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Ben se regarda dans le miroir avec satisfaction.

    « Alors, ça t'en bouche un coin, hein ma poule? »


Une figure en trois dimensions montrait la tête de Karl, avec qui Ben était en connexion holonet. Le vieil ami du Coruscanti fit une moue amusée à la vue du costume de son ancien camarade d'université. Le rédacteur en chef du Coruscant Post avait enfilé un smoking blanc, noué un noeud papillon noir, le tout agrémenté d'une fleur rouge accrochée sur la veste, à gauche.

    « J'ai du travail... »

    « Ouais ouais... Dis plutôt qu't'as repéré une nouvelle stagiaire. J'sais pas comment tu fais pour t'en taper autant, la cinquantaine passée. »


Ben s'empara d'un verre d'ergesh et but un coup, tout en pointant un regard interrogateur sur Karl.

    « Peut-être que je prends tout simplement soin de moi... »

    « Oh, la barbe, Karl! J'ai du boulot aussi. »

    « Bouffer des petits fours et serrer des poignées de mains? Y a pire. »

    « Mmm... C't'un peu particulier, cette fois. Fin' bref... A toute. »


Karl hocha la tête, lui fit un signe d'adieu et mit fin à la communication. Ben s'aspergea de parfum puis se dirigea vers la balcon de sa chambre. Il ouvrit les portes battantes et devant lui s'offrit le spectacle d'une fin d'après-midi sur Telerath.

La planète ne tirait sa richesse que d'une chose : les Etablissements bancaires. Vieille institution du service bancaire, l'entreprise avait fait son apparition des siècles plus tôt. Elle avait grandi, pris de l'ampleur et s'était ensuite effondrée, presque fatalement, suite à une affaire de corruption et de détournements de fonds. La confiance des clients et des actionnaires avait été perdue et l'influence des Etablissements diminuée. Un peu plus de vingt ans d'ici, toutefois, un jeune homme ambitieux, devenu riche par ses succès de trader dans la capitale républicaine, avait fait le pari fou de reprendre en mains la société qui permettait à la petite planète de Telerath d'être pointée du doigt sur une carte de la galaxie. A force de travail, de courage et d'abnégation, l'entreprise avait peu à peu retrouvé sa gloire d'antan. Ben Doyle était revenu aux fondamentaux, à la volonté initiale des créateurs de l'entreprise. La réussite de la reprise en mains avait dépendu de beaucoup de choses : des placements rémunérateurs, des investissements judicieux, une législation planétaire adaptée aux besoins de la clientèle... Il fallait le dire sans ambages : Telerath était un paradis fiscal. La planète disposait d'une autonomie politique toute théorique. Entièrement dépendante des activités bancaires, la politique locale avait toujours été subordonnée aux intérêts des Etablissements bancaires.

Telerath était également une petite planète, n'ayant que peu de nationaux. La faible démographie planétaire avait permis à l'oligarchie bancaire de prendre le contrôle des institutions locales en douceur et dans le calme. Rares avaient été les citoyens à se plaindre de la situation, celle-ci étant avantageuse pour tous. L'écrasante majorité des habitants de la planète travaillaient pour les Etablissements bancaires. Ils étaient bien payés, et profitaient même de couvertures d'assurance avantageuses. Quant aux infrastructures urbaines, elles étaient pour la plupart la propriété de l'entreprise relevée par Ben Doyle. Des moyens de transport aux casinos, des jardins publics à l'astroport, des hôtels aux hôpitaux, des logements aux boîtes de nuit, des bordels aux centres commerciaux, du musée local au port de plaisance, la quasi totalité des bâtiments de Telerath appartenait au secteur bancaire, assurant son emprise sur toute chose.

En cela, un parallèle évident avec Muunilinst pouvait être fait. Toutefois, les Etablissements se distinguaient fortement du Clan Bancaire Intergalactique. Par la modestie des masses monétaires en jeu, tout d'abord. Certes, l'entreprise n'avait pas à rougir de sa position. Les sommes manipulées étaient importantes, et les bénéfices conséquents, comme le prouvait la domination des établissements sur l'infrastructure planétaire. Malgré tout, la banque restait d'une taille bien faible, comparée au CBI ou à la Banque du Noyau. Les Etablissements de Telerath n'avaient pas pour vocation d'intéresser l'ensemble des agents économiques de la République. On ne visait comme clientèle que les personnes riches, soucieuses de profiter des taux de taxation très faibles de la planète, et d'une expertise certaine en matière de gestion de patrimoine, de gestion structurée, de marchés financiers etc. Telerath avait toujours voulu se distinguer par un service extrêmement personnalisé mais, au-delà des services bancaires à proprement parler, on avait voulu offrir plus. La planète de Telerath offrait un cadre idyllique pour passer des vacances tranquilles. Les hôtels de grand luxe n'étaient que les annexes du service bancaire. Les services les plus divers étaient proposés. Telerath faisait oublier aux clients l'aridité des questions financières par la douceur de ses magnificences. L'accouplement entre service bancaire et service de luxe avait parfaitement fonctionné, et la planète était un petit joyau où les pauvres n'avaient pas leur place.

On peut donc comprendre la fierté brillant dans le regard Ben, à cet instant où il contemplait les beautés de l'archipel de Noua, dont les demeures dorées scintillaient de mille feux, sous un soleil ardent d'après-midi. Toute cette beauté, tout ce luxe effrontément exposé, tout cela, c'était son oeuvre. Oh, il s'exagérait la chose, bien sûr. Mais, sans lui, il était probable que les Etablissements bancaires ne se seraient sans doute pas remis du scandale. Sans lui, Telerath n'aurait probablement plus été l'écrin doré du capitalisme triomphant. On était bien loin des bas-quartiers de Coruscant, dans lesquels Ben Doyle avait grandi.

Une dernière fois, il vérifia son accoutrement, puis il quitta la chambre de l'hôtel. Il trotta tranquillement, une main dans la poche, à travers les couloirs de l'hôtel, la Gemme de Telerath. Ca et là, le personnel s'affairait, et saluait avec déférence le célèbre journaliste. C'est que, même s'il n'était plus aux commandes des Etablissements, Ben en était l'actionnaire majoritaire de droit. Une position que nul n'ignorait sur la planète, de sorte qu'en sa présence il convenait de mettre les petits plats dans les grands. D'autant plus que ses visites étaient devenues de plus en plus rares, le Coruscant Post nécessitant une attention de chaque instant. Ben venait deux fois par an : pour prendre des vacances, et pour l'assemblée générale annuelle. Telerath, d'une certaine manière, appartenait à son passé. L'avenir était sur Coruscant, dans le journalisme.

L'assemblée générale avait justement eu lieu deux jours plus tôt. Tout s'était déroulé sans encombre, comme d'habitude. Les résultats de l'entreprise étaient satisfaisants, malgré un contexte économique délétère. D'une certaine manière, Ben devait remercier le gouvernement pour sa politique de nationalisations. En quelques mois, nombreuses avaient été les grosses fortunes ayant décidé de transférer leur argent dans les coffres de Telerath, préférant une petite banque privée à une grosse banque publique. Les raisons de ces transferts de fonds étaient plus idéologiques que rationnelles, cela dit Ben n'allait pas s'en plaindre. Les dividendes tombaient généreusement, voilà tout ce qui importait pour le portefeuille du rédac'chef. Bref, tout allait pour le mieux.

Juste après l'assemblée générale, il était de tradition que les Etablissements organisent un gala de charité, réunissant les clients les plus fortunés de l'entreprise ainsi que nombre de riches individus de toute la République. Telerath n'y gagnait pas grand-chose, si ce n'est une publicité gratuite, assez peu nécessaire. L'occasion consistait surtout à montrer toute la générosité des classes les plus fortunées de cette belle fédération républicaine à l'égard des plus pauvres. En somme, ce n'était rien d'autre qu'une forme de propagande au service d'une ploutocratie galactique. Et alors? L'argent n'en allait pas moins à des oeuvres de charité ayant bien besoin de crédits frais. Le gala de bienfaisance permettait de réunir des sommes considérables, ensuite distribuées à des associations prenant en charge des enfants et des adolescents de milieux défavorisés. Il s'agissait de leur offrir une bourse d'études, par exemple, ou de lutter contre la malnutrition des nourrissons. Ben, derrière un air bourru, n'en avait pas moins un coeur. Et, chaque année, il donnait des sommes considérables de crédits.

Cette année, la situation était toutefois un peu particulière. La direction du gala lui revenait, comme toujours, mais Ben allait devoir également s'occuper d'autre chose, dans l'ombre, en coulisses. Le paysage politique avait évolué de façon positive pour les défenseurs du libéralisme, et la démission de la Chancelière impliquait de prendre maintenant le taureau par les cornes.

Enfin, Ben arriva dans le hall d'entrée de la Gemme de Telerath. Celui-ci était immense. Le sol était entièrement constitué de dalles de marbre blanc. D'imposants miroirs, encadrés dans une fine boiserie murale, augmentaient l'impression de grandeur et de majesté. Au plafond, les bords étaient parcourus de moulures dorées, entourant une représentation picturale de la fondation des établissements bancaires. Des tiges de bronze étaient accrochées au plafond, au bout desquels se trouvaient de gros globes. D'énormes lampes, en fait. Au centre, un lourd lustre pendait. C'était une oeuvre assez moderne, semblant représenter une étoile en pleine explosion, envoyant des traits dans tous les sens. Le décor était riche, rien que de naturel somme toute. Ben se trouvait dans l'entrée. Les invités arrivaient transportés en taxi depuis l'astroport, et étaient déposés au pied de l'hôtel. Tandis que leurs bagages étaient pris en charge par les garçons d'hôtel, les riches donateurs devaient gravir l'escalier de pierre de taille menant au parvis de la Gemme de Telerath. Les premiers invités arrivaient et il revenait à Ben de les accueillir, comme de coutume.

D'ailleurs, voilà qu'apparaissait un couple... Ben plissa les yeux mais ne distingua pas tout de suite les deux personnes, jusqu'à ce qu'apparaisse clairement devant lui le gros Toïd Lavron. L'énorme, plutôt... Le type était encore plus volumineux que Ben, c'était tout dire. Et autant le personnage était gras, autant sa compagne était mince. Et jeune. Ben ne put empêcher l'apparition d'un sourire goguenard sur son visage. Y avait peu de chance que la belle créature ait épousé Lavron pour son physique. Quant à son intellect... Ce qui avait du charmer l'élégante épouse aux cheveux blond platine, c'était probablement plus le portefeuille d'actions que son noble époux détenait dans l'entreprise BiscuitBaron, leader dans le secteur de la grande distribution. Toïd Lavron était riche, ce qu'il n'avait pas manqué de rappeler lors de la réunion patronale à laquelle Ben l'avait rencontré. Réunion qui avait été un fiasco total. C'est en toussotant et suant abondamment que le riche actionnaire arriva auprès de Ben.

    « Par tous les saints, Doyle, que ces escaliers sont épuisants! Invitez-nous en bord de mer la prochaine fois, je vous en prie! »


La montée des marches n'était pas si fastidieuse, en réalité. Ben avait surtout constaté que la belle dame n'avait pas calmé son pas vif, obligeant le pesant mari à stimuler quelque peu ses muscles engoncés dans la graisse. Sans doute espérait-elle qu'un accident cardiaque la débarrasse de ce boulet humain.

    « Monsieur Lavron, madame! Quel plaisir de vous voir ici! »


Une poignée de main pour l'un, un baise-main pour l'autre, puis ce fut au tour des suivants d'être l'objet de l'attention de Ben. Les hommes d'affaires succédaient aux nobles, les actionnaires aux administrateurs de sociétés. Après les Tagge de Tepasi, les Praji de la Banque du Noyau, là un représentant de la Maison Kuat, puis Gavor Tarlon, beau jeune homme à la chevelure dorée représentant Chiewab Pharmaceuticals, en discussion passionnée avec un type d'Athakam Medtech, divers nobles corelliens en compagnie du directeur de la Corporation Technique Corellienne, des Melantha, Mecetti et Pelagia de Tapani... Tout ce beau monde passait d'abord par la petite main ronde de Ben Doyle avant d'entrer dans l'hôtel principal de Telerath, qui les logerait durant leur cours séjour sur ce monde.

Ben commençait à en avoir marre, lorsqu'il aperçut un groupe de Muuns s'approcher vers lui. Il sourit franchement lorsqu'il reconnut son ami Voyl Clawback, à la mine toujours aussi patibulaire. Peut-être était-ce du à la présence de sa charmante épouse, qu'il traînait à ses côtés... Cela importait bien peu. Ils allaient avoir fort à faire tous les deux, et le Muun aurait peu de temps pour profiter des plaisirs de Telerath avec sa dulcinée. Ben serra la main de toutes ces asperges, puis invita la compagnie à le suivre à l'intérieur de l'hôtel, tout en prenant Voyl par le bras, pour causer un peu avec lui. Tous les invités n'étaient pas encore arrivés mais le rédac' chef du Post avait pour habitude de cesser les amabilités de bienvenue après une heure. Passer son temps à prononcer les mêmes paroles et à serrer des mains devenait vite emmerdant. Le directeur général des Etablissements bancaires prenait le relais, les arrivants s'en contenteraient.

    « Alors, Voyl, le voyage s'est bien passé? Vous êtes déja v'nu sur Telerath? Il y a d'tout pour s'y plaire, pour les hommes comme pour les femmes! » dit-il en penchant sa tête vers la jeune épouse, et en lui faisant un clin d'oeil entendu.

Voyl Clawback
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Telerath - Archipel de Noua - La Gemme de Telerath - 7:22pm

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La navette privée fonçait au ras des flots à toute allure en direction de la magnifique baie qui gardait l'établissement où ses passagers allaient séjourner. A son bord, Voyl était loin d'être seul. Pour la première fois depuis son enfance, Shiney avait accepté de quitter le sol d'Harnaidan pour traverser la galaxie, chose dont elle n'était absolument pas coutumière. Il fallait dire que le concept de voyage de noces ne faisait pas partie des coutumes muun, la plupart tenant les voyages en horreur. Cependant, au grand dam de Clawback, son épouse n'était pas comme la plupart. Curieuse, elle n'avait pas rechigné une seule minute lorsqu'il lui avait annoncé qu'il souhaitait qu'elle l'accompagne lors de cette excursion particulière. Un gala de charité, si on en croyait l'invitation : il était de notoriété publique que les établissement telerathi organisait une fois par année standard sur leur sol cet évènement prestigieux à but humanitaire.

Les Vault avaient acquis depuis quelques années déjà des actions des Établissements Bancaires de Telerath, dont son vieil ami journaleux Ben Doyle était désormais actionnaire majoritaire. Une place très confortable qui seyait parfaitement au grassouillet coruscanti. Voyl en avait donc hérité par alliance, et le couple avait reçu l'invitation au grand gala annuel donné par les établissements. Une nouvelle qui n'avait pas enchanté Clawback le moins du monde : voyage, autre bout de la galaxie, beaucoup de monde... Que de paramètres contrariant en une seule fois ! Mais l'holomessage était signé "Ben Doyle", avec, en prime, un court message complémentaire obscur pour un autre que lui. "Amenez votre requin de compagnie, il pourra certainement garder un oeil sur les pétunias !"
Sous couvert de participer au gala, Clawback confirma donc à Doyle qu'il avait bel et bien saisi le message. Ce n'était qu'un code ont ils étaient les seuls à connaître la référence.

