Emalia Kira
Emalia Kira
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Je t'aime. Dis aux enfants que maman n’a peur de rien, jamais.

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- Hum, Madame Kira ? Vous n’avez pas le droit d’utiliser d’appareils numériques à partir de maintenant. Veuillez me remettre ce datapad.
- Oh, bien sûr.
Et pense à récupérer ton costume au pressing. Bisous.

Emalia patientait depuis près d’une demi-heure dans le long couloir lumineux qui conduisait à la salle d’audience où elle serait jugée. Elle remit au policier l’appareil avec une mine de regret. Elle espérait que Jake éloignerait Ethan de l’holovid. Il était inutile qu’il la regarde se faire insulter, à son âge. Elle sentait ses genoux tressauter sous sa longue robe sombre, et se maudissait intérieurement de ce trac qui lui semblait absurde. N’avait-elle pas fait maints discours entendus par des milliards d’êtres ? N’avait-elle pas bravé la honte de la trahison devant les plus grands médias galactiques ? N’avait-elle pas tenu tête plus d’une fois à un Sénat enragé contre elle ? N’avait-elle pas foulé des ponts de commandement au beau milieu de batailles désastreuses ? N’avait-elle pas soutenu les assauts psychologiques de l’Impératrice Ynnitach elle-même… Et tout cela, pour avoir peur d’une poignée de juges et de jurés ! Cela n’avait aucun sens. Elle ne cessait de se répéter qu’elle avait fait son devoir : combattu leurs ennemis, sauvé sa planète. Si la République lui avait fait confiance, elle aurait poursuivi le combat au-delà de leurs espérances… Mais ce n’était pas le cas. Néanmoins, elle pouvait être fière.

Emalia coula un regard vers les baies vitrées qui déversaient dans le couloir la lumière du petit matin, éblouissant, de Coruscant. Elle aperçut son reflet sur le vitrage : sa tenue était une robe sombre, sans fioriture. Pas de bijou. Des cheveux en chignon, un maquillage réduit à l’essentiel. Qu’elle était loin, la jeune Reine Kira qui se lançait à l’assaut du monde, revêtue de ses plus luxueux atours, de ses sourires les plus charmeurs… Elle avait traversé un mandat, et ce faisant tout le superficiel s’était arraché pendant les épreuves, pour ne plus laisser que sa personne, sans apparat. Elle s’en rendait compte seulement aujourd’hui : c’était ce qu’il y avait en elle qui avait fait la différence. Sa personnalité, sa détermination, sa naïveté parfois. Mais jamais son titre, ses possessions, ses relations haut placées. Et ce qui serait jugé ce jour, ce serait cela aussi : la sincérité de sa démarche, l’idéal poursuivi, les moyens qu’elle avait cru bon employer.

- Madame Kira, le Président de la Cour Suprême vous invite à entrer.


La remarque la tira de ses pensées, et elle abandonna à regret la contemplation de son image, pour aller se confronter à celle qu’allait lui renvoyer d’elle-même, probablement, une horde de journalistes et d’accusateurs déchaînés.

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-------A peine avait-elle mis un pied dans la grande salle d’audience que les flash crépitèrent avec frénésie. Pendant quelques minutes, elle n’arriva même pas à distinguer son environnement. Puis ses yeux s’habituèrent, et elle discerna en face d’elle une estrade sur laquelle un bureau trônait. Le Président de la Cour Suprême était un bothan à la fourrure argentée qui trahissait son âge avancé. Ses petits yeux perçants brillaient d’une drôle de lueur tandis qu’il la suivait du regard. Emalia était escortée de deux grands gaillards jusqu’à sa place, qui lui fit tourner le dos aux gradins emplis de monde à qui elle n’accorda pas un regard – à quoi bon rencontrer les yeux de ses ennemis ? Elle les sentirait sur sa nuque tout le long du procès, de toute façon. Il y avait aussi peut-être des alliés. Elle espérait que la capitaine Terressi était présente : c’était devenue sa plus fidèle amie, depuis quelques temps. Les dernières opérations les avaient considérablement rapprochées.
Autour du juge, trois autres individus – une humaine qui pianotait sur un datapad, un togruta au visage rond, bienveillant, et un bimm dont le visage ridé et grisonnant, doté de lunettes rondes, dépassait à peine du bureau de bois massif à laquelle il était accoudé. Enfin, de chaque côté, deux rangées d’individus étaient assis, d’âges et d’espèces diverses. Emalia ne reconnut aucun visage, mais elle repéra immédiatement une bure de jedi. Leur absence aurait été surprenant : cette fois-ci, elle saurait enfin si l’Ordre avait décidé de maintenir entre eux la paix relative qu’ils avaient entretenu ces dernières années, ou bien s’ils aideraient ses ennemis à porter contre elle et la monarchie d’Ondéron un coup fatal. De l’autre côté, en revanche, elle reconnut immédiatement Lana… Ex-ministre de son gouvernement… Nouvelle ministre de celui de Grendo. Elle ne faisait pas confiance au neimoidien, encore moins depuis le discours qu’il avait prononcé lors de la cérémonie d’investiture à laquelle elle ne s’était évidemment pas montrée, mais sa surprise de voir Lana dans ce gouvernement l’avait ébranlée. Son alliée de longue date préservait-elle simplement sa place dans la pyramide politique, ou bien conduirait-elle une démolition de leur ancienne alliance ? Ses espoirs envers l’umbaranne étaient probablement les plus grands.
Non loin de Lana Anthana, il y avait une autre umbaranne : la reine Keto, elle aussi dans le nouveau gouvernement. Emalia n’avait aucune idée de la position que cette femme tiendrait, mais cela en dirait long sur la position du gouvernement aux yeux des médias. Les deux femmes avaient dû accorder leurs violons ; du moins Emalia s’y attendait, car il ne serait pas judicieux de montrer dès le début de ce nouveau mandat des divergences de point de vue. Il fallait espérer que Lana ait eu plus d’influence sur la reine Keto que le contraire. Enfin, parmi les sénateurs, elle reconnut également Qademanda. Elle n’avait jamais particulièrement apprécié cet être qui lui inspirait une certaine méfiance, mais elle devait reconnaître que ses propos au Sénat avaient toujours été équilibrés. Sa présence n’était pas forcément un point positif…

De brusques coups retentirent et firent sursauter l’ancienne Chancelière. Le Bothan en toge noire s’était levé et demandait le silence. Les gardes durent faire des signes supplémentaires pour calmer quelques journalistes qui tentaient de s’approcher trop près de la scène. Puis le Président s’éclaircit la gorge – un petit dispositif lévitait à ses côtés, et agissait comme un microphone.

- En ce jour du 28 welona 21.573, en qualité de Président de la Cour Suprême de la République, déclare ouverte l’audience visant à juger madame Emalia Kira, Reine d’Ondéron, Chancelière Suprême de la République Galactique de 21.569 à 21.573. Les juges Rozim Hass, Mu Shutza, Brab Pamro, ainsi que moi-même, Vebrast Mun’quan, dispenseront la Justice dans le respect des lois républicaines et des droits des espèces intelligentes à accéder à un procès équitable. Nous jurons sur l’honneur de notre absence de liens personnels ou professionnels avec l’accusée ou les parties civiles. Avant de lister les chefs d’accusation retenus contre Madame Kira, je rappellerai que nul n’est autorisé à prendre la parole ou intervenir de quelque façon que ce soit sans y avoir été expressément invité par les juges. En cas de perturbation de l’audience, celle-ci sera reportée. Monsieur Hass.

Le silence total s’était fait dans la grande pièce. Emalia se sentait minuscule, mais elle s’efforçait de se tenir la tête haute. Elle identifia immédiatement monsieur Hass : c’était le Bimm qui s’était levé pour apparaître plus visiblement au-delà du bureau. Celui-ci aussi était aidé d’un dispositif sonorisé pour se faire entendre. Sa voix était aiguë, incisive. Il ne quittait pas des yeux un dossier estampillé confidentiel.

- Bien. Je vais commencer par un rappel des faits. Le 4 Telona de l’année 21.570, alors qu’est toujours considéré en vigueur le Traité d’Artorias, dont les dispositions impliquent, je cite, que la République s’engage à reconnaître l’Empire Sith comme une entité politique souveraine, l’armée républicaine se présente dans le système de Dubrillion. La sortie d’hyper-espace à 21 heures 58, heure centrale de Coruscant, sous le commandement et en présence de la Chancelière Emalia Kira en personne, provoque une violation du territoire impérial. A 22 heures 42 sont enregistrés les premiers échanges de tirs entre les flottes impériales et républicaines. L’Ordre Jedi, grâce à la présence de Maître Gabriel Fyëlen au sein de la flotte républicaine, a pu certifier que les premiers tirs ont été portés par la flotte impériale, qui a identifié la présence de ces vaisseaux ennemis comme représentant une menace imminente. Néanmoins, si l’Ordre Jedi a participé à toute la bataille en soutien à la République, ils ont également signalé n’avoir pas été informés en amont des plans de la Chancelière Kira et des officiers de l’Etat-Major, auteurs de la planification stratégique de l’opération. Leur présence à bord aurait été purement fortuite, dans le cadre d’une collaboration habituelle entre militaires et Jedi.

Des murmures agitaient la salle, mais Emalia se concentrait sur sa respiration. Elle restait calme. C’étaient les faits, elle ne nierait rien. Elle n’avait pas pris d’avocat. Elle présenterait son point de vue, elle aussi de façon factuelle.

- La bataille a conduit à des pertes civiles et militaires de l’ordre du million de décès, et de milliards de pertes en termes économiques. Les estimations ne peuvent être plus précises en raison des batailles antérieures connues par la planète, et la rupture administrative locale. A l’issue de l’affrontement, remporté par la République, la Chancelière Kira annonce que Dubrillion est libre de son sort, et qu’elle restera donc neutre plutôt que de l’enjoindre à rejoindre la République. Dubrillion émet en effet le souhait de rester neutre et détachée du conflit républico-impérial à l’avenir. Le Sénat, porté par une voix majoritaire de sénateurs, accuse la Chancelière d’avoir déclaré la guerre à l’Empire sans son aval. En effet, en vertu de l’article 22, paragraphe 4, de la Constitution de la République Galactique, je cite, l’état de guerre est déclaré par le Sénat. Selon l’article 15 du même texte, premier paragraphe, les déclarations de guerre et les traités de paix sont ratifiés en vertu d’une loi donc une déclaration de guerre doit être votée par le Sénat. Dans ce même article, il est également précisé que le gouvernement central informe le Sénat de toute intervention militaire hors du territoire de la République. Or, le Sénat a été informé de la présence des bâtiments militaires dans le secteur de Dubrillion seulement après leur arrivée. En conclusion, les chefs d’accusation portés à l’encontre de Madame Emalia Kira sont au nombre de deux : violation de la Constitution de la République Galactique, et crime contre la paix.

Les murmures s’étaient intensifiés. Emalia sentait cette fois la tension monter. Son estomac lui semblait si nouer qu’elle se demandait si elle allait pouvoir se lever et défendre son cas. Mais elle savait qu’une fois debout, la juste colère qu’elle ressentait guiderait ses paroles. Elle savait que son tour allait venir, elle avait croisé le regard dur du juge Hass. Elle n’y décela ni haine, ni empathie. Il avait l’air indifférent, juste soucieux du respect de la procédure.

- Merci, monsieur Hass. Madame Emalia Kira, vous n’êtes pas accompagné d’un avocat pour vous défendre, et avez demandé à présenter votre défense personnellement. Nous vous laissons la parole.

Ça y était, c’était son tour. Elle opina vivement du chef pour montrer qu’elle avait compris. En se levant, le grincement de sa chaise lui sembla absurdement fort. Puis elle s’éclaircit la voix. Un petit micro lévitant s’approcha d’elle comme par enchantement. Elle se pencha légèrement pour parler clairement dans le dispositif.

- Monsieur le Président, madame et messieurs les juges, mesdames et messieurs les jurés, je vous remercie de l’attention qui est portée à ma défense. Je sais que votre temps est précieux, et que vous ne tolérerez ni approximations, ni demi-vérités. Je vais donc être concise et vous présenter les arguments qui m’ont conduit à prendre des décisions qui, je le sais, ont été lourdes de conséquences pour l’ensemble de la République, voire de la galaxie, avec les résultats que l’on connaît.

Emalia ferma les yeux un bref instant. Ses lèvres étaient livides, mais elle prit une longue inspiration avant de soutenir à nouveau le regard des quatre juges, tour à tour.

- Lorsque j’ai été élue par les citoyens républicains en 21.569, c’était sur la base d’une promesse : celle de repousser l’Empire, en particulier de défendre les mondes agressés par lui. De faire de la République une entité forte, capable de remettre en cause un traité de paix dont les dispositions étaient absurdes, et nous condamnaient à l’inaction. Je ne vous ferai pas ici la liste des défauts du Traité d’Artorias : chacun d’entre vous peut en lire le contenu à sa guise ; y retrouver ces formules, je cite : payer une somme fixe de 10 milliards de crédits au titre de la reconstruction artorienne, alors que l’Empire était l’auteur de l’attaque. Ou encore, payer une somme forfaitaire de 20 milliards de crédit par mois de retard à compter deux semaines après le début de l'examen du traité au Sénat ; le tout en cédant à l’Empire des dizaines de mondes innocents, sur une décision arbitraire d’un Chancelier Jedi étrangement disparu depuis. Le Traité d’Artorias n’est pas seulement absurde parce qu’il a soumis la République à une entité maléfique, mais parce qu’il a été ratifié dans la crainte, non la raison. Par ailleurs, ce traité a lui-même été bafoué par l’Empire bien avant la bataille de Dubrillion dont nous parlons ce jour ; mais chaque fois, la République a fermé les yeux, et n’a pas déclaré l’état de guerre. Ainsi l’Empire bénéficiait d’un avantage majeur : il pouvait continuer à conquérir, par la force et la violence, les mondes autour de lui, sans être jamais inquiété, car la République avait décidé de se lier les mains pour ne jamais rien y faire. Si les Jedi n’avaient pas été présents des mondes comme Makem Te et Dantooïne seraient aujourd’hui impériaux dans le respect de ce traité.

Du bruit éclata derrière elle, mais la souveraine ne se retourna pas. Le Président appela le silence, et lui indiqua de poursuivre.

- J’ai donc été élue en raison de l’insatisfaction que causait ce Traité d’Artorias. Mais malgré cette élection, il m’était impossible de mener à bien la politique demandée par les citoyens : le Sénat n’arrivait pas à se mettre d’accord sur la fin d’une paix possible, alors même que l’Empire continuait, décomplexé, sa politique expansionniste. Il me restait donc deux choix : regarder l’Empire s’étendre, et le Sénat être incapable de défendre ni les mondes de nos bordures extérieures, ni les mondes neutres. Ou bien, faire en sorte que l’Empire tombe dans un piège qui nous permettrait de l’arrêter. Or, tous ceux qui sont au fait de la discipline militaire savent que l’imprévisibilité opérationnelle est un atout stratégique majeur : en annonçant un vote pour l’état de guerre, nous aurions perdu cet atout qu’est la surprise. Puisque le Sénat ne voulait pas déclarer la guerre, alors nous avons décidé de prendre l’Empire à son propre jeu : il s’agit d’une entité militariste extrêmement agressive, qui risquait à tout moment de réitérer une attaque. Il l’a fait, bien sûr, mais il l’a fait sur le terrain que la République a choisi, en lui tendant le piège de Dubrillion.

Cette fois, des huées se firent entendre et Emalia ne put les ignorer. Ses mains tremblèrent, mais elle éleva la voix plus fort pour couvrir les cris et les injures qui lui parvenaient.

- Je n’ai pas déclaré la guerre à l’Empire sans consulter le Sénat, l’Empire nous a attaqué. Les faits le prouvent. Nous avons informé le Sénat de notre entrée dans le secteur de Dubrillion, certes une fois sur place, mais il n’aurait pu de toute manière s’y opposer. Je n’ai pas violé notre plus grand texte de loi. Je ne vous ferai pas l’affront de vous dire que je n’avais aucune idée des conséquences : j’ai provoqué notre chance, même si la bataille a été très dure. Ce jour, et lors de toutes les batailles qui ont suivi, j’ai été présente sur les lieux même des affrontements. Les stratégies se sont toujours faites en accord avec le chef de l’Etat-Major des armées, et les membres du gouvernement étaient au fait de ces stratégies, et celle de Dubrillion ne fait pas exception. Non, je savais ce que je faisais : j’ai provoqué l’Empire pour qu’il rompe une nouvelle fois le traité d’Artorias, mais que cette fameuse fois, nous étions prêts à le cueillir comme il se devait. J’ai conscience que ce qui m’est reproché, c’est d’avoir porté un coup majeur à une planète qui avait déjà été touchée au niveau de sa population civile et de son infrastructure : à cela je répondrais que la République a respecté les souhaits de Dubrillion, mais que l’Empire a de nouveau attaqué cette planète quelques années plus tard, il y a deux ans seulement, et que la République et l’Ordre Jedi l’ont défendue. Oui, je sais le lourd tribut que j’ai fait payer pour faire reconnaître l’Empire pour ce qu’il était : un voisin agressif, qui ne respecte pas la souveraineté des mondes, et qui serait prêt à ouvrir le feu à la moindre provocation, alors qu’il avait déjà tenté plusieurs attaques sur des planètes neutres et républicaines sous le traité d’Artorias. Je suis prête à me plier à la décision de justice qui sera rendue par la Cour Suprême, mais je ne m’excuserai jamais d’affronter notre pire ennemi : si je ne l’avais pas fait, l’Empire aurait conquis plusieurs planètes depuis. En sortant notre Armée Républicaine de l’impasse folle dans laquelle elle se trouvait, à savoir défendre la République d’un ennemi contre lequel elle n’avait le droit de rien faire, j’ai redonné à la République ses armes, et la capacité de se défendre. Il y a eu des pertes ; je les ai vus, j’étais là. Il ne se passe plus une nuit sans que je repense au survol de Dathomir, aux explosions de Dubrillion, et même aux manœuvres au-dessus de Columex.

Une nouvelle injure fusa. On lui reprochait de mentir, mais c’était pourtant la pure vérité : elle n’avait pas été élevée dans la guerre, la découvrir et avec elle le milieu militaire avait été un choc, mais elle avait tenu bon pour réaliser les promesses qu’elle avait faite aux citoyens républicains ainsi qu’à son peuple. Elle ne regrettait dans les faits aucune de ses décisions, même s’il y avait bien des nuits où elle sentait tout le poids des morts qu’elle avait provoqué.

- En ce qui concerne le deuxième chef d’accusation : crime contre la paix. Si pour vous, la paix, c’est rester au chaud, en sécurité, pendant que les mondes voisins sont attaqués, asservis, parfois gazés par une entité politique guerrière, et faire comme si tout cela était normal, acceptable… Alors oui, c'est cela : j’ai commis un crime contre la paix. Mais je dois vous dire : ne rien faire, ç'aurait été un crime contre la vie.

Nouveau brouhaha. Le Président dut réutiliser son maillet pour ramener un semblant de silence.

- Madame Kira, veuillez vous rasseoir. Nous allons maintenant appeler témoins et experts pour s’exprimer. Nous vous prions de présenter les faits, dans leur plus transparente vérité.


Toute l’attention se porta sur les rangées à gauche des juges. Qui allaient-ils appeler en premier ?

Invité
Anonymous
Le procès tant attendu allait finalement commencé. La fameuse épée de Damoclès qui avait pendu au dessus de la tête d'Emalia durant toute la seconde partie de son mandat de Chancelière. Ce moment que beaucoup attendaient pour régler les comptes, comme des enfants puérils attendraient la fin de l'école pour lancer la bagarre. Et visiblement, Lana y avait été conviée. Probablement en tant que témoin, en sa qualité d'ancienne vice-chancelière du gouvernement Kira. Même si elle ne savait pas trop ce que l'on attendait d'elle. Les gens pensaient-ils qu'elle allait enfoncer Emalia un peu plus, rejoignant la meute de ses accusateurs ? Tout le monde semblait vouloir sa peau. Grendo le premier.

Du coup, rien que pour l'emmerder, elle avait décidé de défendre Emalia.

Cela lui apprendrait à lui faire des coups bas en l'incorporant de force dans le nouveau gouvernement. S'il croyait que lui donner un poste officiel allait la forcer à rentrer dans le rang et ne pas trop faire de vagues, il se mettait le doigt dans l’œil. Lana avait encore des griffes, et comptait bien les sortir. Elle allait lui montrer qu'elle bénéficiait toujours d'une marge raisonnable de manœuvre, et de la volonté de nuire. Bien sûr, elle se devrait d'être particulièrement subtile, pour ne pas qu'on l'accuse de saborder le gouvernement. Elle marcherait sur un fil politique dangereux... Et c'était d'autant plus excitant. Lana ne s'épanouissait jamais autant que dans l'adversité.

Il y avait bien une autre raison. Depuis le départ de Tess, Lana se sentait seule. Terriblement seule, et meurtrie psychologiquement. A tel point que cela se ressentait physiquement. Bien qu'elle le camoufla habilement, ceux qui la connaissait suffisamment pouvait la voir en petite forme, comme si elle était malade, émaciée et apathique. Le lien qui l'unissait à Emalia, cette sorte d'amitié qu'elle avait patiemment cultivée (certes à but totalement intéressé) ne pouvait pas disparaitre. Cela lui faisait mal de l'admettre, mais elle refusait de le perdre. C'était une sensation détestable. Elle n'aurait jamais dû s'attacher à d'autres personnes en premier lieu, cela avait été une grossière erreur.

Emalia s'avança, seule au milieu de l'arène, et commença à assurer sa défense seule. Probablement ne souhaitait-elle pas d'avocat... Elle avait suffisamment de verve à revendre pour argumenter en sa faveur, comme elle le prouva bien vite. Même si elle doutait que cela puisse suffire en l'occasion, comme le prouvait l'agitation grandissante du public. C'était donc probablement là qu'elle devait intervenir... Heureusement, elle fut la première qu'on appela à témoigner. Probablement parce qu'elle était la collaboratrice la plus proche de l'ancienne chancelière. Mais que pouvais bien attendre les autres de son témoignage ? Le premier clou enfoncé dans le cercueil d'Emalia ? Elle entendit un grésillement indiquant que le micro de sa place avait été activé, et se leva pour qu'on sache qui prenait la parole.


- Je suis Lana Anthana, sénatrice de Kuat, débuta-t-elle. En tant qu'ancienne vice-chancelière, nommée après la crise de Dubrillion, je pense avoir eu une vision précise des actions et des volontés d'Emalia Kira.

Elle était un peu incertaine de la marche à suivre. Son expérience des procès se limitait au banc des accusés...

- J'atteste sur l'honneur qu'Emalia Kira n'est jamais allé à l'encontre des intérêts de la République ou de sa population. Malgré toutes les critiques politiciennes qu'on a pu lui opposer, l'ancienne chancelière à toujours œuvré pour nous tous. Elle a pris les décisions qui s'imposaient sur l'instant, sachant pertinemment ce qui pourrait lui arriver pour son audace. Elle savait que cela représentait peut-être son propre sacrifice pour le bien de la République.

