Thann Sîdh
Thann Sîdh
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21.574, 1er semestre • Temple d’Ondéron, roof-top.


Le besoin de réfléchir, de faire le vide, de se retrouver seule s’était imposé à elle, à son corps, comme un engin trop puissant soudainement s’emballerait et emporterait dans une folle course son malheureux pilote. Un bon mois s’était écoulé depuis son entrevue avec le Maître Don. L’appel à la prudence. En avait-elle manqué ? Elle revivait encore la scène. Seïid lui annonçait son départ pour une mission à la dangerosité certaine. L’inquiétude. La peur de ne plus la voir passer le pas de cette porte. Lui avait-elle sauter au cou ou était-ce elle ? L’une et l’autre s’étaient accueillies mutuellement et leurs lèvres s’étaient trouvées dans une évidente union. D’abord, la joie écrasante d’être aimée avait balayé toute forme d’inquiétude puis, le soulagement comme au terme d’un trop long mensonge dont on venait d’être pardonné. Ensuite, elle était partie, malgré tout et il avait fallu réfléchir à ce qui venait de se passer. Elle en était tout à fait persuadée, une nouvelle page venait de s’ouvrir et Seïid, comme elle, n’en éprouverait aucun remord. Pourtant, comme son Maître, elle se savait contre-courant du dogme. Plusieurs fois, ils avaient abordé la question ensemble. A vrai dire, c’était même un étrange leitmotiv qui avait tinté tout au long de l’année écoulée.

Qu’est-ce qui avait pu la pousser à cela ? Ce n’était pas la première fois que son amie allait à la rencontre du danger. La peur de perdre son Maître l’avait-il affecté au point de briser ses dernières résistances ? Non… Alors qu’elle enchaînait les mouvements gracieux de sa méditation, l’idée lui apparaissait clairement. Elle avait vécu cet amour. Elle avait senti, un court instant, toute l’éclatante lumière qu’il y avait à aimer, à se savoir aimer. Elle avait aimé comme son mentor aimait le Chevalier Kayan. Inconditionnellement, infiniment et dans un parfait équilibre. Comment un sentiment si pur aurait-il pu être à craindre ? Elle n’osait pas dire qu’elle aimait comme lui. Dans son cœur, les brasiers n’étaient pas encore alimentés des mêmes souvenirs, des mêmes moments partagés. Leur amour n’était que naissant et il avait cette fragilité émouvante des poupons, il n’était pas encore son solide et puissant gaillard qui, comme chez les deux Jedis, avaient eu le temps de s’épanouir.

Qu’aurait alors dit Maître Don ? Elle ne pouvait le savoir sinon en lui demandant. Le manche se déploya de nouveau tandis qu’elle désactivait la lame, elle le récupéra dans son dos, le fit mouliner autour d’elle, revenir à l’avant, virevolter loin au-dessus de sa tête. Il retomba, elle réactiva la lame, multiplia les écarts et les sauts. Elle devenait une experte dans les principes de méditations actives de Maître Osho – et comme par généalogie de son propre Maître. Elle s’apprêtait à partir dans une nouvelle séquence de katas afin de poursuivre ses réflexions plus avant quand elle sentit, sans même avoir à se retourner puisqu’elle était une Miraluka, la présence d’une consoeur, à quelques mètres d’elle. Elle termina donc ici, reprit sa position de garde, inspira profondément, salua un adversaire inexistant et fit volte-face, entraînant derrière elle des cheveux qui, finalement, avaient gagné leur droit à la longueur – peut-être parce qu’elle lui avait dit aimer jouer avec ?

Thann s’avança tranquillement vers la jeune femme. Lauren. Comme nombre de Padawans du Temple, elle connaissait son nom et prénom pour les avoir au moins lus un jour sur un registre. Pourtant, la Padawane Aresu avait cette aura de mystère supplémentaire. Arrivée sur le tard dans le Temple d’Ondéron, Thann avait alors onze ans, elle avait directement intégré la promotion de la Miraluka qui s’était empressée de se présenter à elle et de lui proposer alors son aide. Son tutorat c’était terminé après quelques mois et, somme toute, l’adolescente en gardait un excellent souvenir. Après quoi, faute de fréquenter les mêmes cercles, elles avaient fini par ne plus se fréquenter, se contentant d’un sourire, d’un bonjour poli, d’un compliment ou d’un encouragement lorsque l’occasion se présenter. Que Lauren vint aujourd’hui la trouver l’intriguait un peu, quoiqu’elle pût tout aussi bien passer là tout à fait par hasard – auquel cas, Thann réfléchirait plus tard à meilleure cachette encore pour ses futures méditations.

