l’accepter sur le papier, pour peu qu’un homme comprenne que ce serait un partenariat politique et économique sur le long terme, une alliance entre deux familles et non un hymen passionné entre deux individus. Valérian Hélix ne le comprendrait pas. Il chercherait à me museler et à me posséder, à m’oppresser de sa présence. Ce qu’il fait déjà par ailleurs, quand il en a l’occasion. Mais, je ne voudrais pas vous importuner avec ces considérations futiles…

Elle noya son embarras soudain dans une gorgée de liquide violacé. C’était une infusion froide aux violettes de Cadezia, macérées au préalable dans du sucre. Elle se déclinait également en une liqueur forte, boisson nationale cadézienne. Evadné chercha donc à inverser la tendance :

-Je me rappelle tous ces regards sur Hapès. Et…si vous ne m’en voulez pas, de votre âge. Vous êtes fils unique, n’est-ce pas ? Vous semblez avoir gagné le droit d’échapper aux stratégies matrimoniales en tout genre. Je ressens comme une pointe d’injustice et de jalousie. Quel est donc votre secret, Seigneur ? Dois-je me tourner vers l’Occulte ?


Les dernières interrogations auront été prononcées sur le ton de la complicité et de l’humour, feignant une théâtralité poussée. Elle espérait qu’elle ne le vexerait pas dans cette tentative, peut-être maladroite, de consolider un début de familiarité. En réalité, la plaisanterie cachait une curiosité nourrie et sincère. Absalom était plus que bel homme, et comme laissé supposer sur Hapès, les prétendantes et autres partis intéressés ne devaient pas manquer. Comment avait-il pu se soustraire aux impératifs sociaux qu’exigeaient leur statut respectif ? Après tout, elle aussi possédait ce petit penchant pour les commérages.

Absalom Thorn
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Mais enfin, Evadné, songez que vous parlez à un Hapien ! Jamais aucun Hapien n’a été importuné par des considérations matrimoniales. Je vous rappelle que l’holosérie Sous les soleils d’Hapès en est à sa sept-cent-quatorzième saison d’intrigues en tout genre, sur fond de projets contrariés, de passions sans lendemain, de fortunes réunies et de divorces inattendus…

Et de veuvage.
Beaucoup de veuvage.
Dans la haute société du Consortium, les rencontres inopinées entre un torse et une vibrolame brisaient bien des couples.

… et que ces dramatiques bouleversements rythment le quotidien des ménagères de moins de cinquante ans depuis bien avant ma naissance.

Cela dit, Absalom n’était sans doute pas ce que les producteurs de l’indétrônable feuilleton se représentaient quand ils pensaient à la ménagère de moins de cinquante ans.

Vaste sujet, répondit-il d’un ton plus sérieux, quand le boomerang de sa curiosité lui revint en pleine face (qu’il avait jolie). Aujourd’hui, si je n’ai pas d’épouse, c’est en large partie parce que je suis gay.

L’Hapien l’avait dit avec un parfait naturel et il était évident qu’il ne songeait pas une seule seconde à s’en faire une honte. Plus jeune, c’est vrai, il avait été travaillé par ses sentiments naissants, prisonnier d’un Ordre qui lui imposait un moralisme strict et asséchant. Sur Ondéron, après avoir longuement bataillé avec ses désirs, il avait trompé la vigilance de ses gardiens, pour nouer des relations sans lendemain avec les garçons d’Iziz.

Sur Hapès, c’est… Relativement impopulaire, pour les hommes. Vous comprenez que dans une planète où le rôle social d’un homme est d’abord, avant tout, et parfois exclusivement de produire une descendance et où cette descendance est strictement encadrée par les liens du mariage, qui constituent des familles pensées comme des clans politiques, un homme dont la préférence va seulement aux autres hommes est… Disons quasi un poids mort. Presque inexistant. Au mieux, un dangereux déviant, qui risquerait de détourner d’autres hommes du droit chemin de la soumission à une femme.

C’était naturellement l’aspect de sa société qui lui inspirait le moins de sympathie, même si lui-même, au fond, avait peu à en souffrir : son statut était trop particulier, singulier même, pour qu’il fisse l’expérience des mêmes discriminations que celles qui frappaient ses semblables.

Ceci étant, j’aurais parfaitement pu me marier par intérêt, et je le ferai peut-être un jour. Le mariage d’intérêt est… Hé bien, quoi qu’en dise les romanciers et les scénaristes, une institution assez raisonnable et assez noble, au fond. Plutôt que d’imposer aux époux l’impératif moral de s’aimer et de se désirer tout au long de leur vie, de leur fixer un objectif presque impossible à atteindre, dont sortira bien des souffrances, le mariage d’intérêt, quand il n’est pas forcé, les traite comme des êtres rationnels, qui font le choix conscient d’une alliance profitable. C’est à mon sens une base beaucoup plus saine pour une relation matrimoniale que la passion amoureuse.

Un point de vue qui n’avait rien de surprenant, pour un représentant de la haute société hapienne.

L’opportunité ne s’est jamais présenté à moi… Hé bien, d’abord, parce qu’en tant que Jedi, c’était rigoureusement prohibé. Le sectarisme de l’Ordre est terrible, il réduit toute la vie de ceux qui y ont été embrigadés dans leur enfance et les coupe des expériences communes. Pas d’amour, pas de découvertes érotiques, pas de mariage, sauf pour quelques races espèces en voie de disparition. Et au sein de l’Empire, les calculs qu’impliquent un mariage d’intérêt sont beaucoup trop complexes à mes yeux, et la confiance trop difficile à construire, pour le permettre réellement. Quant au reste…

Un sourire mélancolique, auquel son regard ajoutait une profonde tristesse, l’un et l’autre de la plus grande authenticité, se dessina sur ses lèvres.

À l’amour, je veux dire. L’Ordre Sith le considère comme une faiblesse, à moins qu’il ne soit une passion violente. Je préfère pour ma part les amours tendres. Je dois manquer de caractère.

Peut-être dans la galaxie étaient aussi choyés, protégés, rassurés, que les quelques compagnons de Darth Noctis.

Mais pour en revenir à votre question plus pragmatique, si j’échappe aux stratégies matrimoniales alors que je suis désormais en situation de me marier, c’est parce que j’ai du pouvoir. Que je ne dépends pas de ma famille, que je peux imposer mes choix. C’est injuste et sexiste, indubitablement. Mais cela ne veut pas dire que c’est inaccessible pour vous. Une manière de sortir de cette position inconfortable, pour vous, c’est peut-être de vous emparer vous-même de ces stratégies. De rechercher activement un époux, ou une épouse si la société cadézienne le permet, de lui exposer vos conditions, de proposer le projet à votre père, dont je crois comprendre qu’il doit l’approuver, bref, de devancer les propositions en étant vous-même aux commandes. Vous êtes en âge de le faire.

Encore une fois, le tempérament de mentor d’Absalom reprenait le dessus. S’il n’avait pas été un génie du mal adepte d’horrifiantes sorcelleries, il se fût reconverti en coach de vie.

Est-ce que… hé bien, est-ce que vous avez une idée de ce qui vous conviendrait ? Pas comme type d’homme, mais je pense, d’abord, comme type de relations. Quelle serait la forme de ce mariage ? Le genre de partenariat qu’il impliquerait, les impératifs reproductifs, le degré de l’assistance mutuelle, les exigences de concubinage, ce genre de choses. Le mariage d’intérêt est une négociation et, croyez-en un diplomate de carrière, pour sortir vainqueur de toute négociation, il faut commencer par savoir précisément ce que l’on veut obtenir, et dans cela, ce qui est essentiel et ce qui peut faire l’objet d’un compromis.
Evadné Publius
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Elle se trouvait ridicule parce que c’était la première fois qu’elle rencontrait un homme avec…un penchant pour les hommes. Les enjeux devaient être sacrément plus corsés, comme il expliquait sa situation. Ayant une sexualité plutôt dans la « norme », elle se voyait tout de même ployer sous la pression de la société. Que dire d’Absalom ? Bien qu’elle ne puisse le comprendre entièrement, elle éprouvait une certaine empathie. Evadné laissa vagabonder ses pensées à sujet, si bien que les mots de son invitée n’étaient plus qu’un fond sonore dans le lointain.

-L’Ordre Sith le considère…

Elle battit des cils et la voix du Sith percuta de nouveau son ouïe. Elle se rendait compte, en sus, qu’elle serrait son verre un peu trop fort. Se réfugiant dans une gorgée d’infusion, elle observa son interlocuteur avec attention. Un jour, elle pourrait être assez puissante et dépendante pour imposer le choix d’un époux, mais jamais pour que cet époux soit issu de la couche populaire. Quelque part, cela lui brisa le cœur. Il n’y avait pas que l’Ordre Sith qui considérait l’amour comme une faiblesse, et à juste titre. A Cadezia, chez les plus fortunés, ce sentiment n’était qu’un luxe superflu. S’il venait avec le mariage, tant mieux. Mais, la mentalité des castes dirigeantes tendait plutôt vers la rationalité du discours de Thorn. Finalement, il suffisait d’enlever le matriarcat du Consortium pour avoir une espèce de réplique cadézienne. Et ce n’étaient sans doute pas les seules cultures qui privilégiaient l’endogamie sociale et la séparation des castes, que cela fut sous critère de sexe, de richesse, de statut.

Les questions qu’il enchaîna ensuite lui firent tourner la tête. Elle n’avait jamais réfléchi à ces considérations. Chaque esquisse de réponse la prenait au dépourvu. Soudain, elle repensa à l’orientation sexuelle du Seigneur sith. Epouser un homme gay aurait quelque part solutionné quelques-unes de ses exigences.

-Je suis, en tous les cas, certaine de ce que je ne veux pas. Par exemple, vous…

L’Intendant Trell l’interrompit d’une voix chevrotante mais encore claire. Depuis combien de temps était-il là ? Elle dirigea son attention sur lui.

-Monsieur Thorn. Mademoiselle. Monsieur Jung est là.

Elle l’avait complètement oublié. Maintenant que le guide s’était déplacé, elle le voyait mal le congédier.

-Faîtes-le venir.

L’Abednedo s’éclipsa dans une courbette qui lui coûta quelques articulations. Manéo Jung apparut dans la foulée, peu de temps après. C’était un grand homme mince. Ses joues grêlées par l’acné donnaient un aspect ravagé à son visage qui sinon paraissait perpétuellement au bord de l’hilarité. Il portait un brassard, siglé du cercle coupé de l’ACE, avec un air de défi et d’autorité. Il n’attendit pas qu’on lui propose de s’asseoir et se laissa choir dans un fauteuil. Ses yeux gris allaient d’Absalom à Evadné, puis d’Evadné à Absalom.

-Absalom, je vous présente Manéo Jung, ce fut mon professeur de créole cadézien. Monsieur Jung, je vous présente…

-Darth Noctis, l’interrompit le guide avec un sourire. Votre présence sur Cadezia est déjà en train de se répandre comme un incendie vorace dans les profondeurs d’Ilus IV et à Mariner Valley.

Il semblait braver tout ce qui faisait le pouvoir des Publius. Son élocution et son bon accent en basique le faisaient paraître cultivé. Il appartenait à l’ancienne mentalité de l’Alliance des Classes Extérieures, celle qui porta la Révolution avortée. Et s’il était autorisé à fouler le dallage de ce domaine, il le devait à son statut d’élu politique. Il se pencha vers l’héritière pour rire froidement :

-Ton père et toi auriez pu l’annoncer en grande pompe, plutôt que de garder l'information dans les hautes sphères du pouvoir, qué?

-Monsieur Jung, le Docteur Thorn fait partie d’une délégation scientifique hapienne. Cela ne nécessitait pas d’effusions médiatiques outre mesure.

-Je prône plutôt pour l’idéal d’une société transparente, gamine.

Elle ne paraissait pas s’émouvoir de la familiarité qu’il employait avec elle et qui était l’apanage de tout cadézien populaire qui se respectait. Contrairement à son père, elle semblait nouer des relations plus tièdes avec les membres du parti politique de l'ACE.

-Voyons, se dédouana-t-elle dans un sourire maladroit, Nous n’avions nulle intention de cacher la venue du Docteur Thorn.

Il lui envoya un regard lourd d’incrédulité et changea de position pour se servir un verre du breuvage à la violette. Au passage, il eut la délicatesse de remplir le contenant à moitié vide d’Evadné. Cette attention trahit le modeste respect qu’il lui portait.

-Trell m’a dit que tu avais besoin d’un guide. Tu sais que ma réponse est non, comme toutes les autres fois où tu m’as sollicité dans cet objectif.

Trell parlait trop, faillit-elle répliquer.

-Ce n’est pas pour moi, mentit-elle à moitié, mais pour le Docteur Thorn. Il serait honoré de découvrir la ville basse.

Ses yeux azurés se promenèrent sur la silhouette du Sith, avisant sa réaction. Jung, quant à lui, parut sincèrement surpris par la chose. Il ne s’imaginait qu’une personnalité de l’importance de Darth Noctis daigne s’intéresser aux cadavres que cachaient les placards de Cadezia.

-Et bien, gamine. Tu sais ce qu’on dit. Im na gut fo go solo ere da belék.

-Cela signifie qu’il n’est pas bon de s’aventurer seul dans le noir. C’est une maxime en créole cadézien, traduisit-elle poliment pour son invité. Toutefois, le Ministre Publius a émis des réserves.

-Parce que je parie que tu voulais être du voyage, fit Jung en balayant l’air de sa main dans un mouvement agacé. Alors que je t’ai dit mille fois que c’était impossible. Tu puchoye ke ?

Elle se mordit l’intérieur de la joue pour ravaler sa contrariété grandissante. Tout le monde s’éverutait à lui dire que c’était impossible. Et c’était bien l’une des rares choses sur lesquelles l’ACE et Véragan Publius tombaient d’accord. Les couches populaires rêvaient d’atteindre le haut, mais il était hors de question de laisser le haut envahir le bas. De plus, risquer une prise d’otage ou une émeute ne valait pas le coup d’une « simple visite. »

-Lui, fit-il en pointant Absalom, c’est différent. Alors seigneur Darth Noctis. Qu’espères-tu trouver dans la ville basse ?

