Emalia Kira
Emalia Kira
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- Votre Majesté, il reste quatre minutes.
- Bien, merci Edwige.

La Reine se leva du petit fauteuil en prenant garde à ne pas abîmer sa robe. Elle jeta un regard sévère à son reflet couronné dans le miroir. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas porté de robe d’apparat telle que celle-ci – ses fonctions de chancelière l’avaient orienté sur des tenues beaucoup plus sobres. Mais aujourd’hui, la souveraine était rentrée à la maison, et devait envoyer un signal fort à son peuple. Emalia Kira, avant d’être Chancelière, avant d’être chef de guerre, avant d’être la cible des tabloïds, avant d’être une paria de la République… Emalia Kira, petite-fille d’Auria Kira, descendante directe de Galia Kira, la Victorieuse de la quatrième bataille d’Ondéron, était la Reine légitime de son peuple, et comptait bien le rappeler.

- Apportez-moi mes notes, je vous prie.
- Oui, Madame.

Edwige s’empressa d’accourir auprès du secrétaire et de rassembler les feuillets griffonnés. Elle les tendit à la Reine, qui les prit fébrilement. Elle les relut en diagonale.

- Deux minutes, votre Majesté.
- Oui, je suis prête.

Emalia replia les feuillets, puis se tourna vers le balcon. D’un signe de tête, elle donna l’ordre qu’on ouvrit les fenêtres. Aussitôt, un vent frais s’engouffra dans la pièce, portant la rumeur de la foule qui s’agitait. Plusieurs droïdes volants s’étaient déjà élevés dans le ciel pour capturer les images de son avancée et les retransmettre aux médias intéressés. Elle savait, bien sûr, qu’en s’adressant à son peuple, une partie de la galaxie la regardait.
Le visage de marbre, elle s’avança alors d’un pas lent vers la lumière. Le bruit de ses talons disparut brusquement dans les clameurs.

Les jardins d’Ondéron était emplis d’une foule animée de mille couleurs et de cris de joie. Des bannières s’envolaient dans la brise, et tous les regards étaient levés vers elle. Les royalistes de sa planète étaient venus massivement la soutenir. On avait ouvert les accès des terres du Palais d’Iziz pour qu’ils puissent avoir l’honneur, encore jamais vu, de voir la Reine dans sa demeure.
Emalia leva une main et salua la foule pendant de longues secondes. Elle n’affichait aucun sourire, son visage ne reflétait qu’un sérieux paisible, qui ne trahissait pas les émotions qui l’animaient au fond d’elle.

Au bout d’un moment, la Reine s’approcha du pupitre qui était au centre du balcon. Elle y déposa ses feuillets en les dépliant. Avant de débuter son discours, elle posa les yeux sur son peuple, et au-delà, le paysage qui représentait sa planète.

Ils l’avaient touchée en plein cœur.

- Ondéroniens, Ondéroniennes… Mes chers sujets.

Nouvelles exclamations de joie. La Reine aurait pu en avoir les larmes aux yeux, si elle n’avait eu conscience des enjeux qu’elle faisait reposer sur ce discours.

- Je vous remercie d’être venus si nombreux pour m’accueillir, sur cette planète. Vous ne pouvez savoir la fierté qui emplit mon cœur, à vous voir si optimistes. Optimistes, vous avez raison de l’être : Ondéron vivra, toujours ! Avec sa détermination, son auto-détermination, sa force de caractère !

Elle s’autorisa enfin un léger sourire. Ondéron, c’était elle. S’en prendre à sa planète, c’était s’assurer d’avoir une Reine qui se dresserait sur votre chemin, et qui jamais n’abandonnerait la mission qui est la sienne.

- Mes chers sujets, d’aucuns dans cette République diront que je rentre face à l’échec d’une vie politique. Comme moi, vous savez qu’il n’en est rien. Il y a neuf années, a été ratifié par la République un traité qui prévoyait la cession de notre planète à un Empire autoritaire assoiffé de conquêtes. Il y a neuf années, mes chers sujets, j’ai juré de tout faire pour arrêter, dans les temps impartis qui nous restaient à être libres, cette machine infernale, et faire en sorte que ce traité soit supprimé. Je l’ai fait, mes chers amis, au péril de ma carrière, et parfois, au péril de ma vie.

Un drôle de silence suspendit son discours. Emalia releva les yeux de ses notes pour affronter son peuple, dont elle était si fière aujourd’hui.

- Je l’ai dit : pour vous défendre, si c’était à refaire, je recommencerai sans hésitation. Bien sûr, j’ai bousculé le Sénat, et il m’en a voulu. J’ai bousculé l’Empire aussi, et je ne doute pas de figurer dans la liste de leurs pires ennemis. J’ai bousculé les systèmes afin d’obtenir ce que je souhaitais, avec la tranquillité d’esprit issue du fait que je pourrais subir des représailles… Tant que l’on ne s’en prenait pas à ma planète, que je protège envers et contre tout.

