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Le moineau et l'employeur

Lana Anthana - Sanah Seed



    Une petite trentaine de minutes de marche, c'est ce qui sépare mon appartement du palais de la Chancellerie, distinguable d'entre tous. La planète-ville abrite pourtant un grand nombre de gratte-ciels et de tours, toutes plus hautes les unes que les autres, comme attirées par une force invisible. Mais le palais, lui, brille de mille-feux, auréolé d'une rotonde dorée, celle du Sénat galactique. Je ne presse pas l'allure, le temps ne me manque pas. Il me faut dix minutes pour sortir du quartier. De nombreux restaurants déversent leurs effluves grasses dans l'air déjà chaud. Au milieu du brouhaha, des bruits de friture et le choc des plats et assiettes forment une curieuse mélodie, assourdissante. Même si je me trouve dans la partie supérieure de la planète, je ne distingue pas le ciel, caché par les toitures, les bandeaux et rabats des échoppes. Tout est surchargé : les habitants vivent dans de petits appartements les uns sur les autres ; les terrasses, quand elles sont présentes, se confondent entre elles. Déambuler dans ces rues demande une concentration de tous les instants, si tant est qu'un pickpocket ne vous prenne pas pour cible. Même si cette zone n'est pas marquée par la pauvreté, le sol est sale, jonché de déchêts organiques attirant des insectes difformes. 

    Un passage plus large m'offre enfin un air moins vicié. Je m'écarte vivement vers la droite pour laisser libre passage aux speeders pressés et continue ma route. En contrebas, alors que je traverse une passerelle surplombant une voie rapide, je distingue les niveaux inférieurs. Si quelques rayons solaires parviennent encore à filtrer jusqu'à moi, je doute que ces lieux aient déjà aperçu une lumière naturelle. Les enseignes clignotantes, grisées par le temps, ne sont que le reflet miteux de ce qu'elles étaient et, à cette heure, la plupart des commerces sont fermés par un rideau de fer tagué et enfoncé par les coups. Je ne suis guère accoutumée à ces coupe-gorges sombres, de même que je ne suis habituée à la Chancellerie où je me rends pourtant. 

    Mes pas m'en rapprochent progressivement et, avec de l'avance, je discerne finalement les grandes marches à quelques centaines de mètres. La large allée que j'arpente est séparée en deux par des holo-arbres plus vrais que nature. Seul un scintillement particulier, à leur base, permet de les différencier de véritables feuillus. Le sol de pierres blanches, impeccables, reflète la lumière et renforce la magnificence du lieu. Je ne croise que quelques personnes, fastueusement vêtues, qui bombent le torse à hauteur de leur fierté. Je lève instinctivement la tête alors qu'un vaisseau vrombissant, luxueux, s'approche des plateformes situées en haut du bâtiment, pour quelque sénateur venu siéger. Un tapis rouge, soyeux, habille la vingtaine de marches qui mène aux imposantes portes, surveillées par des gardes inusables. Ils tiennent leur lance avec une rigueur toute militaire, mais ils n'ont rien de vrais soldats. 

    Approchant de l'entrée, deux d'entre eux arrivent à mon niveau d'un pas décidé. L'un est plutôt frêle sous sa robe flottante. L'autre paraît plus carré d'épaule. Leurs visages sont cachés par les casques réglementaires, barré d'un « Y » noir. Lorsqu'ils m'adressent la parole, leurs voix sont modifiées et robotiques.

    — Quelle est la raison de votre visite ? 

    Je farfouille dans le sac que je tiens en bandoulière. Je sens leurs regards, alertes, alors qu'ils raidissent leur emprise sur leurs lances. J'en tire un datapad que j'allume rapidement pour afficher un message. 
    « Madame Seed, vous êtes convoqués en ce jour à la Chancellerie pour rencontrer un membre éminent du gouvernement républicain. Veuillez vous munir de cette présente, sous peine d'être refoulée. » 
    Le message est frappé d'un sceau officiel qu'un garde scrute pendant un moment avant de reculer de quelques pas et de marmonner dans son communicateur. 

    — Nous avons une femme, Madame Seed, qui a apparemment un rendez-vous avec un membre du gouvernement.

    Des grésillements lui répondent, puis une voix qui m'est inaudible. 

    — Bien. Suivez-nous et restez proche.

    Je leur emboite le pas et les portes s'ouvrent à leur passage, sans aucun bruit. L'intérieur est plus impressionnant encore que ne le laisse penser la façade. D'immenses piliers soutiennent d'imposantes voûtes sous lesquelles nos pas résonnent, le bruit descendant ensuite le long des murs bardés de teintures perfectionnées, retombant sur les bustes des augustes visages que je ne connais pas. Nous avons directement tourné sur la droite et emprunté un haut couloir que ces visages gardent de leurs yeux immobiles. Je ralentis, examinant une statue avec curiosité lorsque je suis sèchement rappelée à l'ordre. « Veuillez suivre, s'il vous plait. » Exprimée avec respect, l'injonction ne me laissait pas le choix et je presse à nouveau l'allure. 

    Qu'entend le message en évoquant ce « membre éminent du gouvernement républicain » ? Un assistant ? Peut-être même un secrétaire d'Etat, espéré-je. J'évite les faux espoirs. Je suis confiante en mes capacités, mais le jeu politique m'est inconnu. Je serais pourtant chargée de conseiller l'un de ces représentants, avec la force de mon expérience. Connaissent-il la cruauté du terrain ? Savent-ils seulement ce que leurs agents, dont ils disposent d'un simple ordre exécutif, sont amenés à accomplir afin d'accéder à leurs désirs ? Peuvent-ils seulement s'en rendre compte ? Ou bien, ai-je uniquement de bas aprioris. Cette dernière pensée, illusoire, me réconforte pourtant. 