Clawback s'était donc arrangé pour caler un nouveau séjour dans son emploi du temps, confiant de fait le mouton à cinq pattes à son brave et dévoué secrétaire, qui s'était arraché les cheveux qu'il n'avait pas à jouer avec tout ça. Reshord, qui d'ailleurs dormait de l'autre côté du véhicule, la tête reposant sur la vitre blindée. En face de lui, Frey Goodfellow, son délégué en affaire pour Clawback Expertise, jouait avec les courbes de ses actions sur un écran. Ils étaient cinq, et pour Voyl, c'était déjà trop. Enfin, si on excluait Droomos dont la largeur comptait pour deux, et dont le mutisme ronchon le faisait compter pour un tiers d'une pipelette de base.

"Quelle charmante planète ! commenta Shiney en admirant le coucher de soleil par le hublot, c'est fabuleux ! Et ce climat... Un enchantement !

-Monsieur Doyle sera ravi de vous entendre, ma chère, dit Voyl tout en continuant de pianoter sur son datapad, il tient particulièrement à son petit bijou.

-Et je le comprends très bien. "

Elle lissa les pans en soie de sa robe, une œuvre signée Karl Lagueul Frel qu'elle avait acquise trois jours auparavant à une enchère en holovision pour une somme totalement indécente, mais qui selon elle la valait largement. Inutile de préciser que la nouvelle n'avait pas manqué de mettre Voyl dans une noire colère. Ce à quoi sa femme avait rétorqué que cet argent-là lui appartenait de plein droit. Une charmante ambiance qui les avait laissé en froid jusqu'à maintenant, où le couple entretenait simplement son image en gardant une distance respectable. Mais le cœur n'y était pas vraiment.

Lorsqu'ils arrivèrent à destination, les suivants du couple se hâtèrent de sortir pour faire les repérages dans le gigantesque complexe hotelier, Reshord le premier. Voyl et Shiney sortirent en dernier. Mais, au lieu d'aider Shiney à descendre comme il l'aurait fait en temps normal, le muun l'ignora, passant devant sans se retourner.

"Voyl ! siffla-t-elle, outrée, en lui assénant un regard courroucé.

Ce à quoi le banquier répondit en haussant les épaules d'un air égal.

"Allez-vous cesser de faire la tête comme un enfant ? le rabroua-t-elle en tentant de lui prendre le bras, sans succès.

-Madame, je cesserais de faire l'enfant le jour où vous serez un être responsable et non un panier percé !

-Ce n'est qu'une robe, tempêta Shiney en tentant de ne pas crier pour autant, et j'ai fait cela pour vous plaire... "

Ses yeux partirent loin sur la droite sans que sa tête ne suive. L'argument tomba à plat, Clawback la gratifiant d'un soupir agacé.

"Si vous souhaitiez réellement me plaire, lui glissa-t-il à mi-voix d'un ton dangereux, vous vous seriez renseigné, et sauriez déjà que je n'ai que faire de toilettes sophistiquées et hors de prix. Pour votre information, je déteste le rose."

Shiney baissa le regard sur les franges de dentelles roses et blanches qui décorait sa taille , le feux au joue. mais ne décoléra pas. Lorsqu'elle releva le nez, il avait continué sans elle, mains dans le dos, le regard en l'air pour détailler l'architecture ultra moderne et recherchée du lieu. Elle le rattrapa et parvint à le stopper en le tirant par le bras.

" Vous dites cela pour me faire sentir coupable ! Vous êtes ignoble !

-Si tel est le cas, je ne vous retiens pas, conclut Voyl en la dévisageant avec une calme sévérité, je ne voudrais pas vous imposer mon ignoble présence toute une soirée durant...

- J'ai promis de vous accompagner, je le ferais. Mais seulement si vous cessez de me traiter avec autant de...de... "

Elle lança ses bras sur les côtés sans parvenir à trouver le mot qu'elle cherchait.

"Je suis votre épouse, finit-elle par déclarer avec un nouveau port de tête royal, pas une gamine idiote que l'on traîne à une fête foraine ! Je souhaite simplement passer une bonne soirée. "

Il lui intima l'ordre de baisser d'un ton de la main gauche lorsqu'ils parvinrent à portée des oreilles des autres, acceptant enfin de saisir son bras comme elle l'avait espéré.

"Cela je le conçois, mais n'espérez pas me faire accepter vos lubies puériles à coup d’œillades ! Je n'approuve pas. Je le fais savoir. Point final. "

Et c'est sur cette note plutôt froide que le couple parvint à faire son entrée dans la cours du bâtiment où les attendait le reste de leur groupe.

" J'ai d'ores et déjà récupéré les chambres d'hôtel, déclara le secrétaire, satisfait de lui-même,

-Excellent, Hex, comme toujours. Par où entrons-nous ? Il me semble avoir vu une dizaine d'entrées dans ce complexe !

-C'est par là. "

A peine avaient-ils franchi l'immense seuil illuminé de la Gemme de Telerath qu'une silhouette reconnaissable à des kilomètres vint à eux avec un franc sourire. Les commissures de Clawback se relevèrent en un sourire poli, légèrement sarcastique. Doyle s'empressa de serrer toutes les paluches à sa portée : il ne tenait visiblement pas à perdre de temps en conjectures inutiles. D'ailleurs, un seul regard échangé avec le rédacteur en chef fit comprendre à Voyl que ce dernier avait des idées derrière la tête. Bien sûr, la présence de Clawback à un gala de charité n'était pas le fruit du hasard...

« Alors, Voyl, le voyage s'est bien passé ?

-Très bien, Ben, magnifiquement bien.

-Vous êtes déja v'nu sur Telerath? Il y a d'tout pour s'y plaire, pour les hommes comme pour les femmes ! »

Shiney s'efforça de sourire poliment en réponse au clin d'oeil de l'humain, tout en regardant son mari prendre les voiles au bras du coruscanti. Elle le soupçonnait d'en être soulagé.

"Je ne suis jamais venue, non, et je le regrette, dit Shiney de sa petite voix aérienne, c'est un endroit charmant. "

. Ils firent un bout de chemin ensemble, puis, arrivés sous une immense construction en cristal irisé, Clawback échangea un regard furtif avec Doyle : ils avaient à parler, si possible discrètement. Quand il sentit l'instance du bras de son acolyte, Voyl se tourna vers Shiney et Reshord :

" Prenez donc de l'avance, nous avons à parler. Nous vous rejoindrons un peu plus tard, si vous le voulez bien. "

Sous-entendu, ils n'avaient pas le choix. Clawback fit signe à Droomos, qui opina du chef et se plaça aux côtés de sa dame, avec un regard entendu à son employeur. L'héritière des Vault regarda son époux disparaître en compagnie du petit homme avec un air désespéré. Joyeux, le voyage de noces...

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Lorsqu'ils eurent quitté le hall et le champ de vision des autres, Voyl soupira en réajustant le col - pourtant impeccable - de sa chemise à jabot.

" Une bonne chose de faite, grinça-t-il d'un air sinistre, la soirée s'annonce longue. "

Il se tourna vers Ben avec un léger sourire et un air inspiré.

"Alors, dites-moi mon cher, où en sont les pétunias de nos plate-bandes ? Besoin d'engrais, je suppose ? "
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    « Aussi charmant que vous, ma chère. » adressa Ben, à l'attention de l'épouse de son ami.


Bon, rien de vrai là-dedans. Ben n'avait aucun appétit sexuel pour les Muuns. Avec certaines races, il ne pouvait décidément pas imaginer forniquer gaiement. Les grandes tiges de Muunilinst faisaient partie de ces espèces pour lesquelles Ben ne pouvait ressentir aucune attirance physiologique. Du reste, il n'était pas idiot : il n'intéressait sans doute pas les Muuns non plus. Quoi qu'il en soit, madame Clawback s'éloignait, prenant la direction d'un turbolift qui la conduirait à sa chambre d'hôtel.

    « Vous ne vous ennuierez pas, je vous assure! Je vous conseille le casino, vous y ferez sensation avec cette robe. »


Ben rit franchement puis cessa, à la vue du regard noir de son camarade. Avait-il dit quelque chose qu'il ne fallait pas? Bah, l'asperge dont il tenait le bras n'allait pas se formaliser pour si peu! Enfin, si justement... c'était bien le genre. Oh, tant pis pour lui, depuis le temps Voyl devait bien connaître l'esprit farceur du Coruscanti. Les deux compères quittèrent le hall, se retrouvant dans un large couloir, désert. Les invités avaient rapidement rejoint leurs appartements, afin de se reposer et de s'apprêter pour la soirée. C'est qu'il fallait être bien habillé pour paraître devant tout le gratin de la République!

Le journaliste eut un sourire à l'évocation du code qu'il avait utilisé.

    « Mon cher Voyl, j'espère qu'vous avez pris des brouettes de merde de banthas ahahahah! »


Toujours cet humour fin et distingué, faisant toute la différence entre Ben et ses collègues. Mais, après tout, c'était cette vulgarité sans complexe qui faisait le charme du gros bonhomme, le seul journaliste capable de traiter de fumier un sénateur en direct. Ca remontait à quelques années d'ici...

    « Allons allons, Voyl ne soyez pas si négatif... Il y a tant de plaisirs à déguster sur Telerath! Du travail nous attend, pour sûr, mais j'suis certain qu'ceux auxquels nous allons nous adresser ne rechigneront pas à quelques paillardises! Suivez-moi mon vieux. »


Joignant le geste à la parole, il montra la direction à suivre. Quelques instants plus tard, ils arrivèrent sur un espace à ciel ouvert, grande terrasse où se trouvaient des tables du restaurant de l'hôtel. Lorsque le temps s'y prêtait, c'est-à-dire presque toujours, les clients pouvaient déjeuner, dîner et souper ici, en profitant du vent frais de la mer et d'une vue superbe sur tout l'archipel de Noua. Ben amena son compagnon au bout de l'esplanade, où se trouvait une vieille rambarde de pierre.

    « Regardez-moi ça. C'est pas magnifique? »


D'ici, le regard pouvait embrasser la beauté du paysage telerathi. Les différentes îles formant l'archipel resplendissaient de couleurs vives et variées. Les bâtiments, dans le plus pur style local, étaient pour la plupart dorés ou rosés, des couleurs respectivement propres aux pierres calcaires et au marbre de Telerath. A cela, s'ajoutait les milles nuances de vert offertes par les forêts présentes sur le continent, et les énormes jardins agrémentant tel atoll ou tel île. L'eau, d'un bleu clair éclatant, était parcourue des reflets du soleil de fin de soirée, ce qui donnait l'impression que la mer était recouverte de fins diamants. Et, afin que les diverses masses terrestres émergeant de l'eau ne soient pas isolées les unes des autres, de beaux ponts reliaient les îles entre elles. Le climat semblait entièrement disposé à faire de ces lieux un véritable paradis. La température était idéale en cette fin de journée, tournant autour des vingt-six degrés, atténués par une brise légère et délicate. Au loin, on voyait apparaître d'élégants bateaux à voile, rentrant au port pour la nuit, tandis que dans les terres, on apercevait la figure moderne de l'astroport.

Si la vue cessait de se porter sur le lointain, pour se concentrer sur l'île où se trouvait la Gemme de Telerath, on pouvait voir, en contrebas de la terrasse, un jardin descendant en degrés, occupant ainsi toute la surface ouest du terrain, et arrivant sur une plage de sable fin, que l'eau de la mer venait caresser indolemment. Un accès en pierre serpentait à travers les niveaux, donnant accès à chacun de ceux-ci, et conduisant au rivage.

Sans dire un mot, Ben fit signe au Muun de bien vouloir venir flâner avec lui. Il ouvrit la marche, descendant les escaliers. Arrivé à mi-hauteur de la pente, Ben quitta les marches pour pénétrer dans les jardins de ce niveau. L'espace pour se promener était suffisamment large pour permettre à deux personnes de marcher de front. A un moment donné, le journaliste s'arrêta devant un arbre, sortit un petit couteau de sa poche et coupa la tige de deux beaux fruits orangés, au plus près de l'écorce. Il tendit l'une de ses acquisitions à Voyl, puis porta l'agrume à son nez. Le calme régnait en ces lieux, et seuls se faisaient entendre le bruit des vagues paresseuses, le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes fatigués.

    « Goûtez-moi cette orange, j'doute que vous n'en ayez savouré d'aussi bonnes. »


Et pour convaincre son invité de la véracité de ses propos, il arracha la peau du fruit et plongea ses dents dedans, veillant cependant à ne pas tâcher son costume dans l'opération. Aussitôt, Ben se délecta de cette orange si juteuse, pleine de sucre, porteuse d'une légère acidité venant exciter le palais. C'était tout simplement un délice. Il acheva ce cadeau de la nature puis se dirigea vers un banc, où il s'assit et invita son collègue à en faire de même.

    « Voyl, j'vous connais, et j'vais vous rassurer en disant que je vous ai pas amené ici que pour profiter de la beauté des lieux et d'oranges exquises. »


Ben avait dit ça en regardant le Muun, le buste tourné vers celui-ci, son bras gauche placé sur la longueur du dossier du banc. Il connaissait le banquier auquel il avait affaire, et s'il ne le croyait pas insensible aux charmes de la nature, le financier restait un financier. En réalité, il n'en allait pas bien différemment de Ben, qui, pour profiter des plaisirs de la vie, n'en oubliait pas moins les calculs et les intérêts.

    « Ici, nous pouvons discuter en toute tranquillité et discrétion. Comme vous vous'z'en doutez, cette soirée n'a pas qu'pour but de récolter des fonds pour les pauvres. La Chancelière a annoncé sa démission, vous l'savez. C'est l'moment ou jamais pour le FLR de percer dans la vie politique. D'une façon ou d'une autre, y a un profit à tirer de c'qui va maint'nant s'passer. Mais tout bon projet a b'zoin d'investisseurs... Si on veut qu'le FLR pèse au Sénat, alors faut du blé, d'l'oseille, du pognon, bref : du bifton. C'est vous l'trésorier, Voyl, vous savez c'qu'on a en caisses et c'qui nous faut pour peser dans la balance. L'moment est v'nu pour le beau monde de cracher du numéraire, et il y a tout intérêt. La vie est bien faite : du beau monde, c'est c'que j'ai rameuté c'soir. »


Ben sourit, fier de sa petite démonstration. Finalement, il n'apprenait rien de neuf à Voyl Clawback. La nécessité de trouver des financements auprès de riches individus pour le parti avait été évoquée plusieurs fois. Il s'agissait maintenant de mettre un oeuvre ce projet, à un moment charnière vu la situation politique.

    « Y a quelques personnes à qui faudra qu'on cause. Toïd Lavron, déjà, de BiscuitBaron, l'était à la réunion patronale. Ce mec est un con fini, sans intérêt, mais il connaît la maison des Tagge, vu qu'BiscuitBaron est une filiale de Tagge Company. Le gras Lavron peut nous introduire auprès des Tagge, y sont là aujourd'hui. J'pensais aussi à Gavor Tarlon, administrateur chez Chiewab Pharmaceuticals. J'le connais pas bien donc aucune garantie... mais qui ne tente rien n'a rien hein. M'a tout l'air d'être une sacrée tantouze, ci' dit. Z'avez des idées de cibles à viser? »


Il regarda autour de lui, laissant Voyl réfléchir un instant, puis subitement repartit sur un autre sujet.

