Luke Kayan
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- La nourriture doit pouvoir être conservée au moins 4 semaines, au moins pour les réserves en cas de pénurie et avoir une tolérance minimale à l'humidité. Il est prévu que pendant les premiers mois, les apports à l'Enclave viennent exclusivement du Temple d'Ondéron ou de Coruscant, à voir s'il y a la possibilité d'impliquer une entreprise qui rentrerait dans les critères d'hygiène, de rapidité et de qualité nutritionnelle sans oublier le budget. Les vaisseaux doivent obéir aux réglementations de l'espace neut...

Aidé par un droïd spécialisé en comptabilité prévisionnelle, le jeune Jedi avait établi un début de programme pour une enclave encore non- existente que Karm avait prévu de monter. Le projet n'en était encore qu'à ses prémisses mais le Consulaire était aussi angoissé que pourrait l'être l'instigateur de l'idée, et il voulait poser des bases parfaites. Bien que ce ne soit pas sa spécialisation et qu'il ait déjà du faire appel à des collègues le jeune Chevalier avait, à force de volonté, monté un début de dossier convainquant. Outre les avantages d'un tel projet -ça, ça rentrait effectivement dans ses attributions de diplomate.- les différentes pistes concernant l'acheminement des produits alimentaires et autres réserves avançaient de manière convaincante.

Juste vengeance du temps, c'était un Jedi légèrement débraillé, ébouriffé -contrairement à son habitude- les cheveux encore humides après un rapide shampoing qui débarqua dans le hall d'entrée. Une arrogance amusante l'avait persuadé qu'il connaissait suffisamment bien le chemin pour avancer tête baissée, les mains galopantes sur le papier percé de trous précis. Par chance, avant qu'il ne sombre du côté obscur, le Temple s'était chargé de lui rappeler l'humilité. Ou plutôt les murs étroits d'un couloir, ainsi, une jolie marque rouge rehaussait le ton de ses cheveux clairs.

Tant de choses à préparer, si peu de temps avant de rencontrer celui qui chapeauterait probablement le projet, enfin s'il était officiellement accepté: Karm. C'était assez naturellement que le père de l'idée s'était retrouvé à la tête d'une petite équipe, composée bien évidemment de Luke et peut-être quelques intéressés dont la Padawan du premier, si le blond avait saisi correctement. Eckthor pour sa part n'était toujours pas au courant. Non seulement le Chevalier estimait devoir lui présenter un projet au moins défini de manière correcte par pur respect, mais il prenait aussi soin de ne pas distraire le garçon de ses études. Le jeune homme tenait en effet particulièrement à ce que son apprenti évolue petit à petit, abordant chaque point en son temps, surtout, il est vrai, pour qu'il ne soit pas dépassé lui. Parce que lorsque les choses allaient trop vite, le Consulaire avait évidemment du mal à suivre, or il ne voulait que le meilleur pour son Padawan, doutant encore de ses capacités en tant que professeur à défaut d'avoir tout à fait admis ce rôle. Ce serait donc au bon moment que l'adolescent serait invité à faire partie du projet et sans obligation aucune. Peut-être que l'Ark-Ni souhaiterait d'ailleurs aborder le thème directement avec l'apprenti. Tous deux s'entendaient à merveille, si bien que sans éprouver de jalousie, Luke s'attristait parfois, songeant qu'Eckthor avait perdu l'occasion d'avoir le Maître qui lui aurait vraiment convenu.

Ces regrets fugaces en faveur du futur Gardien ne duraient guère cependant, car la vie défilait à une vitesse folle. Si folle que le Jedi en venait à se souvenir de Kaze, un ancien membre de l'Ordre qui avait trahi ce dernier parce qu'il... S'ennuyait. Les arguments avancés par le blond à cette époque ne faisaient que prendre de l'assurance. Personne ne pouvait prétendre avoir une vie morne au sein de leur communauté pourvu qu'on s'impliquait. Chaque jour passant, Luke remerciait la Force de lui avoir donné cette opportunité après une misérable enfance. Aujourd'hui il avait un poste de Chevalier lambda, respecté au même tire que les autres, écouté -même s'il s'exprimait peu- avec quelques rares amis proches et surtout un Amour qui lui était permis. Un amour qui lui permettait de s'épanouir avec un risque toujours plus lointain de sombrer, parce que Karm était comme lui de ce côté. Toutes ses ambitions -plus élevées que celles du Hapien- visaient au bien de l'Ordr eet Luke était fier de le suivre, d'essayer d'apporter son aide, sans compter une gratitude profonde car son ami ne l'écartait jamais de ses idées, projets, y compris si ce n'était pas spécialité ou que son handicap le ralentissait.

C'était pour toutes ces raisons doublées d'un enthousiasme à l'idée de voir un jour naître une autre enclave que le Chevalier avait passé des nuits encore plus courtes que d'habitude. De fait, Karm et lui s'étaient très peu vus suite à leur entraînement si particulier. Comme prévu, ils avaient laissé s'écouler plusieurs jours pendant lesquels le Consulaire n'avait noté aucun effet secondaire si ce n'était, dans ses rêves, des flash différents, comme des... Couleurs? Surtout du bleu turquoise dans lequel son esprit baignait de longs instants. En fait, même s'il ne saurait donner un nom à cette teinte. L'expérience s'éloignant, ces apparitions diminuaient évidemment, mais Luke se souvenait pouvoir leur donner une connotation de rêve, un rêve agréable, surprenant et apaisant.

En tout cas, plus qu'occupés par leurs propres projets ou celui qu'ils avaient en commun- un des nombreux qu'ils avaient en commun.- les Chevaliers ne s'étaient guère amusés, mais qu'importe, leur relation allait bien au-delà de la présence physique. Calculer, prévoir, étudier pour Karm, c'était -presque. être avec lui.

- Oh Karm. Bonjour! J'ai essayé de structurer un peu l'organisation pour le convoi alimentaire, toutefois il me reste des données inconnues... Le type de nourriture comestible sur place, la facilité pour en trouver, pour les cuisiner.


Forcément, c'était bien pour ça qu'ils allaient présentement rencontrer des Jedis Artisans spécialisés dans la cuisine. Jamais Luke n'aurait soupçonné qu'ils existaient, cachés par les multiples branches rattachés au tronc de l'arbre. Il était plutôt curieux de les rencontrer même s'il appréhendait aussi sa "rencontre" avec des plats aussi diverses qu'atypiques et qu'il lui faudrait éventuellement goûter. Mais cette inquiétude légère était profondément enfouie dans les tissus de son cerveau, inconsciente. C'était donc une onde de pure joie qui s'était infiltré dans l'esprit de Karm pour le saluer en silence, à leur manière.

Le droïde protocolaire avala les feuilles qui lui furent remises et dans un bruit caractéristique, presque exagéré vu la vieillesse du modèle, commença à recracher des lignes frappées par une encre légèrement délavée, transcrivant le braille en bon basic à Karm.
Karm Torr
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Tu es trop téméraire, déclara d’un ton monotone le droïde.
Moi, fit Karm d’un air faussement surpris, allons donc.

Un nouveau grondement de la Wookie fut traduit par le droïde protocolaire.

Je ne plaisante pas. Il faut adapter ton style. Sans ça…

Maître Drrrlamca ne plaisantait jamais, certes. L’Ark-Ni désactiva les shotos qu’il tenait dans chacune de ses mains et inclina la tête respectueusement, soucieux de ménager la sensibilité de la Maître d’Armes spécialiste du Jar’Kai, qui avait accepté de contribuer à sa formation. Le jeune Chevalier avait bien senti que ses progrès individuels atteignaient en quelque sorte en plafond depuis une ou deux semaines et il avait cherché à s’adjoindre l’aide de quelqu’un de plus expérimenté.

Il aurait sans doute préféré une professeure moins sévère mais, quand on avait grandi au sein de l’Ordre, on était habitué à composer avec des tempéraments peu joviaux. Certains Jedis prenaient la sérénité prescrite par le Code avec un enthousiasme quasi tombal.

Je dois aller à mon rendez-vous, Maître, fit l’Ark-Ni en redressant la tête. Je vous promets de faire mieux la prochaine fois. Votre aide est précieuse.

Grondement sur grondement.

Tu as du talent, Chevalier, enchaîna le droïde protocolaire, et de l’expérience. Mais parfois, il faut savoir se défaire de son expérience, pour progresser à nouveau.

Karm hocha la tête et, sur ces bonnes paroles, la séance d’entraînement fut rompue. Un détour par la douche plus tard et le jeune homme arrivait en avance à son rendez-vous — c’est plus facile quand on ne donne pas des coups de tête aux murs —, les muscles un peu endoloris, mais satisfait. Une satisfaction qui ne fit que grandir — en tout bien tout honneur — quand Luke fit son apparition.

Le Gardien esquissa un sourire amusé.

Réveil difficile ?

Manifestement pas, puisqu’un droïde lui tendait des papiers. Karm parcourut rapidement les notes, habitué à passer rapidement en revue de grandes quantités d’information, quand on lui tendait un rapport sur le terrain. Il hocha la tête deux ou trois fois, visiblement satisfait, une satisfaction qui, pour Luke, s’exprima à travers la Force.

T’es parfait, finit par murmurer l’Ark-Ni, avant de relever les yeux vers son compagnon, en tendant les papiers au droïde.

Et passablement sexy, décoiffé de la sorte, mais ce fut un commentaire que Karm s’abstint sagement de faire, dans l’intimité toute relative des couloirs du Temple.

Tu veux bien apporter ça à mon bureau à l’ExploCorps, demanda le jeune homme au droïde ]?

Le robot se contenta d’une série de bips laconiques, alors que Karm entraînait Luke à sa suite, pour gagner le réfectoire. Il comptait bien faire d’une pierre deux coups : progresser dans sa compréhension de l’artisanat jedi, qui le fascinait de plus en plus au fil des mois, et en particulier de la cuisine jedi, qu’il avait découverte au cours de ses études sur la question, et observer le rapport de Luke à la préparation de la nourriture. Les problèmes de son compagnon avec les plats qu’on lui servait tout préparés étaient patents, mais, pour l’heure, Karm avait besoin de plus d’éléments pour bien cerner la question.

Ils longèrent les portes principales du réfectoire, quasi déserts à cette heure-ci, même si des Jedis aux horaires inhabituels y prenaient une collation, pour passer celles de la section du bâtiment réservée au service. Là, il y avait de vastes gardes mangers, un hangar de déchargement pour les fournisseurs, un atelier de réparation pour les droïdes de ménager, tout un monde, en somme, que la plupart des Jedis, d’ordinaire, ignoraient entièrement.

Ils s’arrêtèrent finalement pour frapper à la porte métallique d’un bureau dont la plaque indiquait « Maître Nir Minden ». Une voix assez âgée de l’autre côté leur répondit d’entrer et le panneau métallique coulissa automatiquement dans le mur. Maître Mindon était un Bothan à la fourrure blanche, qui devait avoir au moins soixante-dix ans, et dans le regard, plein d’intelligence et de sagesse, se posait sur tout le monde et sur toute chose avec cette sorte de bonté infinie et douce qui était le propre de certains Maîtres vénérables.

Il se déplaçait toujours appuyé sur une canne, mais on racontait que, dans sa jeunesse, il avait été un duelliste exceptionnel, et Karm était prêt à parier que le Bothan avait encore de beaux restes.

Maître Minden, dit respectueusement l’Ark-Ni. Vous connaissez peut-être déjà le Chevalier Luke.
Bien sûr, bien sûr, dit le Bothan, en contournant son petit bureau pour avancer à pas lents vers l’Hapien. Je connais tous les jeunes Jedis de l’Ordre.

La réciproque n’était pas nécessairement vraie, cela dit.

Le regard perçant de Maître Minden se posa sur Luke et, surtout, on pouvait en sentir l’acuité à travers la Force, alors que le Maître explorait l’aura de son interlocuteur.

Encore une fois, on voudrait vous remercier d’avoir accepté de…
Allons, allons, coupa le Bothan d’une voix enthousiaste, tout en commençant à se diriger vers la sortie, [olor=purple]c’est toujours un plaisir que de partager son savoir avec les jeunes générations. Particulièrement ceux qui font autant parler d’eux.[/color]
On fait parler de nous… ?

Le Bothan eut un petit rire énigmatique, alors que les deux garçons emboîtaient le pas à sa silhouette voûtée. Jugeant qu’ils n’en tireraient rien de plus sur le sujet, Karm enchaîna :

Depuis combien de temps vous êtes un Jedi Artisan ?
Depuis que je suis né, voyons.

Le silence perplexe qui suivit cette déclaration fut accueilli par un nouveau rire du Maître.

Ah, je crois comprendre que vous ne croyez pas à la théorie de la prédestination dans la Force.
Hmm…

Karm réfléchit quelques secondes, alors qu’ils progressaient à un rythme sénatorial dans le couloir.

… pas vraiment, je suppose…
Alors disons qu’officiellement, je le suis depuis que la cinquième année après mes épreuves de Chevalier. J’ai commencé comme Consulaire au sein du corps médical, guérisseur jedi. J’ai beaucoup voyagé à travers la galaxie, à cette époque. Beaucoup parlé aux botanistes du Temple de Coruscant, aussi. Et petit à petit, j’ai compris que j’avais autre chose à apporter, quelque chose qui m’était plus propre, vous comprenez ? Et je suis devenu Artisan Jedi.
Y a toujours eux des cuisiniers jedis ?
Toujours, toujours, je ne sais pas… Mais depuis un moment, oui. Nous sommes peu nombreux, c’est vrai, et parfois, l’intérêt est plus… Comment dire ? Disons que certains sont plus du côté artisanal, et d’autres du côté scientifique.
Scientifique ? C’est-à-dire ? Genre nutrition et tout ça ?
Exactement. L’étude des physiologies, des aliments, ce genre de choses. Tout cela fait nécessairement partie de l’activité. Je ne connais aucun Cuisinier Jedi qui n’ait suivi une formation intensive de guérisseur avant toute chose. Mais il y a d’autres choses qui rentrent en compte.
Luke Kayan
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Face au vieux Bothan, Luke éprouvait encore une certaine satisfaction, en écho au contentement de Karm. Que ce dernier soit son compagnon ne changeait rien quant à sa nature soucieuse, cet aspect de sa personnalité attendrissante ou agaçante d'éternel étudiant. Le Hapien s'inquiétait toujours de plaire à ses professeurs de la même manière que ses collègues, pis encore s'ils lui étaient proches. En réalité, le jeune homme stressait donc davantage s'il devait rendre un dossier à Saï ou au Chevalier Turquoise parce qu'il avait l'impression que ceux-ci le mettaient parfois sur un pied d'estale, alors il devait constamment prouver être à la hauteur. C'était donc plutôt heureux et soulagé que le blond s'était laissé conduire à l'orée d'un endroit où l'on pouvait considérer -pourvu que l'on soit au courant- que son enfer trouvait sa source. Par chance, Maître Minden était si naturel que le Hapien ne ressentit aucune émotion négative, sans doute aidé par le fait de savoir qu'on ne lui demanderait pas de jouer les goûteurs. 

- Parler d'eux ?

En parallèle avec Karm qui avait essayé d'en savoir plus à propos de l'énigmatique phrase du Bothan, le jeune Jedi avait levé la tête d'un coup, cherchant inutilement le regard de leur interlocuteur. Discret pour ne pas dire timide, Luke détestait "faire parler de lui", il pensait d'ailleurs automatiquement au sens négatif du terme, parce que lorsqu'on était Padawan, ce n'était jamais bon signe de savoir qu'on "parlait de soi". En outre, ses pommettes avaient adopté une jolie teinte rosée, signifiant que lui ne connaissait pas du tout Maître Minden. Était-ce un manque de respect envers un aîné? Mais tandis qu'il aurait pu commencer à suffoquer d'inquiétude, le paisible artisan agit si naturellement que l'idée lui passa. Il éluda toute demande implicite ou explicite d'informations complémentaires, s'enrobant d'un mystère somme toute anodin vu le contexte dans lequel ils s'étaient réunis. Il y avait beaucoup à faire pour échaffauder ne serait-ce que le projet d'une enclave dont on n'était pas sûr qu'elle verrait le jour. Chaque détail devait être pensé, s'encastrer avec les autres afin de former un dossier solide à présenter aux Aînés. Luke sentait que Karm mettait beaucoup de son coeur dans l'idée, il voulait l'appuyer autant qu'en prévision de son passage comme Maître au sein de l'Ordre. Lui-même ne ressentait nullement ce besoin d'évolution, trop tranquille et aimant l'ombre de sa propre nuit. Au fond, il y avait naturellement une certaine peur de ne pas se montrer suffisamment doué pour les épreuves, voir après, une fois nominé. Son rang de Chevalier lui accordait un statut, des droits tout en exigeant des devoirs connus sur le bout des ongles et accomplis avec méthode -quoique pas parfaitement à chaque fois, évidemment.-. Il savait où était sa place, quel était son rôle et l'un d'eux consistait à appuyer l'Ark-Ni.