La familiarité cadézienne, disait-on...

Absalom Thorn
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La familiarité de Manéo Jung n’avait pas paru froisser le Seigneur Sith. Absalom avait suivi la conversation entre le Cadézien et son élève sans rien dire, mais son regard pénétrant était passé de l’un à l’autre constamment, pour chercher sans aucun doute à décrypter ce que ces quelques paroles échangées révélaient de la vie sur cette planète, et de la personnalité de la jeune fille. Qui, de Véragan Publius ou d’Evadné elle-même avait décidé d’un tel enseignement ? Quel usage la jeune politicienne prévoyait-elle d’en faire ?

Je n’ai pas d’espérance, simplement de l’intérêt, répondit-il tranquillement.

Il se pencha, les coudes sur les genoux, les mains croisées, pour mieux plonger son regard dans celui du professeur.

Voyez-vous, quoique mes titres et mon apparence puissent laisser penser, je passe plus de temps dans des endroits comme je suppose que le sont les niveaux inférieurs de Cadézia que dans les salons des palais. Je suis sensible, naturellement, et même touché par le souci collectif que l’on porte à ma sécurité depuis que je suis arrivé ici…

Ses propos n’étaient certes pas dénués d’une pointe d’ironie. Le protégeait-on d’une menace terroriste ou se protégeait-on de lui ? Un peu des deux, sans doute.

… mais j’arpente les rues les plus sombres de Nal Hutta et les stations spatiales les plus mal famées de la Bordure Extérieure depuis aussi loin que mes souvenirs ne remontent.

Il exagérait à peine. Maître K’ra avait très tôt repéré ses talents exceptionnels et Absalom n’était encore qu’un enfant quand le Consulaire Neti l’avait embarqué avec lui pour ses expéditions diplomatiques dans les lointains de la Galaxie. Absalom l’avait vu négocier avec des pirates ou arranger la libération d’otages détenus par des cartels avant même d’avoir appris à nager ou à utiliser correctement un datapad.

Il y a des raisons pour lesquelles je ne passe pas ma vie sur Dromund Kaas ou Hapès à profiter de la pourpre impériale, des défilés de mode hapiens et de la valse des petits fours. J’ai vu plus de morts et de violence, d’explosions et de crimes, de pauvreté et d’injustices qu’on ne pourrait l’imaginer. Mon intérêt pour les niveaux inférieurs d’Ilus IV ne relève pas de la curiosité ethnographique malsaine que les riches ont parfois pour les pauvres et je ne suis pas en quête d’un petit frisson de danger pour épicer ma vie monotone de bourgeois évaporé.

Pendant quelques instants, sa présence au sein de la pièce fut différente. Moins douce, moins bienveillante. Il donnait une impression confuse mais insistante de danger et de puissance, comme s’il était porté par une certitude surhumaine, comme s’il était un être séparé du commun des mortels. C’était une manifestation subtile, presque entièrement contenue, d’une aura des ténèbres qui, libérée dans sa pleine expression, aurait plongé ses deux interlocuteurs dans une profonde terreur.

Et puis Darth Noctis se cala à nouveau contre le dossier de son fauteuil et l’aura fugitive disparut. Il avait retrouvé son air affable, quasi inoffensif.

Je veux comprendre Cadézia et on ne comprend jamais bien une société qu’en explorant toutes ses parties. Si nos deux mondes doivent se rapprocher…

Son regard se posa un instant dans celui d’Evadné.

… si nos nations doivent nouer un partenariat scientifique dont il faut espérer qu’il fructifie et ouvre des perspectives nouvelles, alors, pendant que les scientifiques échangent entre eux, il est de mon devoir, en tant que diplomate, de comprendre en profondeur Cadézia. Visiter sa capitale de haut en bas me semble une première étape essentielle à la découverte de la planète.

Découvrir les autres villes, et ce que Cadézia pouvait avoir de vie rurale, viendrait sans doute plus tard.

Je veux comprendre comment les enfants vont à l’école, comment on remplit ses placards, comment on tombe malade et comment on se soigne, comment on emménage, comment on déménage, ce que l’on regarde sur l’Holonet et à ce à quoi on joue, ce qui fait, en somme, le quotidien d’une vie de Cadézien, de la vie de la plupart des Cadéziens.

Et il aurait aimé rencontré d’autres représentants de l’ACE, bien entendu. Darth Noctis avait toujours eu un vif intérêt pour les groupes révolutionnaires : leur engagement total, radical, dans une cause, au prix des plus grands sacrifices, y compris celui de la morale commune souvent, résonnait avec ses propres idéaux. Il y avait au fond plus de rapport entre un aristocrate de la vertu comme lui et une avant-garde révolutionnaire qu’entre lui et la bonne société de n’importe quel monde.

J’ai bien conscience que ma présence puisse paraître dans une certaine mesure indésirable, mais je suis sûr que nombre de Cadéziens comprennent qu’un étrange aussi… étrange, précisément, que moi-même ne représente pas les rapports de force de leur société. Cela dit, je suis prêt à répondre à toutes les questions et les reproches qu’ils pourraient vouloir adresser à quelqu’un comme moi.
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Evadné et Jung échangèrent un regard incertain. Le subtil changement d’ambiance avait été remarqué, assez pour qu’ils le définissent en silence, dans un coup d’œil surpris. Cela eut le mérite de rappeler à la jeune politicienne qu’Absalom n’avait peut-être pas de Sith que le nom. La pression retomba presqu’aussitôt. Elle n’avait pas soustrait ses prunelles à celles du hapien tandis qu’il poursuivait avec plus de bienveillance. Et elle éprouva une fascination timide. Manéo la sortit en premier de sa contemplation, élevant dans l’air sa voix grave :


-Bien. Puisque nous tombons d’accord, Seigneur Noctis, je vais vous négocier un joli laissez-passer pour les stations inférieures.


Il avait visiblement abandonné le tutoiement, ce qui étonna grandement Evadné. Le cadézien but son verre d’une longue traite, comme pour entériner un accord que lui seul avait signé. Il pointa ensuite l’index vers Absalom et on avait l’impression qu’il allait se mettre à rire. Ce n’était que l’expression habituelle de son visage humain.


-Mais, sachez que la gamine avait les mêmes arguments que vous. C’est elle qui est venue me trouver pour apprendre la lang cadeza.


-Monsieur Jung, débuta-t-elle pour le tempérer avec modestie, mal à l’aise.

-Nous nous reverrons donc, poursuivit-il comme si elle n’avait jamais parlé, soyez-en sûr.

Il déploya ses grandes jambes et se releva. Le ton avait changé. Il y avait moins de bonhomie et plus de sérieux. En premier lieu, il tendit sa main vers son ancienne élève, qui la prit avec délicatesse pour secouer une poignée d’adieu.

-Oyedeng, Monsieur Jung.

-Fo vedi to im gut, Evadné.

Puis après ces échanges locaux, Jung se décala vers le Sith et voulut échanger le même rituel. Avoir des interactions avec les cadéziens du bas étaient parfois reposant, tant les mondanités et les formalités perdaient de leur valeur. Trell était réapparu, comme s’il n’avait jamais vraiment quitté l’ombre des murs du salon. Il raccompagna Manéo et le silence reprit ses droits un court moment dans le salon. Elle décida de le rompre la première, portant son attention sur son invité. Au creux de ses mains, elle manipulait sa coupe encore pleine pour faire passer sa nervosité.

-Je crois que vous l’avez impressionné. Et moi également, à vrai dire. Je suis navrée si nous vous avons donné l’impression de devoir composer avec un simple caprice de votre part. Je suis pertinemment consciente des enjeux et des volontés qui vous poussent à explorer Cadezia. Je me sens désespérée de n’avoir jamais frôlé le dallage d’un tunnel résidentiel, ni n’en avoir vu la voûte peinturée d’un bleu censé rappeler vaguement le ciel. Je souhaitais sentir le même air qu’une majorité de mon peuple, celui qui passe un millier de fois dans les recycleurs d’airs des niveaux médians et inférieurs, là où l’oxygène de la surface ne circule plus. Je voulais goûter la même eau qu’eux, celle que l’on rationne pour tout : les douches, la vaisselle, la consommation. C’est pour cela que j’ai eu cette exigence envers moi-même d’apprendre le dialecte de Cadezia. C’est un mélange de plusieurs langues parlées dans la Bordure Extérieure, influencée par les espèces qui ont…avec le temps, gonfler les effectifs de la planète. La haute-société cadézienne ne le parle pas et refuse de l’apprendre, par pur orgueil. Je lui trouve un charme bien poétique pour ma part. Enfin…Manéo Jung est le représentant de l’Alliance des Classes Extérieures sur Ilus IV. Il a été élu par ses pairs et c’est l’un des deux membres de l’ACE présents au parlement cadézien qui compte une trentaine de sièges. Il est très influent dans les profondeurs de la capitale. Mais il fait partie de ceux avec qui on peut espérer négocier sans effusion de sang.

Elle tendit le bras pour déposer son verre et tira à elle son datapad qui traînait sur un coin de la table. Après quelques manipulations, une carte holographique s’afficha su le verre et elle repoussa le tout vers Absalom.

-Comme vous l’avez constaté aujourd’hui, Ilus IV s’étend comme une tâche d’huile sur une surface relative. Mais dompter la nature environnante a demandé beaucoup trop d’efforts et de financements. Les ingénieurs ont émis l’idée de creuser pour répondre à la demande grandissante d’une démographie prospère. Ceux qui avaient le pouvoir et la richesse ont pu demeurer à la surface et y faire croître leurs industries. La grande majorité fut accueillie dans les complexes inférieurs. Les enfants y naissent et mettent parfois des années à voir la lumière du jour. Tout y est artificiel. C’est comme…un géant que l’on garderait sous respirateur. Mais c’est paradoxalement le cœur de la capitale. Les travailleurs, les indépendants, presque tous vivent là. Ils ne rejoignent la surface que pour les impératifs professionnels quand ils sont concernés. Le principal spatioport de la cité est relié aux souterrains. Face à la paupérisation et la précarité, la solution a été de creuser davantage. Officiellement, nous comptons 17 niveaux et une population d’environs un million cinq cent mille âmes. Des ingénieurs utopistes ont émis l’idée de construire des cités dans le ciel et des ascenseurs spatiaux. Mais ces ambitions sont désormais tombées dans l’oubli.

Sur le plan, une coupe de la capitale apparut, très théorique et technique. Elle espérait que cette introduction lui permettrait de mieux visualiser ce qui l’attendrait.

-Si Jung négocie votre présence dans ces secteurs, et il réussira. Si votre visite de cette partie de la ville devient un enjeu politique, alors le Ministre Publius ne prendra pas le risque de froisser l’opposition pour si peu. La branche armée et extrémiste de l’ACE pourrait vouloir vous nuire, mais c’est spéculatif. Je ne vois pas quel intérêt ils en tireraient…si ce n’est un vague coup d’éclat. Si vous êtes chaperonné par des hommes tels que Jung, je serai étonnée qu’ils s’y risquent. Ils ont bien trop de respect pour les anciens de l’ACE, même si la jeunesse cadézienne leur reproche de devenir comme les dirigeants dont ils dénonçaient les vices. Vous serez bien protégé, en tous les cas. Je m’en assurerai personnellement quitte à faire les yeux doux à Valérian Hélix.


Elle ponctua sa dernière phrase d’un sourire amusé. Hélix-Bellum représentait la seule et unique police d’Ilus IV, et elle avait juridiction jusqu’au 17ème niveau avec des résultats mitigés. Plus les policiers d’Hélix-Bellum descendaient les niveaux, plus ils étaient corrompus. Cette corruption permettait paradoxalement compromis et stabilité.

Absalom Thorn
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Absalom avait accompagné le départ du Cadézien d’un sourire affable, redevenu l’un de ces diplomates presque débonnaires que l’on croisait dans tant de salons de tant de capitales, à travers la Galaxie. Son regard passa ensuite à l’intendant, qui avait été épargné par l’infime manifestation de son aura, et qui s’interrogeait peut-être sur ce qui avait pu précipiter ce brusque changement d’attitude chez ses deux interlocuteurs.

Enfin, ses yeux s’arrêtèrent sur Evadné. Impossible en l’écoutant de ne pas songer à l’avenir politique de la jeune femme, tant il se mêlait dans son discours de connaissances pragmatiques et d’idéal social. Tout en étudiant les plans holographiques, avec des hochements de tête intermittents, pour indiquer qu’il suivait bien les explications, il se demandait à quel point la vie politique sur Cadézia était héréditaire. Même dans les démocraties, les clans familiaux existaient : on accumulait si facilement les relations, la fortune et l’influence que certaines élections, au sein de la République, ressemblaient plutôt à la mort d’un monarque et à une nouvelle intronisation qu’à la valse du personnel politique.

Vous êtes familière, j’imagine, de l’idée des circuits politiques parallèles dans les États fédéraux ? Mais accompagnez-moi, je vous en prie : cette fois-ci, j’ai un véritable caprice d’invité, qui est de profiter de votre parc et des points de vue qu’il offre, plutôt que de rester enfermé dans le salon.

Une promenade serait aussi propice, jugeait-il, à restaurer l’intimité que sa démonstration de force discrète mais sensible avait laissé se refroidir. Darth Noctis se leva donc, avant de se laisser conduire dans les allées du domaine, où il put embrasser du regard la splendeur minérale de Cadezia.