« Lauren ! Comment vas-tu ? Je suis contente de te voir ! Qu’est-ce que tu fais là ? Tu me cherchais ? »

Enthousiaste et volubile, même si elle grandissait et s’affirmait dans sa féminité, il y avait chez la Padawane des constantes qui ne semblaient pas devoir muer un jour.
Lauren Aresu
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   Papa,
   Depuis la dernière lettre, je suis revenu au Temple avec maître Vespen. Après Anoat et Arda, ça fait du bien de changer des paysages désolés, ravagés par la guerre. Il y avait tant de morts et pire encore, tant de blessés que je ne pouvais pas aider. Parfois, je pense à leurs familles, quelque part, qui doivent me haïr sans le savoir.
   Enfin, j’en ai déjà assez parlé la dernière fois ! Ça va mieux et j’ai même une bonne nouvelle ! Maître Vespen et moi avons été sur Illum, il y a un mois environ, pour aller chercher mon cristal. Enfin ! Il est magnifique. Bon, j’ai dû traverser des pics de glaces qui ont failli me percer de trous, continuer dans de vertigineuses salles remplies de secrets, mais je m’en suis sortie !
   Dernièrement, nous n’avons pas bougé du Temple, aucune mission, rien. Uniquement de l’entraînement doux, mon maître et moi visitons toujours de temps en temps l’infirmerie où soigneurs et psychologues nous « forcent » à parler. Tout va bien dans ma caboche, apparemment !
   Je pense que je vais m’arrêter là, je dois t’ennuyer à force de te raconter ma vie en long, en large et en travers, mais… c’est difficile de connaître la tienne et de m’y intéresser. Comme d’habitude, j’espère que tu es en sécurité et que nous nous retrouverons un jour.
   Je t’aime.
   Lauren.


   Le tapotement des doigts sur l’écran du datapad s’interrompit. Le silence envahit la petite chambre de la jeune padawan. D’un geste, elle déplaça le fichier qu’elle venait d’écrire dans un dossier appelé sobrement « lettres à papa ». Jamais elle n’avait pu lui envoyer quoique ce soit, elle ne possédait aucune coordonnée, physique ou numérique, pour le contacter. Elle continuait cependant, semaine après semaine, de rédiger ces lettres. Peut-être lui transmettrait-elle le jour où ils se retrouveraient, quand les pleurs l’empêcheront probablement de lui parler correctement.

   Elle jeta un oeil au coin supérieur droit du datapad. 13h51. L’Echani haussa les épaules, résignée. Le service du repas terminait dans dix minutes et la cantinière taciturne ne lui ferait aucune faveur. Elle éteignit l’appareil, le rangea dans le chevet et s’éclipsa de la pièce à pas feutrés, glissant avec légèreté sur les tapis du couloir avant que ses enjambées ne résonnent dans le vaste hall aux hauts plafonds. Elle baissait le regard vers sa ceinture à intervalles réguliers et tendait la main pour vérifier la présence de son nouveau sabre, qu’elle sentait pourtant. Sa valeur sentimentale le rendait déjà inestimable à ses yeux, symbole d’une partie de sa réussite auprès de maître Vespen.

   Sous la lumière d’un soleil d’automne au zénith, à peine rafraîchi par une brise qui froissait et tourmentait les quelques feuilles qui n’étaient pas encore tombées des arbres défraichis, Lauren émergea de la cage d’escalier en pierre. La position de cette terrasse, en hauteur depuis le toit de la partie est du Temple, offrait comme à chaque fois toute la splendeur de la végétation d’Onderon aux yeux émerveillés de la padawan. Elle ralentit l’allure, virevoltant à chaque pas d’une pirouette pour s’enchanter de cette vision paisible.