    Alors que nous avançons, ma respiration s'accélère contre mon gré. Ce n'est pas un effort physique qui en est à l'origine, mais l'anxiété. Je réalise que cela fait des années que je n'avais pas ressenti cela, comme inhibée par mon entraînement. Nous avions appris à compartimenter notre esprit. Émotions prohibées, d'un côté. Logique et esprit rationnel de l'autre, gage de survie.

    Je décide de ne pas refouler cette sensation, je me sens vivante. Cela faisait longtemps. Les deux gardes ralentissent finalement et s'arrêtent devant une porte coulissante, simple. Elle est fermée. Aucun bruit ne perce de l'intérieur. Je m'arrête également et ils m'encadrent, comme si je pouvais commettre quelconque méfait. Nous attendons alors.

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Lana se tenait dans ses bureaux au Sénat. Il s'agissait d'une vaste pièce meublée pauvrement mais avec goût. En entrant, il y avait sur la gauche une série d'étagères ployant sous les dossiers qui couvrait l'intégralité du mur. Sur la droite, quelques plantes donnaient un aspect un peu moins austère à la pièce, et cachaient partiellement la porte menant aux quartiers privés de l'umbaranne. En tant que sénatrice, elle n'avait pas eu beaucoup l'occasion d'y séjourner, préferant des appartements plus luxueux à l'extérieur. A présent, sa charge de travail liée à son statut de vice-chancelière la forçait quasiment chaque soir à y rester pour ne plus gaspiller son précieux temps en trajet.

Au fond de la pièce, devant une large baie vitrée aux vitres teintées, il y avait l'énorme bureau noir de Lana, de près de trois mètres de long pour deux de large. La vice-chancelière se tenait derrière l'imposant meuble, dans un large fauteuil de cuir en coupole qui finissait bien plus haut que sa tête. Le fauteuil en lui-même était aussi imposant que le bureau en lui-même, et considérablement renforcé, afin de gêner toute attaque par derrière. Vieille habitude umbaranne. Tout comme la luminosité de la pièce, à peine aussi éclairée qu'une nuit de pleine lune. Cela suffisait amplement à ses délicats yeux, même si c'était à peine suffisant pour la majorité des autres espèces. Selon son humeur et ses objectifs, Lana faisait parfois l'effort d'augmenter la luminosité de la pièce, afin de mettre son interlocuteur dans de meilleures dispositions.

Mais ce ne serait pas le cas aujourd'hui.

Elle lisait en diagonal le dossier qu'elle avait devant elle. Une nouvelle assistante pour la chancelière Kira. Cette dernière en avait bien besoin, il n'y avait pas à dire, considérant la charge de travail qu'elle s'imposait. Mais depuis son arrivée dans le gouvernement en tant que vice-chancelière, l'umbaranne avait imposé une règle tacite mais terriblement stricte. Tout ceux qui devaient collaborer étroitement avec Emalia devait auparavant passer par Lana. Elle avait été inflexible sur ce point. Elle avait un don pour dénicher les incompétents, les opportunistes, et les pions d'autres personnalités politiques. Sans compter qu'avec la Force, elle pouvait également détecter les Sith. Ainsi, Lana veillait à l'entourage de sa supérieure, tel un chien de garde particulièrement féroce mais attentionné. Elle s'assurait que la chancelière soit bien entourée, par des personnes compétentes et aux avis variés.

Elle reçut le signal que son invitée était arrivé, et donna son accord pour la recevoir. La porte du bureau s'ouvrit sur la pièce sombre, et Sanah fut invitée à entrer.


- Mademoiselle Seed, asseyez-vous je vous prie, dit-elle d'une voix sans émotion.

Il y avait presque huit mètres entre la porte et le bureau. Autre mesure de la vice-chancelière, qui lui laissait le temps de réagir si des assaillants pénétraient par l'entrée. Sur toute cette distance, Sanah put sentir le regard de Lana peser sur elle. Dans l'obscurité de la pièce, les yeux de Lana reflétaient le peu de lumière présente, et brillaient comme ceux d'un prédateur nocturne. L'umbaranne n'avait de plus pas besoin de ciller, ce qui rendait son regard encore plus perturbant. Elle attendit sans un mot que la jeune femme prit place sur un des sièges des invités, lui faisant face de l'autre côté de l'immense bureau.

Malgré l'obscurité, la silhouette pâle de l'umbaranne était parfaitement reconnaissable, d'autant que peu pouvait prétendre lui ressembler au gouvernement. Lana se targuait d'être inoubliable, mais pas forcément pour ses bons côtés cependant. Cela ne l'empêcha pas de se présenter formellement:


- Je suis Lana Anthana, sénatrice et princesse de Kuat, et actuelle vice-chancelière de la République.

Elle aimait bien s'entendre dire ça, cela gonflait son orgueil. Elle se tenait devant Sanah, impérieuse dans son grand fauteuil. Elle n'était pourtant vêtue que d'une simple robe noire, sans motifs et sans aucun ornement. Ses longs cheveux noirs étaient noués en une longue tresse simple qui passait par dessus une de ses épaules pour se terminer sur sa poitrine. Pourtant sa présence paraissait écrasante, grâce à sa prestance et à un petit coup de pouce de la Force.

Elle tenait à marquer le coup. Elle avait une réputation à tenir


- Savez-vous pourquoi vous êtes ici, mademoiselle Seed ? demanda-t-elle d'une voix mortellement calme.