- Je dois admettre que le statut d'Artisan tenait un peu de la légende pour moi... Surtout dans le domaine culinaire. - Avança prudemment Luke, soucieux d'être honnête tout en restant délicat. Lui aussi appréciait le geste du vieux Bothan qui devait être bien occupé malgré son apparence débonnaire. Trouver sa place dans ce dialogue entre les deux intéressés n'était pas des plus faciles pour le jeune Chevalier. Il était, par exemple, incapable de prendre des notes en marchant, surtout pas dans cette zone si peu connue. De surcroît, il n'apporterait aucune idée nouvelle, aucun concept concret, même vague. En bon explorateur de l'extrême, l'Ark-Ni savait cuisiner à peu près n'importe quoi que d'autres n'auraient pas remarqué afin de survivre en milieu hostile. Il maîtrisait donc les données nutritives, les informations alimentaires, savait calculer les besoins nécessaires pour un bon rendement. Mais le Consulaire, lui, en était resté à la base. Les intolérances de patients en infirmerie, quelques plantes médicinales pour apaiser leur douleur et leur impatience, le minimum concernant les protéines, les bienfaits de vitamines afin de pallier aux fragilités de certains, et, enfin, certaines maladies liées à l'incapacité de profiter de nutriments essentiels cachés dans la nourriture. Ses connaissances s'arrêtaient là, parce que le Chevalier était plus habitué à soigner sur le terrain, spécialisé dans des interventions assez urgentes, voir des épidémies -lesquelles pouvaient partir d'une intoxication alimentaire ou un empoisonnement de l'eau.- Bref, il en savait davantage sur les méfaits d'aliments mal manipulés que les apports de ceux-ci.

Le blond tâchait donc d'être discret, de se montrer à l'écoute sans avoir l'air envahissant. Il essayait de se mettre à la place du Bothan visiblement passionné par son travail quant lui ne voyait pas trop l'intérêt de dédier toute une section de l'Ordre à "l'Artisanat Culinaire". Par chance, le Hapien était tolérant de nature, curieux, sans parler de Saï qui avait travaillé à ouvrir son esprit, Karm prenant le relais. Il observait donc un silence poli à défaut de pouvoir offrir un regard attentif. Quand le silence s'installa, le Consulaire s'essaya à une question, il ne voulait pas avoir l'air d'une pauvre andouille qui attend que le rendez-vous passe sans faire mine de s'intéresser. Du reste, il y avait effectivement un point d'interrogation qui le taraudait: si le côté scientifique de l'étude de la nutrition lui paraissait laborieuse mais nécessaire, il ne saisissait pas le concept d'Artisanat. Déjà la "mode" qu'appréciait la Padawan de Karm lui semblait résolument difficile à saisir, alors faire de l'art avec de la nourriture?

- Sur quoi l'Artisanat Culinaire met-il l'accent?

Luke se retint d'ajouter d'un air sceptique "à quoi cela sert-il et en quoi cela va-t-il faire avancer notre dossierp pour le projet de l'enclave?". D'une part, ayant été un apprenti docile, ce n'était pas à 26 ans qu'il allait devenir effronté, de l'autre, il avait pleinement confiance en son Ordre, si parfait, si bien organisé qui devait avoir une raison pour laisser Maître Minden diriger ce... Hum... Programme? Sa question, donc, tout en demeurant honnête -parce qu'il se refusait à mentir et sembler outrageusement enthousiaste.- était douce, polie. En indice, perçait seulement une tonalité mal assurée... Comme l'écho d'une personne qui se sent malgré elle perdue et se demande ce qu'elle peut bien faire là. Aider Karm lui semblait fascinant, mais là, il ne voyait pas du tout à quoi il pourrait être utile. Sa présence semblait encore plus décalée, saugrenue qu'au coeur d'une exploration où il pouvait au moins prélever des échantillons.
Karm Torr
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Ils étaient enfin parvenus à l’une des vastes cuisines de l’Ordre, où s’affairaient, comme il était de coutume, quelques droïdes et une ou deux Auxiliaires. On servait ici à toute heure du jour et de la nuit, et couvrir les besoins de la petite ville qui habitait le Temple exigeait une organisation implacable. Tous trouvèrent cependant le temps d’interrompre leurs tâches respectives pour saluer le vieux Bothan avec un respect qui n’était pas mêlé de crainte et qui prouvait assez combien le vénérable Maître était populaire auprès de celles et ceux qui le secondaient.

La perplexité de Luke était bien palpable dans la dernière question du Hapien et le Bothan eut un rire léger, que son âge rendit rauque. Loin de se formaliser, il reformula à sa manière l’implicite que le Consulaire n’avait pas osé mettre en avant :

Vous voulez : pourquoi diable est-ce qu’on perd son temps à ce genre de choses, hmm ?
Faut avouer que c’est un choix peu commun, intervint Karm, pour voler au secours de son compagnon en déviant un peu de la faute sur lui.
La vie d’un Jedi n’est jamais commune, répliqua le Bothan tranquillement, avant de contourner un plan de travail qui lui était apparemment réservé, un peu plus bas que les autres. Tous les artisanats jedis allient trois aspects fondamentaux : la recherche de l’utile, la recherche du beau et la méditation. L’utile pour les autres, le beau comme valeur absolue et la méditation pour soi.

C’était un discours bien rôdé, mais on avait dû souvent lui poser la question.

Se concentrer sur un travail manuel, c’est faire preuve d’humilité, d’abord, c’est ensuite prendre mieux conscience de son corps, et avoir un rapport plus pur, moins intellectualisé à la Force. Quand on travaille de ses mains, on est plus à l’écoute de tout ce qui nous entoure. Une notion, j’imagine, qui vous est très familière, Karm.
C’est comme la méditation physique dans l’entraînement au combat.
Exactement. Et de la même manière qu’en maniant son sabre, le Jedi médite à la fois sur son corps, sur l’harmonie des mouvements et sur le rôle de la violence et de la guerre dans une Galaxie troublée, sur le sens que revêt une arme, en maniant ses outils et ses matériaux, l’Artisan Jedi médite aussi sur la place que son artisanat occupe dans la vie des sociétés, sur son histoire, sur sa valeur culturelle, sur son rôle économique.

Tout en parlant, il sortait divers ingrédients des placards sous le plan de travail. Karm commençait à soupçonner que la lenteur de ses gestes n’était pas entièrement due à son âge, mais qu’elle était guidée aussi par une volonté d’être conscient de ses mouvements et du temps qui passait. Il avait vu certains Sages Jedis pratiquer une méditation semblable, qui consistaient à marcher dans les jardins du Temple, à pas très, très lents, en se concentrant sur son souffle. Beaucoup assuraient que c’était une manière sûre de se plonger dans la Force.

Tenez, Luke. Songez à un dîner diplomatique. Le repas ne sert pas seulement à nourrir les gens, il est investi de tout un monde significations culturelles, n’est-ce pas ? On choisit les ingrédients en fonction des régions, des planètes et des secteurs agricoles que l’on veut mettre à l’honneur, en fonction des goûts et des pratiques de ses invités, de l’opulence ou au contraire de la modestie que l’on veut représenter.
Oui mais… ‘Fin, si je peux vous interrompre, Maître…

D’un geste de la main, le Bothan invita son élève du jour à poursuivre.

Vous pouvez pas réfléchir tout le temps à ça, si ?
Comme tout entraînement, ce qui est d’abord réfléchi devient ensuite instinctif. Et ce qui est investi par la Force est investi d’une portée nouvelle.

Karm s’imaginait le Maître à une réception diplomatique, sur Coruscant, capable de comprendre, d’un seul coup, en considérant les plats servis, tout ce qu’on avait voulu dire et transmettre, tous les jeux de pouvoir et tous les enjeux économiques que le buffet ou le dîner représentait.

Chaque ingrédient que nous utilisons au Temple est naturel. Il vient de la terre ou de la mer, des airs parfois, il a eu sa vie propre, il a été investi par la Force. Le préparer puis le manger, en étant conscient de cela, ce n’est pas seulement se nourrir par nécessité, c’est participer pleinement à la Force Vivante. Celui qui manque avec le seul souci de son plaisir ou le seul souci de l’utilité, celui-là passe à côté de la Force.
J’suis pas persuadé que beaucoup de Jedis méditent à chaque bouchée, objecta Karm.
Et je ne suis pas persuadé que beaucoup de Jedis méditent en se battant.

L’Ark-Ni laissa échapper un rire à son tour.

Touché.

Maître Ninden tendit un tubercule ou une racine biscornue, encore couverte de terre, à Luke.

Tenez. Concentrez-vous. Sentez la Force qui traverse le légume, sentez la plante qu l’a produit, les jardins, la terre, l’eau, tout ce qui a contribué à le faire vivre. Le vaste réseau auquel il participe.

L’exercice n’était pas complètement atypique : tous les Padawans ou presque, pendant leur stage d’initiation aux méthodes de l’AgriCorps, avaient été confrontés à ce genre d’exploration par la Force de la vie végétale — mais tout était plus simple, évidemment, quand la plante était encore vivante.
Luke Kayan
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Dire que Luke fut reconnaissant envers Karm était un euphémisme. Son ami l'avait en fait littéralement sauvé de l’apoplexie même s'il restait au bord de l'étouffement. La tomate qui avait pris possession des pommettes de Luke mûrit davantage, étalant sans vergogne ses racines jusqu'à ses joues. Leur perspicace interlocuteur avait deviné le doute presque insolent qui se cachait derrière son aimable interrogation. Pour sa décharge, comme l'avait précisé son cher et tendre en volant à son secours, cette voie n'avait rien de commun. Le Hapien mâcha consciencieusement la réponse qui venait de surgir dans sa tête: Si vraie soit la nécessité de bien sélectionner des plats pour un dîner diplomatique, qu'est-ce qu'un Jedi faisait à ces fourneaux? Ce genre de remarque sectaire ressemblait beaucoup trop au style de Ses'Kai: chacun sa place, et seul comptait le visiblement utile. Caché sous l'angoisse que provoquait cette situation- le thème de discussion autant que la cuisine remplie d'odeurs entêtantes, prenantes.- résidait le Consulaire curieux, ouvert et désireux d'apprendre. Luke fit appel à lui en fermant les paupières quelques secondes. Il fit abstraction des effluves presque écoeurantes de nourriture avant de concéder la raison -du moins en partie- au vieil artisan.

- Je ne suis donc pas fou lorsque je trouve réconfortant de poser des gestes pour préparer un sandwich.

Le jeune homme se souvenait précisément du calme qui l'avait envahi lorsque dans la cuisine de Noctis, il avait cherché le couteau, l'avait posé à portée de ses doigts puis entreprit de lentement préparer ce fameux sandwich. Rempli d'aliments secs, simples, il n'avait pas rebuté le Hapien, pas davantage que la cuisine en soi. Aujourd'hui il commençait à se sentir incommodé et refaire un sandwich de ce genre, avec ces mêmes gestes lents accompagnés d'une profonde réflexion ne l'inspirerait pas autant. Était-ce à cause de la situation qui différait? Sans doute parce que dans ces frigidaires, des ingrédients autrement plus forts, envahissants que de modestes tranche de pain. À travers le Bothan trop tranquille, y compris pour un aveugle très patient, la nourriture recouvrait vie. Elle chantait le retour de leur maître, celui qui les tuait puis les ressuscitait sous une autre forme. Cette communion hors norme ne mettait pas Luke très à l'aise. Rien ne semblait capable d'altérer le vieux poilu, pas même la pire des insultes, bien que ce ne serait pas lui qui effectuerait le test à ce point.

Autour d'eux, pareils aux fruits, légumes déracinés, les auxiliaires bouillaient d'une joie contenue en saluant leur guide. L'observation était singulière, d'autant plus que pour le Hapien, elle était évidemment partielle. Un coin du plan de table rentra vicieusement dans ses côtes et le jeune Jedi émit un grognement retenu de douleur. Il posa sa main dessus pour se guider grâce au fil, sans cesse interrompu, toutefois, par un droïd pressé chargé de plats. Il devait alors dégager ses doigts et se pousser. Adieu repères. Cette gigantesque fourmilière où calme et précipitation se mêlaient le déconcertaient. Le vacarme provoqué par des poêles qui s'entrechoquaient n'était qu'apparence, chacun savait où était sa place, courant sans bousculer personne hormis Luke qui ne savait plus où se mettre pour ne pas gêner le passage.

- Le repas a son importance.- Confirma le Chevalier à qui on avait enseigné les bases de l'art de la table couplée au dialogue.- La diplomatie est remplie de protocoles qui se plaisent à compliquer, contaminer le plus pur des discours, le plus fascinant des débats.- Devoir manger par politesse des plats en sauce n'avait rien d'un plaisir pour le Hapien qui, du reste, détestait entendre une discussion passionnante être interrompue par de discourtois bruits de mastication.- Mais ils sont nécessaires, pour une raison que j'ignore et je ne serai pas celui qui prétend qu'on doit s'en passer. Comme tout talent, je suppose que la capacité à dresser une table, apte à faire changer d'avis le plus têtu des politiciens, adoucir les mœurs voire régler un conflit n'est pas donné à n'importe qui. Quant à la beauté, veuillez m'excuser, le concept m'échappe un peu.

- Reconnut-il finalement parce que oui, on lui avait enseigné que le choix d'un dîner pouvait influencer quant au futur de toute une planète. C'était à la fois fascinant et terrifiant. Comme quoi, Maria Kayan avait bien saisi le concept: la nourriture dirigeait les Papilles des Grands et des Petits. Être soumis aux ordres implicites de son estomac. Glaçant.. Cette idée de dépendance poussait d'ailleurs le blond à chercher à s'en défaire, d'où sa satisfaction de résister à l'appel primaire du ventre. Entre reconnaissance de l'importance du travail de Maître Ninden et son refus personnel, la visite devenait difficile, bien que vu de l'extérieur, Luke semble plutôt tranquille, tête légèrement baissée en signe d'humilité. Il laissait entrevoir son scepticisme nuancé d'un respect envers ses aîné, bien ancré dans sa tête.-

- Comme le sabre. Hum.

Fit le blond pour lui-même, songeur. Normal qu'il n'apprécie guère la branche alimentaire, aux vues de sa relation avec celle -de branche- laser. Amusé malgré tout, une légère mimique adoucit ses traits un peu tendus depuis leur entrée dans la cuisine. Sa main droite enserrait, avec la prudence exacerbée d'un étudiant qui ne voulait perdre ni ses affaires, ni une occasion de prendre des notes. La gauche, libre pour peu de temps fut investi par un fruit couvert de terre. Surtout depuis qu'il explorait avec Karm, Luke se moquait bien de cette matière première dégoûtant certains de ses pairs diplomates. La terre, les bestioles qui y nichaient et autres éléments naturels le dérangeaient moins en tout cas que ce fruit biscornu. Toutefois curieux, guidé par un exercice familier, pratiqué dans sa prime jeunesse, il se prêta à l'exercice, délaissant quelques minutes son objectif de remplir les dossiers pour le projet.

- Cet aliment est...