   Une jeune Miraluka à la chevelure rousse qui enflammait son visage fin s’approcha avec célérité avant qu’elle n’ait le temps de comprendre d’où elle venait. Lauren s’étonna, comme à chaque fois, de la précision et de la sensibilité de leurs sens. Elle fronça les sourcils puis les traits de son visage se délièrent, trahissant son égaiement.
   « Thann ? Toi ici ! dit-elle en souriant, déjà bombardée de questions. Je vais… très bien, très bien. Et toi ? Tu profites aussi de la tranquillité de la terrasse avant que je vienne te déranger ? (La plaisanterie décocha un sourire aux deux jeunes filles.) Je ne te cherchais pas spécialement, mais je suis contente de te voir aussi, vraiment ! Ça faisait… (Elle mima le comptage sur ses doigts.) au moins tout ça qu’on ne s’était pas vues. »
   Lauren discerna la moue sur le visage de la Miraluka malgré le bandeau habituel qui lui barrait les yeux.
   « Peut-être te cherchais-je sans le savoir ! Que faisais-tu de beau ? (Et avant qu’elle ne réponde.) Et que deviens-tu ? »
   D’une démarche lente, tout en gardant le visage tourné vers sa jeune amie, elle s’avança vers les barrières protectrices, au bord. C’était avec cette amie qu’elle partageait de nombreux souvenirs. Peu d’élèves avaient remarqué sa présence quand elle était arrivée au Temple et bien moins encore s’étaient tournés vers elle à ses heures les plus difficiles. L’empathie de Thann, durant son tutorat, fut salvatrice pour Lauren.
   Elle s’accouda à la barrière, les bras au-dessus du vide et leva le nez, les yeux fermés. Elle reposa les yeux sur la jeune Miraluka, son visage barré d’un sourire avenant.

Thann Sîdh
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Que faisait-elle ici avant que son amie ne surgît ? Une légère chaleur lui monta aux joues alors que ses pensées se tournaient de nouveau vers l’objet de ses soucis si bien qu’elle espéra de tout son cœur que son corps n’aurait pas fini de chasser les traces de l’effort qu’il venait de fournir, ainsi il cacherait sa gêne.

« Je vais mieux, j’ai eu des passes difficiles mais ça va mieux. J’étais… En train de faire le tri dans pas mal de pensées. Une technique que j’ai apprise auprès de mon Maître, la méditation en mouvements. J’ai enfin réussi à concilier mon incapacité à rester en place et la méditation. C’est extraordinaire ! Il s’agissait de passer discrètement à autre chose. Je suis aussi heureuse de te voir ! Tu es gentille en n’utilisant que les doigts d’une main… J’ai l’impression que nous nous sommes quittées bambins et que nous voilà presque vieillardes maintenant ! Elles rirent. Qu’est-ce que je deviens ? Pfiou ! »

Elle se passa une main dans les cheveux, souffla un grand coup pour faire comprendre tout les événements qu’elle avait à conter et soudain, un rugissement tonitruant émana de son propre corps : son estomac s’insurgeait à l’idée de repousser davantage, et pour une durée déterminée et bien trop longue, l’heure du repas. Elle sourit de plus bel.

« Je crois que c’est l’une des transformations les plus importantes depuis qu’on ne s’est vu : je me suis transformée en rancor ! Toujours affamée ! Elle mima le monstre. Tu m’accompagnes ? On aura tout le temps de discuter en mangeant ! Et puis, quand j’aurai chargé ma bouche, ça te laissera tout le temps de répondre ! »

Certes, le contact avec le Chevalier Karm avait quelque peu tari la volubilité de son élève mais cela ne valait que lorsqu’il s’agissait d’interagir avec quelqu’un d’autre qu’une connaissance qu’elle qualifierait volontiers de post-karmienne. Avec les amies de toujours, le naturel revenait chez elle aux triples galops et – comme par compensation de tout ce qu’elle ne disait pas avec son mentor – les vannes s’ouvraient béantes et des flots de parole cascadaient alors sur ses interlocuteurs. La nourriture seule était capable de placer des rochers suffisamment massifs face à ces flots pour les briser et les endiguer.

Lauren accepta sans se faire prier, il faut dire qu’elle lui avoua n’avoir toujours pas manger non plus, elles prirent donc le chemin du réfectoire et la jeune Miraluka profita des couloirs pour entamer le résumé de ces deux dernières années de vie.

« Alors… Pour te la faire brève et sachant que tu dois déjà être au courant de l’aile sous laquelle je me suis lovée – ça me fait rire d’imaginer mon Maître avec de grandes ailes de poulet – j’ai redémarré ma carrière de Jedi avec un certain panache. Nous avons d’abord visité des mondes que nous croyions vides – pour finalement y découvrir des tentatives d’extractions de minerais illégales – nous avons démêlé des histoires politiques sur Pakuuni et… Moment assez compliqué pour moi, nous avons participés à la défense de Columnex. Là-bas, j’ai vu Kolin. J’imagine que tu le connais au moins de vue, il était de notre âge. L’Ordre le pensait mort mais… Il s’est perdu en réalité. Là, nous nous sommes retrouvés à devoir attaquer un vaisseau amiral – rien que ça.