Oui, les circuits parallèles. Dans un État fédéral, particulièrement lorsqu’une autonomie importante est laissée aux unités qui le composent, comme c’est encore le cas en République…

Ce mot unique, encore, avait été glissé dans la phrase sans qu’Absalom ne s’y arrête, mais il était chargé de sens : par là, l’Hapien voulait amener la jeune fille à considérer l’éventualité qu’un Chancelier trop populaire, et trop pressé de capitaliser sur les résultats de son élection, puisse tenter de saper les souverainetés planétaires. Or, comme il était probable que, malgré tout, sa visite sur Cadezia ne crée des remous diplomatiques pour le monde de la Bordure, il voulait s’assurer que toute critique venue de Coruscant serait ressentie comme une ingérence présageant de développements dangereux.

…, il y a toujours au moins trois carrières politiques parallèles. L’une est planétaire, l’une est sectorielle ou multisectorielle, disons régionale, et l’autre est centrale. Ces carrières sont relativement étagées, mais on y monte beaucoup plus facilement qu’on y descend. Vous me suivez ?

C’était certes un peu abstrait.

Si un excellent chef de gouvernement peut espérer diriger une organisation régionale, disons, je ne sais pas, une union politique entre différents secteurs destinés à mieux représenter les intérêts d’une section de route hyperspatiale, et si un directeur d’organisation régionale peut aspirer à des postes en agence ou ministériels sur Coruscant, quelqu’un qui aurait commencé sa carrière dans le Sénat et s’y serait obstiné pendant une dizaine d’années rencontrerait des difficultés considérables à revenir sur sa planète pour se faire élire, par exemple, à une présidence.

Autrement dit, les ascenseurs montaient mais ne descendaient pas.

Ce n’est évidemment pas strictement impossible, mais les ressorts d’une carrière réussie sur Coruscant sont… hé bien, coruscantis, ce qui n’est pas illogique. Bien sûr, une sénatrice doit revenir se faire élire régulièrement, mais la plupart des électeurs, quoiqu’en disent les politiciens et les commentateurs, font des choix relativement rationnels, avec des informations imparfaites, et valoriseront la compétence supposément acquises dans les antichambres de la République. Autrement dit, on peut devenir petit à petit hors sol par rapport à sa planète et n’en être pas moins réélu, particulièrement quand on jouit des fonds de campagne colossaux qu’un sénateur habile peut réunir sur Coruscant.

Les mains dans les poches, Noctis remontait les allées du parc comme s’il s’y était promené toute sa vie.

Votre intérêt pour les couches populaires de Cadezia, les niveaux inférieurs, l’histoire et le destin de tout un peuple qui, jusqu’à présent, participe si peu à son avenir politique et tant à l’immense travail d’une nation qui se construit une économie…

Et c’était précisément pour pouvoir tenir ce discours plus libre, loin des éventuels micros de la maison, qu’il supposait en bon Sith paranoïaque, qu’Absalom avait tenu à se promener au grand air, là où le cascade tombait de la falaise et où le vent soufflait entre les pics des montagnes.

… et plus que votre intérêt, votre amour, encore mal informé sans doute, et vague, mais sincère, sont évidents, et je comprends bien que pour vous, la vie au Sénat est une manière de vous former à la politique. Simplement, il faut être vigilante à ce moment, souvent insensible et invisible, où la formation se transformera en carrière et où vous vous trouverez engagée dans l’un de ces circuits parallèles, sans pouvoir nécessairement en redescendre.

Le regard de l’Hapien quitta le paysage grandiose pour chercher à nouveau celui de la jeune femme.

Si vous voulez être élue sénatrice de Cadezia ou si vous voulez être Ministre, vous le serez un jour, probablement. Tout ce que je vois de l’influence de votre famille et de la structuration de la société cadézienne me le suggère. Il vous suffira de patience, d’audace parfois, de prudence souvent, et d’intelligence. Je ne doute pas que vous ne manquiez d’aucune de ces qualités. Mais ce sont deux voies qui, d’année en année, s’éloigneront pour vous l’une de l’autre, jusqu’à être trop distantes pour que vous puissiez aspirer à les réunir. Et pour cette raison précisément, elles exigent deux stratégies différentes.

Il avait arrêté de marcher, pour faire face à son interlocutrice.

Que voulez-vous, Evadné ? Que voulez-vous de ces avenirs qui s’offrent à vous mais qu’il vous faut encore saisir ?
Evadné Publius
Evadné Publius
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Le jardin artificiel entourant la demeure des Publius possédait un relief naturel. Il eut fallu dompter les pentes escarpées des falaises sombres qui entouraient une partie d’Ilus IV. Certaines marches étaient gravées et polies à même la roche, et les allées n’étaient que d’inlassables virages à degrés d’inclinaison divers. La flore n’y était pas particulièrement variée. Bioingénieurs et botanistes avaient rapidement touché aux limites de leurs possibilités. Beaucoup d’arbres à violette, quelques espèces de rosiers. Le tout était parfois austère et ils étaient loin de l’écrin romantique du domaine des Thorn. Cependant, dans toute cette brutalité que l’on avait vainement tenté de gommer résidait un charme.

La brise infatigable ne cessait de torturer les plis de sa robe et les mèches de sa chevelure, mais elle évoluait aux côtés d’Absalom avec aisance ; l’écoutant d’un air préoccupé. Toujours aucun oiseau à l’horizon, ni l’ombre d’un petit mammifère entre les fourrées fleuries. Ils s’arrêtèrent non loin des chutes d’eaux. Plus haut, le manoir familial étendait son ombre et le soleil amorçait sa longue descente.

Evadné fit face à son invité, mais fuyait désormais son regard. Elle était proche de lui, assez pour parler bas et être entendue. Encore une fois, elle se sentait sollicitée de trop par ces questions. Elle avait l’impression qu’Absalom l’acculait au pied du mur et cette sensation était autant agréable que vertigineuse, parce qu’elle stimulait une partie d’elle qui voulait s’abandonner au challenge.

-Je veux qu’ils m’endurcissent.

L’esprit, comme le corps.

Un milicien passa non loin, effectuant son tour de garde. Il les ignora et poursuivit sa route, fusil aux poings et sens aux aguets. Il ferait sans doute encore cinquante fois le même chemin de ronde. Elle conserva ses yeux bas et leur couleur fut occultée par ses longues rangées de cils.
-Je donne souvent l’impression d’accorder facilement ma confiance. Mais je suis terrifiée.

Au fur et à mesure des années, elle se sentait terriblement esseulée. Son ouverture aux autres, sa naïveté découlaient d’un caractère sensible, mais également d’une volonté désespérée de se trouver des alliés en ce monde.

-Toute ma vie, je n’ai eu que mon père. Qu’adviendra-t-il quand il ne sera plus là ? Absalom.

Et le prénom de son invité ne fut qu’un souffle échappé à ses lèvres. Elle se confessait une nouvelle fois.

-Si je devais choisir un étage, ce serait Cadezia. Votre présence, aujourd’hui, sur cette planète. Je l’ai ardemment voulue. Loin des considérations républicaines ou impériales. Je l’ai voulue pour Cadezia uniquement. Puis-je compter sur votre soutien ?

Pour l’avenir, sous-entendait-elle sans ambiguïté. Elle avait envie de compter le Sith parmi ses alliés. Ce serait mentir que de nier l’affection qu’elle lui portait, à l’image de celle qu’elle aurait porté à un grand-frère ou à un mentor. A cette timide affection se mêlait indéniablement de la fascination, Elle étira un sourire fugace et se détourna avec élégance pour s’éloigner de quelques pas.

-Le soleil va bientôt se coucher.

C’était une évidence. Les jardins seraient plongés dans la pénombre des deux lunes cadéziennes et elle n’y verrait plus rien. Pourtant, elle demeurait là, à quelques mètres de lui. Le vent se levait plus fort et charriait le rugissement lointain de l’eau qui cascadait sur la roche, la senteur âcre de la saison.

-Trell restera à votre disposition à n’importe quel moment de la soirée ou de la nuit. Demain matin, une visite du Parlement cadézien est prévue. Sans doute aurez-vous votre réponse pour les stations inférieures d’Ilus IV.

D’une main paresseuse, elle rattrapa la traîne de sa robe que la brise avait fait bouffer. Ses prunelles se dirigèrent vers le ciel, strié par la présence de quelques vaisseaux qui quittaient ou arrivaient. Sur la terrasse du domaine, le land-speeder du Ministre venait de rentrer au bercail. La réunion ne fut pas si longue que cela, laissant présager une issue plutôt positive[/font].


Et tandis qu’ils conversaient à l’aube de cette soirée, Véragan admirait un jeune homme aux côtés de l’Abednedo. Dans la vingtaine, sa tenue laissait présager qu’il était issu de la couche populaire cadézienne. Il avait cette étincelle dans les yeux, vive et frondeuse…cet air de perpétuel défi sur la figure qui seyait à toute jeunesse pleine d’espérance. Deux policiers d’Hélix-Bellum l’encadraient, parce qu’il était menotté. D’ailleurs, sa lèvre était coupée…à la suite d’une gifle bien sentie de la part d’un de ses geôliers. Sa peau légèrement bronzée s’alliait parfaitement avec une chevelure de jais qui ondulait avec nonchalance autour de ses traits d’éphèbe.

-Il fera l’affaire.

-Eh, pampà. Plutôt sympa ta baraque, souffla le cadézien dans un sifflement moqueur.

-Détachez-le uniquement quand il sera dans la chambre de notre hôte, ordonna Publius en se dégantant très lentement. Sa main gauche dévoila ses doigts d’acier qui se repliaient avec raideur.

-Les choses ont été claires pour toi ? demanda-t-il vers le jeune homme.

-Soyà. Je passe un bon moment avec le doux visage de l’Empire et tu remises ma peine ?

-Exact.

-L’utile à l’agréabe, quéya ? Dommage que tu ne rajoutes pas ta gamine dans l’équation. J’aime autant les hommes que les femmes. On tient à l’égalité chez les Cadezalowa.

-Emmenez-le, lâcha le Ministre avec froideur, sans relever la provocation.

Les policiers le détachèrent comme convenu dans les quartiers d’hôte d’Absalom. Trell referma les portes ensuite, qu’il prit soin de verrouiller. Il les ouvrirait à nouveau au retour du Seigneur. Le cadézien passa une main fébrile dans sa chevelure noire, décontractée. Il avisa le sabre-laser bien mis en évidence sur la commode et étira un sourire mutin. Plus qu’à attendre la venue de son propriétaire.


Absalom Thorn
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Les traits du visage d’Evadné commençaient se dissiper dans l’obscurité grandissante. Le soleil n’avait pas encore fini sa course vers l’horizon qu’Absalom commençait à avoir du mal à percevoir tout ce qui l’entourait. Seule la lumière du manoir, derrière eux, l’aiderait bientôt à se repérer dans l’espace. Comme tout Hapien, il avait appris à composer dès son plus jeune âge avec cet handicap désagréable, et la Force suppléait en général à ses perceptions.

Il n’avait pas besoin de l’observer cependant pour comprendre combien elle était émue et incertaine, perdue dans cette immensité d’opulence et de roche qui lui avait servi de berceau. La voix de la jeune femme était expressive et, au fond, elle résonnait avec ses angoisses à lui. Chevalier, il s’était senti de plus en plus étranger à son Ordre. Sa communauté, sa famille. Sith, il était à la marge de l’Empire, au propre comme au figuré. Désespérément et depuis plus de vingt ans, il cherchait dans les étreintes de ses amants un remède à sa solitude existentielle, en vain. Le Côté Obscur lui offrait le réconfort du pouvoir, mais c’était un réconfort qui ne durait qu’un temps.

Evadné, vous me prêtez plus d’influence et de sagesse que je n’en possède véritablement, répondit-il dans un murmure qui se joignait à celui de la jeune femme, mais le peu auquel je puisse prétendre, je le mets à votre disposition, peut-être un peu par égoïsme, parce que je me reconnais en vous.

C’était le bon côté de la volonté de dominer, de contrôler et de régir du Seigneur Sith : il aimait qu’on se tourne vers lui comme vers un mentor. Dans un autre Empire Sith, bien différent de celui dont il se sentait prisonnier, il aurait rêvé d’être recteur de l’Académie de Korriban et, plus jeune, il s’était imaginé Maître Jedi, siégeant au Conseil, guidant de sa bienveillante patience les jeunes générations vers des illuminations dont il ne comprenait pas, alors, qu’elles étaient profondément étrangères à la doctrine de son Ordre.

Nous parlerons de tout cela demain, je vous le promets. En mettant de côté ce que les convenances et le protocole exigent de nous. Pour nous entretenir franchement. Consacrez votre soirée, si vous en avez l’occasion, à réfléchir à vos priorités. À ce que vous attendez de l’avenir. Ne vous interdisez aucun désir. Il faut parfois renoncer à certaines de ses aspirations, mais avant d’être modeste, il convient d’être ambitieuse : c’est dans l’espoir des idées vastes que l’on trouve la patience de réaliser les petites tâches du quotidien. Et surtout…

Ils avaient commencé à abandonner le jardin obscurci, mais Absalom s’arrêta sur le pas des baies vitrées, sans pénétrer encore dans le manoir. À voix plus basse, il murmure :

… surtout, ne pensez pas qu’à la politique, ni aux affaires. Pensez à ce que vous désirez pour vous-même. À votre vie privée. C’est un aspect essentiel. Croyez-moi, en quittant l’Ordre Jedi et son ascétisme morbide, j’ai compris combien tout ce qu’on avait essayé de me refuser d’amour, de désir, de sentiments, jouait un rôle dans mes projets plus généraux. Ce n’est jamais une faiblesse ni un égoïsme, de songer à soi, mais au contraire un nécessaire effort d’équilibre.

Les deux promeneurs passèrent la porte et Absalom retrouva avec plaisir les salons illuminés, après avoir cligné plusieurs fois des paupières pour s’habituer à voir de nouveau. L’intendant était là. Toujours là. Absalom lui adressa un sourire gracieux, avant de s’incliner pour Evadné. Leurs chemins se séparèrent, comme il se laissait à nouveau conduire vers l’aile de réception où on l’avait logé.

Jusqu’à sa chambre.
Qui n’était pas déserte.