    « Tiens d'ailleurs, ça va avec vot' femme, mon vieux? J'vous aurais jamais imaginé marié ahahah! Putain c'est pas pour moi, ça, en tout cas... Enfin, si j'peux permettre, ça avait pas l'air chaud-chaud tout à l'heure. Si vous voulez qu'j'épice la sauce, j'peux faire ça... Telerath offre toutes sortes de distractions héhéhé. »

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Telerath - Archipel de Noua - La Gemme de Telerath - 7:35pm

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La remarque badine et humoristique du journaliste fit blêmir Shiney déjà bien pâle. Sans un mot, elle se détourna d'eux et fila, accompagnée du reste des associés de Clawback. Furieux, Voyl eut toute les peines du monde à conserver un visage parfaitement neutre. Seul son regard violet se durcit, épinglant Doyle contre le mur d'en face avec la précision meurtrière d'un carreau d'arbalète. Aurait-il voulu le faire sortir de ses gonds qu'il ne s'y serait pas pris autrement, le tout sans même savoir de quoi il retournait ! Un flair légendaire, il fallait croire...

Peu enclin à s'en formaliser, le petit bonhomme rondouillet le tira à l'écart et ils s'en furent loin des yeux et des oreilles de la bonne société. Laissé à sa rogne, le muun finit par la jeter mentalement d'un revers de main, sa nature placide et flegmatique reprenant vite le dessus. Il y avait bien plus important pour l'heure que cette dispute idiote. C'est pourquoi, une fois seuls, il s'empressa de remettre la conversation sur les bons rails.

« Mon cher Voyl, j'espère qu'vous avez pris des brouettes de merde de banthas ahahahah ! »

Les commissures du représentant se pincèrent légèrement. Ben, encore et toujours Ben... Il aurait dû y être habitué depuis le temps.

" Hm, on peut le dire comme ça. Mais je doute que les brouettes en question apprécient de voir leur contenant traité de "merde de banthas". Simple détail. "

" Allons allons, Voyl ne soyez pas si négatif... Il y a tant de plaisirs à déguster sur Telerath! Du travail nous attend, pour sûr, mais j'suis certain qu'ceux auxquels nous allons nous adresser ne rechigneront pas à quelques paillardises ! Suivez-moi mon vieux. "

Voyl poussa un profond soupir, à l'instar d'un vieux père déjà fatigué de son rejeton turbulent. Il suivit Ben de bonne grâce cependant, suivant le coruscanti empressé de ses longues foulées nonchalantes. L'ancien banquier mena son invité par une terrasse tout droit sortie d'une holocarte postale. Le regard de Clawback se porta tour à tour sur le somptueux décors naturel et les ameublements de l'hôtel. La température le fit frémir de bien-être et un sourire s'esquissa sur son visage malgré lui. A l'invite de Ben, il se posta au bout d'une grand esplanade qui leur offrit une vue quasi onirique.

« Regardez-moi ça. C'est pas magnifique ?

-Je serais le dernier des hypocrites à vous dire le contraire. Voilà longtemps que je n'avais pu admirer une telle vue. Splendide. "

Ils restèrent face au soleil couchant une minute, la petite silhouette presque sphérique de Doyle à côté de celle, immense et filiforme, de Clawback, comme deux contraires complémentaires. Envahi par un profond sentiment de paix, Voyl ferma les yeux et inspira : le calme, le silence. Au final, il remerciait sincèrement le coruscanti de l'avoir mené ici à cet instant. Derrière cela se cachait peut-être le secret qui faisait de Ben l'un des seuls humains de la galaxie à posséder l'estime de Clawback. Car il semblait être l'un des seuls à le comprendre - ou du moins, à savoir ce qui lui importait vraiment.

Toujours en silence, partageant cet instant de détente complice, Ben le mena encore plus loin dans la propriété. ils descendirent en direction de la plage, se fondant dans la végétation luxuriante et parfaitement entretenue du grand jardin. Voyl regarda son acolyte cueillir deux oranges de belle taille et lui tendre la deuxième :

" Goûtez-moi cette orange, j'doute que vous n'en ayez savouré d'aussi bonnes ! "

Bien qu'il n'ait pas été spécialement friand des agrumes, le muun accepta le présent et imita son compagnon. Il n'était pas bien difficile de lui faire croire que celles-ci était les meilleures, pour le peu qu'il en avait goûté au travers de la galaxie. mais il avouait volontiers que le jus était sucré à souhait, juste comme il le fallait.

"Mm-m, affirma-t-il la bouche pleine, la mine pensive, ch'est fort probable. "

Probable et non certain, il restait prudent. Ils continuèrent leur descente, Ben à petits pas dynamiques, Voyl en quelques enjambées, tous deux finissant leur fruit en goûtant du même coup à la vue sur la mer embrasée.

" Voyl, j'vous connais, et j'vais vous rassurer en disant que je vous ai pas amené ici que pour profiter de la beauté des lieux et d'oranges exquises.

- A la bonne heure, dit Clawback avec une petite note de rire, ravi de revoir le financier perspicace en vous, grand poète. "

Ben dénicha un banc à l'écart dans l'ombre des jardins et Voyl l'y suivit. Il se courba avec précaution et croisa ses longues jambes squelettiques devant lui.

" Ici, nous pouvons discuter en toute tranquillité et discrétion. "

Voyl redressa la tête et toisa les alentours d'un air inquisiteur.

"Admettons. "

Même s'il n'admettait jamais rien d'office. Son petit brouilleur artisanal toujours dans la poche intérieure de son veston, et personne dans les parages, il s'autorisait à faire confiance à Ben. Les muuns, tout comme les neimoidiens, avait un vieux fond d'éternels inquiets, pour ne pas dire paranoïaques. Peut-être due à leur grande vulnérabilité physique. Derrière leur assurance à toute épreuve demeurait une vigilance de tout instant, parfois à la limite du ridicule.

" Comme vous vous'z'en doutez, cette soirée n'a pas qu'pour but de récolter des fonds pour les pauvres. La Chancelière a annoncé sa démission, vous l'savez. C'est l'moment ou jamais pour le FLR de percer dans la vie politique. D'une façon ou d'une autre, y a un profit à tirer de c'qui va maint'nant s'passer. Mais tout bon projet a b'zoin d'investisseurs... Si on veut qu'le FLR pèse au Sénat, alors faut du blé, d'l'oseille, du pognon, bref : du bifton. C'est vous l'trésorier, Voyl, vous savez c'qu'on a en caisses et c'qui nous faut pour peser dans la balance. L'moment est v'nu pour le beau monde de cracher du numéraire, et il y a tout intérêt. La vie est bien faite : du beau monde, c'est c'que j'ai rameuté c'soir. "

Le regard dans le vague, Voyl se sentait désormais de bien meilleure humeur. Au calme, dans le silence, à discuter de sujets fichtrement intéressant avec une personne qu'il appréciait. Que demander de plus ?

"Hm, fit-il, le regard perdu à l'horizon, un doigt pensif soutenant son menton, "blé, oseille, pognon, bifton"... ou "friche", "fraîche", "flouze", "thunes", "ferraille", "grisbi", "picaillons", "pécule", "carbure", "radis", "fifrelins", "pépètes", "monnaie", "liquidité", "ronds", "frusquin", "quibus", "douilles", "trésorerie", "boules", "sous", "pèse", "recettes", "briques", "avoine", "talbins", "rafia", "braise", "glatouse", "lard", "monaille", "beurre", "trèfle" et j'en passe... C'est tout de même extraordinaire de constater la richesse du basic en ce qui concerne la notion d'argent, non ? "

Clawback était de bonne humeur, chose rare, mieux encore, il était enthousiaste. En témoignait le ton étonnamment léger de sa voix, d'habitude si morne et grave. Il déplia son bras et se cala contre le dossier du banc pour se tourner vers Ben. Il revint à un ton plus sérieux, entrant en mode calcul pour ne plus en sortir de si tôt.

"Lavron, oui, un jeunot aux dents ayant creusé des tranchées dans le permabéton. Une proie facile dès qu'il y aura vu son intérêt. J'ai déjà eu affaire aux Tagge. Pour peu qu'ils soient sûrs que leur image ne s'égratignera pas dans l'affaire, il suffira de leur présenter des garanties concrètes : pas du genre à confier des fonds pour de vaines promesses, si vous voyez où je veux en venir... "

Son regard se baissa au fur et à mesure de ses paroles, jusqu'à tomber sur ses propres souliers.

" Pour ma part, je pourrais sans conteste tenter ma chance auprès des Seitons, du secteur de Ryloth. Leur isolement médiatique les rend très attentifs à la moindre publicité qui peut leur être faite. Un gage de ma part de diffuser leurs offres devraient les mettre en bonnes conditions. Mais les sommes ne seront peut-être pas astronomiques. Bien sûr, il y a aussi les actionnaires de C.E., et...oui, Galactic Funding Partners sera certainement intéressée de savoir qu'une politique libérale se met en place au Sénat. "

Tandis qu'il continuait à passer mentalement en revue ses carnets d'adresse, Ben eut soudain l'excellente idée de détourner la conversation. Voyl se figea en plein vol, tout son enthousiasme retombant comme une violente et courte averse.

" Tiens d'ailleurs, ça va avec vot' femme, mon vieux? J'vous aurais jamais imaginé marié ahahah! Putain c'est pas pour moi, ça, en tout cas... Enfin, si j'peux permettre, ça avait pas l'air chaud-chaud tout à l'heure. Si vous voulez qu'j'épice la sauce, j'peux faire ça... Telerath offre toutes sortes de distractions héhéhé. "

Un silence inquiétant suivi les propos de Doyle. Voyl, la main toujours calée sous le menton, regardait devant lui. Ses iris pivotèrent lentement en direction de Ben avec une expression que n'aurait pas renié un Sith en chasse. Par tous les agios dus et à venir, pourquoi fallait-il qu'il se mêle de ça ? Clawback serra les mâchoires.

" Moi non plus, je ne me serais jamais imaginé marié, dit-il d'une voix terriblement calme, mais, Ben, voyez, la différence entre vous et moi est que vous ne risquez certainement pas d'être pointé du doigt par toute une planète si vous ne respectez pas des règles plus vieilles que la République elle-même. Du moins, pas que je sache sur Coruscant... "

Il soupira pour la troisième fois de la soirée. Cette fois de déception.

"Par pitié, Ben, ne me faites pas l'affront de croire que cette union est spontanée. Nous n'avons rien d'autre à nous promettre qu'une prospérité future pour nos lignées. Je ne suis pas fait pour être en couple - je pense que cela ne vous étonne guère - et n'en tire qu'une satisfaction d'ordre purement rationnel. Nous nous supportons, ce qui est déjà une grande victoire. Peut-être nous apprécierons-nous avec le temps. "

Il avait dit tout cela d'un ton presque triste. Car, quand bien même l'effondrement de la galaxie sur elle-même ne l'aurait pas fait dévier de ses convictions, il y avait désormais un nouveau paramètre en jeu : une jeune twi'lek aux yeux d'or. Qui le faisait sentir autant coupable que furieux. Shiney, dans son ignorance, n'était en rien responsable de ce dilemme atroce, mais en faisait malgré tout les frais. Comment était-il sensé faire la cour à sa propre femme alors que ses cœurs étaient à une autre ? Une équation insoluble qui le rongeait en silence.

La dernière proposition de Ben lui tira une légère grimace. Il avait beau de pas éprouver grand chose pour Shiney, il sentait malgré tout le poids de la responsabilité qui était désormais la sienne au regard de sa famille et de celle des Vault : avoir un héritier qui puisse prendre leurs œuvres millénaires en main lorsqu'ils ne seraient plus. Et ce n'était pas en se regardant en chien de faïence qu'ils y parviendraient...

" Mais... soit. Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix. Si je n'y mets pas du mien, la situation n'évoluera pas dans une direction favorable seule ! Alors, ma foi, si vous avez des idées - entendons-nous bien, rien qui ne fasse outrage aux bonnes mœurs - je vous écoute. "

Il se demandait d'ailleurs ce que le ventripotent journaliste pouvait avoir derrière la tête pour lui faire pareille proposition...
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Ben s'étonna de voir ainsi le Muun se livrer sur sa relation conugale sans trop de difficulté. Certes, le gros journaliste avait suscité cet épanchement, mais que Voyl botte en touche n'aurait pas été étonnant. Le banquier avait sa pudeur, chose inconnue de Ben Doyle. Pour le meilleur comme pour le pire. Souvent le pire, d'ailleurs...

De sa petite paluche boudinée, le Coruscanti tapota gentiment le maigre bras de son camarade de machinations politiques. En réalité, le journaliste était ravi d'être consulté sur une question sentimentale de ce type et entendait bien y répondre en détails. Bien que nul ne le sache, il arrivait que le rédacteur en chef du Post écrive, de temps à autre, et sous pseudonyme, un article dans la rubrique féminine du journal. C'est qu'il avait toujours été proche des femmes. Proche de sa mère, proche de ses cousines, ami de bien des demoiselles sur les bancs de l'école comme de l'université, et conquistador de nombreux cœurs. Le physique n'était pas l'avantage de Ben, mais l'assurance et la tchatche compensaient aisément. Et tout cela c'était avant qu'il ne devienne riche... Sa fortune assurée, les femmes s'étaient succédées. Et, de toute manière, en cas de pénurie, il n'hésitait pas à faire appel à une péripatéticienne expérimentée, ou à se rendre dans une luxueuse maison close de sa connaissance. C'est donc avec un visage assuré et goguenard que Ben décida de répondre à son ami, cependant bien conscient de sa détresse.

    « Les bonnes moeurs? Quelle blague! Je vous ai connu à une époque où ça n'vous importunait pas trop... »


Il fallait certes remonter à trente ans. Ils étaient jeunes, ambitieux... le Muun avait réussi à séduire une belle serveuse twi'lek.

    « Mais soit. Vot' milieu veut ça, j'imagine... »


Ben se gratta le menton, plissant les yeux avec science.

    « Hé bien tout d'abord, c'est très simple, vous devriez vous intéresser à elle. Oh, z'êtes pas obligés d'y croire vraiment, Voyl. Les affaires de bonnes femmes sont rarement passionnantes. Mais... faites semblant. C'que vous voulez c'est avoir la paix non? Si c'est son amour bah... z'y arriverez p'têt aussi, mais l'principal c'est d'pas avoir d'emmerdes. Charité bien ordonnée commence toujours par soi-même, comme disait ma grand-mère! »


D'une poche intérieure de sa veste, Ben sortit un paquet de cigarettes. Le vice n'était jamais bien loin avec le Coruscanti, et il proposa à Voyl d'en partager la suavité. Le briquet étincela, maigre lueur faisant un bien faible écho à l'ombre rougeoyante du soleil réchauffant Telerath.

    « Vous devriez faire un truc à deux. Pas ce truc-là... Enfin, si. Mais faut qu'vot' femme vous kiffe. J'sais pas, aller à l'opera, faire du patinage artistique, aller à la pêche... »


Décidément, les conseils judicieux se bousculaient au portillon. Ben éjecta de son gosier une fumée acre et continua, plus sérieux.

    « Profitez de Telerath, Voyl. Bon, j'imagine qu'les Muuns trouvent pas leur bonheur dans un casino... Mais y a tout pour rendre heureux ici. On a des cinés, un théâtre, un opera, des resto's d'luxe... Des centres de bien-être, des spas... Ca sauvera pas vot' couple mais pt'être qu'ça mettra Shiney de bonne! Les femmes apprécient qu'on pense à elle. Ou en tout cas qu'on fasse semblant. Rien vous oblige à aimer c'te femme. Et, sans vouloir être défaitiste, si elle vous plaît pas maint'nant y a peu d'chances pour que ça vienne ensuite. Mais vous pouvez éviter d'vous faire la gueule pour les dizaines d'années à v'nir. Parce qu'à moins qu'vous divorciez, ça va être long. Autant rendre les choses le moins difficile possible. »


Il écrasa sa cigarette contre le banc, l'éteignant, puis la fourra dans un mouchoir qu'il mit dans sa poche. Il réfléchit un instant puis afficha un sourire en coin, caustique.