Son visage n'exprimait aucune émotion, en bonne politicienne qu'elle était. Cependant, avec l'obscurité, Lana n'était pas sûr qu'une telle précaution soit nécessaire.
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Le moineau et l'employeur

Lana Anthana - Sanah Seed



    Le garde hoche la tête dans ma direction. J’hoche la mienne en retour, instinctivement, avant de réaliser ma bêtise. Sans attendre, la porte s’ouvre silencieusement. Contrastant avec le couloir éclairé, la pièce qu’elle découvre force mes yeux à s’adapter. Mon ombre se dessine dans l'embrasure. Je comprends d’un geste du garde frêle, alors qu’il tape sa lance sur le sol froid, que je dois passer la porte. J’avance, ils s’éloignent, leur travail terminé. Elle se referme. Je ne bouge pas. Peu à peu, les objets prennent forme, ma vue devient plus précise. Il y a tout juste assez de lumière pour que je distingue ce qui m’entoure sous forme d’ombres chinoises, leurs silhouettes découpées de noir. Ça paraît sobre, mais je ne peux isoler les détails.
    Je reprends ma progression à une allure normale. La forme d’un bureau, précédé d’une haute et impressionnante chaise, se découpe devant une large baie vitrée. Ce point centralise mon regard, inhabituel. La teinture sombre de celle-ci explique la pénombre ambiante. Il me faut encore quelques pas pour appréhender le profil de la personne qui siège dans le confortable fauteuil.

    Sa voix s’élève, glaciale. Pendant un instant, je doute d’être au bon endroit. Je me demande même si les deux gardes, fatigués, ont bien saisi l’objet de ma visite. Il n’y a pourtant qu’une « Mademoiselle Seed ». Mon coeur s’emballe et je prends une profonde inspiration, discrète. Il ne me reste que quelques pas à parcourir pour arriver à hauteur des deux sièges, qui ne rivalisent pas avec le trône de l’autre côté. D’un mouvement leste, je m’y installe, invitée par la même voix. J’ai beau essayer, je ne déchiffre pas l’humeur de l’interlocutrice qui s’introduit alors.

    — Enchanté, Madame la Vice-Chancelière, réponds-je.

    Je juge inutile de me présenter. La lumière bleutée du datapad attire brièvement mon regard, sur la gauche. Nous ne nous sommes jamais rencontrées, mais elle me connaît probablement plus que je ne la connais. La Vice-Chancelière elle-même, en plus. Compartimente, Sanah ! J’enferme mes états d’âme et mes jugements dans l’un d’eux.

    — Oui, en effet, dis-je d’une voix que je souhaite confiante. Je suis ici car la Chancellerie a exprimé la nécessité d’engager de nouveaux conseillers, notamment en relations politiques et géopolitiques.

    Un frisson naît dans ma nuque, descend jusqu’au milieu du dos, continue dans mon bras droit pour mourir doucement dans ma main. Légèrement surprise, je prends conscience de la pesante ambiance dans laquelle nous évoluons. Sans raison aucune, je me sens épiée. Je n’ose pas tourner la tête pour vérifier si la pièce est filmée, mais je juge cela hautement probable. C’est plus que ça... pensé-je. L’intuition surgit et disparait aussi vite.

    Une navette file à toute allure, non loin de la baie vitrée. Les moteurs vrombissent, tremblants, et le bruit assourdissant pénètre la pièce pourtant insonorisée. Je sens son regard. Je braque le mien sur ses joues en évitant, autant que faire se peut, de plisser les paupières. La Vice-Chancelière est une Umbaranne, ethnie à la peau blanchâtre et aux yeux félins qui ne cillent jamais. Je passe outre l’effet troublant pour me concentrer sur son visage auquel je ne parviens pas à donner un âge. Sa robe sombre se mêle dans la noirceur du lieu et confère un aspect à la fois gracieux et mystérieux. J’attends, dans une expectative un peu anxieuse alors que le silence est progressivement revenu, que l’Umbaranne continue ses questions.

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Lana laissa son interlocutrice répondre à sa question purement rhétorique. Oui, elle espérait tout de même que Sanah sache pourquoi elle était ici... Cependant, elle ne semblait pas en savoir plus. Tout comme la vice-chancelière. Effectivement, l'humaine venait pour servir dans la Chancellerie. Serait-elle l'assistante personnelle d'Emalia ? Celle de Grendo ? Ou d'un quelconque ministre... Ou bien peut être serait-elle un peu de tout, travaillant là où on avait besoin d'elle le plus. Qui savait ? Lana aurait parié que personne, dans les méandres tortueux de l'organisation administrative républicaine, n'aurait pu répondre. Cela ne n'empêcherait pas l'Umbaranne de faire son travail.

Elle laissa un silence inconfortable flotter dans le bureau. Trente secondes. Puis une minute. Elle devait voir si Sanah prendrait l'initiative de parler, ce qui serait malheureux pour elle. La Chancellerie n'avait pas besoin de personne bavarde dans ces rangs. Ses membres savaient quand ils devaient l'ouvrir, et quand ils devaient se taire. Les mots étaient des armes, après tout, et se devaient d'être utilisés à bon escient, sans gaspillage. Tant que Lana ne requérait pas expressément une réponse, l'humaine se devait de rester à carreau. Mais ce silence n'avait pas l'air de la gêner. Elle restait droite dans sa chaise, attentive. Bien. Elle savait où était sa place, et qui était sa supérieure ici.

L'ancienne Sith mit cependant ce temps à contribution. Lançant la Force dans la pièce, elle vint effleurer l'esprit de son interlocutrice. Elle ne s'attaqua pas à ses pensées. Bien trop risquée, Sanah aurait pu comprendre, et résister. Elle ne souhaitait pas abimer une nouvelle collaboratrice. Pas tout de suite en tout cas, ce serait selon ce qu'elle trouverait. Elle se contenta d'examiner sa trace dans la Force, et l'aura qui émanait d'elle. Jamais elle n'autoriserait un Sith ou un Jedi s'approcher de la Chancelière, ou d'un autre membre du gouvernement. Son travail était déjà bien trop complexe sans en plus avoir d'autres utilisateurs de la Force dans les parages ! Mais elle ne trouva rien, aussi se retira-t-elle rapidement et discrètement, avant que son cobaye ne comprenne ce qui lui arrivait.


- Relation politique et géopolitique, fit-elle, reprenant les mots de son interlocutrice d'un ton songeur.