La porte s’était refermée derrière lui et Absalom considérait le jeune homme qui lui faisait face. Son regard perçant, inquisiteur, mais frappé de son charme, le Sith se montrait infiniment moins méfiant qu’il n’aurait dû l’être en de semblables circonstances. Et puis sa blessure à la lèvre, son air malgré tout un peu fragile, la marque des menottes à ses poignets réveillaient les instincts protecteurs solidement ancrés du Seigneur Sith.

Tu saignes un peu, murmura Absalom d’une voix douce, avant de s’approcher de lui.

D’une main, il tira un mouchoir de sa poche et, de l’autre, il leva délicatement le menton de l’inconnu, pour éponger, avec des gestes précautionneux, sa lèvre meurtrie. Inutile de se demander ce qu’il faisait là : le message se passait de commentaire et ses hôtes, Véragan beaucoup plus probablement qu’Evadné, pourvoyaient à son divertissement. Absalom était prêt à parier que le jeune homme aurait son petit rapport à faire, le lendemain.

Le regard du Seigneur Sith se plongea dans celui de l’éphèbe. Un regard presque brûlant, tentateur, rempli d’un désir fougueux, ce désir qui l’avait poussé si tôt, dès son adolescence, quand il goûtait aux charmes des jeunes hommes d’Iziz, vers le Côté Obscur. L’Hapien était en train de se plonger dans la Force, de s’imprégner de la présence du jeune homme. Sa main était remontée sur la joue du jeune Cadézien, pour la caresser de son pouce, alors que, petit à petit, le réel se dissipait pour lui et que sa clairvoyance lui révélait la scène qui avait conduit l’intrus jusque dans sa chambre.

Il le vit entouré de ses deux gardes, en train de parler à Véragan. Quelques secondes riches en enseignement se rejouèrent dans son esprit, avant de laisser à nouveau la place au visage de celui qu’on offrait en pâture à ses désirs. Absalom retira sa main du visage du Cadézien.

Est-ce que l’on t’a nourri ?

L’Hapien se forçait à réfléchir, en se tournant vers la commode pour ouvrir un tiroir et y ranger son sabre laser. La beauté du garçon commençait déjà l’obséder. Le dessin de ses lèvres. Son souffle. Son regard. Il imaginait les contours de son corps. La souplesse de ses reins. Tout cela s’exprimait pour lui avec toute la force du Côté Obscur. C’était sa tentation primordiale, avant même celle de la connaissance et du pouvoir.

Réfléchir.
Il devait réfléchir.
On l’observait peut-être. L’idée en soit n’était pas déplaisante : Absalom n’était pas opposé à avoir des spectateurs à ses étreintes. Mais il fallait au moins surveiller ses propos.

Je peux nous faire apporter à manger, si tu le désires. Et… Je suppose que tu es contraint, d’une manière ou d’une autre, de rester dans cette chambre cette nuit, sans quoi j’imagine que ceux qui t’ont fait cela…

D’un geste de la main, il désigna la lèvre du jeune homme.

… y trouverait quelque chose à redire, mais c’est bien la seule contrainte que je compte t’imposer. Si tu veux te reposer, je te laisse le lit et je veillerai sur ton sommeil depuis ce fauteuil.

Difficile pour ses éventuels observateurs de dire si le Sith faisait preuve de prudence — éviter de prendre part à la brutalisation d’un jeune homme sur le territoire républicain, dont on pourrait retourner l’enregistrement contre lui — ou simplement d’une sollicitude sincère.

Comment t’appelles-tu ? Et, hm…

Son regard s’était encore une fois égaré à détailler le corps de l’inconnu. Un frisson courut le long de son échine. La Force était si chaude, si souple, si…

Absalom cligna plusieurs fois des yeux pour rassembler ses esprits.

Qu’as-tu fait pour te retrouver ici en si fâcheuse posture… ?
Evadné Publius
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Devant les escaliers principaux, Evadné croisa la silhouette de son paternel. Derrière lui, deux silhouettes à l’insigne d’Hélix-Bellum quittaient la résidence. Elle les suivit du regard alors qu’elle entamait la première marche. Ses prunelles azurées rencontrèrent celles de Véragan et dans un échange silencieux, elle lui opposa tous les reproches du monde à la présence des hommes de la famille Hélix. Puis elle se détourna sèchement et disparut à l’étage pour rejoindre ses quartiers.



Charmé, le prisonnier n’avait pas quitté le regard du Seigneur sith. Il le trouva, quelque part, plus magnétisant que sur les écrans de l’HoloNet. Un feu ne tarda pas à couver dans ses prunelles ambrées et il attrapa le tissu pour le garder plaqué contre sa lèvre blessée. Il se dirigea vers le fauteuil pour s’y installer avec l’aisance qui caractérisait les audacieux de son genre. Bientôt, il huma le carré de soie taché de son sang, espérant y trouver un peu de la fragrance virile du hapien.

-Nem mi Darius, répondit-il, la voix grave et le sourire chaleureux. J’ai mangé, taki. Bien que…tu sais…j’ai toujours de la place pour un dessert.

Darius n’était pas particulièrement porté sur la subtilité, comme la plupart de ses concitoyens. Il croisa les jambes et écarta les bras dans une posture théâtrale et faussement innocente. Penchant son minois sur le côté, ses yeux dévoraient la plastique d’Absalom comme l’auraient fait ses lèvres dans un contexte moins décent.

-Je suis simplement l’un des responsables de la perte du bras de cet emmerdeur de Publius. C’était une peine à perpétuité…puis tu puchoye…mon oncle est Amiral donc…ca s’est commué en quarante années.

Il fit une moue désabusée, comme si quarante ans ou une éternité avaient peu d’importance. L’arrogance soulignait davantage sa beauté exotique.

-Hélix voulait me voir disparaître par un sas, dans le vide intersidéral, psshhh…rit-il en mimant une décompression d’air et il rejeta la tête en arrière, contre le dossier, laissant sa chevelure sombre lui barrer le front. Quel sabakawala celui-là…on ne se débarrasse pas de Darius Inaros comme ça. Je suis plutôt du genre prévoyant et…

Il ménagea un suspens et articula :

-Collant.

Et le seul à accepter de partager une nuit, ou plusieurs, en compagnie de la délicieuse créature qu’était Darth Noctis. En tant que membre extrême de l’ACE, il se disait également que quoiqu’il puisse tirer de Thorn ce soir, Publius pourrait bien se mettre sa prothèse dans l’œil jusqu’au coude s’il pensait qu’il ferait un rapport ou partagerait des informations. Il avisa, dans un coin de la pièce, le reflet d’une lentille d’un appareil de surveillance et leva son majeur bien haut en sa direction, dans un signe plus qu’explicite. Non, décidément, il avait clairement un côté mauvais garçon. Et rester prisonnier de cette chambre n'était pas vraiment une contrainte, si le blond sulfureux demeurait enfermé avec lui.


Evadné peignait sa longue chevelure en admirant son reflet dans le miroir de sa coiffeuse. Les paroles de son invité hantaient ses pensées. Sa vie privée, ce qu’elle désirait pour elle-même. Un instant, il lui sembla que le miroitement de la glace se déforma légèrement pour laisser flotter les traits agréables de Ja’ar. Elle tendit ses doigts vers la réflexion de son aimé, espérant le toucher mais ils n’atteignirent que sa propre image. Et derrière elle, la silhouette bien réelle de son père qui avait pénétré sa chambre sans s’annoncer malgré la présence du droïde protocolaire.

-Tu commences seulement à atteindre des étapes de ta vie, où il n’y a plus de retour en arrière possible, dit-il sobrement.

-J’ai enfin pris conscience de qui j’étais. Une femme qui correspond à notre temps. Libre d’aimer, libre de vivre.

-Qui te l’a interdit ?

Il s’était rapproché et posa ses paumes sur les épaules de sa progéniture, dans un geste paternel mais dénué de toute tendresse. Elle ravala péniblement sa salive, tendue par ce simple contact.

-Si vous touchez à un seul de ses cheveux, je…

-Je t’ai posé mes conditions, la coupa-t-il dans un murmure glacial. Les doigts cybernétique de son bras synthétique effleurèrent les perles du collier qu’elle n’avait pas quitté depuis son arrivée sur Cadezia. Elle se dégagea timidement pour quitter la coiffeuse.

-Gardons ce genre de désaccords en privé, veux-tu. Comme ta relation avec ce vaurien.

-Ce n’est pas un vaurien, s’agaça-t-elle en admirant le panorama par la baie vitrée de sa chambre. Elle ne sut si c’était la fatigue qui la rendait aussi irritable. Elle n’avait pas souvenir d’avoir parlé si franchement au patriarche. Excusez-moi, j’ai besoin de sommeil maintenant…Bonne nuit, Ministre Publius.

Il considéra la silhouette de sa fille et eut la désagréable impression, pendant quelques secondes, qu’elle lui échappait. Après un long silence, il se décida à quitter la chambre. Evadné soupira toute la tension qui avait noué ses muscles.

Elle eut du mal à trouver le sommeil, s’agitant dans son lit. Il lui semblait qu’il faisait bien trop chaud et ses cheveux soyeux collaient à ses joues. Au creux d’un rêve profond, Ja’ar l’avait embrassé et ils étaient baignés de lumière. Elle l’admirait tandis que ses mèches argentées caressaient sa figure comblée. Puis, le métis s’était figé. Elle avait baissé les yeux, stupéfaite de découvrir que l’abdomen de son compagnon était transpercé par une vibrolame.

-Mademoiselle ?

Elle tentait de trouver un peu d’air, assise au milieu de son grand lit, tremblante. Il faisait encore nuit et Trell s’était présenté, inquiet après l’avoir entendue crier.

-Ce..ce…n’est rien, juste un mauvais rêve.

-Bien, je vais vous apporter un peu d’eau.

Elle acquiesça, encore baignée dans le sentiment irréel de son rêve. Quelques minutes plus tard, elle était drapée d’un manteau immaculé et s’était réfugiée sur l’une des chaises de la terrasse, son verre d’eau entre les mains. De puissantes lumières éclairaient sa présence et elle portait un regard vide vers l’horizon familier de Cadezia. Sa paume se tendit vers un coin de la table d’où elle récupéra son datapad et communicateur. Son cœur battait trop vite, trop fort et elle avait mal à la tête. Fébrile, elle se dépêcha d’envoyer un message au métis. Plusieurs mots : « Kowmang da setara da mali fo wamang. To setara mali mi. »

-Mademoiselle, intervint Trell, Vous devriez rentrer, vous risquez d’attraper froid.

-Je vais rentrer, merci Trell.

Absalom Thorn
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Absalom s’était approché de l’une des vastes fenêtres de sa chambre, qui donnait sur les jardins vallonnés du domaine, et au-delà sur le paysage rocheux dont il ne distinguait plus rien désormais, parce que la planète avait été engloutie dans une obscurité que même les présences de deux lunes ne permettait pas au regard d’un Hapien de percer.

Le Sith avait été obligé de se soustraire à un autre spectacle : celui de Darius. Déjà, il appréciait ses sourires, son air frondeur, son assurance de jeune homme qui pensait avoir tout vécu, alors qu’il n’était qu’à l’orée de sa vie d’adulte, cet air de défi qui venait de couvrir l’idée intimidante dont Noctis savait bien qu’elle devait s’imposer à lui : qu’il était en tête-à-tête avec Seigneur Sith.

Et puis Darius était en prison, techniquement.
Or, rien ne séduisait plus l’Hapien qu’un jeune homme injustement opprimé par un système judiciaire tyrannique.
L’idée flattait son imagination romantique.

Quarante ans, répéta Darth Noctis d’un air pensif.

L’histoire de Darius dessinait plus que n’importe quel discours officiel les contours de la vie sur Cadezia. Les puissants n’avaient donc pas tous les pouvoirs, s’ils étaient contraints de commuer les peines, et la police n’était pas au-dessus des lois, si elle ne précipitait personne dans le vide intersidéral. Rien de surprenant, sans doute, pour une planète républicaine, mais les évidences de l’État de droit avaient tendance à s’estomper à mesure que l’on s’éloignait du Noyau.

Ne doute pas que je m’assurerai que l’on te remette ce qu’on t’a promis. Je le considère désormais comme… une faveur personnelle.

À bon entendeur…

Au fond, Absalom était à deux doigts de lui proposer de l’accompagner, loin de Cadezia, de s’installer sur une planète tranquille, de faire l’amour en regardant les étoiles avant d’adopter d’adorables animaux couverts de fourrure. Le chef-d’orchestre du génocide de Kano-IV avait au fond de lui des aspirations secrètes que ses Acolytes les plus fanatiques et les moins recommandables eussent probablement trouvées déroutantes.

Viens, dit-il brusquement, en s’arrachant à la contemplation toute relative d’un paysage qu’il ne distinguait guère.

Il tendit la main au jeune homme et l’entraîna dans la salle de bain luxueuse attenante à la chambre. Là, son premier geste fut de passer sa main devant les détecteurs de la touche et de pianoter sur le panneau tactile pour en régler la chaleur et la fragrance, même si ce qui le préoccupait d’abord, c’était le bruit de l’eau contre le carrelage. Puis il tira son datapad de sa poche, explora l’Holonet et finit par trouver une musique hapienne pleine de cuivres et de cordes sourdes, chaude et élégante, dont il activa la diffusion.

De quoi occuper les micros.
Il ne restait plus qu’à donner le change aux caméras.
(Cruel sacrifice !)

L’Hapien se tourna vers son invité inattendu. Tout proche de lui.

J’ai une ou deux questions à propos de Cadezia, de l’attentat et de l’ACE, murmura-t-il d’une voix à peine audible, entre le bruit de la douche et celui de la musique, alors qu’il soulevait le haut de Darius, pour le lui retirer, et je veux être certain…

Ses lèvres se posèrent dans le cou du jeune homme.
Elles étaient chaudes, douces.
Pleines de cette énergie vitale qu’il avait volés à tant et tant de ses victimes.