Mort. Mais Ninden le savait. Devant l'évidence, le Chevalier se tut. Sa grande connexion avec la Force alliée à son handicap lui offraient une capacité naturelle à "sentir la vie" chez les êtres pensants, les animaux voir les végétaux, d'autant plus qu'il avait exacerbé ce don grâce aux encouragements de l'Ark-Ni sur le terrain. Mais... Un fruit mort? Croire le Bothan sénile était aussi irrespectueux qu'injuste et facile, Luke prit le temps de "faire connaissance" avec ce qui deviendrait un aliment. La peau glissante, biscornu donc original et unique par définition. Le Jedi se laissa couler dans la Force, cherchant le torrent qui devrait glisser dans la sève. Silence total. Devenu sourd, plus aveugle que lui encore, le fruit ne renvoyait aucune onde, pas même passive. Il essaya, en rajoutant un peu d'imagination, de remonter dans le temps, fouiller l'histoire de ce fruit. Les rayons du soleil, cet astre vital qu'il avait toujours apprécié posèrent rapidement leur douce chaleur sur ses épaules. Ce fut en revanche beaucoup plus difficile de dessiner une journée dans la vie d'un fruit, sans doute parce que sa connaissance des végétaux s'arrêtait à leur valeur médicinale ou l'arrosage attentif du cactus offert par Yath Von.

Au final, Luke était parvenu à effleurer le passé du fruit, et encore la terre encore vivante, elle, l'avait aidée.

- Ce n'est pas si facile, n'est-ce pas? Mais c'est un bon début. À vous Karm. Quelque chose me dit que votre côté explorateur parviendra à bout de l'exercice.

Un sourire bienveillant sur les babines, le vieil homme eut le même geste désespéramment lent pour retirer le fruit de la main de Luke et le remettre au Chevalier Turquoise.

- Pensez-vous à la même chose lorsque vous déjeunez dans une cantine bruissante de vie, de sons et de couleurs et quand vous êtes seul sur la colline d'une lune isolée? Mangez-vous à la même vitesse? Avez-vous envie des mêmes aliments? Y compris quand vous êtes en compagnie d'un ami, proche, par exemple.
Karm Torr
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[justify]Le Bothan observait encore Luke d’un air pensif et son regard pénétrait, aurait-on, jusqu’aux moindres recoins de l’âme du jeune Chevalier. Alors que Karm s’emparait de la carotte de son compagnon — en tout bien tout honneur (pour une fois) —, celui-ci entreprenait de noyer son embarras dans un flot de questions, que le Bothan reçut avec le même air de bonhomie impassible qu’il semblait arborer en toute circonstance.


L’envie n’est pas ce qui guide le Jedi quand il se nourrit. La nourriture répond à des nécessités et la première nécessité est le soutien de la vie du corps. La seconde nécessité est le soutien de la vie de l’esprit. La Voie du Jedi n’est pas de faire répondre le monde à ses désirs, mais ses désirs à ses besoins et celui qui a longuement médité n’a envie que de ce qui est bon.


Le Bothan fit quelques pas de côté pour se poster à côté de Luke et observer Karm.


Mais laissons-le se concentrer.


Les deux mains appuyées sur sa canne, Maître Minden observait Karm intensément. L’Ark-Ni, lui, avait fermé les yeux et, dans le calme tout relatif de la cuisine où régnait une activité bourdonnante, il avait fait le vide dans son esprit pour se concentrer sur cette carotte. C’était un exercice qu’un explorateur répétait mille et mille fois au cours d’une année, avec, sans doute, des objectifs bien différents de ceux d’un cuisinier.


Sur des planètes lointaines, il avait tenu dans sa paume des fruits et des noix, des légumes et des graines, pour tenter d’en percer les secrets. S’ils étaient comestibles ou non, s’ils servaient à des animaux, s’ils étaient domestiques ou sauvages. Il ne cherchait pas une réponse claire et explicite à ses questions, mais plutôt une impression, une intuition soufflée à travers la Force. La technique n’était finalement pas différente de celle des Voyants Jedis, quand ils se concentraient sur une personne ou un objet, pour en pénétrer l’avenir ou le passé.


La Force se concentrait petit à petit autour de Karm, plus insistante, plus calme, plus attentive. La présence de l’Ark-Ni y devenait plus considérable. Maître Minden plissa les yeux. Le jeune homme avait été très actif, ces dernières années, au sein de l’Ordre, et s’il avait d’abord fait parler de lui à cause des affaires compliquées de sa Maître, il s’était fait petit-à-petit sa propre réputation, et le vieux Maître était toujours curieux d’observer de près les étoiles montantes.


Et puis Karm rouvrit les yeux, sans savoir d’abord très précisément ce qu’il avait appris ou, en tout cas, sans être capable de bien le formuler.


Alors, fit le Bothan, avec un zeste d’impatience pour lui fort inhabituel ?
Une petite planète, avec un climat assez froid, mais un sol riche. Beaucoup de fer et de calcium. Une agriculture familiale.
Excellent, excellent !


Karm tendit la carotte à Maître Minden.
(En voilà un légume qui changeait souvent de mains.)


Naturellement, les connaissances influencent les intuitions. La Force sans avoir est vide, mais le savoir sans la Force est égaré.


C’était quand même beaucoup de considérations philosophiques pour une simple racine.


Et naturellement, pour reprendre le fil de vos questions, Luke, la considération que l’on porte à la nourriture et à sa préparation, le temps, la patience, dépendent des circonstances. Mais dans le brouhaha d’une cuisine ou d’un grand réfectoire, n’est-ce pas encore plus important qu’à l’ordinaire que de faire le vide en soi-même pour trouver le calme ? La lenteur n’a-t-elle pas d’autant plus de valeur que l’on se trouve pris dans la tumulte ?
Ça, je veux bien. Mais le truc que je comprends, c’est que vous dites que le Jedi Artisan crée du bon, et là, vous venez de dire que le principe alimentaire d’un Jedi, c’est de manger que ce dont il a besoin. Comment on fait de l’esthétique, si on s’en tient à un strict principe de nécessité ?
N’est-il pas vrai que dans bien des domaines, les œuvres les plus belles sont aussi les plus simples ?
Mais est-ce que c’est aussi pas vrai que des œuvres très complexes et même baroques peuvent être très belles ?
Aucun artiste n’est tenu de tout créer.
Hmm…


En parlant, le Bothan avait sorti un grand couteau et il avait entrepris d’éplucher la carotte avec une habileté de la lame qui en disait long sur les aptitudes réels du Maître aux armes blanches.


Un Artisan Jedi, c’est un artisan comme un Jedi. Il fabrique des choses qui sont dans la même catégorie que celles que fabriquent d’autres artisans dans la Galaxie. Mais ses principes peuvent être différents. Leur différence n’invalide pas les choses des autres. Un bijou jedi est sobre, c’est un apparat discret, une tenue Jedi de même, elle est élégante, mais dépouillée. Cette sobriété ne s’impose pas aux autres. Quand le Jedi porte une robe de bure, il ne dit pas au reste du monde qu’il devrait porter une robe de bure aussi. Ainsi, quand un Jedi mange sobrement, il ne dit pas que les grands chefs de ce monde devrait prôner la même sobriété. Sur la question, il ne nous appartient pas de donner notre avis.


Karm esquissa une moue dubitative. Est-ce que ce n’était pas aussi le rôle des Jedis que de montrer l’exemple par leur conduite personnelle ? Et les exemples n’étaient-ils pas faits précisément pour être imités ?
Luke Kayan
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Comme de coutume ou presque, Karm réussit son "épreuve" avec brio. Il parvint à remonter le fil de l'histoire pour retrouver les origines du légumes alors que le Consulaire avait à peine établi un lien avec les racines, mais il n'était pas jaloux. Seulement fier, une fois de plus, des démonstrations de l'Explorateur si polyvalent. Une onde furtive mais chaude de félicitation à l'attention de l'Ark-Ni souligna son émotion. Silencieux, il écouta les réponses du Bothan, les acceptant sans chercher à alimenter un débat. Certains doutent résidaient encore -certes, un repas de diplomates exigeait une minutieude préparation, entre Jedis, cependant, la carotte crue suffisait. Si tous suivaient le même idéal en tout cas.- mais cette séance ne suffirait pas y répondre entièrement, et, définitivement ce monde lui demeurerait inaccessible. L'élégance... Le Hapien comprenait le concept, puisque l'Ordre enseignait qu'un langage élégant quoique sobre était primordial pour un Consulaire, lui pêchait encore sur le second point, mais il y travaillait, également inspiré par Karm et son phrasé tranchant.

En revanche on lui avait épargné les longues expositions d'art, baroque ou non. Il connaissait de ces mouvements ce qu'il avait machinalement appris dans les livres, sans aucune âme et encore moins d'opinion. C'était donc toujours effacé, mal à l'aise, pas vraiment sûr d'être à sa place que le jeune Jedi profitait du spectacle auditif: la discussion entre Minden et Karm. Afin de ne pas rester aussi inerte que la carotte -laquelle finalement ne l'était pas tant, se promenant gaiement de mains en mains.-, il cherchait à capter les réelles sensations de son ami à l'égard des propos du Bothan. Quel soulagement de constater ce qui s'apparentait à une hésitation Il n'était donc pas seul. Après s'être offert le luxe d'une réflexion profonde et avoir repris courage, le jeune homme répondit au vieil Artisan.

- Malheureusement la lenteur n'est pas toujours un luxe qu'on peut s'offrir ni la meilleure des réponses. J'imagine qu'au sein du tumulte, il faut savoir se laisser porter par le courant, adopter le rythme afin de ne pas être balayer comme un fétu de paille. Ou... De répondre aux besoins d'autrui justement.- Difficile en effet d'imaginer que tous les cuisiniers ferment les yeux et se mettent à réfléchir aux origines du fruits juste avant que des centaines de bouches affamées ne débarquent dans la cantine.- Quand et comment déterminez-vous que ces moments sont opportuns?

Si même pour une personne aussi patiente et aveugle que Luke, les gestes du Bothan semblaient lents, il devait en désespérer plus d'un. Un léger bruit de friction accompagna ses interrogations, même si le Hapien ignorait que le vieil homme avait pelé un légume avec une dextérité surprenante. Et pas n'importe lequel, leur fameuse carotte.

Enfin, ce fut à son tour d'essayer de démêler les paroles un brin mystérieuse de ce dernier, de "voler au secours" de son ami.

- Pardonnez-moi si je saute le chapitre de l'art, comme vous le saisirez, je suis peu à même de prétendre savoir quoique ce soit dans ce domaine. Pour le reste, je suis en partie d'accord avec vous Maître Minde: Il appartient à l'individu, du moins s'il n'appartient pas à une communauté, de choisir ses valeurs et personne ne peut en effet, chercher à l'influencer. Du moins de manière offensante, drastique ou détourné de manière à modifier sa personnalité. Tant que ces valeurs restent dans le cadre de la légalité, chacun doit choisir sa voie, de rester seul ou d'entrer dans une communauté donc. Dès lors, il profite de nombreux avantages tels que la solidarité, l'enseignement, un but dans sa vie, en échange de quoi, il se plie aux avis des plus sages.
- C'était toujours ainsi que Luke avait vu les choses. Dans sa version, Minden était un vétéran, donc apte, presque en devoir de donner son opinion, d'informer ceux qui avaient voulu entrer dans l'Ordre. - Au reste du monde, en effet, le Jedi doit taire ses idées de comment vivre, ressentir et avancer, mais aux siens, s'il est sage, expérimenté, ne se doit-il pas, au contraire, de répandre ses enseignements? D'expliquer, voir... D'ordonner lorsque c'est nécessaire? Dans votre cuisine, j'imagine que pour que ce ne soit pas le chaos, vous devez imposer votre point de vue sur comment faire la meilleure sauce, ou quel ingrédient utiliser?

Luke se tut ensuite, craignant de dériver un peu. À vrai dire il avait un peu l'impression de dériver comme un étudiant que le silence rendait mal à l'aise. -alors qu'il l'appréciait normalement.- et qui cherchait, non pas à se rendre intéressant mais au moins à justifier sa présence, à chercher sa place.

D'un geste imperceptible et complètement involontaire, le Chevalier releva son bras pour déposer le carnet sur la table qui lui avait vicieusement enfoncé ses coins dans les côtes juste avant. Un léger bruit sec signala la présence de l'objet griffonné de trous.

- Vous permettez? - Maître Minden s'en saisit, fit courir ses doigts dessus, lisant de ce fait l'étude un peu trop exhaustive pour être de simples prémisses. Il commenta quelques données à haute voix ''oui''. ''bien mais un peu ompersonnel''. ''peu de place à l'hypothèse, trop rigide mais très précis''. Un sourire habilla ses lèvres et il se tourna vers Karm.- Parlez-moi de votre projet.

Si le Hapien fut étonné que l'homme connaisse le braille, il n'en laissa rien paraître, soulagé que même avant de répondre à ses questions -il le ferait sans doute juste après.- le Bothan s'intéresse enfin au projet du jeune prodige devant lui. Luke n'étant qu'un "assistant", il ne s'en formalisa guère, soutenant Karm d'une onde dans la Force. Pourvu que ce dernier pense à l'éloquence qu'ils avaient travaillé, son langage, la clarté. Mais pourquoi s'en faire? Le Chevalier Turquoise avait fait des progrès considérables.
Karm Torr
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Si un jardin est bien ordonné, déclara le Bothan, alors que Luke l’interrogeait sur l’autorité nécessaire qu’il fallait manifester pour faire fonctionner une cuisine, un un Temple et même tout un ordre, si le sol est banc, si l’on a soigné les plantes, si les animaux sont au rendez-vous, alors le jardinier n’a pas besoin de tuteur ni de sécateur, car l’harmonie fait le reste.

C’était une métaphore comme les Maîtres Jedis les aimaient tant. Parfois, Karm était prêt à parier que, quand on passait un certain âge, au sein de l’Ordre, on recevait un recueil de métaphores tirées de l’agriculture et de l’horticulture, un petit manuel de l’apologue, pour troubler les jeunes esprits par des réponses cryptiques.

Ouais, mais les jardins parfaitement harmonieux, est-ce que c’est pas des natures sauvages impénétrables pour ceux qui voudraient les utiliser ? Si, euh…

Comment filer la métaphore ?

… si on cueille pas la carotte, si on intervient pas, elle pousse, peut-être qu’elle pourrit, elle finit immangeable, pour nous, même si elle aura vécu totalement en harmonie. C’est comme ce que dit Luke, quoi. On peut se laisser porter par le courant, mais si on ne fait que ça, on finit noyer, et parfois, on est bien obligé de briser les vagues.

Pour toute réponse, le Bothan leur adressa l’un de ses sourires énigmatiques qui résonnaient à travers la Force, avant de confier la carotte, qui décidément n’arrêtait pas de changer de mains, à un Karm qui se demanda aussitôt ce qu’il était bien censé en faire.

L’Ark-Ni haussa l’un de ses flegmatiques sourcils en observant Maître Ninden lire du bout des doigts les notes de Luke. Le verdict du vénérable Jedi qui menaçait de tomber le stressa assez pour qu’il s’empara d’une vibrolame de cuisine et entreprenne de trancher la carotte menue, un exercice pour lequel son habilité venait à vrai dire plutôt de sa maîtrise des armes que de ses talents culinaires. Mais c’était peut-être cela qu’on voulait lui enseigner ?

Ben c’est un projet encore très, euh… projet… je veux dire, euh… inabouti…

Pris au dépourvu, le Gardien laissait remonter sa timidité naturelle, celle qui avait été, ces dernières années, peu à peu domestiquée par ses progrès, par les conseils de Luke et ses compliments, par les soutiens qu’il avait reçus au sein de l’Ordre, par la formation qu’on lui avait dispensé, au Temple de Coruscant, avant qu’il ne témoigne devant une commission du Sénat. Mais face à cette nouvelle étape de sa vie et de sa carrière, dont les implications lui semblaient titanesques, Karm avait à nouveau l’impression d’être un gamin perdu devant l’immensité de ce qu’on attendait de lui.

Un petit dé, s’il-vous-plaît, la carotte.
OK.

Quelque chose pour s’occuper les mains, ce n’était pas plus mal.

L’idée c’est que… L’idée c’est que l’Ordre traverse des défis considérables pas vrai ? Le retour des Siths, la modification de sa place dans la République, une sorte de crise des valeurs, ‘fin, vous voyez le tableau, quoi. Beaucoup de choses se posent des questions, mais on a l’impression qu’on a pas le temps pour ça. On est dans la fuite en avant, dans l’urgence permanente et tout ça. On manque d’un espace pour réfléchir à des solutions nouvelles ou réexaminer des solutions anciennes, pour faire des expériences, pour continuer à développer notre Ordre, à le développer d’une manière qui soit pas, comment dire ? Pas strictement déterminé par… Disons des injonctions extérieures.

