Karm Torr
Karm Torr
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Chevalier Kayan ! Chevalier Kayan ! Che… Pfffiou…

Dans le grand hall du Temple de Coruscant, une Zygerrianne se faufilait tant bien que mal entre toute une troupe de Padawans venus visiter les installations sur place, avant de retourner sur Ondéron pour s’y soumettre aux épreuves de chevalerie. Elle finit par débouler devant le Chevalier Kayan, dans un dérapage plus ou moins contrôlé.

Machinalement, la Jedi passa une main derrière l’une de ses oreilles.

Je ne pensais pas que vous arriveriez si tôt, oh la la, j’étais encore en train, si vous saviez, c’est toute une histoire, pffiou. Pffiou. Pffiou.

Il lui fallut quelques secondes pour reprendre sa respiration, preuve s’il en fallait qu’elle venait de traverser tout le temple en courant.

Par-là, dit-elle, en faisant un geste que Luke ne pouvait évidemment pas voir.

Les deux Chevaliers longèrent le hall pour s’engager dans un couloir heureusement dépourvu de Padawans attroupés.

Comme je vous le disais, il est arrivé il y a quatre jours. On se voit de temps en temps, pour parler des espèces qu’il trouve, compléter sa formation en botanique. Je l’aide à mieux comprendre la manière dont la Force interagit avec les végétaux, il répond à toutes mes questions sur les espèces qu’il observe mais qu’il ne peut ramener. Enfin, il répond, il répond, parfois, c’est beaucoup dire ! Il faut lui arracher les vers du nez.

Karm avait évoqué deux ou trois fois en présence de Luke, en passant, sa relation avec la Chevalière Salik. Ils avaient le même âge et ils s’étaient connus quand ils n’étaient encore que des Padawans. Leur amitié ne datait pas de cette époque-là cependant, parce que la formation très particulière qu’avait reçue l’Ark-Ni l’avait rarement mis en contact avec les jeunes gens de son âge. Mais ils s’étaient retrouvés plus tard, quand Karm s’était engagé dans l’ExploCorps et qu’il avait découvert que sa connaissance de jeunesse était devenue l’une des chercheuses en botanique que comptaient les Consulaires de Coruscant.

Depuis, il y avait entre eux une sorte d’amitié.

On avait donc prévu de se voir tous les jours, poursuivit la Zygerrianne, et quand j’étais occupée, il vaquait à d’autres affaires. Il s’entraînait ici, je crois, pour l’essentiel, avec les gardiens du Temple notamment. Mais apparemment, il y a trois jours, il est sorti en ville et depuis, c’est silence radio. Toutes nos tentatives pour le contacter se sont révélées vaines.

Les deux Jedis débouchèrent dans l’une des salles de télécommunications du temple, où les attendait un droïde.

Chevalier Kayan, dit le robot de sa voix synthétique.
B4D8, présente nos données à Luke, si tu veux bien.
Bien entendu, chevalière Onak.

L’index du droïde s’ouvrit et une tige de connexion le relia bientôt à la console centrale. Des données holographiques s’affichèrent, en pure perte pour Luke, mais elles furent aussi transmises au datapad de l’Hapien.

Le Chevalier Torr a quitté le Temple à 07:23 du matin, il y a trois jours, comme en témoignent nos holocaméras. On peut le suivre grâce au système de surveillance coruscantien jusqu’à la faculté d’anthropologie de l’université de Coruscant, où il entre à 08:18. Le système de surveillance de la faculté est en réparation depuis deux semaines et nous n’avons aucune image de l’intérieur. C’est à partir de là que nous perdons sa trace.
J’ai envoyé une requête à l’université pour savoir si quelqu’un l’y avait vu, on m’a dit qu’on se renseignait, mais je n’ai toujours pas de réponse. Je crois qu’il faudrait aller voir sur place, mais je vous avoue que ce n’est pas tout à fait mon domaine. Alors, comme, euh…

La Chevalière toussota légèrement, l’air embarrassé.

… il paraît que Karm et vous, vous êtes très proches. Très, très, très, très proches. Enfin, vous savez, c’est ce qu’on dit, mais enfin, ça ne me regarde pas, enfin tant mieux, enfin peu m’importe, enfin je veux dire, bref. Tout ça pour dire que j’ai pensé que vous seriez peut-être le plus indiqué pour le repérer. Au-delà de l’enquête, vous avez probablement un lien avec lui. Pour n’importe qui, tenter de repérer sa présence dans une ville aussi surpeuplée que Coruscant, c’est comme chercher une épine dans des fientes de bantha.

La Consulaire laissa échapper un long soupir.

Je sais que… Karm est un peu sauvage, et très indépendant, et parfois difficile à suivre. Sans doute qu’il lui arrive souvent de disparaître sans explication et j’imagine qu’il a ses raisons. Mais je ne vous cache pas que je suis inquiète. J’ai l’impression que quelque chose cloche…

Et les intuitions d’une Jedi étaient toujours à prendre au sérieux.
Luke Kayan
Luke Kayan
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- J... Bonjour.

La Zygerrianne était trop essoufflée, altérée pour que Luke finisse son "je suis à l'heure". Il y renonça, invitant plutôt la Chevalière au calme en diffusant une légère onde de Force amicale, un peu affadie certes. Difficile de se montrer réconfortant alors qu'on était soi-même inquiétant. Heureusement, le Hapien parvenait à se raisonner concernant la disparition de Karm: son ami était aussi malin que résistant. S'il avait été enlevé, nul doute que ses preneurs d'otages souffriraient leur comptant. Quant au simple silence radio, Luke n'y croyait pas, l'Ark-Ni était sauvage, en effet, peu bavard mais il tenait ses promesses. Si Salik affirmait qu'il était prévu qu'ils se voient plusieurs jours d'affilés pour un des innombrables projets de son ami, il aurait dû venir ou aviser, au moins.

Le Jedi ne parla guère pendant leur marche, trop concentré sur la marche difficile que lui imposait la Consulaire. Il était doublement attentif à ses indications vocales, la soupçonnant d'avoir -logiquement- un langage gestuel beaucoup trop développé pour lui. Quelqu'un qui n'était pas habitué au contraire de Karm. Normal. Le blond s'adressa une légère remontrance, à force de travailler avec ce dernier, il s'était habitué au confort d'être guidé automatiquement, de manière efficace, adaptée. Être sans lui l'obligeait à retrouver de vieilles astuces simples mais parfois fatigantes, surtout s'il s'agissait de suivre une Zygerrianne passablement altérée.

Après avoir passé la bande de Padawans acculée dans le couloir, les deux Chevaliers étaient arrivés dans la salle de télécommunications, une zone que Luke, témoin de la construction de la nouvelle bâtisse avait eu l'occasion, une fois de visiter. Elle était alors encore méconnaissable, amas de briques et de câbles dans lequel il s'était gardé d'entrer plus en profondeur. Désormais, les bips ou le ronronnement des imprimantes laissait comprendre que l'endroit était un minimum fonctionnel.

Luke sentit son coeur battre un peu plus vite, un peu plus fort lorsque le droïde afficha des données qui lui furent transmises par datapad. D'une oreille, il écoutait les explications mécaniques, de l'autre, la Chevalière qui débitait un flot de paroles incessants. Karm lui avait déjà signalé qu'elle était du genre nerveuse à souhait, bavarde aussi. Il haussa un sourcil, vague réflexe instinctif lorsque Salik décrivit leur relation et ce qu'elle en pensait. À l'aise, sans doute l'aurait-il taquiné en répondant un "vous avez oublié un "Très" "mais au lieu de ça, il demeura aussi neutre que possible, affichant un visage concentré. Déterminé. Mettre ses sentiments, ses préoccupations réelles de côté n'était pas simple, pour autant c'était nécessaire pour aider Karm.

- Merci B4D8 pour ces informations -Commença Luke, se rappelant que ces droïdes de protocole pouvaient être un tantinet sensibles, et capables de vengeance en plus. Autant avoir la machine de son côté. Il s'adressa ensuite autant à Onak qu'à son compagnon mécanique.- Je connais bien l'université, j'irai leur parler. Les bornes Holonet ont-elles enregistrées une quelconque activité de son Comlink? Si K..., le Chevalier Torr avait des ennuis, il essayerait autant que possible de maintenir son matériel électronique allumé pour qu'on retrace le chemin. S'il lui a été volé, avec un peu de chance, le coupable n'aura pas pensé à couper.

Bien qu'il ait peu d'espoirs à ce niveau, le jeune homme se dit que vérifier ces données n'était pas complexe pour la technologie de pointe de l'Ordre. Il mêlait aussi bien techniques Jedis que policières, influencé par son séjour auprès du Comissariat principal de Coruscant. Un instant, le Hapien se demanda s'il avait oublié quelque chose, il resta silencieux, les traits fermés quelques secondes avant de se souvenir. Karm lui avait parlé de Salik comme d'une bonne connaissance voir une amie, elle devait être inquiète. Comme le Gardien l'aurait fait, naturellement plus prompt au soutien spontané tandis que lui favorisait le contrôle des émotions, Luke se tourna vers la Zygerrianne, adoptant un ton plus doux.

- Vous avez bien fait d'appeler, ça ne coûte rien de tout vérifier. Mais notre ami est indépendant comme vous l'avez dit, et débrouillard. Il connaît les procédures, en cas de difficultés, il saura se rendre localisable. De même, je vais tout faire pour le retrouver et vous maintenir au courant.

Il essaya de la rassurer d'une onde de Force, minimisant légèrement l'intuition de la Jedi sans chercher à l'effacer. Cela aurait été une insulte, surtout que lui aussi pressentait que la disparition n'était pas normale. Il n'en dit rien, mais Karm aurait déjà dû l'appeler pendant ces trois jours, même succinctement pour lui raconter son expérience ici. Indépendant, l'Ark-Ni l'était, Luke aussi, mais pour eux les règles étaient un peu différentes. Bien que leurs appels recèlent très peu de mots de tendresses, ils étaient en revanche plein d'hypothèses philosophiques ou d'échanges enthousiastes sur les découvertes de l'un, la formation de l'autre. Avant que la Zygerrianne ne l'appelle, le Hapien commençait vaguement à s'inquiéter sans pour autant oser intervenir, se disant que son séjour était trop prenant ou qu'on l'avait appelé pour une de ces missions secrètes, urgentes qui ne souffraient aucun appel sous peine de le faire repérer. L'éloignement avait malheureusement contribué à ce qu'à travers la Force, Luke n'ait pas pu sentir le danger qui guettait son aîné.

- Nous sommes en effet très amis et travaillons souvent ensemble, je vais donc essayer de l'appeler à travers la Force ou de remonter sa piste. Cela vaudrait mieux pour de pauvres éventuels ennemis, avant que Karm n'en finisse avec eux.

La boutade fonctionna et Onak secoua vigoureusement de la tête, mouvant de ce fait ses larges oreilles. Elle avait tout de même les mains pressées contre son coeur, un point de côté insistant à force de respirer par acoups. Peu habituée au terrain, la scientifique d'intérieur était dépassée: quelle histoire!

- B4D8, appelle l'université et demande à ce que la secrétaire qui était de service à ce moment-là vienne le plus vite possible. Je compte aussi sur toi pour m'envoyer le traçage du Comlink du Chevalier Torr. Merci.
- Le droïde protocolaire râla pour la forme, murmurant qu'il n'était pas un de ces vulgaires secrétaires engoncé dans les bureaux de police mais préféra se taire.-

Une dernière onde de Force à Salik et le Jedi sortit rapidement. Venant de lui, c'était le discret signe d'une certaine inquiétude car il aimait habituellement -sans être d'une lenteur exagérée- prendre son temps.

***

Luke quitta les lieux après avoir fait copié le dossier "Karm" de la carte mémoire de B4D8. Il avait emprunté une petite navette rapide du Temple -et le chauffeur qui allait avec. Bip! L'astromech inspiré par la concurrence (Blip) avait fini par se mettre au travail et avait appris les bases de la conduite ou de la réparation.-. Le petit robot laissé à Coruscant lors de la dernière visite de son maître était ravi de participer. Semblable à un speeder en tout point sinon qu'il avait de la place pour un R2 et d'autres modèles de droïdes, l'engin fila rapidement à l'université. Une fois arrivé dans le parking, Luke pris son Comlink. Il entra un code indiquant l'ouverture d'un nouveau rapport en cours. Si l'affaire lui échappait et qu'il avait besoin d'aide -son organe vital se serra à cette pensée.- autant offrir des notes précises aux membres de l'Ordre.

Rapport initial a écrit:-Disparition moyennement inquiétante, du Chevalier Jedi Karm Torr, rattaché à l'ExploCorps, depuis 72 heures.
-7h23 départ de Karm Torr du Temple de Coruscant.
-Manque son rendez-vous avec la Chevalière Salik Onak et ne rentre plus en contact avec personne.
-Disparition considérée comme moyennement inquiétante due aux habitudes de l'individu, ponctuel et sérieux. Il aurait dû se rendre à ce rendez-vous.
-Dernière localisation "Université de Coruscant" à 08h18.
Possibilité d'appel de mission secrète étant donné son affectation.

Il en profita aussi pour appeler la police, où quelques connaissances à lui pourraient faire une recherche discrète.

- Bonjour Commissaire, C'est le Chevalier Luke Kayan.
- Ah Padawan- Commença son interlocuteur d'un ton bourru duquel transperçait une affection évidente. Quant au surnom, il faisait référence à la manière dont l'homme l'avait appelé de manière moqueuse au début de leur rencontre quand Luke était effectivement apprenti.- ça faisait longtemps, où es-tu?
- Je suis à l'université
- Décidément, tu vas finir par vraiment faire vos études là-bas.
[/color]- Presque. Mais avant je cherche quelqu'un. Je ne voudrais pas que l'enquête soit officielle pour l'instant, aucune démarche administrative, aucun signalement aux unités de police. Juste un coup d'oeil de vos hommes.
- Je vois. Mais si c'est de la disparition d'un civil dont il s'agit, je dois rendre ça officiel, les premières heures comptent.
- Non, c'est un Chevalier Jedi, la disparition date de 72 h.
- Aïe. 3 jours... Je n'aime pas ce délai
- Je sais, mais nous avons été prévenu tard- Luke n'ajouta pas que Karm aurait pu disparaître pour une mission. Le commissariat était frileux en ce qui concernait les recherches de personnes ayant cette propension à partir de leur propre chef. Il fallait vraiment que ça sonne comme inquiétant.- Dernière localisation: l'université, apparemment il n'y aurait pas eu d'altercations mais les caméras sont en panne.
- Comme d'hab. - Soupira l'humain à l'autre bout en triturant sa moustache touffu, installé sur sa chaise dans un équilibre précaire.-
- Vous avez sa photo dans un de vos dossiers, c'était lors de la mission L'Odyssée Humaine avec l'inspectrice Arnia Bov. Torr, Karm Torr. - Le long silence qui s'ensuivit n'était interrompu que par le roulement d'une machine qui peinait un peu à faire son travail.-
- Petit, athlétique, mince, cheveux argentés et yeux turquoises? Rarement vu un signalement aussi pratique. -S'amusa malgré lui le commissaire. Effectivement, si Karm n'avait pas changé de physique, ce dernier serait un atout.-
- C'est ça, ça ne se remarque probablement pas sur les photos mais il a les yeux fluorescents.- Récita Luke avec une vague de tristesse difficile à cacher lorsqu'il égraina ce fameux mot: fluorescent apprit alors que Karm adulte lui parlait. Le souvenir du physique de son compagnon avait déjà perdu de sa netteté dans son esprit, il oubliait petit à petit la notion de bleu ou de gris. Seul fluorescent demeurait bien ancré dans sa tête, fluorescent comme l'aura lumineuse qui se dégageait de Karm. D'eux.
- Ok mes collègues vont appeler les hôpitaux, morgues et prisons. Tout le toutim quoi.
- Parfait, merci, je vous en dois une.
- Non, c'est moi qui ne te dois plus rien, mon petit.- Rit encore une fois Boris, appelé communément et sans trop d'imagination "Moustache". L'homme était bourru mais son amitié acquise, c'était un policier, travailleur et honnête. Un vieux de la vieille, droit dans ses bottes. Tout avait pourtant mal commencé lorsqu'il avait vu débarquer le blondinet aveugle et frêle dans son bureau. Enfin, c'était une histoire, vieille en plus car elle datait de lorsque Luke était Padawan. Il avait dû se faire passer pour un drogué, sa toute première infiltration, pur hasard, dû à son physique proche d'un des anciens indics retiré des rues. Un truc du genre.-

Aidé par l'astromech, le Chevalier monta les escaliers qui menaient au grand hall quelque peu prétentieux de l'université et se présenta au bureau.

- Bonjour, je suis le Chevalier Kayan, j'avais demandé à voir la secrétaire qui travaillait il y a 3 jours, à 7h20.
- C'est moi, j'ai échangé mon tour avec une collègue. Sandra Striker. Vous désirez?

La secrétaire, une jeune humaine, n'était visiblement pas très heureuse d'avoir consenti à venir plus tard mais elle avait préféré se déplacer pour quelque chose, au moins.

- J'ai besoin de savoir si vous avez vu un jeune homme aux cheveux courts, gris, les yeux turquoises, assez petit.- Pour appuyer sa description appris par coeur, le Chevalier tendit une photo enregistrée dans son datapad, celle qui figurait sur le dossier officile de son ami. Sandra accepta, non sans rechigner de l'imprimer.- Et si vous l'avez vu, vous a-t-il abordé pour vous demander d'aller dans telle ou telle salle, voire rencontrer quelqu'un?

Luke attendit, cachant son impatience. Il avait à la fois hâte d'en savoir plus,d'interroger la prochaine personne à avoir vu Karm, et hâte de de s'isoler pour essayer de repérer son ami via la Force.
Karm Torr
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Quelque part dans un bouge infâme des bas-fonds de Coruscant, dans l’un de ces hôtels de passe qui accueillaient pour moitié les prostituées et leurs clients, et pour moitié toute une population interlope de gens peu recommandables, à la recherche d’une discrétion à petits prix, une adolescente frappait à la porte crasseuse d’une chambre.

Entre, fit la voix de l’autre côté.

Elle poussa la porte et la referma soigneusement derrière elle.

Dis donc, dit-elle de but en blanc, à chaque fois, dans des endroits plus craignos.

Karm haussa les épaules.

Des cafards se réfugiaient sous le lit à chaque fois qu’on leur jetait de la lumière dessus. Mais le lit était intact. Le Jedi n’avait pas dormi dans ces draps qu’on avait oublié de changer depuis des semaines.

Alors ?
C’est pas exactement super facile, tu sais, comme boulot.
Service.

Leurs regards se croisèrent et Karm insista :

C’est un service que tu me rends, en paiement du service que moi je t’ai rendu.
Évidemment, murmura l’adolescente, soudain mal à l’aise.

Ce type-là lui faisait un peu peur.
Il avait quelque chose de… bizarre. Pas du tout comme les autres gens qui fréquentaient les dédales graisseux des niveaux inférieures de Coruscant.

Ah, c’est le Chevalier Torr, fit la secrétaire, en considérant la photographie. Oui, je me souviens.

En même temps, comme l’avait souligné Moustache, Karm n’était pas exactement passe-partout.

Il avait rendez-vous avec le Professeur Gaban. Bureau 723B.

La secrétaire tapota de son stylet le datapad de Luke pour y télécharger le plan de la faculté. Trois étages plus haut, il régnait, dans le bureau du professeur Gaban, une atmosphère des plus humides. C’est que le respecté anthropologue était un Mon Calamari d’une soixante d’années, dont l’humidificateur d’air tournait à plein régime. Son bureau était encombré d’holodisk et, derrière lui, un vaste tableau holographique était couvert de schémas divers.

Oui, fit-il d’un air distrait ? C’est pour la signature des contrats ? Posez ça ici et… Ah, mais vous n’êtes pas le coursier.

Ses yeux globuleux se fixèrent attentivement sur Luke.

Magnifique spécimen d’Hapien, murmura-t-il pour lui-même, motivé par une curiosité toute scientifique.

Du coup, c’est qui cette meuf ?

Karm releva le regard du datapad où il était en train de faire défiler le rapport de la hackeuse qu’il avait convaincue de l’aider.

Euh. Ouais. Oublie que j’ai posé la question.
L’approche pas, se contenta de dire l’Ark-Ni.
Ouais, c’est bon, tu m’as déjà dit.
Je suis sérieux, insista-t-il.

Le jeune homme se releva et empocha l’appareil.

Merci.
Du coup, on est quittes ?

Karm hocha la tête.

Bon, ben, bonne chance, avec…

Elle désigna d’un vague geste de la main la poche où Karm avait rangé le datapad.

… je sais pas trop quoi.
Ah ! Oui, s’exclama le professeur, au même moment, dans son bureau du département d’anthropologie, comme Luke venait de lui expliquer le motif de sa visite ! Monsieur Torr. Le Chevalier Torr, pardon. Un spécimen très intéressant, lui aussi. Des divergences tout à fait… Hm. Pardon. Je m’égare, je m’égare. C’est que nous touchons au but, voyez-vous.

Le professeur s’éclaircit la gorge, avant d’éclaircir la situation.

Vous le savez peut-être, les Ark-Ni, auxquels appartient votre collègue… confrère ? Le Chevalier Torr… Les Ark-Ni font l’objet d’une petite spéculation au sein de la communauté assez modeste des anthropologues. Par rapport à leur classification, je veux dire. Proches-Humains ou Humains considérablement mutés. Je suis, pour ma part, partisan de la seconde solution, mais certains collègues qui s’en tiennent à une lecture purement superficielle des caractéristiques… Enfin, bref, vous voyez ce que je veux dire.

Luke ne voyait rien, mais le professeur n’avait pas l’air de s’en rendre compte.

Bref, il n’est pas aisé de trouver des Ark-Ni hors de leurs vaisseaux, encore moins dans le Noyau, où ils sont rarissimes. Quant à les convaincre de se prêter à une étude scientifique, c’est la croix et la bannière. J’ai réussi à envoyer quelques doctorants dans les stations spatiales de la Bordure, pour prélever du sang, faire des scans, prendre des mesures, ce genre de choses. Nous avons tout de même réussi à dégotter quelques sujets consentants. Moyennant finances !