Elle commença à triturer de façon inconsciente le datapad devant elle, comme pour souligner qu'elle avait lu tous les rapports qu'on avait pu lui présenter. Bien sûr, ce petit geste anodin était en fait murement calculé. Les yeux de prédateurs de l'Umbaranne, luisant faiblement dans l'obscurité, ne quittaient pas un seul instant la jeune femme qui lui faisait face.


- Dites moi, mademoiselle Seed, vous avez un parcours bien atypique pour une conseillère politique... avança-t-elle doucement. Racontez-moi donc ce qui vous conduit ici.

D'une pression, elle éteignit le datapad, prouvant qu'elle n'en avait plus besoin.


- Oh, et parlez moi de S'orn également, je vous prie, reprit-elle d'un ton un peu plus féroce. Il me semble avoir vu son nom apparaitre quelque part des vos dossiers...

Ce qui était un euphémisme. Pour ce qu'elle en savait jusque là, Grendo était le responsable. Comme toujours. C'était lui qui souhaitait lui coller un agent aux basques, pour des raisons qui lui était propre. Ce sale petit crapaud ne cesserait donc jamais de manigancer. Il faudrait bien un jour ou l'autre que Lana s'occupe de lui. Mais elle n'allait pas déclencher un conflit interne à cause de lui, même si elle le jugeait de plus en plus dangereux. Elle atteindrait qu'il tire le premier. Après tout, peut être se faisait-elle simplement des idées... Pour la stabilité du gouvernement, une fois n'est pas coutume, elle ne serait pas celle qui lancerait les hostilités de façon préventive.

Lana se leva de son imposant siège, et alla se placer de profil devant la grande baie vitrée. C'était la première fois qu'elle quittait Sanah du regard, mais elle ne relâchait pas son attention à son égard pour autant. Elle regarda quelques instants à l'extérieur, jouant avec le bout de sa tresse d'un air faussement absent. En réalité, elle était très attentive à ce que pourrait lui dire Sanah. Car avec un petit coup de pouce de la Force, son expérience de politicienne et son passé d'Umbarane, Lana était un excellent détecteur de mensonge. Pas parfait, certes...
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Lana Anthana - Sanah Seed




    La méta-communication. Ce mot me revient à l’esprit, alors que nous nous dévisageons en silence. L’art de « communiquer sur la communication » : les caractéristiques non-verbales du locuteur, ses gestes, ses mimiques ou ses positions. Tout cela se rappelle à ma mémoire. Bien que de taille moyenne, ce que je juge malgré sa position assise, l’Umbarane fait montre d’une prédominance qui n’est pas uniquement due à son rang. Ses manières outrecuidantes laissent présager un certain complexe de supériorité qu’elle entretient avec une subtilité à peine voilée. Une nouvelle fois, une étrange présence s’impose à moi, sans que je puisse déterminer son origine, un peu à la manière d’un courant d’air frais glissant sur des épaules découvertes.
    J’acquiesce, muette, et laisse glisser mon regard vers la vitre, pendant quelques secondes. Au-dessus de l’immeuble voisin, que nous surplombons de plusieurs étages, un vaisseau treuille une volumineuse antenne, chahuté par le vent d’altitude. Je le considère, les secondes suivantes et ramène mon regard vers mon interlocutrice.

    Je me racle poliment la gorge.

    — Mon expérience la plus significative provient des Services Secrets de la République, où j’ai servi pendant six ans, acquérant des postes et grades différents sur des terrains d’opérations variés. De la collecte et transmission d’informations à la coordination d’équipes sur place, dans le cadre de cellules temporaires, mes attributions m’ont menées sur de nombreux théâtres de conflits, aux causes et conséquences inégales et contrastées. La guerre sous-jacente et continuelle entre Empire et République, les escarmouches avec des mercenaires, des groupes aux activités illégales, le trafic d’influence auprès de planètes neutres, la manipulation électorale. Et c’est une liste non-exhaustive. Je pense que tout ceci ne vous surprend pas. J’ai même servi, et commencé, dans les groupes les moins reluisants, outils républicains. – Je marque un temps de pause et je déglutis, puis reprends. – Aujourd’hui, après une dernière mission commandée par le Ministre M. S’orn, j’ai profité de mon discernement et de ma prise de recul pour intégrer un corps de métiers dans lequel je pourrais toujours, je l’espère, être utile à la République, combinant mon expérience de terrain avec des théories fraîchement acquises.

    Je laisse le temps à la Vice-Chancelière d’assimiler ce que je viens d’énoncer. J’avais gardé une élocution au rythme modéré, parfaitement articulée. Je décroise mes jambes ankylosées, toujours assise, pour les soulager et pose mes mains sur les accoudoirs finement ornés. Mes yeux sont bien mieux acclimatés, maintenant.
    Le ton qu’emploie Lana me donne à penser que le passif entre elle et le Ministre de la Sécurité intérieure n’est pas radieux. J’accompagne des yeux ses mouvements, je peux dorénavant voir son corps et ses courbes voluptueuses, que sa robe magnifie. Ses cheveux sont plus longs que je ne le pensais, bruns.

    — Malheureusement, Madame la Vice-Chancelière, je crains que les relations professionnelles que M. S’orn et moi-même avons entretenu et qui ont, parce que M. le ministre l’a jugé ainsi, mené à ma présence ici, sont protégées par le secret défense du Département de la Sécurité républicaine. Je n’ai pas le droit, sous peine de sanctions, de vous en révéler les détails. Mais vous pouvez tout à fait vous renseigner auprès de M. S’orn lui-même.

    Ainsi, je botte judicieusement en touche, usant d’une sémantique connue autour du fameux « secret d’Etat ». Je vois à nouveau le datapad, éteint, posé sur le bureau. Si leurs relations sont aussi radieuses que l’inflexion de sa voix ne le laisse penser, alors je parie intérieurement que c’est un choix sensé, dicté par la mesure.