    « C'que j'vais vous dire va pas vous plaire mais... laissez-la dépenser du fric. L'avez oublié, c'mot-là, d'ailleurs. C't'une Muun mais pas moins une femme. Si vous pouvez pas la satisfaire sur l'plan sentimental, faites-le au moins sur l'plan matériel. C'pas comme si vous pouviez pas vous le permettre, hein. Z'aurez la paix, comme ça. Et si elle vous dit trop rien... Que j'sache il est pas interdit d'aller voir ailleurs! Qu'est-ce qu'y a d'criminel à avoir une maîtresse? Le seul crime c'est d'se faire prendre. Pour le reste... »


Le journaliste fit un geste vague, évoquant quelque chose d'étrange.

    « Voyl, vieille carne, rien ni personne pourra vous obliger à piffer vot' femme. Mais ç'pas une raison pour qu'vous vous fassiez la gueule pour les décennies à v'nir. Pis, p'têt qu'elle vous plaît nin, mais ça n'empêchera pas de devoir faire des petits muuns! On vous a pas collé une femme dans les bras juste pour la sortir dans des galas j'suppose. Profitez des avantages de Telerath... Les femmes adorent les plages de sable fin comme vous voyez là en bas. Un peu d'blabla romantique et hop, z'aurez assuré la succession de la glorieuuuuuse lignée Clawback. M'oubliez pas comme parrain d'un d'vos gosses. »


Ben regarda sa montre. Déjà huit heures passée! Il était temps de retourner à l'hôtel. Ben se leva difficilement de son banc et étira ses membres.

    « C'que j'vous ai dit vous semble sans doute pas très utile, hein? C'pas vot' genre tout ça mon vieux, mais pensez-y, réfléchissez-y... Et arrêtez d'broyer du noir. Au diable les doutes et les incertitudes morales. C'monde est fait pour pour profiter d'la vie, z'en aurez qu'une. Assouvissez les désirs de Shiney dans la mesure du possible, pour l'reste s'il vous faut une maîtresse prenez-en. »


Ils remontèrent les marches en pierre menant à l'esplanade qu'ils avaient quittée un peu plus tôt. Ben ne savait trop si ses fameux conseils aideraient son ami. A vrai dire, il subodorait qu'il y avait derrière le visage un peu triste de Voyl un peu plus qu'il n'en disait. Le Muun ne lui avait pas tout dit... avait-il du renoncer à un amour profond pour un mariage fade? Ou n'y avait pas renoncé? Ou, tout simplement, voulait-il être seul et le rester? Ou sa solitude le pesait et n'en était que plus forte dans le cadre d'un mariage obligé? Le Coruscanti s'était abstenu de poser toutes ces questions. Voyl s'était déjà fort confié à lui, ce qui n'était pas son genre. Le presser n'aurait servi à rien, et Ben respectait l'envie de discrétion de son ami. L'amour comme l'amitié ne pouvaient faire tomber toutes les barrières de l'intimité, ce qui était heureux.

Quelques instants plus tard, les deux hommes se retrouvèrent dans un vaste salon de la Gemme de Telerath.

    « J'devrai faire une allocution d'ici une grosse demi-heure... On a l'temps d'boire un verre et d'causer un peu ici et là. »


En effet, quelques personnes étaient déjà présentes. Il s'agissait pour la plupart d'individus de sexe masculin qui, ayant terminé de se préparer dans leur chambre, étaient descendus prendre un apéritif, tandis que leurs femmes continuaient de s'apprêter.

    « Le programme de la soirée est simple : j'prends la parole pour annoncer la bienvenue blablabla... Puis on bouffera, dans la grande salle. Ensuite, les invités vont normalement faire un don, en observant un p'tit spectacle. Après... chacun fait comme il l'sent. On cause, on boit, on fume... Certains se rendent au casino, à l'opera. Vous mangez à ma table, j'vous rassure. »


On était arrivé au bar.

    « Deux ergesh, avec des glaçons! Comme au bon vieux temps Clawback héhéh! »


Aussitôt dit, aussitôt fait. Il prit un verre et tendit l'autre à son compagnon, puis remarqua que cet gros porc de Toïd Lavron était au bar. Le bonhomme n'était pas bien vieux, mais tellement énorme qu'il faisait plus âgé qu'il ne l'était en réalité. L'actionnaire de BiscuitBaron, filiale de la Corporation Tagge, aspirait avec une paille le contenu de son cocktail. A ses côtés se trouvait un homme inconnu de Ben. Il fit un clin d'oeil à Voyl et s'avança vers les deux individus.

    « Messieurs, comment allez-vous? Alors, Lavron, votre femme se prépare toujours? Laissez-moi vous présenter monsieur Clawback, du Clan Bancaire Intergalactique. Vous vous êtes rencontrés lors de la réunion patronale, y a quelques mois. »


D'un geste aimable il introduisit son ami muun, attendant que l'obèse Lavron en fasse de même concernant l'individu avec qui il discutait.
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Pour Voyl, Ben avait toujours été... un humain. Un humain très humain, un peu trop peut-être. Parfois, les humains étaient vraiment trop humain !

« Les bonnes mœurs? Quelle blague! Je vous ai connu à une époque où ça n'vous importunait pas trop... »

Le muun soupira : au final, se confier à Ben avait peut-être été une erreur... Il doutait d'avoir la même vision des choses que son rocambolesque ami. Il avait cru que se faisant, dans cette ambiance d'intimité détendue à grand renfort de couché de soleil sur mer d'azur, il se serait débarrassé d'un poids. A présent, il n'en était plus tout à fait certain.

« Mais soit. Vot' milieu veut ça, j'imagine... »

N'importe quel milieu ayant un minimum de savoir vivre dans sa tradition, eut-il envie de répliquer, mais il préféra se mordre la lèvre pour ne rien dire. Voyl voulait être au-dessus de ça. Surtout aujourd'hui. Il n'allait pas laisser ses affaires de couple prendre le pas sur le reste, c'était hors de question.

" Vous imaginez plutôt bien quand vous voulez, Ben. "

Ce qui n'était pas qu'une figure de style. L'ancien banquier avait un certain flair, Clawback le lui concédait volontiers. Il n'était pas né de la dernière pluie même s'il manquait parfois sérieusement de tact. Mais Doyle lui rappelait que c'était justement sa manière de mettre les pieds dans le plat qui plaisait tant à ses lecteurs.

" Hé bien tout d'abord, c'est très simple, vous devriez vous intéresser à elle. Oh, z'êtes pas obligés d'y croire vraiment, Voyl. Les affaires de bonnes femmes sont rarement passionnantes. Mais... faites semblant. C'que vous voulez c'est avoir la paix non? Si c'est son amour bah... z'y arriverez p'têt aussi, mais l'principal c'est d'pas avoir d'emmerdes. Charité bien ordonnée commence toujours par soi-même, comme disait ma grand-mère !

-Elle était très avisée, ricana Voyl, tout à fait d'accord sur ce merveilleux principe. Mais, sans vouloir vous offenser, êtes-vous certain de savoir où vous mettez les pieds ? "

Sous le ton de la rigolade, le représentant se demandait vraiment ce qui valait à son improbable allié de se transformer ainsi en agent matrimonial, lui qui n'avait jamais su garder une femme de sa vie... Il regarda alors le petit homme replet sortir deux cigarettes et lui en fourguer une d'office dans la main. Le muun ne fumait pas, et ce n'était pas faute de refuser systématiquement tout ce qu'on pouvait lui proposer. La raison se rappela rapidement à lui lorsque, pensif et emporté par sa réflexion, il porta machinalement la cigarette à sa bouche en imitant l'humain. La quinte de toux que la fumée lui arracha manqua de le laisser pour mort. Mais sa détresse respiratoire ne découragea pas Doyle, qui, d'une tape dans le dos, continua son laïus sentimental. Voyl tenta de suivre malgré la brûlure infligée à ses poumons, et il eut toute les peines du monde à se redresser plus dignement sur le banc.

"Profitez de Telerath, Voyl. Bon, j'imagine qu'les Muuns trouvent pas leur bonheur dans un casino... Mais y a tout pour rendre heureux ici. On a des cinés, un théâtre, un opera, des resto's d'luxe... Des centres de bien-être, des spas... Ca sauvera pas vot' couple mais pt'être qu'ça mettra Shiney de bonne! Les femmes apprécient qu'on pense à elle. Ou en tout cas qu'on fasse semblant. Rien vous oblige à aimer c'te femme. Et, sans vouloir être défaitiste, si elle vous plaît pas maint'nant y a peu d'chances pour que ça vienne ensuite. Mais vous pouvez éviter d'vous faire la gueule pour les dizaines d'années à v'nir. Parce qu'à moins qu'vous divorciez, ça va être long. Autant rendre les choses le moins difficile possible.

-Oh, j'imagine bien quels genre de choses on peut trouver sur un monde qui vous appartient Ben ! rigola à moitié Voyl, jusque-là rien ne m'étonne. Le contraire m'aurait inquiété, à vrai dire. Car s'il est vrai que je ne trouverai pas mon bonheur dans un casino - il n'y a aucun hasard là-dedans, aucun véritable défi à qui connait les mathématiques - mais l'idée en elle-même n'est pas mauvaise. J'oserai dire que tout ce qui participe de près ou de loin à l'économie d'un monde ne peut pas être une mauvaise idée en soit. Seule la réalisation technique peut s'avérer défaillante. Pour en revenir à votre propos, sachez que ni Shiney ni moi n'avions l'intention d'introduire un paramètre pareil dans notre relation... L'amour, je veux dire. C'est une notion qui vous paraît familière mais qui ne l'est pas autant pour nous. Nous sommes en bons termes, ce qui est effectivement assez rare "dans le milieu", comme vous dites. Vous comprendrez certainement un jour... Je vous le souhaite.

Clawback ne savait pas s'il venait de lui souhaiter bonne chance ou tout le malheur du monde. Car s'il faisait le bilan de cette année écoulée, son mariage et ce qui en avait découlé n'avait pas forcément été la meilleure chose qui lui soit arrivée. Alors qu'on lui avait promis le contraire autant qu'il avait voulu l'entendre. Dans toute la galaxie, les mariages étaient toujours synonyme de joie, de fête. Pour Voyl, mariage avait surtout rimé avec fatigue, embarras divers et chamboulements pas forcément bienvenus de sa vie bien huilée de célibataire overbooké jour et nuit.

« Vous devriez faire un truc à deux. Pas ce truc-là... Enfin, si. Mais faut qu'vot' femme vous kiffe. J'sais pas, aller à l’opéra, faire du patinage artistique, aller à la pêche...

-Du ... ? Oh, pour l'amour du Trésor, Doyle... Moi sur une patinoire ?! Vous voulez ma mort, ma parole ! "

Le muun se passa une main lasse sur les yeux. Ben Doyle restait Ben Doyle, quoi que l'on fasse. Au final, n'était-ce pas pour ça qu'il l'appréciait ? Ce personnage décalé, toujours à la limite de la grossièreté et pourtant capable de la plus grande distinction s'il s'en donnait la peine ? Clawback appréciait Doyle, surtout pour sa capacité à lui rappeler tout ce que lui-même n'était pas. Une sorte de symétrique, qu'il lui arrivait de prendre un peu en pitié sur les bords, tant ses considérations grivoises étaient à des parsecs de ses idées à lui.

" C'que j'vais vous dire va pas vous plaire mais... laissez-la dépenser du fric. L'avez oublié, c'mot-là, d'ailleurs. C't'une Muun mais pas moins une femme. Si vous pouvez pas la satisfaire sur l'plan sentimental, faites-le au moins sur l'plan matériel. C'pas comme si vous pouviez pas vous le permettre, hein. Z'aurez la paix, comme ça. Et si elle vous dit trop rien... Que j'sache il est pas interdit d'aller voir ailleurs! Qu'est-ce qu'y a d'criminel à avoir une maîtresse? Le seul crime c'est d'se faire prendre. Pour le reste...

Heureusement pour Voyl, sa grimace, vue de l'extérieur, s'apparentait suffisamment à de l'horreur pour que la cause en soit parfaitement mal interprétée.

" De... Quoi ?! "

Non. Son cerveau lui vint à la rescousse : il était statistiquement impossible que Doyle sache quoi que ce soit. Même le n'en savait rien... Alors le Coruscant Post ? Mais la méfiance du muun était en éveil et le processus inverse était plus que complexe à mettre en place. On pouvait rapprocher ça d'une certaine paranoïa.

"Hm... Vous savez, je ne suis pas... enfin bref. Disons simplement que nous n'avons pas les mêmes schéma sociaux-culturels ! Rien de mal à ça. "

C'était amusant, en fin de compte. Du moins, dans le contexte actuel : Voyl savait qu'il ne l'aurait pas aussi bien pris de la part d'un autre, ou même en public. Mais ici, à l'abri des regards et face à l'océan, il s'en moquait. Il avait juste l'impression de se livrer à une scéance de thérapie psychologique gratuite, ce qui avait de quoi le satisfaire.

" Shiney n'est pas plus dépensière qu'une autre je suppose. Disons simplement que ses lubies ne sont pas les miennes. Je n'ai jamais compris les femmes, de toute façon. Elles ont des intérêts qui me dépassent. Comme cette manie de vouloir toujours les nouveautés à la mode... Alors que la plupart sont absolument horribles !"

Il aurait sans doute beaucoup de mal à s'y faire. Mais les muuns, homme comme femme, étaient bien trop attachés à leurs fortunes pour la dilapider inconsidérément. Et Shiney avait beau aimer les belles toilettes, il la savait trop maline pour penser piocher dans la caisse sans être certaine d'en tirer profit d'une manière ou d'une autre. Ce qui ne l'empêchait pas de ne pas apprécier ses gamineries. Voyl remarqua alors que la cigarette qu'il n'avait quasiment pas touchée s'était éteinte d'elle-même entre ses doigts. Il la laissa tomber dans le parterre de fleur lorsqu'ils quittèrent la petite alcôve de verdure pour regagner les hauteurs de la Gemme. Mains dans le dos, Clawback laissa de nouveau son regard errer sur les splendeurs de Telerath, profitant aussi des quelques minutes où il était encore à l'abri des regards et du bruit permanent qui allait les assaillir sous peu.

Ce fut presque à reculons qu'il pénétra dans le hall, où les éclats de voix ne tardèrent pas à leur parvenir. Voyl réajusta sa veste d'un geste ferme et emboîta le pas à Doyle, qui ouvrait la marche parmi la petite foule d'invités de marque qui s'était pressée vers les buffets. Fidèle à lui même, le journaliste fonça sur le bar.

« Deux ergesh, avec des glaçons! Comme au bon vieux temps Clawback héhéh ! »

"Ben... Je ne pense pas que ce soit très raisonnable, le rabroua-t-il sur le ton de la confidence, nous ne sommes pas venus faire la fête, mais bien décrocher quelques partenariats intéressants... L'ergesh peut poser plus de problème qu'en résoudre. "

Toujours prêt à jouer les rabats-joie, Clawback remplissait aussi son rôle de garde-fou, avec un Ben Doyle prompt à partir au quart de tour, quitte à oublier ce qu'il était venu faire au départ. Il considéra le verre qu'on lui servit avec un air sévère, se contentant de s'en saisir sans y toucher.