L’anthropologue s’interrompit pour régler les boutons de son humidificateur, en pestant contre l’hypothétique sécheresse de Coruscant.

Or, le chevalier Torr est un cas fascinant, puisque précisément, il présente une évolution rarissime, unique, à vrai dire, à notre connaissance, d’un Ark-Ni qui dès la plus tendre enfance s’est développé en dehors des vaisseaux. C’est donc un moyen, vous le comprenez bien, n’est-ce pas ? Hm ? Hm ? Un moyen d’éliminer un certain nombre de facteurs environnementaux. Donc ! Il y a six mois — j’espère que vous me suivez — j’ai adressé une demande à l’Ordre, pour me mettre en contact avec lui, et je l’ai prié de se prêter à notre étude, ce qu’il a accepté, fort heureusement. Et sans demander de paiement ! Ah, je peux vous dire que c’est la comptable de la faculté qui a été contente.

Le professeur, bien loin de constater que tout cela allait de soi, avait l’air d’éprouver une reconnaissance vive et profonde pour ce sujet inespéré.

Donc, j’ai pu le mesurer sous toutes les coutures, prendre des échantillons, lui faire passer des scans, il a été très patient. Ah ! Quel spécimen ! Ses organes génitaux, quel spécimen, quel spécimen !

Le professeur manquait peut-être un peu de tact.

]Il a un pancréas remarquable, saviez-vous ? Tout à fait remarquable. Enfin bref ! Je crois que tout cela confirme bien ma théorie que les Ark-Ni sont des êtres humains, chez lesquels un certain isolement génétique a entraîné la prévalence de nombreuses mutations qui affectent l’apparence, mais dont l’organisme, dans l’ensemble, fonctionne d’une manière trop similaire à celle des autres humains pour qu’on puisse légitimement les considérer comme une espèce à part. Voilà voilà.

Il lui fallut quelques secondes de réflexion méditative pour se rendre compte que tout cela ne devait pas contribuer beaucoup à la recherche du disparu.

Ah ! Donc ! Oui. Il est venu ce matin pour me poser quelques questions sur mes conclusions. J’imagine, une sorte de quête identitaire ? C’est bien naturel. On a envie de savoir à quoi on appartient. Bref, c’était le moins que je puisse faire. Nous avons discuté deux bonnes heures et il est reparti vers 10:30. Je dois dire, maintenant que vous m’y faites penser, qu’il a interrompu notre conversation assez brusquement, comme s’il avait eu conscience soudainement d’une urgence. Je ne m’en suis pas formalisé, il a toujours été un petit peu… hm… comment dire… d’une courtoisie atypique.

En attendant, le droïde du temple avait établi que le comlink de Karm avait disparu de la circulation.
Luke Kayan
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N'ayant pas entendu le compliment -purement scientifique- qui lui était glissé, le Chevalier salua poliment le Docteur Gaban, il fut surprit que ce dernier, sans cérémonie et très à l'aise commence très vite à donner des informations, c'était inespéré avait songé Luke, conscient de son habituelle malchance, avant de se renfrogner un peu. Un bavard qui adorait allonger des hypothèses y compris dans l'urgence, voilà qui correspondait plus à son karma. Bip qui prenait son boulot très à coeur avait poussé une chaise contre le Hapien du bout de son bras mécanique, de sorte à ce que sa main touche l'accoudoir. Par automatisme et dès que le Mon Calamari l'y autorisa, il s'assied.

Résolu, le Jedi attendit donc patiemment que le docteur débite son discours, se disant d'une part qu'il y aurait peut-être des éléments à attraper au vol et de l'autre, que vexer un scientifique n'était jamais bon. Le Mon Calamari semblait si ouvert, patient que le Hapien considérait intéressant de le maintenir dans de telles dispositions, son importance dans la vie du disparu ne faisait que croître d'ailleurs tandis qu'il étalait leur partenariat sur la table avec force de détails. Inconsciemment, Luke avait probablement été aussi intéressé par les découvertes si sensationnelles du Poisson au sujet des Ark-Nis, parce que oui, connaître un peu plus Karm l'intriguait. Il fut un peu déçu de finalement constater que ces fameuses données n'étaient intéressantes que pour des gens du milieu, minimes aux yeux du reste de la Galaxie, y compris pour lui qui respectait la matière.

- Je vois.

Luke ponctuait parfois ses phrases d'un petit mot destiné, paradoxalement à son envie, à pousser son interlocuteur à poursuivre. Au fur et à mesure, il se rendait compte que l'étude avait son envergure et s'étonna que Karm ne lui l'ait pas mentionné, même au détour d'une conversation, sur un air badin, juste "comme ça" car il y avait quand même eu beaucoup d'occasions et ce n'était pas anodin non plus. En savoir plus sur sa propre identité, le Hapien fronça les sourcils, il ne se souvenait pas que son aîné ait démontré éprouver un quelconque malaise ou curiosité à propos de ses origines, assumant plutôt son statut de Citoyen Républicain. Au mieux, il avait simplement voulu aider la communauté des Anthropologues. D'ailleurs, aider sans demander d'argent en retour était un principe Jedi mais Luke se garda de le rappeler au trop prolixe professeur.

- Un organe magnifique donc... Hum le pancréas vous disiez.

Le Hapien avait levé ses yeux vairons vers le Mon Calamari, interloqué par la tournure du dialogue. Il maquilla sa surprise en une légère toux justifiée étant donné la lourdeur de l'atmosphère si humide. À se demander comment les livres ou le bureau ne fondaient pas, inondé par le climat imposé par le Sexagénaire.

- Oui oui je vous suis évidemment. - Fit le blond qui ne mentait pas tout à fait puisque ses études de médecine lui permettaient de comprendre la majorité des termes employés par le docteur. Ne serait-ce que l'influence environnementale sur un corps sensé vivre dans l'espace après des siècles de tradition qui se retrouvait finalement sur un sol terrien. Les facteurs génétiques, les races proches-humaines ou purement humaines mais mutées, tout ceci aurait pu l'intéresser dans une certaine mesure s'il n'avait pas cette urgence.

Par chance, si le Mon Calamari lui avait donné un faux espoir au début, laissant sous-entendre qu'il comprenait digresser pour finalement quand même lâcher son discours, il finit heureusement par revenir au sujet. La jauge d'intérêt montée au maximum, les yeux du Consulaire se posèrent avec exactitude dans les orbites globuleuses de l'Amphibien.

- Ce matin-là, il y a trois jours donc - Précisa le Hapien, tendu par la situation malgré lui, sur les nerfs au point d'avoir pensé automatiquement à "ce matin, aujourd’hui" avant de se raisonner: Jamais Karm n'aurait abandonné Salik sans raison, s'il y en avait une, elle devait être excellente et il l'aurait contacté pour inventer un petit mensonge rassurant.

Il n'empêche que le mystère s'épaississait: son ami était venu à l'université, deux heures, pour parler des conclusions du Mon Calamari. Voilà qui ne lui ressemblait guère si quelque chose le tracassait. Le jeune homme pensa aussitôt à un inextricable problème, inexplicable pour le moment. C'était encore plus crédible pour lui que la solution de facilité qui impliquait que pour x ou y, le Chevalier Turquoise ait manqué à sa promesse, et surtout, ait laissé une amie -et accessoirement son compagnon.- dans l'inquiétude.- Vous dites qu'il est parti précipitamment, sèchement, c'est souvent arrivé? Et cette fois-ci est-ce que quelque chose l'a fait changer de comportement, un appel par exemple?

Le jeune Jedi savait qu'il serait très difficile d'interroger des témoins sur l'attitude de Karm, savoir s'il était inquiet au moment de la discussion, si on voyait qu'une affaire le préoccupait étant donné la neutralité que le chevronné explorateur affichait en toutes circonstances. Dans la même lignée, il était incompréhensible que son ami se soit laissé déborder par le temps, faisant causette sur ses origines avec le docteur avant de soudainement se rappeler d'une urgence. Quelques soient les raisons de sa participation et de son intérêt pour les études sur sa race, il aurait privilégié son devoir. Alors ladite urgence avait dû surgir pendant la conversation.

À moins que Karm ne soit venu voir le Mon Calamari sous couvert d'écouter ses conclusions pour chercher autre chose et que cela fasse partie de sa mission, il aurait remis ce type de rendez-vous personnel à plus tard.

- Essayez de vous rappeler s'il vous plaît, a-t-il consulté son Datapad, été contacté par quelqu'un, y compris une personne de l'université qui vous auraient interrompu? N'importe quoi.


Le Jedi ne voulait pas s'appesantir sur cette étude gardée secrète, il pensait d'ailleurs que c'était surtout le hasard qui avait fait qu'aucun d'eux ne vienne à en discuter. Pour autant, le jeune homme ne put s'empêcher, en un flash, de se rappeler d'une discussion avec Karm. Un Karm inquiet de souffrir de problèmes vis-à-vis de sa résilience beaucoup trop accentuée. Certes, sensément c'était un souci- si souci il y avait- psychologique et l'Ark-Ni était volontiers curieux, ce qui expliquerait son intérêt pour les recherches de Gaban, mais... Au cas où, aurait-il voulu vérifier que tout allait bien physiquement? Karm serait-il inquiet à propos de sa propre santé?

- Entre nous. Juste une question... Personnelle. Dans vos observations, vos analyses, est-ce que tout allait bien? Je veux dire, au niveau... Général et... Cérébral?

Oui parce qu'il y avait quand même cette hyperactivité, preuve en était la formation du jeune homme auprès de Salik, ses sautes d'humeur -de moins en moins fréquentes- ce manque de confiance en soi. On aurait dit que Karm cherchait à canaliser quelque chose, mais c'était certainement une question stupide, et Luke s'en voulut aussitôt. Quelque part, la sympathie du Sexagénaire l'avait fait sortir des rails, et l'occasion était trop belle bien qu'en règle générale le Chevalier ne s'inquiète pas pour la santé de son compagnon. Aujourd'hui, l'occasion avait juste, surgi du fin fond d'un dossier médical.

- Oubliez et pardonnez-moi je vous prie. Qui a ensuite accès au dossier médical, à vos prélevés? Et qui était au courant de votre rendez-vous, le dernier j'entends.


S'il avait bien été enlevé, Karm avait-il été suivi ou attendu? Luke s'excusa poliment pour prendre son Datapad .Le sexagénaire eut un sourire -si tenté qu'un membre de son espèce puis en avoir un.- et précisa que c'était une belle occasion pour faire une pause d'une quinzaine de minutes. Le droïde de protocole de Salik indiquait: "Pas de signal pour tracer le comlink".

* Évidemment, ce serait trop facile sinon.*

Le jeune Jedi en profita pour écouter dans une oreillette le second message, du commissaire Moustache. "pas à la morgue, aux hôpitaux ou dans les prisons les plus proches, on étend le cercle de recherche aux grands magasins. Toujours discrets."

Luke sentit un nœud se défaire: son ami n'était pas mort, il l'aurait senti via la Force de toutes manières. Une autre corde, coulissante, étreignit son cou cependant, s'il n'était pas blessé officiellement, cela ne signifiait pas pour autant que Karm ne l'était pas, dans un coin, ignoré de tous. Et s'il était trop faible pour lancer un appel de détresse à son compagnon? Vu la grandeur de la ville, le Hapien se retint à grande peine de projeter, lui, une Onde. Il économiserait son énergie pour le faire plus tard, seul. Pour l'instant, il fallait procéder par ordre et méthode, même si supporter qui que ce soit lui coûtait. Amasser des preuves, tout noter pour plus tard.

Rapport 1- a écrit:
-Karm Torr a eu rendez-vous avec le docteur Gaban.
-Discussion de deux heures sur des résultats d'études anthropologiques. Consultation personnelle de la part du Chevalier Torr, ce n'était pas un ordre de mission.
-Départ précipité vers 10h30 pour une éventuelle urgence. Le Chevalier Torr a coupé brusquement la conversation qui se déroulait dans le calme puis est parti.

Le Mon Calamari revint, humide parce qu'il était allé se passer de l'eau sur le visage.

- J'ai une dernière question: avez-vous parlé d'autre chose pendant votre rendez-vous?

Karm Torr
Karm Torr
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Souvent ? Hmm…


Interrogé sur le comportement de Karm, l’anthropologue se plongea dans une profonde réflexion, peut-être parce qu’il soupçonnait là un nouveau terrain de recherche. Il faudrait s’associer avec des psychologues et mener des entrevues avec des Ark-Ni d’horizons divers pour…


Comme rappelé brutalement à la réalité de la conversation, il sursauta dans son propre silence, avant de secouer la tête.


Non, reconnut-il, c’était pour tout dire assez inhabituel. Je veux dire qu’il ne s’embarrasse jamais de bavardage, et quand les rendez-vous sont finis, il ne s’éternise guère, vous le connaissez sans doute comme moi, c’est un homme d’action, qui a toujours quelque chose à faire. Mais quand il me dit qu’il me donne une heure, ou deux heures, c’est une heure ou deux heures, pas une seconde de moins. Éducation jedi, je suppose.


Le professeur hésita, avant de se pencher au-dessus de son bureau, comme s’il s’apprêtait à faire une grave confidence.


Pour tout vous dire, je crois qu’il a… comment formuleriez-vous ça ? Senti ? Senti quelque chose. On parlait, quand soudainement, il s’est interrompu, a froncé les sourcils, et après quelques propos, il s’est excusé et il est parti. Pas de message reçu, pas d’interruption, rien. Je suppose que ça avait un rapport avec vos perceptions extrasensorielles. La Force. Comme vous dites.


Il était évident que pour le Mon Calamari, la Force était une réalité abstraite, à laquelle il ne savait guère s’il devait prêter foi, mais le comportement de Karm lui avait immanquablement rappelé ce qu’on disait des mystérieux pouvoirs des Jedis. C’était aussi la raison pour laquelle il ne s’en était pas formalisé : il avait supposé que Karm avait perçu quelque chose d’important et, comme ses propres recherches ne présentaient pas un caractère particulièrement urgent, il lui avait paru bien normal que l’Ark-Ni fasse valoir ses priorités.


J’espère que vous le retrouverez, dit-il encore. Je veux dire, indépendamment de mon étude, il a l’air d’être un chic garçon.


Le professeur Gaban était connu pour sa bienveillance particulière. Il avait beau tenir beaucoup du scientifique distrait et absorbé par ses réflexions, son rationalisme ne l’avait jamais conduit à traiter ses sujets d’étude comme de simples jeux de données. S’il obtenait de bons résultats, c’était parce qu’il savait les mettre en confiance et s’il les mettait en confiance, c’était parce qu’il s’intéressait sincèrement à eux.


Quelques secondes après que Luke avait pénétré dans le bâtiment de la faculté d’anthropologie, un gamin, posté de l’autre côté de la rue, et qui l’avait observé attentivement, était parti en courant. D’ascenseurs publiques en rampes, de rames de métro aériens en escaliers obscurs, il était descendu de plus d’une trentaine de niveaux pour murmurer quelque chose à l’oreille d’un autre marmot. Ce dernier, à son tour, avait entamé une plongée dans les profondeurs de la mégalopole planétaire, jusqu’à atteindre les quartiers mal famés et, là, il avait retrouvé Karm, qui sortait de ce qui lui tenait lieu d’hôtel.


Mam’zelle, mam’zelle, fit le gamin, que le Jedi ne chercha pas à corriger, bien au contraire. Gavin, il a dit qu’on avait vu celui qui vous avez dit qu’il fallait surveiller, chez les profs, là.
À la faculté d’anthropologie, suggéra Karm ?


L’enfant hocha vigoureusement la tête.


C’était contrariant, mais probablement inévitable.


La Miraluka ?


Non de la tête.


Tant mieux.


Et l’autre ?


Haussement d’épaules. Karm glissa quelques crédits dans la main noire de pollution du petit.


Dans son bureau, le professeur paraissait embarrassé par les nouvelles questions de Luke.


C’est-à-dire que… Enfin… Vous comprenez, sans doute, que je suis tenu à un strict devoir de confidentialité, eu égard aux données médicales de votre confrère. Il ne m’appartient pas de révéler ce genre de détails à une tierce personne. Je comprends bien que vous menez une enquête dans son intérêt, cela dit.


C’était un cas déontologique délicat et il lui fallut un petit moment pour trancher le pour et le contre, peser d’un côté ses obligations morales et légales à l’égard du Chevalier Torr et de l’autre l’intérêt de celui-ci.


Je crois que je peux vous dire simplement que rien dans son dossier médical ne pourrait expliquer une disparition. Pour le reste, c’est à lui qu’il appartient d’en parler ou non.


Le scientifique fut de toute évidence soulagé quand il parut que son interlocuteur tombait d’accord avec lui.


Pour le dossier médical, ça dépend de quoi vous parlez. S’agissant du dossier nominatif, avec tous les détails, seulement moi et ma doctorante, Alina Brahim, qui s’occupe du cas avec moi. Ensuite, les données sont anonymisées et versées au fichier général. Mais je conçois que c’est un anonymat tout relatif, puisque, comme je le disais, c’est le seul cas de l’étude à être un Ark-Ni qui a évolué hors flotte dès avant l’adolescence. Ceci étant dit, nous n’avons encore rien publié…


Quand le Jedi l’interrogea enfin sur la nature de leurs conversations, le professeur secoua la tête.


Nous en sommes toujours strictement restés à la question ark-ni. Mais vous savez, je suis un vieux monsieur, il aura peut-être échangé plus librement avec quelqu’un de son âge. Voyez avec mademoiselle Brahim, bureau 725B.


La rue était barrée soudain par un homme de deux mètres de haut, avec le visage balafré. Karm n’eut pas besoin de se retourner pour sentir la présence d’un autre type, dans son dos.


Y a quelqu’un qui aimerait vous voir, dit le premier homme d’une voix grondante.
Ça lui ressemble pas d’envoyer les autres faire sa besogne.
C’est pour pas vous brusquer.
C’est clair que vous avez la tête du type qui brusque pas les gens.


Un silence tendu plana pendant quelques secondes sur la ruelle.


Écoutez, elle a dit de pas vous forcer. On va pas vous faire de mal.


C’était surtout la réciproque qui était vraie.


Si vous voulez pas venir, on s’en va.
J’veux pas venir, répliqua Karm sans hésiter.


Le premier type fit un signe de tête au second et ils se détournèrent tous les deux, pour disparaître dans les ombres de Coruscant.


Alina Brahim était une humaine de vingt-cinq ou vingt-six ans, à la peau d’un brun clair, qui venait de l’une des planètes du Noyau. Son bureau témoignait d’un sens de l’ordre impeccable : les holodisk étaient soigneusement alignés et tous les schémas sur le tableau holographique paraissaient avoir été tracés à la règle. La jeune scientifique elle-même, assise à son bureau immaculé, tapait à toute allure jusqu’à ce que…


Bon… euh… euh… euh…


Ses joues rosirent d’un coup, alors qu’un spécimen remarquable faisait son apparition dans son bureau, flanqué d’un droïde. C’était la première fois qu’elle voyait un Hapien de près.


Luke était mignon.
Très mignon.
Vraiment très…


Bonjour, parvint-elle finalement à articuler, en se souvenait de son vocabulaire. Je, euh… Vous… hm.


Certes.


Je peux vous aider ? Vous êtes perdu ? Vous cherchez la faculté d’arts plastiques ?


Sans doute qu’il servait de modèle aux étudiants !


C’est deux bâtiments plus loin, vous prenez la passerelle numéro 3, vous descendez quatre étages et ce sera là.
Luke Kayan
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Le coeur de Luke se serra, il comprenait la notion de secret médical, étant contraint à respecter ce dernier lorsqu'il lui arrivait d'exercer même si c'était rarement dans un lieu conventionnel comme un cabinet. Cependant, la gêne perceptible du Mon Calamari, la tournure de sa phrase "c'est à lui qu'il appartient d'en parler." aurait hérissé les cheveux du jeune homme s'il en avait eu la capacité physiologique. Quel degré d'importance avait cette possible révélation? Luke s'accrocha aux autres paroles de Gaban pour redevenir professionnel. La bouche sèche, il hocha la tête pour remercier en silence le vieil Amphibien concernant ses semi-révélations avant de répéter ce geste pour confirmer que Karm avait sûrement senti quelque chose en effet. Au final, c'était comme de recevoir un appel, donc son ami était venu tranquillement à l'université, sans autre idée que de discuter de sa race avec le professeur, l'urgence était intervenue après.

Quant à l'étude, elle ne semblait finalement ne pas avoir de lien avec l'affaire, tenant plus du hasard qu'autre chose puisque les résultats étaient relativement anonymes. Dans un accès de paranoïa peut-être, il avait imaginé que Noctis s'était personnellement intéressé à Karm, d'autant plus que c'était effectivement l'Ark-Ni qui l'attirait. Ridicule et prétentieux! Comme si deux Chevaliers pouvaient valoir le précieux temps de l'ex-Jedi. Il s'était juste bien amusé sur son île, aux dépends d'un Gardien et d'un Consulaire encore traumatisé aujourd'hui par leur rencontre.

- Oui. Éducation Jedi.

Les traits du Hapien perdirent légèrement en rigidité, juste assez pour accorder un léger sourire à son ami absent. Karm était peu-être sauvage, peu bavard voir brusque mais il possédait un indéniable sens de la courtoisie qui rendait toujours son ami fier. De ce fait, sa disparition n'en résultait que plus inquiétant encore, parce que le Jedi se disait que son ami aurait dû prévenir Salik Onak s'il en avait eu la possibilité. Imaginer qu'on l'en ait empêché le stressait, pourtant il faisait attention à ne rien montrer, ne laissant deviner comme symptôme de son mal-être qu'une certaine raideur généralisée. Ses muscles tendus lui faisaient même un peu mal tandis que son cerveau divaguait de dilemme en dilemme. Devait-il vraiment se mêler des affaires du Chevalier Turquoise? Ce dernier ne l'aurait-il pas avisé d'un danger? Et si c'était le cas mais qu'il était alors trop loin, sur Ondéron, pour le percevoir? Et puis, il y avait le pressentiment de la Zygerrianne, pas à prendre à la légère selon sa réputation ainsi que l'amitié que Karm avait pour elle. C'était une bonne Jedi, dotée d'un lien honorable avec la Force et quoique nerveuse, pas du tout du genre affabulatrice ou paranoïaque. Preuve en était, la jeune femme avait attendu trois jours avant de chercher à le contacter. C'était donc décidé, Luke continuerait sa recherche, quelque soit son degré de culpabilité.