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Lana écouta son interlocutrice, pensive. Son ton était mesuré, sa voix claire, compréhensible... Et elle avait l'art de répondre à une question sans y répondre vraiment. Car son dossier lui avait déjà appris tout cela. Elle aurait souhaité connaitre ce que ces lignes cachaient vraiment. Ses motivations. Ses envies. Pourquoi elle avait souhaité rejoindre ce poste, plutôt que rester dans les services de renseignements... On aurait dit qu'elle avait sciemment ignoré la question, en lui jetant un peu de poudre aux yeux pour faire diversion. Elle ferait probablement une bonne politicienne... L'avait-elle seulement fait exprès ? Que cachait vraiment ses petits yeux noisettes, qui l'observaient calmement ? Si la manœuvre était volontaire, la vice-chancelière devait se reconnaitre impressionnée.

Tout comme pour sa manœuvre suivante. Le secret défense... Ah ! Combien de fois Lana avait sorti elle-même cette vieille excuse ? Invoquer quelques restrictions, même imaginaire, portait souvent ses fruits. Et permettaient également de se dédouaner. Ce n'était pas sa faute, mais celle des règles que l'on suivait. Sanah semblait retenir convenablement les informations, ne partageant que le strict minimum. Bien sûr, elle espérait que ce trait ne resterait qu'en présence d'inconnus. Si elle tenait à faire partie de l'équipe gouvernementale, il lui faudrait bien communiquer avec ses collègues, et ses supérieurs. Mais qui était réellement ses supérieurs ?

Lana aurait pu tout à fait faire craquer ce secret confidentiel, ici-même. Après tout, elle était vice-chancelière, et représentait la République lorsque la chancelière n'était pas là. Et Emalia n'était justement pas là... Aucun secret n'aurait dû lui être caché. Pour le bien de l’État, cela allait de soit. Pour son bien à elle ? Oui, sûrement un peu aussi. Elle devinait derrière quelques manigances. Elle sentait les gros doigts poisseux de S'orn. Il plaçait ses pions sur l'échiquier. C'était de bonne guerre, les siens étaient déjà solidement établi sur le plateau de la partie. Devait-elle se méfier ? Jusqu'à nouvel ordre, le ministre était embarqué dans le même bateau qu'elle, et n'avait aucun intérêt à ce qu'il coule. Tant qu'il n'essayait pas de la jeter par dessus bord, cela convenait à l'umbarane.

Elle joignit devant elle ses mains fines, entrecroisant ses doigts délicats, pensive sur la marche à suivre. Elle allait rarement plus loin dans les entretiens qu'elle menait pour le petit personnel. Il n'y avait pas vraiment de besoin... Elle était là pour juger rapidement la personne, et tester qu'il ne s'agissait pas d'un manipulateur de la Force. Le reste, c'était le boulot des services de sécurité, et des recruteurs. Pourtant, Lana eut envie de pousser plus loin, curieuse. Elle avait l'impression que Sanah n'était pas n'importe qui. Et que le cerveau sous ses jolies boucles brunes cachait bien plus qu'elle ne souhaitait le dire.


- Vous m'en direz tant, répondit-elle à la jeune femme qui lui faisait face dans un murmure dangereux.

Très bien, Sanah semblait apte au travail, et surtout à ne pas trop discuter de son dit travail, ce qui était honorable en soit. Lana souhaitait tenter à présent une approche plus directe afin de tester les réactions de son interlocutrice. Un bon rentre-dedans brutal pouvait faire tomber bien des masques, y compris ceux de politiciens émérites facilement impressionnables.


- Supposons que j'ignore un instant le fait que vous soyez un pion du ministre S'orn... poursuivit-elle d'un ton direct.

Était-ce vrai, ou non ? Peut-être. Elle s'en fichait. Il s'agissait juste d'une attaque frontale comme une autre. Une de celles que l'ancienne espionne aurait à essuyer. Elle revint s'asseoir sur son imposant fauteuil, son regard implacable se focalisant de nouveau sur sa proie.


- ... Pourquoi le gouvernement vous ferait-il confiance ? Vous avez un passé douteux, une formation bien tortueuse pour finir à cette position et vous cachez vraisemblablement des informations.

Elle écrasa son petit poing pâle sur l'énorme bureau dans un bruit mat, faisant tressauter le datapad qui reposait un peu plus loin. Autant y aller sérieusement, même si la Sith doutait pouvoir intimider une ancienne militaire. Son regard brillant luisait d'un éclat d'acier.

- Sérieusement, nous sommes en guerre ! Ce comportement est juste douteux, mademoiselle Seed, j'espère que vous vous en rendez-compte. Pour autant que je le sache, vous pourriez très bien être une sith, ou un quelconque agent de l'Empire. Devrais-je vous laisser vraiment approcher de la Chancelière dans ce cas ?

Puis, changeant brutalement de sujet, mais gardant le même ton cassant destiné à déstabiliser Sanah, aboyant comme un sergent envers son cadet:

- Vos compétences !

Bon, tout ceci la faisait paraitre un peu schyzophrène, mais elle n'avait rien à prouver à cette jeune fille... Alors que l'inverse n'était pas vrai !
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Le moineau et l'employeur

Lana Anthana - Sanah Seed



    Le « vous m’en direz tant », qui s’échappe de sa bouche dans un souffle, comme si elle n’avait pas vraiment voulu qu’il sorte, ne laisse que peu de doutes. Ce que je pense se confirme. C’est toujours intéressant et ô combien révélateur de connaître les relations de tout un chacun. Ceci dit, cet excédent d’information s’était toujours révélé utile dans mon ancienne activité, loin d’être un simple commérage de bas étage.

    Finalement décidée à reposer son petit derrière sur un fauteuil trois fois trop grand, elle reprit bien vite son numéro, comme si j’assistais à une pièce de théâtre. Pour être tout à fait franche, je m’attendais à mieux venant d’une Vice-Chancelière en poste. Même les recruteurs auxquels j’ai eu à faire, à peine quelques semaines plus tôt, s’étaient montrés plus convaincants et autrement plus vicieux. Je sentais venir la suite, quelque chose entre autorité et morale.