… que personne ne doute que tu aies d’abord et avant tout rempli le rôle qu’on t’a prescrit.

Le haut tomba à terre et Absalom, qui joignait l’utile à l’agréable, n’eut pas besoin de jouer la comédie pour les caméras hypothétiques en laissant un regard rêveur courir sur le torse du Cadézien. Il regardait chacun amant comme un être unique, particulier, à goûter dans toute son irréductible singularité, par un mysticisme qui venait dans une large mesure de son rapport à la Force : à travers elle, croyait-il, et peut-être avec raison, il percevait combien la vie des hommes qu’il prenait dans ses bras était différente, même subtilement, de celle des milliards et des milliards d’autres êtres qui peuplaient la Galaxie.

Le Sith se glissa dans le dos du jeune homme et puis, les bras passés autour de sa taille, il l’attira contre son torse, pour pouvoir à nouveau murmurer au creux de son oreille.

J’imagine que Publius aurait pu trouver malgré tout un prostitué. Un professionnel à payer pour passer la nuit avec moi. Pourquoi crois-tu qu’il ait couru le risque de me faire rencontrer un opposant politique ? Et le risque de te libérer ?

En parlant, il dénouait les lacets qui fermaient le pantalon du terroriste.

Pour me montrer qu’il est au-dessus des craintes communes, parce que son pouvoir est trop grand ? Pour jeter le doute dans l’esprit de tes alliés, qui s’interrogeront sur ta loyauté, et la donc la solidité de l’organisation, quand ils te verront libre ou tout du moins… unpeu plus proche de la liberté ?

Le pantalon était tombé au sol, à son tour, et le souffle chaud du Sith caressait la nuque de Darius, alors que l’esprit labyrinthique d’Absalom envisageait spontanément toutes les machinations qui pouvaient motiver Véragan. À tort parfois, Noctis prêtait aux autres les mêmes raisonnements tortueux, presque indéchiffrables, dont il s’était fait une spécialité. L’idée que les personnes de pouvoir pussent avoir des intentions simples et agir directement lui venait rarement à l’esprit.

Crois-tu qu’il te tienne parole ?

Techniquement, Darius ne lui avait jamais dit qu’on lui avait promis une remise de peine contre une nuit de leurs étreintes mais, alors que ses mains descendaient lentement sur le ventre du jeune homme, jusqu’à entreprendre de le débarrasser de son dernier vêtement, Absalom ne paraissait pas en douter une seule seconde — preuve, mais difficile à comprendre, qu’il avait su d’une manière ou d’une autre la conversation entre Darius et Véragan.

Le Sith déposa un baiser sur l’épaule nue du jeune homme, avant de se détacher de lui. Sans rien dire, parce qu’il ne voulait parler que tout près de son oreille, aussi bas que possible, il entreprit de se déshabiller pour lui-même, et de révéler peu à peu un corps dont l’apparence, même pour un Hapien, était si précisément esthétique qu’elle en était nécessairement surnaturelle.

On l’aurait dit dessiné par une illustratrice au gré de ses fantasmes et sa présence, une fois nu, devenait plus irréelle encore qu’à l’ordinaire : pour un Proche-Humain ou un Humain comme Darius plus encore que pour une autre créature de la Galaxie, les courbes de ses muscles, la grâce de ses gestes, la couleur d’une peau sans rougeur et sans imperfection, une infinité de détails encore faisait naître une impression de radicale étrangeté, propre à éveiller chez certains tout autant le malaise que l’on éprouve face à un être qui n’est pas tout à fait ce qu’il prétend être qu’un désir irrépressible et fiévreux.

Bien des malheureux avaient expiré, leur chair corrompue, rongée, vidée par le Côté Obscur, pour entretenir les charmes surhumains du Seigneur Sith. Les désirs que l’on éprouvait pour lui naissaient secrètement de la mort de ses victimes.

Avec un sourire presque tendre, il tendit la main à Darius et l’entraîna sous la douche. Et puis là, une main au creux de ses reins, incapable de résister plus longtemps, Absalom attira le jeune homme contre son torse, pour l’embrasser avec une passion fougueuse, entièrement libre de la retenue et de la pondération d’homme du monde dont il faisait preuve à l’ordinaire. Le désir était sa seule émotion tempétueuse, même sa soif de savoir s’exprimait dans un calme méthodiques. Ses colères étaient froides, ses peurs étaient des prudences calculées, ses haines des hostilités patientes.

Pas ses désirs.
Il voulait sentir le corps du jeune homme contre le sien, le posséder, encore et encore, l’épuiser de sa passion et s’épuiser avec lui, conquérir de toutes ses forces cet abandon de quelques heures où son esprit arrêtait de l’obséder de calculs et de machinations, où il ne se sentait plus seul, abandonné, isolé, incompris, et où la Force, immense, se donnait toute entière et simplement à lui.

Les efforts qu’il dut fournir pour séparer leurs lèvres, pour ne pas aller plus loin, là, sans attendre, puisque la peau de Darius était justement contre la sienne, furent colossaux. Mais il finit par rompre leur baiser et, le front appuyé contre celui du jeune homme, le souffle encore court, comme un fauve qui contenait avec peine ses élans prédateurs, il resta plusieurs secondes, transi d’un désir que rien ne permettait d’ignorer.

Ton…

L’une de ses mains était restée sur la nuque de Darius, l’autre sur sa hanche. Il fut descendre la première lentement le long du dos du Cadézien.

… ton oncle…

Peut-être pas précisément la personne à laquelle Darius avait envie de penser, à ce moment précis.

… est amiral.

(On y arrive.)

Est-ce que ça veut dire qu’il y a des familles d’en haut dans l’ACE ou bien… ou bien que l’armée est un vecteur de promotion sociale ? Ou est-ce seulement toi qui a rompu avec la solidarité implicite de ta classe pour embrasser cette cause-là ?

Absalom détacha son front de celui du jeune homme, pour l’embrasser juste à la naissance de la mâchoire.

Explique-moi, Darius. Je veux te comprendre.

Ce n’était pas tout à fait un mensonge. Il voulait tout savoir de lui, parce qu’entendre sa vie, explorer ses sentiments, c’était encore une manière d’être proche de lui et de le posséder. Mais bien sûr, à travers lui, c’était Cadezia que le Sith cherchait à comprendre et surtout cette Cadezia qui un jour avait arraché un bras à Véragan Publius et dont Absalom voulait croire qu’avec de la patience, beaucoup de savoir-faire et peut-être un ou deux assassinats, elle pourrait se ranger derrière Evadné Publius.
Evadné Publius
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Darius n’avait pas opposé grande résistance. Sans surprise, il s’était plutôt complu dans cet effeuillage galvanisant. Il faillit en oublier qu’il était au cœur du territoire de son principal ennemi et que le beau gosse qui le déshabillait était un Seigneur sith…dont il louait les précautions et l’intelligence d’ailleurs. Le cadézien avait été bénie d’une plastique à la beauté indécente, qu’il entretenait de sa jeunesse et de ses audaces mais à bien admirer Absalom, il aurait pu lui envier ce corps parfaitement surréel…s’il n’était pas déjà trop occupé à vouloir le posséder.

Il avait laissé son nouveau geôlier l’assaillir de question, se délectant de la proximité de sa voix et de son souffle, s’amusant de ses interrogations. Finalement, les réponses exigeraient peut-être qu’il mène la danse. Aussitôt, il accula Thorn contre l’une des parois en mosaïque de la douche et déposa ses mains de chaque côté du doux visage impérial. Le jet d’eau les frappait désormais mais il n’en avait cure. La tension qu’il ressentait à partager une proximité lascive avec ce nouvel amant laissait le reste s’effondrer autour de lui.

-Aucun prostitué n’aurait accepté de s’offrir à un Sith…chuchota-t-il en laissant vagabonder l’une de ses mains le long du torse d’Absalom. On raconte de bien trop vilaines choses sur eux. Moi j’ai tout à perdre, et pas grand-chose à gagner…Je crois que cet emmerdeur cherche juste à m’humilier.

Et il dévia un cours instant son attention vers les lentilles de surveillance dissimulées plus ou moins habilement avant de faire une moue indifférente.

-Mais ça ne me dérange pas de lui montrer que j’en ai une plus grosse que lui.

Charmant. Ses prunelles mordorées avisèrent le tracé entêtant des muscles de l’hapien, il et passa la langue ses propres lèvres, tentant vainement de contenir sa passion. D’abord les questions. Son index se porta contre la bouche du Seigneur, barrant ses lippes d’un geste frondeur :

-Bébé, ne m’insulte pas. Je suis un vrai cadezalowa. Mon oncle aussi, mais il sait se montrer un peu plus sentimental que moi. Il a gagné son titre de manière plutôt honnête et il se sent redevable. De quoi, au juste? D'avoir simplement reçu les honneurs qui lui revenaient de droit?

Caleb Inaros, à l’image de Jung, était un militant de l’ancienne génération qui avait laissé derrière lui la violence et la guérilla, partant d’une principe que les brebis ne prenaient pas les armes contre les loups, mais devaient se hisser au rang du Berger.

-J’ai un autre point de vue.

Un feu le dévorait de l’intérieur et éclatait jusque dans ses prunelles d’ambre. C’était celui du désir pour l’hapien, bien sûr, mais également la flamme de l’extrémiste qui embrassait sa cause jusqu’à la mort. Et qui même mort, trouverait encore le moyen de poursuivre ses œuvres. Il embrassa le coin des lèvres du blond, traça de son souffle une ligne invisible le long de sa mâchoire, s’enivrant du parfum de sa peau.

-Tu comprends, quéya ? Tu as tué, toi aussi. Après tout. Peut-être pour des causes plus nobles ou…moins nobles. Mais quelle importance ? Si ce n’est le résultat.

Plus aucun centimètre ne séparait leurs corps alors qu’il avait plaqué le sien contre celui d’Absalom.

-On s’en fiche que Publius tienne parole ou pas. Ce soir, je suis libre, na? Il suffirait d’une simple défaillance dans le système de sécurité.

Il avait ponctué sa phrase d’un baiser ardent, parce qu’il devenait de plus en plus difficile de penser, de se contenir. Le Sith exerçait sur lui un fort pouvoir d’attraction. Il n’avait jamais désiré autant un homme. Il tentait péniblement de temporiser cet instant où la fougue parlerait à la place des mots. Cependant ses résistances s’apprêtaient à céder, comme en témoignaient son souffle rauque, ses paroles précipitées, ses mains fébriles qui ne quittaient plus le derme hapien.

-Je te mènerai où tu veux ensuite. Darius Inaros a toujours un plan.




Par trois fois, l’Intendant avait recommandé patiemment à Evadné de rentrer. Trois fois, elle lui avait assuré qu’elle allait le faire. Toutefois, elle demeurait prostrée sur son siège, à la merci de la brise nocturne qui menait la vie rude à sa longue chevelure. Ses yeux n’avaient pas quitté le datapad, espérant un retour, une réponse qui lui aurait assuré que tout allait bien à des unités astronomiques de là. Elle porta son verre contre son front, trouvant un peu de réconfort dans la tiédeur du métal qui le composait. Ce n’était qu’un rêve, répétait-elle. Un affreux rêve induit par ses angoisses profondes, par son doute, par sa volonté d’indépendance.

Les échos d’Ilus IV s’étaient presque tus, mais son ventre grondait d’une activité nocturne encore persistante. Elle se demanda si Absalom dormait et si tout allait bien pour lui. La tentation de frapper à sa porte était grande, ne serait-ce que pour bénéficier d’une compagnie rassurante. Cependant, cela n’aurait été ni raisonnable, ni convenable de le solliciter à une heure aussi tardive de la nuit. Son index tapota nerveusement contre son gobelet d’eau. Elle réfléchissait à cet avenir dont il lui avait parlé, à ces embranchements, ces opportunités. Comment concilier tant d’ambitions avec ses aspirations et ses désirs personnels ? Cela ressemblait à une équation impossible à résoudre, parce que certaines inconnues demeuraient encore floues. Elle finit par se masser la tempe, récupéra son datapad et quitta la chaise.

Elle croisa Trell dans l’escalier, qui inlassablement effectuait sa ronde nocturne. Elle se demandait s’il lui arrivait de dormir.

-Mademoiselle a-t-elle besoin de quelque chose avant de retourner se coucher ?

-Non mer…en fait si. Savez-vous pourquoi des policiers de Hélix-Bellum étaient présents au domaine ?

L’Abednedo hésita et ses yeux globuleux couvèrent la jeune héritière d’une œillade incertaine.



-Darius Inaros ? s’étonna-t-elle.

Assise au bord de son lit, elle avait recueilli les confidences de l’Intendant dans le secret relatif de sa chambre. Il approuva d’un hochement de tête pragmatique.

-Je n’arrive pas à croire que le Ministre Publius ait fait ça.

Ce qui la surprenait davantage était qu’Hélix eut pu accepter un tel marché. Quelque chose n’allait définitivement pas et elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Elle espérait simplement qu’Absalom ne craigne rien en la compagnie du terroriste cadézien. Elle se releva et Trell l’aida à se débarrasser de son manteau. La température de la chambre était plus clémente.

-Mademoiselle. Votre père est un homme bon et pour le bien de Cadezia, nous devons le soutenir.

Le laïus habituel de la part de l’infatigable laquais. Si elle trouvait cette loyauté attendrissante, elle n’en était pas moins dérangeante. Tandis qu’elle regagnait le creux de ses draps parfumés, elle déposa son datapad sur ses cuisses et entreprit quelques recherches sur Darius. Des dizaines d’articles de la presse cadézienne défilèrent. Elle ne l’avait croisé qu’une seule fois, lors de son procès il y avait quatre années de cela. Il s’était fait remarquer au cours d’une audience capitale en lui faisant des avances de manière grossière et théâtrale. Tout le monde avait ri et elle se remémorait qu’elle-même avait esquissé un sourire amusé. Le jeune Inaros était un clown, mais il était aussi dangereux que chéri par les siens. Personne n’avait envie de le prendre au sérieux, jusqu’au jour où il devenait sérieux et réussissait à amputer l’un des hommes les plus protégés de Cadezia. Son minois s’assombrit en repensant qu’il avait failli tuer son père. Elle rejeta le datapad plus loin, lassée.