- Je vous remercie pour votre aide, je vais tout faire pour éclaircir l'affaire. Bonne journée.

Luke se releva et serra la main de l'amphibien, qui, perdu dans ses songeries scientifiques- tout respectueux de ses interlocuteurs ou sujets d'études fut-il.- ne semblait pas encore avoir compris que Luke ne voyait pas. Leurs doigts se cherchèrent dans un ballet un peu ridicules, se rencontrèrent. Le Hapien ne laissa passer aucun signe de désagrément lorsque ses doigts finirent trempés, presque gelés par l'eau dont le Mon Calamari s'était enduit pendant la pause aux toilettes.

Il se dirigea ensuite vers le bureau d'Alina, peu convaincu de la rencontre à venir avec la doctorante. En effet, si Karm n'avait pas été très loquace avec le sexagénaire, il n'y avait aucune raison pour qu'il le soit avec une femme, qu'elle ait son âge ou pas. De ce que le blond savait, son compagnon valorisait plus la confiance acquise sur le long terme que le nombre d'années, une trace de son ancienne vie sur les vaisseaux. Mais se trompait-il? Désormais, le Jedi avait l'impression qu'il allait connaître une autre facette de Karm. Qu'il soit entré dans son cerveau ou pas, l'Explorateur recelait encore beaucoup de mystères, à l'image de ces planètes inexplorées, sauvages, fertiles mais aussi un peu hostiles (peut-être?) qu'il aimait découvrir.

Confiant malgré tout en son aîné, le jeune homme craignait surtout de faire remonter à la surface des problèmes qui nuisent à la santé de Karm, à son bien-être. Pas une seule fois il n'imagina que le Gardien trompait son Ordre ou lui mentait délibérément.

Une sensation étrange, pas bien dangereuse, subtile mais qui dénotait assez du paysage environnant poussa Luke à s'arrêter en plein couloir. Des étudiants lui jetèrent un regard curieux avant de retourner à leurs datapads qu'ils révisaient frénétiquement en vue d'un examen imminent. Bip qui pensait que son maître bloquait devant un obstacle vint se placer à ses côtés, glissant sa tête ronde sous sa main. L'impression d'une aura fixée sur lui, qui l'observait s'évanouit, le Hapien soupira, contrarié par cette tension qui lui faisait commettre des erreurs. Il reprit sa route pour aller voir la doctorante.


Fait curieux, Alina Brahim était peu éloquente pour une étudiante en doctorat, elle balbutiait tant et si bien que le Chevalier se demanda si elle n'avait pas un léger handicap. Il se garda évidemment de juger et salua poliment la demoiselle, toujours accompagné d'un Bip trop zélé qui accumulait les preuves inutiles en passant dans les couloirs de l'Université. Le petit droïde avait déjà emmagasiné les informations logées dans les bornes du bâtiment, tout ce qui fallait pour s'inscrire en première année ou repasser son master en cas de redoublement. Au fur et à mesure, il devait effacer certaines données pour les remplacer par d'autres toutes aussi inutiles, mais le robot qui ne devait pas économiser son énergie -pourvu d'un système d'auto-gestion et de recyclage qui expliquait son prix exorbitante, très peu rentable de son entreprise aujourd'hui fermé.- n'en démordait pas.

- Bonjour Mademoiselle, je cher...

La surprise étouffa la tirade posée et claire que Luke s'apprêtait à exposer. Il inclina légèrement la tête, se demandant même si Karm ne lui avait pas préparé une énorme farce avec divers personnages hauts en couleur, inattendus comme le docteur prolixe ou l'étrange doctorante. Que ferait-il en Arts Plastiques? De fait, il ne se rappelait même pas exactement de ce qu'impliquait cette dénomination: la peinture? La musique? En tout cas, la demoiselle en question n'avait pas été prévenue de son arrivée par Gaban. Luke choisit de répondre calmement, toujours debout, fidèle à son habitude d'attendre consciencieusement une invitation avant de s'asseoir, ce plus il n'imaginait guère tirer d'informations de la bredouillante femme. C'était surtout parce qu'il devait explorer toutes les pistes que le Jedi avait consenti à la voir.

En entrant, le Chevalier inclina légèrement la tête, saluant comme il se devait une dame, un peu à la manière de l'ancien temps quoique sans faire autant de fioriture.

- Mademoiselle Brahim, c'est bien cela, donc? Tout d'abord, je vous remercie de votre sollicitude mais je ne cherche nullement la faculté d'Arts Plastiques.- Heureusement pour les mirettes de fins critiques qui seraient certainement outragés par sa vision noire de leur discipline. Luke n'était donc pas plus artiste que mannequin (la honte l'aurait assassiné sur place dans ce cas), pas plus qu'il n'était coursier comme le pensait le Mon Calamari de base. La doctorante devait sûrement attendre ce fameux prof ou étudiant en Arts.- En revanche, je cherche bien quelqu'un. Je suis le Chevalier Luke Kayan - Il présenta son accréditation fichée sur son datapad par le biais d'un raccourci.- Il y a trois jours, le Chevalier Torr aurait pu parler avec vous à propos d'une étude sur les Ark-Nis, il s'est volontairement prêté aux tests du Docteur Gaban, votre tuteur de Doctorat me semble-t-il. Comme nous n'avons aucune nouvelle de lui, nous essayons de reconstituer son parcours. Avez-vous discuté, et si oui de quoi? Quelle teneur avait ce dialogue: professionnel, informel? Tout détail peut servir, s'il vous plaît.

Au point où il en était, Luke pouvait s'estimer fier du ton de sa voix, courtois mais inflexible, digne, quant il craignait prononcer le "s'il vous plaît" avec une horrible, pathétique intonation de supplique, parce qu'au fond c'était ce qu'il commençait à sentir. Seule la perspective que son ami soit débrouillard, rusé et endurant lui permettait de conserver vraiment espoir, mais les questions se bousculaient effectivement dans sa tête, en plus de la culpabilité car il craignait de s'immiscer dans un projet personnel de Karm. À ce propos les paroles de Salik demeuraient ancrées dans son cerveau: C'est un sauvage. Est-ce qu'envers lui, le Chevalier Turquoise avait aussi envie, besoin de l'être? Luke risquait-il de briser une recherche personnelle? Peut-être mais pas que, parce que le Gardien aurait appelé la Zygerrianne pour la rassurer. Ça c'était Karm. Éducation Jedi.

Suite à cette conversation avec Alina, il s'isolerait dans une classe vide pour lancer un appel. Faire de l'université son épicentre lui paraissait un bon point d'aide pour que Karm accroche son aura et remonte la piste afin de le situer. Lui-même serait moins perdu en commençant sa route à partir du dernierr endroit où son amant avait été vu.
Karm Torr
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Karm a disparu ?

La jeune femme parut aussitôt horrifiée. La stupeur la laissa un instant sans voix, puis elle reprit le contrôle de ses émotions et, avec un pragmatisme méthodique que l’ordre de son bureau laissait deviner, elle se mit à fouiller méthodiquement ses souvenirs.

Honnêtement, il parle rarement de choses personnelles. Ce n’est pas qu’il soit froid, enfin, si, un peu, j’imagine, mais disons plutôt laconique. Ou mystérieux. Involontairement, je suppose, il n’avait pas l’air de cacher quoi que ce soit. Juste de ne pas être du genre à se livrer. Et comme moi aussi, je préfère parler du travail quand on est au travail, vous comprenez…

Autant dire que les présomptions du professeur Gaban sur la solidarité qui pouvait exister entre les jeunes se révélaient largement infondées.

Cela dit, c’est moi qui m’occupais du versant psychologique de l’enquête. Ce ne sont pas des examens psychiatriques à proprement parler, nous n’avons pas la formation pour, mais quelques questions de routines, pour vérifier que les effets physiologiques évoqués pendant les tests n’ont pas des sources psychosomatiques. On fait passer des tests standards, ce genre de choses. Karm est très… comment dire…

Alina, qui donnait des cours en première année en même temps qu’elle poursuivait ses recherches, avait pris la bonne habitude de ne pas utiliser de jargon technique inconsidérément, pour rester claire et pédagogique en toute circonstance. Elle chercha pendant quelques secondes le terme approprié, pour donner une idée de la situation à un Jedi qu’elle n’avait pas de raison de supposer particulièrement versé dans les arcanes de la psychologie.

Solide. Mentalement, je veux dire. Physiquement, beaucoup moins, comme la plupart des Ark-Ni, mais sa résistance au stress est spectaculaire. Comme beaucoup de Jedis, cela dit.

Pendant un instant, Karm ne résista pas du tout au stress. Tétanisé dans sa ruelle dégoûtante, il resta incapable de réfléchir et il dut fermer les yeux, inspirer profondément et s’accorder quelques secondes de précieuse méditation pour recouvrer son calme. Posément. Il fallait considérer la situation posément. Elle lui avait envoyé des mercenaires et elle savait donc où il se trouvait. C’était donc inutilement qu’il avait tenté de se cacher et qu’il avait coupé les contacts avec le Temple, pour éviter qu’elle ne s’en prenne à eux.

Une idée terrible lui traversa brusquement l’esprit.

Et si elle se servait de Luke ?

L’Ark-Ni s’élança dans la ruelle et déboucha dans un marché couvert, qu’il traversa en bousculant la moitié de ses passants, sacrifiant son agilité ordinaire pour aller droit au but. Quelques dizaines de mètres plus loin, une petite esplanade supportait un parking avec une quinzaine de speeders. Le Jedi se rua sur un homme qui venait de garer le sien et, se concentrant dans la Force, il passa les doigts devant ses yeux et déclara avec conviction :

Tu vas me donner les codes de ton speeder.
Et puis quoi encore ? 100 balles et un strip-tease, pendant que tu y es ?
La seule chose vraiment remarquable, poursuivit la doctorante, c’est que, selon lui, son sommeil est plus agité que d’habitude, ces derniers mois. Ça avait l’air de l’inquiéter, autant que je puisse en juger, parce qu’il n’est pas très expressif, mais ce qu’il a bien voulu m’en décrire ne m’a pas semblé exceptionnel, par rapport aux données récoltées auprès des autres Ark-Ni. Comme les autres humains, les Ark-Ni ont un sommeil peuplé de rêves. Des cauchemars parfois, des rêves agréables d’autres fois. Il aurait été surprenant que Karm y fasse exception.

Luke eut le droit à un regard inquisiteur, plein de curiosité scientifique.

Il est vrai qu’il a laissé entendre que les Jedis avaient un rapport différent aux songes, mais il ne s’est pas vraiment étendu sur la question et les archives des précédentes recherches menées auprès de volontaires de votre Ordre, ces dernières décennies, ne sont pas exactement prolixes non plus à ce sujet.

Si les Jedis estimaient devoir se prêter parfois à des études scientifiques, moitié par sens du service public, moitié pour accroître leurs connaissances sur eux-mêmes, à des fins médicales, certains de leurs pouvoirs continuaient à être volontairement entourés de mystères.

Karm s’était engouffré dans un ascenseur. Il avait retrouvé son sang-froid, mais il fixait obstinément les numéros qui défilaient sur le compteur de niveaux. Dans les bas-fonds, la réception des comlinks était souvent déplorable et, quoiqu’il eût réactivé le sien, il ne parvenait pas à capter de connexion. Dès que le voyant à son bras passa au vert, il pressa le bouton du numéro rapide.

Luke ? Luke, grésilla soudain la voix de l’Ark-Ni dans le bureau d’Alina Brahim, Luke, écoute-moi attentivement. Il faut absolument que tu te replies au Temple. C’est elle, c’est…

La communication fut brutalement interrompue.
C’est que, à des dizaines de niveaux de là, un violent tir de canon blaster venait de déloger la cabine d’ascenseur où se trouvait Karm de son conduit pour l’envoyer valser à toute vitesse contre la façade du titanesque immeuble voisin.
Luke Kayan
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Comme Luke s'en doutait, son ami ne s'était guère confié à la secrétaire. Jeune et bien sous tous les rapports en apparence, elle n'en demeurait pas moins une étrangère. Lui non plus n'était pas un adepte de la socialisation sans contrôle, plus timide peut-être encore, et surtout moins adaptable que Karm, le comble pour un diplomate. S'il évoluait de manière adéquate lorsqu'il s'agissait de faire montre de professionnalisme, couvrant une large panoplie de réponse -de celle du jeune délinquant paumé au fils à papa nanti- le Jedi peinait à communiquer quand la conversation versait dans le personnel. Il était d'ailleurs, des deux, le plus jaloux du secret plus si secret qui les unissaient. L'attitude de l'Ark-Ni, d'autant plus influencé par sa culture bien qu'il y avait baigné relativement peu, ne l'étonnait guère, même si hélas, cela desservait son enquête. Difficile de poursuivre quelqu'un qui n'avait pas de vraies attaches ni ne laissait filtrer ses sentiments.

- Je comprends.

Renchérit le Consulaire en tâchant de cacher sa déception. Alina était pleine de bonnes intentions, d'ailleurs son inquiétude flottait dans la pièce, embaumant l'air d'une sincérité touchante, contagieuse si Luke ne faisait pas attention. Toujours professionnel, il hocha la tête, oui Karm aimait rester sur le plan du travail, tout comme elle, tout comme lui. Oui, Karm était très, très solide, probablement plus que la moyenne des Jedis ceci dit, et oui, il comprenait.

Quant au secrets qui entouraient leurs pouvoirs, le blond ne serait pas celui qui lèverait le voile. Il accorda à la jeune femme un léger sourire se voulant consolateur. Étant donné les circonstances, il transmettait juste un peu plus de mystères, mordant la curiosité de la doctorante qui plissa les yeux. Elle aurait aimé en découvrir plus sur la Force, cette puissance célèbre mais mal connue qui avait offert à Karm, cette relation si spéciale avec ses songes.

- C'est possible, oui. Certains d'entre nous y sont plus sensibles.

Suggéra simplement le Jedi, tandis que l'autre annotait sur son datapad ce que sous-entendait la pseudo- révélation de Luke: tous avaient ce fameux rapports différents avec leurs rêves. Restait à savoir si c'était la pure vérité scientifique ou une interprétation issue de leur éducation.

- Bon et bien, merci, au revoir.

Les muscles du Hapien se contractèrent imperceptiblement, anticipant son intention de prendre congé. Il posa une main sur le bureau pour s'aider, leva la tête vers l'endroit d'où provenait la voix flûtée de l'humaine inquiète. Le silence s'était posé dans le bureau, tous deux semblaient un peu gênés, Alina de ne pas apporter correctement son aide -elle le pressentait, fine psychologue.- et Luke de ne repartir sans véritable piste. Une autre seconde s'étira, torturée, écartelée avant de laisser place à la suivante. Mais entre deux écoulements de grains de sable, le comlink de Luke résonna. La voix de Karm Torr fit sursauter aussi bien Alina que le Consulaire. Ils échangèrent un nouveau silence, hébétés, incapables de commenter ce qui était en train de se passer, suspendus l'un et l'autre au petit appareil qui semblait soudain avoir gagné une incroyable puissance sonore.

Le bras d'Alina se leva avec la rapidité de l'éclair pour aller chercher son propre comlink, même si son geste se figea jusqu'à ce que Karm termine. Par automatisme, elle s'apprêtait à prévenir les autorités. Luke tressaillit de nouveau, quelques faibles secondes avant que le bruit du crash n'explose dans leurs tympans. Dans d'autres circonstances, Alina aurait noté la réaction du Jedi alors que rien ne laissait sous-entendre qu'ils seraient témoins d'un probable assassinat par comlink. La femme laissa échapper un cri, son comlink tomba par terre, elle porta ses mains à ses lèvres, tandis que Luke faillit s'étrangler avec sa propre salive. Les muscles désormais raidis, il fit appel à ses longues années d'entraînement pour fouiller la Force sans entrer en panique. Une fièvre soudaine envahit son cerveau, l'enrobant d'une chaleur maladive, relayée par des coups de froid soudain qui le faisaient frissonner. Ses doigts crispés sur le bureau d'Alina étaient l'unique preuve, ceci dit, de son inquiétude réelle. Il avait fermé les yeux, et figé, semblait avoir définitivement quitté les lieux.

Plongé dans la Force, le Hapien plongea dans le courant de la Force, il chercha ce fil si spécial, si immédiat qui le liait à Karm. Ses yeux se rouvrirent brusquement, si vite que les pupilles se rétractèrent, comme gênés par la lueur blanchâtre, presque médicale de la lampe puissante qui éclairait le bureau. Il se leva comme un automatique, ayant perdu la fluidité qui rendait ses gestes agréables à regarder habituellement -le maintien parfait du consulaire chevronné.-. Un bruit léger attira cependant son attention, la sonnerie d'attente d'un comlink.

- Non!

Le Chevalier lança sa main en avant, guidé par le son de l'objet. Ce dernier s'arracha à la tremblante d'Alina pour se loger entre les doigts de Luke. La jeune humaine se recroquevilla, semblant tout à coup craindre Luke. Qui était vraiment cet homme pour refuser de recourir aux autorités? Mais le blond pensait avoir compris, et la police ne pouvait absolument rien faire, sinon mourir sous la lame de Tavaï, l'une des seules personnes -sinon la seule- que Karm craindrait suffisamment pour chercher à s'isoler des membres de l'Ordre. Luke avala difficilement sa salive. Il dût faire de gros efforts pour ne pas quitter le bureau en trombe.

- Il n'est pas mort. La police ne peut rien faire- Le couinement d'Alina le poussa à se retourner vers elle. Sa chaise était dans un équilibre précaire, perchée sur ses roulettes arrières dans le vain but d'éloigner sa propriétaire du Hapien. Plus il se rapprochait, plus la doctorante tremblait, ignorant si son état était dû au traumatisme de l'attaque par comlink ou si c'était à cause de Luke, qui, si calme soit-il redevenu, lui avait arraché l'objet des doigts sans le voir et sans s'en saisir physiquement. En cet instant précis, elle aurait tout donné pour renoncer à son rêve muet formulé quelques minutes plus tôt: celui d'assister à l'expression de la Force. Le Consulaire, lui, avait retrouvé sa tonalité habituelle, bien qu'un zeste de raideur demeure. Malheureusement, il savait que ses mots travaillés, ses intonations douces issues de longues années de pratique ne serviraient pas. Plus à ce stade.-

- Karm Torr n'a pas appelé.
- Quoi? ... Je, Karm Torr n'a pas appelé.
- Vous avez été surprise parce que je suis tombé sur un obstacle en sortant.
- J'ai été surprise parce que vous êtes tombé sur un obstacle en sortant.

Les yeux de la jeune femme, voilés à l'instar de ceux d'une aveugle s'éclaircirent, elle retrouva une gestuelle fluide bien que persiste en elle, une gêne évidente. Alina se leva de sa chaise qui retomba lourdement sur le carrelage. Elle se jeta presque sur le bras de Luke.

- Oh je suis désolée! Je ne sais pas qui a laissé traîné ce carton. Nous recevons plein de nouveaux ouvrages pour les cours d'Art et... Oh je fais toujours attention habituellement, est-ce que vous vous êtes fait mal?
- Non, merci, ne vous inquiétez pas. Écoutez, je vous remercie mais je dois partir, je suis pressé.
- Désolée de ne pas avoir plus vous aider, j'espère que vous aller retrouver votre collègue.
- Oui probablement, vous l'avez dit, il est très solide.

Alina sembla se détendre un peu, elle épousseta machinalement la manche du Chevalier qui sensément s'était étalé sur un des cartons sagement empilés. Luke avait dû le repousser après sa chute. Un collègue providentiel passa la porte à travers la porte pour demander d'où venait le gros bruit qu'il avait entendu depuis son bureau. La doctorante détourna son intention de son invité quelques secondes pour informer le concerné: une simple chute, très gênante pour elle étant donné que cela accusait sa capacité de s'ordonner, habituellement impeccable. Lorsqu'elle se retourna pour insister quant à une réparation, Luke sortait déjà du couloir.

* Karm... Comme avec les pierres. On va y parvenir, à deux. Il faut qu'on le fasse ensemble! Aide-moi à te localiser!*

Et il transmit, à ce lien, ténu désormais, toute sa force possible pour lui indiquer qu'il n'avait pas peur de Tavaï- si c'était bien elle-. Ils la combattraient si c'était nécessaire, exactement comme dans l'inconscient de son ami, mais pour ça, son compagnon devait avoir confiance en ses capacités, en leurs capacités.

Luke bondit presque dans le speeder, au risque de vraiment tomber cette fois. Il attrapa son comlink après avoir ordonné à Bip de décoller d'un ton sec qui ne souffrait aucune opposition.

- Maître Ekkt. C'est Luke Kayan. J'ai besoin de vous. Je pense que Tavaï poursuit Karm.

L'Ombre ne préviendrait pas le Temple mais pourrait, en revanche, les aider à résoudre le problème. Il connaissait certainement le dossier de l'Amaran déviante et il avait tout un réseau d'informateurs qui pourraient vite localiser son ami. Le Hapien n'appréciait pas du tout Ekkt, le lézard avait trop joué avec eux, mais les enjeux étaient trop grands. Adeptes des secrets, c'était l'homme parfait, celui qui n'ébruiterait pas l'affaire et saurait discrètement disposer ses pions, mettre en en place une mission de sauvetage dans la plus grande discrétion.

- Où pourrions- nous nous retrouver?

Évidemment, encore fallait-il qu'Ekkt accepte sa requête.
Karm Torr
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Karm était mort.
Ou tout du moins, c’était l’impression qu’il avait.