Elle espérait en avoir surpris plus d'un. Grendo en particulier. Lana souhaitait se venger qu'il lui ait forcé la main, d'une façon ou d'une autre.

- Je ne suis malheureusement pas une experte dans le domaine des lois galactiques relatives à la guerre et à la paix, mais regardons les choses du point du vue du résultat, voulez-vous ? La chancelière Kira a hérité d'une position bancale à son investiture, résultant du traité d'Artorias. Un traité qui laissait la République dans une position de faiblesse, et pour ainsi dire aucune marge à la négociation. Un traité qui laissait les mains libres à l'Empire, qui ne se serait pas gêné pour démanteler notre mode de vie pièce par pièce... Et, alors que son mandat prend fin, elle laisse derrière elle une République plus forte, qui rentre dans une nouvelle phase de négociations pour la paix avec les Siths. Des négociations sur un pied d'égalité, parce que nous avons montré notre force afin qu'on nous prenne au sérieux. Une chance pour obtenir de vrais résultats sur le long terme, une paix stable.

Et ce serait à elle de négocier avec l'Empire. Vaste plaisanterie dont elle semblait être la principale victime.

- Certes, il y a eu de nombreux morts et dégâts avant cette période. Mais, si la traité d'Artorias avait été respecté, si l'Empire avait pu encore plus se renforcer sur notre dos consentant, qu'aurions-nous perdu ? Les escarmouches d'une paix précaire, les assauts des Siths sur des planètes neutres, voire Républicaines après avoir constater notre faiblesse... En votre âme et conscience, jugez si cela n'aurait pas été pire, s'il ne valait mieux pas crever l'abcès tout de suite avant que l'infection ne se propage. Personnellement, je juge qu'Emalia a sauvé des vies sur le long terme en imposant notre force et en ramenant l'Empire à la table des négociations, sur un pied d'égalité.

Des voix s’élevèrent également contre elle. Il y aurait des irréductibles, c'était sur...


- Pour ceux qui se disent qu'il y avait d'autres méthodes, que la chancelière Kira avait d'autres moyens... Elle n'en avait pas. Notre système politique n'était clairement pas prêt pour réagir avec suffisamment de diligence à ce genre de problème. Je vous rappelle que c'est une des promesses du nouveau gouvernement que de réformer la politique pour contrer ce problème, qui existe donc bel et bien. Pourquoi peut-il se permettre de faire cela ? Parce que les actions de l'ancienne chancelière lui en ont donné le temps, et les moyens. Jugez cette femme, et découragez donc tous les futurs audacieux qui voudraient agir dans le bien de la République.

Elle termina là dessus, et se rassit calmement. Ses yeux étaient fatigués, et un peu inquiets. Heureusement, personne ne pouvait les voir derrière les épais verres fumés qu'elle portait pour protéger ses délicats yeux umbarans, si sensibles à la lumière crue de la salle de tribunal.
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Anonymous

Une chance sur des centaines de milliards et surement plus. Et il fallait que cela tombât sur lui. Raimee était déconfit. Voilà une semaine qu'il venait d'apprendre la nouvelle et il ne s'y faisait toujours pas. Mais être nommé juré n'était pas le pire. Le pire, c'était la façon dont il s'était auto-persuadé de ne pas décliner l'invitation. Son maître le connaissait mieux que quiconque et lui avait suggéré à maintes reprises de ne pas y aller, que son "jeune orchide" n'aimait pas la politique et qu'à ce procès, on ne parlerait que de çà. Et rien que pour le contrarier, Raimee avait laissé filer la date butoire de rétraction légale du blablabla blablabla en vertu du blabla blabla... le pire était l'air satisfait de son vieil ithorien de maître, lorsqu'au matin, il vint réveiller le jeune gaillard le jour du procès. Raimee comprit à cet instant qu'il venait de se faire berner en bonne et due forme.

"J'ai une sale envie de te pêter la gueule, Ean..."
"Aaah ! La bonne humeur matinale de mon padawan ! Comme je suis content d'être encore vivant pour apprécier çà tous les matins !"
"Sérieux... Tu m'as bien eu... C'est pas très "jedi" ta manoeuvre..."
"Je ne vois pas de quoi tu parles..."

Chez les ithoriens, cacher un fou rire avec deux bouches et un coffre respiratoire aussi imposant, c'était de l'ordre du miracle. Miracle qui ne s'accomplit pas ce jour-là, tant des bruits de trompette saccadées trahissaient son état. Dans la chambre, au réfectoire, dans le speeder d'Etat spécialement affrêté pour l'occasion et enfin devant le palais de Justice, Raimee dut subir ce festival de cuivre hilarant...

"Et tu vas glousser comme çà tout du long ?"
"Non, bien entendu... Raimee... Avant que nous nous séparions, j'aimerais te dire quelque chose..."
"Je sais... L'Ordre compte sur moi pour ne pas m'endormir ou me suicider pendant le procès... Et il faut aussi que je prenne en compte que Ondéron nous héberge désormais, tout çà..."
"Alors oui, effectivement sur la première partie je te rejoins, mais pas sur la fin. Ecoute et prend position. Mais ne retiens pas ce que la reine a fait pour l'Ordre. Tu dois rester neutre dans ton approche. Mais ce n'est pas ce que je voulais te dire..."
"Que la Force soit avec moi ?"
"Que la Force soit avec toi ! Exactement, mon jeune orchide !"
"Merci "Maître"... Que la Force soit avec toi aussi..."


Voilà maintenant plus d'une demi-heure qu'ils patientaient sans se parler. Les jurés. Une bonne poignée de gens de tout horizon. Tout ce qui était datapad et autres gadgets avaient été confisqué, sabres lasers et audiopods inclus. On finit enfin par les appeler à rentrer au même moment où Raimee avait enfin réussi à remettre un nom sur cette femme diaphane. Sly Keto. Une reine ou un truc du genre. Une dirigeante, quoi. De celles qu'on regardait les discours en mangeant des chips et en se demandant ce qu'il y avait sur les autres chaînes... Bref. On les plaçait. Raimee, premier rang, dans une bure toute neuve car il y avait la presse et la sienne était... Comment dire... Certainement pas idéale pour ce genre d'activités. Journalistes, badauds, partisans et autres publics scannaient littéralement chaque juré et Raimee, lui, se contenta de regarder partout pour voir s'il trouvait Ean dans l'audience. Le padawan roula des yeux quand il aperçut son maître, occupé à tapoter un petit coussin pour se mettre à l'aise. Ca n'augurait rien de bon...

Alors que ses yeux reprirent une mire normale, leurs regards se croisèrent pour la seconde fois dans toute leur existence. Emalia Kira, reine d'Onderon, accusée de tout un tas de trucs. La première fois qu'elle l'aperçut, c'était le jour de son élection à Onderon. C'était la fête ce jour-là, et encore plus pour Raimee car d'initié, il passait à padawan. Et enfin aujourd'hui, un coup d'oeil rapide certes mais qui vint rappeler à Raimee tout un tas de souvenirs. La première chose qu'il se dit fut qu'elle était plus ridée que la première fois. Etre chancelière avait du la froisser. Littéralement... Mais pas le temps de rêvasser au passé, le temps était venu au grand déballement, un peu comme un jour de marché dans les Bas-Fonds, mais sans odeurs de fruits et de rats grillés...

Artorias, Dubrillion, des pertes civiles, la guerre, les siths, blabla blablabla blablabla. Blablabla... Violation de la Constitution, crime contre la paix. Il ne manquait que des cris, des gros plans sur une paire de seins qui gigotent innocemment et vous aviez là la recette parfaite pour un film de "haute qualité" qui ferait fureur du noyau jusque dans les bordures...

L'accusée royale, elle, avait décidé qu'elle se défendrait elle-même. Premier clou enfoncé, elle aussi "n'avait pas pu tenir ses engagements"... Raimee esquissa un sourire. Quelque part dans la galaxie, une bande de potes jouait au grand bingo des phrases toutes faites des politiques et tous s'extaisiaient déjà à cocher une des cases. Les gens manifestaient leur mécontentement mais Raimee, lui, regarda Ean qui lui fit un clin d'oeil lorsqu'elle continua son discours. Clairement, elle aurait pu parlé de la vie de Raimee, c'était pareil. Si elle était coupable, il l'était aussi. Par contre, la reine commit une première erreur, elle acquiesça maladroitement sur son dernier chef d'inculpation. Oui, elle avait commis un crime contre la paix, oui, elle le disait devant la Cour et oui les journalistes n'en perdaient pas une miette. On sentait déjà les gros titres bien alarmistes.


Vint ensuite le témoignage de il-venait-d-oublier-son-nom, sénatrice de il n-en-savait-rien-non-plus, qui était clairement à décharge. Rien de nouveau à l'horizon. Oui, la reine avait violé un traité, oui, elle était entrée en guerre et oui, c'était pour le bien de tous. Au suivant...
Balian Atraïde
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Quelques jours auparavant…
Bureau de l'Officier en Chef du Centre Médical Militaire de Coruscant



Je frappais à la porte de mon chef de service au Centre Médical Militaire de Coruscant. Un « entrez » ferme, et la porte s’ouvrit en coulissant. Je pénétrais dans la pièce et me posta devant mon chef, assis à son bureau, en position de garde-à-vous.

- Docteur Balian Atraïde, infanterie mobile, au rapport Monsieur.

L’officier leva un sourcil et fis un geste de la main :

- Ha oui, Docteur Atraïde…repos…asseyez-vous.

Je m’exécutais…mon supérieur repris :

- Docteur Atraïde, il semblerait que vous fassiez l’objet d’une réquisition extraordinaire en vue d’une affaire judiciaire de la plus haute importance. Il s’agit du procès de l’ex-chancelière Emalia Kira. Vous avez été désigné « expert médical », vous devrez donc vous rendre au procès et apporter votre appréciation sur les questions médicales notamment en psychiatrie. Je vous envoie les détails de la réquisition sitôt que vous aurez signé cette prestation de serment, vous stipulant d’apporter votre concours à la Justice en votre honneur et conscience.

Quoiqu’un peu surpris, je signais la prestation de serment, alors que l’officier du corps médical pianotait sur son datapad pour m’envoyer comme convenu les détails de la réquisition ainsi que les dossiers médicaux en question. Je me risquais à rompre le silence pour demander :

- Puis-je savoir pourquoi moi Monsieur ?

Ce dernier haussa les épaules, cette situation ne semblait guère lui plaire :

- Pas la moindre idée Atraïde. On a demandé à ce que ce soit vous…Sans doute votre expérience du front, votre travail sur les profils psychologiques des soldats, et votre statut d’ancien diagnosticien. Bien…nous en avons terminé…vous pouvez partir.

Je me levais prestement, et me remis au garde-à-vous, donnant un coup de menton pour saluer l’officier et je tournais les talons. Sa voix sévère me stoppa net au moment ou je passais la porte qui venait de nouveau de coulisser :

- Docteur Atraïde…si on m’avait laissé le choix, j’aurais envoyé un médecin plus…malléable. Au vu de vos antécédents et de votre caractère, je vous rappelle que l’ex-chancelière a toujours apporté un profond soutien à notre Armée…veuillez garder cela en tête lorsque vous apporterez votre contribution…

J’avais grimacé…le choix de la Commission Judiciaire ne plaisait pas à mes supérieurs. Raison de plus pour accomplir cette mission à bien. Je répliquais un peu sèchement :

- Ne viens-je pas de prêter serment par écrit d’accomplir mon devoir d’expert en « mon honneur et conscience » Monsieur ?

L’officier ouvrit de grands yeux, puis d’un geste de colère, m’intima l’ordre de « foutre le camp » de son bureau. Je réfléchissais à pourquoi moi ? Pourquoi m’avait-on choisi ? Etait-ce en raison de mes compétences ? Ou bien parce que j’adhérais à la politique du nouveau Chancelier Grendo S’orn ?

**
*


Salle d'Audience
Procès de Madame Emalia Kira



Voila donc pourquoi, en ce jour, je me présentais à la grande salle d’audience où allait se dérouler ce procès qui déferlait les chroniques. J’avais troqué mon sempiternel treillis et ma blouse blanche pour mon uniforme d’officier médical de la République, ou brillaient deux médailles – l’une pour acte de bravoure sur le champ de bataille en tant que chirurgien de combat sur Gravlex Med, l’autre comme reconnaissance pour blessure de guerre en opération extérieure. Le tout était impeccable, sans un pli, ni tâche. Toutefois je n’aimais pas cet uniforme aux couleurs noires, rouge et or, boutonné jusqu’au cou et dans lequel je n’étais pas à l’aise pour bouger. Mes bottes noires, brossées et cirées de la veille, claquaient sur le dallage. J’ôtai ma casquette que je plaçai sous mon bras, passant négligemment ma main dans mes cheveux pour les remettre en place. Je suivis un huissier qui vint me placer sur les bancs des témoins, experts, etc. Je m’installai, posant ma casquette sur mes genoux et attendis.

J’observais, impassible, les visages inconnus qui m’entouraient. Mes yeux allaient de l’un à l’autre, je n’étais pas un grand fan de ce genre de choses, qui plus est la politique et moi cela faisait deux. Et cela me rappelait ma propre expérience – à moindre échelle bien entendu – lorsque je fus jugé pour faute professionnelle, et ensuite le procès de mon divorce avec ma…mon ex-femme. Le président de cette Cours était un Bothan…difficile de jauger ces êtres. A ses côtés siégeaient un humaine, un Togruta et un Bimm. Je poursuivais mon investigation, mes yeux s’arrêtèrent sur un Jedi que je n’avais encore jamais vu. Puis un visage qui me disait vaguement quelque chose…Oui…c’était cette femme, Lana Anthana. Je l’avais déjà aperçue quand elle était vice-chancelière. Une autre Umbarane retint mon attention, non loin d’elle. Elle était désormais le bras droit du nouveau Chancelier Suprême, la reine Keto. Toutefois je ne savais rien à son sujet. J'espérais vraiment que ce nouveau gouvernement changerait quelque chose, et que pour une fois...je senrai entendu...et compris.

Une armée de journalistes couvraient l’évènement. Enfin, elle entra, Emalia Kira, souveraine d’Onderon, et ex-Chancelière Suprême. Aussitôt de nombreux flashs jaillirent, annonçant la couleur. Les jeux étaient lancés, sous les yeux de la galaxie toute entière. Emalia Kira était l’accusée, et allait être jetée en pâture aux lions…Elle avait bravement – ou stupidement – réalisé sa propre défense. Peut-être cela aurait-il été mieux pour elle de prendre un avocat, rodé à ce genre de situation et passé maître dans l’art de la plaidoirie. Je devais bien reconnaître que pour un si petit bout de femme, elle en avait dans le ventre. J’étais curieux d’entendre ce qu’elle avait à dire pour se défendre…car à cause de cette guerre, bon nombre de bons garçons étaient morts. J’avais vu tant de morts, tant de souffrances…tant chez les militaires que les civils. Combien étaient morts malgré les soins que je tentais de leur prodiguer ? Combien n’avais-je pas pu sauver ? Combien, comme moi, étaient rentrés à jamais marqués dans leur chair et leur esprit ?

J’écoutais attentivement les justifications de madame Kira. Au regard de ses propos je me rendis alors compte que tout ceci n’était qu’un jeu pour ces gens-là. Oui…ils étaient en train de discuter le bout de gras, se rejetant la faute les uns sur les autres pendant que d’autres étaient envoyés en masse à ma mort. Ces gens des hautes sphères, dirigeant, tacticiens, qu’ils soient de la République ou de l’Empire, tous interprétaient et retournaient les situations, et jouaient sur les mots pour changer les règles et justifier leurs actions. Cela m’écœurait…les soldats n’étaient qu’un moyen pour gagner les guerres qu’ils se déclaraient entre eux pour plus de pouvoir. Quant aux civils…qui s’en souciaient, ils n’étaient que des dommages collatéraux. Et madame Kira, avait participé à tout cela…elle cherchait à s’absoudre en expliquant que si elle était restée inactive l’Empire aurait conquis plus de mondes qu’actuellement. Qu’en savait-elle ? Qui était-elle pour affirmer cela ? A mes yeux, ces politiciens et tacticiens ne valaient pas mieux que ceux de l’Empire…agissaient sans penser aux conséquences et se protégeant ensuite derrière des « si je n’avais pas agi, la situation aurait été pire ».

Affligeant…

Lorsque Madame Kira eut terminé son élocution, la Cour Suprême appela Lana Anthana à venir témoigner. Après s’être présentée, la princesse de Kuat exposa son point de vue sur les agissements de l’ex-Chancelière Suprême, prenant la défense de cette dernière. Je fermais les yeux…la colère montait en moi, j’étais dégouté de la langue de bois de ces politiciens. N’avaient-ils donc aucun honneur ? Aucune âme ? Aucun cœur ? J’essayais de me contenir, ma main se crispa sur ma jambe synthétique. Je n’écoutais plus…étais-je un idéaliste ? Un utopiste ? Peut-être…J’étais cependant conscient que la guerre entre l’Empire et la République ne cessera jamais. Ces deux entités étant totalement incapable de s’entendre…Néanmoins ce n’était pas une raison pour envoyer bêtement au casse-pipe autant de bon et loyaux citoyens.

J’étais perdu dans mes pensées quand j’entendis la voix tonitruante du Président de la Cour Suprême dire :

- Nous demandons maintenant à Monsieur Balian Atraïde de nous exposer son expertise.

Surpris, je me levais d’un bond, presque au garde à vous. Hésitant, je vis le micro s’activer…je me raclais la gorge…j’étais nerveux. J’entendis alors le Président reprendre :

- Veuillez-vous identifier en vos grades et qualités et nous éclairer de votre expertise sur le sujet qui pour lequel vous avez été requis.

Reprenant confiance en moi je clamais alors mon identité :

- Bien Monsieur le Président. Je suis le Docteur Balian Atraïde, officier du corps médical de l’infanterie mobile au sein de l’armée de la République. J’ai été mandaté pour apporter une expertise médicale des conséquences d’ordre physique et psychiatriques des victimes civiles et militaires suite aux opérations sur Dubrillion.

Je marquais un temps d’arrêt, pour reprendre mon souffle, observant les réactions de l’auditoire. Mes yeux noirs se posèrent sur Madame Emalia. Les propos de mon chef de service me revinrent en tête…Je ne prendrai pas la défense de cette femme, pas plus que je ne l’accablerai. Ma qualité d’expert m’interdisait de prendre parti, je devais apporter des faits, des cas médicaux, d’une manière détachée et impartiale. Je craignais toutefois que les sensibles à la Force ne détecte mon propre lien qui trahirait sans aucun doute mon véritable ressenti de toute cette mascarade…Je n’avais pas encore appris – si t’en était que cela soit possible – à maîtriser cela. Je débutait donc mon exposé :

- La guerre a ses conséquences. Celles pour lesquelles je suis présent ici sont d’ordre médicales. Les soldats et les civils qui ont survécut au conflit de Dubrillion et à qui on a dressé un bilan médical présentent, soit des blessures physiques, soit des blessures sur le plan psychologique. Et certains ont les deux, pour ne pas dire la majorité des cas. Il serait impossible de tous vous les présenter. J’ai donc choisi quelques patients qui me semblaient être pertinents pour illustrer cette expertise. Je vais vous présenter plusieurs hologrammes de témoignages de militaires. Pour des raisons de secret médical vous comprendrez que les visages soient floutés et que l’identité des patients n’est pas révélée.

Ayant dit ces mots, je fis un petit signe en direction de l’huissier et un hologramme s’activa. Un homme était assis, la tête dans les mains, vêtu en civil.

Patient n°1 a écrit:« Patient N°1 : sous-officier dans l’infanterie, commandant un commando d’élite primo-intervenant, vétéran de Dubrillion, seul rescapé de son unité, souffrant d’un stress post traumatique sévère, plusieurs tentatives de suicide :

- Calmez-vous, sergent ! C’est terminé, vous êtes de retour, vous êtes un héros. Pourquoi avoir tenté de mettre fin à vos jours ?

L’homme se redresse et hurle de rage en vociférant :

- Rien n’est terminé ! Rien ! C’était pas ma guerre ! C’est vous qui m’avez appelé pas moi ! Et je suis revenu dans la société ! J’ai vu ces larves m’attendre au spatioport ! Me conspuer comme un criminel, ils m’ont traité de toutes les saloperies, ils m’ont appelé boucher ! Mais qui sont-ils pour me faire des reproches hein ? Qui sont-ils ? Est-ce qu’ils étaient à ma place dans ce merdier ? Ils nous jugent, ils ne savent pas de quoi ils parlent tous ces bien-pensants !

- Vous avez été décoré pour actes de bravoure.

- Ils m’ont filé une médaille et me demandent de rester sagement tranquille en attendant de devoir repartir !

- Le retour est un moment dur pour tout le monde. Vous êtes le dernier d’un groupe d’élite.

Le militaire saisit la médaille qu’il tenait dans sa main et l’envoie valser à travers la pièce…puis il tombe à genoux et sanglote dans les bras d’un médecin venu le soutenir :

- Ou sont-ils tous ? Ou ils sont ? Mes amis…J’avais tous les gars avec moi là-bas…c’étaient mes amis…Maintenant je n’ai plus rien…On était en première ligne…On n’était pas préparé à cela…J’ai essayé de protéger mes gars, mais ils sont tous morts…Y’avait personne pour nous aider…Tous morts…sauf moi. J’arrive pas à ôter toutes ces images de ma tête…Chaque jour j’y pense…Je me réveille je ne sais plus où je suis…je ne parle plus à personne. »

L’hologramme se coupa là. Le deuxième sujet apparu alors :

Patient n°2 a écrit:« Patient n°2 : sous-officier artilleur dans l’infanterie. Vétéran de Dubrillion, brûlé sur 90% de son corps, multiples perforation internes. Souffrant d’un stress post-traumatique, échec d’acceptation et de reconstruction de lui-même.

L’homme portait un masque dissimulant son visage, il ne portait qu’un simple sous-vêtement pour montrer aux yeux de toutes les importantes cicatrices de brûlures qui parcheminaient son corps. De multiples cicatrices indiquant des interventions chirurgicales marquaient sa peau. Il n’avait plus l’usage de ses jambes et était dans un fauteuil à répulseurs.

- Caporal ** voudriez-vous nous expliquer ce qui vous est arrivé ?

Une voix métallique s’élève alors :

- Hé bien, on nous a dit de nous préparer pour un départ imminent. On n’avait pas beaucoup d’informations. Mentalement on n’était pas prêt face à ce qui nous attendait. J’étais avec mon binôme…Vartis…un Twi-Lek au caractère épouvantable. Mais c’était mon ami…On se connaissait depuis longtemps. Et puis il y a eu ce déclic, une explosion…mon armure a été arrachée, et j’ai pris littéralement feu comme une torche. Heureusement j’ai été sauvé in extremis. Mais Vartis…son corps était éparpillé un peu partout…Il avait marché sur une mine. Moi j’ai subi des greffes de peau…avec 90% de mon corps brûlé c’était plus que nécessaire. J’ai également des organes internes qui ont flanchés…notamment mon foie qui a subi des dommages en raison de la violence de l’explosion…et puis quand les toubibs m’ont ouvert ils avaient cru que les perforations que j’avais subies étaient dues à des éclats de métal…mais en fait c’était des morceaux d’os de mon pote…j’ai hurlé tellement fort que j’ai pété mes cordes vocales…j’ai un amplificateur de voix maintenant qui me donne ce timbre particulier. Les toubibs disaient que je ne m’en sortirai pas…mais je suis un dur à cuir…et maintenant…hé bien me voilà…Vous imaginez le temps qu’ils ont passé à m’ôter ces fragments osseux…Et pour me greffer de la peau, le chirurgien m’a expliqué…il fallait d’abord retirer les chairs brûlées…parce que c’était comme du poison pour moi…Ca a été un vrai martyr…J’espère que les gens qui nous commandent se rendent compte de ce qu’on subi nous en bas de l’échelle.