    Ses yeux se rétrécissent, les miens aussi. Si l’on déroge à nos positions respectives et au lieu dans lequel nous nous trouvons, cela ressemble à un « combat de regards » un peu pitoyable, auquel on assistait souvent à l’orée des rues mal famées. Mais avec les formes.
    Elle termine sa grandiloquente tirade. Il ne manquait plus qu’un rideau rouge écarlate ne descende entre nous pour clôturer la représentation. Je m’abstiens de ces commentaires qui peuvent m’arracher un sourire si je n’y prends pas garde.

    — Admettons que je sois un pion de M. S’orn, celui-ci est un pion de la République. Comme nous le sommes tous, n’est-ce pas ? dis-je d’une voix qui tranche radicalement avec mes pensées frivoles. J’accepte mon passé. Il n’est pas douteux, il est ce qu’il est : celui de la jeune délinquante que j’étais. Perdue. Nous avons tous été perdu un jour. – Je dépose mon dos sur le dossier moelleux et reprend. – J’aurais aimé rentrer dans le droit chemin différemment, autrement que forcée par les Services Secrets à intégrer leurs rangs, à effectuer leur basses besognes, à apprendre à perdre tout estime de moi et de mon corps. Oui, c’est vrai. Tout ceci n’est pas marqué dans mon dossier. Les dossiers sont bien plus factuels, bien plus édulcorés. Mais, je considère que mon passé est révolu. Aujourd’hui, je suis au courant des plus sombres et funestes côtés de la République, j’en suis parfois à l’origine même. C’est donc un doux euphémisme que vous avez de parler ainsi de ma formation tortueuse, continué-je en insistant sur ces derniers mots. Nous sommes en guerre. Durant ces périodes, la fin justifie les moyens et vous ne pouvez ni ne souhaitez vous passer de quelqu’un qui a vécu sur le terrain. J’y suis devenu la personne que je suis aujourd’hui, mais j’ai aussi acquis un réseau vaste et puissant. Certains Sénateurs, certains dirigeants actuels de planètes neutres et mineures me sont encore redevables.

    Je suis légèrement essoufflée, maintenant. Avais-je tant parlé ? Cette Vice-Chancelière fait naître en moi une rage sourde que je ne comprends pas, différente, et qui ne correspond pas à l’état d’esprit dans lequel je suis arrivé. Alors je bluffe.

    — Je ne suis pas une Sith, sinon je ne serais certainement pas là. Et vous l’auriez senti, non ?

    J’ignore sa prosodie dominante, j’ignore son intonation incisive et abrupte. Il faut dire que les sergents à l’égo démesuré, goûtant à leurs premières responsabilités, m’ont aguerri à l’exercice. Eux postillonnaient parfois en prime et ils faisaient siffler les oreilles. A l’inverse, les paroles mesurées du Neimodien auxquelles je n’avais pas prêté attention à l’époque, me reviennent à l’esprit. « Lana, tu verras. Elle crie parfois. Heureusement que son teint blafard d’Umbarane l’empêche de devenir rouge ! », raillait-il. C’était donc d’elle qu’il parlait !

    Son complexe de supériorité débordant m’avive, hors des sentiers que j’arpente d’habitude. Je joue d’audace, parfois un peu trop enhardie, ce que je m’apprête à faire à nouveau.

    — J’ai été formée à la psychologie, à la compréhension des processus cognitifs. Ici,
principalement à travers la notion de stimuli-réponse afin d’orienter la pensée. Science politique, cryptographie, éducation physique intense, armes et poisons complètent mes compétences. La vie de terrain m’a permise de mieux comprendre les enjeux politiques et stratégiques et de préciser les forces à l’oeuvre, celles que le commun des mortels ne voit pas. Oh, et, ajouté-je d’un ton plus grave, la manipulation aussi, bien sûr.

    Finalement, jouant une partie infiniment dangereuse en ayant la pleine conscience de celle-ci, je me demande si elle me teste ou si je la teste également.

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Comme prévue, son interlocutrice ne se laissa pas démontée par son ton cassant, ni même par son argumentaire direct. De la part d'un membre des services secrets, il fallait s'y attendre, mais Lana ne perdait rien à essayer. Cependant, le petit argumentaire de Sanah la laissait mal à l'aise. Plus le temps passait, et moins elle comprenait. Pourquoi une personne de son expérience, avec une telle formation, un tel passif, souhaitait devenir une gratte-papier ? Elle avouait elle-même connaître des secrets sombres de la République. Avoir un réseau. Des relations très haut placés. Des gens de haut rang ! (Ou bien de Oran ?). Pourquoi désirait-elle occuper une position si peu gratifiante que dans le corps de la Chancellerie ? Et pourquoi Lana, de son côté, accepterait-elle quelqu'un d'aussi dangereux sur son terrain de jeu habituel ?

Cette histoire n'était pas claire. La vice-chancelière se saisit d'un post-it vierge qui trainait sur son bureau, et le roula en boule d'une main, pensive. Le mouvement mécanique de faire tourner ce petit morceau de papier l'aidait à se concentrer, alors que Sanah lui détaillait ses compétences, qui auraient plus eu leur place dans le catalogue d'un assassin que dans celui d'une conseillère. Une raison de plus pour ne pas la laisser approcher d'Emalia... Ne pas être sûre de la loyauté de son interlocutrice la gênait. Tout comme le fait de ne pas pouvoir la percer à jour. Au encore de ne pas être capable de la pousser dans ses retranchements. Il lui restait cependant un va-tout. Lana, en bonne joueuse de cartes, ne dévoilait sa main qu'au fur et à mesure, chacun de ses coups étant soigneusement calculés.