Juste après l’explosion, il s’était entouré d’un mur de Force, une protection contre le choc qui s’annonçait, décision à moitié intuitive, et pour tout dire un peu désespéré, parce que c’était une technique qu’il maîtrisait mal. Juste avant que la cabine d’ascenseur ne se pulvérise contre la façade en duracier, un choc sourd s’était fait entendre, alors qu’un câble de traction s’arrimait magnétiquement à l’extérieur de la cabine.

Karm avait été violemment secoué, tandis qu’un puissant speeder le tractait dans son improbable prison, mais la protection de Force lui avait évité de s’assommer contre l’une des parois. Il était désormais suspendu dans le vide et un speeder l’emmenait vers une destination impossible à deviner. Tavaï s’était probablement adjointe le service de mercenaires locaux, des professionnels issus de la pègre de Coruscant, qui connaissaient les bas-fonds de la cité-monde comme leur poche, et qui ne devaient pas manquer de planques où séquestrer un Jedi à l’insu de tous.

L’explosion avait peut-être été repéré par les autorités, mais Karm savait que ça ne pouvait pas avoir de grandes conséquences. La police ne s’aventurait guère dans les profondeurs de la ville que par droïdes interposés et ceux-ci se heurtaient à la résistance passive de toute une société des bas niveaux, habituée à ne rien attendre de ceux d’en haut, sauf une répression aveugle qui frappait un peu hasard et qui faisait tomber sans discrimination les petits comme les terribles.

Dans le feu de l’action et la violence de l’explosion, Karm avait paradoxalement retrouvé le calme méthodique qui lui venait sur tous les champs de bataille. Une alternative se présentait ainsi clairement à lui, alors que défilaient de l’autre côté de la cabine les immeubles gris et menaçants : soit il se laissait porter jusqu’à destination, ce qui était somme toute le moyen le plus sûr de retrouver Tavaï, soit il tentait de s’échapper, pour enquêter sur son ancienne Maître. Fuir et se cacher avait été manifestement inutile : il fallait agir, mais agir sagement.

Qu’est-ce que Luke allait faire ? Probablement pas agir se réfugier au Temple. Karm l’avait espéré, mais son ami était un Jedi, avant tout, et il prendrait des mesures. Des mesures où il ne serait pas seul. Luke avait conscience des talents de Tavaï et ne compromettrait pas une opération de cette importance en s’y hasardant en solitaire. Il chercherait donc un soutien. Peut-être discret. Quelqu’un d’habitué à ces traques difficiles.

Bringuebalé dans la cabine, encore endolori par le choc que sa protection de Force n’avait pas suffi à totalement absorber, Karm activa l’un de ses shotos et entreprit de découper une section de la cabine. Quelques minutes plus tard, il s’élançait d’un bond à l’air libre et, dans une chute contrôlée par la Force, qui lui aurait été fatale sinon, il se réceptionna sur la plateforme d’un immeuble voisin, dix mètres plus loin, au prix de quelques contusions et de bien des éraflures. Le speeder, lui, avait déjà disparu.

Tavaï l’avait retrouvé probablement en sondant la Force. Dissimuler sa présence était un exercice complexe dont l’Ark-Ni était loin de pouvoir se prétendre maître. Mais, pour l’heure, l’Amarane le croyait probablement emprisonné dans sa cabine et il avait donc quelques minutes précieuses, avant qu’elle ne recommence à le chercher. Ce n’était pas nécessairement une mauvaise chose. Si Luke, comme Karm le pensait, sollicitait l’aide de Maître Ekkt et que Maître Ekkt, selon toutes probabilités, acceptait de le seconder, le mieux que l’Ark-Ni pût faire, de son côté, était de constituer une diversion pour Tavaï et ses hommes, afin que les deux autres Jedis puissent leur tomber dessus par surprise.

Son comlink était cassé. Évidemment. Agenouillé sur la terrasse où il avait périlleusement atterri, les yeux fermés, Karm se concentra dans la Force, à la recherche de Luke qui, il n’en doutait pas, le cherchait aussi, à ce moment précis. Ce fut la rencontre de deux volontés au même instant qui leur permit sans doute de se retrouver dans le fourmillement de Coruscant.

La voix de Luke résonna dans son esprit.
Une grande sérénité se répandit en lui.

* Trouve Ekkt et trouvez-moi, vous trouverez Tavaï. Dans les bas-fonds. Secteur 723B.*

À leur modeste niveau, conserver ce lien plutôt, dans de telles circonstances, si loin l’un de l’autre, était un exploit hors de portée, et Karm sentit bientôt la présence de Luke se dissiper. Il ne chercha pas à le retenir. Chacun savait ce qu’il avait à faire. Plus tard, peut-être, ils pourraient essayer de se recontacter.

L’Ark-Ni se releva et considéra soigneusement les environs. D’autres affrontements étaient à prévoir. Il avait une triple exigence : pouvoir être localisé par les deux Jedis qui le chercheraient, pouvoir être couvert, pour empêcher l’utilisation d’armes à distance et forcer ses ennemis à l’approcher et se tenir aussi éloigné que possible des civils, afin d’éviter les victimes collatérales.

Le problème, c’était que Karm n’était pas vraiment un spécialiste de la fange coruscantienne.
Luke Kayan
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- Secteur 723B.

Debout, insignifiante silhouette pourtant gonflée de détermination, face au grand Lézard qui le surplombait, Luke expliquait de façon claire quoique rapide, presque essoufflée ce qui s'était passé. Sans doute par crainte que les informations ne s'échappent de son esprit, de commencer à croire qu'il s'était trompé, que l'esprit qui avait touché le sien n'était que le reflet de son plus grand désir. Le Trandoshan jaugeait le Hapien d'un air sérieux, presque calculateur. Plongé dans les tréfonds de ses connaissances, il évaluait ses chances de réussite. En fait, malgré son envie toute Jedi d'aider un collègue, le lézard doutait visiblement. Son côté frondeur ne s'appliquait pas vraiment au sujet "Tavaï" car il savait l'Amarane aussi rusée que perfide et talentueuse. Son équipe n'était pas encore prête. Pour preuve, les Ombres les plus entraînées n'avaient pas débusqué la traîtresse. Pas une seule piste malgré des mois de recherches.

- C'est l'occasion de l'avoir. Si Karm est en vie, c'est qu'elle l'a bien voulu -Son ami avait beau être doué, il n'en restait pas moins que la renarde le supérait. Le Hapien n'avait-il pas failli être témoin de sa mort par comlink après tout? Aux abois, l'Ark- Ni n'ignorait pas être plus faible que ancienne mentor, et, surtout perclus de principes qui le limiteraient. Tavaï n'en avait aucun, un avantage triste et bien connu des "vilains" qui en profitaient sans scrupule.- Elle le sous-estime certainement, parce qu'il fut son apprenti, son inférieur depuis toujours. Peut-être croit-elle pouvoir le convertir ou, du moins, "s'amuser" avec. Dans tous les cas elle ne le pense pas capable de causer sa perte. Or, c'est notre seul lien pour la faire sortir de sa cachette, l'appréhender.

Force était de reconnaître que sans Karm, l'extrémiste ne serait probablement pas sortie de son trou. Elle avait beau être folle, c'était une femme intelligente, diablement intelligente puisque jusque là, ni Ekkt ni ses collègues n'avaient pu retrouver sa piste. Alourdie d'un prisonnier capable de disséminer quelques indices, elle prenait des risques. Tavaï avait dérobé quelques précieuses nuits au Trandoshan, s'octroyant au passage un bout de son orgueil en le baladant depuis des années. Dossier en suspend au milieu d'autres qui finissaient par être classés, l'Amarane était devenue une sorte d'affaire personnelle, au-delà du danger réel que son fanatisme représentait. Le Consulaire n'avait pas Torr tort, sans oublier cette vie en jeu. Que la renarde décide de l'assassiner ou de le torturer, rien de bon attendait Karm, et ce ne serait pas Jedi de le laisser entre ses pattes.

Luke pour sa part n'avait guère hésité en sortant de l'université. Malgré ses doutes et ses sentiments qui s'entrechoquaient, il avait pris l'initiative de contacter Ekkt: en majeure partie pour ses capacités, mais aussi pour justifier cette opération. Les Ombres avaient l'habitude d'agir sans l'aval de l'Ordre, disposant d'une liberté qu'aucun Chevalier voir Maître ne disposait. Axés sur les interventions d'urgence ou au contraire, de longue haleine requérant une discrétion à toute épreuve, ils étaient exempts de paperasserie dans la majorité des cas. En s'en remettant au Lézard, Luke tordait le bras au protocole -car il n'avait pas prévenu le Temple.- sans pour autant aller contre leurs règles. Il ne ferait pas cavalier seul, et l'affaire, désormais "officialisée" pouvait bénéficier d'une aide extérieure au cas où si les choses tournaient vraiment mal. Si Karm était retrouvé sain et sauf, avoir appelé les Ombres couvrirait son action, téméraire et échappant au protocole. De ce côté-là, Luke faisait confiance au Lézard pour justifier le fait que l'Ark-Ni ait déserté sans prévenir les Aînés. Dans le meilleur des cas... Bien sûr, et Luke se redonna du courage en imaginant cet instant, celui où il tuerait de ses propres doigts son compagnon qui lui avait caché ses intentions de prime abord. Partir seul contre Tavaï, que ce soit pour protéger l'Ordre, ses proches ou par pure peur avait été aussi digne que stupide. Ils étaient une équipe et, séparés désormais, ce serait beaucoup plus dur d'agir. Par chance, Karm avait accepté son aide, le guidant finalement vers ce fameux secteur.

Au sein de la Force, c'était toutefois le silence radio, en soi ce n'était pas si inquiétant vu la distance qui les séparer. Qu'ils aient pu échanger ces données fugaces tenait déjà du miracle. Luke toisa le regard jaune du Maître, qui, d'un mouvement d'épaules brusques projeta son imposante silhouette vers l'avant. Ils aideraient Torr. Le Hapien craignit d'être mis à l'écart, en tant que pauvre petite chochotte de Consulaire, mais le Lézard ne semblait pas prendre en compte les habituels stéréotypes.

- Et alors? Tu attends de recouvrer la vue?

Le mélange de peur, d'adrénaline et d'espoir fit allonger le pas du Hapien qui peinait à suivre les enjambées monstrueuses de l'Ombre. Furtif par nature, Ekkt n'était qu'une empreinte fugace au sein de la Force et Luke dût se concentrer pour le retrouver tandis qu'ils fendaient une rue principale dans le but de rejoindre une autre, au contraire, gluante, glauque et désertique. Le Lézard s'engouffra dans un bâtiment en ruines, suivit par un Luke quelque peu désarçonné mais beaucoup trop déterminé pour faire ralentir l'homme. Bip avait, sur ordre du Chevalier, conduit le speeder au Temple.

- Si je t'appelle puis raccroche, tu préviens les Maîtres, n'importe quel maître ou chevalier Bip. Un adulte... Et tu exiges d'être vu par quelqu'un du Conseil pour leur transmettre le rapport. Note: dernière Coruscant, localisation secteur 723B. J'ai vraiment besoin de toi là-bas.

Le droïde avait fini par s'exécuter à contrecœurs: Lien léger mais un peu rassurant au cas où s'ils leur arrivaient le pire, pourvu que Luke parvienne évidemment à connecter son Comlink à ce moment. Avec une sorte de mépris, le lézard avait contemplé la silhouette rondelette s'éloigner avant de guider, à pied donc, le Chevalier vers l'un des repères des Ombres.

Le quartier général situé dans les sous-sol d'un ancien entrepôt -probablement dérobé à un réseau de trafiquants de véhicules démantelé- sentait le cambouis, l'essence et des restes de pièces usées, rouillées au possible venaient confirmer son utilisation. Deux vieux canapés étaient engoncés dans un coin, épuisés de porter leur propre poids, tandis que, beaucoup plus moderne, un projecteur holographique dernier cri trônait au milieu de la pièce.

Les Ombres -une rodienne et un homme noir, tous deux très bien bâtis, véritables armoires à glace.- se tendirent, auras sauvages, légèrement obscures lorsque le Hapien pénétra dans le repère. Le temps qu'Ekkt les tranquillise, un autre homme, malingre cette fois, pénétra dans la pièce, essoufflé. Il pianota sur son datapad, le relia à l'hologramme pour projeter les informations issues du rapport de Luke, une fois que ce dernier lui ai donné la copie.

- Secteur 723B donc, sommes-nous certains de cette donnée?
- Oui.
- Il n'y a aucune trace informatique, aucun...
- La Force. C'est elle, la trace.

Le lézard abonda dans le sens du Hapien, hochant la tête. La Force n'était pas un domaine qu'il maîtrisait beaucoup, affublé d'un taux de Midichloriens légèrement inférieur à la moyenne des Jedis. Toutefois, il avait confiance en elle, suivant les intuitions de ses pairs qui la maîtrisaient mieux. De même, il ignorait comment le couple était parvenu à rejoindre leurs esprits dans le capharnaüm de Coruscant mais il savait que ça s'était fait.

- Nous pouvons quadriller la zone - Suggéra la Rodienne.-
- Cela nous prendrait trop de temps, et Tavaï ne va pas rester longtemps dans ce secteur, pas après l'agitation causée. Je pense qu'elle va chercher à fuir le plus loin possible- Répliqua l'homme noir au crâne rasé, les sourcils froncés. Ses bras énormes croisés, il jaugea Ekkt.

- C'est toi qui la connaît mieux.
- Ce n'est pas non plus comme si je l'avais côtoyé, mais selon nos infos et le profil qu'elle présente, je dirais qu'elle aurait tendance à rester dans les bas-fonds.

Luke hocha la tête, urgence oblige, sa timidité avait déserté sa personnalité. Il prit la parole dès que possible.

- Maître Ekkt a raison: Elle échappe aux autorités qui n'ont aucune influence là-bas. Les civils la protègent doublement parce qu'ils entravent la police et constituent de superbes otages potentiels si ça tourne mal. N'oublions pas qu'elle a supposément un prisonnier, celui-ci sachant se battre, augmenter le trajet revient à augmenter les risques qu'il ne s'échappe. Sans compter que c'est un poids lourd encombrant, ça fait du bruit et c'est dangereux... Dans les bas-fonds, commettre un délit au milieu d'autres délit, la séquestration est nettement plus discrète et si ledit prisonnier parvient à s'échapper, il doit encore remonter à la surface, dans une zone où il ne serait plus si isolé. Enfin, elle connaît les méthodes d'investigation ordinaires et doit penser que dans un premier élan, nous aurions tendance à fouiller une zone éloignée de l'attaque, celle qu'elle aurait sensément cherché à fuir.

Hash- l'informaticien du groupe, d'ailleurs aussi spécialisé en infiltration, aidé qu'il était pas son physique qui ne payait pas de mine.- hocha pensivement la tête, commençant tout juste à considérer le nouveau venu qui parlait avec aplomb.

- Soit. Nous agirons de la sorte, je veux une équipe qui fasse semblant de réagir comme lors d'une enquête ordinaire tandis que le Chevalier Kayan et moi irons voir ce secteur d'un peu plus près.

- Loin de moi l'idée d'être impoli mais ne préfères-tu pas que je t'accompagne? -S'étonna Erwana, la Rodienne. Son entraînement Jedi lui permettait de se contrôler, mais voir le blondinet lui dérober une occasion d'arrêter Tavaï la faisait bouillir. Tous, ici, attendaient cette occasion depuis longtemps. Ekkt secoua négativement de la tête alors que Luke commençait à craindre qu'il ne se range de l'avis d'Erwana.

- Je suis désolé, mais c'est Kayan qui convient pour cette mission.

Et ils quittèrent la planque pour prendre le speeder d'Ekkt, puissante machine maquillée en vieil engin -comme il y en avait des centaines dans les zones pauvres de Coruscant- sur le point de rendre l'âme, rouillé et dépouillé de parties de sa carcasse.

- Direction Secteur 723B. Accroche-toi petit.

Malgré son apparence un peu dédaigneuse, peut-être réductrice, il y avait une tonalité différente dans la voix de l'écailleux. De l'affection? Sans doute pas à ce point, mais un peu de respect, qui sait?
Karm Torr
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Karm avait pénétré dans un bâtiment cylindrique qui abritait sur une trentaine d’étages toute une série de petits entrepôts individuels, qu’on louait pour quelques crédits la semaine et où, supposément, on entreposait ses effets personnels. La plupart était occupé par les commerces des environs, dont le local principal était trop petit pour accueillir les stocks. Dans les autres, on aurait trouvé des marchandises volées ici et là, venues des niveaux du dessus, et parfois, des familles qui vivaient dans ces sortes de garages, faute de pouvoir se payer même une chambre miteuse dans les bas-fonds de la capitale.


Le Jedi avait jugé que l’immeuble de box privés était le moyen le plus sûr de semer le trouble sur son trajet. Rentrer d’un côté et à un étage, sortir de l’autre côté, à un autre étage, et espérer gagner ainsi quelques précieuses minutes sur ses poursuivants. Tenter de remonter dans la zone médiane de la ville lui paraissait également une bonne stratégie et il se reprochait d’ailleurs d’être descendu si bas. Les mercenaires de Tavaï répugneraient peut-être à agir dans des endroits où la présence policière était plus considérable.


Au détour d’un couloir, il sentit que des pensées se concentraient sur lui. Quelqu’un le suivait. Karm bifurqua brusquement, avant de se tapir contre un mur. Une silhouette se présenta au croisement. Il l’attrapa par le poignet, avant de la retourner avec une clé de bras pour la plaquer contre la porte métallique de l’un des petits entrepôts, en lui pressant l’un de ses shotos éteints contre la gorge.


Salut, fit-il d’un ton placide qui contrastait avec la brusque violence de son intervention.
Hé, non mais, ça va pas la tête, lâchez-moi, je viens pour vous aider.


Le Jedi haussa un sourcil.
Ce n’était pas un mensonge, il le sentait confusément.
Mais si la Force lui soufflait la confiance, sa raison le disposait à la prudence.


Tu sors d’où ?
Ça fait, genre, super mal, hein.


Après un instant d’hésitation, Karm finit par relâcher l’étranger et se reculer d’un pas. La silhouette se retourna en se massant l’épaule. C’était un garçon qui devait avoir quelques années de moins que lui, une vingtaine d’années, plutôt mignon, dans le genre voyou des rues avec une gueule d’anges. Des cheveux bruns en bataille, un regard vert expressif, un vieux blouson de pilote élimé sur les épaules, peut-être pas acquis très légalement.


V’z’êtes du genre nerveux, dites donc.
J’aime pas qu’on me suive.
C’est pour votre bien.
J’décide moi-même c’qui est pour mon bien ou pas.
J’m’appelle Tertullien.
Tertullien ?
Mais les gens m’appellent Ter.
J’imagine, ouais.


Après avoir consciencieusement massé son épaule, Ter arrangea son blouson.
Qu’est-ce qu’il fabriquait dans ce monde de misère et de magouilles ? Pick-pocket ? Prostitué ? Trafiquant ? Un peu des trois ?


Et toi c’est Karm, reprit le jeune homme d’un ton curieusement enthousiaste.
Torr, corrigea le Jedi.


Ter haussa les épaules.


D’où tu me connais ?
On m’a filé un dossier sur toi, pour être sûr que je te repère bien, expliqua le voyou tout naturellement.
Et c’est qui, on ?
Un ami commun.


Karm passa les doigts devant le regard de son interlocuteur.


Tu vas me dire qui est ton ami.
Te fatigue pas, je lâche pas mes secrets comme ça.


Décidément, cette journée ne faisait pas honneur à son sens de la persuasion à travers la Force.


Karm réfléchit.
(Ça arrive.)


Des amis, il y en avait beaucoup, et certains étaient assurément assez bizarres pour lui dépêcher ce genre d’aides inespérées, dans des circonstances aussi mystérieuses. Il supposait que Tavaï avait dû recruter des mercenaires pour chasser le Jedi. C’était une cible spécifique, qui avait dû faire un peu de bruit, dans les milieux criminels. Quelqu’un qui la connaissait elle aurait pu facilement faire le rapprochement avec Karm et établir l’identité de cette proie mystérieuse.


Mais Karm n’avait pas vraiment d’amis assez louches pour recouper ce genre d’informations. Les siens étaient des agriculteurs, des explorateurs, des scientifiques ou des militaires. Quelques contrebandiers, peut-être. Un ou deux aventuriers plus ou moins recommandables, à la rigueur.


Et t’es censé faire quoi, pour moi ?
Te guider dans les rues mal famées.
Tu tombes vraiment à pic.
Merci, merci.
C’est franchement suspect.
Pfffff…


Ter leva théâtralement les yeux au ciel.


Mon professionnalisme ne sera jamais reconnu à sa juste valeur.
Ouais, c’est triste la vie. Bon, mettons que je te fasse confiance, on va par où ?
Par-là, déclara Ter, sans hésiter, en désignant un ascenseur interne.


Karm hésita.
De deux choses l’une. Ou bien Ter travaillait pour Tavaï, malgré ce que lui soufflait son intuition à travers la Force, et alors son ancienne Maître savait de toute façon où il se trouvait : mieux valait aller à la confrontation, que retarder l’inévitable. Ou bien Ter était véritablement venu l’idée, envoyé par la Force savait qui, et comme disait le proverbe, à bantha offert on ne regarde pas les dents.


D’un hochement de tête, le jeune Chevalier approuva donc la nouvelle direction.
Luke Kayan
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À première vue, le secteur 723b était vide. Bien sûr qu'il l'était, une enquête de ce genre ne connaissait pas l'évidence. Si sale soit-elle, la zone tranquille s'étirait entre les ruelles, et moqueuse, semblait inviter les deux Jedis à fouiller chaque recoin. Ekkt tourna la tête vers un volet qui, il le pressentait, venait d'être entrouvert pour les fixer. Aussitôt, ce dernier se referma, laissant probablement un autre prendre le relais. Le Trandoshan descendit, un genou à terre, il porta ses doigts au sol maculé de poussière. Les Speeders avaient beau ne pas laisser de traces de pneus, dans certains cas, ils lâchaient de l'huile ou de minis résidus que bien peu seraient aptes à voir. Luke aussi avait quitté son siège, quoiqu'un peu démuni par l'immensité sombre qui s'allongeait devant lui, il comptait aussi participer aux recherches. À défaut de fouiller les alentours, il dérangeait la Force, la retournait comme on retournerait des pierres, à la recherche d'un sillage bien connu.