Absalom Thorn
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Absalom était à deux doigts — si l’on peut dire — ou plutôt un baiser de promettre à Darius d’aller lui-même découper à grands moulinets de sabre laser l’ensemble de la police de la capitale, pour faciliter sa fuite. Ils s’étaient embrassés, fiévreusement, et depuis les mains du Seigneur Sith parcouraient son corps, et ses lèvres visitaient sa peau, et tout ce que le Hapien pouvait avoir de patience, d’esprit de calcul, de prudence méthodique et même sournoise s’évaporait dans ses désirs brûlants, aveugles, impérieux.

Jamais il n’avait éprouvé tant de plaisir que depuis qu’il s’était laissé sombrer dans le Côté Obscur. C’était l’une des récompenses dont on ne parlait pas dans les manuels prophylactiques de l’Ordre Jedi. Aucun de cet être asséché, à peine vivant, qui siégeait au Haut Conseil ne pouvait seulement deviner à quel point le Côté Obscur attisait les sens, à quel point, à qui savait l’écouter et le manier, il offrait un peau plus fébrile, un souffle plus ardent. Selon Noctis, les Jedis n’y voyaient que la haine, la peur et la colère, parce que leur esprit avait été vidé de toute sa substance vitale.

Offre toi à un Sith.

Non.
Plus précisément :

Offre toi à moi.

Le corps de Darius était parcouru par plus de caresses qui n’en auraient été capables les mains d’Absalom : son esprit aussi prenait possession du jeune homme, alors qu’ils joignaient leurs corps. Il s’immisçait dans ses pensées, non pour attiser sa douleur et sa peur, comme il l’aurait fait d’un adversaire, mais pour lui faire goûter plus purement, plus vivement son plaisir. C’était comme débarrasser un fruit frais mûri sous le soleil de l’été de son écorce du printemps.

Je te promets qu’il y a tout à gagner, et rien à perdre.

Il était au fond de lui, au fond de son corps, au fond de ses pensées. Son nom, son odeur, sa présence. C’était plus que ce à quoi avaient le droit la plupart de ses Acolytes, quand ils venaient offrir fiévreusement leur esprit à leur Seigneur, dans l’espoir que Darth Noctis leur révélât des mystères jusque là impossibles à distinguer.

Et quand nous aurons fait encore et encore l’amour, murmura-t-il, d’une voix que l’effort de leur étreinte et la présence de la Force dans chacun de ses gestes et dans tout son esprit rendait haletante, ma foi, qui puis-je si, épuisé, je ne te surveille pas dans mon sommeil ? Et d’ailleurs, comment pourrais-je savoir que tu es mon prisonnier ?

Peut-être les autres détenus avaient-ils eu raison. Peut-être avaient-ils fait preuve de sagesse en refusant qu’on commue leur peine au prix d’une nuit avec le Seigneur Sith. Rien ne pouvait préparer un humain de Cadézien à ce qui, vu de loin, n’était que la beauté surprenante mais ordinaire d’un Hapien et qui, une fois pris dans l’étreinte des bras et des pensées de Darth Noctis, était une possession douce, brûlante, intime, jusqu’au fond de l’âme.

Quand ils eurent quitté la douche, ils se retrouvèrent dans le lit.
Encore.
Et encore.

La présence quasi certaine des caméras ne diminuait pas l’ardeur du Hapien, bien au contraire. Il s’était assuré de dégager les draps au hasard de ses mouvements, pour être certain que ceux qui l’épiaient peut-être ne perdent rien du spectacle de leurs corps pleins d’ardeur, même s’ils ignoreraient toujours à quel point leur intimité s’était nouée à travers la Force et combien le Seigneur Sith s’était emparé de sa proie, dans les profondeurs de son esprit. Absalom lui-même n’en avait pas entièrement conscience. Il laissait ses instincts s’exprimer librement et il puisait dans la Force pour nourrir le désir et le plaisir de Darius.

N’était-ce pas tout naturel ?
Hypnotique et obsédant, pour l’humain, mais après tout, dans la nature il poussait aussi des fleurs dont les parfums étaient si vifs qu’ils plongeaient dans des délires de volupté et rendaient dépendants ?

Absalom fut fidèle à sa promesse.
Il avait fini par se laisser retomber contre les draps froissés et il avait feint le sommeil de plomb d’autant plus facilement que leurs ébats lui offraient une fatigue confortable et satisfaite. Du bout des doigts, il avait effleuré la joue de Darius, avant de fermer les yeux. Le jeune homme lui avait paru si sûr de lui que le Sith avait préféré ne pas se compromettre dans sa tentative d’évasion. Si le Cadézien échouait… Peut-être, alors, sans doute vendrait-il le secourir.

Pour l’heure, il était prêt à revisiter dans ses rêves les plaisirs qu’il venait de partager et à feindre le lendemain matin la plus sincère de ses surprises à la nouvelle de sa disparition.
Evadné Publius
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Après des heures incontrôlées d’étreintes passionnées, Darius n’était plus si certain. Le visage endormi du Sith, il en était conquis. Déposant un baiser fugace et possessif sur son front ensommeillé, Inaros quitta la couche de son amant et s’étira longuement pour dénouer ses muscles et rassembler ses esprits. Sans gêne et à la barbe du système de surveillance, il activa l’ouverture des portes de la suite diplomatique. Son audace l’avait poussé demeurer torse nu, mais il avait eu la décence d’enfiler son pantalon. Et dans l’une des poches de ce dernier, précautionneusement replié : le tissu dont Absalom s’était servi pour soulager sa lèvre.



Un nouveau cauchemar. Il lui semblait qu’un géant s’était assis sur sa poitrine et respirer devenait de plus en plus ardu. Elle ouvrit brutalement les yeux et plongea immédiatement dans ceux d’un inconnu. Elle arqua les sourcils, la moue partagée entre la peur et l’incompréhension. Il plaquait une main autoritaire sur sa bouche et son nez, l’empêchant de crier.

-Oye, Eva.

Quelques minutes plus tard, elle était recroquevillée au bord de sa couche, avisant Darius du coin de l’œil. Sa gorge nouée aurait voulu hurler, ameuter les rares âmes encore éveillées de la résidence. Etrangement, les bruits des pas inlassables de Trell dans le couloir s’étaient tus. Elle craignait le pire. Le cadézien l’avisait d’un œil cerné par la fatigue mais dont la rétine luisait de détermination. Elle remarqua qu’il était affublé d’un uniforme de la garde ministérielle. Le casque anti-émeute reposait sur sa coiffeuse et il avait gardé le fusil blaster entre ses mains. Evadné espérait que le soldat à qui il avait « emprunté » cet attirail était toujours en vie.

-Le plan est simple, beauté. Je vais passer le reste de la nuit ici. Et demain, à l’aube, je t’escorterai avec notre très estimé et très sexy invité vers le Parlement. Pourquoi tu me regardes avec ces grands yeux de biche ? Ton sabakawala de papa va bien. Il a payé sa dette. Un cargo de glace. Un bras. Ca me semble juste. Un bras pour cinquante vies. J’ai été plutôt magnanime sur ce coup.

Elle préféra se draper dans la dignité d’un silence furibond. Il souffla un rire et secoua la tête, feignant son désarroi.

-La colère va bien à ton teint. Mais elle me brise le cœur. Je pensais que tu dormais nue, quelle déception.

Son ton provocateur ne fit que nourrir le ressentiment de la toute blonde. Elle tint bon et garda ses lèvres bien scellées. Il n’était plus question de quelques provocations jetées en pâture à un parterre de journalistes dans un tribunal cadézien. Il s’ébroua, traînant une chaise à l’assise de velours pour la placer face à elle. Il s’y installa et se pencha vers l’héritière, capturant entre ses doigts gantés une mèche de cheveux.

-Je me découvre une passion pour les blonds…

Il ferma les yeux un court instant, pour se remémorer les ébats endiablés dans la couche d’Absalom. L’excitation charnelle se mêla à l’adrénaline de sa fuite, et ce fut vertigineux.

-Ne me touchez pas, souffla-t-elle, s’entêtant à regarder ailleurs.

-J’ai cru que t’avais perdu ta voix, queyà ? Rendors-toi maintenant. Une dure journée va arriver.

Le ton soudainement autoritaire du fugitif, la força, avec raideur, à se rallonger contre son lit devenu froid. Ce n’était peut-être qu’un cauchemar de plus, se persuadait-elle en serrant un pli de draps entre ses doigts fébriles d’appréhension. Pourquoi aurait-il pris le péril de venir dans ses quartiers personnels ? Risquant d’attirer l’attention. Pensait-il que la chambre d’Evadné serait la dernière que l’on fouillerait quand l’alerte serait donnée ? Les battements énervés de son cœur assourdissaient son esprit qu’elle tentait vainement de solliciter. Et quand l’aube arriva, jetant ses timides rayons ensoleillés à travers la grande baie, elle était toujours éveillée. Mais Darius n’était plus là. Peut-être avait-elle rêvé finalement ?



Trell se présenta comme à son habitude. Ses traits étaient tirés par la préoccupation. Il régnait dans la demeure une agitation peu commune. Elle pressentait que la présence nocturne d’Inaros et son évasion n’avaient rien de chimériques.

-Mademoiselle, le Ministre Publius souhaiterait que vous descendiez le plus rapidement possible.

Elle attacha ses cheveux à la hâte, n’eût guère la présence d’esprit de camoufler ses cernes teintés par une nuit d’insomnies tenaces. Pas plus qu’elle ne choisit sa tenue, se drapant de la première robe venue. Elle dévala presque les escaliers de marbre en manquant plusieurs fois de se rompre la nuque. Et sitôt arrivée sur la terrasse, elle avisa l’attroupement improbable. Son père était en compagnie d’Absalom Thorn et une dizaine de soldats de sa garde surveillaient les alentours, visiblement à cran. Elle les compta du regard, cherchant à savoir derrière quel casque se cachait le visage d’Inaros.

-Evadné, soupira froidement Véragan, cachant en partie son soulagement. J’ai des affaires importantes à régler. Je compte sur toi pour ne pas quitter notre invité.

S’il était contrarié ou encoléré, , il n’en montrait rien. Le ton de sa voix ne souffrait d’aucun désagrément et le Ministre n’agissait pas moins ou plus sèchement que d’habitude. Ne se préoccupant plus de sa fille, il se détourna vers l’un de ses secrétaires qui pianotait furieusement sur son datapad.

-Le mandat d’arrêt a-t-il été lancé ?

-Oui, Monsieur le Ministre. Jusque dans les planètes avoisinantes du système. Monsieur Hélix souhaite reporter la session du Congrès qui devait avoir lieu à onze heures, et réunir un nouveau conseil de sécurité.

-Dîtes-lui que c’est impossible. Et faîtes convoquer l’Amiral Inaros a la session matinale.

Tandis que son assistant s’exécutait, il joignit les mains dans son dos et s’adressa au Seigneur Sith, depuis sa posture altière :

-Docteur Thorn. Je suis navré pour le désagrément.

Personne n’avait interrogé Absalom sur la disparition de son invité. Après tout, l’identité de sa charmante compagnie nocturne était informelle. Officiellement, cela n’avait été qu’un jeune homme de joie, venu divertir un émissaire diplomatique en visite. La ronde habituelle, somme toute. Et, Véragan jugeait inopportun d’associer par voie de suspicion un représentant hapien et impérial à un malfrat cadézien.

-J’espère que votre nuit fut agréable et que vous apprécierez les secrets du Parlement cadézien qu’Evadné connaît par cœur. Elle fera une excellente guide. Sur ce.

Un des gardes ministériels répondit au signe que lui fit Publius et s’avança vers le duo hapien. Ils prirent la direction d’un land speeder. Dans l'agitation du moment et chamboulée par ses propres craintes, elle en avait complètement oublié de saluer Absalom. En contre bas, le reste de la sécurité se dispersait dans les jardins, pour fouiller de nouveau les alentours de la demeure. Assise aux côtés du Seigneur, dans le véhicule, Eva fixait avec insistance leur escorte, placée en face d’eux. Captant leur regard, il releva sa visière teintée pour laisser apparaître le sourire impertinent de Darius et ses yeux brillants que quelques mèches brunes, collées à son visage, barraient.

-Comme on se retrouve…


Absalom Thorn
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Absalom avait fini par s’endormir, peu après le départ de Darius, sans chercher à suivre les évolutions du jeune homme dans le palais, peut-être pour se préserver lui-même de l’envie d’aller lui porter secours, si d’aventure il avait pressenti le moindre danger. Son sommeil fut agité cependant : plusieurs fois, il rêva que Darius avait été capturé, qu’on le torturait dans quelque geôle obscure, pratiquée dans la roche même des pics cadéziens. Et puis ces images se dissipaient, sans jamais avoir la consistance d’une authentique vision à travers la Force, et Absalom cessait jusqu’au cauchemar suivant de se débattre dans ses draps.

Ce ne fut qu’au petit matin, une fois sous la douche, quand l’eau glacée qu’il s’infligeait volontairement, fidèle à ses habitudes, crispa ses muscles et le sortit brutalement de la demi-torpeur du réveil, que le Sith se mit à interroger son attitude de la veille. Assurément, il avait beaucoup appris sur la société cadézienne dans les bras de son fugitif amant. Et à l’intérieur de lui. L’attitude des extrémistes de l’ACE, la possibilité des ascensions sociales au sein de l’armée, la faiblesse relative des services de sécurité, le genre de compromis que le pouvoir était prêt à passer, pour divertir un invité.