- Je doute que vos compétences sur les armes et les poisons vous soient d'une grande utilité à la Chancellerie, répondit Lana d'un ton redevenu parfaitement neutre. Des restes de votre formation de "Moineau", je présume... Dites-moi, quel effet ça fait de vendre son corps en même temps que son âme à la République ?

Elle avait lâché cela d'un ton parfaitement innocent, mais elle était parfaitement au courant de ce qui se tramait derrière ce nom commun. Elle avait approfondi ses recherches sur la jeune femme... Et en tant que numéro deux de la République, il y avait peu de sujet sur lesquels on pouvait lui répondre "secret défense". Et même ceux-là, elle arrivait en général à y accéder. Elle était au Sénat et au gouvernement depuis assez longtemps pour savoir sur quelle corde appuyer quand elle avait un besoin. Il lui fallait titiller un peu son interlocutrice. Elle ne serait satisfaite que lorsqu'elle aurait trouvé une corde sensible sur laquelle elle pourrait jouer.

- Si je récapitule, mademoiselle Seed, vous avez des compétences d'espionnage rares et utiles. Des connaissances de données sensibles et "secret-défense" concernant la République. Des relations de personnes plutôt bien placées... Tout ce qui pourrait, somme toute, vous donner accès à ce que vous souhaitez. Ne plus avoir à travailler... Une vie de luxe... Ou bien au contraire, des postes à responsabilité, qui vous permettrait de gagner en puissance, en influence et en notoriété.

Son regard brillant transperçait celui de Sanah dans l'obscurité de la pièce. Dans sa main droite, elle jouait toujours avec sa boule de papier.

- Et pourtant, vous voici devant moi, pour rejoindre un poste de conseillère à la Chancellerie. Une position presque invisible, ingrate et terriblement mal payée pour la lourde charge de travail qu'elle implique. J'avoue éprouver un certain... désarroi devant ce choix.

Elle hésita un moment à propulser sa boulette de papier d'une pichenette directement dans le visage de son interlocutrice. Afin de briser sa concentration. Afin de la déstabiliser... Mais elle se retint. Elle était vraiment curieuse, et préférait obtenir une réponse convenable.

- Il doit y avoir des raisons derrière ce choix surprenant, fussent-elles personnelles. Et je veux savoir. Je dois savoir. Dans le bien de la République,
précisa-t-elle.

Elle devait comprendre ce qui poussait cette jeune femme à rejoindre la chancellerie, alors que mille-et-un choix plus intéressants s'offraient à elle. Elle devait savoir si elle était forcée, passionnée ou simplement arriviste. Une fois qu'elle comprendrait réellement qui était cette humaine, elle saurait alors s'il était possible de la gérer, de l'orienter. De la manipuler.
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Le moineau et l'employeur

Lana Anthana - Sanah Seed



    Lana est une actrice hors-pair. Ses mimiques faciales s'adaptent à son discours, au gré des ses envies. Cela parait instinctif, comme si chacune de ses phrases provenait d'une personnalité distincte qui s'avancerait sur le devant de la scène avant de laisser place à ses congénères. Ses gestèmes sont médités. Goguenarde, elle rabat inconsciemment ses épaules. L'exaspération la gagne. Je ne fais que suivre les règles mouvantes de son jeu. Un sourire, tendu, étire mes lèvres.

    « J'espère bien ! Je n'aurais pas répondu à l'offre d'emploi, à défaut. – Puis je me crispe, le sourire devient un rictus. – L'effet ? Oh, je suis sûre que vous devez connaître l'effet d'une partie de jambe en l'air. Sauf que l'on dissimule l'absence de plaisir avec subtilité. Je gage que vous devez votre place à ces oiseaux. Quant à mon âme, nous vendons tous la nôtre, l'essentiel est d'éviter le diable. » Je croise les bras, fière de ma déclaration. Une palpitation tourmente ma paupière droite.

    Je ne parviens pas à soustraire la grimace de mon visage. Mes yeux, eux, restent cristallisés dans les siens. Quelle peste ! Cherchait-elle à faire naître de la honte ? Du déshonneur ? J'en suis déjà dépouillée. Comment peut-elle seulement formuler cela comme une « vente », quand la République ne s'acquitte de rien en retour ? Elle en est la preuve, de ses observations persiflantes et caustiques. Je tourne la tête à droite, puis à gauche, puis de nouveau à droite. Reflétant les rares rayons lumineux traversant le spacieux bureau, une carafe transparente à la hanse ciselée repose non loin accompagnée de deux verres.

    « Puis-je ? dis-je en esquissant un mouvement de la main. » Elle semble satisfaite et hoche la tête.

    Je me lève, doucement. Le fauteuil n'émet qu'un son feutré. Volontairement atonique, je me sers. Elle refuse ma proposition silencieuse. Je m'installe donc derechef. Les yeux baissés entre mes mains, je contemple l'eau tournoyer, à la manière d'un petit siphon avant de reporter mon attention sur l'Umbarane.

    « Qu'attendrais-je d'une vie de luxe, si ce n'est une cible dans mon dos autant républicaine qu'impériale ? Je ne suis pas certaine de saisir vos propos, Vice-Chancelière. Vous désignez ces postes à responsabilités, me certifiez le pouvoir et l'influence. N'êtes-vous pas justement supposée garantir l'absence de telles ambitions ? J'ai passé ma vie à guider l'intérêt républicain, dans l'ombre. Je m'y suis habituée, l'anonymat est mon refuge et je laisse volontiers à des personnes telles que vous, à l'éloquence oratoire perfectionnée, le soin d'exalter les valeurs de la République. »

    Je bois et profite du liquide frais pour soulager ma bouche pâteuse.