Parfois, le duo reprenait le speeder ou en redescendait, fouillant les alentours avec une minutie à laquelle ils étaient bien forcés de s'astreindre malgré l'urgence.

- Hep. Viens ici.

Ekkt avait déjà fourré son museau dans plusieurs coins de ruelles, propices à une attaque, il n'avait rien trouvé derrière les murs, cependant une cage d’ascenseur défoncée avait attiré son attention. L'homme-Lézard guida Luke d'un ou deux éclats de voix, jusqu'à ce que ce dernier ne parvienne à destination. La violence de l'agression résonnait encore dans la Force. Le Consulaire frémit en lisant en son sein un témoignage partiel. Le Trandoshan, plus terre à terre, inspectait les environs, le câble de l’ascenseur ou les murs noircis. Un bruit caractéristique leur fit lever la tête en même temps, puis la rebaisser pour évaluer la situation le plus rapidement possible.

- Il y a quelqu'un.

Murmura le Hapien alors que le Reptile se redressait déjà pour aller chercher son speeder. La police arrivait, à contrecœurs ceci dit, sur les lieux du drame. Ekkt et Luke ne désirant pas s'attarder finirent par quitter les lieux avant que les gardiens de la paix n'arrivent en traînant du moteur. Un peu plus loin, le lézard se précipita sur un misérable entrepôt individuel dont les volets frémissaient encore. Il toqua à la porte, sans résultat, même si à l'intérieur, il pouvait sentir des auras se mouvoir, s'inquiéter, le plus silencieusement possible. Le Maître bluffa, prétextant posséder un papier qui lui permettait de défoncer la porte si nécessaire, bien que compatissant envers la famille inquiète, Luke le laissa faire. Urgence oblige.

- Vous avez vu ce qui s'est passé?

Demanda Ekkt sans ambages et sans présenter non plus une quelconque plaque. L'humain, rubicond et perclus de rides, vieilli avant l'âge haussa les épaules. Le lézard insista, si bien que sans savoir s'il répondait à un gang du coin ou à une autorité, l'habitant lâcha ce qu'il savait. Ekkt avait frappé à la bonne porte, celle d'une personne fragilisée qui ne monnayait guère ses secrets, tenant trop à sa vie.

- Pas bien. Un speeder est passé à une vitesse folle, il était plutôt haut comparé à d'habitude, et il traînait un truc.
- Quoi comme truc?
- J'en sais rien -gémit l'homme.- j'ai pas une vue extraordinaire et comme on n'a pas d'assurance et bien..
- Continuez! Un truc, donc?
- Oui, un truc. Il y a eu une lumière, un autre truc qui tombait sur le toit là-bas... Et après j'en sais rien. Le speeder a continué sa route. Il a peut-être lâché sa cargaison parce que la police le poursuivait.

Ekkt leva les yeux au ciel, pensif, l'homme en profita pour fermer la porte au nez de celui-ci et se barricader. Restant un Jedi avant tout, l'Ombre n'insista pas. Il se retourna plutôt vers le Consulaire, qui, les yeux fermés, se concentrait profondément depuis quelques longues minutes déjà.

- Une trace de son passage?
- Je n'en suis pas sûr, c'est si ténu... Mais là-bas, éventuellement.

Le Reptile émit un bruit situé entre le grognement et le soupir, Luke indiquait de la Force, la direction contraire à celle empruntée par le gros Speeder. Il se demanda si interroger d'autres habitants, mais, ne sachant pas quels entrepôts étaient habités ou non et ne possédant pas de droit à interroger les gens de la sorte, il renonça. Impossible de savoir quel type de personne se cachaient dans ce triste ensemble insalubre. L'écailleux plissa les yeux, contempla ce qu'avait désigné son collègue. L'endroit où était tombé le "truc" après l'apparition fugace d'une légère lueur bleue. Ce pouvait être quelque chose, comme ce pouvait être quelqu'un. Dubitatif mais n'ayant guère d'autres solutions, Ekkt choisit de suivre cette piste, renonçant à celle du speeder.

Eux-même montés sur leur engin avançaient puis s'arrêtaient pour laisser à Luke l'occasion de sonder la Force. Pour se repérer, ils étaient partis du point où la chose avait chuté du puissant speeder qui avait sorti l'homme de sa sieste, peu habitué qu'il était à entendre rugir des moteurs de la sorte. De fait, dans son quartier, les machines avaient tendance à pétarader misérablement, stoppant leur fastidieuse avancée avant de reprendre bon gré, mal gré, par accoups. C'était ce détail qui avait attiré le quadragénaire aux volets, même si par pure peur, il n'avait qu'à moitié regardé l'étrange spectacle.

Cela faisait bien une demi-heure qu'ils tournaient autour de leur point de départ, fouillant les environs. Luke, transformé en chien pisteur leva soudain la tête, le regard dirigé vers une espèce d'énorme bâtiment cylindrique.

- Il est passé par là...

Bien sûr, le jeune Jedi désignait un périmètre peu précis, surtout qu'il avait beaucoup de mal à transmettre des données géographiques. Peu réceptif à la Force, le lézard lui, peinait à suivre l'onde que Luke envoyait en éclaireur que Karm aurait immédiatement lu. L'équipe, toutefois armée de détermination repris la route. En chemin, le Chevalier chercha à nouveau à contacter l'Ark-Ni. Sachant que cela demandait beaucoup d'énergie mais aussi de concentration, il ne s'y résigna que lorsqu'il fut à peu près persuadé d'être sur la bonne piste -tout en ignorant la distance qu'il restait à parcourir.-

* Je suis là. Toi?*

Luke se signala en puisant dans ses pouvoirs pour les concentrer sur sa personne, tel un phare. Pendant ce temps, Erwana et Hash fouillaient en périphérie des bas-fonds, faisant juste assez de bruit pour signaler leur présence à Tavaï ou ses sbires. Comme quoi l'enquête se passait bien là-bas.
Karm Torr
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Les étages défilaient sur le cadran de l’ascenseur et Karm sentait le regard de Ter sur lui. Le jeune l’observait consciencieusement et même, pour ainsi dire, professionnellement. Karm, pour sa part, se perdait en hypothèse quant à l’origine de son mystérieux bienfaiteur et il n’était pas certain de s’en féliciter. Quelqu’un pour le guider dans les bas fonds, c’était certes providentiel, mais c’était aussi une responsabilité supplémentaire : si un combat survenait, il lui faudrait protéger Ter.

Tu sais te battre ?

Ter écarta un pan de son blouson de cuir pour révéler un pistolet blaster qui avait dû passer entre bien des mains avant d’atterrir dans le holster du jeune homme.

J’me débrouille, déclara-t-il avec un sourire cabotin.
OK, mais joue pas les…

Karm s’interrompit, parce qu’il venait de sentir très précisément la présence de Luke. L’Ark-Ni n’y fit pas attention, mais son acolyte de fortune ne parut pas outre mesure surpris par son étrange attitude. Quelques secondes plus tard, le Jedi pressait le bouton d’arrêt de l’ascenseur, pour ouvrir les portes avant leur destination fatale.

On descend là, déclara-t-il.
Ça roule, fit Tertullien d’un ton égal.

Prêtant moins attention au dédale des couloirs qu’à la présence de Luke à travers la Force, Karm avançait à grands pas, talonné par Ter, qui jetait des coups d’oeil dans toutes les directions, en garçon habitué à surveiller ses arrières. Finalement, ils débouchèrent sur une galerie suspendue entre deux immeubles, alors que deux silhouettes venaient en contresens, l’une massive et impressionnante, l’autre gracieuse et délicate.

La vache, lâcha Tertullien, un peu nerveux, en considérant l’immense lézard, tandis que Karm, pour sa part, fonçait droit vers Luke.

Il faillit le prendre dans ses bras mais se reprit de justesse, se postant devant son ami pour déclarer simplement :

Luke.

Mais dans la Force, la joie de le retrouver, mêlé de beaucoup d’inquiétude il est vrai, s’exprimait clairement.

Maître.
Karm, répondit Ekkt, avant de désigner d’un signe de tête le voyou qui conservait une distance respectable. Un nouveau Padawan ?
Tertullien. Un type que quelqu’un, il refuse de dire qui, m’a envoyé pour m’aider.
Vraiment ?
Je le sens honnête.
Vraiment…, murmura Ekkt, fasciné par ce petit mystère, en bon Ombre.

Alors que le Trandoshan se rapprochait de Tertullien qui, instinctivement, leva les mains, comme si on le braquait au blaster, Karm se rapprocha un peu plus de Luke et murmura :

Désolé.

Avec une honte évidente dans la voix, il avoua :

J’ai paniqué. J’ai vraiment paniqué. Je crois que je panique encore. Je voulais que personne court de risque à cause de moi et maintenant…

L’Ark-Ni laissa échapper un soupir.

Pendant ce temps, l’esprit d’Ekkt plongeait dans celui de Tertullien qui, contrairement à sa réaction après la maigre tentative de Karm, paraissait plongé dans un état second. Rompu à cet exercice, le Sentinelle n’eut pas de mal à obtenir la réponse qui avait échappé à Karm et à dénicher dans les souvenirs de Ter le visage de son commanditaire.

Non, mentit-il en revenant vers les deux Chevaliers, je n’en tire rien non plus.
J’vous avais dit que les trucs de Jedis, ça marchait pas sur moi, répliqua Ter d’une voix embrumée. On continue vers la planque ou bien ?

Trop tard !
Une grenade assommante venait de rouler à leurs pieds.

Avec ses réflexes de militaire, Karm tendit la main et, par une vague de Force, projeta l’arme de l’autre côté de la passerelle, où elle explosa en les laissant indemnes. Mais des tirs de blaster se déclarèrent par là où Karm et Ter étaient venus.

Le Gardien et le Sentinelle s’interposèrent aussitôt entre Luke et Ter. La lame bleue de Karm et la lame dorée d’Ekkt commencèrent à dévier les tirs de blaster, qui s’écrasaient contre les parois de la galerie suspendue, quand ils n’étaient pas directement renvoyés dans la direction des trois mercenaires qui, depuis l’ascenseur immobilisé, les pilonnaient soigneusement. Par dessus l’épaule de Karm, Ter avait lui aussi mis en joue leurs adversaires et les canardait sans répit.

Couvrez-moi, souffla Karm.

Et l’Ark-Ni, fidèle à ses habitudes sur le champ de bataille, partit à la confrontation. Il courait sous les traits de blaster, en déviant certains, se laissant frôler par d’autres, qui étaient réceptionnés par Ekkt, tandis que Ter forçait leurs assaillants à se cantonner à l’ascenseur.

Ferme la porte, ferme la porte, il arrive, entendirent-ils beugler.

Mais c’était trop tard : Karm venait de s’engouffrer dans l’ascenseur. Le sabre-laser trancha les canons des trois armes avant d’être désactivé. Un étrange combat s’ensuivit. Dans l’espace exigu de l’ascenseur, les mercenaires musculeux étaient embarrassés, tandis que la silhouette menue de l’Ark-Ni esquivait adroitement des coups qui tombaient les uns sur les autres. Les mercenaires se frappaient presque autant entre eux que Karm, qui leur assénait des touches précises, aux points vitaux, guidé par la Force.

Les trois assaillants s’effondrèrent les uns après les autres, vaincus par eux-mêmes aussi bien que par le Jedi.

Bien, fit Ekkt en désactivant son sabre, il semblerait que nous ayons des prisonniers…
Luke Kayan
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Le soulagement et l'inquiétude se disputèrent le cœur de Luke jusqu'à ce que la seconde émotion s'incline en remarquant que le Chevalier Turquoise allait bien. Il avait d'ailleurs profité de son escapade pour se faire un ami. Tertullien. Soit. Le jeune Jedi exprima aussi sa joie par le biais de la Force, oubliant momentanément le gamin aux côtés de son ami pour se concentrer sur ledit ami. D'une part, le Consulaire essayait de repérer d'éventuelles traces de blessures ou de traumatismes, de l'autre, il luttait contre son désir de se jeter dans les bras de Karm... Ou de lui mettre une gifle! Les excuses de l'Ark-Ni le sauvèrent de la seconde option, et le Hapien se détendit légèrement. Que son flegmatique aîné avoue avoir "paniqué" et continuer de le faire était inédit, ce qui donnait encore plus de force à l'émotion. Luke lui envoya bien vite une onde compatissante, se moquant pour une fois qu'Ekkt ne la capte au passage. Comment aurait-il réagi, lui, face à sa mère dotée du quart de pouvoir de Tavaï? Impossible d'y répondre. Le blond choisit donc de se montrer compréhensif, d'autant plus qu'ils n'avaient guère le temps pour les reproches. Trop heureux de retrouver Karm, il se fit la promesse -encourageant et optimiste vu la situation!- d'en parler calmement avec lui après. Pour l'instant satisfait du diagnostique, le Jedi délaissa le corps du Chevalier Turquoise et le domaine de la Force afin de le répondre. Curieusement, sa voix était enrouée, comme s'il n'avait pas parlé depuis très longtemps, l'effet à retardement de tout le stress causé par les circonstances, cette angoisse qu'il avait tenu à modérer en bon Jedi.

- Ne t'en fais pas. Le principal est que nous soyons ensemble. Avec l'appui convenable.

Malgré le fait que les tonalités soient rauques, elles n'en demeuraient pas moins apaisantes. Le jeune homme ne voulait pas que Karm le pense fâché, il avait bien trop de quoi s'occuper l'esprit avec l'Amarane.

- Comment t'es-tu échappé? Penses-tu qu'elle s'en est déjà rendu compte... Qu'elle... L'aurait fait exprès?

Évidemment, espérer que ce soit une erreur de jugement de Tavaï était tentant, cela contribuerait à la démystifier un peu, car il fallait avouer que Luke avait aussi peur de la Sinueuse. Toutefois, il savait ne pas devoir commettre cette erreur, lui, c'est-à-dire de sous-estimer la renarde. Folle, aucun doute, Tavaï l'était, mais intelligente aussi. Au point d'anticiper la fuite de Karm, de prévoir ses retrouvailles avec Luke voir avec Ekkt qui la poursuivait depuis longtemps, cela restait une spéculation, effrayante, réaliste mais une spéculation quand même.

Le Hapien poussa un soupir avant de s'intéresser à Tertullien -mieux valait deux Jedis qu'un sur ce genre d'individus étrangement récalcitrants aux méthodes Jedis.- étonné par la flegme d'Ekkt. Qu'un si jeune garçon soit apte à échapper à l'analyse d'un Maître n'était pas rassurant. S'il pressentait un genre d'honnêteté chez cette aide providentielle, le blond n'en demeurait pas moins curieux, intrigué et oui, méfiant. Il ne saisissait pas le silence du dénommé Tertullien désormais unis à ses alliés, sans parler de sa capacité à résister à la Force. Pourtant il ne semblait pas avoir été formé...

- Tertullien dites-moi...

Interrompu par l'arrivée inopinée de la preuve que Tavaï n'abandonnait pas la partie, Luke concentra l'énergie qu'il voulait d'abord utiliser pour sonder le voyou. De la même façon que des Gardiens brandissaient leur lame, le Chevalier en avait appelé à la Force. Elle crépitait désormais autour de lui, réponse peut-être un peu trop vive face à trois mercenaires musculeux mais la mission si singulière les avaient probablement tous mis un peu sur les nerfs. À chaque nouvelle perturbation, le blond s'attendait à rencontrer l'ancienne Maître de Karm: des salutations dont il n'avait guère envie pour tout dire, même si cela pourrait aussi enfin clore le chapitre et résoudre l'affaire "Amarane fanatique."

Efficace et autonome, l'Ark-Ni attaqua seul. Les bruits de combats, rapides, secs semblaient contenus, Luke supposa qu'ils se battaient dans un recoin de ruelle, dans tous les cas, dans un espace réduite. Davantage rassuré par cette situation beaucoup plus "normale", il laissa Karm régler l'affaire en notant que ce dernier prenait le dessus. Habitué à être le témoin de ce genre de combat et conscient des capacités du Chevalier Turquoise, le jeune homme préféra s'inquiéter de sonder les alentours afin de prévenir une prochaine attaque. S'ils portaient un traceurs, les mercenaires encore opérationnels ou hors-circuit, leur simple présence guiderait Tavaï. Certes, débusquer la folle était un peu l'idée de cette mission éclair, -presque- suicidaire, mais autant la surprendre et ne pas la laisser se préparer au combat avant d'arriver.

- Des prisonniers? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée hormis nous encombrer et risquer une attaque par derrière. Mieux vaut appeler les autorités et qu'ils en s'en chargent.

Un peu plus loin, l'aura intacte de Karm avait octroyé un regain d'énergie, de courage à Luke qui s'opposait calmement à Ekkt. Il manquait toutefois de fermeté, peinant à évaluer vraiment la situation, d'autant plus que son ami et le lézard connaissaient mieux la renarde. De ce fait, le blond jouait surtout le rôle de la voix de conscience que l'on peut décider de ne pas écouter.

Une autre raison, un peu plus sournoise était que le Hapien continuait de s'intéresser à Tertullien, il n'était donc pas certain de vouloir que ce dernier ne leur échappe. Sans réelle conviction, le jeune homme avait énoncé le protocole avec le désir implicite de le sonder lui-même. Loin d'imaginer que le lézard soit associé à Tertullien et le mystérieux bienfaiteur, il n'en était pas moins étonné par son manque de réaction et de... Capacité pour tirer une information, quelqu'elle soit au jeune voyou. Certes, ils n'avaient pas le temps pour un véritable interrogatoire, mais les prémisses de ce dernier via la Force? Tertullien semblait honnête, mais qu'en était-il de son employeur, voulait-il, lui, vraiment aider Karm ou juste l'emmener à lui.

Profitant d'une pause, alors qu'on s'occupait des prisonniers ou autre, le Chevalier s'approcha dudit Tertullien, envoyant une onde de Force pour jauger son esprit. Rencontrerait-il une barrière naturelle, érigée par une de ces races rares résistante ou la digue d'un homme entraîné? On quitterait alors le domaine du simple petit employé des rues. Suspicieux, le Hapien était arrivé par derrière pour décrire un arc-de-cercle et se positionner devant le garçon, proche de lui. Son regard quoiqu'absent était nettement soupçonneux, légèrement inquiet mais surtout empreint du calme olympien qu'aurait un chasseur, concentré sur un endroit pour débusquer sa proie cachée, l'agressivité en moins. Seuls ses principes l'empêchaient de directement entrer dans l'esprit du jeune homme pour y fouiller avec insistance. Tout dans cette histoire lui paraissait étrange, Tavaï étant tordue de nature, le blond était sur les nerfs, d'autant plus qu'il n'avait pas vraiment confiance en Ekkt et ses méthodes.

- Merci au fait, pour votre aide. Alors, ces prisonniers, que voulez-vous en faire?

Avait-il été forcé de reconnaître honnêtement, mais l'un n'empêchait pas l'autre, Luke ne voulait pas que le reptile joue encore avec eux. Espérant obtenir une bonne réponse bien protocolaire sans trop y croire, le Chevalier avait demandé au Gardien et à l'explorateur que faire des prisonniers. Si c'était lui, il aurait déjà attrapé son Comlink après quelques questions rudimentaires sur le terrain pour repérer Tavaï. Les savoir ici, si assommés soient-ils, ne le tranquillisait guère, pareillement pour la présence d'Ekkt et de Tertullien, sondé par le premier (sincèrement il n'en doutait pas, s'inquiétant plutôt des pouvoirs cachés du voyou et de la réaction à peine prononcé du lézard.).

- je dois vous remercier aussi Tertullien. Néanmoins je reste curieux. Ainsi, les ''trucs de Jedis'' ne fonctionnent pas sur vous? Ce n'est pas commun, pas commun du tout. Et pour un insensible c'est même inédit.

Là, franchement on n'avait pas le temps pour la courtoisie, aussi Luke demeurait-il à la limite de la politesse, bien nuancée de suspicion. Le sol ne tremblait pas assez pour que Tertullien soit un Hutt. Existait-il d'autres races résistantes ? Avait-il été entraîné? Ce qui supposerait presque à coup sûr que ce garçon leur cacherait une présence dans la Force et il fallait être bon pour maintenir le mensonge face à trois Jedis dont un Maître, un gardien très intuitif et un Consulaire (tout chevalier, moins
expérimenté donc, qu'il soit) spécialisé dans la maîtrise de la Force.
Karm Torr
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Fait exprès… ?

Karm considéra cette idée inédite.

Nan, finit-il par répondre. Tavaï est intelligente, très, même, mais pas vraiment machiavélique. Les plans tortueux, ce n’est pas son genre. Elle dit ce qu’elle fait, elle fait ce qu’elle dit, quand ça marche pas, elle improvise. Elle m’a toujours dit que quand on faisait preuve d’excès de subtilités, on finissait par se complaire dans le labyrinthe de sa propre intelligence, plutôt que d’avoir l’humilité de s’abaisser à ce qui est directement pratique et nécessaire. En gros, que les gens qui font des plans très compliqués le font souvent plus par vanité que par intérêt stratégique.

C’était peut-être l’aspect le plus redoutable de Tavaï, en un sens : comme tous les Maîtres Jedis, H’olgan Tavaï était une sage. Une fanatique, certes, et une intégriste, mais une sage, qui savait faire preuve de calme et de pondération. Elle avait jugé que la violence et le sacrifice de vies innocentes, nombreuses peut-être, étaient des maux nécessaires à l’éradication d’un mal encore plus grand, l’Ordre Sith, et elle s’en tenait à ses principes. Dans ce qu’elle faisait, elle ne voyait pas de crime : elle était en guerre contre la République comme contre l’Empire, parce que la première, par son inaction, avait trahi en faveur du second.