La vibrolame travaillait à toute vitesse, avec une habilité qui aurait de quoi glacer le sang, en dehors d’une cuisine.

Les Enclaves étaient là pour ça. Historiquement, je veux dire. Pour insuffler de nouvelles choses à l’Ordre. Pour offrir des espaces alternatifs. Pour enrichir notre culture, nos techniques, nos relations, tout ça. Et c’est ça que je veux faire. Ressusciter la tradition des enclaves, reprendre cet élément de notre passé pour développer notre futur.

Une bonne formule, encore à raffiner, qui pourrait faire chic et choc dans un rapport.

Mon idée, c’est… C’est une Enclave éducative, d’abord pour les Padawans qui sont un peu perdus, les gens qui sont marginaux dans l’Ordre, en difficulté. Pour des raisons diverses. Qui fonctionnent mal dans le système en place. Pas forcément à cause du Côté Obscur ou je sais pas quoi. Pour toutes sortes de raison. Sur une planète en développement, ou en tout cas fortement agricole. Une Enclave avec une forte présence des corps auxiliaires, pour les revaloriser, pour pas que les Padawans qui n’arrivent pas ou ne veulent pas devenir chevaliers trouvent que c’est un pis aller de finir dans l’AgriCorps. Et une Enclave qui soit mêlée à la société civile sur place. Avec des travailleurs non-Jedis, peut-être même des habitations mêlées. Quelque chose de moins monastique, et finalement de plus proche de ce dont on fait l’expérience quand on est en mission.

Il y avait toute sorte d’éléments qu’il avait laissés de côté, dans son souci d’être concis, comme la question de la tenue, la prise de décision plus démocratique et ainsi de suite. Mais c’était l’idée en général.

Et dans la même veine que les corps auxiliaires, on voudrait que les traditions les plus minoritaires ou mal connues de l’Ordre, comme l’Artisanat Jedi ou peut-être, je sais pas, la Voyance par exemple, ou la résidence permanente sur une planète, ce genre de choses, soient représentées. Fassent partie du quotidien. Qu’on aille au-delà et en-deçà de la guerre et de tout ce qui gravite autour.

Maître Ninden hocha lentement la tête. La carotte était découpée en tout petits dés.

Et vous, Luke, dit finalement le vieux Bothan, quel est votre rôle à vous dans cette histoire ?
Luke Kayan
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Inconsciemment et dans un mimétisme aussi parfait qu'amusant et ironique, le jeune Jedi haussa le même sourcil que Karm. Un autre de ses anciens réflexes. Toujours est-il que les deux garçons semblaient avoir adopté une attitude un brin défensive, se relayant afin de la maintenir.

- Je ne m'y connais pas beaucoup, mais soigner les plantes, selon ce que m'a dit un ami- Yath, donc.- inclut couper les branches trop fournies qui risque de dilapider l'énergie de l'arbre fruitier ou de la haie. Et encore faut-il enseigner aux futurs jardiniers à le faire. C'est tout un art pour dépouiller l'arbre sans le faire souffrir, le tuer.

Cette taille, avait expliqué le Kel''Dor permettait de mieux répartir la sève dans les fruits qui restaient, lesquels devenaient donc plus gros, plus juteux et aptes à la cuisine. Imaginer des employés zélés si ordonnés et compétents qu'ils ne nécessitaient aucun ordre tenait déjà de l'utopie, alors qu'un jardin raisonnablement soigné le fasse dans le sens souhaité par ce fameux soigneur. Quant aux tuteurs, ne représentaient-ils pas ce que les Jedis disposaient autour des racines de Chevaliers en devenir, afin de justement les guider? Que ce soit par fragilité, curiosité ou rébellion, certains Padawans, la majorité en fait, nécessitaient un tuteur sur lequel s'appuyer pour grandir convenablement, il en était de même pour les petits écoliers, futurs citoyens en devenir. L'autodidacte apte à se redresser seul, aidé par des livres qu'il choisissait grâce à son instinct était l'exception. Nettoyé, aimé, choyé, un jardin avait quand même besoin d'intervention afin de ne pas devenir sauvage, que ses légumes ne pourrissent pas comme le stipulait Karm et que ses plus fragiles représentants ne se tordent ni ne s'éteignent.

- Pour qu'un jardin soit bien ordonné, une cuisine organisée et je suppose, les plats mangeables, il faut néanmoins instaurer des ordres explicatifs, guider les apprentis. Présentement je pourrais bien avoir toute la volonté, la discipline du monde que seul, sans votre aide, je vous préparerais quelque chose d'abominables parce qu'il me manque la connaissance.

Et si les apprentis -cuisiniers, policiers, jardiniers, Jedis.- avaient généralement le droit aux questionnements, à émettre leur avis pourvu que leur supérieur soit raisonnable, certaines notions n'entendaient aucune rébellion. N'importe quel Padawan devait mémoriser une série de textes de lois, que ça leur plaise ou pas. Luke avait été guidé avec amour, patience mais pour son bien, son mentor l'avait subtilement poussé dans la voie du Consulaire, parce que c'était ce qui lui correspondait.

- Sans doute.- Reprit le Bothan, plus intéressé, semblait-il par la dynamique du duo que par la remarque du Jedi. Il dodelina de a tête dans un sens indéchiffrable. Ni oui, ni non. Là s'exprimait les idées, doutes des deux Chevaliers. Des idées que ce vieux têtu expérimenté ne partageait pas, sans pour autant imposer les siennes. Pour lui, un Jardin n'étant pas un Jedi, la métaphore stoppait là. Il était bon pour tout environnement sain, sauvage ou domestique, de faire son propre tri, que les plantes malingres meurent naturellement et que seuls les arbres forts persistent, histoire d'obtenir de beaux fruits. Mère Nature n'était pas cruelle sinon pragmatique. Pour les humains -et proches-humains- il en était autrement, bien sûr. Mais cette frontière Ninden ne l'avait pas encore complètement déterminée, il y était d'ailleurs toujours confronté lorsqu'un jardinier lui ramenait un petit animal blessé et que lui le soignait.- La notion d’interventionnisme est floue. À partir de quand est-il salutaire, à partir de quand est-il invasif? Ne pas récolter les fruits, jeune Chevalier Torr est un gâchis. Laisser mûrir une carotte prometteuse sans lui offrir un regard. -Une lueur passa dans ses yeux, cette fois c'était l'homme au cheveux argentés qui était devenu l'épicentre de sa métaphore. L'explorateur était un élément à qui l'Ordre avait bien fait d'offrir une chance, un tuteur malgré son mauvais départ avec Tavaï.- Mais jusqu'à quel point cette carotte a-t-on le droit de retirer à ce légume, le droit de s'éteindre naturellement, se fondre avec le sol et finalement participer au fonctionnement de l'écosystème. Tout est question d'équilibre, je suppose.

Conclut-il finalement, en accord avec Luke qui ne rajouta pas un mot, trouvant ce statut quo ouvert sur de nombreuses autres questions pour ceux qui souhaitaient y réfléchir satisfaisant. Lui ne le ferait probablement guère, beaucoup trop occupé dans ses projets. Leurs plus précisément étant donné qu'il lui en restait peu de personnels.

- Je vois, je vois. Prendre le temps, cesser de fuir et observer. J'aime ce concept, et finalement... Nous en revenons finalement à l'idée des tuteurs. -Un sourire taquin éclaircit le visage buriné par la vieillesse du mystérieux Artisan.- Votre idée est louable Chevalier Torr, mais pensez-vous avoir réellement avoir les épaules pour soutenir un tel projet? Qu'est-ce qui vous a mené à ce constat? - Le Bothan devait se demander si l'Ark-Ni, victime jadis -plus ou moins directement- de ces difficultés saurait prendre le recul suffisant pour s'occuper de ladite enclave si elle voyait le jour. Il faudrait à ce garçon, intimement et irrémédiablement lié au lieu censé naître, une grande capacité à la prise de distance. -Des Padawans perdus, hum.- Un temps d'arrêt accompagné d'un autre regard entendu ponctua sa phrase, mais cette fois il avait aussi bien regardé Karm que Luke qui appartenait un peu à ce groupe marginal malgré sa bonne éducation auprès de Saï.- Et croyez-vous que ce soit une bonne idée de mêler des jeunes dotés de la Force, égarés comme vous le dites, mal dans leur peau donc prompts au désarroi que leur suggère un avenir selon eux bouchés, avec des civils? - En fait Ninden avait peur que ces initiés formés entre les murs du Temple, dotés de pouvoirs et des civils, issus d'une culture beaucoup plus riches mais aussi remplie de vices ne choquent.- Rappelez-vous, un jardin doit être bien organisé, bien soigné et cela commence avant sa naissance, lorsqu'on songe à sa composition. Votre idée est belle mais encore un peu vague.

Il s'amusait bien, le vieil Artisan, et son regard plus amusé qu'alarmé le disait bien. Si ça se trouve, il émettait des doutes, posait des bâtons sur le chemin de l'Ark-Ni et de son compagnon surtout pour tester leur volonté, même si celle du premier avait sa propre réputation. Le second, remarque, devait aussi en avoir pour continuer d'avancer dans le noir.

- Mais je m'égare, ma spécialité, c'est la cuisine. Donc reprenons...

Il reposa la question à Luke qui, silencieux, semblait avoir profité du petit jeu de questions réponses entre Ninden et Karm pour se dérober, ou du moins, réfléchir à une éventuelle réponse. Lorsqu'un maître l'interrogeait, le Hapien avait souvent le syndrome du Padawan. Il élaborait presque toute une dissertation supposée satisfaire son aîné. Ses propos étaient sincères, mais on lui retrouvait l'attitude d'un gamin en pleine scolarité qui exposait ses idées presque à reculons, craignant de déplaire ou du moins, de trop se faire remarquer. Cette leçon-là n'était pas dans les livres.

- Je l'aide. La logistique, surtout dans le cadre des lois. Il faut concilier celles de la République, celles d'Ondéron qui nous abrite, celles du lieu où l'Enclave pourra être accueillie, sans dénaturer nos propres idéologies, rester en lien avec l'Ordre, respecter ses idéologies.- Ce qui ne serait pas du tout simple vu que Karm, sur certains points, voulait casser avec la tradition. Mêler civils et Jedis, Luke était un peu sceptique. L'idée avait beau lui paraître méritoire, il restait traditionnel, effrayé donc des possibles résultats d'un tel mélange entre des membres de l'ExploCorps ne sachant pas encore valoriser leur envoi dans ces dits Corps et des jeunes de l'extérieur. Sans doute aimait-il aussi, en partie, conserver les secrets de sa communauté. C'était rassurant de vivre dans un monde "fermé" protégeant ses principes depuis des siècles. Les civils ne risquaient-ils pas de corrompre les Padawans, et ces derniers de blesser les jeunes venus d'autres horizons? Des êtres blessés dans leur âme, leur chair, aux idées certainement différentes pouvaient-ils vivre ensemble? Parce que son aîné lui avait déjà démontré surmonter des défis qu'il trouvait impossible, Luk voulait bien faire confiance, sans se départir de ses doutes.

- Un simple assistant alors? -Si Ninden croyait blesser Luke, il se trompait, le blond avait toujours été discret, il aimait l'ombre depuis le temps qu'il la côtoyait, devenant lui-même une sorte d'ombre douce, chaleureuse. Une ombre lumineuse.

- En quelques sortes. C'est d'abord le projet de Karm, mais il me paraît viable, même beau, alors j'ai décidé de participer! Ce ne peut qu'être positif, et je suis sûr que nos aînés sauront nous guider.

Des difficultés, ils en auraient, mais le Hapien savait Karm incorruptible, travailleur, courageux et surtout loyal à son cher Ordre. Il ne ferait pas quoique ce soit qui puisse l'en éloigner, alors où était le mal à tenter? Malgré ses craintes, le Chevalier était prêt, même enthousiaste malgré son attitude plutôt neutre, professionnelle qui laissait penser le contraire pour qui ne le connaissait pas beaucoup.
Karm Torr
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Avait-il les épaules pour mener un tel projet, lui demandait-on.

Oui.

La réponse avait été ferme, immédiate, et sans une once d’hésitation. Il n’était plus le jeune homme dont la Maître venait de trahir l’Ordre et qui s’était lui-même engagé tardivement dans une carrière d’explorateur, sans trop savoir où elle le mènerait. Il avait tant accompli, depuis, des couloirs du Sénat à la Flotte Ark-Ni, et aux quatre coins de la Galaxie. C’était un homme assuré, qui prenait conscience de son charisme et de son tempérament de leader.

C’est une tâche complexe et nouvelle, pour moi comme pour, dans une large mesure, l’Ordre, mais la nouveauté ne m’effraie pas et je serai bien entouré pour m’aider à la conception. Si des obstacles se présentent, nous les surmonterons, et dans tous les cas, nous créerons ça pas à pas, sans se presser. Il n’y a pas d’urgence. On prend le temps de parler à tout le monde, de recueillir les avis, de bien y réfléchir.

La patience était une vertu qu’il partageait avec Luke comme avec bon nombre d’autres Jedis et Karm ne tenait pas à ce que son projet se réalise immédiatement. Le plus tôt serait le mieux, naturellement, parce qu’il était persuadé qu’il profiterait considérablement à l’Ordre, mais il était prêt à attendre encore des années plutôt qu’à risquer un faux départ.

Quant à réunir des ados mal dans leur peau avec des ados de l’extérieur, ma foi, je vois pas où est le problème. À mon avis, c’est prendre le problème à l’envers. Si des gens sont mal dans leur peau au sein de l’Ordre, c’est souvent parce que ce qu’ils trouvent dans les Temples traditionnels ne leur convient pas, qu’ils ont besoin d’autre chose. Moi, tout ce que je propose, c’est d’élargir l’éventail de nos capacités pédagogiques.

Une tâche qui lui semblait d’autant plus nécessaire que la guerre l’avait fatalement réduit, cet éventail : beaucoup de Chevaliers et de Maîtres étaient engagés dans des missions où ils ne pouvaient pas s’encombrer de Padawans, parfois, les classes étaient surchargées au sein du Temple, et certaines zones de la Galaxie étaient évidemment devenues hors d’atteinte. La situation n’était certes pas critique, parce que l’Ordre restait une petite communauté, mais elle méritait qu’on s’en occupe.

Et supposer que le monde extérieur est plein d’une contamination vicieuse, c’est faire preuve de vice soi-même. Les Jedis ne peuvent pas prôner l’humilité et se prétendre perpétuellement d’une moralité supérieure. Moi, ça me paraît pas évident que les gens qui sont là-dehors et qui travaillent, qui construisent des familles, qui défendent leurs valeurs, sont nécessairement moins vertueux que les Jedis. Et s’il y a bien un vice dont je crois qu’il faut que nous nous gardions, c’est de l’orgueil démesuré des gens qui se croient justes.

C’était un réquisitoire plutôt violent contre l’Ordre Jedi, mais qui était également assez courant. Les livres que l’on faisait lire aux Padawans étaient pleins de leçons du même genre et mettaient en garde les futurs Chevaliers contre la tentation suprême qui consistait à se croire au-dessus des autres, précisément parce que l’on vivait humblement. L’ascèse était enivrante, elle était une sorte de drogue supérieure, celle de la justification morale. La clé, comme on l’apprenait dès le Noviciat, c’était l’équilibre.

Mais l’équilibre était aussi bien difficile à trouver. Quel Jedi, en contemplant la corruption et la violence, dans le monde extérieur, ne se jugerait-il pas au-dessus des instincts primaires des gens qu’il était précisément censé protéger et secourir ? Comment ne pas avoir l’impression, quand on vivait toujours simplement, que ceux qui s’amollissaient dans le confort étaient coupables et par conséquent inférieur ?