Il saisit son masque et le retira, dévoilant un visage totalement ravagé, défiguré, déformé, comme fondu par les flammes. Il poursuivit :

- Ma vie ne sera plus jamais comme avant. Je ne suis plus bon à rien, je ne peux plus servir dans l’armée…Le truc dans tout cela c’était qu’on ne pensait pas qu’on partait à la guerre. Vous allez me dire qu’un soldat doit toujours être prêt…hé bien c’est des conneries…Et quand on retourne à la vie civile parce qu’on est réformé…et bien on se sent drôlement seul…Les familles…les familles ne sont pas préparée à nous revenir comme ça. C’est vrai, on partait juste pour une mission de routine… Ma femme…elle n’a pas supporté. Elle est partie…Je ne lui en veut pas…qui voudrait d’un type comme moi maintenant. Je ne me reconnais plus…Il aurait mieux valu que je meurs là-bas surement…avec les autres.


L’hologramme se coupa. Je laissais quelques secondes de silence…ces images étaient dures même pour moi qui pourtant en avait vu d’autres. Ces pauvres bougres je les avais soignés…Ce grand brûlé je m’en souvenais très bien quand il avait été rapatrié en urgence au centre médical…Je venais tout juste d’achever ma préparation militaire. Je soupirai et pris la parole :

- Ces deux patients ont accepté de participer à cette expertise. N’allez pas croire que ce sont des cas isolés, ou que j’ai volontairement sélectionné les plus choquants. Car tous sont dans un état équivalent. Ces deux patients sont des gouttes d’eau dans le vaste océan de ceux qui sont revenus de cet épisode de Dubrillion à jamais meurtris dans leur âme et leurs chairs. Beaucoup raisonnaient comme eux… « il aurait mieux valu mourir ». Dans bon nombre de cas les blessures physiques ont entraîné une modification de l’apparence des blessés, tels que les grands brûlés, ou encore les cas d’amputations…Ces transformations physiques ont générés des troubles psychiatriques, notamment d’ordre de l’acceptation, tant par les blessés que les familles, comme en témoigne le patient n°2.

Mon propre cas me revint en pleine figure…Ma jambe avait été amputée juste en dessous du genou, et j’avais été brulé sur prêt de 25 % de mon corps sur Lorrd. Je m’en étais finalement bien sorti.

- Dans les cas d’amputation il ne suffit pas de se dire que l’implantation d’une prothèse réglera le problème. Certains ne s’adaptent jamais à leur prothèse, d’autres s’y font parfaitement et finissent même par en faire un atout. Mais dans tous les cas c’est au prix d’une longue et fastidieuse rééducation. Sans oublier les risques d’hallucinoses – que l’on appelle communément le syndrome du membre fantôme. Deux amputés de guerre sur trois rapportent cette sensation. Approximativement 60 à 80 % des individus ayant fait l'expérience d'une amputation ressentent cette sensation, et la majorité de ces sensations sont douloureuses. La fréquence d'occurrence augmente d'autant plus si la perte est due à un traumatisme fort ou s'il existait une douleur pré-amputatoire, que s'il s'agit d'une amputation chirurgicale d'un membre non douloureux. L'activité spontanée ou la stimulation du cortex, entame le cycle en augmentant le nombre de décharge des neurones du système sympathique pré-ganglionnaire. Une étude faite récemment révéla que 60 à 80 % des amputés ont continué à ressentir des douleurs fantômes même 25 ans après. Les douleurs décrites sont lancinantes, le patient a une impression de brûlure ou ressent de fortes crampes. Chez certains, la douleur est continue, mais peut varier en intensité, chez d'autres elle est sporadique mais très douloureuse. Je vous passe les risques de phlébite ou autre thrombose à déplorer, ou encore les risques d’algodystrophie, qui se caractérisent par l'apparition de douleurs associées à des problèmes de vasomotricité, à savoir l’incapacité de l'organisme à réguler la fermeture des artères, des veines et des vaisseaux lymphatiques.



Ces douleurs je les connaissais bien…je les subissais moi-même bien trop souvent à mon goût. Je décidais d’enfoncer un peu plus le clou et de préciser mon propos concernant les syndromes post-traumatiques.

- Sachez qu’il y a autant de syndromes psycho-traumatiques qu’il y a de patients. Cela va de l’état d’hyper-vigilance où le combattant n’arrive pas à revenir en mode « paix » et reste toujours sur le qui-vive, à des syndromes beaucoup plus lourds avec des cauchemars itératifs stéréotypés toutes les nuits et plusieurs fois par nuit qui peuvent conduire à une désinsertion sociale et un isolement personnel. Et même le plus vaillant et le plus solide des soldats en ressent les effets. A dire vrai, je préfère voir les combattants exprimer leurs émotions, et se libérer lors des entretiens psychologiques plutôt que ceux qui demeurent silencieux et gardent tout pour eux. Ceux-là sont plus à même de craquer d’une manière démesurée et au pire moment quand ils retournent sur le front.

J’en savais quelque chose de ces cauchemars….

- Toutefois, il faut préciser qu’un certain nombre d’entre eux n’étaient plus opérationnels pour cause de blessure psychique. Un certain nombre d’entre eux souffraient de trouble de stress post-traumatique (TPST), maladie chronique les empêchant de reprendre une activité militaire, posant ainsi la question du rétablissement pour intégrer le milieu civil. Le rétablissement des blessés psychiques est une notion encore mal connue. Cette dynamique de reconstruction en milieu militaire est tout aussi prégnante que pour les civils, voire davantage. Elle est, en effet, singulière au vu du caractère spécifique de ce milieu et du traumatisme vécu. Ce qui reste à déterminer, c’est la raison pour laquelle certains patients parviennent à se réinsérer alors que d’autres n’y arrivent pas.

Je tâchais de rester le plus calme possible…mais ma colère montait toujours…Ces politicards…m’écoutaient-ils seulement ? Se rendaient-ils compte de ce qu’ils avaient fait ? Et nos géniaux tacticiens militaires qui avaient si brillamment mis au point tout cela…Réalisaient-ils l’importance d’une seule vie ? Ou bien n’étions-nous que de la chair à canon. Je repris mon exposé :

- Face à la déferlante des blessés, et le manque de préparation en raison du secret de la mission, les médecins ont été fortement débordés, il y avait une pénurie de matériel, pas assez de personnel, même synthétique. Le manque de substances médicinales comme le Kolto et autres dérivés du genre. Concernant la prise en charge des traumatisme psychologiques, certains furent zappés, et renvoyé au cœur des combats. Cela eut des effets dévastateurs sur certains.

Encore une fois je m’arrêtais dans mon propos. Qu’il m’était difficile de parler de tout ceci. Reprenant une bouffé d’air, je repris :

- Il ne faut pas oublier les civils. Bon nombre d’entre eux ont également été pris en charge par les services médicaux. Ils souffraient des mêmes blessures physiques et psychiques que les soldats, vivant les mêmes dommages. A cela s’ajoute le fait d’avoir tout perdu pour beaucoup d’entre eux. Il est impossible de sauver tout le monde…

J’allais m’arrêter là quand je repensais aux dires de mon chef…j’allais oublier de spécifier ce qui n’était pour moi qu’un détail…mais il fallait bien obéir aux ordres de mes officiers supérieurs.

- Je terminerai cet exposé en précisant ceci. Les soldats, ont fortement apprécié le soutien apporté à l’armée par madame Emalia Kira. La savoir présente et impliquée physiquement dans ces conflits les ont profondément motivés et ils se sont sentis, en quelque sorte épaulés, par Madame Kira.

Mouai… je n’étais moi-même pas vraiment convaincu par cela…Toutefois l’avoir placé en fin d’exposé permettait d’impacter les esprits des jurés et de la Cour Suprême sur cette conclusion.

- Je vous remercie de votre patience et vous prie d’excuser la longueur de ce compte-rendu.

Enfin je me rassis…conscient d’avoir sans doute trop parlé…mais c’était sans doute une des rares occasions d’ouvrir les yeux de tous sur les conséquences de cette saloperie de guerre. Et que non…les médecins ne pouvaient pas tout soigner…ni tout réparer…Ces images, et mes propres paroles m'avaient profondément affectés...J'espérais vraiment que les choses allaient bouger...peut-être étais-je trop idéaliste...
Niganoht Qademanda
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Le Président de la Cour Suprême : un Bothan. Trois juges pour le seconder : un Bimm, une Humaine et un Togruta. Des jurés, plus nombreux et de races tout aussi diverses. Un parterre de journalistes duquel fleurissait un bouquet de flashs photographiques. Sur les côtés de la pièce, des témoins, des Sénateurs, dont Niganoht, des experts médicaux ou juridiques... Et sur le banc des accusés : Emalia Kira.

Car on y était : c'était enfin son procès. Suffisamment d'éléments avaient pu être rassemblés pour faire la lumière sur ce que les médias appelaient le procès Emalia, ou l'affaire Dubrillion. Après une présentation solennelle des juges, le Président de la Cour Suprême Vebrast Mun'quan donna la parole au juge Rozim Hass, le Bimm, pour un récapitulatif des faits et l'énoncé des deux chefs d'accusation : violation de la Constitution de la République Galactique, et crime contre la paix.

La République saurait dans les prochains jours si sa précédente Chancelière serait acquittée, ou condamnée, et dans quelle mesure. Pour cela, il allait falloir délibérer, et aujourd'hui, c'était la première étape.

Niganoht, partiellement lové sur le banc, avec le haut du corps suffisamment dressé pour égaler la taille des personnes assises à ses côtés, croisa un instant le regard de l'accusée. Cette dernière avait déjà une bonne idée de l'opinion de Niganoht et du parti qu'il allait prendre. Avant d'être jugée en Cour Suprême, Emalia Kira avait en quelque sorte été jugée au Sénat. Sur la masse de Sénateurs qui logeaient à la Rotonde, Niganoht était de la poignée qui avait obtenu une place pour témoigner pendant le véritable procès, et il avait déjà pris la parole pendant les débats initiaux, Emalia Kira avait déjà entendu sa position sur le sujet. Tout ce qu'elle pouvait espérer, c'est que la tenue du Sommet Galactique pour la Paix, sur Ossus, ait eu pour effet d'adoucir les mœurs, d'atténuer les ressentiments de ceux qui s'étaient dressés vent debout dans l'affaire Dubrillion. Elle allait donc bien vite savoir si le temps et les évènements récents avaient érodé le point de vue de Niganoht Qademanda.

Tout d'abord, elle fut à prendre la parole elle-même. Elle n'était pas représentée par un avocat. Peut-être un effet de communication de la part d'Emalia Kira, comme pour montrer qu'elle n'avait rien à se reprocher et n'avait donc pas besoin d'être défendue par un représentant de la loi républicaine.
La défense d'Emalia fut énoncée en quatre étapes.
Premier point : une critique sur le Traité d'Artorias, qui ne représentait rien de bon aux yeux d'Emalia Kira, qui argua avoir été élue justement dans l'opposition à ce traité.
Deuxième point : une critique sur la lenteur et l'inconsistance du Sénat, incapable selon Emalia Kira de faire quoi que ce soit pour en finir avec le Traité d'Artorias et empêcher l'Empire de tirer avantage de la situation.
Troisième point : une négation d'avoir enfreint le Traité d'Artorias, puisque la tactique mise en place visait justement à faire tomber l'Empire dans un piège pour pouvoir l'accuser de l'avoir fait lui-même « encore une fois ».
Quatrième point : la reconnaissance des conséquences et d'avoir été consciente des risques au moment des faits, tout en justifiant que c'était nécessaire et que les pertes ont été consenties pour un plus grand bien.
Tout cela ne répondait toutefois qu'au premier chef d'accusation ; Emalia Kira se prononça bien plus concisement sur le second, choisissant de terminer sur un effet de style.

Niganoht en son for intérieur devait bien reconnaître que cette défense n'avait pas que du mauvais. Emalia Kira avait certainement raison sur plusieurs points, comme par exemple sur le fait que le Traité d'Artorias ne représentait pas la meilleure garantie de paix avec l'Empire et qu'il était injuste pour la République, ou même sur le fait que le Sénat n'était pas toujours très prompt à prendre des décisions quand celles-ci étaient pourtant urgentes. Niganoht estimait avoir sa place au Sénat et s'il voulait défendre cette institution, il ne pouvait pas défendre ses membres ; il avait déjà été ahuri par l'attitude de plusieurs de ses confrères, et par leur incapacité à s'écouter les uns les autres dans des débats raisonnés et sereins. Il reconnaissait que cela amenait forcément à une mauvaise image du Sénat tout entier, et certaines personnes comme Emalia Kira pouvaient donc considérer bon de le contourner.

Après avoir écouté la défense de la dernière Chancelière, la salle eut à écouter la dernière vice-Chancelière. Une forme de suite logique, d'autant que Lana Anthana prit assez clairement la défense d'Emalia Kira. Niganoht ne savait pas si beaucoup de personnes allaient aussi défendre Emalia Kira, et peut-être que cela pouvait jouer dans la tête des jurés d'entendre d'abord des arguments positifs, pour finir sur une série d'arguments négatifs contre l'accusée.

La personne qui fut ensuite appelée à prendre la parole, n'eut pas à prendre parti. Il s'agissait d'un officier du corps médical de l'infanterie mobile, appelé à simplement apporter un éclaircissement sur les conséquences physiques et psychologiques affectant les personnes ayant été exposées au premier rang des batailles, notamment des soldats. Il fut par exemple question des syndromes de stress post-traumatiques et des blessures incapacitantes irréversibles. Si cela restait intéressant à écouter, Niganoht se fit tout de même la réflexion que cela revenait simplement à rappeler à tout-un-chacun les affres de la guerre, et que cet exposé pouvait tout aussi bien s'appliquer à n'importe quelle autre bataille, pas spécifiquement à la bataille de Dubrillion.

Président MUN'QUAN – Nous vous remercions, Monsieur Atraïde, veuillez vous rasseoir. Nous avons la présence sur le banc du Sénateur Niganoht Qademanda, nous lui demandons à son tour de se lever et de s'exprimer.

L'expression littérale “se lever” n'était pas la plus juste mais le Président Vebrast Mun'quan n'était peut-être pas informé que la personne qu'il venait d'appeler à s'exprimer était dépourvue de membres. Qu'importe, il suffisait de le prendre dans son sens figuratif, comme lorsque l'on disait d'un Humain qu'il “partait la queue entre les jambes”, qu'il “sortait les crocs” ou qu'on lui “coupait les ailes”. Le micro placé devant le museau de l'Anacondan émit un petit grésillement, signe qu'il venait de s'activer.

NIGANOHT – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les juges, Mesdames et Messieurs les jurés, je suis Niganoht Qademanda, Sénateur d'Agamar. Merci de me permettre de prendre la parole. Je salue le courage et la droiture de Madame Emalia Kira, venue se présenter ici sans aucun artifice visant à esquiver le procès, et sans avocat. J'ai attentivement écouté sa défense, et celle-ci me laisse amer.

Niganoht décida de revenir sur le premier point soulevé lors de la défense de Kira.

NIGANOHT – Madame Emalia Kira a commencé sa défense en critiquant le Traité d'Artorias. Je me permets donc de rappeler que la pertinence du Traité d'Artorias n'est ici pas le sujet. Que l'on soit opposé à ce traité, et que l'on soit, quand bien même, élu sur ce principe-là, ne dispense pas de respecter les institutions de la République, parmi lesquelles le Sénat, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions aussi importantes que celle qui est à l'origine de l'ordre du jour. Débattre lors d'une séance pléniaire à la Rotonde d'une sortie du Traité d'Artorias et de ses conséquences, était nécessaire, et avec de bons arguments j'aurais même pu abonder en ce sens ; mais je ne peux abonder dans le sens d'une Chancelière qui malgré tout le sens des responsabilités qui incombe à sa fonction, décide de prendre le Sénat devant le fait accompli. Nous expliquer que cela n'aurait rien changé de prévenir le Sénat avant de passer aux actes, n'est absolument pas un argument recevable, et je ne comprends pas que cela puisse être formulé par une Chancelière qui avait la confiance du peuple avec elle.

Cette première partie du discours de Niganoht était quelque peu improvisée puisqu'elle répondait à la défense de Kira. Pour la suite, Niganoht vint à la critique qu'il avait préparée en amont du procès :

NIGANOHT – Pour donner un peu de contexte à Mesdames et Messieurs les jurés, il faut savoir qu'une proposition d'éclaircissement relative aux accusations de la Chancelière Kira, émise par le Sénateur Shey Munsk, a été entérinée par vote. Cela a abouti à des divulgations autour des prises de décision de la Chancelière Kira, et il nous est ainsi parvenu un échange qu'elle a eu avec Madame Ress Laz'ziark, alors Ministre de la Justice de son gouvernement. Madame Laz'ziark avait sagement prévenu la Chancelière Kira des risques d'une attaque délibérée sur Dubrillion. Elle lui avait rappelé que le soutien du peuple serait perdu, que ce plan reviendrait à une déclaration de guerre et que cela mettrait en péril la sécurité d'innombrables innocents qui n'auraient eu aucun choix offert. Et c'est exactement ce qu'il s'est produit. Madame Ress Laz'ziark a par la suite décidé de démissionner de ses fonctions. Madame Emalia Kira a perdu le soutien du peuple, a perdu le soutien de son propre gouvernement, tout du moins d'une partie, a levé le Sénat contre elle, tout en sacrifiant des centaines de milliers de vies, avec les conséquences pour des centaines de milliers d'autres personnes que Monsieur Atraïde vient de détailler à l'instant. Et tout cela, elle en avait parfaitement conscience au moment d'agir. Quant à la République, elle s'en est trouvée fragilisée, et l'Empire ne peut y voir qu'une faiblesse alors qu'il est désireux de se venger. Encore une chose dont Madame Emalia Kira ne pouvait qu'être consciente.

Autrement dit : Emalia Kira avait pertinemment su que ce qu'elle s'apprêtait à commettre était la pire idée, mais elle avait délibérément décidé de le commettre quand même.

NIGANOHT – Je ne comprends donc pas comment la République est censée se trouver plus forte aujourd'hui. Cela s'est produit sur Dubrillion, bien loin de Coruscant, mais j'imagine en cauchemar ces évènements s'ils s'étaient produits sur Agamar, la planète que je représente, où je vis, et qui se situe aux frontières de la République avec l'Empire. Une Chancelière digne de ce nom aurait-elle délibérément consenti des centaines de milliers de morts avec autant de détachement ? Cela me fait froid dans le dos.

Niganoht risquait de déborder sur son temps de parole, si tant est qu'il y en avait un. Avant lui, l'officier du corps médical de l'infanterie mobile avait gardé la parole assez longtemps. Niganoht se permit donc d'ajouter quelques derniers mots :

NIGANOHT – Je vais laisser la parole mais je terminerai simplement sur une chose : l'Empire est criticable sur bien des points, mais il s'agit de montrer que la République reste soudée et ancrée dans ses valeurs face à un tel ennemi. J'ai entendu Madame Emalia Kira expliquer qu'elle a « voulu prendre l'Empire à son propre jeu », ce sont ses termes. D'une part, la guerre n'est pas un jeu. Et enfin, elle reconnaît donc s'être abaissée à agir comme l'Empire au détriment des valeurs républicaines. Nous ne pouvons blâmer un ennemi si nous nous mettons à agir exactement comme lui. Toutes les bonnes intentions du monde ne sauront le justifier. J'ai terminé, merci.
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Sly Keto avait été désignée comme Jurée lors de ce procès extraordinaire visant l’ancienne chancelière Emalia Kira. Mais cette nomination n’était pas le fait du hasard, et l’umbarane savait que sa présence dans l’enceinte du tribunal relevait de la décision d’un seul esprit : celui de Grendo S’orn. En effet le neimoidien ne souhaitait pas assister à ce procès pour éventuellement cristalliser les animosités de Kira et Anthana à son encontre, aussi le choix d’envoyer la nouvelle vice-chancelière, la plus fidèle de ses soutiens –comme il l’avait évoquée lors de son discours d’investiture- afin de s’assurer que les ambitions du nouveau chancelier se réalisent. Et sur ce point, Sly Keto souhaitait bien faire en sorte que tout se passe tel que cela avait été prévu.

La nouvelle vice-chancelière avait donc pris le temps de consulter les enregistrements des sessions au sénat relatives au traité d’Artorias qui avait été accepté par le sénat après l’investissement du chancelier Halussius Arnor mais aussi à ce qui s’était produit jusqu’au piège tendu par Emalia Kira aux impériaux sur Dubrillion. Il fallait admettre deux choses au sujet d’Emalia : elle avait été assez sournoise pour se livrer à ce petit piège auquel avait mordu l’Empire sans la moindre hésitation, les poussant ainsi à eux-mêmes violer le traité qu’ils avaient négocié, imposé et signé. Mais elle n’avait pas été assez maligne pour anticiper les choses et mettre son plan en action sans que cela ne puisse lui porter préjudice. Ou du moins, la vice-chancelière estimait que quelques petites modifications dans son plan d’action lui auraient sans aucun doute évité de se retrouver aujourd’hui devant une cour composée de juge, jurés et de témoins pouvant enfin réclamer sa tête en trophée. Kira était rusée et vicieuse, mais manquait de vision à long terme et semblait ne pas suffisamment anticiper les choses. Cela disait déjà beaucoup de choses sur Kira, Sly était bien forcée de le reconnaitre et cela en disait long sur l’ex-chancelière quant à ses méthodes bien éloignées de l’idéalisme républicain habituel, une chose que l’umbarane appréciait beaucoup à titre personnel. Et si elle avait fait vœu d’allégeance à Grendo S’orn en ployant le genou tout en se débarrassant de ses scrupules, sans doute qu’elle aurait peut-être pu trouver sa place aux côtés de Sly qui aurait pu voir un intérêt à collaborer avec elle. Mais elle en avait décidé autrement et c’était bien regrettable...