Mais elle ne poursuivait pas ses intérêts personnels.
Elle ne cherchait pas à s’enrichir, ni à se faire aduler.
Elle ne voulait pas de récompense, ni de plaisir.
Même le pouvoir l’indifférait.
Elle était une Jedi qui avait sombré de la plus terrible des façons : avec noblesse et avec intégrité.
Elle faisait une guerre sainte, qui est la plus sombre des guerres.

Dix minutes plus tard, trois Jedis et un jeune des rues considéraient les mercenaires assommés. Tertullien, qui se tenait en arrière, près de Luke, essentiellement parce qu’il surveillait la seconde sortie, craignant qu’à tout moment d’autres loubards surgissent de là, ne parut guère perturbé par l’inquisition à laquelle le jeune Jedi le soumettait.

Il haussa les épaules.

J’résiste pas à tout, juste à votre genre d’hypnose, là.

De fait, la persuasion à travers la Force ne fonctionnait guère que sur les esprits faibles. Ter avait un tempérament bien trempé et une tête bien faite : il était sûr de ses idées et sûr de ses intérêts. Il eût été vain de le convaincre, à travers la Force, de faire ceci ou cela. En revanche, on pouvait le sonder, deviner ses sentiments et ses intentions, sa disposition générale. Luke le sentit honnête, à sa façon, c’est-à-dire déterminé à les aider, parce qu’il l’avait promis, à quelqu’un, et qu’à la personne qui l’avait envoyé là, il vouait une sorte d’amour qui confinait à l’adoration et qui était fondé sur une profonde et inépuisable reconnaissance.

Ter était un voyou à cause des accidents de la vie, mais le fond de son âme était celui d’un homme bon.

Vous avez raison, Luke, finit par décréter Ekkt, après avoir considéré la situation, urgente et critique, avec cette patience et cette pondération de Maître dont la lenteur faisait souvent enrager les plus jeunes Jedis, nous ne pouvons pas nous permettre de nous encombrer de prisonniers.

D’ailleurs, le Trandoshan avait déjà appelé les forces de l’ordre, avant de se mettre à fouiller les corps inanimés. Karm, lui, avait fermé les yeux, et il se livrait enfin à l’exercice qu’il avait repoussé depuis trois jours, exercice douloureux et redouté : sonder la Force, pour partir à la recherche de Tavaï. Il connaissait intimement l’aura de la maître d’armes. Il l’avait côtoyée pendant la plus grande partie de sa vie. Il l’avait aimée, comme le Padawan aime sa Maître, et même un peu plus.

Sa respiration se ralentit.

On devrait bouger, murmura Tertullien à Luke, le blaster toujours au poing, on est sur une galerie entre deux bâtiments, c’est pas super sûr.

L’esprit de Karm s’étendait tout autour d’eux.
Il faisait le vide, oubliait la présence des myriades d’êtres qui peuplaient Coruscant, pour chercher une personne, une seule.

* Oni *, murmura une voix dans son esprit, en employant l’un de ses prénoms les plus privés.

Un frisson glacé courut l’échine du jeune homme.

Elle est là, murmura-t-il.

Ekkt interrompit brutalement ses recherches dans les affaires des mercenaires et se rapprocha du Gardien. Karm ouvrit soudain les yeux.

, lâcha-t-il, en fixant la circulation, par la baie vitrée de la galerie suspendue.

Quelques secondes plus tard, la silhouette fuselée d’un speeder lancé grande vitesse se dessinait à l’horizon.

Si on reste ici, on pourra pas se battre à plusieurs contre elle et on perdra notre avantage. Faut se replier vers un espace ouvert.
Tertullien, déclara Ekkt, Ouvrez la marche.

Le speeder continuait à approcher.

Rectification : ouvrez la course.

Aussitôt dit, aussitôt fait : le jeune homme s’élança dans la galerie, pour s’engouffrer dans le bâtiment dont le Trandoshan et le Hapien étaient sortis. Karm attrapa au passage la main de Luke pour le guider alors qu’il emboîta le pas de course de leur mystérieux Guide et Ekkt formait l’arrière-garde de leur cavalcade, tout en donnant par son comlink l’instruction aux membres de son équipe de converger vers sa position.

V’z’êtes sûrs que vous voulez pas plutôt vous planquer, lança Tertullien par dessus son épaule ?
Certains, répliqua Maître Ekkt. Trouvez-nous un terrain dégagé et ça fera l’affaire.
Y a un parking à speeders à ciel ouvert sept niveaux plus haut, sur la plateforme ouest, répondit Tertullien.
Très bien.
Luke Kayan
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La flegmatique acceptation d'Ekkt arracha Luke à sa contemplation mentale de Tertullien. Outre une honnêteté couplée à une loyauté sans faille pour une "présence" inconnue, le jeune Jedi n'avait rien senti d'autre. N'ayant guère le temps et remarquant que ni le lézard ni Karm ne se préoccupaient davantage du garçon, il avait momentanément abandonné. Il était sans doute trop habitué à maîtriser certains pouvoirs de la Force, cheminant dans les traces des grands spécialistes en la manière, pour se rappeler que des non-sensibles avaient la capacité de résister. Cette leçon rapide d'humilité eut aussi le mérite de le ramener à la réalité: ils cherchaient une véritable ennemie, retords et incroyablement honnête, elle aussi, dans sa ligne de conduite. Luke trouvait le profil de Tavaï aussi terrifiant que fascinant. Pourvu de bonnes intentions, l'Amarane était dangereuse car elle les menaient à des extrêmes inacceptables, un cas qui n'était pas sans lui rappeler le bien moins subtil Ses'Kai Mora. Un frisson parcourut son échine, tandis qu'il se demandait -tout en se haïssant de le faire- comment le Conseil n'avait pas encore appris de Tavaï. Leur unique chance avec le Thyrsien est qu'il semblait bien moins droit que la renarde qui ne se laissait distraire par aucune tentation, véritable guerrière plongée, jusqu'à l'ultime sacrifice, dans sa croisade.

D'ailleurs, il pouvait sentir sa détermination sombre les envelopper, les étouffer. L'ancienne Maître était de plus en plus proche et Luke connecté à Karm sentit confusément qu'une pique de Force étrangère, inquiétante touchait son esprit. Il allait prévenir le trio mais on le devança. Le temps de sentir une paume familière se glisser dans la sienne et le voilà emporté. La police, elle débarquait juste à ce moment, en retard comme d'habitude, pour ramasser les ennemis déjà terrassé. Le groupe laissa les sirènes et les hommes de lois qu'elles accompagnaient, quittant précipitamment le terrain couvert.

- Non mais... Cour... ?

Le hapien ravala ses protestations pour suivre de son mieux. L'appréhension naturelle le gagna aussitôt. Par anticipation presque, la douleur d'un choc violent l'incita à porter son bras libre devant son visage. Il lui fallait toute son abnégation pour faire fi de cette crainte naturelle, une perte de repères qui lui donnait le tournis. Une sensation purement psychologique puisque question capacité, le Jedi était apte à fournir cet effort, ayant suivi un entraînement rigoureux, plus encore depuis que Karm l'avait pris sous on aile, le faisant sortir de son petit bureau de Consulaire depuis déjà plus d'un an (une habitude qui allait en s'intensifiant d'ailleurs.). Devant ses yeux éteints, cependant, le gouffre noir aspirait son corps récalcitrant vers l'arrière. Incapable de calculer son chemin avec sa précision habituel, à son rythme, les données défilaient devant lui. Armé de toute sa confiance envers Karm, le jeune Chevalier faisait tout pour éviter de ralentir le groupe, parvenant de justesse à ne pas tirer la main de son ami. Tertullien ralentit sa course pour lui prendre à l'avant-bras. Pendant une fraction de seconde, Luke se raidit à ce nouveau contact avant de saisir toute l'aide que cela lui apportait. Il se focalisa sur ces deux repères qui se mouvaient à son rythme et lança enfin tout son corps dans la course.

Dans d'autres circonstances, il aurait apprécié ce rythme soutenu qui soulevait ses mèches de cheveux et lui offrait une sensation de vitesse presque inédite. Ses entraînements sur un tapis roulant portèrent enfin ses fruits. Il s'était, en vain, acharné à perdre sa peur de rencontrer un obstacle sur des machines pendant des heures par semaine depuis la fin de son adolescence, après avoir fait raté une mission car on avait dû l'attendre. Cependant, désormais bien soutenu, il remarquait que son entraînement lui avait au moins fait conserver cette capacité naturelle qu'ont les bipèdes à courir. Une jambe devant l'autre, pas si simple s'il n'avait pas pratiqué, et surtout, le jeune homme ne ralentissait personne, de fait, il était même plutôt rapide. Tant mieux, parce qu'il ne comptait pas être lui-même un obstacle. Déjà, le Consulaire avait décidé de participer au combat contre Tavaï, et Karm n'aurait pas le choix. Habituellement effacé, le Hapien cédait volontiers aux décisions intelligentes, pratiques et éclairés de son ami, mais aujourd'hui, s'il s'avisait de refuser de le voir croiser le sabre avec sa Némesis, il pouvait toujours rêver. Luke sentait que même si son rôle serait minime, il serait nécessaire dans cette bataille.

Le vrombissement du puissant speeder sur leurs traces leur donnait des ailes, les forçant à courir toujours plus vite, Luke plus sprinter que marathonien commençait à sentir une brûlure familière tapir la membrane de ses poumons, toutefois il se refusa à ralentir. Il fit appel à la Force, laquelle caressa ses organes fatigués. La légère brise constitua une aide salutaire afin de l'aider à continuer et c'est sans encombres -compte tenu les circonstances- que les Jedis et Tertullien débouchèrent dans le parking indiqué par le voyou. Si Luke pouvait être suspicieux, surtout lorsqu'une mission sortait de l'ordinaire et mettait ses nerfs à l'épreuve, il savait être juste. Cette fois ce fut une onde plus aimable quoiqu'encore dans la retenue qui effleura l'esprit de leur guide. Par habitude, même si ce dernier ne la sentirait probablement pas.

- Merci.

Souffla-t-il au jeune homme qui avait finalement lâché son bras. Les muscles tendus, le Consulaire anticipa l'évidence, énoncée par Ekkt.

- Torr. C'est ton combat. Veux-tu y aller seul pour commencer? Nous te servirons d'appuis.

Soufflé, Luke sentit sa volonté de lancer le duel aux côtés de son ami s'évaporer. Aimerait-il avoir au moins un instant de tête à tête avec son bourreau, sa propre mère? La partie plus fantaisiste de son esprit, imbibée d'histoires épiques -malgré son caractère posé, il avait grandi au Temple Jedi, bercé par les histoires chevalresques de ses pairs.- lui soufflait que personne ne devrait lui voler ces retrouvailles, tandis que la partie plus raisonnable (plus Luke!) insistait sur la folie d'un tel geste. Tavaï était dangereuse, rapide comme l'éclair, prompte et certainement efficace. Il doutait qu'elle ne se perde dans un long discours typique des méchants face à Karm, surtout si elle avait remarqué que ce dernier ne changerait pas de camps. Alors, pour avancer dans sa quête aux finalités aussi louables que ses moyens étaient troubles, ne chercherait-elle pas à écraser l'Ark-ni?

- Je suis là. Si tu as besoin. Tu le sais.

Se contenta alors de dire le blond, entouré d'une Force crépitante, destinée à faire oublier son apparente (et peut-être réelle) fragilité. Ekkt et lui, d'un commun accord se postèrent légèrement en retrait, chacun d'un côté, sabre éteint en main.
Karm Torr
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Une sorte de silence improbable s’était abattu pour Karm sur le vaste parking.


Pourtant, des speeders, à quelques dizaines de mètres au-dessus d’eux, continuaient à se presser par milliers dans les voies aériennes de Coruscant. La ville était assourdissante, comme toujours. Mais ce parking, il en avait rêvé, à travers la Force, quelques semaines plus tôt, lorsqu’il avait accompagné Thann sur Ilum, pour trouver le cristal qui devait servir à la lance de la jeune fille, et dans ce rêve, il avait vu sa propre mort.


J’préfère vivre accompagné que chercher la gloire tout seul, murmura-t-il, quand Ekkt se proposa de le laisser affronter son ancienne Maître en tête-à-tête. Mais peut-être qu’elle est pas venue se battre…


C’était un espoir dérisoire et il le savait bien, mais lui, au moins, il était resté un Jedi et un Jedi cherchait toujours un autre moyen. Ekkt ne fit pas de commentaire. À ses yeux, le sort de Tavaï était réglé, du point de vue moral, depuis sa désertion du Temple.


Les quatre hommes étaient tournés vers l’ascenseur. La machine s’était ébranlée. Elle arrivait depuis l’étage de la passerelle qu’ils avaient quittée et où les policiers venaient de commencer leur investigation. Karm sentait de plus en plus nettement la présence de l’Amarane. Étage après étage. Qui s’approchait de lui. Il prit une profonde inspiration. S’il devait mourir, il était prêt. Luke prendrait soin de Thann.


Les portes s’ouvrirent.
Et elle était là.
Ils la dépassaient tous, même Karm, d’une bonne tête au moins, mais chacun, y compris le Trandoshan géant, sentit confusément que ce jour-là, sur le parking désert, la plus dangereuse, c’était elle.


Maître, fit Karm.
Oni, dit Tavaï, avec un sourire.


Elle s’arrêta à quelques mètres d’eux.


Tu n’as presque pas changé.
Qu’est-ce qui vous amène sur Coruscant ?
Du matériel à récupérer. Des gens à voir.


Le regard de la Maître d’Armes passa tour à tour sur chacun de ceux qui lui faisaient face.


Consulaire. Maître Ekkt.
H’olgan.
Ah, je vois que vous êtes tombés sur l’un des chiens de Darth Noctis, déclara-t-il enfin, lorsque ses yeux s’arrêtèrent sur Tertullien.
Hé ben c’est sympa, merci l’accueil.


Darth Noctis ?
Que diable venait-il faire dans cette histoire ?
Karm jeta un coup d’oeil rapide à Ekkt, que cette révélation n’avait pas l’air de bouleverser.
Karm se promit d’élucider cette question. Plus tard. S’il survivait.


Maître. Au nom de la République, je vous arrête. Pour trahison. Et terrorisme.
C’est la République qui trahit ceux qu’elle a promis de protéger.
Il y a d’autres moyens de lutter que ceux de la terreur et de la guerre civile.
Des moyens indignes dont vous n’êtes que trop familier, Ombre.


En bon Jedi, Ekkt resta de marbre face à cette provocation.


Maître, il n’est pas trop tard pour faire valoir vos opinions. Un procès vous donnerait une large audience. Vous pourriez changer l’orientation politique, si vraiment c’est ce qui vous paraît le mieux. Sans violence inutile.
Je ne fais pas dans la violence inutile, Oni.


La main de Tertullien était crispée sur la crosse de son blaster. L’impression que la situation pouvait dégénérer à tout instant le rendait terriblement nerveux.


Si tu acceptais de venir voir comment je procède… Je ne dis pas te t’engager à mes côtés, juste quelques semaines. Pour te faire ta propre idée.
J’ai eu des années pour me faire mon idée.
Des années qui t’ont conféré les talents qui sont les tiens aujourd’hui.


Silence. Ekkt en profita pour glisser à Tertullien :


Gamin, va te planquer derrière un speeder.
Mais…
Pas de discussion.


Tertullien relâcha son blaster pour aller se cacher un peu plus loin. Après tout, Noctis lui avait dit de les aider à fuir, pas de les soutenir dans un combat.


Maître. Si vous refusez de vous rendre, vous ne nous laissez guère de choix.


Un vrombissement et une lueur mauve furent la réponse de Tavaï.


Mon Padawan, je ne t’aurais jamais fait de mal si tu ne m’y avais pas forcé.
Mon expérience prouve le contraire.


Karm s’élança vers Tavaï, sabre éteint à la main. Une seconde avant que celui de son ancienne Maître ne s’abatte sur lui, la lame bleue jaillit pour dévier le coup. Le combat qui s’engagea fut aussitôt d’une rapidité inouïe, comme lorsque deux Gardiens s’entraînaient ensemble. Le style de l’Amarane était tout en orthodoxie maîtrisé à la perfection, démonstration sublime de l’Ataru et du Makashi, et celui de son ancien Padawan, un Djem So si hybridé qu’il en devenait totalement illisible.


Il n’a pas la main haute, murmura Ekkt, à côté de Luke.


Karm et Tavaï bondirent en arrière, chacun de son côté, à l’issue d’une énième passe d’armes.


Maître.
Oui, mon Pa…
Pas à vous qu’je parle.
Oui, Karm ?
Besoin d’aide.


La lame dorée du Sentinelle jeta soudainement sa lueur sur le véhicule voisin.


Luke, murmura Ekkt. Soyez courageux. Le Gardien a tenté de négocier. C’est au tour du Consulaire de se battre.


Et Tavaï s’élança dans leur direction. Ils étaient trois contre une. Dans la Force, Karm s’était associé à Luke, nouveauté assurément pour la Maître d’Armes, mais qui ne la déstabilisait pas suffisamment. Le sabre violet paraissait être partout, à parer et à contre-attaquer. Les coups puissants du Trandoshan étaient esquivés, de justesse, mais esquivés toujours, ceux fulgurants de l’Ark-Ni constamment parés.


Elle ne l’emportait pas, mais c’était la seule bonne nouvelle.


Après une passe d’armes particulièrement difficile, Tavaï se replia de quelques mètres. La seconde suivante, un speeder, projeté par télékinésie, volait dans leur direction. Ekkt bondit pour l’éviter et Karm attrapa le poignet de son compagnon pour se baisser avec lui. Quand ils se redressèrent, Karm vit qu’Ekkt était isolé face à Tavaï.


Elle avait repris ses attaques.
L’Ark-Ni se dirigea vers eux au pas de course.
À toute vitesse.
La lame violette virevoltait contre la lame dorée.
Beaucoup plus vite que la lame dorée.


Et puis, soudain, brusquement, l’éclair mauve traversa le cou du Trandoshan.
Karm ressentit une grande violence dans la Force.
Le sabre d’Ekkt tomba au sol.
Et sa tête aussi.
Elle roula sous un speeder, comme un vulgaire rocher, pendant que le corps reptilien s’effondrait lourdement.


Tertullien poussa un cri.
Karm s’était figé dans sa course, sabre à la main.


Maître, murmura-t-il.
Il faut extirper la corruption de l’Ordre, Karm. Les Ombres ont trop fréquenté les Siths. Ils ont prôné les voies détournées, ont fait durer le conflit. Il faut aller droit au but. Et des sacrifices sont né…


Un shoto vert fusa dans les airs vers l’ancienne Jedi, surprise par la soudaineté de l’attaque. Il fut dévié, mais aussi suivi de près par un Ark-Ni. Les larmes s’entrechoquèrent. À toute vitesse. Karm voulait en finir avec que Luke ne s’approche trop d’elle et ne subisse le même sort qu’Ekkt. Ses préoccupations pour l’Hapien troublèrent peut-être son jugement. Ou bien Tavaï était trop évidemment supérieure à lui. Ou peut-être encore fut-ce à cause des policiers qui avaient débarqué en masse depuis l’ascenseur et affluaient, au péril de leur vie, en direction de la Maître d’Armes.


Toujours est-il qu’un coup resta sans parade.
La lame violette transperça le ventre de l’Ark-Ni.
Ses yeux s’écarquillèrent de surprise, et pourtant, il l’avait prévu.


… mon ange…, murmura Tavaï.


Mais elle avait déjà rétracté sa lame, pour s’enfuir par un bond extraordinaire, qui l’amenait sur une plateforme plusieurs étages au-dessus, loin des policiers.


Karm, lui, s’écroulait au sol.
Thann Sîdh
Thann Sîdh
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21.574 • Ondéron, Dortoirs du Temple Jedi.


Toutes les planètes de la galaxie ne montrent pas leur beau visage à leur soleil au même moment. Tandis que Coruscant, dont l’étoile blafarde peinait à lancer ses rayons jusqu’à elle, lui souriait, Ondéron, elle, était plongée dans l’obscurité ; du moins le Temple l’était-il. A cette heure, il eut été normal que chacun, sauf les plus affairés, dormît. A cette heure, d’ailleurs, il eut été normal que Thann fût couchée. Elle faisait partie de ces jeunes qui, à contre-temps de leurs semblables, aimaient à quitter les affaires du monde avec le Soleil et à ne s’en saisir à nouveau que le lendemain matin, avant l’aurore, lorsque la rosée recouvre, nocturne vagabonde, tous ce qui est dans les Jardins du Temple, attendant impatiemment l’arrivée du soleil pour s’élever vers le ciel avec la lenteur et la grâce des choses si délicates qu’elles quittent le champ du perceptible.

Cette nuit faisait exception. Un sentiment aigu que « quelque chose ne va pas. » l’empêchait absolument de pouvoir gagner son lit. Depuis plusieurs jours, déjà, son Maître l’avait quitté avec une solennité et un trop parler – qui chez lui, finalement, tenait tout de même à peu de choses – qui l’avaient immédiatement vrillée d’angoisse. Son Maître partait à la rencontre du danger et s’il lui avait avoué à demi-mots – donc compter un quart-de mots du fait de la conversation en unité Karmienne de la quantité de phonème prononcé – elle avait immédiatement compris, à travers le lien qu’ils partageaient, vers quel futur il s’était persuadé d’avancer.

Pourtant, il ne la connaissait que trop bien. Seïid avait été sommé d’empêcher son amie de faire la moindre bêtise et d’ailleurs, tous ses accès avaient été spécifiquement bloqués jusqu’à nouvel ordre pour qu’elle ne pût, en aucun cas, tenter de le suivre.