Et puis… Et puis si on croit si fort à nos valeurs, on devrait vouloir les laisser se répandre, et pas les enfermer. Si les gens aujourd’hui se méfient de plus en plus des Jedis, c’est aussi qu’on est inaccessible. On garde nos vertus, notre savoir et même la Force, on garde tout ça enfermé dans nos Temples, comme si c’était notre trésor à nous, et aux autres, sur la Force, sur nos traditions, on n’abandonne que de vagues légendes qui nourrissent des fantasmes inaccessibles.

L’Ark-Ni était décidément bien passionné et Maître Ninden l’écoutait désormais avec une attention qui n’avait plus rien de malicieuse. Karm était encore jeune, malgré tout, et il était rare d’avoir à son âge une vision aussi systématique et aussi prononcée de l’Ordre et de sa place dans le monde. La plupart des Chevaliers se contentaient de suivre le moment et, quand ils étaient en proie au doute, ils considérait la chose comme un problème purement personnel, qu’il s’agissait de résoudre dans leur for intérieur, non comme l’occasion d’une réflexion politique et institutionnelle de grande envergure.

Bien sûr que tout sera pas parfait. Bien sûr que y aura un gamin qui arrivera toujours pas à s’intégrer. Mais c’est comme ça ici déjà.

Karm revenait précisément d’une mission où il s’était retrouvé face-à-face avec un ancien Padawan qui avait basculé du Côté Obscur.

Notre devoir, c’est de s’assurer qu’on essaie tout pour les sauver.

Machinalement, en parlant, il avait continué à trancher la carotte, parce que désormais, pour lui, une arme blanche, c’était comme une extension naturelle de sa main.

Et donc vous considérez Luke comme votre assistant, intervint Maître Ninden du tac-au-tac, pour prendre l’Ark-Ni au dépourvu et profité de son discours passionné pour obtenir une réponse sincère sans réflexion ?
Non, comme mon comp…

… agnon.

La main de Karm se figea avec le couteau vibrolame et le reste du mot resta perdu dans sa gorge. Un sourire entendu se dessina sur le visage de Maître Ninden, qui enchaîna cependant sans faire le moindre commentaire sur cette révélation qui n’en était peut-être plus une, après ces années que les deux Chevaliers avaient passé constamment fourrés l’un avec l’autre, et le lien qui les unissait dans la Force.

Et vous voudriez donc que ces jeunes puissent s’initier à l’Artisanat Jedi, y compris à la cuisine ?
Oui. Qu’ils aient le même genre de conversations qu’on est en train d’avoir, parfois, mais aussi, au quotidien, qu’ils se sentent responsables de leur subsistance, qu’ils aient une expérience concrète de la vie, qui les rapproche de celles des gens ordinaires, même si la leur aura un sens particulier, plus riche et plus profond, d’une certaine façon. En tout cas différent.

Luke Kayan
Luke Kayan
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L'inquiétude empoisonnait doucement le sang de Luke qui réprimait des frissons fiévreux. Il n'aimait pas que Karm expose ses idées aussi crûment au premier venu. L'Ordre avait beau lui paraître tolérant, humble, merveilleux, les individus le composant étaient parfois, au mieux, récalcitrants, au pire de vraies grenouilles de Bénitier rigides et sans âme. Ninden était un Ancien, un Aîné, supposément de confiance, ce qui ne l'empêchait peut-être pas d'avoir des idées radicales. À son grand Dam, le Hapien avait bien dû admettre, au fil des expériences, que tous ses merveilleux compagnons communautaires n'étaient pas précisément... Merveilleux. Et si lui-même avait fini par s'habituer aux paroles directes de l'Ark-Ni, connaissant sa fidélité envers les Jedis, il craignait que le doux Bothan se hérisse en le prenant pour un ennemi. Il faut dire que ce cher Voyageur n'avait pas encore vraiment exploré les voies de la diplomatie. Pourvu de cette franchise commune à sa race, il exposait, soulignait, plantait des couteaux dans la chaire d'interlocuteurs parfois inaptes à accepter la moindre égratignure. Maître Marja que Karm détestait d'ailleurs cordialement en était un exemple et Luke soupçonnait El'Dor de ne pas être beaucoup plus réceptif, surtout en ce qui concernait leur relation davantage dévoilée, que ce soit par le temps, par la déduction de petits malins ou... Les gaffes du Gardien. Cette fois encore, le blond en appela à sa formation de Consulaire doublée de sa fameuse patience presque à toutes épreuves. Son -trop-expressif, spontané compagnon venait tout de go d'offrir la vérité sur un plateau au cuisinier.

Qu'il soit d'accord ou non sur certains points avec Karm, Luke jugeait que les idées étaient trop abruptement déversées, et il se promis d'avoir cette conversation avec lui, une conversation qui serait sans doute désagréable mais le Hapien voulait que le projet aboutisse. Ninden devait voguer sur les mêmes ondes que le jeune Jedi puisqu'il se contenta de hausser les épaules, avares en commentaires. Le Savoir était le Pouvoir, même dans une communauté qui se targuait d'éviter l'arrogance et tous les calculs qui gravitaient autour. On n'apprenait pas à toute une section de Jedi à négocier, infiltrer ou encore espionner pour rien. Partagé entre la notion de respect qu'il devait à leur Aîné et l'envie d'obtenir des résultats -la pugnacité du diplomate désireux d'obtenir des résultats.- le Chevalier hésita à recadrer la conversation sur les chiffres. Outre l'avis d'un Vétéran, son idéologie assaisonnée de quelques conseils, les deux Jedis avaient besoin de chiffres concrets, ce que son ami semblait décidément oublier. Le blond déglutit, attendant le bon silence pour se présenter, bloc-note devant sa poitrine en guise de bouclier, de justificatif pour encore une fois, adresser la parole au cuisinier.

- Nous vous remercions infiniment pour votre temps et vos conseils, aussi précieux l'un que l'autre, et je m'excuse d'avance parce qu'il est nécessaire d'en abuser encore un peu. Si votre intention serait de soutenir le projet, seriez-vous assez aimable pour étudier ces données? Il y a des recherches visant à évaluer la mesure dans laquelle l'enclave pourrait se sustenter à partir de l'environnement autochtone et dans laquelle il devrait, à l'inverse, importer. J'aimerais que vous me disiez quels produits sont plus aptes à supporter le voyage, lesquels seraient moins propices à développer des bactéries, et constitueraient des nutriments essentiels pour un large éventail d'individus, selon leur âge ou leur race. Les recherches m'ont mené à m'intéresser aux céréales, seulement mes compétences s'arrêtent là où elles frôlent le domaine de l'Artisanat Culinaire, le vôtre donc.

Le Bothan eut un petit tic dont il fut impossible de déterminer si c'était un rictus ou un vrai sourire. Encore une fois, il laissa ses doigts courir sur le calepin de Luke, fouillant les diverses données préliminaires déjà bien nourries. Contrairement à son appétence réduite pour les vraies aliments, le blond était clairement un boulimique de la recherche. Son dossier frôlait l'obésité morbide alors que le projet venait de naître. Bien sûr, tout n'était pas bon, d'autant plus que le jeune Jedi semblait avoir oublié de prendre en compte la présence de certains herbivores aptes à déraciner ces juteuses cultures qu'il prévoyait de faire, ou encore les tendances venteuses du plateau, pour autant, les prémisses, l'organisation étaient prometteurs derrière ces phrases parfaitement ponctuées. Si bien en fait qu'elles manquaient de personnalité, développées dans un langage scientifique et neutre. Ce couple brillait peut-être par leur complémentarité dans certains domaines, mais aussi par leurs différences criantes. Force ou faiblesse? Le temps le dirait.

- Puisque c'est si gentiment demandé et pour une bonne cause, j'ajouterai mon avis sur le dossier Chevalier Kayan.- Argumenta doucement le vieil homme, conscient que son interlocuteur n'avait pas été ménagé, ni par l'endroit -la cuisine donc- ni par la tournure des événements. Raison pour laquelle il acceptait de reprendre ce ton courtois, presque distant de professionnel qui semblait étrangement rassurer le Hapien, là où la majorité réclamait la chaleur de la proximité.- [color=purple] Je soutiendrai votre projet.- Ses yeux s'étaient braqués dans les orbes fluorescentes de l'autre Jedi.- mais cela ne signifie pas que je ne vous mènerai pas la vie dure, et pas uniquement dans le domaine de l'artisanat. Il y a du potentiel mon jeune ami. Mais aussi de possibles erreurs à surveiller. Des erreurs qui ne pardonnent pas.- Son ton et son regard s'étaient durcis, pour autant ils s'adoucirent presque aussitôt. Difficile de savoir à quel jeu jouait le vieux Bothan. Et s'il essayait d'adopter une autorité exagérée pour s'amuser, ou peut-être vraiment pour encourager les deux hommes. Qui sait.- Mais il y a du potentiel. Oui.

Était-il vraiment convaincu par le mélange des gens de l'extérieur, l'expansion des vertus de l'Ordre au-delà des frontières du Temple ou encore sceptique? Luke pencha pour la première option, décidé à conserver un certain optimiste, sinon contraint à une dépression par anticipation. Ils avaient encore tellement d'obstacles pour que l'Enclave ne soit seulement envisagée par le Conseil qu'il valait mieux prendre les conseils de Ninden, plus durs ou plus doux comme de précieux ingrédients. Il n'en fut pas moins soulagé lorsque le Vénérable s'en fut après un salut somme toute informel, presque rieur, exactement comme s'ils se quittaient après une petite conversation sur la pluie et la grêle qui risquaient d'abîmer les récoltes. Sur un merci de toutes évidences soulagé de Luke, l'homme s'en fut avec les données.

- Vous pouvez rester ici autant que vous le désirer, interroger les cuisiniers sur les normes sanitaires, visiter les installations... Oh et profitez-en pour achever votre plat Chevalier Torr, il serait triste de gâcher cette délicieuse carotte, ne croyez-vous pas?


Dans ce chaos organisé familier de la cuisine de Ninden, quelques employés avaient quitté les lieux. Luke n'avait pas trop aimé les interventions prudentes du Bothan, cet espèce de méli mélo de poivre-sel mais il comprit que ce dernier avait souhaité les initier au monde des Réunions
sans fin qui les attendaient. Personne ne leur ferait de cadeau, on les étudierait sous toutes les coutures sans leur donner d'indices sur la bonne marche à suivre.

Maintenant que la majorité des plats étaient mijotés ou bien contrôlés dans leur marmite, la salle s'était bien désengorgée, de quoi offrir un espace réduit mais bel et bien privé aux deux Jedis. le blond en profita instantanément.

- Bon, au moins, nous aurons son avis sur les normes, et avec un peu de chance son approbation. - Une nécessité absolue que le passionné Karm semblait oublier parfois, préférant philosopher et partager ses idées mais Luke ne lui en voulait pas, il était là pour ça après tout.- Mais comme tu l'as vu, il a gardé des informations, ainsi que ses propres sentiments pour lui et il en sera ainsi tout au long de ce parcours. Nous aussi on va devoir filtrer les infos, travailler leur diffusion. Ce qui doit être dit ou pas. Et encore il nous a prodigué des conseils, ce qui en fait une personne très... Communicative dans le domaine. D'ailleurs, il a raison... Ce projet, du moins son esquisse théorique doit être parfait. Aucun détail malencontreux ne sera accepté, d'autant plus que nous aurons affaire aux Autorités de la Planète, pas tous favorables aux Jedis. La construction, la proposition, les préparatifs, tout doit être absolument parfait. Et... Notre comportement aussi. Je veux dire... La droiture et la conviction ne suffisent pas, ni même l'honnêteté. Ils risquent de fouiller dans ta vie personnelle, de prendre au mot tes revendications parfois véhémentes. En résumé pour que ce projet aboutisse, il va falloir retirer les épices de la recette. C'est triste, c'est injuste mais c'est comme ça. Bienvenue dans le Monde de la Diplomatie Monsieur le Consulaire.

Un sourire farda les lèvres du jeune Hapien en guise d'encouragement. Il n'avait pas voulu développer l'avertissement concernant leur vie personnelle, Karm déduirait et déciderait si le projet valait la peine de faire plus attention à l'exposition de leur relation. Qu'ils se séparent au nom de l'Enclave serait l'idéal, mais Luke lui-même se rendait compte qu'il ne supporterait pas d'en arriver là. Serait-il finalement égoïste à ne pas pouvoir conseiller ce point élémentaire à Karm? Peut-être, oui.

- À quoi es-tu prêt pour faire venir les pelleteuses?

Demanda Luke, gentil mais ferme. Si Karm voulait réellement accueillir des Padawans et des Universitaires puis les faire dormir dans la même chambre, il allait devoir renoncer à beaucoup de choses, dont cette fameuse rébellion qui exaspérait autant Luke qu'elle ne le séduisait.
Karm Torr
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Dans le silence tout relatif de la cuisine où frémissaient les casseroles et où l’on s’occupait désormais surtout de nettoyer les plans de travail, en attendant la prochaine vague de préparation, au rythme de ce ballet sans fin qui, à toute heure du jour et de la nuit, pour les espèces diurnes et nocturnes, pourvoyaient aux besoins du vaste Temple, Karm, lui, continuait à préparer une fricassée de légumes aux noix.


Pour s’occuper.
L’entretien avec Maître Ninden, qu’il savait à peu près favorable au projet avant de même de lui en parler, avait été déjà assez éprouvant et il n’osait imaginer le genre de conversations qu’il aurait avec les adversaires déclarés de ce genre d’initiatives.


Était-il préférable d’attendre ?
Devenir Maître d’abord, si c’était possible, et investi de cette autorité-là, dans un rapport moins ancillaire avec le Conseil Jedi, essayer de faire passer cette initiative ?
Mais quel aurait été le sens de diluer dans le temps un projet dont la principale raison d’être était précisément l’urgence de la situation ?


En somme, l’Ark-Ni était abattu, angoissé et découragé, et toute la douceur que Luke mettait à lui faire ses reproches ne suffit pas à les rendre moins difficiles à entendre.


Karm n’eut pas la Force de rendre son sourire à son compagnon et, après un moment de silence, consacré à jeter les légumes dans le poêle, il murmura :


Ça marchera jamais…


Quelle idée aussi, pour quelqu’un qui vivait les sabres lasers à la main, de s’imaginer que quelques progrès ces deux ou trois dernières années suffisaient à faire de lui un véritable meneur d’hommes ;


L’Enclave. Pas le plat. Enfin, pas l’Enclave. L’Enclave, c’est une bonne idée. Si c’est toi qui organises et qui parles aux gens, ça marcherait probablement. Toi, t’es doué pour ça. Tu dis ce qu’il faut. Tu mets pas les pieds dans le plat. Tu sais faire preuve de tact mais tu te fais pas mener en bateau. T’es concret. Moi j’suis nul.


À la déception se mariait la colère, mais c’était contre lui-même que Karm était en colère. Fort heureusement, son tempérament de Jedi comme d’Ark-Ni le prémunissait contre les émotions négatives trop fortes et, très rapidement, le tourbillon qui s’éveillait en lui était dominé dans la Force, calmé, mis en bon ordre. Il en ressortait découragé, certes, mais pas tempétueux.


Non mais sérieux, qu’est-ce que je lui proposais pas d’aller faire la révolution avec moi, pendant que j’y étais. Je fais un bel exemple pour ma Padawane, tiens…


Mais le tempérament de Karm ne le portait pas non plus à la déploration et se morfondre sur son sort n’était pas sa spécialité. Passées ces quelques phrases de mauvaise humeur dont il était la seule victime, l’Ark-Ni laissa échapper un long soupir et en vint aussitôt à des considérations plus pragmatiques.


Il faut revoir la stratégie, t’as raison. T’es beaucoup mieux placé que moi pour présenter ce projet aux gens. Toi, on te fera spontanément confiance. Tu présenteras les choses clairement. À la rigueur, j’écrémerai les rapports que tu feras, pour les rendre compréhensibles par le commun des mortels, et voilà. Moi, je me tairai devant les pontes, ça vaut mieux. À la rigueur, j’irai parler à l’AgriCorps, je les connais bien, mais voilà.


Tout en parlant, le jeune homme remuait pensivement les légumes dans la poêle, tandis que des droïdes d’entretien circulaient dans une chorégraphie bien réglée pour désinfecter les ustensiles de cuisine.