Je ne vais pas te mentir, le retour a été très difficile mais j’ai su reprendre du poil de la bête et regagner les étoiles avec mon Maître. Ilum, découverte d’Endalda – c’est le petit nom de mon cristal –, fabrication de ma lance-laser, accident de mon Maître sur Coruscant – il a essayé d’arrêter une lame avec ses abdominaux en cortosis – et voilà… Ah oui ! Et tu auras remarqué que Bouteboute fonctionne encore et aurait bien besoin d’un p’tit coup de peinture histoire de le rajeunir. »


Curieusement, le sifflement indigné auquel elle s’attendait fut en réalité un accord : lui-même semblait avoir le besoin d’une nouvelle coupe de cheveux, si on pouvait le dire ainsi. Alors qu’elles entraient de concert dans le réfectoire, déjà pratiquement vide puisque la plupart du Temple avait déjà mangé, Thann se tut enfin et conclut :

« Et toi ? La vie avec Maître Vespen ? A quoi ça ressemble ? »
Lauren Aresu
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  Concilier méditation et incapacité à rester en place ? allait-elle s’étonner. Thann ne lui en laissa guère le temps. Elle n’en sut pas plus quant à ses « passes difficiles ». De pirouettes en pirouettes, figuratives, elle coupait l’herbe sous les pieds de Lauren. Il semblait à la jeune Echani que ses réponses avaient du retard, comme des messages lancés sur l’Holonet n’arrivant à leurs destinataires que plusieurs jours après ou n’accusant aucune réception. Elle décela aussitôt un moment opportun !

  « Presque vieillardes ? répondit-elle, nasillarde. Nous sommes de l’âge, à moins que ton corps tout frêle ne cache celui d’une grand-mère ? Tu me caches des choses ? Maître Marja ? demanda-t-elle, chuchotant sur le ton de la confession. »

  Elles en rirent à nouveau. Leur fortuite rencontre se muait en retrouvailles. Thann ne changeait pas, toujours explosive, vive et bavarde. Thann, c’était un petit baume sur les cœurs meurtris.
  Rappelées à l’ordre par leurs ventres affamés, elles s’échouèrent bientôt dans le réfectoire récemment déserté. Les deux jeunes filles s’assirent, bras croisés sur les tables de bois. Un bois qui n’était plus si joli, gribouillé d’écritures et de dessins, gravés à même la matière. En un sens, c’était une sorte d’archive des padawans successifs qui, malgré l’intransigeance de l’Ordre, avait laissé leur trace. Dans un coin, elle discerna même le Code Jedi !

  Thann n’eut qu’à peine le temps de conclure son récit qu’une femme de large stature, tablier enroulé sous le bras, s’approcha d’elles. Elle semblait grande, bien plus grande que les deux padawans ou bien était-ce parce qu’elles étaient assises ?

  « Eh bien les loustiques, qu’est-ce que vous faîtes à vous installer ? »

  Au ton qu’elle usa, Lauren reconsidéra le « taciturne » pour « maussade ».

  « Oui, nous sommes désolées, on étudiait et on n’a pas vu l’heure… devança Lauren avant que Thann n’intervienne.

  — C’est pas la première fois que vous arrivez en dehors des créneaux humains, demoiselle, que je vous prends à cette heure. Qu’est-ce que j’ai dit, la dernière fois ?

  — Que c’était la dernière fois, répondit-elle, penaude. »

  Sous son coude qui s’était levé dans un geste d’impatience, le tablier se déroula. Elle grommela, le pris entre ses mains et s’attarda à le rouler à nouveau. Toutes étaient silencieuses. Lauren baissa un œil vers Thann. Jurait-elle que la jeune Miraluka décochait un sourire, entre ses lèvres pincées ! Finalement, l’immense cuisinière brisa le silence.

  « Bon, je reviens. Pour cette fois, j’accepte encore. Je vais vous chercher les restes. Que je vous y reprenne plus. »

  Repartant d’où elle venait, l’Echani l’entendit parler seule comme si elle se sermonnait d’avoir cédé à deux garnements.