    « Mes motivations sont saines, Vice-Chancelière. L'intérêt républicain et le mien se confondent. Mon efficacité n'est pas sur des estrades ou dans des communiqués holographiques. Je peux, bien sûr mais, la Chancelière et vous profiterez cependant de mes compétences différemment, j'en suis persuadée. Des prises de contact aux conclusions de contrats, d'une situation de crise à l'évaluation d'une stratégie efficiente, des pourparlers aux conclusions de traités : la renommée desservira, vous en conviendrez, tout résultat concluant à l'issue de cela. C'est ce dans quoi j'excelle et Madame la Chancelière se trouve dans une situation délicate. »

    Je tais le trait d'esprit qui me vient en tête. Après nous, nous écoutons souvent la petite voix, dans notre esprit, qui nous murmure nos envies.

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L'attaque sur son passé d'oiseau ne sembla tout d'abord pas l'atteindre. Elle se permit même une réponse goguenarde, tentant de retourner le fait contre elle. Mais Lana sentait bien que ce passé douteux la troublait encore, tant et si bien qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en grimacer. Bien, il faudrait probablement qu'elle creuse un peu la question, plus tard. Il y avait sûrement des informations croustillantes... Mais cela attendrait des recherches approfondies. La vice-chancelière ne rebondit même pas sur ses attaques comme quoi elle aurait pu bénéficier des services des moineaux.

Bah ! Ridicule ! Elle était à sa position par ses seuls efforts, et un coup de pouce initial d'un seigneur sith. Ce qui était quand même beaucoup plus classe. Mais une fois que feu Darth Ritter l'ait placé au poste de sénatrice de Kuat, elle avait volé de ses propres ailes, seule, comme toujours depuis. Les questions de confiance étaient trop lourdes pour Lana, qui ne pouvait en accorder aucune. Cela l'avait sauvegardée de bien des maux. Il y avait l'exception notable de Tess, son apprentie... Mais le lien qui les unissait était fort et unique. Elle était la seule personne qui comptait en dehors d'elle-même dans cet univers.

La suite du discours de Sanah fut beaucoup plus intéressante et révélatrice. C'était une femme de l'ombre, habituée à l'obscurité des coulisses. Préférant tisser ses intrigues à l'abri des regards... En cela, Lana se reconnaissait parfaitement dans son interlocutrice. Même si elle était tout à fait capable de grandes tirades en séance plénière du Sénat, elle préférait de loin les tête-à-têtes informels, loin des regards indiscrets. Lana était une créature de l'ombre à la peau blafarde qui, telle une araignée, n'aimait pas du tout qu'on braque les projecteurs sur elle. Quand c'était le cas, il fallait que tout soit arrangé, et que tout fonctionne parfaitement. Mais même si elle n'appréciait pas ce genre d'exercice, il fallait bien s'y résoudre une fois de temps à autre, afin de peaufiner son image publique. Elle le faisait en général avec brio, par ailleurs.

Elle n'avait accepté ce poste de vice-chancelière que pour dépanner Emalia dans une situation qui devenait catastrophique pour cette dernière. Aurait-elle accepté si elle avait su tous les problèmes que cela allait lui apporter ? Bien sûr, c'était une sorte d'avancement personnel conséquent, et Lana était à présent plus que jamais implantée dans le paysage politique de la République, où elle jouissait d'une très bonne réputation. Mais pendant un temps, elle avait bien cru qu'elle serait submergé par le mécontentement du Sénat, et qu'elle allait couler avec la chancelière.

Emalia... Elle ne s'était rapprochée d'elle à l'époque que par intérêt politique. Elle avait noué des liens d'amitié uniquement pour être dans ses bonnes grâces. Lana savait très bien quand nouer des relations qui lui bénéficieraient plus tard. La preuve, elle était là à présent ! Bien sûr, ce n'était pas une vraie amitié. Ce mot n'avait aucun sens pour l'umbaranne. Mais il fallait avouer que pourtant, elle appréciait les moments passés en sa compagnie. Le comportement de la jeune reine envers l'ancienne Sith était... rafraichissant. Elle savait tout de Lana, et cette dernière avait une emprise suffisante sur elle pour pouvoir discuter de tout et de rien sans crainte. Elle ne comprenait pas encore bien ce qui arrivait entre elle, mais elle souhaitait se donner le temps de le découvrir. Et puis, Emalia lui devait beaucoup, et Lana saurait utiliser le retour d'ascenseur à bon escient.

Son attention se focalisa à nouveau sur Sanah. Elle assurait que ses objectifs étaient ceux de la République. Soit... Elle doutait quand même, se disant plutôt que ses objectifs étaient ceux d'un certain crapaud. Mais peut importait. Grendo avait beau avoir les dents longues, il n'allait pas à l'encontre de la République pour autant. Au contraire, le connaissant, il voulait plutôt prendre la barre du navire, alors il ferait tout pour ne pas le voir couler. Elle soupira longuement, avant de reprendre doucement :


- Je suppose que cela suffira pour aujourd'hui. Félicitations, mademoiselle Seed, fit-elle avec un sourire sans chaleur. Je vais demander à ce qu'on fournisse les accréditations pour rentrer dans le bâtiment, et prendre vos fonctions dans le gouvernement.

Il lui suffirait de la garder à l’œil durant les premiers temps. Mais avant cela...

- Une dernière chose cependant. Comme vous le dites, madame la Chancelière est dans une situation délicate... Si jamais j'apprends que vous lui avez volontairement causé du tord une fois vos nouvelles fonctions prises, je vous tuerai de mes propres mains, énonça-t-elle simplement d'une voix neutre, comme si elle demandait un café.

Lana était totalement sérieuse. Analysant encore avec perplexité les liens qui commençaient à se former avec Emalia, elle préferait qu'il ne lui arrive rien. Bien sûr, sa constitution frêle n'était pas très impressionnante. N'importe qui aurait crû à un bluff. Mais avec l'appui de la Force, l'ancienne Sith était parfaitement capable de mettre ses menaces à exécution, surtout face à une simple secrétaire. Elle reprit d'une voix plus chaleureuse :


- Si vous avez quelques dernières questions sur votre nouveau poste, c'est le moment...
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