Aucune de ces informations ne lui permettait en elle-même de tirer des conclusions utiles sur le monde qu’il visitait : elles étaient des fragments, peut-être inutiles, peut-être essentiels, qui prenaient leur place dans la mosaïque encore incomplète qu’était la planète d’Evadné. Absalom s’observa sous toutes les coutures, devant le miroir. Pour s’assurer que sa beauté n’était pas fanée. Obsession matinale, examen névrotique.

Une demi-heure plus tard, le Sith, qui avait dissimulé son sabre laser dans les replis de son manteau, rencontrait le Ministre Publius à l’extérieur, au milieu de ses gardes, et il feignit la surprise en apprenant que son amant d’un soir s’était évadé. Son jeu d’acteur fut irréprochable : l’étonnement, presque véritable, juste un peu trop appuyé pour que Véragan puisse se féliciter de le trouver feint et se douter qu’en réalité l’histoire indifférait Absalom, qui avait pris son plaisir sans songer plus à son amant. L’Hapien cachait une vraie tromperie par une fausse tromperie et la vérité, derrière ces voiles multipliées, demeurait indiscernable.

En échangeant des banalités de circonstance avec le dirigeant, et sans paraître le moins du monde embarrassé de ses frasques de la nuit, dont les enregistrements avaient peut-être déjà occupé les gardes qui l’entouraient, Noctis laissait peu à peu son esprit effleurer les pensées des hommes réunis dans le parc. Il ne faisait que cueillir leurs souvenirs les plus récents, les échos les plus superficiels, pour n’avoir qu’une idée vague de leur personnalité : il ne cherchait pas à les connaître, il cherchait à les retrouver.

Et brusquement, il sentit l’audace, le défi, la satisfaction d’un plan qui se déroulait sans accroc. Son regard se tournait lentement vers l’un des gardes casqués et à la visière abaissée, dont le visage était aussi impossible à distinguer que celui de tous les autres. Absalom, absolument certain d’avoir affaire à Darius, adresse à son amant de la nuit un léger sourire entendu, avant de détourner presque aussitôt les yeux.

Je vous en prie, Votre Excellence, j’ai l’habitude des aventures rocambolesques. Je ne manquerai pas de garder l’oeil ouvert, même si, et il faut le regretter, il est hélas bien probable que cet… individu… ait déjà disparu dans les niveaux les plus inférieurs de la cité.

Et d’ailleurs, pourquoi Darius était-il encore là ? Craignait-il de ne pas réussir à s’échapper assez vite, s’il adoptait la méthode la plus évidente ? Ou méditait-il quelque sombre dessein ? Trop peu familier de l’état de la police d’Ilus IV et en général de l’architecture de la ville pour se faire une idée précise de ce qu’aurait impliqué concrètement une évasion plus directe, Absalom en était réduit à d’inutiles conjectures.

L’heure vint enfin de prendre congé. Absalom inclina légèrement la tête, à vrai dire sincèrement curieux de découvrir le parlement cadézien et, Véragan parti, Evadné et Absalom s’installèrent dans un speeder. Pour se faire…

… kidnapper ?

Ah, vous voilà, fit flegmatiquement Darth Noctis, de toute évidence décidé à cacher à Evadné qu’il avait reconnu Darius bien plus tôt, dans le parc, votre plan d’évasion est pour le moins tortueux et, si je ne m’abuse, pas tout à fait une découverte pour docteure Publius. Ou bien vous contenez, Evadné, votre surprise comme une politicienne aguerrie.

Qu’Evadné fût complice du jeune homme paraissait peu probable. Absalom se refusait de croire qu’il avait si mal jugé du caractère de la jeune femme. Alors quoi ? Darius l’avait menacée ? Pendant la nuit ? En gagnant sa chambre ? Ou par un message quelconque, depuis le matin ? Et à quelles fins ? Pure bravade, peut-être, mais Absalom préférait prêter aux autres des motivations pragmatiques.

Si vous êtes en train de procéder à notre enlèvement, poursuivit-il, de toute évidence peu chamboulé par toute cette histoire, j’espère que vous nous conduirez dans un endroit au moins aussi intéressant que le parlement. J’ai une sincère passion pour les affaires législatives que toute cette histoire va cruellement frustrer.

Machinalement, il jeta un regard par les fenêtres teintées du speeder, mais il connaissait trop mal la ville pour se rendre si on les conduisait ou non au parlement.

Si je puis me permettre, je tiens à préciser que j’éprouve pour docteure Publius une amitié certes naissante, mais déjà vive et solide, et qu’aussi charmant que vous soyez, monsieur, et je ne crois pas vous avoir laissé douter cette nuit de la haute idée que je me faisais de vos charmes, si vous nourrissiez pour elle des projets inquiétants, je serais obligé de la protéger.

Absalom se tourna vers la docteure en question pour préciser :

Une obligation, Evadné, qui me fait honneur, n’en doutez pas.
Evadné Publius
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Evadné fit un effort incommensurable pour contrôler sa panique. Rien n’allait. Et le pilote, isolé dans le cockpit, semblait ne se rendre compte de rien. Ou peut-être était-il complice ? Plus rien ne l’étonnerait à ce stade. Heureusement, le soutien d’Absalom lui permit de se raccrocher à un sentiment de sécurité. Darius agrandit son sourire amusé et se pencha vers le Sith, glissant une main furtive contre sa cuisse.

-Je vous rassure, tous les deux. Je ne compte pas vous enlever. Considérez ça comme des adieux. Je suis ainsi, je ne sais pas faire la chose à moitié.

Il devait toujours y avoir le goût du risque, la provocation, le côté spectaculaire…et le parfum savoureux qui se dégageait de la victoire acquise auprès d’une stratégie tortueuse. La jeune politicienne entrouvrit les lèvres pour s’exprimer mais son communicateur, lié à son datapad, émit un son indiscret. Elle fit comme si de rien était, mais Inaros ne tarda pas à tendre une main impérieuse vers elle.

-Donne-moi ça, princesse.

Face à son manque de réactivité, il se décala lentement vers elle et extirpa d’un pli de sa robe le datapad pour aviser l’écran illuminé. Un nouveau message venait d’être transmis à la toute blonde et il ne se gêna pas pour en lire le contenu.

-Vraiment ? C’est presque mignon.

Il lui rendit l’objet qu’elle s’empressa de plaquer contre elle, indignée par le manque de politesse du cadézien.

-Il est cadezalowa ? Et bien, tu peux lui dire que tout va bien et que Darius Inaros a hâte de croiser sa route.

Elle se mordilla la lèvre qu’elle avait aussi pâle que le reste de son visage. Et malgré sa mine déconfite, il y avait encore de la beauté dans sa détresse. De ses doigts fébriles, elle porta le terminal devant sa figure pour lire la réponse de Ja’ar avec un certain soulagement.

-Je vais me mettre au vert un temps.

-Où ça ? demanda-t-elle presqu’automatiquement et il déposa un index sur les lippes de l’héritière pour lui intimer de se taire.

-Je ne vais pas te le dire, tu te doutes bien. Si tu crois que l’ACE se résume à Jung, Caleb et Ashford, tu te trompes fort. Nous sommes un peu plus nombreux que ça, et un peu plus variés. Et on essaie de s’exporter. Tu t’imagines pas le nombre de Publius qui existent dans la Bordure Extérieure. Mais aucun n’a une fille aussi magnifique que toi.

Il ponctua sa tirade d’un clin d’œil et s’adressa ensuite à son amant de la nuit dernière, le regard transit.

-Darius Inaros n’a qu’une parole, affirma-t-il, courbé vers Darth Noctis, il effleura son oreille de ses lèvres pour y déposer des mots murmurés qu’Evadné ne pourrait entendre : -Je te dirais où me trouver, si tu veux réitérer nos petits exploits de la veille. Et je te mènerai où tu veux. Même si le prix à payer était l’autre bras de ce sabakawala de Publius.

Il s’éloigna hâtivement dès que le land-speeder amorça un virage et que le Parlement fut en vue. Il abaissa la visière noire de son casque et son beau visage disparut dans le néant de l’anonymat. Il leur ouvrit la porte avec raideur. Quel acteur. On aurait dit qu’il avait été soldat toute sa vie. Il les escorta ensuite jusqu’au parvis du bâtiment futuriste qu’était le Parlement cadézien. Imposant dans le noyau administratif d’Ilus IV, des colonnes de marbres sombres s’imbriquaient dans son architecture moderne ce qui lui donnait un aspect hybride et inquiétant. Tous les lois cadéziennes y étaient ratifiées, sans exception. En majorité possédé par le Congrès, les débats n’y étaient pas très vifs, si l’on occultait les interventions de Jung ou de l’Amiral Inaros lors de brillantes sorties d’opposition. Tout près d’Absalom, Daris lâcha quelques paroles au travers de son casque :

-Je vous laisse là, sinon je vais gerber. Prends bien soin d’Eva, elle a une place importante dans le plan, et ne tarde pas trop à me rejoindre dès que tu sauras où je suis.

Une minute plus tard, ils étaient dans le Hall grandiloquent du cœur législatif de Cadezia et le terroriste avait disparu. Elle dut calmer les palpitations de son cœur indiscipliné et reprendre ses esprits. Son regard chercha celui de son invité et une fois qu’ils se mêlèrent, elle osa un simple :

-Vous sembliez proches.

Aucun reproche dans le ton, ni jugement. Un simple constat qu’elle avait eu besoin de verbaliser malgré l’évidence. Elle tenta un sourire pour s’excuser de la remarque qui au fond, ne regardait qu’eux. Mais mince, songea-t-elle, Darius Inaros était quand même un criminel…même si, au fond, quelque part, elle comprenait sa cause désespérée mais en réprouvait catégoriquement les moyens. Elle détacha le nœud de soie qui disciplinait sa chevelure sans grand succès.

-Le Parlement a été rénové voilà très peu de temps. Juste après la Révolution avortée de Klaes Ashford. Un architecte issu des milieux populaires a été autorisé à apporter sa touche au monument…cela explique les touches de marbre sombres.

Elle digérait encore à peine l’épisode Darius. Alors qu’on les accueillait, sitôt la sécurité passée, elle fit face à Absalom, lui barrant la route de manière cavalière, parce qu’elle échouait à faire comme si rien n’était. Plantés au milieu du Hall, elle parla d’une voix basse.

-Vous savez qu’il est venu dans ma chambre en pleine nuit..il aurait pu tuer mon père…ou me…(Le mot ne sortit pas tant il lui nouait la gorge.) Je savais pourquoi il était présent au domaine. Si…si vous l’avez aidé, j’apprécierai que vous me le disiez…cela n’altèrera pas l’estime que j’ai pour vous, ni mon amitié car je présume que vous aviez de bonnes raisons. Du moins…je l’espère. Cependant, vous comprendrez qu’il est aisé de mettre le feu aux poudres sur Cadezia. Alors je dois savoir…

Elle s’apprêtait à rajouter quelque chose, mais ses prunelles avisèrent deux silhouettes familières qui se dirigeait droit vers eux. Manéo Jung était décontracté, fidèle à lui-même et à son air perpétuellement hilare sans l’être. L’Amiral Inaros, en revanche, avait ce regard à la lueur sanguinaire et aux pupilles blanchâtres…trahissant ses origines arkaniennes. Ses rides se mêlaient aux cicatrices de brûlures qui émaillaient sa figure trop sévère. Ses cheveux gris étaient en bataille et l’uniforme sombre qu’il portait semblait trop grand pour lui.

-Seigneur Thorn, gamine, les salua Jung d’une voix affable.

Evadné s’éloigna du hapien pour mieux leur faire face :

-Amiral Inaros, Monsieur Jung.

-Sacré journée, n’est-ce pas, gamine ? soupira l’Amiral en secouant la tête.

-Elle n’est peut-être pas au courant, lui souffla Manéo.

-Et bien qu’importe. Bientôt tout le monde saura que mon neveu court encore dans la nature. Pashang fong ! C’est à moi qu’on va demander de donner la chasse. Avoir des responsabilités, c’est vraiment la super felota.

-Vaut peut-être mieux que ce soit toi qui l’attrape, remarque. Hélix le passerait vraiment dans un sas, cette fois.

Caleb fit un signe autoritaire et agacé vers son confrère avant de s’adresser à Absalom :

-Seigneur, docteur, Monsieur…enfin…tu m’excuseras. J’aurais adoré t’accueillir comme il se doit, mais les affaires de famille, tu puchoye, qué ?

-Vous participerez donc bien à la session de ce jour ? demanda Evadné, clignant des yeux avec curiosité.

-Je n’ai pas le choix. Je compte bien demander à ton papa comment….un prisonnier du calibre de Darius s’est évaporé des geôles imprenables de Mariner Valley. Mais je sens la kaka felota d’ici. Bien, il est l’heure.

Il leur présenta un salut militaire qui mit en avant le cercle coupé de l’ACE brodé sur sa manche et accéléra le pas vers la chambre parlementaire. Jung, lui, marqua un arrêt près d’eux. Il avait l’air plutôt indifférent à tout ce remue-ménage.

-Vous êtes le bienvenu dans les niveaux inférieurs d’Ilus IV. Quand vous aurez un peu de temps, dîtes à la gamine de me faire appeler.

Un clin d’œil complice et il suivit les pas de son homologue.


Absalom Thorn
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L’ancien Sith avait conservé un silence entier, trop occupé à observer soigneusement les interactions entre Evadné et Darius pour vouloir participer à la conversation. Il se sentait un peu comme l’ethnographe, plongé dans une société aux rituels complexes, qu’il fallait tenter de comprendre sans risquer de les transformer par sa seule présence. La crainte de la jeune fille lui parut étonnante — non qu’elle la ressentît, évidemment, mais qu’elle l’exprimât si spontanément — et l’assurance de Darius avait l’air de suivre un scénario bien établi.