« Messieurs, comment allez-vous? Alors, Lavron, votre femme se prépare toujours? Laissez-moi vous présenter monsieur Clawback, du Clan Bancaire Intergalactique. Vous vous êtes rencontrés lors de la réunion patronale, y a quelques mois. »

Le regard de l'homme remonta vers le visage haut perché de l'alien, qui s'inclina légèrement en guise de salut. Un sourire convenu éclaira la face énorme de l'humain, qui devait être proportionnellement presque une fois et demi plus gros que Doyle. Ce qui réduisait encore davantage Clawback à l'état d'alien rachitique.

"Ah ! Oui, bien sûr ! Suis-je bête ! Je me disais bien que votre tête ne m'était pas inconnue... Enchanté !

-De même, monsieur Lavron. "

Voyl se tourna vers le deuxième homme, resté un peu à l'écart face à la familiarité dont Doyle et Lavron faisait preuve. Le regard améthyste du muun détailla rapidement les traits de : le teint très mat et les délavés connotaient sans doute une ascendance proche-humaine. Lequel s'empressa de lui sourire, un peu gêné.

" Je crois que nous nous connaissons également, monsieur...?

-Llegar'mos, Slifer Llegar'mos de Mimban, fit l'homme en serrant les mains avec nervosité, c'est fort probable, oui. J'ai déjà eu affaire au CBI l'an passé, dans le cadre d'un prêt accordé à la société Stellar Storage.

-Ah ! En effet, je me souviens d'avoir vu passer ce dossier, dit Voyl avec un hochement de tête. Les affaires ont-elles repris depuis ?

-Plutôt ! Nous pensons finir dans le positif avant la fin de l'année standard.

-Une bonne nouvelle, hein ? fit Lavron avec un clin d’œil à Clawback, ce sera toujours ça de pris pour rembourser, héhé. "

Llegar'mos eut un sourire forcé, qui disparut à la faveur d'un petit four très à propos. Voyl lança un regard en biais à Ben. Ils avaient là deux cibles potentielles. Faisant mine de goûter à son erguesh du bout des lèvres, le muun prit Llegar'mos sous son aile.

" Stellar Storage... Dites m'en un peu plus là-dessus. Des opportunités, dans votre secteur ? Nous pourrions certainement envisager de vous aider, surtout en des temps aussi troublés dans la galaxie. En quoi consiste votre poste, chez Stellar, exactement ? "

Sous son air dégagé, on pouvait sentir tout "l'intérêt" qu'il portait soudain au proche-humain. Lequel se racla la gorge, trop heureux de pouvoir débiter son discours de parfait commercial bien rodé. La soirée allait être longue, pensa Clawback, mais certainement plus intéressante qu'il ne l'avait espéré. S'ils jouaient finement, le FLR aurait de nouveaux soutiens... et eux, de bons partenaires commerciaux et financiers.
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>>>>>A Naboo, je préfère Telerath. Que l'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit : j'apprécie la première, bien sûr. La préférence relève grandement de mes goûts personnels : les grandes baies vitrées des palais au bord de la mer où poussent, çà et là, de minuscules îlots, par exemple. Ma présence sur cette planète se fait malheureusement trop rare, je passe beaucoup plus de temps sur les planètes métalliques et industrielles comme Coruscant ou Corellia qui, elles, gardent un charme certain mais à mille lieux de celui de la planète insulaire.

>>>>>J'étais arrivé sur Telerath en fin d'après-midi afin d'assister à la soirée qui regroupaient les êtres intelligents les plus influents dans la galaxie des affaires. Un événement que je ne pouvais, par conséquent, pas me convaincre de rater sous quelque prétexte que ce fut. J'avais élu domicile dans la suite d'un grand hôtel luxueux situé à deux îles à peine du lieu de la soirée, dans l'archipel de Noua. Une fois parvenu à ma chambre, on me fit monter un costume de soirée d'une élégance rare, une bouteille de whisky corellien et un panier dans lequel se tenaient mes cannes les plus luxueuses. Après un court moment à regarder le soleil se dissimuler dans l'horizon bleu de l'océan, je décidai d'enfiler mon costume et de choisir ma canne. Un bref moment d'hésitation plus tard, je ressortis de la chambre en me tenant sur une canne magnifique composée de mica et portant, dans la main droite, un verre dans lequel reposait le fameux whisky.

>>>>>Plusieurs minutes plus tard, un chauffeur humain vint frapper à ma porte pour me conduire jusqu'à la navette qui allait m'emmener jusqu'au lieu de la soirée. Nous descendîmes jusqu'à ladite navette, y montâmes et je m'assis sur l'un des sièges en patientant. Après quelques minutes de vol seulement, la navette se posa dans la cour du palais dans lequel le gala avait déjà débuté. Je descendis de la navette et cette dernière s'envola de nouveau presque immédiatement. Je montai les escaliers menant à l'intérieur et, à peine entré, je fus salué par plusieurs têtes qui m'étaient familières mais inintéressantes. Nous nous remerciâmes mutuellement pour nos présences ici et nous saluâmes trop chaleureusement pour que ce fût sincère.

>>>>>Quelques poignées de mains plus tard, j'arrivai enfin jusqu'à un grand buffet sur lequel étaient servis plusieurs mets fins et où un barman zeltron servait à tour de bras des boissons alcoolisées vraisemblablement très onéreuses. Je demandai un whisky corellien et commençai à y tremper les lèvres quand j'aperçus, du coin de l’œil, une discussion entre Ben Doyle et Voyl Clawback, ce dernier n'étant ni plus ni moins que l'un des grands manitous du Clan Bancaire Intergalactique. Ce Muun était certainement l'un des seuls êtres pour lequel j'avais un quelconque intérêt à cette soirée, les autres faisaient plutôt partie du décor. En attendant que sa discussion soit terminée et que j'évite de m'introduire dans une discussion dans laquelle je n'étais pas invité, je décidai de regarder la foule tout en gardant un œil discret quoique vigilant sur lui.

>>>>>Les amateurs de fête semblaient satisfaits en cette douce soirée où un orchestre Bith tout à fait raffiné jouait sur la scène et masquait à peine le bruit des vagues que l'on entendait s'écraser, au loin, le long des plages de l'île de l'archipel. Les invités, eux, discutaient et dansaient, tous vêtus élégamment et se comportant de la façon la plus distinguée possible. Çà et là, je remarquais les visages de quelques notables auxquels je devrai certainement adresser la parole dans la soirée. Je pouvais voir aussi, parsemant les notables, quelques célébrités du monde artistique qui étaient venues-là certainement pour ajouter une sorte de prestige tape-à-l’œil à l'événement. En tendant l'oreille, je captais quelques bribes de conversations auxquelles je n'arrivais décidément pas à m'intéresser tellement celles-ci me semblaient banales et dont la platitude rappelaient les discours des sénateurs du Rassemblement Républicain.

>>>>>Après un court moment de solitude, je me décidai à agir et à rejoindre monsieur Clawback qui venait de terminer sa discussion. J'avançai lentement mais avec assurance et, une fois face à lui et son regard posé sur moi, m'inclinai respectueusement avec une déférence toute protocolaire. Je relevai la tête pour regarder le visage plat de l'homme d'affaires Muun. Je lui adressai un sourire de politesse.

>>>>>"Bonsoir, monsieur Clawback. C'est un plaisir de vous revoir."

>>>>>Je posai mon verre sur le buffet qui se situait près de nous et changeai ma canne de main. Je me retournai vers la foule tout en tâchant de rester, dans mon langage corporel, disponible pour la réponse de mon interlocuteur.

>>>>>"Un magnifique endroit pour une telle occasion, ne trouvez-vous pas ?"
Invité
Anonymous
Aucune fortune n'est bâtie sur l'amitié des pauvres. Voilà la raison qui pousse aujourd'hui le sénateur de Rendili à se rendre sur Telerath. Un gala composé du gratin de la galaxie. De riches entrepreneurs d'un peu partout. Aujourd'hui, il était plus que ça, mais malgré tout Remis restait un membre influent du conseil d’administration des entreprises Rendilienne, un entrepreneur également à l'origine donc. Là où il allait faux-semblants, mensonge et belles paroles étaient les maîtres-mots, un endroit charmant, vraiment.

Ce genre de personnes n'étaient pas les personnes les plus inoffensives, s'il se plaisait à un petit jeu de parole le sénateur préférait pourtant la compagnie de ceux qu'il pouvait aisément manipuler, c'était moins compliqué, et plus simple d'apprécier une conversation en un seul sens qu'un dialogue enflammé, aussi intéressant puisse-t-il être. Pourtant Remis était là, sur une planète qu'il n'avait encore jamais visitée, pour un repas dans lequel il se devait de faire bonne figure.

Face à un miroir le sénateur observe le costume riche dans lequel il va parader ce soir. Le genre de bel ouvrage qu'il prend plaisir à commander et à porter, un signe de son rang pour lui, ceux-ci ne feront donc qu'être de mieux en mieux. Tandis qu'il finit d'ajuster sa tenue un valet vient pour le guider dans ce banquet. Il y va avec un sourire forcé qu'il a si souvent l'habitude d'arborer qu'il est aujourd'hui presque naturel.

Une belle fête, sans aucun doute, souriant et joyeux le sénateur se laissa prendre au jeu de la danse quelque temps, visiblement enjoué par ce qu'il se passait. Un masque comme un autre, faire preuve d'amabilité et de gaieté faisaient partie des prérequis pour que perdure la réputation qu'il tenait aujourd'hui, aussi fausse soit-elle. Après quelque temps à danser le sénateur s'en écarta, mimant une certaine fatigue pour masquer son ras le bol de cette activité.

Il passa près d'une table sur laquelle il prit un verre qu'il sirota quelques instants avant de laisser son regard se balader dans la pièce. Certaines figures ici étaient parmi les personnes les plus importantes du monde des entreprises. Il reconnut notamment un éminent membre du Clan Bancaire Intergalactique ainsi que le directeur du Conglomérat Xen, une entreprise des plus impressionnante pour sûr. Bien que le sénateur se plaisait bien plus à encenser les entreprises Rendilienne.

Le sénateur se joignit aux deux personnes, s'introduisant d'un rapide hochement de tête marqué par un souffle court. Verre à la main, il salua rapidement ses interlocuteurs.

« Monsieur Soom, Monsieur Clawback, ravi de vous rencontrer. Permettez-moi de me présenter : Remis Menk. »

Il ne s'introduisit guère plus, il était depuis peu sénateur, mais depuis bien plus longtemps membre du conseil d'administration de Rendili.
Invité
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Ben était alcoolique. Oui, peut-être, mais chacun son addiction non? D’ailleurs à ce niveau Ben avait l’intelligence de cumuler : argent, pouvoir, sexe… Tout le cocktail fantastique. Et alors? Les moralistes prenaient leurs grands airs, ce qui les empêchait pas de crever d’un cancer à cinquante ans. Merde. Ben avait volontairement choisi le plaisir, le plaisir brut. Pas qu’il avait rien compris à la philo, à ces conneries sur une vie belle, l’amour tant vanté, la famille toujours désirée, la parentèle à contenter pour ses attentes prévisibles… non, non, Ben connaissait tout ça, il en avait toujours eu bien conscience. Mais toujours, aussi, il avait voulu autre chose que cela. Autre chose que cette médiocrité érigée en modèle de vie : la belle moitié, le beau mariage, le beau boulot, la belle noblesse d’esprit, les beaux enfants, la belle famille. Tout cela était autrement plus toxique qu’une bouteille d’ergesh. Que d’individus à la vie brisée sur l’autel du conformisme, que de destins broyés par la résignation de mettre le plaisir au placard. Le plaisir, le désir, la passion, la consommation… toutes choses moquées, ridiculisées, définitivement méprisées par une société se plaisant à torcher le cul de conséquences spermatiques, heureuse de célébrer le mariage bourgeois et la mièvrerie de l’amour enfin trouvé. Mais combien de véritables amours, francs et nobles, sans doutes aucun, jamais, non jamais? Ahah Ben connaissait la réponse à ça! Oui, oui, fange… fange pour tous mais rarement assumée. Ben, lui, était lucide et de cette lucidité il avait fait une force : si le monde était tel, compris et fini, à quoi bon se triturer les méninges. Celui qui prenait sa part, imposait ses plaisirs, lui seul était le véritable philosophe. Changer le monde, le transformer, rêver d’un autre, le refaire? Aussi stupide et inutile que le bourgeoisisme que le vieux financier avait refusé. Il avait ses addictions, ses dépendances. Au moins les avait-il choisies, désignées, là où le reste de ses anciens condisciples d’études s’étaient laissés enferrés dans les schémas sociaux habituels, les mêmes moules cent fois usés, cent fois remplis, autres formes d’addictions, plus pernicieuses, infiniment plus nocives.

Le gros bonhomme jeta un regard sur son ami muun. Pensait-il la même chose? Oh non, sans doute pas. Mais Voyl devait être conscient de ce que représentait son mariage, c’est-à-dire un échec, actuel et à venir, destiné à cela, prévu pour cela, accepté comme tel. Ben sentait que son ami devait bien avoir cette intuition profonde, lui l’expert en probabilités, en statistiques, lui qui devait bien voir que ce mariage serait un jeu à sommes nulles voire pire. Ben regarda les visages de tous ces êtres invités ici. Ils lui appartenaient oui, à lui comme à Voyl qui le comprenait plus profondément que bien des individus, sans l’approuver. Ici, il était le maître, le roi, le chef, demi-dieu, organisant tout par des ordres, déversant bientôt des sommes incroyables pour l’éducation d’enfants pauvres, bientôt abreuvés à la source de sa bienfaisance, buvant à la source de leur futur : sa volonté, à lui et lui seul, Ben Doyle. Ce temple du luxe, ce faste somptueux, tout ça à lui, tout ça à cause de lui, n’était-ce pas là la véritable et seule beauté à trouver en ce monde sans valeurs ni morales, simple apparition imprévue d’entrechoquements atomiques, de concoctions chimiques? Bim baf boum, vous voilà, Monde! Tzam dram chlac, vous voilà en vie, dzzziiiiim c’est fini, au revoir! Rideau, tombe, caveau, poussière. Néant pour tous! Fin. Ben, oui, avait bien raison : l’amour d’une femme dans tout cela n’était que la dégoulinure insupportable d’une vie écrasée et ne valait rien en comparaison du délice de cette orange juteuse, sucrée, gorgée de soleil, pleine d’été, emplie de nuit tombante, et dont la saveur parcourait encore ses papilles avec un insolent plaisir.

Ben but d'une traite son verre d'ergesh. Toïd Lavron, actionnaire de BiscuitBaron, continuait de siroter son cocktail à l'étrange couleur. Voyl s'était quant à lui lancé dans une conversation avec Slifer Llegar'mos, un type de la Stellar Storage de Mimban, apparemment. Peu à peu, les invités quittaient leurs chambres et venaient prendre un verre au bar, se pavaner dans le magnifique salon d'apparat de la Gemme de Telerath. La pièce était immense, suffisamment pour organiser un superbe bal, si on le souhaitait. Cette fois-ci, pas de bal, mais des tables rondes ici et là. Les personnalités invitées se voyaient chacune assigner une place à telle ou telle tablée, avec l'assurance de trouver des individus de leurs connaissances ou avec lesquels il serait utile de faire rencontre. On devait bien compter près de trente tables, chacune comportant six places.