  « De quoi parlais-tu déjà ? reprit Lauren. Ah ! Oui. Eh bien… Tu n’as pas eu des aventures faciles, Maître Karm semble intransigeant. Et puis, un vaisseau-amiral ?! Et Kolin… Je ne m’en souviens guère. Quand est-il mort ? Enfin, mort… Je suis désolé. » Elle accompagna son excuse d’un signe de tête contrit. « Curieusement, je me souviens pas beaucoup de lui… Il me semblait gentil, attentionné à l’époque. Peut-être un peu perdu, mais j’étais perdue aussi. J’espère que tu t’es bien remise. Tu as l’air en forme, mais la forme n’est pas uniquement physique. »

  Elle releva le nez, penchée qu’elle était sur ses doigts qui s’entrecroisaient sous la table, dans le silence de Thann. La cuisinière, de sa démarche pesante, revenait, une assiette dans chaque main. Elle les déposa et s’en fut, sans mot dire.
  De la viande bouillie occupait la moitié de l’assiette, agrémentée d’une copieuse jardinière de légumes. Leurs plats étaient fournis et Lauren remercia la cuisinière de ne pas s’être vengée sur la ration. Son ventre continuait de la houspiller. Une grimace de dégoût barrait le visage de Thann qui d’une main résignée, sépara la viande des légumes et commença à piocher dans ceux-ci.

  « Et toi, et toi ? Maître Vespen ? relança Thann.

  — Oh, pardon. Bon appétit ! Oui Maître Vespen. Elle est géniale. C’était pas gagné, t’aurais dû voir l’observation, quand les maîtres sont venus nous rencontrer. Brr, oublions. Elle m’a quand même donné une chance et depuis… on n’arrête pas ! commença-t-elle entre deux mâchouillements de viande. »

  Des premiers entraînements jusqu’à aujourd’hui, Saery et Lauren avaient bien bourlingué. Anoat et Arda. Des deux destinations, elle ne gardait qu’un souvenir glaçant, loin de ne concerner uniquement la neige omniprésente de la première planète. Elle appréhendait d’ouvrir les vannes d’un barrage qu’elle avait construit petit à petit et de ne pas parvenir à les refermer ensuite. Lauren s’aperçut du silence qui s’était installé, alors qu’elles dévoraient leurs assiettes, pensives.

  « Eh bien, notre première aventure avec Maître Vespen, c’était… Anoat. On s’est retrouvé, accompagné d’un Kaleesh nommé Zerath Ula-je-sais-plus super bizarre, sur cette planète pour enquêter sur des accusations. D’abord dans une mine de travaux forcés où… je t’épargne les détails des conditions. Puis dans la capitale. »

  Elle laissa à Thann le temps d’assimiler et d’avaler la fourchette qu’elle venait d’enfourner à pleines dents. Lauren se souvint de l’homme qu’ils avaient secouru, écorché de partout, les pieds sanguinolents. À ses cris ne succédaient que ses sanglots comme s’il avait perdu l’usage de la parole. Un animal eût mieux été traité. Elle avait même été contrainte de l’endormir pour qu’il trouve enfin un semblant de paix. Le petit groupe qu’ils formaient n’avait pu extraire que lui, alors que d’autres souffraient tout autant et, à l’heure actuelle, demeuraient toujours dans cet enfer.

  « Je me souviens d’un prisonnier, ombre de lui-même et de son espèce. Tu sais Thann, le pire n’était pas de voir son état, mais de savoir que des centaines, des milliers peut-être, souffrent aussi et que nous n’avons pu rien faire là-bas… »

Elle reprit aussitôt.

  « Bon ! Ensuite, nous sommes partis vers Arda. C’était pas très accueillant non plus, de l’infiltration et de la survie aux abords d’une base impériale suspectée d’abriter des recherches sur une arme biologique. On a fini sous les décombres, après un bombardement et Echktor et moi… Tiens, Echktor, tu te souviens de lui ? Nous avons dû exfiltrer le bâtiment (elle mima des guillemets de ses doigts), maître Vespen inconsciente. C’était vraiment… Franchement, si c’est ça être Jedi, je préfère rester au lit ! »

  Elle rit franchement. C’était franc, mais ce n’était pas un rire débordant de joie. Plutôt un rire plaintif, une fuite.

  « Oh et, regarde ! »

  Lauren déposa sur la table son nouveau sabre laser, d’un geste doux. Sa poignée lui semblait déjà si familière, son cliquetis aussi.

