La lune siégeait depuis peu sur le trône que son frère lui avait gracieusement cédé. Sa pâle douceur, quelque peu fragile baignait le parc d'Ondéron, à peine assombri par l'ombre des hautes tours du Temple Jedi. L'agitation du repas retombait lentement, les plus jeunes étaient déjà plongés dans leurs rêves de duels au sabre-laser tandis que les Adolescents partageaient leurs songes éveillés avec leurs camarades. Demain, Saï Don tournerait la tête pour leur dire "c'est bien", ou mieux, les féliciteraient parce qu'ils étaient des membres émérites de l'Ordre. Une mission incroyable accomplie, un duel épique. Les heures se déroulaient, les conversations un peu fatiguées tournaient désormais sur les classes du lendemain, les devoirs à rendre, les exercices trop difficiles. Les Padawans se soutenaient, essayaient de rester optimistes malgré la si dure formation. Tant de chemin à parcourir, encore.

Tant de chemin, oui: encore ce long couloir dallé d'un beau marbre quoiqu'un peu froid, au bruit sec, accusateur sous ses bottes. Luke marchait vite, empruntant un raccourci par les cuisines -normalement réservées au personnel- pour atteindre les quartiers de Saï Don. Celui-là même à qui beaucoup -dont lui- rêvaient de ressembler un jour. Leur Grand Guide, proche mais aussi lointain de la majorité des jeunes Jedis en quête de reconnaissance. Le Hapien avait ce privilège de pousser la porte de sa chambre, habituellement, il s'en félicitait bien qu'il n'en profitait guère, peu envieux de déranger le Vénérable doyen. Quelques rendez-vous arrangés entre deux trous d'emplois trop chargés leur permettaient de maintenir leur lien si fort. Que le blond se soit cependant octrôyé de demander "audience" à son ancien mentor, si tard, n'était pas commun, mais il y avait urgence.

Des sentiments contraires se disputaient dans son âme, soulagée de retrouver son aîné, mais aussi inquiète de savoir ses réponses. Arrivé pile à l'heure, il frappa doucement, quémandant la permission à travers son poing sur la porte mais aussi au travers de la Force.

- Bonjour Maître.

Les salutations d'usage passées, Luke déposa le plateau qui contenait un dessert d'Alderaan, un genre d'île flottante qui avait été quelque peu malmenée aux vues des traces de crème qui frôlaient les bords de son pot, ceci dit rares étaient les gouttes qui avaient dépassé. S'il était pressé, le blond rognait sur la quantité, jamais la qualité lorsqu'il présentait quelque chose au Sage. Depuis son arrivée, une légère odeur de caramel envahissait la pièce, il tendit le dessert qui tombait bien (peu de temps après le repas tardif des chevaliers et maîtres qui mangeaient après les Padawans bien souvent et n'avaient que rarement l'occasion de rester pour le dessert). Plus encore que la gourmandise, c'était le symbole, cet espèce de rituel qui s'était installé entre Saï et l'ancien Padawan aimant choyer son maître.

Luke l'avait d'ailleurs remarqué, peu certes, mais l'évidence avait quand même frappé à la porte de son cerveau têtu, embrumé de refus: le doyen vieillissait. Incapable de dire si les autres l'avaient remarqué ou non, force était de constater que lui n'échappait pas aux cruels détails, parce qu'il connaissait très -trop?- bien Saï: une démarche un peu plus lente, il lui fallait moins de pas pour arriver à ses côtés, une voix aux trémolos presque imperceptibles et ces derniers temps, un pessimisme certain. La situation n'aidait pas ceci dit, et Luke allait d'ailleurs en rajouter une couche. Il s'en voulait pour ça, cependant son devoir de Jedi passait avant ces considérations, il le savait, son mentor aussi, probablement mieux que lui d'ailleurs.

- Comment allez-vous?