Quant à enquêter sur notre vie privée, sérieusement, je pense qu’il n’y a plus grand-chose à découvrir. Faut pas qu’on se fasse d’illusions, on est ensemble depuis un moment, on est liés à travers la Force, on a beaucoup travaillé ensemble, je doute qu’il y ait aujourd’hui un seul Maître au sein de l’Ordre qui soit pas déjà au courant de notre relation ou qui la devine pas en quelques minutes en nous croisant. C’est tellement fort que y a même des chances que ça soit la première chose que les gens remarquent.


Eussent-ils été des gens normaux que la situation aurait été peut-être fort différente, mais le lien qu’ils avaient développé et nourri dans la Force, s’il contribuait considérablement à leurs pouvoirs et à leur bien-être, les trahissait aussi de façon irrévocable, pour ce qui était de la discrétion.


Mais c’est pas grave. Y a rien à découvrir de plus. On est ensemble. On travaille bien. On travaille même, je pense, beaucoup mieux et beaucoup plus depuis qu’on se connaît. Y a moins une chose dont on peut se targuer, c’est que nos états de service de ces deux dernières années sont irréprochables.


Et même, à plus d’une occasion, tout-à-fait remarquables.
Luke Kayan
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-Mais si.. Il faut juste revoir la str... Voilà.

La tristesse mâtinée de prémisses de colère de l'Ark-Ni s'étaient vite dilué, si rapidement de fait que l'onde apaisante de Luke s’éteignit à peine après voir frôlé l'esprit du Tourmenté. Malgré tout, le découragement demeurait et le Hapien sentit son cœur se serrer. Il était aussi un peu perdu car de coutume, ce n'était pas lui qu'on enviait pour une capacité spécifique, lui le bon petit dernier au sabre-laser. Lui qui mettait les pieds dans le plats -et pas à cause de sa cécité.- décortiquait certaines situations tel un robot, sans savoir ménager autrui.- Il choisit donc de rester naturel, doux mais ferme.

- Cette Enclave, c'est ton projet. C'est à toi de parler. Imaginons que je le fasse, premièrement ils vont se demander ce que cela cache, ensuite, je pense que tu dois faire tout le processus. Pour le projet en soi mais aussi pour toi. Boucler la boucle en somme.


Malgré les bruits indicatifs que des gens circulaient encore dans la cuisine, le jeune homme pris le risque de s'approcher jusqu’à frôler l'épaule de l’affligé. Un affligé éphémère qui retrouva vite sa combativité, encore une des caractéristiques que Luke admirait chez son compagnon.

- Tout ce que nous devons faire, c'est ta manière de faire la révolution.- Sous les doigts du blond, l'épaule de Karm tressauta, sûrement parce qu'il s'occupait des légumes à en croire le bruit de la friture et l'odeur. Il exerça une dernière petite pression avant de relâcher l'os entouré de muscles fins mais efficaces.- Revoir l’assaisonnement si j'ose dire. Moins...épicé.

Certes, l'analogie émise par sa propre bouche était un peu vaine, vu ses connaissances restreintes en matière de sauce ou épices, lui l'amoureux du naturel fade et qui ne requérait qu'une transformation minime. Pour autant, ses mots n'en demeuraient pas moins une piste, un ingrédient pour la réussite. Une réussite dont il doutait à cause de nombreux ingrédients qui pourraient sembler trop exotiques au jury. Leur relation constituait un frein, le Consulaire en était persuadé, certains détracteurs -surtout ceux de Karm, lui se fondait trop dans la masse pour attiser la jalousie de qui que ce soit.- attendaient de pouvoir jeter en pâture ce problème. D'accord ou non, par pure justice, le Conseil devrait prendre en compte ce privilège qu'ils s'étaient octroyé, le comparer avec les chastes, traditionnels dénonciateurs. Restait à voir à quel point ce serait un souci, sachant que se séparer n'était une option ni pour le Chevalier Turquoise, ni pour lui -parce qu'effectivement, leur vie en serait bouleversée et qu'ils travaillaient mieux ensemble.- il faudrait démontrer, encore et encore les bénéfices de leur lien. Le jeune homme se promit de se pencher sur la question, seul, lorsqu'il serait en phase méditative. À l'époque, révéler sa relation avait été à son avantage puisqu'après lui avoir donné un avertissement le Conseil l'avait adoubé, mais cette fois, ce serait peut-être différent. Face à des Pontes qui pouvaient mettre en avant le risque d'hormones en folie d'adolescents, jouer la discrétion, voir le sur "platonisme" de leur amour pourrait être plus arrangeant. De toutes manières, ce n'était pas non plus comme s'ils s'adonnaient sans cesse à des ébats effrénés, ou qu'on pouvait les incriminer de dévergondage dans les couloirs du Temple. L'insistance du blond sur la discrétion et la retenue de l'Ark-Ni les protégeaient au moins de ce type d'accusations que rien ne pardonnerait.

- Nous verrons.- Souffla-t-il, discrète concession. Ils ne pouvaient pas aborder tous les problèmes aujourd'hui. Celui-là attendrait. Celui des échecs en revanche...

- Makem Te.

Prononça doucement le Consulaire, plus pour lui-même que Karm, bien que ce dernier pouvait parfaitement l'entendre. Comme tous deux ne se cachaient ni leurs réussites ni leurs échecs, le Hapien lui avait révélé la catastrophe, le fiasco de Makem Te où une apprentie Sith était parvenue à lui faire croire en sa rédemption pour mieux le tromper. La naïveté de Luke avait mis une bonne partie de la population déjà traumatisée en danger. Cette sale gosse de 20 ans à peine avait du obtenir une belle promotion. Certes, suite à la catastrophe, le Hapien avait essuyé des défaites moins nombreuses et moins cuisantes, cependant, les plus belles victoires ne parviendraient pas à effacer son erreur, il avait bien peur que le Conseil non plus ne puisse pas faire l'impasse. Heureusement, ce ne serait pas lui qui devrait gérer les enfants, du moins pas sur le papier. Lui s'occupait de l'administratif, de l'obtention des permis en tout genre et la négociation. Un domaine où malgré sa modestie exacerbée il en viendrait presque à reconnaître son talent. Pas un des dossiers jusque là clos par ses soins n'avait échoué. Dussent-ils traîner des années, ils avaient toujours fini par être validés. Certes, des projets de telle envergure ne lui avaient jamais été confié jusque là, néanmoins, le jeune homme savait comment s'y prendre. Il avait déjà dessiné la majorité du plan dans sa tête et une petite partie sur papier. Les engagements, les normes à respecter, le fonctionnement général des liasses que beaucoup abhorraient, il les connaissaient, les appréciaient à leur juste valeur. En se disant qu'il pouvait assurer de ce côté Luke relâcha l'étreinte que son esprit maintenait sur son être tout entier. Ses épaules descendirent doucement, il émit un léger soupir. Comme le reste, les autres missions et les problèmes personnels, Karm et lui régleraient tout au fur et à mesure.

- Mais je reste sur mes positions, ce n'est pas impossible. Je ne dis pas que c'est gagné, mais il ne me semble pas que Maître Minden ait envoyé des signaux trop inquiétants. De fait, j'ai senti de l'approbation dans certains de ses propos.- Ceux prononcés ouvertement bien sûr, mais également ceux qui ne l'avaient pas été, les plus précieux au fond. Les non-dits, avait-il appris, étaient les garanties les plus sûres de sincérité, parce qu'ils n'étaient pas entièrement maîtrisées par l'émetteur, y compris les manipulateurs particulièrement fourbes.- Et il va regarder les propositions pour l'import d'aliments ainsi que la viabilité d'un certain pourcentage d'autonomie de l'Enclave en la matière. C'est un gros morceau à faire valider.


Obtenir l'accord pour les bases était extrêmement important. Sans Maître Minden, l'aventure n'aurait même pas de quoi se développer. Avec son avis favorable ou non qui arriverait sous peu, les deux Jedis auraient au moins le temps de réviser le dossier, le consolider avant l'épreuve finale.

- Il va falloir aussi essayer de faire de la "publicité" auprès de Chevaliers et de Maîtres qui n'aient aucune spécialité concrète. C'est toujours bon d'obtenir un soutien de la part de ses pairs. Quant aux Padawans, surtout ceux de l'AgriCorps, ça me semble être un plus non négligeable.

Ils rendraient ainsi le projet plus humain, plus réel, défiant le Conseil de briser l'espoir de certains jeunes destinés à tirer un trait sur leur carrière de Jedi. Serait-ce du chantage? Si peu...

- Sinon, quand tu auras fini de jouer les chefs, on pourrait rentrer aussi. On a quand même des dossiers à remplir, je te rappelle.

Le taquina gentiment Luke, tout de même hâtif de sortir de la cuisine, des bruits d'ustensiles qui étourdissaient son ouïe légèrement affinée, sans oublier l'odeur forte des plats qui se mélangeaient, sans compter qu'au fond, il ne voulait plus revoir Minden. Trop d'émotions pour aujourd'hui! L'aveugle aspirait à échapper au regard d'autrui.
Karm Torr
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Oui… Oui, j’imagine que tu as raison, finit par murmurer l’Ark-Ni, quand son compagnon lui assura de la nécessité d’être encore pour la suite le chef de file de son projet.

C’était encore du travail en perspective, dans un domaine qui ne l’enchantait guère : lisser son image, apprendre à mieux parler, naviguer les intrigues inextricables qui, il en avait de plus en plus conscience, régissait la vie de l’Ordre Jedi. Parfois, il se prenait à penser au Conseil Jedi comme à un autre Sénat de la République, en plus petit, mais avec les mêmes travers. Des Maîtres qui tiraient leur pouvoir de l’autorité qu’ils avaient sur certains chevaliers dont ils partageaient les idées, des jeux d’influence, des complications absurdes.

Le jeune homme laissa échapper un soupir, avant de pousser le contenu de sa poêle dans une assiette et de ranger le matériel dans le lave-vaisselle automatique. L’idée de proposer le plat à Luke lui traversa un instant l’esprit, mais c’était probablement peine perdue, alors il se mit à manger en silence, tandis que l’Hapien poursuivait ses tentatives d’encouragement.

Oui, on y va, conclut-il, après avoir avalé son repas et rangé ses affaires.

Dans les couloirs du Temple, Karm resta plongé dans ses pensées. Les mesures à prendre, pour une fois, ne lui apparaissaient pas clairement. Faire la révolution mais autrement, ça consistait en quoi, exactement ? Ne devrait-il pas se cantonner au domaine qu’il maîtrisait, à savoir les armes, finir son traité d’arts martiaux, devenir un Maître d’Armes de l’Ordre et former les générations futures. C’était, après tout, de son point de vue, aussi une œuvre utile.

Ils gagnèrent la chambre du Gardien et s’installèrent aussitôt au bureau. Voilà bien longtemps que celui-ci comptait deux chaises, une pour Luke, une pour lui.

J’vais établir une liste des gens qui sont susceptibles de sympathiser avec notre projet, voire de s’y engager activement, déclara Karm, dont le naturel relativement sociable s’offrait à ce genre d’exercices.

En réalité, l’Ark-Ni avait plus d’atouts politiques qu’il ne voulait bien le croire.

Les deux hommes s’engagèrent dans de longues heures studieuses, mettant à profit les capacités de concentration exceptionnelles que tout Jedi apprend à cultiver dès son plus jeune âge. Le travail, que Karm aurait cru fastidieux, s’était avéré salvateur. À mesure qu’il dressait la liste des Maîtres, des Chevaliers, des Padawans et des Auxiliaires qui partageaient au moins une partie de ses opinions ou, à défaut, seraient favorables à la constitution d’une Enclave, il se sentait toujours moins isolé et mieux intégré à son Ordre.

Des dizaines de rapports commencèrent à s’empiler dans son datapad, écrits par des Jedis qu’il connaissait moins bien, et dont il restait à cerner les opinions, à travers leur travail, d’abord, avant d’engager plus tard la conversation, éventuellement.

Après quatre bonnes heures, l’Ark-Ni s’étira de tout son long.

Faut que j’aille m’entraîner, dit-il. Non. Faut qu’on aille s’entraîner. Allez, hop. Va te changer, on se retrouve dans la salle 3.

Karm prenait très au sérieux la formation de Luke au sabre. Il avait promis de l’aider à progresser et, pas un instant, depuis, il n’avait failli à son devoir en la matière, ni ne s’était montré découragé par les progrès de son ami. Une demi-heure plus tard, Luke put donc retrouver dans la salle 3 un Karm occupé à programmer deux robots d’entraînement, de ces drones volants qui tiraient des rayons laser inoffensifs et que les Jedis utilisaient pour perfectionner leur technique contre les tirs de blaster.

Je te passe au niveau supérieur, déclara l’Ark-Ni. Souviens toi ce qu’on a dit. Avant la technique, il y a la Force et la Force, ça, tu gères. Fais toi confiance, fais lui confiance, et ce sera bon.

À condition, bien entendu, de s’entraîner pendant des centaines et des centaines d’heures.

Karm, lui-même, dégaina les deux shotos à lame verte qu’il avait forgés, des mois plus tôt, et qui servaient désormais quasi quotidiennement à ses entraînements au combat à deux lames. Les progrès étaient encourageants, mais c’était un travail de longue haleine : il devait dépasser les préjugés que sa Maître lui avait transmis, elle qui tenait ce style pour une sorte d’hérésie.

Son drone s’éleva dans les airs, avant de multiplier les assauts, à un rythme beaucoup plus soutenu que celui de Luke, évidemment. Les lames vertes ne tardèrent pas à virevolter dans un tourbillon de lumière, même si certains tirs lasers perçaient ce bouclier pour heurter l’Ark-Ni et le brûler, fût-ce très légèrement.
Luke Kayan
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- Je vais te copier et rédiger une liste de personnes extérieures aptes à soutenir le projet.

Luke inscrivit le nom de son sénateur de père, avant de renoncer, puis de le remettre mais en bas. Jouer de ses contacts privés lui faisait horreur car il avait l'impression d'être profiteur voire corrompu. Ce frénétique besoin de tout gagner au mérite couplé à une honnêteté en Cortose avait beaucoup ralenti sa carrière de diplomates. Il n'avait ainsi, pas assez entretenu certaines relations, même si la Force semblait veiller à mettre sur son chemin, quelques providentielles rencontres comme celle de Virgile-Auguste, souverain d'Ossus qui semblait l'apprécier. Bref, il avait donc dû se faire violence pour imaginer recourir à son père, mais étant donné les enjeux, autant mettre toutes les cartes de leur côté. Le sénateur était réputé pour son intégrité et sa bienveillance envers les siens, ce serait un vote propre à présenter au jury. Évidemment, l'idée de placer Jason sur la liste ne lui effleura même pas l'esprit. Dommage quand même, car le soutien d'une planète si facilement réfractaire à tout et n'importe quoi aurait eu de la valeur.

- Même si ces personnes ne sont pas directement, voir aucunement concernées par le projet. Ni elles, ni leur planète ou ville, ça reste un appui intéressant qui peut renforcer notre crédibilité. Plus tard, je chercherai aussi des noms d'experts en-dehors du Temple: Architectes, experts en préservation de l'environnement, médecins, et ingénieurs pour confirmer la possibilité de construire l'Enclave sans engager l'équilibre naturel de la planète ou celui des plus proches habitants.


Dans un esprit quelque peu démagogique, le Gouvernement avait tendance à se servir très largement du bien-être de la population, raison pour laquelle le Hapien voulait éviter toute possibilité de confrontation à ce sujet. Même si l'Enclave serait isolée, il voulait des tests de sonorité, vérifier le niveau de la pollution et favoriser une installation écologique au possible. Ce serait plus cher mais ça correspondrait bien aux critères que la société avait d'une communauté tournée vers l'éducation et la formation de futurs citoyens respectueux. Il faudrait donc engager d'excellents sociologues et rogner sur le budget décoratif. Peu importe ceci dit, vu que le jeune homme comptait proposer à Karm de favoriser une architecture solide mais moderne, histoire de continuer sur l'image modeste que se donnait les Jedis. Des installations luxueuses constitueraient leur perte, sachant que le Temple était déjà critiqué pour sa beauté, la richesse de ses sculptures et des matériaux qui le composaient.