Lorsque la vice-chancelière arriva dans le palais de justice, ce fut avant que le procès ne démarre vraiment, on lui désigna la place à occuper parmi les membres du jury. Ayant été informée de la présence de Jedi dans l’assemblée, elle réduisit son lien avec la Force avant leur arrivée, le rapetissant au minimum. Le groupe de jurés pénétra dans le tribunal lorsqu’on leur demanda de s’installer, c’est alors qu’elle vit un jeune homme qui, d’après son allure et ses vêtements était clairement un Jedi dont elle ne connaissait que le nom : Raimee Baryon. Du moins c’était ce qu’indiquait la liste des jurés qu’on lui avait transmise… Elle avait revêtu une robe jolie mais bien plus sobre que celle qu’elle avait pu porter lors de l’investiture de S’orn. Elle n’en restait pas moins charmante et coquette, sur son visage elle avait des lunettes fumées afin que sa vision ne soit pas trop perturbée par la luminosité –trop intense en dehors d’Umbara- de cette salle. Le procès put alors enfin commencer, la salle était pleine à craquer d’officiers, de politiciens, de journalistes et juristes. Certains tournèrent leur regard vers les membres du jury, Sly se contenta de les observer en retour avec le même regard fier et sévère que celui des gens de son rang royal mais sans hostilité ou mépris. Vinrent les juges, et en quelques minutes la fameuse accusée : Emalia Kira. Elle échangea un regard avec elle, cherchant à analyser et scruter son état d’esprit. Après quelques minutes, elle prit la parole avec toute l’attention de l’ensemble des personnes présences, et celle de la vice-chancelière particulièrement. Cette femme avait un certain charisme, mais était trop grise au goût de la République pour vraiment avoir une chance de s’en tirer : tous voulaient sa tête.

Lana Anthana prit la parole en qualité de témoin et d’ancienne vice-chancelière. Il avait été prévu par S’orn et Keto qu’elle viendrait sans doute tenter de sauver son amie et seule soutien politique encore suffisamment influent pour l’aider. Sa déclaration n’était pas une surprise en soit : un plaidoyer défendant l’ancien mandat et les actions de la chancelière Kira. Le visage de Sly Keto se ferma à nouveau en voyant clair dans le jeu de la kuatii : elle voulait montrer qu’elle pouvait encore nuire, que ses crocs et ses griffes pouvaient encore attaquer le cuir de ceux se dressant contre elle. Cette attitude l’agaçait et allait à l’encontre des projets que S’orn et Keto avaient défini. Une fois de plus, Lana Anthana agissait certes avec son cœur et son intelligence, mais sans la moindre once de subtilité : si elle souhaitait envoyer un message implicite, c’était raté. Tous ici avaient bien compris pourquoi elle parlait de la sorte. C’était regrettable une fois encore que son échec sur Ossus ne lui ait rien appris en ce qui concernait la prudence et la pondération. Peut-être qu’une deuxième leçon était nécessaire... et pourtant il fallait bien que les choses suivent leur cours, de gré… ou de force. Comme sa mentor, Lana était bien trop grise pour cette République qui ne jurait que par la vertu et la bienveillance. Pourtant elle n’avait pas tort dans son propos de fond : condamner Kira reviendrait à décourager toute future action contre cet Empire qui se faisait plus que menaçant. Quoiqu’il en soit, les failles dans les argumentaires de ces deux femmes seraient sans doute les clous et planches de leurs propres cercueils : la tâche de Sly Keto n’en serait que plus facilitée par ces biais.

Vint le tour d’un second témoin ou plutôt expert: un mirialan répondant au nom de Balian Atraïde officier du corps médical de l’infanterie mobile dans l’armée de la République. Rien d’étonnant jusque là bien que l’umbarane haussa un sourcil en le voyant arriver dans son uniforme, et se demandant comment interviendrait-il, ce qu’elle compris dès sa deuxième prise de parole concernant les conséquences militaires et civiles du conflit de Dubrillion. Il fit défiler de multiples témoignages de blessés, de mutilés, de soldats atteints de troubles psychiatriques. Bien que peu sensible à ces propos Sly Keto feinta admirablement bien la peine et le malaise qu’elle pouvait ressentir devant ces exemples et enregistrements de gueules cassées, et de personnes portant les scarifications éternelles de la guerre. La guerre prenait toujours plus qu’elle donnait, c’était un fait : elle changeait aussi ceux qui la priaient et combattaient. La guerre changeait les beautés en bêtes féroces. Les pertes matérielles, civiles et militaires étaient inévitables, refuser d’accepter cette réalité vous condamnait à la défaite et l’extinction en déposant les armes.

Cependant la véritable question était : comment atteindre efficacement ses objectifs militaires en ayant moins de pertes que l’ennemi ? Envoyer de la chair à canon au casse pipe sans stratégie ou avec une tactique bancale relevait de la bêtise et de la cruauté en un sens : et ces deux là ne faisaient jamais bon ménage, et n’étaient pas non plus gage de compétence, d'efficacité ou d’intelligence. Chaque ressource dans une guerre devait être employée de façon optimale, et pas gaspillée pour des prises ou objectifs impossibles à atteindre ou non rentables. La conduite de la guerre côté impérial avait parfois fait s’arracher les cheveux à Darth Oracci devant la bêtise de certains Sith ou officiers qui auraient mérité cent fois de voir leur tête être séparée du reste de leur corps pour leur incompétence qui relevait soit de la psychiatrie, soit de la trahison volontaire, mais dans tous les cas devenait criminelle ! Cependant force était de constater que la République n’avait pas hérité de davantage de matière grise que leurs pendants impériaux…
La compétence était une denrée rare, et en un sens, cela faciliterait les projets de la Dame Sith pour la République et l’Empire… à elle seule et avec les moyens désormais en sa possession, il serait aisé de mettre un terme définitif à la guerre via des offensives audacieuses, préparées et qui servaient vraiment à quelque chose pour remporter des victoires si étincelantes qu’elles évinceraient celles de Revan lorsqu’il combattit les mandaloriens, puis son ancien apprenti Darth Malak.

Oui, ce Balian Atraïde pouvait se rassurer. Ces pertes et blessés ne deviendraient pas plus nombreux si elle avait suffisamment le champ libre pour agir. Il y en aurait encore certes, mais ces morts ne seraient pas en vain : la fin d’un conflit meurtrier exigeait encore un peu de sang avant que sa soif ne soit étanchée. Sly Keto se retint de sourire derrière son masque de sérieux qu’elle affichait en l’écoutant : le mépris de Kira au sujet des soldats et civils lui porterait préjudice. Sans doute que le Mirialan avait pris plaisir à mettre ces visages d’hommes et de femmes blessés sous le nez de l’ondéronienne… Quoiqu’il en soit, compte tenu de ses actes sur le terrain, ce Balian méritait bien une médaille décernée de la part de Grendo S’orn. Sly se promit d’en toucher un mot au chancelier après le procès : cela renforcerait sa position au sein de l’armée et rassurerait les troupes républicaines quant au nouveau gouvernement qui avait été formé.

Vint le tour du sénateur Qademanda que la vice-chancelière connaissait pour l’avoir rencontré sur Ossus aux côtés de Virgile-Auguste, ce jeune homme dont la naïveté ne faisait que renforcer son charme. En y repensant, l’umbarane sentit ses joues devenir un peu roses, mais elle se recentra sur le serpent qui prit la parole, avançant clairement un récapitulatif du rôle du Sénat dans cette affaire. Sly Keto n’était pas d’accord avec l’anacondan : le traité d’Artorias avait sa place dans le débat car il motivait les actes d’Emalia Kira, sans l’existence de ce traité -qui était une plaisanterie en soit qu’aucune personne dotée de bon sens aurait accepté sans une volonté affichée de trahir la République-, l’évoquer n’était pas hors de propos. Cependant Niganoht avait raison sur le reste : la République avait ses règles, son fonctionnement. Violer le traité ainsi n’était pas dans les règles, et c’est pour cela qu’elle était jugée aujourd’hui. Passer outre les lois avait toujours des conséquences. Le Sénat avait ses limites, pouvait être injuste pourtant il avait toute légitimité à sanctionner et s’assurer que les lois étaient respectées. Cependant plusieurs détails échappaient à l’umbarane qui ne pouvait s’empêcher de penser que le Sénat avait été complice d’Emalia et de ses actes en ne jouant pas son rôle de garde fou en limitant et contrôlant les actions de l’ancienne chancelière ou même en infligeant des sanctions à son encore ou du moins à son gouvernement : une mention de censure à l’encontre de Kira aurait du émaner du Sénat pour la destituer. Pourtant rien n’avait été fait en ce sens. Niganoht n’était pas responsable loin de là, et en un sens, rappeler à tous le rôle des règles et lois de la République rendaient son intervention plus pragmatique et éloignait les cerveaux du règne du pathos et de l’émotion pour laisser place à la raison. Son intervention élevait le débat, que l’on soit d’accord ou non avec lui.

Bien il était l’heure d’avancer ses pions sur l’échiquier afin de satisfaire les désirs du chancelier suprême : le neimoidien ne l’avait pas faite venir ici pour échouer ou simplement rester spectatrice. Il fallait qu’elle joue son rôle mais quel était-il ? Les choses sont rarement ce qu’elles semblent être… Et les sinistres desseins de la tisseuses devraient fonctionner si elle manœuvrait avec subtilité, élégance, charme et intelligence.
Luke Kayan
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[HJ: Désolée si je ne prends pas bien en compte tout le monde, si vous ne parlez pas, Luke ne peut pas savoir que vous êtes présents, sauf un léger doute concernant les Jedis. Enfin, je ne trouve pas ça génial, mais il n'avait pas énormément à dire... Pardon pour la qualité, d'autant plus vu mon retard!]

Les derniers mots De la propre Emalia Kira, de Lana Anthana, du Sénateur Qademanda ou encore de Balian Atraïde étaient
Percutants.

Ils semblaient avoir cette étrange capacité à amplifier tout ce qui avait été dit quelques secondes plus tôt. L'indécision brouillait l'esprit de quelques spectateurs perdus dans les méandres de cette immense joute verbales. Ils ne se sentaient pas à leur place, ici, peut-être. Un peu comme Luke pourtant formé à ce type d'événement d'une envergure sans pareille. Le jeune homme avait dû user de son entrainement Jedi pour ne rien laisser apparaître: ses doutes par exemple. Pour l'instant, les deux camps s'affrontaient de manière plutôt équilibrée, la Vice-Chancelière défendait sa supérieur, tandis que le Serpent représentant d'Agamar cherchait à l'accuser, utilisant pour se faire les nombreux morts laissés dans le sillage de cette décision plus qu'effrontée de violer le traité.

Lui, par chance, n'était qu'un Chevalier et son rôle n'était pas d'interpréter les faits de la chancelière, des faits qui l'avaient d'ailleurs surpris au même titre que l'Ordre qui ne savaient rien des plans osés de la femme. Sur le plan réglementaire, il n'y avait guère de débat possible: Emalia avait bien violé les règles du Sénat pour aller violer les frontières de l'Empire. Déclencher une guerre pour montrer son désaccord concernant un traité tenait de la folie quelque part. De l'égoïsme? Luke n'aurait pas utilisé ce terme choisi par un témoin qui avait basé tout son discours sur ce terme (PNJ?). Kira n'avait fait que prendre des risques pour sa carrière avec bien peu de chances d'être récompensée. Elle avait souhaité aider son peuple, tout justifiant les moyens. Et là résidait le problème éthique. En réalité, la femme Royale avait été confrontée à un dilemme que bon nombre de Jedis vivaient au moins une fois dans leur vie: Obéir aux lois qui régissaient leur Société ou à celles qui leur commandait de protéger les membres qui formaient cette dite société?

De manière certes un peu anticipée chez Emalia puisqu'elle basait sa défense sur des prévisions. Luke ne connaissait guère les subtilités d'un tribunal mais il doutait que parler d'un hypothétique futur ne serve à la femme. Elle avait provoqué le danger au lieu d'y répondre, un crime en soi aux yeux des lois. Le rôle "privilégié" de devin n'était octroyé à personne, et, de fait il était très dangereux. Vouloir démontrer ce qui était peut-être une réalité (que l'Empire ne respectait pas le traité d'Artorias) était une chose, mettre en danger des milliers de vie en son nom en était une autre. En tout cas, du point de vue légal, de celui du coeur, Luke ne se sentait pas apte à juger, peut-être parce qu'il avait été au centre d'une bataille très personnelle de la trentenaire, tandis qu'elle essayait de sauver sa vie? Une vie qu'elle avait d'ailleurs décidé de mettre en jeu aussi bien que celles des citoyens de Dubrillon, un geste qui adoucissait légèrement sa folie: elle avait considéré son souffle aussi peu important que celui des habitants de la Planète attaquée.

Difficile, dans ces circonstances, de donner un avis neutre. Heureusement, Luke avait été appelé à la barre pour témoigner avec toute la neutralité qu'un Jedi pouvait faire capable concernant l'attaque du vaisseau de la chancelière. Il ignorait si Jesaëlle et Korgan étaient présents dans la salle, même s'il se surprit à espérer que oui. En tant qu'aveugle, décrire une telle scène était une lourde tâche et il avait naturellement peur de mal interpréter. Même si son intervention n'était pas aussi importante que les précédentes, d'autant plus que son champs de vision -et d'action!- avait été extrêmement réduits, quelque part, le sort d'Emalia reposait un peu sur ses épaules.

Pour l'occasion, le jeune homme portait son éternelle tunique beige, fraîchement repassée sans autre artifice. Il monta à l'estrade discrètement, prenant son temps pour repérer les marches qui l'attendaient traîtreusement, sans doute à travers la Force, ou peut-ètre d'imperceptibles tâtonnements dont les habitués avaient le secret? De ses cheveux sagement attachés à son attitude aussi digne que possible, le jeune homme apparaissait comme n'importe quel quidam si l'on exceptait son physique si particulier de Hapien, et peut-être, ce regard perdu dans le vide. N'ayant pas souhaité souligner son "problème de vue" ni faire honte à son Ordre, il avait renoncé à sa salvatrice canne blanche dans des lieux aussi inconnus que bondés dont l'affreuse résonance perturbait ses oreilles.

Un avocat de l'accusation se présenta à lui, demandant brièvement au Chevalier quel avait été son rôle, n'omettant pas le ton légèrement sardonique qui se prêtait à la situation. À quoi pouvait donc bien servir un aveugle au sein d'une bataille spatiale?

- Je coordonnais les communications, indiquait la position de chacun, m'assurait du maintien en ligne des différents intervenants tels que le Colonnel Korgan Kessel et la Chevalière Jesaëlle Vertigen qui évoluaient en-dehors de la navette. J'avais également le devoir d'informer la Chancelière de l'évolution de la situation et de transmettre ses ordres ou ses... Idées à ceux qui la défendaient, car oui, Emalia Kira fut active durant l'attaque personnelle dont son vaisseau fut victime. Je peux confirmer que lors de cet épisode, et uniquement de cet épisode, en-dehors de toute pensée politique, doute personnel ou éventuel avis personnel qu'elle s'est montrée courageuse mais "prudente". Autant que la situation le permettait en tout cas. Elle a eu l'idée de piéger le rayon tracteur de l'assaillant en le détournant sur un astéroïde entre autre. Toujours est-il que je n'ai noté aucune haine, aucun désir d'aller plus loin. En position de défense légitime, pendant le temps de cette action elle a communiqué ses ordres sur un ton clair, calme avec des phrases concises, écoutant également les réponses de tout à chacun..

L'avocat posa quelques questions sur la mise en danger éventuelle des gens qui la protégeaient: le pilote, Korgan Kessel ou encore la flotte mais pour ce dernier point, Luke fut obligé de reconnaître qu'il n'avait pas accès aux Ordres généraux de la Chancelière. Les deux comlinks qui avaient failli le rendre fou grésillaient de conseils et de données internes à cette bataille au cœur de la bataille.

- Donc, vous n'avez pas identifié de signe de haine, d'envie de vengeance qui aurait pu pousser la Chancelière à agir en son propre nom sous le couvert de ses idéologies?

- Non. Même lorsqu'il y a eu retournement de situation et que le vaisseau attaquant fut neutralisé, elle a choisi de ne pas le poursuivre et de retourner auprès du Sénat pour s'expliquer.
- A-t-elle prise des décisions à la hâte?
- Lorsque c'était nécessaire et que sa vie ou la nôtre était éminemment en danger.
- Impliquaient-elles de mettre en danger l'équipage?
- Parfois, elles étaient osées mais jamais injustifiées et elle écoutait les conseils d'autrui.
- A-t-elle renoncé à une action sur votre conseil ou celui d'un des membres de l'équipe?
- Oui, deux fois. Elle a reconnu la praticité de la proposition de Korgan Kessel puis mon conseil de renoncer à atterrir sur Dubrillion via une capsule de sauvetage. C'est suite à l'idée de rester caché entre les anneaux d'astéroïdes qu'a émané la sienne qui a définitivement écarté le danger, nous libérant par la même occasion.
- Et que pensez-vous de l'idée d'Emalia Kira de s'impliquer directement dans cette guerre, physiquement je veux dire. N'était-ce pas vous mettre en danger, vous et son équipage? Car on peut supposer que l'ennemi ne vous aurait pas poursuivi avec autant d’assiduité s'il n'avait pas eu en guise de récompense, ce si bel appât.
- Je vous prie de vous référer au rapport du docteur Atraïde pour considérer les bénéfices et inconvénients de l'implication d'Emalia Kira.

- Avez-vous une opinion sur son initiative concernant le traité d'Artorias?
- Au regard de la loi, nous le savons, sa décision fut litigieuse. En ce qui concerne un avis, je ne suis pas qualifié et du reste, pas assez informé sur le dossier pour en émettre un. Je n'ai pas été cité pour cela.

Le regard éteint du Jedi balaya la salle, il reconnut vaguement une aura qui avait du parcourir le Temple sans savoir de qui il s'agissait. Sly Keto échappa naturellement à son radar, il se sentait petit non loin du Bothan qui servait de juge mais tâchait de ne rien montrer. Calme et sage, toujours, malgré son désir de vite en finir, surtout après avoir servi son témoignage, lequel avait été agrémenté de quelques données imprimées sur son datapad, notamment des retranscriptions de conversation entre les différents vaisseaux.
Zerath Ular'Iim
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Une semaine plus tôt


Zerath lisait pour la seconde fois le document, cet hologramme impromptu, reçu alors qu'il se tenait en orbite de Columex. Ils étaient venu d'un saut immédiat en partance d'Arda. À leur arrivée, la mort peuplait l'orbite, les flammes ravageaient l'espace avec pour seul combustible les corps des pilotes, lâchés en chute libre parmi les carcasses disloqués de leurs propres vaisseaux. Mais au milieu de la débâcle, au milieu du carnage et des corps, parmi les débris et les morts, le Républicain était toujours en un morceau. La flotte de Emalia n'était pas encore vaincue.

« - Ici le Commander Ular'Iim, tenez bon car le crépuscule de la bataille est proche ! » avait tonné le Kaleesh en message encourageant à ses alliés, qu'il ralliait tout juste.

Et, curieusement, comme si l'augure du prélat avait été entendue par les dieux eux-mêmes et fait destin immédiatement, l'Etat Major annonçait un cessez-le-feu immédiat. C'était une paix précaire qui s'était installée en orbite de Columex. Les deux forces se jaugeaient en chiens de faïence ; si la République avait débarqué hommes au sol, il n'en demeurait pas moins la capitale aux mains impériales et une bonne portion planétaire hors de toute attente, fort de ce cessez-le-feu impromptu. Zerath avait oeuvré longuement pendant la semaine qui s'en était suivie : il fallait placer les hommes au sol, en l'air et dans l'espace intelligemment, permettre aux ravitaillements qu'on entendait porter aux civils d'arriver à leurs destinataires, stopper par la présence pure la progression impériale. De Commander, il était passé à gouverneur – chose étrange, mais qui lui rappelait pourtant sa lointaine Kalee.

Et à présent, ce message. En provenance tout droit de la Chancellerie, de surcroît. Un retour au plus tôt sur Coruscant, pour y être nommé dans l'Etat Major. Si prestigieux...Si soudain. Loin d'être flatté, Zerath s'en était trouvé méfiant. Il avait fait ses adieux à ses membres d'équipage, distribuant toutes ses instructions afin que Columex ne tombe pas ; de la globalité de ses soupçons quant aux assauts impériaux prochains aux plus fins rouages de ses prévisions sur la marche à suivre dans les prochaines semaines, il avait tout transmis, expliqué, détaillé de longues heures durant à Darsch afin qu'il prenne sa suite. Columex n'était plus entre ses mains, mais ça ne signifiait pas qu'il la laissait pour autant complètement au bon vouloir des dieux.
L'équipage s'était réuni une dernière fois pour écouter le cantique de son prélat de la guerre, qui avait déclamé de son ton toujours si sibyllin ses intuitions quant au futur proche.


« - Demeurez forts, soldats. Le miracle est le fruit de l'esprit qui s'affirme sur le monde. Miracle était-ce que prendre Arda et de soutenir Columex, et voyez cette orbite ! Miracle vous avez accompli, mes soldats ! »

Sous un tonnerre d'applaudissements et d'yeux brillants, Goethe, ce grand humain qui avait par le hasard des choses accompagné Zerath sur ses plus récentes et dangereuses opérations s'était avancé. Il tenait entre ses mains un petit coffret, qu'il remit aux mains du Commander.

« - De la part de tout l'équipage. »

Au creux du coffret reposait, sur un lit de velours pourpre une lame fine comme un rayon lunaire, d'un acier fin et léger, qui brillait de tons chromés gris. Dans son manche torsadé courait une phrase, gravée profondément en des lettres qui se déliaient par des arabesques gracieux: « Seules les eaux tranquilles reflètent la Lune ». Alors Zerath s'était-il incliné, face à tous ces hommes et femmes sous ses ordres. Comme il avait leur respect, eux avaient le sien. Seuls les liens du sang étaient plus forts que ceux forgés par le sang, disait un proverbe Kaleesh.

À son arrivée sur Coruscant, on avait pourtant confié à Zerath une curieuse mission. C'était une missive surprenante qui était parvenue entre ses griffes d'acier ; une demande du Haut Tribunal Républicain, de la Cour Suprême – organe distant dont le prélat ignorait en définitif tout. Il n'en savait qu'une chose : sa présence était requise, sur la base de son expertise stratégique. Il avait une semaine afin de se pencher sur la bataille de Artorias, menée en 21,569 sous ordres de Emalia Kira. Avec une curiosité redoublée, le prélat s'était emparé de la missive, avant de se diriger vers le commandement central. S'il était un endroit où il pourrait trouver les informations relatives à cette opération, ça ne pouvait être que dans leurs archives.




Code:
Jour présent.


Zerath était assis devant l'une des deux tables qu'on avait réservées aux experts de l'Armée. C'était une maigre participation, songea-t-il. Pour deux membres de l'armée, combien de sénateurs et de civils étaient dans cette si grande pièce qu'il n'en voyait guère les portes arrières? Pourtant, qui de celui assis derrière son bureau ou de celui au front est le plus apte à juger l'acte ? Qui, des confidents ou des distants spectateurs pour relater les décisions dans leur plus grande exactitude ? Le Kaleesh ne connaissait à vrai dire pas la raison, car il ignorait profondément l'intérêt circonvolué de la comédie qui se déroulait devant lui. Si les dieux n'avait pas abattu Emalia puisqu'elle respirait toujours, n'était-ce pas la preuve qu'elle était meneuse d'une guerre Juste ? Par quel artifice cette assemblée entendait-elle peser dans sa balance mortelle des actes aux conséquences qui, à l'échelle cosmique, touchaient au divin ? Il fallait une justice, mais le jugement de ses pairs pouvait-il véritablement être impartial ?