Le repas, cela dit, n'était pas encore pour tout de suite et comme la soirée débutait seulement, tout le monde se tenait encore debout, un verre à la main. Les dames avaient mis leurs plus beaux atours et prenaient plaisir à être photographiées par la personne engagée à cet effet. Des robes de toutes sortes, parfois terriblement sexys, aux étoffes riches et soyeuses, des costumes coûtant une fortune, du sur-mesure de grande qualité, oui c'était certain, il suffisait de regarder les vêtements pour comprendre qu'on avait affaire à l'élite de la société républicaine. Sur la scène, un orchestre Bith jouait de belles mélodies accompagnant agréablement le doux roucoulement des épouses et les échanges enjoués des maris.

Toïd Lavron était un imbécile et Ben n'aimait rien tant qu'un bon imbécile. C'est qu'un véritable specimen du genre ne s'avérait jamais problématique, toujours accommodant et certainement amusant, volontairement ou non. Qui plus est, Lavron était sa clef pour pénétrer dans le cercle de la famille Tagge, puissante parmi les puissantes. Le rédacteur chef resta donc plusieurs minutes avec l'énorme bonhomme, sans perdre de vue que près de lui Voyl entamait une discussion avec Dau Soom, le directeur général du Conglomérat Xen, ainsi qu'avec le sénateur de Rendili et membre du conseil d'administration des chantiers navals de la planète éponyme Remis Menk.

Ben les laissa bavarder de leur côté puis décida de se joindre, faisant signe à Lavron de l'accompagner. Aisément, le journaliste intégra le petit cercle qui s'était formé et serra les pinces. Inutile de se présenter plus que cela, après tout c'était lui qui organisait cet évènement depuis des années et des années.

    « Sénateur Menk, directeur Soom, ravi de vous rencontrer! J'espère que vous vous plaisez sur Telerath. »


Etrangement, Ben ne s'imposa pas plus que cela, laissant les membres du petit groupe continuer l'intéressante discussion qu'ils menaient. Un employé de l'hôtel vint finalement vers le rédacteur en chef pour lui glisser quelques paroles à l'oreille. Ben hocha de la tête, s'excusa auprès du groupe et partit de son côté. C'était l'heure, et cela se voyait. Tous les invités étaient désormais bien présents, appréciant leur apéritif et savourant leurs petits fours, avant qu'ait lieu le repas. Mais avant que chacun s'asseye à sa place, il convenait évidemment que Ben Doyle prenne la parole.

Il suivit donc l'employé de l'hôtel derrière la scène. Les Biths devaient terminer leur morceau avant qu'il ne monte sur l'estrade, micro en mains, prêt à signaler le début de ce gala de charité. Profitant de cet instant de répit, il donna quelques instructions à l'employé.

    « Mettez messieurs Soom et Menk à ma table, ainsi que Lavron. »


Ben agissait systématiquement ainsi. Les personnes présentes à sa table n'étaient jamais désignées à l'avance. Il attendait toujours de profiter un peu du début de soirée pour finalement décider qui aurait le privilège de souper avec lui. Bien sûr, Voyl était prévu de longue date à ses côtés. C'était son ami, et ne l'aurait-il pas été il restait le directeur adjoint du Clan Bancaire Intergalactique, l'un des hommes les plus puissants et influents présents ce soir. Lavron servirait de divertissement, sa femme de décoration de table, tandis que Soom et Menk serviraient une conversation intéressante et, il fallait l'espérer, fructueuse. L'orchestre acheva son morceau. C'était l'heure.


Ben fit son entrée sur scène, les Bith jouant se lançant dans un morceau entraînant pour accompagner son entrée. Tous les regards se tournèrent alors vers l'estrade, où se trouvait un Ben Doyle jovial, dans son costume blanc, noeud papillon noir et fleur rouge accrochée à son veston sur la gauche. Aussitôt, des applaudissements nourris eurent lieu, tandis que Ben saluait de sa petite main ronde la foule éminente qui lui faisait l'honneur de ses acclamations. Un micro dans la main droite et le visage souriant, il prit la parole.

    « Merci, Mesdames et Messieurs, merci...

    Cette année encore, j'ai l'immense privilège d'inaugurer ce gala de charité, à nul autre pareil dans notre belle République. Cette année, à nouveau, j'ai le plaisir de retrouver chacun d'entre vous pour cette soirée si spéciale, si importante pour tant de personnes, et si chère à notre coeur.

    C'est que vous n'êtes pas n'importe qui, mesdames et messieurs. Vous êtes les individus qui façonnez notre République, vous êtes de ceux qui ne la laissez jamais se reposer sur ses lauriers. Toujours, vous la réveillez de la torpeur dans laquelle elle se morfond, quelques fois. Certains d'entre vous sont connus du grand public et terriblement appréciés. Je vois là Maïreel Striip, une grande actrice, superbe! Maïreel, on t'aime. Combien de fois ne nous as-tu pas fait rêver devant tes films? Quel joie de te revoir ici chaque année. Du fond du coeur, merci. Mais je vois quelqu'un d'autre, là, oui... Kahrien Lheumaardshand! Aah encore une des personnalités préférées de nos concitoyens! Quelle chanteuse, quelle voix, quelle élégance... et maintenant une émission rien que pour elle, plébiscitée par le public!

    Mais à côté de toutes ces figures aussi connues qu'adorées, il y en a d'autres, plus discrètes mais toutes aussi importantes, qui ne baissent jamais les bras et ne cessent jamais de travailler pour le bien-être de la République. Des individus qui refusent de céder au pessimisme, qui jamais ne se morfondent et vont toujours de l'avant. Parmi eux, je compte bien entendu Voyl Clawback que vous voyez, là, oui, près du bar, salut Voyl! Car le CBI ce n'est pas qu'une simple entreprise mais c'est un des moteurs fondamentaux du progrès de notre société.

    Je parle, je parle... mais ce gala est d'une importance capitale, je le dis avec le plus grand sérieux. Vous formez l'élite de notre société. Par votre travail, par votre inventivité, vous vous êtes hissés au sommet. Bien sûr, cela amène les bienfaits de la réussite, que jalousent certains. Mais j'estime qu'avant toute chose cela implique des responsabilités.

    Et c'est pour les assumer clairement que nous sommes tous réunis ce soir. La jeunesse a toujours été le ferment de la réussite. Je l'ai toujours pensé, et votre présence prouve que nous sommes du même avis. C'est pour cela qu'il y a maintenant plusieurs années, l'idée de ce gala nous est venue, à moi et plusieurs amis... Farell Praji, que vous voyez là, Bailor Organa, pas très loin, Gibold Draay bien sûr... Nous nous sommes dits : il faut aider la jeunesse. Combien de jeunes filles et garçons brillants qui ne peuvent montrer la pleine mesure de leur talent?

    Je vois Qörel Tzarn, d'ici. Il n'a que vingt-cinq ans. Il a été sacré cette année pdg d'une des entreprises les plus florissantes de la décennie! N'hésitez pas à l'applaudir. Grâce à vous, il y a quelques années, il a reçu une bourse. Et le voilà, parmi nous, fier à juste titre. Il est la preuve même que tout effort est récompensé. Nous offrons le coup de pouce qui permet au génie de se révéler pleinement.

    C'est la raison de ce gala : aider la jeunesse défavorisée, accorder des bourses pour la continuation d'études. Mais cette année, Mesdames et Messieurs, cette année est particulière... L'Empire, une fois de plus, a semé la mort et la destruction. Par conséquent, le comité d'organisation a décidé que nous viendrions également en aide par nos dons aux réfugiés. Nous leur apporterons secours et réconfort de notre mieux.

    Beaucoup est attendu de vous, cette année, la barre symbolique des deux cent millions de crédits de dons a presque été franchie l'année passée, nous avons encore réalisé un record! Alors, à nouveau, n'hésitez pas et faites preuve de la générosité dont je vous sais grandement capable.

    Mesdames et messieurs, je n'ai déjà que trop parlé! Il est temps maintenant de lancer le gala! »


Et sur une musique victorieuse Ben quitta l'estrade, se dirigeant vers la foule, riche et belle, cette foule du succès, sentant bon la réussite, qui l'ovationnait, lui, dont la mère avait été femme d'ouvrage et le père ouvrier, lui Ben Doyle, maître parmi les maîtres, banquier puis journaliste, demi-dieu du vin et du luxe, dont l'appétit montait à mesure que les applaudissements s'accroissaient, portant vers ses narines les effluves exquises des mets préparés en cuisine.

Ben fucking Doyle.
Voyl Clawback
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Les galas de charité sur Télérath avaient toujours une drôle d'allure. On pouvait l'imputer au fait que cela ne ressemblait pas vraiment à des galas de charité, sinon à des galas tout court - voire à des soirées privées au goût d'une classe dirigeante totalement décomplexée. Ici, on se connaissait tous plus ou moins, et les petits nouveaux étaient rapidement mis au courant des us et coutumes. En voulait pour témoin le décor, tout "Doylesque", comme l'aurait souligné Voyl, qui mélangeait raffinement extrême et touche de luxe vulgaire pour effrayer l'aristocratie trop propre sur elle.

Le muun admirait tout ça d'un oeil distrait, tout en écoutant ce que racontait son interlocuteur, au milieu du bruit de fond des conversations passionnées. Il arrivait néanmoins à faire la part des choses : ses réflexions d'un côté, les idées avancées par l'humain de l'autre, car il fallait surtout ne pas mélanger les deux... Sa crédibilité ne l'aurait pas supporté. Une nouvelle tête profita de cet instant pour se glisser dans le cercle, comme un nautolan dans l'eau. Le nouveau venu lui fonça dessus sans détour, et Voyl ne mit pas longtemps à le reconnaître.

"Bonsoir, monsieur Clawback. C'est un plaisir de vous revoir. "

La figure poupine à la barbe impeccablement taillée n'était pas sans rappeler celle de Doyle... En moins ronde et en plus fournie. Dau Soom, du Conglomérat Xen, la cinquantaine bien sonnée et toujours vaillant, s'avançait avec la bonhommie qui le caractérisait, flanquée d'une garde robe que n'aurait pas renié une star de l'holoréalité coruscanti. Il fallait dire que le seul capable de rivaliser avec autant d'excentricité était Ragda Rejliidic lui-même, une référence en matière de bizarrerie vestimentaire. Tout ce que le Noyau faisait de vêtements à la mode finissait immanquablement sur le dos de Soom un jour ou l'autre. Cette soirée mondaine ne faisait pas exception.

" De même, directeur Soom. "

Clawback leva légèrement le verre qu'il tenait et qu'il n'avait toujours pas touché. Le directeur de Xen en goguette paraissait d'une humeur égale à celle de Ben, autant dire, fabuleusement propice aux bonnes affaires. L'alcool n'avait pourtant pas l'air d'y être encore pour grand chose, surtout pour un homme de cette corpulence. Le muun imaginait bien qu'il en aurait fallu, des bouteilles d'erguesh, pour en venir à bout ! Un sérieux concurrent pour le frénétique rédacteur du Post, si tant était qu'il soit porté sur ce genre de boisson.

"Un magnifique endroit pour une telle occasion, ne trouvez-vous pas ?

-En effet, Telerath est une magnifique planète. On ne peut pas le nier. Les couchers de soleil ont un charme plein de poésie. "

Aussi, surtout, un paradis pour les gens comme eux. Mais il ne faisait pas bon le dire tout haut, seulement de le laisser sous-entendre.

" J'imagine que le gala sera au moins à la hauteur de celui de l'année dernière. Apparemment, le budget du feu d'artifice a été doublé... je suis curieux de voir le résultat d'une telle prise de risque. "

Clawback comptait sur Doyle pour que ce soit effectivement le cas. L'ancien banquier ne faisait jamais les choses à moitié, surtout lorsqu'il s'agissait de son gala. Même les soirées sur Coruscant pouvait difficilement rivaliser avec celles données ici, surtout lorsque l'on rajoutait le mot "charité" après celui de "gala". Un paradoxe qui ne dérangeait pas le moins de la galaxie l’exubérant organisateur. Ni non plus le tout aussi dépensier Soom : Voyl le soupçonnait d'avoir mis des heures à choisir la tenir qu'il sortirait ce soir. Ce qui lui fit penser instantanément à Shiney. La muun n'avait plus pointé le bout de son nez depuis leur arrivée. Clawback commençait à s'impatienter, vexé qu'elle ne daigne pas se présenter à ses hôtes à ses côtés.

" Vous avez lu la dernière tribune du Post, j'imagine ? On ne pourra pas reprocher à Doyle de ne pas se mouiller. Même ici, il reste le même... "

Quelques mots échangés suffirent à attirer l'attention d'une autre paire d'yeux croisant au large : un homme brun droit dans son costume impeccable, le sourire de circonstance et le cheveux taillé au millimètre. Voyl tourna ses épaules vers celui qui les saluait avec grande courtoisie. Le muun attendit d'entendre à nouveau le son de la voix de l'humain pour l'identifier avec certitude. Les humains se ressemblaient tellement ! Mais celui-ci, il l'avait entendu quelque semaine plus tôt, au Sénat : un nouveau sénateur dans l'arène.

" Monsieur Soom, Monsieur Clawback, ravi de vous rencontrer. Permettez-moi de me présenter : Remis Menk. "

Si un casanier de la trempe de Soom avait pris la peine de venir jusqu'ici, on pouvait légitimement penser que la soirée en valait la peine. Il en allait de même avec Menk. C'était précisément le genre de personnalités qui savaient pertinemment où se trouvaient leurs intérêts.

" Enchanté, monsieur Menks. Votre nom ne m'est pas inconnu, en effet. " "

On pouvait difficilement rester inconnu très longtemps dans un monde aussi restreint que celui des entreprises galactiques et de la finance. Encore moins lorsque l'on venait de faire son entrée dans la Rotonde.

" Toutes mes félicitations pour votre élection, d'ailleurs. Rendili pouvait difficilement mieux tomber. Un industriel de votre trempe sait mieux que d'autres de quoi sa planète à besoin pour tourner ! "

Chose inhabituelle lorsqu'il s'adressait à un politique, Clawback pensait les trois quarts de ce qu'il venait de dire. Même si Menk était jeune sur l'échiquier républicain, son chemin dans la Star Drive était relativement connu et apprécié. Un "gars du métier", comme l'aurait beuglé Ben avec une tape dans le dos à vous laisser étourdi. Pour Clawback, un humain capable de faire d'une firme un client fiable et aussi important était une aubaine et méritait qu'on l'encourageât.

" Vous n'êtes d'ailleurs pas sans savoir que le Front Libéral Républicain est intéressé par votre nomination ? Le mouvement recherche des personnalités représentatives des intérêts qu'il défend. Et Rendilli correspond à ces intérêts. Bref, tout cela vous le savez déjà, sans doute. Simple allusion au fait que politique et affaire sont parfois conciliables ! "

Ce n'était pas à un dirigeant qu'il allait apprendre les principes du lobbying, non ? Menk était un grand garçon, malgré son inexpérience du déplacement des nacelles répulsives dans un cercle de fauves déchaînés. Il prendrait ce qu'il y aurait à prendre. Clawback espérait bien miser sur un bon coursier, pour une fois.