Les heures s’étaient alors égrainées avec une lenteur qu’elle ne leur avait jamais connue. Les heures passées à manier la lance au côté de Seïid n’avait rendu l’attente que plus dure. Sa place n’était pas là, cachée, comme une fragile enfant, à jouer les Jedis sur des tatamis usés tandis que celui qui – de plus en plus – prenait pour elle la forme d’un père risquait sa vie. Elle avait traversé le feu du combat, elle avait rampé dans la mort, elle s’était jetée vers elle dans cette navette, sur ce croiseur, et quoi ?! La voilà contrainte au confinement au prétexte que… au prétexte qu’une vieille folle en voulait à son mentor ! Elle s’était promis de protéger toute forme de vie, de sauvegarder les êtres de la violence et ceux qui comptaient pour elle, elle les regardait partir sur des chemins funestes ? Encore ?!

« Thann, s’il te plaît. Tu sais que tu ne peux pas l’empêcher de faire son devoir.

– Il m’empêche bien de faire le mien en me séquestrant ici !

– Puisqu’il est ton maître et qu’il a plus de sagesse que toi. Un temps comme le sabre suspend son vol avant de frapper le cou. Et tu montres, depuis deux jours, combien il a eu raison. »

Si la fureur avait pu briller dans ses yeux, certainement la Togruta eût été foudroyée sur place pour avoir eu l’audace de se ranger du côté du vrai et de la raison. Les secondes, bien que cela sembla tout à fait délirant, avaient encore ralenti leur cours, puis étaient venues les excuses et les larmes. Moritura, Kolin, Zélonion… En seize ans les noms commençaient à s’accumuler déjà bien trop et la Miraluka, malgré sa sagesse grandissante, peinait à l’accepter. Peinait à accepter, malgré sa progression, malgré son arme forgée, malgré la confiance de la Force matérialisée en Endalda, peinait à accepter sa propre impuissance.

Cette soirée-là, plus que les autres, avait éprouvé la jeune fille. Le repas avait été vite expédié, les assauts des plus jeunes – dans leur propre détresse scolaire – renvoyés aux calendes grecques. Thann avait besoin de temps pour elle. De temps avec elle. Après une brève échappée dans les jardins, elles avaient finalement regagné leur chambre. Le silence s’était imposé comme la norme, les gestes d’affection avaient suffi à la communication. Elles s’étaient préparé un matelas d’oreillers et avaient lancés l’un des nombreux holofilms que comptait l’holothèque du Temple, puis un autre, puis un autre.

Etroitement enlacée par les bras de son amie – autant pour avoir la certitude qu’elle ne pouvait fuir que pour l’entourer de toute son affection – Thann regardait les images défiler sans leur donner de sens. La nuit était très avancée quand la fatigue l’emporta sur la peur.

Les speeders, les lumières blafardes des néons éclatants de… de couleurs. L’or, le rouge, le pourpre, le cyan se mêlent agressivement pour former, à l’aide de la diffusion dans un épais nuage de pollution, un ciel d’apocalypse. Loin, loin au-delà de tout, Thann comprend que ce n’est pas un rêve mais qu’elle y est enchaînée.

« Besoin d’aide. »

Elle vient de s’adresser à un Trandoshan, sa lumière, dorée, jaillit et bourdonne. Les trois Jedis font face à l’une des leurs. Non, elle n’en est plus une. Thann comprend, sait – en réalité – immédiatement de qui il s’agit. De sa lame, elle fait tous les efforts du monde pour parvenir à briser ses défenses. Saccades, interruptions, incohérences, rupture de style. Même la liaison avec Luke, qu’elle aime profondément, n’est pas suffisant à leur donner l’ascendant sur ce si petit être. Le pourpre est partout, tout le temps, et là où il n’est pas, il n’y a déjà plus rien à défendre.

Une main puissante s’est saisie d’un speeder comme d’un jouet, Thann s’abaisse, saisit Luke pour qu’il accompagne son mouvement, Ekkt se retrouve isolé. Elle sait déjà ce que les prochaines secondes ont à dévoiler. La tête tombe, quelqu’un pousse un cri, l’or s’est évanoui. Son sang ne fait qu’un tour. Est-ce la peur de voir son amant subir le même sort ? Elle s’élance, trop vite, trop imprudemment. Ou peut-être donne-t-elle réellement tout ce qu’elle peut sans que cela soit suffisant ? Les secours arrivent. Le temps précieux qu’elle a gagné aura suffit à protéger son aimé. Le pourpre, profondément, lui brûle le corps.

« … Mon ange… »

Le rêve s’arracha, le temps explosa en plein vol, les parsecs furent réduits en poussière et, ayant regagné son être, elle poussa le cri le plus perçant, le plus horrifiant de sa vie. Réveillée en sursaut, Seïid, paniquée, commença par jeter un œil à la chambre. Bouteboute, pourtant désactivé alors, revint à sa forme étrange de conscience pour s’enquérir de l’état de sa maîtresse. Les larmes roulaient comme des pierres sur ses joues, elle se tenait le ventre, la brûlure. Elle la sentait encore, en son sein, qui la dévorait, et pourtant, rien. Les appels au calme de la Togruta n’y firent rien. Elle n’eut d’autre choix que d’en appeler à une aide extérieure. Le Maître Campa’Nill, chargé de l’internat, accourut et aussitôt ordonna qu’on portât l’adolescente à l’infirmerie.

Lui tenant la main, Seïid ne la quitta pas une seconde, refusant catégoriquement de regagner sa chambre comme on lui suggéra. Entre deux sanglots, tous ce qu’on put discerner, quoiqu’avec peine, fut : « Elle l’a tué ! Elle l’a tué ! » Les tranquillisants parvinrent à mettre en échec la peine, là où l’affection et les mots avaient échoué.
Luke Kayan
Luke Kayan
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Concentré sur l'échange avec Tavaï, Luke maintenait sa main serrée sur son sabre-laser clos. La nervosité, peu commune chez lui, le poussait à allumer l'arme par anticipation mais il se retint, conscient qu'en bon Jedi, aucun d'eux ne devait attaquer en premier. Pour autant, il croyait hélas peu en la possibilité évoquée par Karm. La folle tenait son ancien apprenti pour perdu et si elle était aussi pratique que ce que le concerné disait, elle ne s’embarrasserait pas d'une discussion. Le Consulaire tapis au fond de son corps avait envie de croire en cette possibilité, lui rappelant ses cours "tous les méchants avaient besoin de parler, de se sentir soutenu, il fallait juste tomber sur la faille du "quand" et "comment". Le ton ceci dit, prit rapidement de la hauteur et Luke se sentit triste pour Karm qui continuait d'appeler l'Amarane Maître. Il n'osait pas imaginer la souffrance que provoquait une telle trahison de la part de son propre mentor. Qu'un apprenti cède au côté sombre était déjà triste en soi, mais il avait pour lui, l'ignorance et l'impulsivité, mais un Jedi formé? Un adulte ayant sous sa responsabilité le bien-être et le futur d'un jeune, c'était inacceptable. En revanche, le Padawan qui résistait envers et contre celui qui l'avait éduqué en ressortait grandi, une des raisons pour laquelle Luke admirait tant son aîné.

- Noctis?... Hein.

Malgré sa concentration, l'explication de l'Amarane concernant Tertullien -pas du tout niée d'ailleurs.- avait réussi à faire sursauter Luke. Il s'employa à ne pas le plaquer contre un mur parce que ce n'était pas une méthode Jedi. Ou parce qu'il ne savait pas où se trouvaient les fichus parois de ce parking. Ou parce que Tertullien l'avait momentanément aidé. Ou parce que le combat imminent entre Tavaï et Karm l'en empêchait. Peu importe, Luke reporta son attention sur les deux protagonistes principaux non sans avoir jeté une onde d'avertissement au voyou. Honnête ou pas, c'était un des toutous de Noctis. Le discernement habituel du Hapien l'aurait mené à considérer que le Sith avait embobiné le garçon, le sortant d'une situation difficile avant de le charmer, comme il l'avait fait avec ce Twi'Lek sur l'île, mais aujourd'hui la révélation n'avait fait que raidir davantage ses muscles. Que Tavaï et Noctis soient mêlés à la même affaire d'une façon ou d'une autre le rendait nerveux, à raison sans doute. Ce fut avec quelques difficultés que le Chevalier admis de laisser Tertullien libre, à ses côtés pour se recentrer sur le duo.

S'il ne voyait pas le combat qui venait de se déclencher devant son regard inutile, le Jedi entendait les lames virevolter, elles allaient si vite que le son qui les accompagnait semblait avoir du mal à suivre. Au vrombissement déjà chaotique des deux lames, s'ajouta celle d'Ekkt. Les encouragements de ce dernier flottèrent encore derrière son immense silhouette quelques secondes jusqu'à ce que le Hapien se jette dans la bataille. L'une des plus difficiles de sa vie. Entre deux assauts bleus, jaunes et violets, l'éclair vert était le moins rapides de tous. Il cherchait à décroiser les lames, à s'interposer pour offrir des pauses aux deux gardiens. Luke marquait le tempo ou du moins le ralentissait autant que possible, et surtout il appuyait ses compagnons d'armes de la Force, les prévenant autant que possible d'une prochaine attaque, quelques mili-fractions de secondes avant. Distribuant son énergie pour offrir une impulsion à Ekkt et surtout à Karm, le Hapien se retrouvait aussi parfois devant Tavaï, véritable tornade mauve, face à laquelle il maintenait une résistance difficile mais vaillante et volontaire, surtout grâce à sa maîtrise de la Force évidemment. Au sabre-laser, hormis parer les coups les plus mortels, le Chevalier devait accepter des sacrifices: un avant-bras brûlé, sa veste civile déchirée, une jambe abîmée. Il était si concentré pour maintenir le niveau qu'il frémit de surprise lorsque Karm le saisit par le poignet. Le danger immédiat les frôla de peu, provoquant un autre beaucoup plus subtil. Désormais séparés, les trois Jedis ne faisaient plus le poids face à la talentueuse maître d'armes.

Luke se concentra sur la chose lourde qui avait failli les fracasser, Karm et lui, si le premier ne l'avait pas poussé à se baisser. Il voulait mouvoir cette chose pour dégager le terrain pour accéder à nouveau au combat, et surtout permettre à la grande carcasse d'Ekkt d'évoluer librement. Une terrible onde au sein de la Force le fit stopper toute tentative, et l'objet qui tremblait dans une tentative douloureuse pour se relever chuta de tout son poids sur le bitume. Le Hapien, choqué par l'information qui venait de traverser ses midichloriens pour transpercer son cerveau resta immobile quelques secondes. Un genre de courant électrique -son instinct- le fit sans prévenir, sauter vers le corps du lézard pour chercher le pouls de ce dernier. Vu le choc, il se doutait que l'homme-reptile avait rejoint leur alliée commune mais sait-on lamais.

Là où il aurait dû rencontrer le menton, Luke ne trouva... Rien. Un cou dénudé, encore brûlant où le sabre l'avait transpercé et rien. Il eut un haut-le-coeur en comprenant que le cadavre n'avait plus de tête mais se retint. Un instant, le jeune homme ferma les yeux pour adresser un court hommage à l'Ombre. Qu'ils s'apprécient ou non, le lézard était un Jedi, il était venu leur apporter son aide, et Luke ne pouvait retenir de lui que sa détermination, son courage et oui, sa sagesse, si brutale soit-elle parfois.

Le meilleur hommage à rendre à un grand combattant comme Ekkt étant de retourner sur la bataille, le Chevalier ralluma son sabre-laser pour se diriger vers l'épicentre du combat. Sans les indications de l'Ombre, il peinait bien plus à se repérer, mais vaillant, le blond continua sa progression. Pas assez vite cependant. Quelques pas seulement le séparaient du corps chaud de l'écailleux lorsque la Force fut traversé par un nouvel éclair. Cette fois-ci, le jeune homme chancela, le souffle complètement coupé, comme s'il avait reçu lui aussi la lame dans son ventre. À quatre pattes, une main portée sur sa poitrine pourtant indemne, le Hapien redressa sa tête. Derrière le rideaux de ses mèches blondes, des larmes glissaient pour s'écraser sur le béton. Pas un mot ne sortait de sa bouche, ni une syllabe, ni un gémissement parce qu'il avait perdu soudainement la capacité à se servir de ses cordes vocales. Le jeune homme se redressa à moitié, abandonnant son sabre sur le sol, et trébuchant, plus à cause de l'horrible faiblesse qui l'avait pris-celle du au choc- que des obstacles il arriva à Karm qui s'était effondré. Ses mains cherchèrent fébrilement le cou ou le poignet encore remplis de sang chaud. Luke n'essaya pas de ravaler ses larmes, ce n'était pas comme si ces dernières risquaient de brouiller sa vision après tout, et ce n'était pas non plus les dernières d'ailleurs. Un brin d'espoir le saisit lorsqu'il crut sentir un pouls faible. Il ferma les yeux une seconde, pressant ses paupières les unes contre les autres puis les rouvrit après un gros soupir. Après cette seconde d'arrêt, il fouilla sa ceinture pour chercher une lotion désinfectante, vidant le contenu dans ses paumes, le Jedi se lava avant d'arracher les habits de Karm en essayant de ne pas trop le bouger. Il trouva la plaie dans le ventre. Cette dernière, cautérisée par le sabre-laser ne saignait pas, mais Luke craignait qu'un ou plusieurs organes ne soient touchés.

Lentement, il prit conscience du bruit des sirènes, tandis que son énergie voyageait de son propre corps à celui de Karm. Elle traversait, funambule précieuse et fragile, ce fameux lien entre les deux amants. Le son des speeders devint plus feutré, sourd, alors que les pouvoirs de Luke, consommés, laissaient désormais son énergie vitale continuer à déferler. Il s'épuisait au-delà de la limite du raisonnable mais qu'importe.

Ne pas s'attacher. Quel principe stupide. C'était la première fois sans doute que le Hapien songeait de manière aussi tranchée, critiquant un des principes de son cher Temple mais qu'importe vu la situation. Il le pensait. En offrant tout ce qu'il pouvait à Karm, il se sentait un peu "meilleur", parce que sa vie ne lui appartenait plus égoïstement. Son amour pour cet homme lui permettait de se détacher de son petits corps, du bien-être de cette enveloppe insignifiante pour voyager au-delà. L'Ark-Ni avait beaucoup trop à offrir à cet Ordre pour partir. Et puis il y avait Thann. Thann avait besoin de son maître.

Luke crut sentir une présence familière sans parvenir à l'identifier, elle était juste... Bienveillante, quoique déchirée, elle aussi. Deux mains agrippèrent le Chevalier, il chercha à se dégager pour rester à côté de Karm, transmettant l'invisible Ambroisie. Confusément, le blond entendit des phrases, par instinct, il remua ses lèvres, légèrement bleuies par le fluide vital qui s'échappait de son être pour rejoindre son chéri à qui dont il tentait (vainement?), une main posée sur son ventre, de refermer la plaie, grâce à son pouvoir de guérison.

- Je crois. Perforation des intestins... Je crois?


Au loin, un gardien de la paix étouffa un cri d'horreur lorsqu'il trouva la tête du lézard qui avait roulé sous un speeder. La main du plus haut gradé du groupe se crispa sur l'épaule de Luke qui ne sentit rien. Un nouvel élément s'ajoutait à la terrible scène de crime que Tertullien avait sagement déserté. Un speeder débarqua en trombe, lâchant deux êtres au passage, lesquels avaient lestement bondit sur le sol avant l'arrêt de la machine. Inutilement, les policiers pointèrent leurs blasters sur les nouveaux venus qui, mains tendues, fendirent le groupe d'hommes en uniforme qui leur obéirent docilement.

Erwana la Rodienne tomba à côté du cadavre encore chaud d'Ekkt. Le protocole ne retenant guère les Ombres, elle éclata de sanglots tandis que l'autre Jedi, avec un air tout aussi endeuillé continuait d'exercer la persuasion sur le policier. Le commissaire résista, esprit vaillant qui finit toutefois par céder face aux dons de l'Ombre, sans doute aidé par le choc de la situation qui avait affaibli l'homme.

- C'est bon - Lança H'Ash en sifflant légèrement. Au signal, une espèce de navette stoppa devant eux. Erwana souleva par télékinésie le corps du défunt maître, tandis qu'H'Ash et une autre Ombre se chargeaient de prendre Karm, empêchant Luke de lui donner toutes ses forces. Ils s'activaient autour du jeune homme, le reliant à des fils et usant de la Force pour chercher à trouver ses plaies puis les minimiser. Presque jeté dans la navette étant donné l'urgence, Luke pris la main de son ami pour essayer de rejoindre son esprit à défaut de pouvoir essayer, lui, de continuer à lui prodiguer des soins.

- Je suis là. Reste ici, avec moi, avec nous. Thann et moi.

Murmura-t-il dans un replis du cerveau de son ami. Le corps avachi contre la banquette, il se laissa aller, muscles dénoués, trop faibles pour lui répondre, comme endormi ou absent, complètement plongé dans l'esprit de l'Ark-Ni. Il ne faisait que ça au détriment de ses ultimes forces: chercher ce qui restait de vie en lui.

***

Le petit contingent de policiers, demeuré en compagnie de trois Ombres nouvellement débarqués déblatéraient calmement. Ils parlaient d'un accident de speeder dramatique ayant causé une mort. Le défunt avait déjà été emporté par l'ambulance et il ne restait plus qu'à limiter la zone, puis à rentrer chez soi. C'était ce qu'expliquait l'une des Ombres. Un témoin, soit-disant, alors que l'autre offrait au commissaire suspicieux, sa carte prouvant son rang de Chevalier Jedi Consulaire. Ici, il n'y avait plus rien à voir, le département de police avait déjà fait son travail.
Absalom Thorn
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Il y avait des stations spatiales, qui flottaient dans l’espace neutre de la Galaxie, et qui avaient quelque chose de mystérieux, précisément parce qu’il ne s’y passait rien. On n’y voyait jamais de contrebandier, on n’y surprenait jamais aucun trafic. Elles entreposaient du minerai vendu par les autres, elles exportaient du minerai acheté par les autres. C’était l’ennui parfait, dans des régions de la Galaxie infestées par les pirates. C’était le notaire au milieu du crime, le bureau de poste en pleine savane.

Il y en avait une d’elle qui flottait dans un secteur désert, avec un seul soleil et une planète inhabitée, une station dont le seul mérite était de fournir une escale sur une route hyperspatiale mineure, dans un détour qu’imposaient, ici et puis là-bas, deux trous noirs. Personne n’aimait y séjourner, personne n’y avait d’objection : on allait là quasi sans y penser, parce que c’était pratique et parce qu’on ne risquait rien.

J’m’ennuie, se plaignit Tertullien, étendu sur le lit, dont le drap ne couvrait qu’un peu sa nudité, et les bras croisés sous la nuque.

Il observait le plafond.

Un homme à la beauté surnaturelle, et même dangereuse, sortit de la salle de bain.

Coruscant te manque ?
Un peu.

Tertullien tourna la tête vers l’autre. Son regard courut sur le corps de l’Hapien, toujours dans le plus simple appareil. Un frisson naquit au creux de ses reins. Son coeur s’accéléra. Tertullien était amoureux.

Il y en avait beaucoup, des comme lui, à être amoureux de cet homme-là, et la Force seule savait ce qu’il leur rendait dans leurs sentiments, dans les abîmes obscures de son âme.

On peut trouver une navette pour que tu y rentres, si tu veux.
C’est vrai ?

Tertullien se redressa sur ses coudes.

Tu viendras avec moi, demanda-t-il encore, plein d’espoir ?

Absalom lui adressa un sourire à la tristesse si sincère, si pure, qu’elle aurait inspiré les poètes. Il s’assit au bord du lit. Pour caresser les cheveux blonds de son amant.

Hélas, je ne peux pas encore tout à fait me présenter là-bas. Bientôt, peut-être.
Quand ?
Bientôt.

Le Boucher de Kano-IV, qui avait le sang de millions sur ses mains, déposa un baiser tendre sur le front du jeune homme de vingt ans.

Oh, fit-il d’un ton dégagé, comme à cause d’une pensée par après-coup, tu crois que tu pourrais me rendre un service, sur place ?
Bien sûr ! Tout ce que tu veux.

Et véritablement, Tertullien aurait fait tout, absolument tout ce que Darth Noctis aurait voulu.

J’ai un ami qui pourrait avoir besoin d’aide. Bientôt. Pour s’orienter dans les bas quartiers. Ce sera peut-être un peu dangereux.
Dangereux comment ?
Dangereux pour lui. Pas pour toi.


***


H’olgan Tavaï excellait dans bien des domaines. Mais pas dans tous. La vie de criminelle était encore nouvelle, pour elle. C’était un métier compliqué qu’on n’apprenait pas en quelques années. Il y avait des subtilités cachées à ces affaires-là. Son esprit était vaste et subtil, mais il arrivait que, quand l’opportunité de se fournir en matériel militaire de première qualité se présentait, il y avait des trésors de prudence qu’elle ne déployait pas, pour savoir d’où venait l’information.

C’était des rumeurs et les rumeurs se répandaient. Tavaï avait confiance en son intermédiaire, et son intermédiaire avait confiance en son propre intermédiaire, et ainsi de suite. L’origine de la rumeur se perdait dans le brouhaha immense qu’était la vie des bas-fonds de Coruscant et Tavaï croyait qu’il en allait toujours ainsi. Pas un instant elle n’aurait cru possible, faute d’avoir été une Sentinelle dans sa vie passée, de remonter le ruisseau jusqu’à sa source.

La source de cette rumeur s’appelait Absalom Thorn, mais elle l’ignorait.
De plus habiles qu’elle s’y seraient aussi laissés tromper.

Il y avait des roquettes à acheter sur le marché noir à Coruscant, des grenades et des carabines, et c’était tout ce qui comptait. Quand elle fut à peu près sûr que le matériel était là, il resta à rassembler les fonds. Le temps pressait. Le fournisseur ne serait là que pour quelques jours. Quelques jours bien précis. Le calendrier était serré.