  « Félicitations pour ton sabre ! J’ai aussi le mien, on a été cherché le cristal sur Illum. Mais je n’ai pas donné de nom au mien… (Elle baissa les yeux vers l’assiette de Thann.) Tu n’aimes pas la viande ? Oh oui, je me souviens. Je peux en prendre ? »

Thann Sîdh
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La plupart des cantines de la galaxie avaient depuis longtemps fait le choix de l’entière robotisation. Au sein du Temple Jedi, la tradition voulait que l’on préférât recourir chaque fois, pour les tâches qui ne risquaient pas de nuire à la santé de celle ou de celui qui l’effectuait, à des êtres sensibles plutôt qu’à des machines. Certes, cela représentait un budget éminemment plus colossal mais au moins, nombreux étaient ceux qui avaient trouvé dans le Temple une activité pérenne et le cadre idéal pour prendre soin de leur famille.

Ce contact sensible, c’était ce qui permettait également de tricher avec les normes pour les padawans les plus tête ne l’air. Dans leur situation, un droïde aurait simplement fait savoir aux jeunes filles que l’heure du repas était passé et qu’elles étaient cordialement invitées à repasser à partir de 18h30, heure d’Iziz, pour le dîner. Alors, poussée par la fin, Thann eût certainement fait ses premiers pas vers le Côté Obscur en cédant à sa colère, dévastant le pauvre être électronique à la pensée alphanumérique et pillant, à grands coups de sabre-laser, les réfrigérateurs de la cantine. Heureusement, elles n’avaient pas eu affaire à un être insensible.

L’évocation des mines que Lauren avait parcourues fit immédiatement remonté le souvenir des égouts de Columnex, engorgés par les cadavres des habitants de la ville, le tuyau qu’ils avaient dû remonter à quatre pattes dans le sang, les eaux usées et les ordures, l’odeur de la mort. Un voile passa sur son visage mais emporté dans son propre discours, son amie ne sembla pas le remarquer avant que la Miraluka ne le chassât. Vu l’étrange rire de Lauren, d’ailleurs, il semblait qu’elle n’était pas la seule padawane à traverser des moments difficiles.

« Bien sûr, prends. Ce serait dommage qu’elle soit gaspillée. »

Son végétarisme n’était pas rigoriste et surtout, il n’était pas prosélyte. Outre les espèces sensibles qui, du fait de leur évolution, ne pouvaient être autre chose que carnivore, il y avait aussi simplement la question de son rapport singulier au monde. Elle sentait le vivant et les êtres comme peu d’espèces le pouvaient, étaient-ils dès lors étonnant qu’elle conçût une vision de son être au monde singulier qui n’avait pas vocation à s’imposer à d’autres ? Alors que le silence s’installait et qu’elle devait laisser ce qu’elle avait commencé d’engloutir descendre un peu vers son estomac, la petite rousse embraya sur sa camarade.

« C’est que… J’ai trouvé mon cristal de façon fort singulière et lui-même est pratiquement unique en son genre. Il s’agit d’ambre, non de minerai, et pas n’importe quel ambre, de l’ambre de Neti. J’ai trouvé le lieu de repos d’un ancien Maître Jedi, dans les cavernes d’Ilum, et il m’a fait ce présent. C’est une partie de lui et j’ai trouvé évident qu’elle devait être nommée.

Enfin… Maître Karm n’est pas si intransigeant… à vrai dire pas du tout. Il est exigeant, ça… Il attend beaucoup de moi, que je m’entraîne ou que je médite, que j’exerce mon esprit aux choses de l’ingénierie ou que j’étoffe mon polyglottisme. Mais il a bon cœur, ne me garde jamais rancune de rien, a certainement l’un des esprits les plus ouverts du Temple actuellement. Il a une vision de la Force, de l’Ordre, de nous très atypique – même exotique par certains aspects – mais finalement je me suis étonnée à m’y retrouver assez naturellement. Il a brisé mon rigorisme juvénile, il m’a laissé exprimer mes doutes, mes incompréhensions et m’a aidé à me réapproprier les concepts Jedi tout en étant plus en harmonie avec ma propre nature. Je l’aime beaucoup, nous sommes très proches et même si j’en ai souffert récemment, je ne regrette rien.

Tu as quelque chose de prévu aujourd’hui ? On m’a laissé ma journée, mon Maître est occupé à rencontrer Maître Don, de fait… Si tu veux que nous fassions quelque chose, je suis tout prête à accepter. »


Proposa-t-elle en souriant avant de recommencer à se remplir le corps de tout ce qu’il n’y avait pas de carné dans son assiette.
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