À tout ceci, le vieux cyborg ne pouvait apporter de réponse. Il observait actuellement avec intérêt l'exposé d'un de ses collègues de l'armée, un certain Balian Altraïde, qui détaillait des enregistrements d'hommes ayant perdu la raison dans l'armée. C'était une chose curieuse. Des rêves suite aux guerres ? Il n'en avait qu'avant les affrontements pourtant. Le Rêve était le domaine des dieux, c'était là que s'implantait le présage qu'il incombait à tout shaman de décrypter, comprendre, analyser puis transmettre. Quel usage à une prophétie quand la bataille est terminée ? Quel usage aux songes de combat quand le bras de fer est achevé ? L'Ular'Iim plissa le regard sous son masque de fer mortuaire. Des millénaires durant, les siens s'étaient livré bataille. Des millénaires durant, les rêveurs avaient été célébrés, les Songeurs de Ctahlh n'étaient-ils pas de cette trempe ? Qui ne tremblait pas aux prémices de la guerre ? C'était après tout sa nature. Il fallait bien que l'un échoue pour que l'autre triomphe, c'était l'ordre cosmique inaltérable qui régulait le monde ; c'était la sagesse des dieux, c'était le monde de Kalee.
Mais cette expérience, ces morts, ces pertes, ces esprits disparus à tout jamais dans le panthéon célébré...Quelle insulte aurait-ce été, que de pleurer la simple expérience ! Quelle hérésie aurait-ce été, que de s'éveiller en sanglots du son des tirs et des explosions – un affront à tous ses ancêtres, aux tombés eux-mêmes. Il n'y avait pas de gloire dans la mort, pas même les Kaleesh ne prétendaient cela. Il n'y avait pas de honte à la défaite, tant que l'esprit demeurait invaincu. La gloire résidait dans celui qui, toujours, avait été maître de soi ; ces indomptables qui se refusaient à la mort même, qui de leur formidable présence marquaient à jamais leurs pairs, ceux-là seuls étaient dignes. La guerre n'était qu'une expression du monde. Ce n'était pas qu'elle était terrible ; seule la mort l'était. Mais c'était que ce monde civilisé avait perdu racines avec la guerre véritable, la guerre pure, la guerre saine. Comme on consommait une viande sans sacrifier soi même l'animal, on tuait d'un simple ordre, sans observer les victimes dans les yeux. Ceci était la plus grande hérésie. C'était une disgrâce aux arts de la guerre. Le général ordonnant la mort de son ennemi doit être premier à observer dans le blanc des yeux celui dont il ravit la vie.

D'une part la guerre n'est pas un jeu, sifflait à présent avec détermination un serpent enflé, lové dans sa nacelle qui, curieusement pourtant, s'exprimait devant tous.

Non, pensa Zerath en observant son lointain cousin écailleux. La guerre était un art, une philosophie, une façon de vivre. Ce n'était pas un jeu mais un aspect fondateur de l'existence, qu'il s'agissait de traiter avec autant de soin que la plus sérieuse des études.

Alors qu'un chevalier Jedi – éminente incarnation du Miracle fait chair - était à son tour appelé pour s'exprimer, le Kaleesh observait le lourd dossier qu'il lui avait fallu réunir en une semaine et transmettre au préalable au tribunal, ce fameux « rapport d'expertise ». Il semblait que deux parties se détachent de cette discussion : ceux qui soutenaient l'ex chancelière et ceux qui condamnaient l'acte de guerre. Le prélat ne comprenait pas cette philosophie. Sur son monde, Emalia Kira aurait été accueillie comme une héroïne, pour avoir mené la guerre. Certes elle n'avait pas toujours été victorieuse, mais elle avait eu l'audace de briser ce...Simulacre de paix, qui semblait si cher à cette assemblée. Il n'y avait de honte qu'à l'inaction et à la défaite spirituelle. De ces deux crimes, Emalia Kira était innocente.


« - Nous vous remercions monsieur Kayarn, veuillez vous rasseoir. Madame Kay, vous pouvez procéder à l'appel d'un second expert. »

L'attention des juges se porta immédiatement sur les avocats de l'accusation. L'une d'elle, en robe sombre, observa l'assemblée en plissant les yeux, à la recherche de quelqu'un. Ses pupilles de jais tombèrent enfin sur les sièges où l'on avait massé les – rares – militaires de la salle.

« - Je souhaite appeler et interroger monsieur Zerath Ular'Iim. » indiqua-t-elle. Le président hocha de la tête, puis :

« - Nous demandons maintenant à monsieur Zerath Ular'Iim de se lever et de se présenter en ses grades et qualités pour l'expertise qui lui a été confiée. »

Le vieux Kaleesh attrapa son sceptre d'os, qu'il avait laissé appuyé contre sa table. Les servomoteurs qui animaient les lombaires de son corps de fer vrillèrent, tandis que les vérins de ses jambes ployaient pour le faire se lever. Avachi sur son sceptre, il quitta sa chaise. Pour cette occasion, il ne portait guère son manteau pourpre de campagne ; il arborait une longue toge beige pour cette occasion, attachée au col par sa chère broche lunaire. À l'épaule droite, il arborait l'insigne de l'armée républicaine – mais c'était bien là l'unique trace d'un quelconque uniforme chez l'alien cybernétique. Son regard passa d'abord sur l'avocate de l'accusation – Kay – avant d'embrasser les juges et finalement tomber sur Emalia elle-même, avant de revenir face à cette madame Kay.

« - Aal'Anaf'uus ealayk, Tae'Aelaa Minha.* Je suis Zerath Ular'Iim, prélat de la Lune, sergent républicain servant dans la Marine Républicaine. L'on m'eût confié la tâche de faire lumière sur le commandement de l'opération, les décisions prises au fil de l'affrontement sur les fronts, d'en comparer d'alternatives plus fécondes et de contrôler la légitimité des ordres et les ramifications menant à l'accouchement de l'opération dite Vigo. »

Comme la voix du prélat sombrait dans le silence, la lourde homophonie de métal qui la caractérisait disparut aussi. L'avocate Kay marqua un silence d'hésitation avant de formuler sa question.

« - Dans votre rapport, vous indiquez que le commandement et la planification de l'opération ont été menées de concert par l'accusée, en sa fonction de chancelière, et par l'ex ministre de la Défense Vanessa Holdoll en sa qualité de ministre de la Défense. Est-ce exact ? »

Cela l'était rigoureusement. Les questions harmonieuses se trouvaient réponses en ouragan, d'un délié posé qui résonnaient dans des échos de plomb industriel.

« - Ainsi que vous pourrez le lire dans mon rapport, les mouvements de troupe sont préparés le 27 Selona, exactement huit jours avant le premier saut en espace impérial, le 4 Telona. »

« - Ces mouvements de troupe étaient en préparation à l'invasion, selon votre expertise ? »

« - Sans le moindre doute. La convergence manifeste de forces en bordure de notre espace est la marque de l'assaut prochain comme de la défense; mais l'éloignement qui découvre le coeur, le Noyau, est symbole de l'assaut, car l'amas n'était pas formé dans une zone où se serait portée la tempête impériale. »

« - Ces ordres exposaient les mondes républicains à un risque. Pourquoi n'ont-ils pas été soumis au Sénat ou au conseil des ministres tout du moins ? »

Quelle question étrange était-ce là ? Zerath pencha légèrement la tête sur le côté.

« - L'ordre établi de votre...Constitution indique que le Sénat n'est requis qu'aux ordres amenant nos forces hors de notre espace, mais pas à ceux qui précèdent une sortie. »

« - Mais ces ordres, pourtant, ne pouvaient laisser entendre qu'un mouvement prochainement offensif envers l'Empire qui mènerait les troupes hors de l'espace républicain ? »

« - Indubitablement. Mais il a fallu un ordre supplémentaire : l'ordre du saut. Cet ordre seul constitue la violation constitutive, objet de votre traque. »

« - Il y a eu pourtant bien d'autres ordres donnés. Vous faites description d'une opération – page trente et une – menée de concert sur Artorias afin de, je cite, ''saboter l'effort de guerre impérial et ralentir l'arrivée de troupes fraîches sur le front''. Cette opération, menée en terres impériales, constitue une violation nette du traité de Artorias et n'a jamais été ratifiée par le Sénat. »

« - Cette intervention est oeuvre furtive; commanditée par le Bureau Central d'Informations de l'Armée qui en vertu de votre loi de Sécurité Galactique de 21 530, a pleine parole et autorité sur pareilles façons. Le Bureau Central d'Informations a pleine autorité sur les opérations clandestines en territoire étranger et ne requiert pas l'autorité ni l'information préalable du Sénat pour les orchestrer. Ceci est leur nature même: on ne nie véritablement que ce que l'on ignore, et l'on acquiesce plus aisément à ce que l'on soupçonne. Notez que cet ordre n'est pas attribué à l'accusée; car l'Etat Major règle la fine horlogerie et les ramifications qui conviennent, pour satisfaire aux exigences de ceux qui ordonnent. »

Ainsi que lui-même avait du le faire pour prendre Arda et protéger Columex. Son regard observa un instant Emalia, avant de revenir sur l'avocate. Les rouages internes de la machine militaire ne pouvaient fonctionner que dans un régime bien huilé qui, paradoxalement, devait parfois ignorer la plupart des agissements. Il fallait une armée performante, mais aussi fallait-il des espions performants, des ombres agissant à l'insu de tous partout dans la galaxie, sans que jamais on puisse tracer leur origine. Nombre de commandos étaient envoyés chaque jour dans des espaces hors de la juridiction républicaine, sous couvert d'une fausse identité mercenariale ou même pirate. Le Kaleesh en savait quelque chose, pour avoir débuté son service à la République de cette façon. C'était peut-être même pour cela qu'on l'avait choisi en tant qu'expert. Qui d'autre pour connaître les détails fins des ordres et de la chaîne de responsabilité dans l'armée que celui qui était passé d'outil anonyme à commander ?

L'avocate avait obtenu des réponses, mais elle ne semblait pourtant pas encore en avoir fini avec le vieux prêtre mécanisé.

« - L'Etat-Major a été informé au préalable de l'ordre de saut, n'est-ce pas ? Sinon il aurait été impossible de coordonner si parfaitement une attaque sur Artorias. Pourquoi, alors, l'Etat-Major n'a-t-il pas informé le Sénat ? »

Encore une bien curieuse question, songea le Kaleesh.

« - Ce n'est pas son rôle. L'Etat-Major garantit que les souhaits de la Chancellerie et du ministre de la Défense seront observés et accomplis. Et si parfois la manière la plus profitable d'accomplir un vœu n'est pas celle initialement envisagée par celui qui le formule, ça n'est là qu'une responsabilité en plus de l'architecte militaire, que de bâtir une oeuvre qui indubitablement accomplira tout ce qui en est attendu, même par des façons insoupçonnées par ses maîtres comme ses ennemis. »

« - N'est-il pas possible pour l'Etat Major de refuser de façon exceptionnelle des ordres, par manquement matériel, de troupes ou si les risques d'une opération sont trop grands par rapport aux bénéfices, en vertu de l'Amendement militaire de 20200? Le rapport de votre pair, monsieur Atraïde, a, il me semble, amplement souligné les risques de cette décision. Cet amendement n'existe-t-il pas précisément pour empêcher des guerres inutiles ? »

« - La crainte la plus marquée était que l'Empire progresse dans ses armes, progrès que l'inaction ne pouvait guère stopper et que le si cher traité brisé par l'opération Vigo ne pouvait empêcher. C'est cet élément qui, en attestent les réunions de l'Etat-Major, ont renversé l'équilibre en faveur de l'accomplissement de l'opération. »

« - Élément qui outrepasse naturellement toutes les pertes subies, oui...Il me semble que le Chancelier préside les réunions de l'Etat-Major en vertu de l'article 22 paragraphe 5 ? »

Le vieux prélat plissa le regard, presque imperceptiblement. Il comprenait le sens et la logique des questions désormais. Elle voulait l'amener à avouer que Emalia et l'Etat Major avaient agi seuls, complotant à des affaires qui n'avaient rien à apporter à la République. Sa question, en apparence anodine, était pour piéger Zerath : l'armement était secondaire face aux vies, pensait naïvement celui ne voyait que quelques mois vers l'avant. Il était de surcroît impossible de démontrer que l'Empire, se réarmant, s'apprêtait à prendre d'assaut la République ; c'était une affirmation qui tenait du bon sens et de la base stratégique mais qui, dans un tribunal où tout devait être quantifié, n'avait pas plus de valeur qu'une promesse adressée à un dieu en lequel on ne croyait pas.

« - Absolument. La dernière réunion de l'opération Vigo a été l'adjonction exceptionnelle de tous les ministres et de leur ancienne meneuse, Emalia Kira. Cette décision ne vient pas que de l'Etat Major: le gouvernement entier était au courant. »

Il y eut un murmure dans l'assemblée qui se transforma en une avalanche de protestations. On se leva, on pointa le Kaleesh du doigt en l'injuriant de figures très imagées, on injuria Emalia de meurtrière, les militaires de « vendus ». La salle s'échauffait.

« - Silence, silence ! » commanda sévèrement le président. « - Silence, ou l'audience sera reportée ! »

Zerath, toujours debout, fixait l'avocate, qui le dévisageait, tentant de percer outre son masque de fer. Mais il était trop tard, il avait déjà réussi son office. À présent, elle tenterait sans doute de lui demander des preuves, pour nier en bloc.

« - Avez-vous des preuves que les ministres aient eu leur mot à dire ? Les comptes rendus n'indiquent qu'une intervention de la ministre de la Défense, madame Hodgoll, et de la ministre de la justice, madame Laz'ziark et de l'accusée elle-même, au sein de cette réunion. Comme l'exposait plus tôt monsieur Nigahoht, madame Laz'ziark a prévenu des risques de cette opération. Les faits montrent qu'elle n'a pas été écoutée. »

Bingo.

« - Elle s'est dérobée sitôt ses objections formulées, mais il n'est nul part consigné que la parole fut restreinte d'une quelconque façon dans cette réunion. Le reste de l'assemblée de ministres n'a formulé nulle objection, nul refus. Tous ont ainsi consenti au secret de l'opération, à défaut de son accomplissement même ; par ici découle l'implication totale du gouvernement. »

« - Sous-entendez vous que les voix discordantes de cette réunion auraient été contraintes au silence ou au retrait de leurs fonctions ? »

Ah. C'était donc ça, le nouvel axe d'attaque ? Puisque Emalia n'avait pas agi seule mais avec la complicité de tous ses ministres, cela ne pouvait être que par la pression sur ses pairs ? Cet argument allait dans le sens de l'argumentaire du grand boa du nom de Nigahoht, et ce serait certainement un détail qui ferait pencher la balance en défaveur de Emalia, au profit de tous ces...Hérétiques, qui ne pensaient qu'à la paix sans vouloir en reconnaître le coût. Le vieux Kaleesh délia ses doigts squelettiques sur sa canne d'os.

« - Rien de tout ceci. Pareilles affirmations réclament des faits autres que la simple foi ; et si tout un chacun avait réellement souhaité stopper l'opération de l'accusée, n'eût-il pas fallu d'en avertir le Sénat ? Une dissolution du gouvernement et une procédure comme ce présent procès auraient tôt fait de noyer l'opération dans l’œuf. Pourtant nous voici, trois ans après les conséquences de l'acte, mené de bout en long. Là résident vos preuves ; en ce que nous nous trouvions tous ici en ce jour, et pas trois ans plus tôt. »

Son masque occultait hélas son sourire ; de toute son expression ne transparaissaient que ses deux orbes de vipère dorée, qui luisaient de malice et d'amusement face à ce charmant petit exercice de pensée. L'avocate se tourna vers les juges.

« - Ce sera tout monsieur le président. »

« - Merci monsieur Ular'Iim, vous pouvez vous rasseoir. »

Et sans un mot, le gigantesque monstre de fer s'asseyait à nouveau sur sa chaise, posant à son côté son sceptre blanc et craquelé.


*: Salutation formelle dont le sens littéral est « Que le Souffle Eternel vous baigne, ô exaltés ». Typiquement utilisée dans les réunions où des invités de marque sont présents, cette prière est généralement utilisée par les représentants des seigneurs de guerre lors de rencontres diplomatiques.
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L’intervention de Luke Kayan concernait principalement les motivations d’Emalia Kira dans sa campagne, rien de compromettant en soit, le Jedi se chargeait tout simplement d’énoncer des faits mais à travers le prisme bien particulier de son ordre. En mettant en avant le fait que l’ancienne chancelière n’avait à aucun moment agi sous couverte de son idéologie ou par ambition personnelle, Luke Kayan mettait de côté le motif du carriérisme, ayant agi avec justesse et prenant des risques quand ceux-ci était nécessaires seulement, décrivant le portrait d’un leader réfléchi au cœur de la bataille. Ne se laissant jamais guider par la haine ou la vengeance, Kira semblait donc n’avoir pas été quelqu’un de fondamentalement mauvais. Sly Keto se demanda pourquoi l’avocat interrogeant le Jedi avait posé ces questions qui relevaient presque de l’attaque personnelle : il était pourtant bien fait mention que ce qui avait été reproché à l’ancienne chancelière était d’avoir passé outre ses prérogatives vis-à-vis du Sénat, et violé un traité de paix. Quoiqu’il en soit, Luke eut l’honnêteté d’admettre que la décision de rompre le traité était litigieuse et s’abstenait de tout avis sur cette question. La vice-chancelière esquissa un sourire, une sage décision prise par un jeune homme intelligent et avisé en plus d’être plutôt de bonne éducation et charmant de prime à bord.

Vint ensuite Zerath Ular’Iim récemment nommé à l’État-major par Grendo S’orn. Ainsi c’était donc ce kaleesh qui avait tenu en échec le Haut Inquisiteur Khorog ? Pourtant l’umbarane n’aurait pas parié sur lui dans un engagement, mais son attaque surprise sur Arda avait sans doute joué en faveur du kaleesh. Sly Keto avait consulté son dossier, mais le voir en chair et en os –bien que le terme le plus approprié aurait été en fer et acier peut-être ?- était une toute autre chose. Le dossier du kaleesh décrivait quelqu’un de brillant et d’assez vif d’esprit quoique quelques peu excessif dans sa réflexion. Le fanatisme dont il faisait preuve semblait parfois interloquer ceux qui le fréquentaient, mais inquiétait davantage Sly Keto : pourquoi diable Grendo S’orn avait pu le nommer à ce poste ? L’umbarane détestait les fanatiques et autres zélés car il était impossible de dialoguer avec eux tant ils campaient sur leurs positions idéologiques avec autant d’ardeur qu’un chien kath ayant fermé ses mâchoires sur un steak de bantha. Fort heureusement cela ne les rendait que plus prévisible pour qui savait comment ils raisonnaient. Peut-être que le neimoidien avait une idée en tête le concernant. Pour l’heure sa façon de s’exprimer était plutôt poétique et agréable à l’oreille bien qu’alourdissant ses phrases de mots superflu. Peut-être n’était-ce pas le meilleur moment ou endroit pour se prêter à cet exercice artistique, mais Sly Keto se garda bien de laisser passer quoique ce soit comme émotion à travers son masque de concentration. Elle n’était pas dupe dans la manœuvre du kaleesh qui cherchait à diluer la responsabilité de l’ancienne chancelière dans celle de ses ministres dans une tentative de sauver sa tête.
Brave mais manquant de subtilité selon l’umbarane, cet affront ne sera pas toléré dans le gouvernement actuel… Les témoins et experts étaient déjà passés à la barre successivement, si bien que les juges se tournèrent naturellement vers les bancs des jurés. Le président Vebrast Mun’quan s’éclaircit de nouveau la gorge et prit la parole derrière son micro.

- La parole est à vous si vous souhaitez poser des questions afin d’avoir davantage de renseignements sur l’affaire en cours, ou pour émettre un premier jugement.

Il était l’heure d’entrer dans l’arène. Sly Keto reine d’Umbara encore inconnue de tous sur la scène politique de la République il y a un peu plus d’un an se voyait déjà en haut de l’affiche. Son association avec le chancelier S’orn l’avait propulsée du statut de souveraine anonyme d’un système oublié à celui de numéro 2 de la République. Elle n’avait encore jamais affronté les ténors de la politique républicaine en public, si bien que personne ne savait de quoi elle était capable. D’aucuns la voyaient déjà comme la nouvelle maîtresse illégitime du neimoidien, d’autres comme un de ses drones qui parlerait de sa propre voix en apparence, mais ne ferait que répéter les mots du Chancelier. Sous-estimée, Sly Keto savait qu’aujourd’hui lui était donnée l’opportunité d’enterrer les dinosaures de la politique de la République, la possibilité de montrer ses crocs et ses griffes en faisant couler le sang d’une proie de taille, un beau trophée à afficher dans son salon en somme… Pourtant ce n’était pas son objectif, se payer quelqu’un de la carrure de Kira ne faisait pas partie de ses plans, mais cela ne signifiait pas qu’il fallait l’épargner pour autant et paraître trop docile face à l’ancienne Chancelière. Il était nécessaire de l’égratigner pour la réussite de son plan. Elle avait profité de la parole des autres pour affuter ses mots, il était l’heure d’agir. Sly Keto jeta un œil au padawan Jedi présent à ses côtés, puis tendit la main pour demander la parole.

- Oui Vice-Chancelière Keto, la parole vous est accordée.

Autorisa le président de la cour d’une voix respectueuse. Sly Keto se leva de son siège. Dire qu’elle ne ressentait pas le trac était mensonger, mais comme toute reine qu’elle était, elle s’empara du micro avec une certaine grâce et noblesse dans chacun de ses gestes. Souriante et élégante, l’umbarane humidifia légèrement ses lèvres avant d’inspirer un grand coup pour prendre la parole.

- Monsieur le Président, madame et messieurs les juges, mesdames et messieurs les témoins et experts, j’aimerais – elle marqua une courte pause s’assurant avoir toute l’attention de l’assemblée - avant que je ne démarre mon intervention consacrer une pensée à tous ces hommes et ces femmes ayant combattu au nom de la République. Ces héros anonymes ayant défendu la paix au péril de leur vie. Et j’aimerais remercier tout particulièrement le sergent Atraïde ici présent d’avoir pu mettre en lumière le quotidien de ces vétérans brisés et broyés par cette guerre, mais plus encore la politique désastreuse de leur suivi médical qui ne tient debout et assure un degré de qualité uniquement grâce à des hommes et des femmes tels que vous, dévoués et professionnels, face à des individus préférant oublier leur existence. Les vieilles méthodes changeront sous la nouvelle chancellerie, je m’y engage personnellement.

Aucun nom n’avait été donné, mais le message était clair. Cette frappe de semonce était un signal de cloche annonçant le début du premier round. Le plan d’action de la vice-chancelière commençait à prendre forme, il était clair que deux camps s’étaient dessinés avec d’un côté Balian Atraïde et Niganoht Qademanda en opposition, et Lana Anthana assistée de Zerath Ular’Iim de l’autre. Au milieu se trouvait Luke Kayan. Il était l’heure désormais de forcer la main du Jedi présent et de faire apparaitre davantage les oppositions entre les deux camps. Pour se faire, il fallait faire monter la pression sur la reine Kira en mettant en avant ses contradictions. Il était nécessaire de la pousser dans ses derniers retranchements, profiter de la moindre faille, la moindre erreur pour frapper au cœur. Oui, cette joute ne serait rien de plus qu’un match de boxe qu’un Hutt ne rechignerait pas à sponsoriser : la championne Emalia Kira défendant son titre et son honneur dans le coin bleu contre la challenger Sly Keto cherchant à trouver sa place dans la compétition dans le coin rouge. Dans un premier temps, il fallait couper l’ex-chancelière de tout soutien de la part de l’armée. L’intervention de Balian Atraïde avait été une aubaine, un véritable cadeau que l’umbarane ouvrit immédiatement.