Luke quelques secondes s'écouler, offrant à leur duo ce qu'il pouvait de temps pour eux, rien que pour eux: la réponse de Saï, ses signes dans la Force, une anecdote peut-être. Mais les retrouvailles malheureusement, en plus d'être rares seraient écourtées aujourd'hui. C'était dommage car le Jedi adorait adorait depuis toujours la manière de parler de son mentor. Il pouvait lui prodiguer un cours sur la Force ou lui expliquer qu'un moineau revenait dans le parc tous les jours manger des graines que son attention ne baissait pas. Le vieil homme avait ce talent de lui faire voir les couleurs à sa manière. C'était d'ailleurs ce qui les avaient rapprochés: le vieux grigou avait apprivoisé le gamin sauvage à force de contes. Malgré son intérêt aujourd'hui, il faudrait passer aux choses sérieuses. Après l'explication, peut-être pourraient-ils. Ce serait bien, les discussions avec son maître lui manquaient toujours.

Ainsi, debout devant Saï ne perdit guère de temps pour lui tendre une puce à introduire dans un datapad. Une lettre ouverte, issue d'un [Seuls les administrateurs ont le droit de voir ce lien] s'afficha sur l'écran du vieil homme.

La nouvelle en soi était catastrophique. Ossus était alliée depuis très longtemps aux Jedis. Les enjeux politiques mais aussi culturels à cause de la bibliothèque étaient immense. Outre ce fait bien sûr, l'héritier était un honnête gouverneur, encore jeune, optimiste et idéaliste mais bon, Luke ayant eu l'occasion de le cotôyer en était persuadé. Il commenta sobrement les faits, ajoutant les détails desquels il était au courant. Si ses efforts pour demeurer professionnels seraient couronnés de surccès face à quelqu'un ne le connaissant peu ou guère, Saï pouvait sans doute sentir son trouble et le lien qui l'unissait à Virgile-Auguste. Un lien clairement respectueux, pur et finalement fraternel puisque le Hapien éprouvait un besoin instinctif de protéger le fragile Souverain, bien isolé dans son monde de plaqué or. S'ils avaient pu être plus proches, le jeune rouquin et le Consulaire auraient appartenus à la même fratrie. Mais ce n'était pas le cas, à ce propos Luke demeurait très lucide. D'autant plus d'ailleurs que sa surprise s'étendait alors qu'il mesurait (encore) les implications, les conséquences de cet enlèvement. Il n'avait pas son rôle dans cette mission, ni pour le bien de Virgile-Auguste en danger, ni pour celui de l'Ordre qui avait besoin de conserver cette lignée unie à eux. Son intervention était inconcevable.

- Je suppose qu'une décision pour une éventuelle organisation de sauvetage sera débattu au Conseil, aussi, je vous prie de m'excuser ma précipitation qui ne fera pas avancer plus les choses. Néanmoins la nouvelle me semblait trop grave, trop importante pour la garder ne serait-ce que quelques heures de plus pour moi.

Il hésita quelques fractions de secondes avant d'ajouter d'un ton plus personnel, impliquant timidité et inquiètude, que même son professionnalisme habituel ne saurait complètement cacher. Cette fois, ses propos n'étaient plus ceux d'un Chevalier au rapport, sinon ceeux d'un Apprenti face à son vieux maître qu'il considérerait à jamais comme tel.

- En admettant que le Conseil choisisse d'agir. - par ces mots, Luke indiquait que malgré sa tristesse si l'Ordre refusait, il accepterait par pure obéissance que ce soit le cas. Les aînés étaient justement des aînés, reconnus pour leur sagesse, leur safacité et intelligence.- Imaginez ma décontenance. Certes, lorsque j'ai été chargé d'accueillir le Roi, l'entretien s'est très bien déroulé, c'est un garçon -si vous me passez l'expression- agréable, fort instruit et je crois, profondément honnête... Il a un petit côté naïf aussi étonnant pour un Souverain, mais le Chambellan. Un homme de son âge. Qu'il recourt à l'Ordre, je saisis mais à moi. Si le Conseil décide d'agir, je pense qu'il faudrait lui envoyer une missive pour promettre l'envoi d'un Maître Jedi de terrain, experimenté.