Il n’était pas question de refaire sn procès. De toute façon, les médias ondéroniens étaient largement en sa faveur, grâce à son aura royale – les ondéroniens chérissaient leur monarchie – à sa capacité à défendre sa planète auprès de la République et plus récemment, parce qu’ils avaient la sensation que celle-ci s’acharnait contre eux. Un élément qu’Emalia ne manquerait pas d’attiser, afin de s’assurer le soutien de son peuple/

- Oh ! Combien ils ne me font rien en me retirant de la vie politique ! A cela, je m’y attendais. Auraient-ils proposé un enfermement à perpétuité, ou même une exécution, et je m’y serai soumise. Au lieu de cela, ils ont décidé de faire peser la menace sur ce que j’ai de plus cher : Ondéron. Ils m’ont touchée en plein cœur.

Emalia dut faire un effort pour que son menton ne tremble pas. Une Reine touchée en plein cœur ne devait pas pleurer. Elle devait s’armer de courage, et défendre encore et toujours sa planète. Une vie de sacrifices. Sa grand-mère le lui avait dit, longtemps auparavant. Elle ne le réalisait qu’aujourd’hui.

- Cette amende que la Cour Suprême a annoncée à notre encontre sera intégralement payée par la Couronne, et ne se répercutera pas sur votre niveau de vie, dussé-je vendre mon palais ! annonça-t-elle avec du venin dans la voix. Quant à prendre le contrôle du pouvoir de la planète, cela serait contraire à l’Article 2 de la Constitution Républicaine. A moins que la Constitution ne soit plus si importante que cela aux yeux de ceux qui dirigent les instances républicaines ? Ah ! S’en prendre à une planète toute entière lorsque l’on craint une femme seule ! Voilà la République de pleutres dans laquelle nous vivons désormais. Mes chers sujets, ne vous inquiétez guère. Je continuerai à défendre notre planète, dussé-je pour cela abdiquer ! Voyez-vous, le devoir d’une Reine dépasse sa propre vie, ses seules aspirations sont tournées vers le service qu’elle rend à sa planète. Même sans couronne, demain, Ondéroniens, Ondéroniennes, je serais toujours à votre service. L’Empire ne nous prendra jamais. Quant à la République… Nous ne saurons que trop lui conseiller d’éviter de se faire des ennemis intérieurs.

Emalia fit un regard appuyé aux droïdes qui surplombaient la foule et qui la filmaient. Elle savait que certains de ceux à qui elle s’adressait à travers ce discours n’était pas massés sous son balcon, et espérait bien qu’ils sussent qu’elle ne les oubliait pas.

- Notre planète est fière, et de grande valeur car elle est stratégique : positionnés sur une route commerciale que nous avons su négocier il y a quelques années, nous avons aussi la proximité idéologique avec nombre de systèmes neutres, tels Hapès et Ossus, dont les monarchies seraient outrées de voir que la République peut lancer de telles menaces à l’encontre des institutions des planètes. Enfin, Ondéron accueille le principal Temple Jedi de la galaxie.

Emalia tourna le regard vers l’horizon. Les tours du Temple se détachaient telles des gardiennes désespérément silencieuses.

- Je suis certaine que les vénérables Maîtres, malgré tous nos différences idéologiques, désapprouveraient une République si menaçante. Nous avons vécu avec l’Ordre Jedi en bonne entente. Je ne pense pas qu’ils accepteraient de voir une planète dont ils bénéficient des espaces subir la vengeance d’un gouvernement vexé par le culot d’une seule femme. Ainsi, Ondéron est stratégique d’un point de vue commercial, spatial, politique et même militaire. La République n’osera pas s’en prendre à nous. Elle aurait bien trop peur des conséquences.

La Reine se pencha un peu plus sur le micro, pour y chuchoter :

- Et elle ferait bien, tant que je suis en vie.

Il y eut un long silence, puis un tonnerre d’applaudissements. Emalia s’approcha du bord du balcon et longtemps, elle salua la foule.

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Puis elle rentra, et on referma derrière elle les deux portes fenêtres qui masquèrent l’intérieur du palais. Fébrile, Emalia s’éloigna vers ses quartiers, demandant à être laissée seule. Elle se retrouva dans sa chambre, sous le portrait de sa grand-mère Auria. Des larmes jaillirent de ses yeux.

- Je n’ai pas dit mon dernier mot, grand-mère, chuchota-t-elle. Ils ont semé en moi les graines d’une nouvelle tempête. Mais ils ne le savent pas encore.

La foule à l’extérieur en demandait encore, mais Emalia ne reparut pas. La louve s’était retirée dans sa tanière, le temps de lécher ses plaies. Il lui faudrait du temps pour acérer ses dents et aiguiser ses griffes. Elle prendrait ce temps.

Toute guerre se gagne dans sa préparation…

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