- Mes questions s’adresseront tout d’abord à l’ex-chancelière Kira.

Ce n’était pas une surprise, en qualité d’accusée Emalia avait du se douter qu’elle serait des plus sollicitées. La vice-chancelière afficha une attitude sereine mais sérieuse, regardant l’ancienne championne sur le déclin depuis sa nouvelle place acquise dernièrement. Les salutations entre combattants avait été faite, le match pouvait donc commencer, et l’umbaranne donna l’assaut en premier par un direct léger mais précis dans le nez pour surprendre et donner le ton de son intervention pour s’approprier l’ascendant psychologique. Redressant le menton, la challenger ouvrit la bouche d’une voix claire, calme et douce.

- Au-delà de la question de la violation du traité d’Artorias et le fait que vous ayez outrepassé vos prérogatives en bafouant le Sénat, qui soit dit en passant sont des faits graves avérés et prouvés aujourd’hui, plusieurs interrogations n’ont pas encore trouvé de réponses. Ces questions sont plus relatives à votre conduite de ces opérations, et plus largement de la guerre contre l’Empire ayant débuté avec la bataille de Dubrillion. A commencer par votre premier propos qui entre en contradiction avec les rapports de cette bataille. Vous aviez déclaré devant le Sénat à cette époque, et il y a quelques minutes que vous n’aviez pas déclaré la guerre ce qui constitue en soit un parjure devant cette Cour Suprême et ses jurés. En effet vous avez pénétré dans le système Dubrillion avec une flotte de guerre au complet comptant une double dizaine de groupes de combats de vaisseaux.

L’umbarane marqua une très courte pause pendant laquelle elle abaissa ses lunettes pour voir Emalia Kira entre quatre yeux directement. Il était temps de décocher le second coup : un uppercut gauche sous le menton pour sonner un peu son adversaire. Elle pencha légèrement la tête sur le côté gauche, légèrement puis reprit la parole avec des mots un peu plus froids, une voix légèrement plus forte mais toujours confiante, détaillant des faits et interrogeant la native d’Ondéron de la même façon qu’une professeure vérifie les leçons de son élève.

- Dites-moi… ne considéreriez vous pas ceci comme un acte de guerre si un tel déploiement de troupes républicaines pénétrerait dans le système Ondéron sans le moindre message au préalable ? Comment réagirait le Consortium d’Hapès, l’espace Hutt ou Bothan si vous aviez fait la même chose ? La simple violation du territoire d’une entité souveraine –qui a été reconnue comme telle lors de la ratification du traité d’Artorias soit dit en passant- constitue en soit une déclaration de guerre… Si vous ne souhaitiez pas déclarer la guerre, peut-être aurait-il été plus avisé d’approcher avec une corvette et une escorte légère, quitte à laisser le reste de la flotte à proximité dans les frontières de la République.

L’ouverture dans la défense avait été faite, il fallait maintenant creuser l’écart et ne laisser aucun répit à la partie adverse. Tout se déroulait comme prévu, les provocations de Sly Keto auraient de quoi cliver l’auditoire et les témoins ou experts présents elles demeuraient basées sur du factuel, du vérifiable et vérifié. Le combat commençait mal, Sly Keto s’engouffra dans la brèche pour forcer Emalia à reculer sur le ring pour mieux l’acculer. Le phrasé de l’umbarane reprit d’un ton moins sec, plus calme et presque mélodieux, déroulant argument sur argument pour remettre la situation dans son contexte et mettre en évidence chaque lacune, chaque ouverture dans la défense de sa rivale.

- Du temps s’est écoulé et nous pouvons désormais tous ici constater et apprécier pleinement les conséquences de vos actes que vous avez toujours cherché à repousser. Allant jusqu’à imposer un faux dilemme au Sénat pour les dissuader de réagir par une mention de censure à votre égard en brandissant l’épouvantail impérial au mépris des règles encadrant la destitution du Chancelier qui garantissait pourtant, un intérim du gouvernement présidé par le vice-chancelier qui aurait pu ne pas laisser la République décapitée et vulnérable à la riposte impériale. Votre décision a été unilatérale et dictée par des motifs que je soupçonne être des plus douteux. Vous avez pris le Sénat en otage pour le mettre devant le fait accompli au détriment des volontés composant la myriade de peuples représentés dans la Rotonde. Et pire que tout, vous les avez menacés s’ils osaient jouer leur rôle de garde-fou.

Désormais il fallait couper Kira de tout soutien de la part du Sénat, sans doute la partie la plus facile du plan compte tenu de la défiance exacerbée entre l’ancienne chancelière et les sénateurs depuis cette affaire désastreusement menée. Les membres de la Grande Rotonde n’avaient certainement pas oublié ni pardonné l’insulte que leur avait infligée Emalia Kira, les convaincre que ce serait différent sous la chancellerie S’orn serait du gâteau… Un jeu d’enfant, il suffisait d’avancer les bons pions, actionner les bons leviers pour les manœuvrer. L’ondéronienne avait donné toutes les cartes en main à Sly pour triompher. Poursuivant son attaque verbale, l’umbarane assénait coup sur coup à sa rivale finalement acculée dans un coin du ring : le pire allait arriver. Poursuivant son exposé d’une voix un peu plus ferme, la nouvelle vice-chancelière reprit.

- Vous avez choisi Dubrillion pour mettre votre plan en mouvement, un système neutre séparant les frontières impériales et républicaines. Ce système a été envahi par l’Empire qui se l’est par la suite approprié. Je vous rejoins sur le fait que cette annexion sauvage aurait du être sanctionnée, mais le traité d’Artorias nous gardait bien d’interférer avec cette affaire. Pourtant contrairement à ce que la Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères ici présente a pu énoncer, je suis convaincue qu’il y avait d’autres méthodes plus subtiles en employant à bon escient les ressources de nos services de Renseignements par exemple… Ces solutions ont-elles été envisagées au cours de votre réunion précédant votre mission ? Soutenir en matériel et équipement une force de résistance locale aurait pu être une alternative efficace si suffisamment discrète… Un moindre mal en comparaison des provocations impériales…

En nommant Lana Anthana par son titre, Sly se plaisait à rappeler qu’en dépit de la prétendue amitié que pouvaient se porter les deux femmes, la princesse de Kuat n’avait pas pour autant décliné ce poste d’une part, mais aussi pour rappeler à cette dernière que s’accrocher à un navire faisant naufrage était un très mauvais choix politique… Refuser de prendre les capsules de sauvetage disponible vous condamnait avec le vaisseau vous transportant. Vraisemblablement, la matière grise était absente aussi du côté Républicain de la guerre compte tenu de certaines décisions prises. C’était en un sens rassurant pour les impériaux si ceux-ci ne passaient pas leur temps à gaspiller autant de ressources sur des objectifs tout sauf prioritaires tels que Lorrd dont la conduite de la bataille avait manqué à l’umbarane de s’arracher les cheveux devant un tel gâchis de matériel et d’hommes pour un butin si maigre. Sur cette section, Sly Keto avait soigneusement tendu son piège tel une trappeuse attendant en embuscade une réponse de la chancelière Kira pour asséner une riposte ne faisant qu’aggraver son cas. Maintenant qu’elle était acculée, il fallait travailler l’ex-chancelière au corps et marteler son torse pour lui couper le souffle. Rappeler quelques vérités et mettre en avant des alternatives suffirait sans doute à révéler que son dossier était indéfendable en l’état. C’était déjà en soit un miracle qu’aucun putsch n’ait été lancé contre elle, ou que le Sénat ait été suffisamment lâche pour ne rien attenter contre Kira et passer outre ses intimidations. Il fallait désormais passer à la suggestion d’alternatives. La voix de Sly Keto conservait sa neutralité de professeur donnant son cours devant sa salle de classe.

- Dubrillion était de surcroit un territoire neutre. Mais je m’interroge sur le choix de ce système pour monter votre plan de bataille. Était-ce parce qu’il s’agissait de la dernière planète conquise ? N’aurait-il pas été plus avisé de mettre votre plan en action en n’exposant pas les civils de ce système aux affres d’une bataille en positionnant votre flotte sur un monde moins peuplé, ou un objectif plus prioritaire qui aurait pu porter un coup sévère à l’Empire ? Ou alors, puisque votre objectif principal était de rendre le traité d’Artorias caduque, tout simplement engager le combat hors d’un système habité ? Ce qui aurait suffi à rompre le traité en soit.

Une courte pause avant de poursuivre son assaut et enfoncer les côtes de la chancelière déchue. Après l’armée et le sénat, il fallait désormais remettre en cause son discernement et ses compétences en matière de prise de décisions et de leadership. L’umbarane appuya davantage son attaque et ajouta en réveillant une vieille blessure : le cas de la ministre Ress Laz’ziark et cette séance au Sénat dont les enregistrements avaient été consultés par la vice-chancelière avant le procès. Cette frappe vicieuse de Sly Keto devrait rappeler certains faits même aux plus zélés comme Zerath Ular’Iim.

- Vous aviez justifié le fait d’avoir prévenu le Sénat aussi tardivement par le caractère ultra-secret de l’opération que vous avez montée. Effectivement bénéficier de l’effet de surprise est toujours appréciable en bataille et vous confère un avantage non négligeable dans votre campagne. Cependant compte tenu de l’issue de la bataille qui a été aussi coûteuse et dévastatrice en termes de pertes humaines et matérielle, je m’interroge sur le bienfondé du caractère sensible et secret de cette opération. La bataille aurait du être plus facilement gagnée. Après tout pour une attaque surprise, les impériaux semblaient bien préparés à vous accueillir. Votre ancienne ministre, Madame Ress Laz'ziark avait même devant le Sénat indiqué que « votre effet de surprise » est complètement tombé à l’eau car je cite : « Les impériaux s’attendaient à une attaque sur Dubrillion ou Artorias. ». N’avez-vous pas eu la sensation d’être tombée de vous-même dans un piège à aucun moment ou provoquée pour agir ainsi ? Par ailleurs aviez-vous au moins envoyé des agents des renseignements et des éclaireurs pour estimer efficacement les forces que vous alliez affronter et donc vous préparer en conséquence ? Car il faut l’admettre votre intrusion relevait de l’attaque bien trop frontale et mal préparée…et je suis convaincue que de nombreuses vies auraient pu être épargnées.

La fin de ce match à sens unique approchait lentement, mais tant que la cloche ne retentissait pas, il fallait poursuivre l’assaut. Une victoire aux points ne suffisait pas pour l’umbarane : elle cherchait le K.O. La Vice Chancelière repassa aux insinuations pour une nouvelle succession de coups, il fallait remonter sur le visage pour décrocher la mâchoire et sonner davantage la souveraine d’Ondéron. La voix de Sly Keto devint bien plus suspicieuse et tendue, son visage se fermait petit à petit.

- Ce constat m’amène à ne pas écarter une possibilité des plus dérangeantes, avez-vous précipité cet assaut pour sauver Ondéron qui figurait dans les clauses du traité d’Artorias au détriment de Dubrillion ? Vous avez bien annoncé à votre peuple qu’ils étaient hors de danger et enfin libres après l’exécution de votre plan et votre passage devant le Sénat. De surcroit je ne crois pas me rappeler que la République ait participé aux frais de reconstruction de Dubrillion, ni à la fortification et préparation des défenses de cette planète après que vous l’ayez arrachée à l’Empire. Il était pourtant évident que ce dernier ne laisserait pas passer une telle humiliation… Dubrillion avait choisi de rester neutre, certes. Mais après avoir essuyé une première attaque de l’Empire, votre offensive n’a fait que la rendre encore plus vulnérable à une troisième attaque de la part des Sith.

L’adversaire flanchait, un dernier crochet du droit, une série de directs et un uppercut devraient suffire. Mais plus elle avançait dans son assaut et ses questions, plus la vice-chancelière se crispait. Son masque se fissurait laissant apparaitre sa frustration et son agacement en énonçant ce qu’elle avait préparé la veille de cet évènement politique. Elle espérait au fond d’elle que cela ne compromettrait pas ses plans, craignant d’avoir enfoncé le clou trop profondément dans le bois. L’umbarane porta le coup de grâce pour tenter de rompre définitivement tout lien entre l’armée de la République et leur ancienne dirigeante en rappelant des faits et la retraite prématurée de l’ancienne chancelière.

- Et que dire de la gestion des militaires de la République tombés au combat n’ayant pas eu droit à des funérailles nationales ? Et pour ceux ayant survécu un meilleur suivi médical ? Ces femmes et hommes tombés au champ d’honneur sur Dubrillion n’ont jamais été honorés par votre gouvernement, pas plus que leurs familles. Certes vous les avez menés au combat en survolant le champ de bataille, jusqu’au moment ou vous avez pris la fuite à bord de votre corvette ! Rassurez-vous, je sais qu’en cas de guerre il y a forcément des pertes, c’est le prix à payer pour triompher, et nos soldats le savent très bien, mais cela ne justifie pas d’envoyer nos soldats au suicide comme de la chair à canon. Toutes ses morts l’ont été pour quel but ? Je vais vous le dire : une simple rupture de traité. Dubrillion est certes toujours neutre et libre de l’influence impériale, mais réduite à un champ de ruine et des cendres encore chaudes, sa population décimée et les rares rescapés ne font que nourrir leur haine de la République incapable de les défendre. Croyez-moi bien Chancelière Kira que les Sith sauront profiter de ce ressentiment à notre égard : après deux batailles aussi graves, une économie laminée et une démographie aussi profondément balafrée, certains envisageront très vite de négocier avec l’Empire : soit en conservant leur indépendance en échange d’un tribut versé à Dromund Kaas, soit en acceptant une occupation impériale pour obtenir une protection et une aide conséquente à la reconstruction de leur monde. Toutes ces morts, ces destructions pour un si maigre butin… A votre place j’éviterai de croiser le moindre miroir pour ne pas avoir à subir l’horrible reflet de ma personne qu’il me présenterait quotidiennement…. Comme le disait l’amiral Tanis, un illustre officier umbaran : « La différence entre une erreur et une faute, c'est qu'une erreur devient une faute lorsqu'on ne fait rien pour la réparer. ». Et les faits sont là Madame Kira, vous n’avez rien fait pour réparer cette erreur au cours de ce mandat, et vous continuez à refuser d’assumer les conséquences de vos actes en dépit de toutes vos meilleures intentions. Toute votre bienveillance, vos excuses, votre compassion et vos meilleures intentions ne répareront jamais le chaos et la désolation que vous avez semée…

Les épaules de la vice-chancelière s’affaissèrent comme épuisée par ce duel l’ayant vidée de ses forces. Ce procès était une tribune inespérée pour se révéler politiquement. Soupirant une première fois, elle détourna son attention de la future condamnée, se sachant déjà triomphante elle redressa son menton pour porter son regard plus apaisé et vers l’anacondan ici présent. Reprendre son phrasé serait utile et montrerait que sur ce dossier, la vice-chancelière et le sénateur d’Agamar étaient sur la même longueur d’onde.

- Le sénateur Qademanda l’a rappelé précédemment avec justesse, et je ne peux que lui donner raison sur ce point : la guerre n’est pas un jeu Madame. Vos actions ont scellé le sort d’un million de personnes, et je n’évoque même pas les blessés qu’ils soient civils ou militaires.

Puis elle posa une nouvelle question, mais directement au sénateur cette fois-ci sur une ton presque compatissant sur sa situation.

- J’aurais une question pour vous Sénateur Qademanda. Vous représentez Agamar, un monde très proche des frontières impériales, et au sein du Sénat à l’époque vous avez proposé et voté pour un report de la motion de destitution de la Chancelière Kira. Est-ce que si vous aviez l’opportunité de remonter dans le temps, après tous les évènements s’étant produits jusqu’à aujourd’hui, est-ce que vous maintiendriez votre décision ?

N’ayant plus beaucoup de temps, elle posa une nouvelle question adressée directement à Lana Anthana cette fois-ci pour lui tendre un nouveau piège qui scellerait probablement sa carrière si elle n’y répondait pas convenablement. Restait à savoir et déterminer ou se trouvait sa loyauté. Et c’est précisément dans ce but que la nouvelle vice-chancelière prit la parole en s’adressant à son prédécesseur à ce poste, remettant sur le tapis certaines déclarations ayant été faites il y a quelques années déjà lorsque le débat de Dubrillion avait animé pendant de longues heures le Sénat.

- Madame la secrétaire d’État Anthana, au cours de cette même séance devant le Sénat, vous aviez défendu, comme aujourd’hui d’ailleurs, la décision de la chancelière Kira concernant cette offensive. A l’époque vous aviez dit que je cite : « La chancelière Kira a fait une erreur, c’est un fait. » Je rappellerai à l’ensemble de l’assemblée ici présente que cette erreur à fauché la vie d’un million de personne. Je me doute bien que vous appréciez les euphémismes, tout comme les familles des victimes qui seront ravies de voir ces décès comme une « simple erreur » mais j’estime à titre très personnel que cette atténuation était probablement plus que déplacée compte tenu des circonstances. Par la suite vous avez déclaré : « La chancelière a peut être condamné des milliers de personnes sur Dubrillion, mais elle en a sauvé des milliards d'autres à travers la galaxie. ». En dehors du caractère infondé de cette spéculation, pensiez vous que nous étions à l’époque ou même aujourd’hui, à ce point désespérés pour abandonner nos valeurs pour raisonner par calculs comptables destinés à estimer la valeur des peuples composant la République ? Quel système est classé en "pertes acceptables" et lequel doit être impérativement "épargné" ? Si c’est le cas quelle valeur donnez-vous à votre propre peuple sur Kuat par rapport à ceux d’Agamar, Kalee, Mirial ou mieux encore : l’intégralité des membres de l’Ordre Jedi ? Maintenez-vous toujours ces déclarations ?

Le temps venait à manquer à l’umbarane faisant partie des jurés. Restait un dernier coup de marteau à mettre, et pour cela il fallait jouer sur l’émotion qu’avait pu susciter le cas du traitement politique et concret des rescapés et mutilés qui avaient été soigneusement insultés sous le mandat de la chancelière Kira, une simple allumette pouvait suffire à déclencher un incendie, soupirant et s’affichant clairement comme quelques peu épuisée après un effort, Sly Keto alluma la mèche de la poudrière que pouvait représenter le sergent Atraïde ici présent.

- Une dernière question à l’attention du sergent Atraïde, est-ce que ces blessés et mutilés auront-ils une chance même infime de mener une vie normale désormais ?

A dire vrai, si Sly Keto avait pu avoir son mot à dire dans son gouvernement, sans doute aurait-elle nommé directement ce jeune mirialan dans l’État-major afin de s’assurer de sa loyauté. Il était manipulable si l’on savait jouer sur ses faiblesses. Mais pour revenir à la situation, la vice-chancelière savait qu’elle s’exposerait à une riposte de la part des jusqu’au boutistes à la botte d’Emalia Kira. Le deuxième round ne serait certainement pas aussi facile, et il fallait se préparer à une riposte violente. Mais l’umbarane avait un avantage que les autres n’avaient pas : sa virginité politique. Les mains de Sly Keto étaient propres, et l’attaquer ne serait pas aussi évident du fait du manque de perches à disposition. Que pouvait lui reprocher Lana Anthana ? D’avoir convaincu Virgile-Auguste de se rallier à son point de vue ? De lui avoir subtilisé son rang ? Sur quoi Emalia Kira pourrait attaquer Sly Keto ? Rien si ce n’était des attaques ad hominem, mais la vice-chancelière estimait que la principale intéressée de ce procès ne s’abaisserait pas à ces pratiques qui ne feraient que fragiliser davantage sa position et révélerait qu’elle s’attachait bien plus à la forme des choses qu’à leur fond.
Même si l’umbarane perdait cette joute, au moins cet intermède aura le mérite de révéler à l’umbarane qui seraient ses alliés, et qui seraient ses opposants. Dans tous les cas, il était probable que la phase 1 du plan que s’était fixé la vice-chancelière était atteinte : elle avait fait monter la pression d’un cran. La phase 2 n’en serait que plus délicate, mais ses hypothèses basses étaient au moins réussies. Dans sa grâce et sa noblesse, elle se rassit après avoir incliné la tête en guise de remerciements auprès des juges pour sa prise de parole.

- Ce sera tout pour moi.

Il fallait maintenant attendre les réponses, et surtout voir ce que le padawan assis à ses côtés allait dire. Serait-il sur la même ligne que Sly Keto ? Elle l’espérait bien afin de pouvoir enfoncer davantage son clou dans le cercueil de la carrière de la chancelière Kira. Assise dans son siège à la façon d’une reine ses épaules se détendirent quelques peu, et elle abaissa sa tête de façon à instaurer une forme de domination. Le regard de l’umbarane se perdit quelques instants sur le jeune Raimee Baryon à ses côtés pour finalement observer les réactions parmi l’ensemble des personnes présentes. Cette passe d’armes était sa seconde intervention en public sur un dossier aussi sensible et brûlant que celui de la bataille de Dubrillion. Sans doute que Grendo S’orn l’avait envoyée ici afin de passer un test. Certes il était évident que Sly Keto était à cet instant sans doute au cœur de l’attention du Chancelier Suprême nouvellement élu, mais la vice-chancelière était plus que convaincue que le neimoidien ne profitait pas de cette opportunité pour tester uniquement la loyauté de la souveraine d’Umbara : après tout elle avait été l’un de ses soutiens de la première heure lorsqu’il annonça sa candidature aux élections. Non. Elle n’était certainement pas la seule évaluée. Son regard dissimulé derrière ses lunettes se posèrent successivement sur le kaleesh et la kuatii présente. Restait à décrypter le plan mis en branle par Sly Keto car les apparences étaient trompeuses, et ses objectifs bien qu’en partie révélés au cours de son intervention dissimulaient un plus vaste et ambitieux projet…
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Anonymous
Un officier spécialiste, médecin de guerre, passa ensuite et conta son expérience en s'aidant de témoignages de différents militaires puis ce fut le tour d'un Anacondan, sénateur de son état. Raimee haussa les sourcils à plusieurs reprises d'un air assez blasé. Vint ensuite Luke Kayan, chevalier Jedi, comme Mary Poppins, en tout point parfait. Aucune spéculation, aucun parti pris, des faits, des faits et encore des faits. Concis, clair et précis. Et il en fut de même avec le sergent cyborg. On ne plaisantait pas dans l'Armée et clairement, il faisait honneur à son Corps d'Arme. Raimee s'était souvent demandé s'il aurait pris les armes aussi s'il n'avait pas été recruté avant chez les jedi ou si cette pensée venait du fait qu'il avait souvent cotoyé les militaires et que leur code d'honneur avait fini par le séduire. Sans doute une question qui ne trouverait jamais de réponse, en tout cas pas maintenant, vu que la vice-chancelière prenait le micro et emmenait avec elle toute l'Audience vers un long voyage de mots et d'accusations en tout genre. Elle, elle avait fait son jugement, Emalia était coupable, point barre. Et visiblement, elle comptait bien prendre le temps de bien expliquer pourquoi. Alors qu'il baillait comme un bienheureux, elle finit par achever son discours, à défaut de l'accusée...