" A ce propos, directeur, la proposition tient aussi pour vous. Nous espérons compter Xen parmi nos adhérents, il en va de la crédibilité de nos revendications. Je pense que monsieur Doyle se fera un plaisir de vous exposer lui-même sa propre petite plaquette publicitaire ! "

Ce qui serait sans doute bien mieux que d'écouter son discours à lui, le Trésorier et pas vraiment bon parleur. D'autre part, Voyl voyait mal le Conglomérat se ranger du côté d'une Kira ou d'un candidat RR fantôme. Le FLR avait ouvert le feu sur les nationalisations, les taxations à la hausse et toutes ces mesures faites pour donner l'illusion que le gouvernement se servait chez les mauvais riches pour donner aux gentils pauvres. En réalité, elle ne faisait que rajouter de la paperasse, holographique ou pas, à celle qui mangeait déjà énormément des finances des entreprises... et mettre leur compétitivité en déroute.

" A ce propos d'ailleurs, sénateur Menk - il convient de vous habituer à votre nouveau titre à présent - qu'en est-il de votre position à propos de ce texte sur la réforme des affichages publicitaires ? J'avais entendu quelques bribes à ce propos, mais rien de bien probant. "

Les minutes passaient, et, entre deux sujets de discussion plutôt agréables pour changer, le représentant eut la mauvaise idée de consulter l'affichage de sa montre. Le discours d'ouverture de Doyle n'allait pas tarder, et toujours aucune trace de Shiney. Agacé, Voyl jeta un regard vers le porche qui menait au hall d'entrée : quand allait-elle décider que la soirée était digne d'elle ? Les femmes et leurs manies ! C'était à croire qu'elle tenait vraiment à lui faire honte.

" Qu'es-ce qu'elle fiche, nom d'un crédit... Trois quarts d'heure... " grinça-t-il entre ses dents.

Pourquoi l'avait-il prise avec lui, au final ? Elle ne lui apportait que des ennuis et des soucis en supplément... Leur bonne entente n'avait-elle finalement pas supporté plus qu'une histoire d'argent ? Il se serait pensé capable de plus de maturité. Il l'avait aussi imaginée au-dessus de ces futilités.

" Merci, Mesdames et Messieurs, merci...

Cette année encore, j'ai l'immense privilège d'inaugurer ce gala de charité, à nul autre pareil dans notre belle République. Cette année, à nouveau, j'ai le plaisir de retrouver chacun d'entre vous pour cette soirée si spéciale, si importante pour tant de personnes, et si chère à notre coeur.
"

Aux applaudissements, Voyl s'était retourné, pour voir Ben, sourire jusqu'aux oreilles, sauter sur l'estrade micro en main. Le rédacteur, très à l'aise de par son habitude des plateaux, profitait pleinement de son heure de gloire.

--

" Une heure. "

Les mots tombèrent comme un couperet glacial quand sa femme daigna enfin montrer le bout de son nez dans la grande salle, alors que le discours d'ouverture touchait à sa fin. Elle s'approcha de lui sans le regarder, le port altier et la mine poudrée. Il nota la pâleur de son teint, le maquillage discret qui rehaussait l'éclat de ses yeux clairs. Le haut de son crâne, qui contrairement à celui des humaines ne portait aucune chevelure à décorer, était recouvert d'une large coiffe de tulle translucide, agrémentée de petits rubans de même couleur qui imitait de longues anglaises irisées et légères. Il devait au moins concéder qu'elle s'était donnée du mal pour paraître sous son meilleur jour. Seulement, il ne pouvait pas croire qu'elle ne s'y était pas pris des jours - des mois ? - à l'avance pour sortir pareille tenue.

" Une heure ! Qu'est-ce que vous faisiez donc pour mettre autant de temps à descendre ?! "

Il remarqua alors qu'en fait de nouvelle robe, il s'agissait bel et bien de la même... différente. Les draperies de tulle s'était déployée vers le bas au lieu de rester fixées aux épaules, à la manière d'une fleur éclose. L'ingéniosité de l'idée plut à Voyl, qui pourtant ne souhaitait pas l'admettre. Sa colère en aurait perdu toute crédibilité.

" Je me préparais, simplement, répondit Shiney, lèvres pincées, sans un regard. "

Elle le précéda au coin du bar et commanda un cocktail au garçon qui passait. Quelque peu énervé par son mépris, le vice-directeur vint poser son propre verre, toujours plein, à coté du sien et se pencha sur son épaule. Shiney ne détourna pas la tête, se contenta de le toiser d'un regard en biais.

" Vous vous prépariez ?

-Parfaitement. Vous souhaitiez que je vous fasse honneur, il me semble ? Eh bien voilà, j'ai fait le nécessaire.

-Vous êtes incorrigible. "

Il se redressa à temps pour entendre distinctement la voix de Doyle, qui le pointait à présent du doigt, suscitant un intérêt soudain pour sa personne, auquel il ne s'était absolument pas attendu.

" ...Mais à côté de toutes ces figures aussi connues qu'adorées, il y en a d'autres, plus discrètes mais toutes aussi importantes, qui ne baissent jamais les bras et ne cessent jamais de travailler pour le bien-être de la République. Des individus qui refusent de céder au pessimisme, qui jamais ne se morfondent et vont toujours de l'avant. Parmi eux, je compte bien entendu Voyl Clawback que vous voyez, là, oui, près du bar, salut Voyl ! Car le CBI ce n'est pas qu'une simple entreprise mais c'est un des moteurs fondamentaux du progrès de notre société... "

Pris au dépourvu, Voyl parut surpris une seconde, lorsque quelques regards se tournèrent vers lui. Il sourit pour donner le change, opinant du chef au regard de Ben et levant brièvement la main pour répondre à son salut amical. Shiney parut tout aussi surprise que son époux et tenta de se rattraper par un sourire timide, le regard fixé sur son verre ambré.

" Je vois que vous êtes célèbre, gloussa-t-elle, votre ami sait choisir ses mots.

-Célèbre ? Pour un représentant, peut-être, rien de plus. Ben a toujours les mots : c'est un journaliste, ne l'oubliez pas. C'est son métier de faire de l'audience. "

Le discours avait au moins la vertu de leur faire oublier leur accrochage le temps de quelques minutes. Tournés tous deux vers le formidable acteur qu'était Ben muni de son micro et de son costume rayonnant, ils écoutèrent dans un silence religieux la suite de la tirade enflammée du coruscanti. Les doigts pianotant sur le comptoir, Clawback regardait son vieil ami faire montre de tout son talent : on pouvait sentir d'ici la fierté qui était la sienne. Cette soirée, il était réellement le centre de l'attention et devenait une personnalité de premier plan, ici, sur une petite planète d'un coin de galaxie plutôt isolé.

Doyle avait toujours été quelqu'un d'ouvertement provocateur et anti-conventionnel.
Clawback avait parfois cette impression d'être ce parfait contraste, ce garde-fou resté en retrait tandis que l'affolant Doyle s'élançait sur scène sans filet. Ben était ces pulsions ravageuses et absolues qui n'aiment pas être refoulées, qui se moquent de tout et font faire des folies, et lui, la vieille conscience rabat-joie que personne n'écoute jamais tant elle râle pour un rien. Le jour et la nuit. C'était sans doute le secret d'une amitié aussi perenne, dans un milieu qui en avait laminé plus d'une. Coups en traîtres et retournement de vestes, rancunes et guerre à couteaux tirés étaient légion dans le monde de la finance galactique. Les muuns pouvaient faire affaire avec n'importe qui, ou même n'importe quoi, du moment qu'ils étaient en état de quantifier les risques qu'ils prenaient. Le problème avec Ben, était que même lui n'était jamais parfaitement certain de la quantité de risques qu'il prenait à le suivre. Pour preuve, cette fameuse soirée sur Aargau et le lendemain terrible qui avait suivi. Pourtant, il avait accepté de le suivre dans son délire, puis de l'épauler, de joindre ses efforts aux siens quand l'occasion se présentait. De loin en loin, ils avaient fait leurs chemins, mais avaient toujours trouvé le moyen d'unir leurs forces quand leurs projets coïncidaient.

Aujourd'hui, sur la douce pente descendante de l'âge, Voyl commençait à s'interroger, là où il s'était toujours contenter de raisonner. Ben lui renvoyait sans doute, dans une certaine mesure, ce qu'il aurait voulu être, dans une autre vie. Quelqu'un d'assez fort pour dire merde à une tradition qui l'oppressait, assez culotté pour envoyer bouler toutes sortes de convention et croquer ses millions avec la vulgarité et l'insouciance d'un jeune bourgeois décomplexé, celui qui a gravi l'échelle au nez et à la barbe de tous les aristocrates. Essayer de raisonner Ben, c'était essayer de raisonner quelqu'un qui prenait le mot raison en grippe. Mais Ben, lui, avait justement cette dose infinie de liberté qu'il lui manquait, à lui, Voyl Clawback, héritier d'une lignée vieille comme Muunilinst elle-même et ligoté à ce statut depuis qu'il avait poussé son premier cri... Clawback était bien trop attaché à sa fortune pour oser la dépenser de la sorte. Elle était, aujourd'hui peut-être plus qu'hier, sa prison et sa tombe. A regarder Ben sautiller sur scène au milieu de ses millions dépensés pour la fête, Voyl commençait lentement à comprendre.

Le discours prit fin et l'hôte les invita à rejoindre les tables pour un festin mémorable. Shiney sembla elle aussi émerger d'une longue réflexion au moins aussi troublante que la sienne. Le verre décoré d'une petite ombrelle qu'elle tenait n'avait pas bougé, toujours à côté du sien.

" Bien. Beau discours, comme prévu. Après ce plaisant intermède, voudriez-vous me faire l'honneur de m'accompagner ? Nous devrions nous avancer, nous avons une image à tenir. "

La muun baissa les yeux, le vert scintillant soulignant ses paupières lui donnant un air las.

" Oh, vraiment ? Je pensais que je ne méritais pas tant d'égards. "

Voyl grimaça, gêné. Il se redressa et la toisa de toute sa hauteur, main tendue en attendant qu'elle prenne son bras.

" Vous ferez la tête plus tard, nous sommes attendus à la table de Doyle. Je ne pense pas que ce soit un moment très approprié pour apparaître aussi puérils

-Parlez pour vous. Ce n'est pas moi qui ait commencé ce débat inutile !

-Alors raison de plus pour ne pas le continuer ! Nous avons des affaires à régler, ce soir. Je compte sur vous. "

Il la prit par le bras et entreprit de fendre la foule avec elle pour gagner la table indiquée par Ben. Elle comptait sept places et se situait idéalement par rapport à l'estrade. Ils étaient les premiers placés, après l'imposant maître de soirée, toujours prompt à devancer tout le monde quand il s'agissait de faire bombance. Shiney salua de nouveau Doyle avec un petit sourire et prit la chaise tirée par son mari. Lequel vint se positionner entre elle et Ben. Restait à voir qui Ben avait choisi de convier à ses débats de soirée...

Le repas promettait d'être au moins aussi intéressant que le contenu des assiettes, sinon plus...
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Anonymous
Quelle belle soirée. C'était là une pensée aussi naïve qu'idiote, si dit Ben, mais qui exprimait la vérité de ses sentiments à cet instant précis de sa vie. A près de la moitié de la cinquantaine, il se trouvait à présider la plus belle table de ce superbe gala, sa montre de luxe d'or étincelant au poignet, engoncé dans son costume blanc resplendissant, un jolie noeud pap' de soie lui serrant un peu trop le cou, la rose rouge éphémère près du coeur. Le tout sur une planète paradisiaque dont il était plus ou moins le propriétaire officieux.

Aurait-il seulement imaginé cela à seize ou dix-huit ans, coincé dans un minable appartement des bas-fonds de Coruscant? Non, bien sûr. Et, pourtant, ce n'était pas le goût de la revanche que Ben avait sur la langue. Juste celui du plaisir à l'état brut, celui que procure un certain état de douce ébriété, quelques rares accomplissements professionnels ou certaines nuits de sexe. Un goût de sucre et d'alcool, rendant plus lucide que toutes les consciences réunies de ce monde imparfait.

Le vin, déjà, lui venait à la tête. Ou n'était-ce que l'effet de l'adrénaline qui l'avait saisi lors de son speech? Un mélange de tout ça à la fois probablement. Oui, il buvait trop, oui, il mangeait, mais pourtant Ben restait persuadé qu'il ne vivait pas encore assez. La vie lui semblait parfois à la fois trop lourde à porter et insuffisante pour son insatiable appétit. Il lui en faudrait deux, ou sept comme les chats. Pourquoi pas, après tout? Mais, en même temps, nombreuses étaient les choses qui déjà l'avaient lassé. Les femmes, notamment. Il n'avait rien contre elles, il aimait même toujours son ex-épouse, sans doute quelque part ici dans la pièce. Elles n'avaient toutefois jamais réussi à le satisfaire pleinement, à n'être que sa seule pensée le matin et le soir. L'Amour semblait toujours lui avoir échappé. Il avait aimé une femme, celle-ci le lui avait rendu un temps, et puis voilà. L'amour ne lui avait jamais donné la plénitude qu'en obtiennent certains chanceux. Un bon ergersh, par contre... 

Lui-même, Voyl et sa femme, Toïd Lavron de BiscuitBaron et son épouse, Dau Soom directeur du Conglomérat Xen, le sénateur de Rendili Remis Menk. Bienvenue à la table du bon Ben! L'hôte n'eut que le temps de s'asseoir et le service, parfaitement préparé, arriva avec les entrées. Du poisson Colo fut servit, sur son lit  de légumes croustillants, blablabla... qui en a vraiment quelque chose à foutre? Ben, lui, reprit de l'ergesh avec son poisson.

La soirée s'avança gentiment. A table, Voyl s'avéra visiblement intéressé par les perspectives financières évoquées par Dau Soom, qui ne perdait jamais son sens des affaires. Toïd Lavron, heureusement, faisait un camarade à la mesure de Ben Doyle. Sans problème, le puissant actionnaire enchaînait les verres de vin tout en racontant de vieilles anecdotes faisant se bidonner le rédac' chef du Coruscant Post. De temps à autre, le directeur Soom, tout emballé dans son excentrique tenue d'un tailleur coruscanti non moins excentrique, levait le coude et trinquait avec Ben et Toïd. Les épouses Clawback et Lavron discutaient entre elles, parlant dépenses et achats, comme le font toutes les femmes. 

Le sénateur Menk se révèla, par contre, un affreux rasoir. Il restait raide comme un vieux balai correlien, ne mangea quasi pas son entrée et toucha à peine son verre. Lorsqu'il prit la parole, ses propos furent d'un tel ennui que même l'épouse Lavron vint le couper. Un instant, l'insupportable politique tenta même de parler... politique. C'était là d'une vulgarité que n'aurait jamais même osée Ben. Un instant, ce dernier crut même entendre parler de "partage de richesses" ou autres fadaises n'ayant pas leur place en ces lieux riches et colorés. Décidément, un mauvais choix de tablée. 

Le repas était un sept services. Il fallait bien ça pour satisfaire l’insatiable appétit de Ben Doyle. Les invités, eux, étaient parfois inquiets à l’idée de devoir enfourner autant de plats. Il était généralement recommandé de ne pas manger depuis le midi de la veille, histoire d’être capable de tenir la distance lors du repas. Cela dit, pas mal de convives n’avaient aucun problème à suivre le rythme. Riches et ventripotents, deux termes allant souvent de pair. Toïd Lavron en était l’illustration parfaite et son épouse, aussi fine qu'un mannequin anorexique, était l'exception qui confirmait la règle.  