- Ensuite nous verrons pour les professeurs, car je pense qu'il serait bien de fournir un programme scolaire proche de celui validé par le ministères, sachant que nous aurons des jeunes destinés à travailler dans le civil, une fois adultes.- Mais ça, en effet, ils le verraient plus tard, comme un certain nombre de choses qui auraient pu donner le tournis à beaucoup de monde, y compris Luke, s'il avait été seul.

Tandis que Karm s'étirait comme un chat, Luke rangeait les affaires, balayant méthodiquement le bureau pour capturer datapad, feuilles et crayons. Il aimait la sensation du papier traditionnel percé par une fine pointe en métal qui se promenait toujours dans une de ses poches en guise de crayon. C'était un son beaucoup plus feutré que celui de la voix vaguement humaine qui résonnait dans les écouteurs. Il appréciait de passer ses doigts sur les rangées de données inscrites sous forme trous et de reliefs, se relire, le dos bien droit et le regard au-devant d'un horizon souvent réduit aux 4 murs d'une petite chambre silencieuse. Après un instant de calme, immobile, passé à réfléchir, il alignait de nouvelles suggestions puis recommençait. Le papier exigeait, surtout dans son cas- difficile de gommer des trous.- de ne pas commettre d'erreur, sous peine de devoir reprendre depuis le début. C'était fastidieux mais cela motivait l'esprit à ne pas se précipiter, engageant la personne à penser, reformuler ses hypothèses avant de mutiler son papier.

Cette sereine étude aux côtés d'un Karm beaucoup plus concentré que certaines mauvaises langues le croiraient plaisait à Luke. Il se sentait en sécurité dans la chambre modeste, bien rangée de l'Ark-Ni où il savait d'ailleurs que sa propre chaise l'attendait sagement. Les deux Jedis alternaient entre longues discussions et silences acharnés, propres à la concentration. Ainsi malgré une certaine fatigue qui commençait à lier veines et muscles en un douloureux amas, le jeune homme ne se sentait pas spécialement soulagé de terminer. De fait, il aurait continué jusqu'à affiner la liste, vider la pile de dossiers des "peut-être" et classer ces cas douteux dans celle des "oui" ou des "non". Il fut néanmoins soulagé, en promenant brièvement ses doigts sur la bordure de la colonne de paperasse, de constater qu'ils avaient plus de potentiels appuis qu'il ne l'aurait songé de prime abord. Cette Enclave naîtrait peut-être en fin de compte, et plus tôt que prévu.

Le blond ne rechigna pas lorsque Karm corrigea sa phrase, s'entraîner ferait du bien à ses muscles endormis, d'autant plus qu'il s'était assez amélioré au sabre-laser pour ne plus en concevoir une terrible peur. Il était au plus haut niveau du pallier qu'il travaillait depuis un certain temps, à l'aise donc pour exécuter ces Katas, gestes et enchaînements désormais connus par coeur. Évidemment son méticuleux professeur avait fini par s'en rendre compte puisqu'il décida de passer au niveau supérieur. S'il en concevait l'importance en son âme et conscience, son cerveau était loin de montrer un enthousiasme spontané à la hauteur de la nouvelle. Malgré ses progrès, le jeune homme continuait d'appréhender le maniement de l'épée de lumière, et plus profondément peut-être, craignait-il toute nouveauté. Ceci dit, il se tu, sachant que l'Ark-Ni connaissait ses capacités et que s'il estimait qu'il était temps d'arrêter de patauger confortablement dans la mare tel un Gungan satisfait, c'est qu'il était effectivement temps.

Malgré lui, le Hapien accorda une brève pensée à Ses'Kaï Mora, cet homme qui trouvait anormal de renforcer ses faiblesses. Au fond, cela l'encourageait et le motivait de savoir que petit à petit, il se riait des propos du Pédant Gardien. Certes, pas bien vite, mais tout de même. Comme quoi, même Luke Kayan avait son petit orgueil masculin.

Il tiqua. Des drones? Il n'aimait pas cet exercice, surtout lorsque Karm et lui l’exécutaient séparément, parce que le bruit des sondes ne s'accordait pas et qu'il lui arrivait de confondre le mouvement de celle de son ami avec la sienne. Pareillement avec les deux lames de l'Explorateur auxquelles il ne s'était pas encore totalement habitué. Parfois brandies de manière indépendante, elles le confondaient, sans oublier le son de sa propre lame, une véritable cacophonie qui obligeait en effet le Jedi à s'appuyer davantage sur la Force. Heureusement, comme le suggérait Karm, Luke "gérait".

- Ça c'est de la vengeance. Pure et simple.

Indiqua-t-il sur un ton faussement froissé, cherchant à piquer son compagnon qui venait, précisément de monter le niveau après de longues heures penchés sur la paperasse.

Finalement vint le moment de se concentrer, plus facile à dire qu'à faire au vu des bruits violents des lames de Karm. Ce dernier avait beau être doué, Luke ne faisait pas totalement confiance à ces shotos. Quelle idée de vouloir surveiller deux de ces lames aussi salvatrices que dangereuses et traîtresses? Un mauvais geste et il faudrait ramasser l'ambitieux guerrier à la petite cuillère. Par chance, la modestie empêchait son ami de sauter des étapes, il se montrait prudent -jamais assez au goût du blond.- et organisé dans son apprentissage même si Luke craignait que tous deux aient la même tendance à s'engager dans trop de projets à la fois.

"Jusqu'où serais-tu prêt à aller pour voir ce rêve d'Enclave se concrétiser"

La question était restée en suspens, ils avaient tant parlé que le Hapien doutait l'avoir réellement posé ou entendu la réponse. Ses doigts se resserrèrent sur le manche et il effectua une feinte en diagonale rapide, efficace et sans fioritures même s'il lui manqua une seconde. Le tir dévié toucha son épaule, le jeune homme grimaça mais continua. Au début, la sonde gagnait, parce qu'il était concentré sur l'évolution de son compagnon et ses brûlures quoique légères. Son instinct de guérisseur lui disait de voler au secours de l'Ark-Ni qui en avait pourtant moins besoin de lui. Luke résista au désir de s'impliquer dans le combat de ce dernier, se dissocier le temps de cet exercice.

*La Force. C'est elle en qui tu as le plus confiance après tout. Plus que la technique. Certainement.*

Il chercha à abandonner le calcul mécanique, parfait du rythme adopté par le robot dans le niveau précédent. Posséder une excellente mémoire n'était pas toujours positif. Faire abstraction de son sens le plus aiguisé, salvateur dans sa vie quotidienne fut également compliqué mais le Hapien s'y essaya car s'il avait confiance en quelque chose d'autre que la Force, c'était bien en son ami.

Son ouïe accepta de s'endormir légèrement et les bruits de lame de Karm s'atténuèrent. Enfin. Le blond cessa de contrôler ses mains, le degré de rotation du poignet, la vitesse de réponse. C'est la Force qui prit le relais et la lame verte du Consulaire absorba le quatrième tir. La tension demeurait mais se diluait. Ils étaient isolés du monde, de l'Ordre, dans une sorte d'Enclave mentale à eux.
Karm Torr
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Parfois, la lame des shotos frôlait sa peau. Un centimètre de différence, et il se serait amputé d’une main. Les dangers du combat à double lame étaient inlassablement soulignés aux Padawans par des maîtres soucieux de ne pas voir de jeunes Jedis s’engager dans cette voie parfois fatale, sous prétexte qu’elle permettait de se distinguer des autres. Karm, lui-même, tout expert qu’il fût du sabre laser, surentraîné même au regard des standards de l’Ordre Jedi, ne l’avait embrassée qu’après une longue réflexion et bien des essais patients.

Tout ce qu’il lui restait à accomplir en la matière était clairement et méthodiquement arrangé dans son esprit : manier un shoto et son sabre ordinaire, manier un seul shoto, pratiquer l’extinction et l’allumage en plein combat, rompre la coordination entre les deux lames pour les rendre moins prévisibles, manier les techniques télékinésiques de la Force sans l’appui de gestes de la main, pour les associer au combat. Perfectionner les sauts. Améliorer le jeu de jambes.

Il avait lu tous les livres.
Écumé la bibliothèque, sur Coruscant et Ondéron, pour s’approprier les techniques bien établies en la matière, dont il avait ensuite, lentement, avec des bâtons d’abord, répété les gestes dans les salles d’entraînement.

Puis il avait parlé aux autres Jedis, à la poignée de celles et ceux qui maniaient des sabres peu conventionnels. Il les avait observés, aussi, longuement, pendant leurs propres entraînements. Il s’était même renseigné sur les méthodes des Siths en la matière, pour comprendre dans quelle mesure elles pouvaient différer des leurs, et sur les armes blanches semblables, de par la Galaxie.

Pour Karm, l’entraînement martial était ainsi un exercice aussi intellectuel que physique, et une aventure culturelle, tout autant qu’un perfectionnement technique.

Après une dernière parade réussie, néanmoins, il éteignit son sabre et désactiva le drone, pour considérer les mouvements de Luke avec la plus grande attention. L’Ark-Ni prenait son rôle de formateur très au sérieux, avec Luke plus encore qu’avec ses autres élèves. Au-delà de l’intérêt profond et personnel qu’il leur portait à tous, c’était pour lui l’occasion d’affiner ses conseils, pour espérer un jour mettre le point final au traité qu’il écrivait, et le rendre en effet accessible au plus grand nombre.

OK, finit-il par murmurer, avant de désactiver à son tour le drone de Luke. Tu te débrouilles vraiment beaucoup mieux. Tu vois, l’entraînement, ça crée des automatismes, et ensuite, on peut s’abandonner plus facilement à la Force. Évidemment, c’est différent sur le terrain, ça fait plus peur, on a plus spontanément envie de calculer que de se lancer comme ça.

Tous les maîtres d’armes de l’Ordre insistaient scrupuleusement sur ce point : c’était une chose de s’en sortir honorablement dans l’enceinte protégée des Temples, c’en était une autre de se tirer d’affaire, une fois lancé dans la vraie vie. Un bon Jedi devait avoir parfois l’humilité de prendre la fuite, que l’adversaire le dépassait trop évidemment.

J’pense qu’on pourrait bientôt passer à des entraînements similaires, mais en plein air.

C’est-à-dire sur un terrain accidenté.

’Fin en tout cas, j’suis fier de toi. Viens, on passe au tandem.

Les deux drones furent à nouveau activés. Karm se plaça dos à Luke, contre lui, son sabre traditionnel à la main, dont la lumière bleue vint bientôt vrombir au-dessus du tatami. Les deux robots commencèrent à leur tourner autour, sans pour autant de se mettre à tirer. Petit à petit, Karm laissait son esprit se lier à celui de Luke, alors qu’il ouvrait lui-même ses propres pensées. C’était un exercice dont ils commençaient à devenir familier et dont l’objectif, ultime, un jour, serait d’arriver à agir comme un seul homme.

Il leur fallait une confiance absolue, l’un en l’autre, mais également une coordination profonde, née d’une longue fréquentation. Karm connaissait le corps de Luke dans ses moindres détails, désormais. Il l’avait entraîné. Il l’avait embrassé. Il l’avait vu se battre, courir, sauter, bouger dans toutes les circonstances. Il connaissait son sabre, qu’il avait échangé avec le sien, pendant de longs mois. Il connaissait ses pensées.

Programme 42, finit par lancer l’Ark-Ni aux robots, qui tournoyaient tout autour d’eux.

Les premiers traits de laser jaillirent.
Les mouvements des robots les obligeaient à bouger, eux aussi.
En rythme.
Ensemble.
Parce qu’ils dépendaient étroitement l’un de l’autre.
Luke Kayan
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- Je ne suis pas sûr de vouloir essayer la chaise roulante.

Râla Luke, davantage pour la forme que pour autre chose. Quand Karm le poussait, il lui arrivait d'adopter une attitude quelque peu ronchon, voire cynique sur sa situation de handicap. Un moyen de décompresser ou rappeler ponctuellement ses faiblesses? Parce que le Consulaire avait vraiment l'impression que son ami oubliait parfois sa situation. La majeure partie du temps c'était un soulagement, une attitude appréciée mais parfois, il fallait l'admettre, suivre devenait compliqué.

- Je suis content que tu trouves mes progrès encourageants mais je suis un peu moins optimiste. J'espère être celui qui me trompe.- confia-t-il à Karm après avoir rangé sa lame. Ne pas subir le bourdonnement de cette dernière ne serait-ce que quelques instants constituait un grand repos.- Mais LE programme 42... !

Retrouvant assez rapidement une concentration jamais perdue en fin de compte, le -presque- docile élève leva son arme, tout en tâchant de ne pas imaginer les catastrophes qui pourraient avoir lieu dehors sur un terrain habillé de monticules vicieux et de trous tordus. Une fois de plus, le Jedi se consola en se disant que l'Ark-Ni savait ce qu'il faisait et que son côté suicidaire ne s'appliquait qu'à sa propre personne. Le Chevalier n'avait donc qu'à continuer sur sa lignée: contrôler ses tremblements lorsque son aîné sortait ses Shotos, préparer sa trousse de soins en cas de membre perdu et ne pas trop s'en faire pour sa propre intégrité, laquelle au passage l'inquiétait moins. Ils finiraient par s'entre-tuer au final, c'était la seule issue: soit à force de travail, soit à force d'expériences bizarres comprenant des danses mortelles au sabre et des balades au sein du cerveau de l'autre.

L'idée exagérément dramatisée poussa le Chevalier à sourire tandis qu'il se préparait à l'assaut, calquant ses gestes sur ceux de son compagnon. Au début, il avait recours à ses astuces habituelles: sentir les muscles du dos de Karm se mouvoir lui offrait une indication de sa posture, se fier au bruissement de ses habits ou au chant de ses lames. Ensuite, lorsque l'entraînement débutait venait un moment où utiliser son apprentissage classique était insuffisant. Il était donc forcé de lâcher la branche qui le retenait au-dessus du précipice pour se lancer, décider de sauter de son propre plein gré, encouragé par l'action qui lui permettait de ne pas trop réfléchir aux conséquences.

Le cœur, c'est d'abord des mouvements imprécis de l'organe qu'il perçu. Une explosion feutrée qui émanait de la poitrine de Karm pourtant éloigné de lui en cet instant. Puis, le chant des muscles se tailla un passage jusque dans son esprit. Ce dernier avait encore du mal à interpréter la précision des remous dans la Force, quelle vague correspondait à quel membre et à quelle vitesse elle déferlerait. Leur entraînement permettait tout juste au Jedi de se synchroniser avec l'Ark-Ni pendant quelques épuisantes, merveilleuses fractions de secondes. Ils agissaient comme une seule personne, s'associant ou se dissociant quand il le fallait pour détourner un tir. Dès lors, Luke n'anticipait plus les attaques, c'était les prunelles turquoises de son ami qui le faisaient pour lui, avertissant les deux cerveaux. Le Hapien ne savait toujours pas interpréter les images, harassé de couleurs floues, agressives mais il recevait une sorte de décharge énergique qui l'intimait à lever ou baisser son arme, signe que son cerveau commençait à saisir le sens de ces images sensément perdues à jamais.

- À droite!

D'autant plus remarquable que ce'était rare, Luke prévint Karm de l'arrivée imminente d'une nouvelle sonde, cette fois bien agressive. Sa lame verte passa devant leur visage pour stopper l'offensive. Le trait rougeâtre mourut comme un insecte, brûlé par une lumière incandescente.

La droite, la gauche, il avait fini par saisir le concept en fonction de la main avec laquelle il écrivait, tenait sa fourchette ou son sabre mais la profondeur lui faisait encore défaut. Difficile de saisir qu'il y avait des perspectives. Aujourd'hui, il avait eu le réflexe de s'engoncer dans un recoin, se protégeant grâce à un bout de mut, parce que les yeux de Karm l'avaient avisé.

Comme d'habitude, voire un peu plus encore, le jeune homme ressortit de l'expérience confus. Il avait presque été projeté hors de cette transe à cause de l'épuisement, balancé dans sa nuit journalière devenue, l'espace d'un instant, étrangère. Soutenant sa tête d'une main, Luke reprit son souffle, plus fatigué mentalement que physiquement par cette fusion exceptionnelle qui allait au-delà de celle que pouvait connaître un duo bien entraîné, complice mais somme toute lambda. C'était l¡esprit du blond qui avait reçu des informations parfois incompréhensibles pour lui, qui avait dû réajuster tous ses paramètres au milieu d'actions imprévisibles, il était donc logique que ce soit donc son propriétaire ressorte au minimum étourdi. Force fut de constater, néanmoins, que son mal-être dura relativement peu. L'exercice avait beau se compliquer, il devenait familier.