Assez pataud, il se dressa comme la montagne de muscles qu'il était, fit un large sourire à la vice-chancelière, mit ses mains derrière son dos et attendit patiemment que la Salle se tût complètement en fixant fièrement le président de la cour.

"Jeune padawan, la Cour attend..."
"Excellent, ton Honneur, moi aussi... Bien..."

Au beau milieu de la salle, le vieil Ean se passa la main sur le visage, il ne savait que trop ce qui allait se passer...

"Ton honneur, avant de commencer, je tiens à ce qu'il soit effacé des procès verbaux l'entiéreté des témoignages indirects passées par le docteur Atraïde. Comme le sous-officier spécialiste a pu le constater par lui-même dans son rapport, ces personnes souffrent de syndrômes post-traumatiques et ne peuvent donc pas être entendu comme des témoins possédant clairement leurs facultés. Sinon, ils n'auraient pas eu besoin de ses services. Cependant, j'invite ces témoins de la guerre à se présenter à la Barre s'ils éprouvaient quelconque intérêt à faire entendre leur point de vue... ... ... Personne ? ... Alors continuons."

Il fit un petit clin d'oeil à Ean qui ne savait plus où se mettre et s'adressa ensuite à Emalia Kira, reine d'Ondéron et tout un wagon de titres aussi barbants et longs qu'un cours d'Initié sur la Géopolitique galactique des trois siècles passés ou ce que Raimee appelait le bouquin qui calle la table du fond dans le réfectoire.

"Raimee Baryon, padawan, Ordre des Jedi, sous la tutelle de Sevel'he Ean... Ton Altesse, tu as clairement exprimé le fait que tu te présentais devant nous coupable sur le second chef d'accusation. Le premier chef d'accusation, en revanche, je n'ai pas très bien compris ton positionnement. Tu t'es expliquée sur les raisons, je l'entends, mais clairement, plaides-tu coupable aussi ? Je crois que tu aiderais grandement les jurés en répondant simplement. Et si je peux me permettre, t'es sûre de pas vouloir d'avocat ? Tu sais, je peux le comprendre, et tous aussi ici présents. Il n'y a pas de mal à se faire aider... T'imagines les gros titres dans la presse demain ? "Un juré recadre l'Audience"... En parlant de recadrer..."


Alors qu'il adoptait un sourire assez bonhomme, son ton se fit plus abrupt, ses traits sur le front démontrant qu'il n'était pas très content...

"Sergent Beltaide... Comment puis-je écouter ton rapport d'expert alors que sous serment, ici, maintenant, tu viens de te présenter comme officier, et non comme sous-officier ? Il me semble que c'est la base, non, pour un militaire, de connaître sa hiérarchie ? Comment peut-on te faire confiance sur le reste si déjà dès le départ, tu te trompes. Qui me dit que ton rapport n'est pas truffé de la même confusion que tu m'as servi un peu plus tôt ? Comment peux-tu oublier le serment le plus sacré de l'Armée Galactique ? ... Protéger au péril de sa vie. Ces gens, là, ont signé un contrat avec la République. Ils savaient où ils mettaient les pieds. Je préfère le préciser parce que t'as pas l'air très au courant de comment ça marche... Eux non plus d'ailleurs... Bon, on les pardonnera, tu nous as expliqué qu'ils ne sont plus tout à fait eux-mêmes..."

Amateur... Sans autre procès, le blondinet se tourna vers l'Anacondan. Pas de répit mais un léger adoucissement dans sa voix et son comportement.

"Sénateur, je n'ai pas très bien compris ton intervention ? Es-tu un témoin direct ? Un témoin de moralité ? Enfin de moralité... D'immoralité, plutôt ? A part nous expliquer par des conjectures et des suppositions que l'Accusée est donc coupable, que viens-tu faire là au juste ? Dois-je encore demander qu'il soit retiré l'ensemble de son témoignage pour spéculation ?"

Le padawan regarda Emalia, opina du chef, puis le Juge principal. Avec un petit sourire non déguisé, il égraina simplement :

"Je demande à ce que soit retiré le témoignage du sénateur Niganoht pour spéculation... A part le moment où il précise, en tant que membre du Sénat, que nous sommes bien en guerre contre l'Empire qui est un ennemi. Ca c'était intéressant... Et factuel..."


Fallait-il à ce moment préciser l'état de la Salle ? La plupart des gens était rivée à ses lèvres mais Raimee, lui, n'en avait cure. Il se contenta juste de regarder l'Accusée avec un sentiment d'ahurissement et de déception. Il fronça un peu des sourcils à nouveau comme pour lui mettre un coup de pied sur son petit cul de reine. Il fallait qu'elle se réveillât un peu car ils allaient tous la dévorer...

"Sérieux, ton Altesse... Traité d'Artorias ou pas, ton gouvernement a décidé d'agir contre l'invasion de l'Empire sur Dubrillion. Es-ce que tu dirais qu'il y aurait pas eu comme un bon gros coup de canif dans le contrat de la part de l'Empire ?"

Puis, blasé, il se rassit aussi lourdement que ce procès, sans trop espérer quoi que ce soit. Elle était passée où la jungle moite et inquiétante d'Ondéron ?

"Heu pardon... J'en ai fini pour le moment ton Honneur."

D'un signe de tête pas très au fait de la courtoisie qui avait régné jusque là, Raimee indiqua ainsi qu'il en avait fini. Au milieu de la salle, son maître était fier de lui. Et très embarrassé...
Balian Atraïde
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Le Sénateur d’Agamar pris la parole…puis un Jedi dont j’avais eu le plaisir de faire connaissance : Luke Kayan, puis un autre membre de l’armée que je connaissais de réputation : Zerath’ Ular’Iim. Mais je n’écoutais plus toutes ces palabres…j’étais loin…perdu dans mes pensées…j’étais reparti sur le front…mon premier jour en tant que médecin militaire sur le terrain…en plein cœur du conflit de Gravlex Med.


**
*



Musique d'accompagnement


La boue…le sang…j’en avais partout…c’était ma première sortie en tant que chirurgien de combat. On m’avait envoyé avec une escouade vers une unité qui s’était retranchée suite à un assaut désastreux. Le capitaine avait été déçu de me voir arriver avec l’ordre de « tenir la position en attendant l’évacuation ». Avide de réussite, je voulais tous les sauver, tous les soigner…mais c’était impossible. La plupart n’en n’avaient plus que pour quelques heures à vivre…J’avais repéré une dizaine d’abdomens, quinze fracas de membres, deux crâniens, trois thorax, et le reste étaient des poly-blessés. Les pansements allaient bon train, les piqûres aussi, je n’aivais pas le temps de pleurer sur le sort de ces pauvres bougres dont les vies étaient entre mes mains. Si je tremblais au début, rapidement mes gestes se précisèrent, et les automatismes revinrent. Régulièrement, notre camp de fortune était secoué par les tirs de l’artillerie adverse qui nous pilonnait avec acharnement.

Dans son comlink, le capitaine braillait comme un forcené pour qu’on nous évacue au plus vite, tandis que je posais les garrots, et administrais des doses incroyables de morphine.

- On pourra pu tenir très longtemps mon général ! Il faut nous sortir de là tout de suite !

Je n’entendais pas la réponse du général, mais devant l’air grave du capitaine, ça ne sentait pas bon pour nous. Les heures passaient…toujours pas d’évacuation programmée…Malgré mes efforts j’avais perdu une dizaine de mes blessés. On traînait les morts un peu plus loin, dans un boyau qui nous servait de « morgue » …Il était rempli de corps pèle-mêle, figés dans des positions tragiques, immobilisés dans l’attitude où la mort les avait surpris. Je repris les soins tandis que le capitaine relançait son appel :

- Combien de temps on va attendre mon général ! Ça pète de partout un vrai feu d’artifice ! Encore une fois la réponse du général ne me parvint pas…mais je voyais le visage déconfit du capitaine qui repris…d’une voix calme et résignée…Ils viendront pas nous chercher hein mon général ?

Ils vinrent finalement…avec dix-sept heures de retard…Peu en avait réchappé…et parmi mes blessés, la majorité était morts entre temps…Avachis au sol, je berçais doucement un humain qui avait une jambe arrachée…j’avais eu beau le garrotter, il aurait fallu l’opérer en urgence pour qu’il survive…Il était mort dans mes bras…Le capitaine m’avait doucement fait lâcher prise…et m’avait amicalement tapoté l’épaule en disant d’une voix lasse et blasée :

- Ça va aller toubib…vous vous y ferez…


**
*




L’évocation de mon nom m’avait ramené à la réalité…la vice-chancelière avait la parole. Elle venait de porter une attention toute particulière à ceux qui étaient morts dans cette guerre stupide. J’eus un faible sourire à son encontre, la remerciant ainsi de sa sollicitude à l’égard des soldats qu’on avait vite fait de cataloguer comme « chair à canon ». Elle voulait changer les choses à ce sujet, offrir un meilleur suivi médical aux vétérans, ceux qui étaient revenus vivants…vivants mais traumatisés à vie…

J’avais écouté attentivement les propos de la reine Sly Keto, ayant ainsi tout le loisir de l’observer, et plus elle parlait, plus je comprenais pourquoi Grendo S’orn l’avait choisie…Elle assénait des coups de plus en plus violents à travers son exposé. Ses connaissances du pot aux roses étaient détaillées et venaient étayer sa redoutable argumentation, mettant Madame Kira devant ses responsabilités. Des responsabilités qui pesaient lourds en vies civiles et militaires. Des vies que la vice-chancelière promis de ne pas oublier. Il y en avait donc au moins une qui m’avait écouté. Je sentis subitement un élan de sympathie pour cette umbarane qui se souciait de ceux qui avaient pour vocation de servir et défendre la République. Une impression qui fut renforcée par cette question qu’elle m’adressa directement :

- Une dernière question à l’attention du sergent Atraïde, est-ce que ces blessés et mutilés auront-ils une chance même infime de mener une vie normale désormais ?

Je songeais à comment répondre à cette question sans être agressif ou trop engagé dans ma réponse, car je me devais de rester impartial…après tout j’étais présent en qualité d’expert et non autre chose. Qui plus est, je n’avais pas envie que mon chef me tombe sur le dos parce que j’avais été trop virulent au cœur de ce procès…

La Force m’était témoin…telle était bien mon intention…mais c’était sans compter l’intervention du padawan de l’Ordre jedi qui pris la parole d’une manière peu chevaleresque…et avec une désinvolture des plus douteuses…qui aurait cru que les Jedis avaient dans leurs rangs un individu pareil ? Tutoyant tout le monde, même la Cour Suprême à grand renforts de « ton Honneur » pour s’adresser au président de la Cour. Et moi qui étais persuadé que personne n’avait prêté attention à mon expertise, je me rendis brusquement compte que mes propos avaient clairement été entendu par ce drôle de personnage qui pourtant avait passé le plus clair de son temps à bailler et sommeiller dans son coin…

Et malheureusement pour moi, mes mots n’eurent pas l’impact escompté sur ce jeune padawan…et plus il parlait, plus l’atmosphère se chargeait d’une ambiance particulière…dérangeante…pensante… Mais le pire…c’est que je semblais l’avoir tout particulièrement intéressé…car il prit un malin plaisir à remettre en question mon analyse, et surtout, ma capacité d’exercice en raison d’une bête erreur de ma part…Car sous le stress de la situation, ma langue avait fourché et j’avais dit que j’appartenais au corps des « officiers médicaux » au lieu des « sous-officiers » en qualité de sergent. Une confusion de ma part que j’avais espérée être passée à la trappe, mais je m’étais trompé. Et ce jeune Raimee Baryon paraissaient s’amuser à pinailler sur des détails pour rendre caduc les appréciations de ceux qui s’étaient exprimés…enfin…surtout moi…Avait-il une dent contre moi ? Je commençais à me poser la question car c’était incroyable comme il s’était littéralement acharné sur mon exposé et ma personne…

Il n’en fallut pas plus pour que je passe au rouge…je tâchais de me contenir…agrippant ma jambe artificielle pour éviter de trembler…serrant les dents pour me contenir et ne pas me lever et me jeter à la gorge de ce petit saligaud…


Lorsque je fus invité à répondre aux questions qui m’avaient été faites, ce fut avec le plus grand sang froid que je me levais pour prendre à nouveau la parole :

- Merci Votre Honneur…je me tournais vers la Reine Keto, la saluant d'un signe de tête, Madame la vice-chancelière, permettez-moi de vous remercier pour l’intérêt que vous portez aux vétérans et à leurs familles. Et pour répondre à votre question, d’un point de vue strictement médical, non…ces blessés et mutilés ne peuvent mener une vie normale, du moins pas comme on l’entend, une fois rentré chez eux. Une profonde réforme serait à prévoir pour palier à ce problème, et apporter un réel soutien aux blessés et leur famille.

Et si elle le voulait, je pouvais lui refiler tout un dossier avec des idées, et la mise en place d’infrastructure et d’une chaîne de protocoles médicaux pour rendre cette prise en charge un peu moins « inexistante » pour ces blessés de guerre à qui on se contentait bien souvent de faire passer un entretien psychologique, une jolie médaille en prime et voilà merci au revoir. Un soldat ne se résumait pas qu’à cela…sans compter le choc des familles qui se retrouvent dans l’incompréhension face au mutisme ou aux réactions violentes du vétérans qui a vu trop d’horreurs pour être en mesure d’en parler avec des « civils », même s’ils sont proches de lui…

Et puisqu’on parlait d’incompréhension…

Je me tournais vers le jeune padawan, prenant une grande inspiration, cherchant au fond de moi le peu de lien que je possédais avec la Force pour qu’elle m’aide à rester apaiséa-pai-sé…D’une voix posée et calme je répondis :

- Je crains, jeune padawan, que vous ne soyez pas en mesure de réclamer une telle requête…je ne vois pas en quoi un syndrome post-traumatique rend leur témoignage irrecevable devant cette cour…et dans ce cas pourquoi m’aurait-on demandé de venir présenter cette expertise…Car il serait temps que les personnes concernées par cette affaire réalisent les conséquences de leurs actes. Ces témoignages sont la parfaite illustration de la réalité ! Comprenez-vous ? Ce ne sont pas juste des chiffres ou de simples plaques d’identifications…ce sont des êtres conscients…vivants !(apaisé…a-pai-sé…) De plus…(apaiséééééé)…avec votre demande de rejet de ces témoignages, cela sonne comme si vous réduisiez ces blessés et mutilés au néant…(apaisé….a-p-ai-sé !!)…n’est-ce pas assez mal venu compte tenu des chiffres que vient d’exposer Madame la vice-chancelière Keto?

Je repris une nouvelle inspiration…toujours en quête de sérénité…puis d’une voix dédaigneuse, je fis mine de regarder autour de moi comme cherchant quelqu’un :

- Veuillez m’excuser…à qui vous adressez-vous ? Je ne crois pas qu’il y ait de « sergent Beltraïde » ici…(apaisé…) J’en ai terminé…

Apaisé !....


Ou pas…


Hé merde….

Je sentis soudainement les barrières de la politesse et la bienséance se fracturer en moi…Je n’avais jamais été très bon pour être d’une nature gracieuse et avenante…Je m’étais plutôt fait une réputation d’un enfoiré au mauvais caractère ne supportant pas les critiques et encore moins si le sujet portait sur la médecine et mes patients. De quel droit ce blanc-bec osait-il mettre en doute mes compétences de soignant! Alors que j’allais me remettre assis, je me redressais, fulminant de colère, tant pis pour l’apaisement…l'impartialité et tout le tintouin...j'allais leur dire ma façon de penser à tous ces sinistres personnages assis là...bien au chaud, pendant que d'autres se font massacrer sans même qu'ils en sachent la raison.

J’emmerde ma hiérarchie…j’emmerde le politiquement correct, et j’emmerde ce petit con de jedi…

- En fait non…je n’ai pas terminé...je pointais un doigt rageur en direction de Raimee et éructais : Comment OSEZ-VOUS ! Comment osez-vous tenir de tels propos en un tel lieu et dans de pareilles circonstances ! N’avez-vous aucun respect pour ces soldats qui se sont battus, ont donné leur sang et leurs tripes au nom de quoi ? De suppositions ? De spéculations ? Mais surement pas pour la République !

Je fus interrompu par le président de la cour

- Docteur Atraïde ! Vous êtes ici en qualité d’expert ! Vous n’avez pas le droit de donner votre avis !

Je ne lui accordais même pas un regard, continuant à vociférer et pester contre le padawan :


- Comme vous dites, nous avons prêté serment de défendre la République de ses ennemis de l’extérieur…comme de l’intérieur…Mais ça ne donne pas le droit à celle-ci de nous envoyer au massacre ! Les soldats doivent servir, mais la République à également des devoirs envers eux ! Et croyez-moi les sacrifier pour d’obscurs intentions n’en fait pas partie ! C'est du gâchis de soldats, et de matériel! Mais ça je présume que ça vous passe au dessus de la tête? Tant qu'il y aura des utopistes pour croire en la grandeur de la République, vous aurez encore de bon petits soldats que vous enverrez se faire écharper d'un claquement de doigt! Et même si vous pensez bien faire, tâchez au moins de ne pas baser vos fondements sur des "si"!

- Docteur Atraïde ! Ressaisissez-vous ! Ou je vous fais quitter la salle !

Encore une fois, je snobais totalement le président de la Cour. Étendant les bras, je m’étais planté face à Raimee :

- Vous voulez un témoin de la guerre? Les horreurs que j'ai vues vous suffiront-elles bien que je n'étais sur Dubrillion? Mais peut-être jugerez vous mon témoignage caduc en raison de mon statut de blessé de guerre, ayant également souffert d'un stress post-traumatique?

Il était impossible de m'arrêter...j'avais littéralement pété un plomb, et toute la frustration accumulée depuis toutes ces années en raison de ce sentiment de ne jamais être pris au sérieux, voir même écouté ressortait...en ce lieu...Tant pis pour ma carrière...il fallait que cela cesse...

- Dites-moi jeune padawan, combien de batailles avez-vous vues ? Sur combien de fronts avez-vous servi ? Vous ne pouvez ignorer les souffrances et les traumatismes de ceux qui reviennent de la guerre…car personne ne revient intact et ceux qui disent le contraire se fourvoient lourdement. Encore faut-il comprendre ce qu’est la guerre ! En avez-vous seulement conscience ? Mais je vous rassure vous n’êtes pas le seul à qui je m’adresse dans ce cas de figure ! Vous tous…je fis un tour moi-même pour désigner les politiciens présents, et finir par reposer mes yeux sur le jeune padawan, non sans avoir fixer quelques instants Madame Emalia Kira puis Lana Anthana…venez donc sur un champ de bataille…descendez de votre piédestal et suivez-moi ! Venez donc prendre conscience des conséquences de vos décisions ! Vous n’avez pas la moindre idée de ce que c’est de devoir annoncer à un pauvre gars coupé en deux par un tir d’artillerie que vous ne pouvez plus rien pour lui ! Ou à un autre que vous devez l'amputer sur le tas et à vif parce que vous n'avez plus de morphine parce que la mission a été mal préparée en amont!


- Docteur Atraïde !!


- Quel âge avez-vous jeune Raimee ? la vingtaine ? Vous faisiez encore dans vos couches que je pratiquais déjà des chirurgies cardiaques ! Alors ne venez pas m’emmerder à remettre en doute mes compétences dans l’exercice de la médecine et ma capacité à expertiser des cas médicaux.

- Docteur ! Cela suffit ! Faites-le sortir !

Je fis un geste de menace à l’encontre des huissiers qui s’approchaient de moi, je répliquais sèchement :

- Ne me touchez pas vous ! Ce ne sera pas nécessaire de m’exclure votre Honneur, je préfère quitter cette mascarade de moi-même…Je suis médecin...Les blessés affluent toujours...J’ai autre chose à faire que de vous voir pinailler sur des détails pour tenter de déresponsabiliser les véritables coupables de cette tragédie…qui n’aura coûté la vie qu’à environs un million de personnes…rien que pour Dubrillion...mais n'oubliez pas les autres conflits qui ont suivis! Méditez là-dessus…


J’allais quitter la salle d’audience, quand soudain…baissant les yeux sur les deux médailles qui pendaient sur mon torse, je les arrachais rageusement et les jetaient au sol en disant vertement à l'intention de tous ces biens-pensants:

- Tenez…vous les méritez certainement plus que moi…

Me tournant vers la vice-chancelière Sly Keto, j’inclinais respectueusement la tête, de toute cette bande de rapaces, elle était la seule qui semblait digne de confiance…Elle était la seule qui cherchait à comprendre…

Mon regard noir s'était arrêté sur Emalia Kira...elle pouvait y lire toute la colère mais aussi le désespoir d'un vétéran qui se sentait seul dans cette débâcle...un simple médecin militaire qui avait l'impression de s'enliser un peu plus chaque jour dans le marasme de ses souvenirs douloureux, et de ses cauchemars...comme tant d'autres soldats incompris...Une partie de mon âme était sans nul doute restée la bas...Car après tout...seuls les morts voiyaient la fin de la guerre.

Et je tournais les talons…non sans boiter légèrement, car dans mon ire, s’était éveillée une douleur lancinante, vestige de ce membre fantôme que j’avais perdu lors de l’attaque de Lorrd…
Emalia Kira
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Sous ses apparences assurées, Emalia tremblait comme une feuille dans sa tenue sobre. Elle n’avait pourtant pas peur de la sanction : même en prison, elle pourrait s’exprimer, écrire. Même interdite de vie politique, elle avait déjà conduit son action : sauver sa planète des griffes impériales, même si le danger se poursuivrait tant que l’Empire ne serait pas repoussé à l’intérieur de ses frontières, sinon éliminé. Même morte, sa fille Mylésia reprendrait le flambeau, et jamais son combat ne s’éteindrait.
Mais la peine de mort n’existait pas dans la justice républicaine, bien heureusement. En tout cas, pas encore…

Sans sourciller, la Reine écouta les propos des témoins et jurés. Propos massivement contre elle. Oh ! Comme elle aurait besoin d’un visage ami, d’un visage aimant. Au moins y avait-il un visage allié en la personne de Lana Anthana. Même si la voix de son ancienne partenaire, elle le savait, ne pèserait pas aussi lourd dans la balance que toutes ces récriminations, et même si probablement leurs chemins ne se croiseraient plus guère à l’avenir, Emalia en était infiniment reconnaissante à l’umbarane. Ce partenariat serait de loin l’une des choses les plus positives qu’elle retiendrait de son mandat.
Également, elle apprécia le rapport du Prélat de la Lune : factuel, impartial. Ular’Iim était le genre de créature qui avait convaincu Emalia de se rapprocher définitivement de l’armée à la fin de son mandat. Il était la preuve vivante qu’il existait une droiture sur laquelle on pouvait compter, dans la République. Ce devait être pourquoi elle avait tant eu confiance en les militaires, au bout du compte, plutôt qu’en les sénateurs, quand bien même elle reniait par là ses propres origines.