***


L’étude d’anthropologie consacrée aux Ark-Ni n’était pas exactement un secret d’État. Elle suivait son cours, depuis des mois. On en présentait les premiers résultats dans les congrès scientifiques. Elle soulevait un enthousiasme modéré. C’était somme toute un sujet très périphérique. Même les spécialistes ne se bousculaient pas pour en connaître le fin mot. L’affaire allait son chemin. Le chemin était fait de rendez-vous. On les inscrivait sur le calendrier partagé, sur l’holonet interne. Tel jour, un patient. Tel autre jour, Karm.

Quelqu’un avait piraté l’holonet.
Personne ne s’en était rendu compte.
De toute façon, qu’y avait-il à protéger ?


***


Karm était un piètre prophète. La preuve : il n’était pas mort. Son esprit n’était plus qu’un souffle ténu au sein de la Force. Presque un écho. Tavaï l’avait écouté aussi longtemps que possible, au milieu de sa fuite, se faufilant dans les ombres dont elle était sortie, et puis elle en avait perdu la trace. Pour la première fois depuis des années, le doute germa dans son âme. Son apprenti. Qu’avait-elle fait ?

Le large speeder affrété par les Ombres filaient dans les couloirs aériens de Coruscant, remontant les voies les unes après les autres, jusqu’à s’engager dans celle qui mènerait au Temple Jedi, slalomant entre les autres véhicules. Les guérisseurs avaient été prévenus. Pour Luke, pour Thann, c’était un événement terrible ; pour eux, c’était ordinaire. La guerre avait rendu ces choses-là habituelles. Une blessure au sabre laser faisait désormais partie du quotidien, parce que le quotidien était devenu terrible.

Un brancard anti-gravitationnel les attendait sur la plateforme d’atterrissage d’urgence du Temple. Suspendu dans les airs, évidemment talonné par Luke, Karm était acheminé vers la salle d’opération de l’infirmerie. Les deux Ombres restèrent en arrière. L’urgence de la situation avait pour quelques instants éclipsés pour eux cette vérité immense et douloureuse : Ekkt était mort. Son héroïsme l’avait fait tomber au milieu de l’huile de moteur et de la poussière.

Il y eut de la colère, elle fut étouffée, il y eut de la tristesse, elle se tut aussi. Rien pour le Côté Obscur. Ils se regardèrent l’un l’autre. La sérénité perdurerait. La traque aussi.


***


Tertullien s’était réfugié, tremblant, dans un petit entrepôt dont il avait forcé l’entrée et là, assis par terre, dans un coin, aux aguets, il avait écouté tous les bruits du dehors. Mais personne ne l’avait poursuivi. Absalom avait eu raison. L’affaire avait été dangereuse, mais pas pour lui. Pas une égratignure. Le jeune homme composa le code compliqué qui ouvrait la communication sécurisée avec le Seigneur Sith.

L’hologramme d’un visage à la beauté douce et réconfortante flotta bientôt au-dessus de sa paume.

On a été attaqués par une Amarane.
Et tu vas bien, mon ange ?

Tertullien hocha la tête.

Mais elle a tué le grand, le Trandoshan. Décapité. Ça s’est passé en un clin d’oeil.

Noctis réprima un sourire.
Ainsi, Ekkt était mort.
C’était un résultat inespéré, mais heureux.

Et le Chevalier Torr ?
Grièvement blessé, je crois.

Comme prévu.

C’est regrettable.
J’ai pas pu faire mieux, se défendit instinctivement Tertullien.
Et je ne te reproche rien, mon coeur, répondit Absalom d’une voix pleine de douceur.

Un sourire.
Un sourire qui fit battre encore un peu plus le coeur du jeune homme.

Tu es mon héros, dit le Sith, avec une tendresse parfaite.

Et en même temps son coeur brûlait d’une joie obscure.


***


Luke avait été retenu aux portes de l’infirmerie. On l’avait remercié aimablement de ses premiers secours, mais fermement, et désormais, il était condamné à ignorer le progrès d’une opération, qui dura plusieurs heures. Des guérisseurs, épaulés par des droïdes médicaux, s’étaient penchés pendant tout ce temps sur le cas de Karm, et la Force s’était mêlé à la technologie pour poursuivre le travail entamé par le Consulaire et sauvé le Jedi d’une blessure qui lui aurait peut-être été fatale, sans des moyens aussi extraordinaires.

La nuit était tombée sur Coruscant quand une Maître sortie enfin de l’infirmerie, une Kel Dor dont le masque respiratoire était ouvragé pour porter les symboles du Corps Médical Jedi. C’était un visage qui devait inspirer confiance, parce qu’elle était l’une des meilleures chirurgiennes de l’Ordre. Elle s’assit près de Luke.

Il est vivant, commença-t-il, sans s’embarrasser de préambules. Mais pas conscient. Nous avons pu réparer ses intestins. La lame n’a pas touché sa colonne vertébrale. Mais elle a gravement abîmé une série de muscles et sa physiologie est plus fragile que celle de la plupart des mâles humains.

C’était le cas de presque tous les Ark-Ni.

Son pronostic vital n’est pas engagé. Mais pour ce qui est des séquelles, il est trop tôt pour se prononcer. Nous allons le garder endormi pendant quelques jours encore. Travailler avec la Force, les machines et les médicaments. Chevalier Kayan.

Le ton d’une Kel Dor était difficile à interpréter, à cause d’une masque, mais il paraissait que la Maître faisait preuve d’une certaine précaution.

Votre lien avec le Chevalier Karm est… Profond. Et particulier.

Sur la nature précise de ce lien, elle jugeait que ce n’était pas à elle de se prononcer.

Votre présence à ses côtés serait probablement salutaire. Mais si vous choisissez de rester, vous vous en tiendrez strictement à mes instructions. Aucune tentative de guérison par vous-même. Ne plongez pas dans son esprit. Laissez-nous le soin de sa santé.

Elle avait hésité elle-même avant de lui proposer de tenir le chevet du convalescent, de crainte qu’il fît preuve d’un excès de zèle, mais Luke avait une solide réputation de discipline au sein de l’Ordre, et elle avait jugé finalement qu’elle pourrait se fier à lui.

Il a une Padawane, à ce que nous avons lu sur son dossier. Si vous la connaissez, vous devriez la prévenir. Sinon, je m’en chargerai. Vous pourrez le voir demain.

La Kel Dor posa une main sur l’épaule du jeune Chevalier.

La Force est avec lui.

Et sur ces paroles qui devaient être rassurantes, elle se releva pour regagner son infirmerie.
Luke Kayan
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Les larmes s'étaient taries, laissant place à l'épuisement et à la retenue. Déjà introverti de part son passé et sa propre nature, l'éducation de Luke n'avait fait que renforcer sa réserve. Tout de même inquiet, il peinait à penser clairement ou même à en avoir envie. Tavaï, Noctis, ça le dépassait, c'était beaucoup trop tordu, même pour un Consulaire formé à mener des enquêtes. Surtout en ce moment.

Dans la salle d'attente, il veilla à ne faire aucun bruit, résista à l'envie d'assaillir les infirmières de passage. Son activité dans le domaine faisait de lui un proche -presque- modèle. Hurler sur tout le monde, en plus de ne pas être Jedi, ne ferait qu'enrayer le système, ralentir ces assistantes qui allaient peut-être chercher des médicaments à injecter en urgence au patient, sans oublier les autres malades de la structure, nécessitant eux aussi des soins adéquats, rapidement répartis. C'est donc malgré lui que le Chevalier attendait qu'un médecin choisisse le bon moment pour lui parler. Pendant ce temps, les yeux clos et la tête renversée en arrière, le jeune homme songea à Ekkt. Il lui dédia de longues minutes par pur respect pour le lézard qui avait offert une bonne partie de sa vie à l'Ordre, le remercia et murmura une prière Jedi sensée accompagner le défunt dans les bras de la Force. Sans faux larmoiement puisqu'Ekkt et lui ne s'entendaient pas spécialement bien, le blond lui reconnut ses valeurs: le courage et la détermination, sans parler d'une loyauté à toute épreuve. Ensuite, il pensa à Thann, à cette adolescente déjà si proche de son maître qui aurait besoin de soutien. Sa peine immense ne devait pas l'empêcher d'apporter à la Miraluka tout son appui, parce qu'il était l'adulte et parce que c'était très certainement la volonté de Karm. Luke se promit de veiller sur la padawan pendant la récupération ou le deuil de ce dernier.

Le Chevalier dédia ensuite ses pensées à son ami, lequel était sur le fil de la mort, probablement en train de se battre pour survivre. Comme beaucoup de Jedis, il avait envie de continuer à respirer, fouler cette terre, aider les autres, voir grandir les prochaines générations tout en sachant se résigner à son sort. La vie d'un Jedi se résumait parfois à ça: chercher la mort, la narguer, la provoquer, au nom du bien commun. Très tôt, les apprentis savaient ce que signifiait la Grande Fin, son côté imprévisible, prêt à surgir pour les emporter. Ceux qui ne voulaient pas s'y confronter choisissaient des voies moins dangereuses -bien que les Corps demeurent risqués comparés à d'autres professions civiles.- ou quittaient l'Ordre. Les autres acceptaient de dire au revoir à leur maître, à leurs amis, sans savoir s'ils reviendraient. Karm avait toujours su où était sa place et quel était son devoir. C'était d'ailleurs une des choses qui avait attiré Luke, parce que lui aussi était capable de mourir pour ces principes, pour un civil en danger. Il chercha à s'apaiser de cette façon, songeant que si Karm partait, ça aurait été en accomplissant son devoir, comme Ekkt.

Il dormit un peu sur sa chaise inconfortable, se réveilla parfois en sursaut, ignorant où il était. Tardivement, on s'occupa de ses propres blessures, douloureuses mais loin d'être mortelles. Comparé aux deux autres Jedis, autant dire que Luke s'en était sorti indemne, sans une égratignure. Dans ses instants de tourment, lesquels revenaient le hanter de temps à autre, le Consulaire se sentait coupable de ne pas avoir pu s'interposer, que ce soit pour aider Karm ou sauver Ekkt. Il aurait dû être plus offensif. Peut-être. Avait-il été lâche? Il arrivait à penser que non une seconde, puis croyait qu'en fait si, la suivante. Alors il en revenait à ses pensées sur la résignation, le devoir, leur voie qu'aucun n'avait trahie et retrouvait un brin de sérénité.

Enfin, des pas résonnèrent dans le couloir pour perdre en vitesse et finalement s'arrêter devant lui. Une Maître Jedi à l'aura bienveillante lui expliqua la situation. Savoir que son ami était stable suffisait pour le moment, il soupira, souffla et se concentra- quoiqu'avec difficultés. pour écouter le reste

Malgré son envie d'essayer d'atteindre l'esprit de Karm, le jeune homme répondit vigoureusement- autant que lui permettait son corps harassé- à l'ordre de la chirurgienne. Au nom, puisqu'il versait aussi dans le domaine de la médecine, le Chevalier l'avait reconnue. La Kel'Dor était une des meilleures, et ses propres connaissances ne couvraient même pas la longueur du masque respiratoire de la femme, en comparaison. De ce fait, il n'agirait pas contre le bien-être de Karm en ayant l'arrogance de prétexter savoir ce qui serait mieux pour lui.

Un peu honteux d'avoir été pris en flagrant délit, il baissa la tête lorsque l'experte lui parla de leur lien. Il se sentait, d'un côté, inutile, rejeté au rang de proche hystérique tout juste capable à faire empirer l'état de son ami, de l'autre, heureux qu'on lui laisse au moins la possibilité de veiller dessus. Connaissant les rouages de la procédure, le Hapien savait que l'évocation d'une aide par la simple présence était parfois un moyen de donner un rôle au proche démuni, de le cantonner aussi à ce statut et d'éviter des bêtises. Pour autant, il aimait à croire que Karm n'était effectivement pas trop profondément enfoncé dans les limbes de l'inconscience pour que sa simple proximité, superficiellement physique suffise.

- Je respecterai vos instructions. Merci Maître.

Murmura-t-il d'un ton enroué mais qui avait le mérite d'être ferme et de ne pas trop laisser paraître d'émotions. La main de la Kel Dor sur son épaule le fit légèrement tressaillir mais le contact, au final n'était pas désagréable. À l'instar de ces proches désemparés, il se sentit moins seul, presque honoré d'une telle preuve de confiance de la part de la chirurgienne: on allait laisser le malade sous sa garde. La femme savait très précisement comment faire, manier la psychologie des proches de victime pour leur propre bien et celui de leurs patients. Luke se laissa aller au "jeu" auquel les médecins se prêtaient avec une certaine innocence, souhaitant oublier qu'on ne lui disait probablement pas tout afin de ne pas l'inquiéter davantage. Peut-être même qu'on avait minimisé certains termes, vulgarisé des propos afin de se mettre au niveau de son cerveau en bouillie après ces événements. Ce n'était pas si grave, il avait envie d'y croire.

Lorsqu'enfin, l'accès au lit de Karm lui fut permis, il s'assit à ses côtés et posa ses doigts sur l'épaule de ce dernier -après avoir demandé s'il pouvait le faire.-

- Je ne peux pas faire plus, désolé mais c'est pour ton bien.- À l'abri des regards humains, sous celui de la caméra de surveillance oublier, les doigts de Luke glissèrent dans celle du blessé, et il s'octrôya un baiser sur un coin du visage non câblé.- Je vais avertir Thann, pour qu'elle évite de s'inquiéter davantage, pareil pour le rapport préliminaire, je m'occupe de tout. Mais n'empêche que tu abuses avec ce goût pour le tragique. L'effet va finir par s'affadir et je ne vais plus croire en tes terribles sorties de scène.

Avait-il soufflé puis réprimandé avec un sourire. C'est vrai, Karm avait une de ces tendances à presque mourir sans finalement rejoindre la Force assez particulière. Avec les Soeurs de l'Infinie Consolation, aux prises avec une mystérieuse pierre et maintenant, grièvement blessé par son ancienne maître. Luke aurait d'ailleurs souhaité pénétrer les abords de l'esprit de Karm afin de monter une muraille préventive, contre l'Amarane qui avait peut-être senti que son ex-Padawan vivait toujours. Il se retint encore une fois, prisonnier fidèle de sa fameuse discipline.

Assis sur une chaise à côté du lit, le Chevalier se recueilla auprès de son compagnon pendant un moment. Un peu démuni car interdit de soins ou de "contact" via la Force, le jeune homme se contenta d'être là jusqu'à ce que ses jambes n'en peuvent plus. Il profita d'une "balade" réparatrice obligatoire pour appeler le Temple. Maintenant qu'il y pensait, se pourrait-il que la présence inconnue mais bienveillante lors de leur combat soit celle de la Miraluka? L'adolescente était jeune mais si proche de Karm. Au cas où elle avait senti quelque chose, l'apprentie devait être très inquiète.
Luke Kayan
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- Bonjour, Thann? Ici le Chevalier Luke Kayan. Je viens donner des nouvelles de votre maître.

À sa voix plutôt apaisée, Luke transmettait un peu d'espoir, sauf si elle était le témoin d'une dignité à toute épreuve couplée à un long entraînement destiné à ne pas montrer trop d'émotions. Dans l'ensemble, ceci dit, son ton semblait encourageant et c'était le but, le Hapien voulait éviter que la Padawan ne stresse dans l'immédiat. Il préférait mettre les bonnes nouvelles en avant, et ce dès la prise de contact.

La voix qui répondit ne fut pas celle de la Padawane qu'il avait déjà rencontré. Plus grave, plus chaude, plus ferme, quoiqu'un peu tremblante et blanche pour l'heure :

- Bonsoir, Chevalier Kayan, je m'excuse, ce n'est pas Thann mais Seïid, sa camarade de chambre. Thann est actuellement... Elle hésita un temps sur les termes et se décida à décrire simplement la situation. ... plongée en sommeil artificiel. En pleine nuit, elle s'est mise à crier, à souffrir, persuadée qu'il était arrivée quelque chose au Chevalier Karm... Est-ce vrai ?


Étonné, Luke laissa un bref silence s'installer. Accoutumier de la discipline, il hésita à transmettre une information privée à un "inconnue", même si Karm lui avait brièvement parlé de la camarade de chambre -et accessoirement amie- de son apprentie. Après quelques secondes, il décida de faire une entorse à ses principes dans le but de rassurer les deux adolescentes, surtout Thann à son réveil. Il n'avait pu s'empêcher de sentir une grande tristesse l'envahir en apprenant l'état dans lequel se trouvait la Miraluka. Encore une preuve, s'il en fallait, que l'attachement ne pouvait pas être contrôlé. Belle source de faiblesses et de force, elle dépassait la sagesse prétendue des Jedis. Face aux drames personnels, ils n'étaient rien, que des proches désespérés, plus civils que les civils, prisonniers de leurs plus promptes réactions, souvent radicales, parce que personne ne pouvait les préserver. La Force se chargeait de les appeler pour leur annoncer la mauvaise nouvelle en avance.

- C'est vrai, il a été grièvement blessé, cependant il a été opéré et son état est désormais stable, sa vie n'est plus en danger. - Expliqua le jeune homme en choisissant les informations les plus importantes, celle que Thann devrait absolument entendre en premier.
- Laissez-la se reposer, puis donnez-lui ces informations s'il vous plaît. Je ne sais pas quand le Chevalier Karm sera transféré au Temple, néanmoins, son prognostic vital n'est pas engagé.- Il hésita encore un peu avant de continuer, pour finalement décider d'avouer une partie de la vérité, car après la peur de la mort, surgiraient d'autres inquiétudes certainement.-

- Il a reçu un coup de sabre-laser au ventre, mais la colonne vertébrale n'a pas été touché, ni d'autres parties du corps, du moins gravement. Il devrait donc pouvoir marcher et ne pas souffrir de traumatisme

Même s'il ne pouvait voir le visage de la Togruta, le souffle de soulagement qu'elle laissa échapper fut assez claire sur la tension et les craintes que les déclarations de l'Hapien venait de libérer.

" Je... Bien sûr, maître, je l'avertirai sitôt que les érudits jugeront que nous pouvons la laisser se réveiller. C'était... Très étrange. Tous les scans de son cortex indiquaient une réelle souffrance, de réelles blessures, mais l'examen de son corps n'indiquaient aucune anomalie... Je crois... Je crois qu'elle a finalement ressenti ce que son Maître a vécu. Elle m'avait parlé d'une vision qu'ils avaient partagée. Pensez-vous cela possible ? Sur des milliers de parsecs ? Je veux dire, je sais que le lien entre un maître et son apprenti est profond mais... à ce degré ? Nous avons vraiment craint de la perdre jusqu'à il y a quelques heures. J'imagine que nos chronologies coïncident."


- La Force recèle bien des mystères, aussi merveilleux que préoccupants. J'ai entendu parler de certains cas comme celui-ci... Mon propre maître et mois étions très unis, nous sentions la présence l'un de l'autre à des milliers de parsecs, néanmoins je ne crois pas que notre santé aurait été affectée à cause d'une blessure reçue par l'autre. Pas à ce point. La majorité des apprentis sont très proches de leurs maîtres, impossible de s'en empêcher après des mois, des années de formation, mais certains le sont encore plus, et si l'on combine ça à une relation puissante avec la Force -après tout, Thann est une Miraluka.- je suppose qu'il y a une "chance" d'obtenir ce résultat. Je ne vais pas plus me risquer sur ce terrain, finalement méconnu, juste vous dire qu'effectivement, la chronologie correspond, et que si vous avez failli perdre la Padawan Sîdh, que c'est à ce point, alors oui, nous assistons à un phénomène hors norme.

Un phènomème qui étonnait finalement peu le Chevalier car lorsqu'on parlait de l'Ark-Ni, le mystérieux devenait presque banal, sa propre relation avec lui se rapprochait de cette fusion, mais en parler impliquerait encore de nombreuses heures au comlink ainsi qu'une révélation de la nature de leur lien. De plus, il était encore dans la retenue face à Seïïd qu'il ne connaissait pas.

- Des Jedis ont eu des visions qui se sont révélées vraies, qu'elles soient vécues en parallèle avec le moment où elles se déroulaient ou par anticipation, c'est donc un autre facteur qui aurait pu contribuer à cet événement... Mais essayez de vous reposer, vous avez dû passer une nuit affreuse. Il y aura le temps, plus tard, pour songer à cela. Je ne doute pas du soutien que vous avez apporté à votre camarade de chambre, je vous en remercie d'ailleurs.


- Fit-il doucement, reconnaissant envers sa grande communauté d'être aussi solidaire, prompte à prendre le message de quelqu'un pour le transmettre à la victime, la rassurer, l'entourer. Derrière les énonciations de rangs, le vouvoiement, les noms de famille, il y avait de toute évidence, une grande tendresse dans cette prise de contact. Luke d'ailleurs s'inquiétait vraiment pour Thann.-

- Si l'apprentie du Chevalierr Karm veut me parler, je reste disponible, mais qu'elle se repose surtout, et vous aussi.

Beaucoup de questions, peu de réponse. L'important, le pire avait été écarté. Respectueusement, la Togruta se contenta d'un :

- Bien, maître. Je lui ferai savoir et prendrai soin d'elle. Je vais passer la nuit à ses côtés, à l'infirmerie, les soignants ont accepté de me dresser un lit. Prenez soin de vous également. Que la Force soit avec vous."


Luke raccrocha, un peu déçu de ne pas avoir directement pu parler avec Thann, bien que d'un côté l'amie de celle-ci pourrait temporiser lors des révélations. Il soupira, décidé à ne pas chercher plus loin. La Force ou le hasard en avaient décidé ainsi, soit. Retourné auprès de Karm, le Hapien sortit son datapad et même si sa tête n'y était pas du tout, commença à rédiger le rapport d'une mission dont les conséquences seraient bientôt visibles pour tous. Risquaient-ils des réprimandes? Luke l'ignorait, cependant pour une fois, cela n'avait guère d'importance, parce qu'Ekkt avait perdu la vie, Karm la conscience et lui allait y laisser son sommeil pendant plusieurs longues journées. Il ouvrit un onglet pour demander une recherche sur Absalom Thorn, le referma, le rouvrit avant de le clore une ultime fois. Pour le moment, il n'avait las le courage. C'était encore trop tôt.

[HJ: Fin drunken ]
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