Luke en vint à se demander si un jour où l'un d'eux serait abattu psychologiquement, il pourrait contaminer l'autre durant cette espèce de transe. S'il en viendrait à partager sans intention le moindre de leur sentiment, sensation et si finalement, il ne risquait pas de dérober la vue à son aîné. Cette crainte, surtout la dernière, le Jedi n'en parlait guère plus, parce qu'il savait que Karm la connaissait et que la ressasser ne servait à rien. Il essayait de suivre les conseils de ce dernier, renforcé par d'autres membres de l'Ordre: la prudence, c'était bien, du moment qu'elle ne versait pas systématiquement dans le fatalisme.

Il effaça donc ses doutes, se concentrant sur les réussites et défaites de l'exercice, jugeant qu'il s'était laissé vaincre par la fatigue un peu trop rapidement, sans oublier le flots d'informations qui assaillait son cerveau.

- Je devrais parvenir à compartimenter ce que tu me transmets. Je pense que nous devrions essayer d'abord sans bouger, que mon cerveau ajuste les paramètres, se familiarise avec ta vue, comprenne un minimum d'éléments, du moins les plus utiles.- Forcément, les codes de couleurs oubliés ne lui importaient guère.-. Je ne sais pas si je m'explique.

Cet état de confusion qui se propageait jusqu'à ses capacités dialectiques l'agaçait mais il s'y attendait depuis le début, l'adaptation lui avait coûté beaucoup d'efforts et elle continuerait de le faire. Un prix auquel le jeune Jedi était accoutumé, désireux de s'améliorer qu'il était. Une volonté qui, par chance, semblait gommer des défauts bien présents comme sa peur de quitter les chemins déjà tracés. Il voulait avancer, comprendre, faire un pas vers les autres, encore plus vers son compagnon.

- Est-ce que tu entres dans un état d'esprit particulier avant que... Comment appeler ça?.. Nous fusionnions.

Le terme était adéquat mais aussi à double sens, surtout dans le vocabulaire de ce cher Karm. L'idée fit rougir un peu Luke, celle de l'avoir eu -cette dite idée donc- davantage encore.
Karm Torr
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Gauche.
Droite.


La danse était bien réglée, en apparence, même si, pour les deux Jedis, elle était éprouvante. Karm devait cerner le corps de Luke, comprendre ses intentions, et le guider. C’était comme si on lui demandait de manier une autre lame, encore, parce que c’était lui qui voyait, c’était lui le sabreur, et c’était donc à lui, dans ces circonstances, de guider leurs actions.


Son propre épuisement était donc aussi considérable quand, les drones désactivées, les sabres se turent enfin. L’Ark-Ni laissa son compagnon s’asseoir sur l’un des bancs qui longeaient le tatami, occupé pour sa part à récupérer les drones et vérifier que l’exercice ne les avait pas endommagés : c’était la politesse la plus élémentaire que de laisser derrière soi un matériel en excellent état.


Comme l’un des drones avait quelques clignotements plaintifs, il l’emporta avec lui en allant s’asseoir sur le banc, près de Luke, après avoir fait un détour vers le local technique pour récupérer la trousse qui servait aux petites réparations d’usage.


Un regard jeté à son compagnon pour s’assurer qu’il se portait bien, le jeune homme se mit au travail avec son silence ordinaire, dévissant la partie supérieure du drone, pour entreprendre de farfouiller dans ses circuits.


Tu t’expliques très bien, répondit le Gardien d’un ton tranquille. J’pense qu’il faut deux sortes d’entraînement, tu sais : ceux au calme, comme tu dis, sans bouger, pour bien sentir, comprendre et développer des techniques, et ceux comme on vient de faire, pour que les techniques deviennent des réflexes. Un peu comme les katas d’un côté et les simulations de combat de l’autre.


Leur performance du jour n’avait duré que quelques instants, mais Karm ne s’en inquiétait pas. En bon athlète, il savait que ces choses-là demandaient du temps et faisait preuve, par conséquent, d’une patience olympienne.


Ça va bien se passer, bébé, murmura encore Karm…


… en parlant au drone.


Et voilà. Comme neuf.


Pour toute réponse, le drone décolla et partit se ranger dans lui-même dans le local technique, sagement aligné avec ses congénères.


Tss, aucune reconnaissance. Les jeunes, de nos jours…


L’Ark-Ni entreprit de ranger les outils.


Je suis toujours dans un état d’esprit particulier, avec toi, Luke, glissa-t-il d’un ton charmeur, alors que son ami l’interrogeait.


(Quel séducteur, ce Karm !)


Les outils rangés, il revint s’asseoir.


Mais oui, la transe développe mon sens de l’audition et ma conscience kinésique passive des obstacles immédiats. Je suppose que ça vient de toi. Et j’ai un peu l’impression de me dédoubler, en contrepartie, pour t’aider à percevoir le reste. C’est une sensation très troublante, mais pas totalement étrangère. Ça me rappelle quand je mêle mon esprit à celui des animaux, avec un saut qualitatif considérable, à cause de la complexité du tien.


Mais avant, lien de Force entre êtres pleinement conscients et communion animale reposaient en gros sur les mêmes principes.


Et quand on fusionne autrement, ma foi…


Karm étendit les jambes et croisa les bras sous sa nuque, adossé au mur.


Quand on fait l’amour, j’ai l’impression que tous mes pouvoirs se développent. C’est temporaire, mais c’est comme une méditation profonde.


(La profondeur en question n’avait aucun rapport avec les mensurations désormais légendaires du Chevalier en Slip.)


J’ai l’impression que ça me connecte directement avec la Force Vivante, quoi. C’est très agréable, au-delà même du plaisir physique, très instructif, en un sens, parce que même après, je sens mieux mes pouvoirs. Mais temporaire, évidemment. Et heureusement, d’ailleurs, parce que se fondre pour longtemps dans la Force Vivante, ça s’appelle mourir, et je suis pas pressé.


Comme la plupart des Jedis, Karm contemplait la perspective de la mort avec une relative sérénité, mais, pour autant, il ne la désirait pas. Elle viendrait quand la Force l’aurait décidé.


Un sourire malicieux aux lèvres, le jeune homme conclut :


Si tu veux explorer cette question aussi avec des entraînements intensifs et répétés, je n’y suis pas opposé.


Il était décidément d’humeur bien cabotine !


(Comme toujours. Certes.)
Luke Kayan
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[HJ: Désolée si la seconde partie du post semble un peu confuse, j'ai perdu la grosse majorité du rp alors que j'allais l'envoyer! Grrr... Du coup j'ai du réécrire et c'est moins bon que prévu :/]

Rançon de la gloire, Karm était si doué, il donnait l'impression d'être tellement à l'aise que c'était difficile pour le Hapien de l'imaginer aussi épuisé. Heureusement d'un côté parce qu'il s'en serait voulu d'imposer ainsi à son compagnon de tout porter. Leurs 4 bras, leurs deux lames et basiquement l'ensemble de leurs cerveaux. Bien qu'il se doutait que son aîné éprouve des difficultés, Luke ne pouvait pas se projeter aussi loin, empathique ou pas, c'était pour lui un terrain inconnu. Dans cet exercice comme dans leur relation d'ailleurs, le jeune Jedi menait peu souvent. Suiveur de nature, il s'était quelque part bien accommodé d'être guidé. Autonome dans la majorité de ses activités, il semblait plus passif en compagnie de Karm. Parce que leur duo fonctionnait ainsi, que chacun y trouvait sa place. Son ami démontrait des qualités et des défauts de leader, dont celui de ne pas laisser paraître sa fatigue.

C'est donc admiratif que le jeune homme scruta -vainement, certes- la silhouette de l'Ark-Ni, accompagnée d'un bruit métallique familier, certainement un des drônes que les deux Chevaliers avaient abîmé pendant leur exercice. Pour les réparations de ce genre, le Temple disposait de petits droïdes pratiques qui révisaient les sondes chaque soir, tout le monde n'étant pas féru de la mécanique à l'instar de Luke qui se serait certainement pris une châtaigne en s'y essayant. Mais Karm, Karm était fidèle à sa personnalité, il avait beau faire décontracté de prime abord, Explorateur répondant aux stéréotypes les plus grossiers, il était mieux éduqué que bon nombre de politiciens ou d'aristocrates que le Consulaire côtoyait. Ayant à cœur de laisser la salle dans un état correct et un peu trop compatissant envers les machines, le Chevalier Turquoise était donc en train de bidouiller et de ... Consoler (?) le drone? D'abord surpris par le surnom ridicule de "bébé", le Hapien faillit se retourner pour répliquer d'un ton faussement outragé, réellement gêné. Au lieu de ça, un sourire naquit sur ses lèvres tandis qu'il taquinait le cœur d'artichaut.

- Quand tu auras fini de tromper Blip, tu me laisseras t'examiner.

Certes, l'Explorateur avait désormais de très bonnes bases en soins, cependant, il fallait bien que Luke conserve son rôle dans un domaine. Il était et resterait le guérisseur du duo. Malgré sa fatigue, le jeune homme laissa courir une onde de Force régénératrice entre lui et Karm. Habituée, ladite onde trouva aussi naturellement que vite le chemin menant au Chevalier turquoise. Entourant sa silhouette comme une chape réconfortante, elle sillonna partiellement le corps à la recherche de blessures causées par le duel. Par chance, s'il notait une certaine lassitude chez son compagnon, Luke n'avait aucune idée de l'effort que requérait son rôle de guide visuel, sans quoi il se serait senti abominablement coupable. Il se contenta donc de s'atteler à son travail de barre céréalière vivante (offrir de l'énergie à son camarade) puis d'essayer de transformer la douleur de ses yeux ainsi qu'un début de migraine en une fatigue sereine.

J'espère bien être plus complexe qu'un certain symbiote... Et plus pacifique aussi. - Ajouta Luke en se rappelant de cette fameuse plante-animal qui s'était prise d'amitié pour sa personne, au point semblait-il d'avoir elle aussi voulu fusionner avec lui. L'incident assez traumatisant malgré tout le fit inconsciemment porter ses phalanges à son cou qu'il massa légèrement. Ce type de mission, si étrange que cela puisse paraître, manquait au jeune Jedi, en compagnie de Karm, certes. Myrkr lui avait servi de leçon, il ne partirait plus seul. - Plus sérieusement, je ne pensais pas que c'était réciproque et que tu m'emprunterais mon ouïe. Du reste, je ne savais pas qu'elle était plus aiguisée que la moyenne. Quand je "vois"? Est-ce que tu perds de l’acuité? - Bien sûr, il s'était habitué à ce que ses oreilles s'affûtent petit à petit sans s'en rendre compte. Doté du sens auditif de son ami pourtant loin d'être mauvais, il serait perdu. En tout cas l'idée d'offrir quelque chose en retour le soulagea et sa seule inquiétude résidait dans le fait de dérober la vue de Karm au lieu de la partager. En ce sens son expérience avec Jason avait été assez traumatisante. Luke détestait être le seul profiteur de la leçon donnée, l'unique avantagé. Aussi surpris qu'heureux de constater qu'il pouvait légèrement aider Karm -bien que l'échange reste déséquilibré, le Chevalier laissa glisser une onde reconnaissante envers lui. Cette dernière fut coupée nette par une des fameuses évocations provocatrices de ce cher...

Karm!


Accompagnant l'exclamation confuse, une tape chercha à atteindre le crâne parsemé de légères boucles argentées. Comme d'habitude, son ami le faisait rougir, et il accusait le dilemme, la scission entre ses émotions: la honte et le désir. Le Hapien avait toujours apprécié ce côté provocateur voir dévergondé de Karm, tout en le craignant. Son éducation si spartiate dans ce thème avait rehaussé un caractère déjà prude.

- Je t'avoue ne pas y avoir... Pensé. Enfin, je me contente du moment présent... à ces. Hum. Moments là.


Le rouge continua vaillamment sa conquête, passant des joues du Consulaire à ses pommettes, bien qu'il ait perdu en force. C'était désormais un joli rosé subtil qui habillait sa peau et soulignait blondeur de ses cheveux. Trop occupé à combattre sa timidité, le Chevalier ne s'était jamais interrogé sur la portée de leurs actes au sein de la Force bien qu'il se sentait effectivement plus solide à cet instant. Que ce soit physiquement ou psychologiquement car il acquérait la certitude qu'il ne serait plus jamais seul. Le temps et les efforts de Karm lui avaient permis d'évoluer au point de se concentrer sur le plaisir, la magie pure de leur amour qui les menaient à cet acte sans oublier la Force au centre d'eux.

Ceci dit, moins mystique que son compagnon, il démontrait une certaine prudence quant aux répercussions qu'entraînaient l'union physique, sans oublier les théories sur une Force Vivante, parfois dotée d'un caractère selon certains pairs. Il avait de la peine à l'imaginer en tant que guide contrairement à ce qu'il imaginait tout jeune, même si paradoxalement, le Jedi se sentait rassuré de voir que la Force ne les abandonnait pas ni ne s'obscurcissait lorsqu'ils s'unissaient. En revanche, le Consulaire croyait, à l'instar de Karm et de bon nombre de leurs collègues à ce retour au sein de la Force. Si le Jedi était en accord avec lui-même le jour où il devait s'éteindre, il avait accès à cette apothéose mêlant douleur et joie. Ou du moins, une certaine consolation pour celui qui partait ainsi que les témoins. Ainsi, malgré une certaine peur lorsqu'on évoquait la Grande Fin, le Chevalier l'acceptait, si possible, dans longtemps. Encore une fois comme la plupart de ceux de son Ordre, notamment Saï Don, la notion de retraite était étrangère à Luke. Il espérait mourir de vieillesse à 90 ou 95 ans après avoir achevé un dossier ou rédigé un rapport pendant la nuit. Alors il hocha la tête pour confirmer les propos de Karm, inutile de rêver à la fusion permanente avec la Force, ce serait pour plus tard.

- Je te rappelle qu'il reste des fiches à trier et des statistiques à calculer pour ton enclave.-Fit-il en tentant une nouvelle attaque, du coude, cette fois, en visant vicieusement (mais doucement!) les côtes. Pour occuper ses mains plus qu'autre chose, le Hapien s'épousseta en se levant. Un silence s'installa, d'abord banal puis légèrement plus grave, propice à l'introspection.

- Nous avons tellement de chance. - Finit par murmurer le Chevalier, les yeux mi-clos. Tout à coup, il avait ressentit le besoin d'en parler, d'évoquer cette conclusion à haute-voix, lui habituellement si inquiet voir fataliste. Depuis leur visite dans le cerveau de l'autre, les deux Jedis semblaient aller encore mieux, ce qui était incroyable étant donné la tragédie dont était issue l'expérience. Karm avait failli mourir, pire encore, il avait démontré vouloir désirer ne plus se réveiller à cause de désordres psychologiques bien cachés sous le jupon de son éducation de Jedi. C'était relativement récent encore, pour autant, Luke se sentait optimiste. Lui-même se sentait plus rassuré quant au fait que son ami l'accepte tel qu'il l'était. Après avoir pénétré les méandres de ses neurones, rien d'autre ne pourrait l'effrayer, n'est-ce pas?- La chance qu'on nous laisse être ensemble, d'avoir cette vocation, d'aimer ce que nous faisons et d'avoir des projets. Que cela aboutisse ou non, le travail sur notre lien, l'enclave... Nous vivons pour un but.

Conscient d'avoir probablement l'air d'un ado fleur bleue en pleine crise de romantisme, Luke s'empourpra légèrement, mais il se sentait tout à coup en paix, vêtu de cette fatigue qui se déposait sereinement sur ses épaules. Et surtout, il était heureux, accompagné de Karm, de son cher maître et d'un apprenti volontaire, travailleurs, honnête. Que pouvait-il espérer d'autre hormis continuer à vivre au sein de son Ordre?
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