Ces idées la firent sourire alors qu’elle se levait à nouveau, pour répondre à la Cour qui exigeait des réponses. Son destin toutefois, elle le savait, s’était déjà assez sûrement profilé : les jurés ne changeraient guère d’avis, c’était évident. Mais pour les médias, pour les siens, pour l’Histoire, elle jouerait le jeu jusqu’au bout. Une douce forme de sérénité s’insinuait malgré tout en elle, s’associant étrangement au mal être de sa situation.

- Tout d’abord, au sujet de ces soldats, je voudrais exprimer mon infinie reconnaissance. Parmi ces millions de citoyens républicains engagés chaque jour pour notre défense, des milliers d’entre eux, en effet, ont combattu suite à mes ordres. Pour certains, ils l’ont payé de leur vie. Ne pensez pas que je n’en suis pas consciente : il n’y a pas une nuit où je ne pense à eux depuis ces évènements, que vous me croyiez ou non. Je ne nierai rien de l’expertise du docteur Atraïde : ces horreurs sont le lot des militaires depuis notre première bataille contre l’Empire. C’est un ennemi terrible, et terrifiant. Ces soldats font preuve d’un courage bien plus grand que le nôtre ; nous qui débattons ici.

Elle laissa un moment de silence s’installer. Des murmures eurent lieu. Bien sûr, chacun entendrait dans ces mots ce qui l’arrangerait davantage ; il n’en était pas moins qu’Emalia pensait chacune de ses paroles.
La Reine tourna son visage gracieux vers le sénateur Qademanda.

- Sénateur Qademanda, vous défendez avec honneur les intérêts du Sénat, et je vous respecte pour cela. Je comprends la colère de ses vénérables membres : la surprise qui a dû être la leur, ce jour, a dû achever de les convaincre que je n’étais pas digne de confiance, et je comprends que les efforts montrés par la suite n’ont pas réussi à les détromper. Néanmoins, je voudrais rappeler que je n’ai pas pensé que consulter le Sénat ne changerait rien, bien au contraire : si j’avais consulté le Sénat, Dubrillion, et bien d’autres planètes avec elle, seraient impériales. La réactivité de l’appareil politique et administratif n’est pas suffisante pour une situation d’urgence telle que la présence de l’Empire à nos portes : notre ennemi nous bat systématiquement à cause de sa rapidité d’action et de décision. La preuve, je crois, transparaît au travers des réformes attendues par nos citoyens, ainsi qu’ils l’ont montré lors du vote récent pour un nouveau gouvernement.

Car si les actions d’Emalia paraissaient dangereuses, qu’en était-il du projet de S’Orn ?

- Par conséquent, bien sûr, j’ai conscience d’avoir offensé le Sénat, et j’en suis navrée. Je m’en suis déjà excusée dans une audience qui a conduit à ma présence ici, quelques années en arrière. Mais je renouvelle ces excuses, si besoin est ; je ne cesserai cependant de penser que c’était le seul moyen de repousser l’Empire.

La Reine prit une longue inspiration, afin de conserver son calme, avant de se tourner vers l’autre umbarane. Qu’est-ce que cette femme faisait dans son procès ? Etait-ce le hasard, ou une machination de S’Orn ? Elle aurait été prête à parier qu’il s’agissait de la seconde option. Mais s’ils espéraient qu’elle sortirait de ses gonds et se donne en spectacle, c’était fichu. Ses résolutions étaient prises, et se battre becs et ongles contre les siens, c’était terminé. Elle afficha donc le même air poli et respectueux qu’elle avait offert au sénateur Qademanda.

- Madame la Vice-Chancelière, il y a une grande différence entre ce qui s’est passé à Dubrillion et d’hypothétiques entrées dans les systèmes d’Ondéron, du Consortium d’Hapès ou de l’Espace Hutt. Pour chacun de ces cas, l’interprétation d’un tel mouvement serait différent : soutien, avertissement, menace, attaque… On ne peut préjuger de l’interprétation qu’en prenant en compte toutes les parties impliquées et leur histoire individuelle et commune. Voyez-vous, s’il y a quelque chose que j’ai appris grâce aux militaires de nos armées, c’est qu’il ne se produit jamais deux fois la même guerre, et encore moins deux fois la même bataille. Chaque choix, chaque manœuvre, chaque discours aura un impact différent en fonction du contexte, des acteurs en présence. La guerre est un art de la contingence : maîtrisez-les, et vous aurez une chance de parvenir à votre objectif. Il ne fait donc aucun sens de comparer ce genre de situations hypothétiques, ni même de supposer qu’il aurait été plus sage de faire ceci ou cela. Il est toujours plus aisé, d’un fauteuil confortable, de dire ce qui aurait dû être fait par les uns et les autres bien après les faits. Néanmoins, j’admets n’avoir jamais reconnu l’Empire comme un « Etat souverain ». Mais je vois que de votre côté, vous êtes tout à fait disposée à le prendre comme une entité égale à la République. Je crois que c’est là, en effet, qu’un certain nombre de gens au Sénat diffère avec mon point de vue : l’Empire est un usurpateur, un conquérant de territoires ; il a forcé un Chancelier Républicain à lui donner des planètes que nous ne possédions même pas. Si votre politique consiste à reconnaître en lui un égal, vous ne me forcerez jamais à en faire autant.

Un silence pesant s’installa quelques secondes. Chacun digérait ces paroles. Plus qu’en accusée, Emalia était donc aussi, face à Sly Keto, une opposante politique. Enfermait-on les opposants politiques, dans cette nouvelle République ?

- Bien sûr qu’il s’agissait d’abolir le Traité d’Artorias : comme je l’ai déjà dit, c’était mon objectif depuis le début, depuis même mon arrivée au Sénat ; j’en ai fait le thème de ma campagne, je n’ai jamais caché cela. Cependant, lorsque vous accusez le système de santé des soldats ou l’enterrement des militaires tombés au combat, je voudrais rappeler que ce n’est pas l’objet du procès. Ce que vous accusez ici, c’est toute l’institution militaire qui a ses propres codes, ses propres procédures concernant le suivi médical et les décès qu’elle subit. Non seulement c’est un sujet extrêmement lourd pour cette institution, mais en plus, se permettre de la critiquer ici, en les associant à mes fautes, est une grave erreur. Les individus qui organisent tout cela font du mieux qu’ils le peuvent, à l’image du Docteur Atraïde, et cela n’a rien à voir avec le procès qui est le mien.

Emalia s’interrompit, pour reprendre son souffle, et forcer son cœur, qui battait la chamade, à se calmer. Le détournement qu’opérait la vice-chancelière, éminemment vicieux, n’était pas si stratégique que cela : l’administration militaire en prenait pour son grade dans ces propos, car ce n’était pas un Chancelier qui était chargé de décider des procédures de suivi médical, par exemple, mais bien des cadres de l’administration qui se sentiraient visés par ces propos.

Il y eut de nouveau quelques échanges, au cours duquel le docteur Atraïde reprit la parole, perdant son calme. Sa colère était légitime, Emalia le savait. La Reine prit une longue inspiration : il y avait une question de la vice-chancelière à laquelle elle n’avait pas encore répondu. Comme la parole lui était donnée de nouveau, elle se leva encore… Puis s’appuya sur la barre devant elle, à deux mains. Elle se sentait si lourde, soudain. Sa voix s’était éteinte.

- Moi, j’y étais, souffla-t-elle.

Le temps se suspendit, des souvenirs affluant dans sa mémoire. Elle se souvenait d’un moment particulier : pas sur Dubrillion, mais plus récent… Dathomir. Elle serra les dents. Tellement de gens avaient pleuré ; elle n’en avait pas le droit. Elle savait pourquoi elle l’avait fait.

- J’ai vu les champs de bataille. Au sol, comme dans les airs. Parfois de loin, je vous l’accorde. D’autres fois, de près, croyez-moi. J’ai été prise dans des courses-poursuites spatiales, et j’en ai réchappé grâce au courage incroyable de militaires républicains et de Jedi. J’ai été au cœur d’opérations aériennes, qui ont conduit à la mort, vécue en direct, de plusieurs de nos meilleurs pilotes. Oui, j’ai vu des terrains jonchés de corps alliés et ennemis. C’est précisément pour ces souvenirs que la désolation ne quittera jamais mon cœur, même si d’aucuns ne me trouveraient pas légitimes à ressentir de telles choses.

Nouveau silence. Là, maintenant, c’était peut-être la dernière fois que la République l’entendait officiellement. Elle releva la tête, faisant face au Président de la Cour, puis se tourna pour jeter un long regard sur toute l’assemblée de journalistes, cadres, ambassadeurs, politiques, sénateurs, jedi, soutiens et détracteurs, qui composaient l’assemblée.

- Et pour répondre à votre question, la réponse est oui. Malgré tout cela, si c'était à refaire, je recommencerais. Je recommencerais sans l’ombre d’une hésitation.



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La Vice-Chancelière se retint de sourire pour contempler les conséquences de sa prise de parole. Mais afficher un air triomphant sur son visage aurait été malavisé de sa part. Le juré à ses côtés, Raimee Baryon semblait plutôt pencher en faveur d’une défense d’Emalia Kira et tendait des perches assez faciles à saisir pour se tirer de là. La réaction du sergent Atraïde en revanche fut une explosion au sein du procès : Sly l’avait soigneusement provoquée en se positionnant de son côté et en se montrant compréhensive et compatissante à l’égard des pertes qui avaient été engendrées par l’assaut suicide sur Dubrillion. La froideur des réponses de Zerath Ula’riim, mais plus encore celle du Jedi présent dans le banc des jurés, insensibles au sort des troupes, avaient fini de pousser le mirialan à bout. Abandonnés par leurs officiers tels que le Kaleesh et les Jedi, les soldats qui assistaient à la retransmission du procès en direct comprendraient que leurs supérieurs incompétents les considéraient comme des droïdes de combat sacrifiables à envoyer au suicide dans des opérations n’ayant aucune importance stratégique ou symbolique pour faire durer une guerre qui aurait déjà du cesser. Ils avaient signé pour défendre la République au péril de leur vie certes, pas pour se suicider, mourir pour rien et en dépit de toute intelligence stratégique. Cette guerre ne durait que par l’amateurisme et l’incompétence des dirigeants impériaux comme républicains.

C’était la chienlit, et il n’appartenait qu’à Darth Oracci de rétablir l'ordre ainsi que de cueillir les fruits mûrs de cette indignation collective armée ayant sagement muri depuis le déclenchement des hostilités. Il serait aisé pour S’orn et Keto d’apparaître comme les défenseurs de ces soldats ayant déjà bien trop soufferts, éreintés par un conflit qui ne terminait pas, d’être élevés au rang de héros nationaux et que les honneurs leurs soient rendus par le pouvoir politique en place après avoir été copieusement ignorés par l’ex-chancelière.

Le chaos qu’elle venait de déclencher ravissait intérieurement Darth Oracci dissimulée derrière le masque d’indignation qu’affichait son alter-égo Sly Keto. Il s’agissait désormais de reprendre le contrôle sur ce chaos. Sly Keto devait se poser comme la meilleure alternative politique, légaliste, sage, raisonnée, juste mais ferme et déterminée. Emalia Kira venait de se suicider politiquement, et l’absence de réponse de la part de Lana Anthana, son plus fidèle soutien témoignait soit d’une lâcheté à l’égard de la souveraine d’Ondéron, soit qu’elle n’avait aucune réponse cohérente, argumentée et suffisamment crédible pour défendre l’ex-chancelière. Comment justifier ses actes ? Comment oser prétendre que les solutions alternatives qui auraient pu être prises par la Vice-Chancelière Keto n’auraient pas été plus sages et moins coûteuses en vies et matériel ? Personne, si ce n’est les plus déconnectés des réalités, les plus cyniques ou fanatiques pouvaient avoir ce courage. Même si pour se lancer dans cette entreprise, ce courage était plutôt de la démence. Tout se déroulait exactement comme Darth Oracci l’avait prévu. Emalia Kira avait saisi tous les hameçons qu’elle avait soigneusement laissés dans son sillage : il était très rare que quelqu’un collabore aussi activement à sa propre perte. En un sens, Sly Keto l’appréciait, elle ne faisait que lui faciliter les choses sans s’en apercevoir.

Ironique : sa réponse ne faisait que confirmer le début de portrait qu’avait pu faire son accusatrice. Une femme idéaliste se foutant des règles démocratiques pour lutter contre un empire dictatorial et qui ne reculerait devant aucun sacrifice ou sacrilège pour faire triompher ses idées. Une fanatique n’ayant plus aucun sens de la raison, mais dominée par ses passions à l’instar de nombreux autres. Donnait-on le pouvoir aux exaltés ou au plus éclairés ici ? Sly Keto trouvait tout ceci beaucoup trop facile. Sa réponse était du caviar pour l’umbarane qui reprit l’assaut d’une voix glaciale teintée de révolte à l’encontre des propos tenus par l’ex-chancelière qui montrait les dents.

- Je ne décide pas si oui ou non je dois considérer l’Empire comme un égal contrairement à vous. Le poste à responsabilité que vous occupiez ainsi que les enjeux que vous avez porté sur vos épaules se moquaient de votre opinion quant à considérer l’Empire comme étant une entité souveraine ou non. Point. C’était à la Loi, au Traité d’Artorias –aussi infâme puisse t’il être- mais plus encore au Sénat l’ayant ratifié de décider de si l’Empire était un état égal à la République ou non. Si vous estimez que c’était à vous de faire flancher la République sur cet opinion, violer son peuple et son Sénat, alors peut-être que votre place est plus du côté de l’Impératrice que vous n’oseriez l’admettre un jour. Car dans notre République, ce sont bien ses citoyens par l’intermédiaire du Sénat qui font les lois, et non les caprices égoïstes et opinions personnelles d’une apprentie dictatrice seule à son sommet. Vous avez perdu pied.

Sly Keto se positionna comme une légaliste et respectueuse des institutions en place, préférant la réforme à la révolution pour changer les choses. Elle s’appuiera sur le droit, la loi plutôt que sur des privilèges et des passes droits pour faire valoir son opinion sur celle des peuples de la République. Elle ajouta ensuite non sans s’être levée pour surplomber l’ex-chancelière comme une entité jugeant jusqu’à la raison même de son existence, estimant si son âme était perdue ou non. Elle reprit revenant sur le sujet du suivi des blessés et des victimes pour infliger une nouvelle claque au visage de Kira.

- Détrompez-vous, cela à justement tout à voir avec votre procès. Nous jugeons vos faits et décisions prises dans le cadre, entre autres, de la bataille de Dubrillion. Il est donc normal que le traitement réservé blessés et des morts à cause de ces batailles entre en ligne de compte afin de juger vos actes puisque ce sujet découle d’une de vos décisions pour lesquelles vous êtes jugée. A moins qu’en dépit de votre présence sur le champ de bataille comme vous l’avez-vous-même dit, le fait que vous avez court-circuité le Sénat pour déclencher cet assaut, et que vous vous êtes obstinée dans cette attaque pourtant peu recommandée par des membres de votre ex-gouvernement compte tenu de la défense impériale, vous ayez l’outrecuidance d’assurer devant cette assemblée que vous ne vous portez pas responsable des pertes ayant eu lieu ? Ou alors est-ce responsable mais pas coupable ? Doit-on juger le général qui donne l’ordre ou les soldats qui l’exécutent à votre avis ?

Fusillant Emalia Kira du regard, elle haussa le menton et parvint à se détendre quelques peu.

- Je n’attaque absolument pas l’institution militaire sur sa compétence ou ses procédures, mais plutôt les moyens qui lui sont alloués. Mais je suis rassurée de voir que selon vous, l’État-major vote son propre budget... Nos généraux, amiraux et sénateurs seront ravis de le découvrir. Car c'est bien une question de moyens et ressources financières dont il était question: je ne remettrais jamais en cause la compétence du personnel médical à l'instar du sergent Atraïde, ou les procédures militaires car je n'en suis pas légitime d'une part. Et que d’autre part j'ai confiance en leur professionnalisme. Mais tout professionnel qui soit se retrouve parfois vite démuni quand les fournitures, structures médicales, moyens humains, techniques, financiers, ressources se font trop maigres face à l'afflux toujours plus croissant de blessés et de cadavres. Tout mécanicien ou chirurgien compétent ne peut pas faire grand-chose sans outils. Et votre gouvernement n’a absolument rien fait en faveur d’un accroissement de leurs moyens : vous leur en avez demandé toujours plus en leur donnant toujours moins…

Puis elle termina de se détendre pour croiser les bras. Sly Keto soupira et reprit la parole. Le pivot de son plan était en place, et il était désormais l’heure d’épargner Emalia Kira, ou du moins de lui éviter la prison. Oh ce n’était certainement pas par bonté d’âme que l’umbarane faisait ça, mais bien pour que cela puisse servir ces desseins et faire comprendre à Lana Anthana tout comme Emalia Kira qui tenait entre ses mains leurs sorts respectifs. La laisse serait plus courte si elles collaboraient, mais au moindre grognement, le collier autour de leur cou les étranglerait sans la moindre sommation. Restait à voir si elles seraient suffisamment intelligentes pour comprendre que la soumission était préférable à la détention… ou un sort plus funeste si cela ne suffisait pas. Il n’y avait pas d’autre alternative. La voix de la Vice-Chancelière s’adoucit quelques peu, mais restait quand même ferme et dure.

- Cependant et je vous l’accorde, vous n’êtes pas à l’origine du Mal ayant accouché de la tragédie de Dubrillion comme tant d’autres : le Traité d’Artorias. Et Halussius Arnor devrait être jugé comme le principal responsable de tout ceci en priorité par rapport à vous. Le flou autour de ses rapports avec les Sith et sa malencontreuse capture et détention sont beaucoup trop suspects pour écarter la thèse de la conjuration contre la République. En un sens, vous avez eu l’élan de lucidité qu’il n’a pas eu, puisqu’il n’a pas été jugé. Peut-être pouvez-vous être épargnée si vous vous repentez…

Elle ajouta calmement mais sans pour autant déresponsabiliser son vis-à-vis qu’elle ne comptait pas lâcher pour autant : elle devait être sanctionnée également. Mais avec moins de sévérité qu’elle ne l’avait laissé paraître au début et, dans tous les cas, moins durement qu’Halussius Arnor qui errait dans la nature et n’avait pas eu le courage d’affronter les Juges de la République après l’avoir jetée dans une fosse commune creusée par l’Empire en parvenant contre toute attente à faire voter le Traité d’Artorias par le Sénat. En un sens, lui avait été respectueux des institutions contrairement à la jeune dictatrice en devenir qui lui faisait face, et n’aurait sans doute pas été aussi courageux que l’ondéronienne. Humidifiant légèrement ses lèvres, Sly Keto poursuivit sa manœuvre habilement.

- Vous avez hérité d’une situation difficile vous mettant pieds et poings liés devant le fait accompli. Je reconnais que cela n’a pas du être facile. Mais ne vous méprenez pas : vous êtes loin d’avoir les mains propres dans cette affaire, et vous avez votre part de responsabilité par votre conduite désastreuse. Cette situation que vous avez récupérée, vous n’avez fait que l’aggraver de part votre maladresse et vos tendances dictatoriales en faisant fi des lois régissant la République et garantissant sa stabilité et la démocratie. Vous avez bafoué le droit des sénateurs ainsi que du peuple à s’autodéterminer, et pour cela vous devez en assumer les conséquences devant eux aujourd’hui au sein de ce procès et de ses jurés.

Restait à asséner le coup final et fatal qui meurtrirait sans doute d’effroi Niganoht Qademanda ainsi que les Jedi présents dans cette assemblée. L’ex-chancelière avait évité de répondre aux questions dérangeantes posées par Sly Keto quant à la gestion de cette crise, et les moyens alternatifs qu’elle aurait pu mettre en branle pour éviter ce désastre, ou en limiter les causes. Tout le monde ici présent en tirerait les conclusions qui lui plairaient... Mais avec sa dernière réplique Emalia Kira venait de se suicider politiquement ainsi donc elle sacrifierait à nouveau un million de personnes pour atteindre le même objectif. L’umbarane laissa sa bouche ouverte et écarquilla les yeux lorsqu’elle l’entendit prononcer cette phrase, sa surprise n’était pas feinte et Sly était particulièrement choquée de l’entendre dire qu’elle ferait la même erreur publiquement. Même certains Sith n’auraient jamais osé prononcer cette phrase publiquement ou persister dans leur erreur, y compris les plus sanguinaires et brutaux d’entre eux. Par cette phrase, Emalia venait de prouver à la galaxie toute entière que le nombre de cadavres ne l’arrêterait jamais pour atteindre ses objectifs, qu’ils soient civils, innocents ou même ceux de ses adversaires. Elle avait définitivement perdu toute notion de bien et de mal visiblement, corrompue par le pouvoir, la haine et sans doute un plaisir malsain inavouable de voir la mort, le chaos et la désolation se répandre à travers la galaxie… Darth Oracci avait visiblement trouvé en Emalia Kira un monstre beaucoup plus gros et dangereux qu'elle, et l'horreur qui avait saisit son corps longiligne d'umbarane était des plus sincères. La reine d'Ondéron avait-elle donc perdu la tête ? Sly Keto regarda l’ancienne politicienne en bout de course d’un air de dégoût sur le visage, et la Vice-Chancelière lui répondit avec un mépris affiché dans le timbre de sa voix, tombant comme une lame sur le cou de la reine Kira.

- Ainsi donc, si c’était à refaire avec la connaissance des conséquences, vous recommenceriez sans la moindre hésitation. C’est tout ce dont j’avais besoin de savoir : vous seriez donc responsable de la mort d’un million d’âmes supplémentaires pour un résultat bien trop maigre : une simple rupture de traité. Vous êtes monstrueuse et insultante à l'égard des victimes et de leur familles. Vous venez de tuer ces gens une seconde fois. La prochaine fois, ayez au moins l’audace de sacrifier votre propre vie plutôt que d’imposer la mort à des innocents ou des soldats. Vous ne pourrez plus vous cacher derrière les boucliers humains que sont nos troupes à vos yeux pour vos ambitions anarchistes.

Elle se rassit et n’accorda plus un regard à l’ex-chancelière qu’elle évinça d’un geste de la main comme s’il s’agissait d’un insecte encombrant virevoltant autour d’elle.

- Ce sera tout.

Conclut-elle sans la moindre émotion. Restait sans doute désormais à délibérer avec le reste des jurés. L’ensemble des personnes présentes mais plus encore des jurés fut invitée à quitter les lieux afin de délibérer entre eux de la sanction qui devait s’abattre sur la gorge d’Emalia Kira. Après une déclaration de cet ordre, Sly Keto espérait que Lana Anthana n’ose plus jamais s’afficher en présence de la chancelière déchue, ce n’était pas tenable politiquement pour sa propre carrière. Restait à voir si cette kuatii serait plus fidèle à ses ambitions et sa carrière personnelle ou à l’ancienne chancelière dont toute bonté, sagesse et bienveillance semblait avoir abandonné leurs places dans son âme.
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