Un vin rouge alderaanien accompagnait le troisième service, auquel on était, somme toute, arrivé rapidement, une heure et demi après le début des hostilités. Ben passa une main dans sa nuque, frottant celle-ci. Il posa son verre de vin, troublé. Quelque chose le gênait mais il n’arrivait pas à identifier quoi exactement. Il se sentait étrangement fatigué et mangea sans grand plaisir la fine et tendre tranche d'un poisson typique des mers de Telerath. En temps normal, il aurait particulièrement savouré l'onctuosité de la chair, sa délicatesse et le parfait assaisonnement, relevé mais intelligemment en retrait. N'avait-il pas passé des heures à préparer toutes ces festivités? A choisir les menus avec un chef devenu quasi dépressif? Il avait dépensé sans compter. 

Et pourtant... et pourtant quelque chose n'allait pas. Son appétit, soudain, le quitta. Ben n'en fut que plus troublé, lui qui n'avait jamais connu ça, sauf une fois, peut-être, enfant... Inquiet, il porta son verre à ses lèvres et le contact de celles-ci avec le doux breuvage bordeaux le rassura aussitôt. Il sentit ses papilles gustatives délicatement réveillés par la chaleur de l'alcool et le travail infernal du vigneron d'Alderaan. Un court instant, ses yeux se fermèrent, lui offrant un instant de doux onanisme. Le vin passa par sa gorge, lui rappelant qu'il avait soif et l'étanchant. Il se sentit tout de suite mieux, rasséréné. 

Voyl était dans une conversation épanouie avec Dau Soom qui, visiblement, était intéressé par la déductibilité fiscale des dons aux partis politiques reconnus officiellement par le sénat de la République. La démocratie en marche, assurément. L'épouse du banquier muun avait, quant à elle, débuté une discussion passionnée avec l'épouse de Toïd Lavron sur les multiples possibilités de dépenser son argent qu'offrait la richesse. Le riche actionnaire de BiscuitBarron écoutait les deux dames avec beaucoup de calme, regardant régulièrement sa belle épouse d'un oeil tendre, l'air amoureux, sirotant rythmiquement son vin rouge. Au loin, on entendait Sylvia Pläth, célèbre chanteuse, entonner un standard de jazz qu'affectionnait particulièrement Ben. Sa venue s'était accompagnée d'applaudissements divers et les joueurs Bith, enthousiasmés par l'entrée de la belle chanteuse, avaient repris leur souffle avec joie.

Ben sentit qu'il devait se lever. Voyl vit son mouvement mais le vieux journaliste lui donna deux petites tapes sur l'épaule droite, signifiant par là qu'il n'allait que faire un petit tour. Il ne fut pas nécessaire d'insister, le Muun avait compris et continua sa discussion. Les véritables amis s'identifient à ce que la parole n'est pas même nécessaire à leur mutuelle compréhension. 

Le rédac' chef du Post se mit en chemin, direction le fond de la salle, dont les grandes portes étaient ouvertes sur une grande esplanade vide de monde. Il crut tout d'abord tituber mais se reprit. Il fronça les sourcils, incompréhensif. Il avait bu, oui, mais certainement pas assez pour le rendre ne fut-ce que pompette. Il lui sembla que la chaleur avait, soudain, augmenté d'un cran dans la belle salle de gala. Il eut d'autant plus envie de prendre le frais sur le grand balcon donnant sur l'archipel de Noua. Mais impossible de traverser les lieux sans serrer ici et là les mains de ses plus illustres invités.

Après un bon quart d'heure à n'avancer que de quelques mètres, Ben crut voir enfin la délivrance. Il y était presque, à quelques pieds de là les belles tentures blanches flottaient ,nonchalamment balayées par un doux vent venu tout droit de la mer, offrant une fraîcheur bienvenue au bout de cette longue et chaude journée. Une ombre passa près de lui, une chevelure blonde éclatante volant devant ses yeux, au bout d'un corps fin délicatement fixé dans une ravissante robe blanche laissant apparaître une belle gorge blanche. Laura.


    « Laura? »

    « Ben! Comme je suis contente de te voir! J'espérais te voir mais je suis arrivée en retard, tu me connais... Oh je suis si heureuse! »


L'ex-femme de Ben Doyle, Laura Dëarn. Putain, il était verni.

    « Cette réception est sublime, Benou! Je m'en veux de ne pas être venue les dernières années... ça fait tellement longtemps que je ne suis plus venue sur Telerath. J'avais oublié à quel point c'était beau. »


Laura Dëarn. De doux cheveux blonds cendrés, descendant le long de son visage et s'arrêtant à hauteur des coudes. Un visage doux, bon, souriant, une peau légèrement dorée par le soleil, des dents de nacre, des lèvres fines et délicatement rosées, des yeux d'un vert pétillant et malicieux... son ex-femme.

Laura avait quel âge maintenant? Elle avait été le seul et véritable amour de Ben Doyle. Il l'avait rencontrée au Post, des années de cela. A l'époque, il était toujours à la tête des Etablissements bancaires de Telerath. Mais il avait été choisi pour rédiger la chronique économique hebdomadaire du quotidien coruscanti, qui avait séduit facilement les élites économiques de la capitale. Il avait quarante-deux ans et était déjà rond comme une baleine. Il était tombé par hasard sur Laura, dans l'ascenseur du Post. Elle avait vingt ans et brillait de beauté et d'ambition. Jeune pigiste, elle travaillait de sept à huit heures tous les jours, pour des clopinettes. Son écriture brillante, fine et ciselée avait cependant vite intéressé le comité de rédaction, qui entendait bien en faire l'un de ses futurs reporters.

Comment avait-elle pu tomber amoureuse de lui? Il s'était souvent posé la question. Ben n'avait pas de problème particulier avec son physique. Il aimait boire et manger, et il était gros depuis toujours. Sa mère l'avait toujours nourri démesurément, soucieuse d'assurer à son enfant une solide et riche alimentation malgré une vie pauvre dans les bas-fonds de Coruscant. Cela ne l'avait jamais dérangé. Il avait toujours aimé manger. A l'inverse, il détestait le sport et les exercices physiques, aussi loin qu'il s'en souvienne. Bref, il était gros et cela n'avait rien d'étonnant. Se détestait-il? Non. Beaucoup de personnes obèses haïssaient leur propre corps, se trouvaient laids, tentaient des régimes de l'ordre du supplice, tout ça pour peu de résultats... Généralement, ça finissait sur une table d'opération à se faire charcuter les intestins. Non merci. Ben n'avait jamais été honteux de son corps : il était gros et gras et ça ne le dérangeait pas.

Il avait, toutefois, toujours eu conscience que son physique ne correspondait pas aux canons de beauté humains. Et pourtant, Laura l'avait aimé... Elle n'avait pas fait semblant pour avoir un piston et grimper les échelons, non, il le savait, elle l'avait aimé. Ils s'étaient regardés et, aussi idiot que cela sonne, cela avait été le coup de foudre. Dans cet ascenseur, il se rappelait lui avoir proposé de prendre un verre après le boulot. Elle avait étonnement accepté. Ils s'étaient vus, le soir, dans un bar tendance du quartier financier. Le contact avait été parfait, il avait eu l'impression que, pour la première fois de sa vie, une personne le comprenait parfaitement et qu'il en comprenait une autre jusque dans ses moindres détails. Bref, Ben Doyle avait été éperdument amoureux de cette jeune journaliste, belle, ambitieuse et terriblement sexy. Ils avaient fini dans l'appart miteux de Laura et une nouvelle dimension du plaisir sexuel s'était alors révélée aux sens du gros coruscanti.

Deux mois plus tard, ils s'étaient mariés. Le mariage ne s'était pas du tout déroulé de la façon que l'on pouvait attendre de Ben Doyle. Tout s'était fait discrètement, en parfaite intimité, sur Naboo. Ben avait présenté Laura à sa mère, qui l'avait tout de suite adorée. La lune de miel avait été un pur extase. Jamais Ben n'avait-il connu un tel bonheur. Un sentiment de parfaite plénitude l'avait empli, faisant vrombir ses membres d'une douce chaleur.

Il n'avait pas cessé de l'aimer. Mais elle, oui. Après deux ans, ce fut le divorce. Laura l'avait quitté, sans méchanceté, ni rancune, ni animosité. Elle lui avait simplement dit qu'elle n'éprouvait plus la même chose qu'au début de leur relation. Ils s'étaient quittés bons amis et n'avaient jamais cessé de se parler et de se voir, quand ils en avaient le temps. Mais c'était fini. Deux ans d'histoire d'amour, deux ans de mariage, et le tour de piste fut terminé. Laura n'avait que vingt-deux ans, elle était passée à autre chose. Elle avait encore toute une carrière à construire. Pour Ben, sa première carrière, celle de banquier, s'achevait. Une seconde s'ouvrait alors dans le journalisme, à quarante-quatre ans. Le doux rêve s'était terminé aussi simplement qu'il avait débuté.

Plus de dix ans après son divorce, Ben n'était plus amoureux de Laura. Toutes les choses finissent par disparaître ici-bas. D'une certaine manière, tout de même, il continuait à l'aimer. Elle avait été son seul et véritable amour. Elle serait toujours un point fondamental de sa vie.


    « Hm. Content de t'voir aussi! Ca fait longtemps, hein? Oui, oui, c'est beau ici... Ca m'coûte un pont par contre, hein, ahah! Ahlalala... »


*Bordel mais qu'est-ce que j'raconte putain? Moi qu'ai toujours des conneries à sortir...

Laura sourit devant le léger trouble de Ben. Elle posa sa main sur son bras et le serra amicalement.

    « Laisse-moi te présenter quelqu'un, tu veux bien? »


Un homme début la trentaine arriva à leur niveau. Il avait les cheveux aussi blonds que Laura mais des yeux bleu. Sa peau semblait douce, son port était altier et il émanait de lui une force profonde et tranquille. L'homme était grand et d'une magnifique carrure.

    « Je te présente mon mari, Ben. Lokhtar Leandoros. Je t'ai envoyé le faire-part, tu te rappelles? Merci pour ton mot d'ailleurs. »

    « Avec plaisir » répondit Ben, ignorant tout de ce petit mot. Karl s'en était occupé pour lui, sans doute...


Le bel homme tendit une main que Ben serra vigoureusement.

    « Alors, mon cher? Journaliste? Banquier? Homme d'affaires? Connaissant ma chère Laura, vous ne devez pas être n'importe qui! »

    « Lieutenant de la troisième cohorte d'infanterie de la cinquième armée républicaine, cher Monsieur Doyle. »


Ben siffla un long coup, faisant rire joyeusement Laura.

    « Nous nous sommes rencontrés lors des incidents de Dubrillion. Je travaillais comme grande reporter pour... un journal concurrent, comme tu sais, et... il m'a séduite. »

    « Ouais, j'y suis allé aussi, avec le sénateur de Neimodia, mon vieux pote Grendo tu t'rappelles? Belle saloperie. »

    « Toi, sur Dubrillion? Je croyais que tu ne pratiquais que le journalisme de bureau... » le taquina-t-elle gentiment.

    « Faut bien sortir de temps en temps, héhé. Mais je n'te cache pas qu'jpréfère venir ici. »

    « Je m'en doute, Benou, je m'en doute... et je ne peux pas t'en vouloir. »

    « Vous n'avez pas tort, cher Ben, si vous me permettez de vous appeler Ben. Ce gala est superbe, je n'avais encore rien vu d'aussi beau et impressionnant. Je vous félicite d'organiser un tel évènement en faveur des réfugiés. Vous faites votre part. Je peux vous assurer que je ne manquerai pas d'en faire autant, à ma mesure, dans l'armée. Vous pouvez compter sur la volonté des soldats de la République, Ben, pour la défendre corps et âme. Nous ne laisserons pas un pouce à l'ennemi. »


Laura eut un nouveau petit sourire, salua Ben et le couple s'en retourna à sa table.

Ben, troublé, reprit son chemin vers l'extérieur. Il passa entre deux légères tentures encadrant mollement deux hautes portes donnant sur la terrasse extérieure. Le vent vint tout de suite frapper son visage, le revivifiant agréablement. Il n'y avait personne ici, le monde poursuivant le repas à l'intérieur, profitant d'une soirée à plusieurs milliers de crédits. Ben s'avança jusqu'à la balustrade de pierre. Une lune quasi pleine éclairait la mer et les quelques îles aux alentours. Les étoiles brillaient de mille feux, se reflétant dans le bleu de l'eau, dont le clapotis régulier parvenait de plusieurs mètres en contrebas.

Le vieux journaliste remarqua une orange, par terre, à ses pieds. Il se baissa péniblement, la saisit et se releva, regardant attentivement le fruit. Son regard se perdit ensuite vers le large. Il enfonça l'ongle de son index dans la pelure orange. Il sentit le jus sortir, éclaboussant son doigt et piquant ses envies. Il arracha violemment un quartier, balança la peau vers la mer et enfourna le morceau. Une saveur succulente raviva ses papilles.

Ce Lokhtar était-il aussi con qu'il en avait l'air? Tout beau et brillant, tout plein d'idéaux ridicules. Se rendait-il compte des crétineries qu'il avait débitées en juste quelques phrases? "Faire sa part"? Soit il s'était vraiment bien foutu de sa gueule, soit il était stupidement sérieux. Ben penchait pour la deuxième option. D'une certaine manière, il plaignait Laura. Mais avec un débile pareil, son mari serait bien vite mort dans l'une des prochaines campagnes de l'Empire... Il imaginait déjà la scène. Le corps du beau grand blond engoncé dans un cercueil bon marché du Ministère de la Défense, le drapeau républicain ceignant la grosse boîte, le visage pâle et apparent du bonhomme fermé pour toujours, Laura pleurant à chaudes larmes, enceinte de jumeaux.

Ben eut un petit rire grimaçant, tout seul, dans le noir. Il profita de ce qu'il était seul pour lâcher un pet retenu depuis trop longtemps. Il enleva le reste de peau à l'orange et mangea un nouveau morceau. Il ne lui restait plus que deux quartiers en mains. Il se sentait mieux, comme réveillé par une violente piqûre. Il regarda les lieux et se dit que tout cela lui appartenait, d'une manière ou d'une autre. Il était ici le maître, le patron. Il sentit l'adrénaline monter. Oui, il avait du pouvoir, lui, le petit enfant des bas-fonds de Coruscant. On lui devait respect et obéissance.

Soudain, il sentit comme un point de côté s'emparer vivement du côté gauche de son torse. Il y porta sa main gauche, surpris plus que paniqué. Des tâches de lumière apparurent devant ses yeux, l'éblouissant. La douleur fut, en une fraction de seconde, bien plus vive. Il ouvrit la bouche, voulut se plaindre mais aucun son ne sortit. Il sentit ses jambes s'effondrer sur lui. Il s'agrippa à la rambarde de pierre ouvragée, s'ouvrant les mains au passage. Il sentit du sang couler le long de son bras, tâchant son beau costume immaculé. La douleur, aussitôt disparue, fit de nouveau surface avec une fulgurance nouvelle. Partie du fin fond de son thorax, elle s'empara de tout son être, traversant chacun de ses membres, les faisant se tendre tels des ressorts. La peine fut cent fois plus grande que la première fois.

L'énorme corps de Ben se tendit tel un élastique prêt à craquer. Son dos se cambra, les veines de son cou prirent une teinte violacée, de la bave sortit de sa bouche. La petite main du gros Doyle écrasa les quartiers d'orange avec violence, serrant les restes du fruit dans son poing dégoulinant de jus. Des perles orangées gouttèrent sur le marbre blanc.

Et à l'intérieur de la Gemme de Telerath les festivités continuèrent.
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