Alors que le jeune homme leur faussait compagnie, la voix d’Absalom se mit à résonner dans son esprit, exactement semblables à ses murmures fiévreux qu’il avait glissés à son oreille, lorsque leurs corps avaient été pressés l’un contre l’autre dans leurs draps froissés :

* Dis moi où te trouver et je t’y rejoindrai. Il me reste encore tant de ton corps à découvrir et explorer. *

La fuite de Darius fut accompagnée pour lui d’un souvenir incontrôlable, qui s’imposait à son esprit : celui d’Absalom, contre lui, en lui, et d’un moment de plaisir trop vif pour être contenu, que le Jedi Noir s’ingéniait à graver dans sa mémoire, au milieu du hall d’un vénérable parlement, jusqu’à ce que l’esprit du détenu évadé n’échappe finalement à l’emprise de ses pouvoirs.

L’attention de l’Hapien revint sur Evadné mais, avec qu’il n’ait eu le temps de répondre aux questions de la jeune femme, qui n’avaient guère paru l’embarrasser, ils furent interrompus.

Croyez bien, Amiral, que je suis presque aussi soucieux que vous de vous voir assurer la sécurité de votre neveu. Quand les événements se seront un peu calmés, cela dit, je serais ravi que nous… déjeunions ensemble, par exemple ? Pour découvrir Cadezia et sa politique sous un jour que j’imagine sensiblement différent de celui de l’administration au pouvoir.

L’amiral ne lui répondit pas tout de suite mais Absalom ne s’en formalisera guère : en bon diplomate, il était habitué composer avec la brusquerie de certains tempéraments militaires. D’un geste de la tête, il rendit le salut militaire de l’homme et le suivit du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la chambre parlementaire.

Nous devrions prendre place dans les galeries à notre tour, déclara Absalom, en désignant un petit groupe qui attendait auprès d’un employé en livrée et dont il supposait qu’ils formaient ce public clairsemé et toujours un peu étrange, moitié journalistes, moitié curieux, que l’on trouvait d’ordinaire dans les chambres parlementaires des planètes de la République et qui somnolaient au rythme d’interminables débats. Merci, M. Jung.

L’Hapien attendit quelques secondes que le professeur de créole se fut en effet éloigné pour entraîner Evadné un peu à part, alors que le vaste hall du parlement se désemplissait, à mesure que les représentants s’engouffraient dans la chambre et que les assistants regagnaient, comme une nuée d’oiseaux sauvages, leurs bureaux respectifs.

Pour répondre à votre question, j’aurais eu du mal à aider Darius à s’évader d’où que ce soit, puisque j’ignore l’essentiel des mesures de sécurité de votre domaine, et à peu près tout de la configuration d’Ilus IV. C’est votre père qui l’a fait conduire à ma chambre, où je l’ai trouvé hier soir, juste après que nous nous sommes séparés. C’est un jeune homme, comment dire…

Noctis haussa les épaules et, sans grivoiserie, avec une sorte de sobriété élégante, malgré le sujet :

… plein d’ardeur. J’espère que je ne vous choque pas.

Depuis bien des années, libéré du carcan moraliste de l’Ordre Jedi, Absalom parlait avec une certaine liberté de sa sexualité. Il ne l’étalait pas au grand jour, mais n’évitait jamais le sujet quand il se présentait de lui-même et il s’était promis de ne plus en rougir, de ne plus sentir, comme les Jedis l’en avaient forcé par le passé, la honte de goûter à ce qui n’était que naturel et épanouissant.

Il était parti quand je me suis réveillé et le reste, c’est votre père qui me l’a appris. Je dois avouer que Darius et moi-même avons… hé bien, assez peu parlé.

Absalom mentait avec aplomb, décontraction et naturel.

Si j’avais su qu’il vous causerait du souci, j’aurais veillé sur lui, mais pour être honnête, j’étais loin de me douter que j’avais affaire à quelqu’un d’aussi… sulfureux. C’est assurément une décision audacieuse de la part de votre père que d’accueillir un Seigneur Sith avec l’un de ses propres ennemis politiques. Je ne sais pas si je dois y voir une marque d’audace ou d’assurance excessive de sa part. Quoi qu’il en soit, je vous prie de bien vouloir m’excuser : j’ai échoué à vous protéger.

Et il avait l’air apparemment de considérer qu’il aurait dû s’en faire un devoir.

Ce sera probablement d’une consolation médiocre pour vous, mais l’expérience prouve que les terroristes ne sont pas des assassins et que les crimes de l’intime, qui n’ont rien de spectaculaires, les intéressent moins que les coups d’éclat. Ceci ne change rien à l’affaire, au demeurant : vous ne sauriez rester sans moyen de protection personnel sur une planète aussi dangereuse. Avoir des gardes ne suffit pas, il faut pouvoir compter sur soi.

Ce n’était pas une critique, mais un conseil qui naissait du principal cardinal d’Absalom : la plus grande des vertus était la recherche de l’excellence personnelle.

Bref. Evadné, j’aimerais vous proposer un marché qui, à la lumière des événements récents, et de ce que j’ai aperçu de vous, me paraît sinon nécessaire, tout du moins d’autant plus préférable. Ce marché, c’est de vous tenir pour mon amie, et moi le vôtre, et de vous sentir autorisée à m’interroger franchement sur mon existence, mes raisons et ma moralité. Je ne promets pas de toujours vous répondre, mais je promets de ne pas vous déguiser la vérité.

(Il arriverait presque à s’en convaincre lui-même.)

Votre père, et pardonnez la brusquerie de mes propos, mais votre père, malgré tout le respect que je lui dois, ne vous a manifestement pas assez préparée aux surprises qu’une existence de politicienne réserve parfois, faute peut-être d’avoir eu le temps de vous considérer dans toute votre individualité, plutôt que dans votre rôle d’héritière. Vous arrivez à un temps de votre existence où il vous faut construire ce pouvoir personnel qui vous préservera à la fois des aspirations de votre père et des menées d’individus comme Darius. Votre peur les nourrit l’un comme l’autre, vous avez le droit de la ressentir, vous devez apprendre à ne pas la montrer. Ceci…

Il désigna d’un doigt les portes capitonnées de la chambre parlementaire.

… est, je le suspecte, une vie législative sclérosée par la répétition du même. Mais vous, vous êtes entre deux mondes, entre bien des mondes, et ces faiblesses que précisément vous me laissez voir sont la preuve que vous pourriez être la source de changements profitables à votre société. La faiblesse n’est jamais qu’un potentiel inexploité.
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-J’accepte ce marché, décida-t-elle d’un ton résolu, porté par sa voix douce.

Son ego avait été sollicité à la lumière de l’analyse qu’il fit de sa situation politique. Elle hâta le pas vers la Chambre dont les préposés ouvrirent les portes. Aussi moderne que fut Cadezia, il n’y avait aucun vérin hydraulique dans le système d’ouverture des portes de la chambre parlementaire. A l’image du Congrès, tout était glacé par les traditions passées.

Elle ignora le droïde protocolaire qui les accueillit et guida Absalom vers l’un des balcons réservés aux spectateurs, en général inexistants. Le Parlement se voulait transparent, mais aucune chance que vous y mettiez les pieds si vous proveniez d’une classe sociale inférieure. Ils s’installèrent sur des sièges molletonnés au cuir sombre et eurent le loisir d’admirer la scène en contrebas.
Chaque élu possédait un pupitre en marbre muni d’une console et d’un terminal holographique. Sur une estrade dressée devant eux, les mêmes dispositions avaient été prises pour les membres du gouvernement. Jung et Inaros profitaient déjà du confort de leur fauteuil, isolés tout à gauche de la salle. Leurs regards divergèrent comme un seul homme vers la silhouette de Valérian Hélix qui fit une entrée en grande pompe, entourés des élus de son parti- soit une quinzaine de personnes au total. L’absentéisme aurait visiblement la belle part en cette journée exceptionnelle. Le jeune premier leva ses prunelles claires vers les balcons et capta la présence du duo hapien auquel il adressa son plus beau sourire. Sa chevelure faussement désordonnée retombait sur la tâche de naissance qui le défigurait.

-Valérian Hélix, commenta-t-elle vers Absalom. Il préside le parti au pouvoir.

Quelques minutes plus tard, deux journalistes les rejoignirent au balcon. Ils étaient accrédités par le gouvernement et se contenteraient d’une version mâchée de la séance du jour. Le premier, un caarite ne dépassant pas le mètre dix, mit en route son holocamera et fit des ajustements – debout sur un siège. Quant à sa collègue dans la trentaine, elle se contenta d’un sourire charmant vers le Sith dont elle était déjà acquise à la beauté.

-Mesdames, Messieurs les élus de Cadezia, le gouvernement, annonça la voix forte d’un droïde de protocole.

Véragan apparut et il serra volontiers les mains des Congressiens présents, s’attardant sur une poignée plus franche avec Valérian. Il était suivi de son bras droit, Josephus Hélix qui gérait les affaires intérieures. Tous deux se dirigèrent vers l’estrade où ils prirent place, la mine grave et sérieuse.

-L’Amiral Inaros fait parti du gouvernement, mais il refuse toujours de s’asseoir à l’estrade, préférant le siège des élus. Il manque également l'élu de l'ACE représentant Mariner Valley, glissa Eva à l’oreille de son invité.

-Bien, nous pouvons débuter cette séance, annonça le Ministre.

Nul orateur au Parlement. Le chef du gouvernement gérait l’ordre du jour et le déroulement de la séance. Amplifiée par des microphones situés sur son pupitre, ses paroles étaient diffusées dans toute la salle, très clairement.

-Monsieur Hélix fils, président du Congrès, a émis le souhait de reporter cette séance au profit d’un nouveau conseil de sécurité, mais j’ai rejeté la demande – considérant qu’un nouveau point à l’ordre du jour suffirait à clore le dossier du terroriste Darius Inaros.

Quelques murmures secouèrent les lèvres des élus du Congrès qui s’échangèrent des œillades surprises. Valérian se conforta dans son siège.

-Je laisse donc la parole à Monsieur Hélix père, en charge de la sécurité intérieure.

Josephus se dressa de toute sa stature. Ses yeux en amande se fixèrent sur chaque personne présente et il se pencha vers son micro.

-Je tiens à rassurer le Congrès. La situation est sous contrôle. Suite à une défaillance de sécurité à la prison de Mariner Valley, Darius Inaros a réussi à échapper à la vigilance d’Helix-Bellum. Les premières informations de nos agents sur le terrain accréditent fortement l’implication de l’ACE dans cet acte de malveillance.

Evadné agrippa la rambarde du balcon avec force, stupéfaite par l’aisance du gouvernement à mentir aux représentants avec autant d’aplomb. Alors, l’extraction de Darius chez les Publius, sa fuite, n’avaient eu que pour objectif de charger l’Alliance des Classes Extérieures, de leur reprocher de relancer les hostilités. Caleb et Manéo étaient en pleine discussion et finalement, le second se leva pour prendre la parole depuis son pupitre.

-Messieurs les Galalowda. La prison de Mariner Valley est une structure détenue par Hélix-Bellum et se targuant d’être à la pointe des dernières technologies de sécurité. J’ai toutes les raisons de croire que l’ACE, dans toutes ses déclinaisons possibles, aurait eu un mal fou à en déloger un dangereux criminel. Si c’est un aveu de faiblesse que vous exposez, Hélix, alors…assumez ouvertement.

-Ce qui est fait, est fait, reprit Véragan, le visage coulé dans le masque de l’indifférence. L’ACE aurait tout intérêt à nous livrer Darius Inaros…avant qu’il ne commette un nouvel acte regrettable et fragilise la paix sociale que l’Amiral Inaros et moi-même avons construit année après année.

-L’ACE aurait dû mal à vous livrer un colis dont il n’a pas la possession, soupira Jung en haussant les épaules.

Plus haut la journaliste prenait des notes sur son datapad, les doigts dextres et rapide. Elle semblait n’écouter les débats que d’une seule oreille et le caarite passait paresseusement le viseur de l’holocamera d’un visage à l’autre.

-C’est un dialogue de sourd, murmura la jeune politicienne vers Absalom. Je suis certaine que l’évasion de Darius arrange les affaires de mon père, mais je ne vois pas à quel niveau…peut-être est-ce en lien avec…

Elle ne termina pas sa phrase et suivit du regard Caleb Inaros qui se redressait pour intervenir à son tour.

-Publius, dit-il sans l’ombre d’une politesse. Si par hasard ma route croisait celle de Darius, je le livrerai. Je transmettrai son signalement à mes unités. Je pense que le sujet est clos. Passons au reste, il y a des points plus importants à traiter, qué yà ? Comme les taxes démesurément élevées concernant l’importation de glace dans les réservoirs d’eau des stations inférieures d’Ilus IV et de Mariner Valley mais aussi de toutes les stations prolétaires de Cadezia ? Je présume que ce n’est pas à l’ordre du jour ?

-Ces taxes permettent à l’Etat l’entretien des sous-sols miteux d’Ilus IV, entre autres, alors soyez un peu plus reconnaissant, Amiral Inaros, répliqua Valérian après avoir activé le micro de son pupitre.

-Xiya na pelésh to, paxoníseki, jura Manéo mais son micro était toujours activité et ses insultes créèrent une vague d’indignation chez les rares élus qui comprenaient le créole cadézien.

Délaissant un moment le nouveau débat qui agitait le parterre des politiques cadéziens, Evadné avisa le profil d’Absalom, un peu gênée.

-Vous devez…trouver cela pathétique et assez trivial comme tableau politique..vous qui êtes habitué à tant de choses. J’ai toujours trouvé qu’il manquait une troisième voie dans ce circuit sans fin qu’est la politique de Cadezia. Mon père est meilleur homme d’affaires que politicien et il gouverne un Etat planétaire comme on dirigerait une super entreprise. Il ne voit que des chiffres, des coûts, des investissements…pour tendre vers une stabilité artificielle. Comme je le dis souvent aux parents de mes jeunes patients : Quand deux parents se disputent, l’enfant est confronté à une crise de loyauté. L’ACE, comme le Congrès, ont fait énormément pour cette planète, mais ce n’est plus suffisant désormais. [/justify][/size][/font]

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