Darth Velvet
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Le chaos. Les cris. Les pleurs. Les gémissements. L’air empeste la mort et la douleur, dépose un linceul de fatigue pesante sur le dos ployé d’un personnel sanitaire éreinté. Le bruit assourdissant des combats a cessé, abandonnant dans son sillage les corps déchiquetés des soldats, alors que dans cet hôpital de campagne précaire, battu par des vents glacials, l’on aligne les cadavres sous des draps gris souillés par la boue et la pluie battante.

J’inspire doucement, et le marasme de cet endroit, m’imprègne les sens et me colle à la peau comme une couche de crasse indélébile et pourtant invisible. Devant, le bâtiment en préfabriqué défigure le paysage avec ses excroissances de toiles tendus et ses modules indépendants reliés par des tubes géants. Si les morts s’alignent devant comme une haie d’honneur morbide, les vivants, eux, sont relégués pour les moins touchés dans des lits de camps sommaires sous des tentes immenses. Quant aux autres, ils ont leurs quartiers dans la partie dure de cet hôpital.

J’avance, suivant le signal régulier de localisation de ma sentinelle, déambulant parmi les rescapés et les infirmières, le visage clôt sous un capuchon de pèlerine typique des jedis. Une main s’accroche au pan de tissu brun qui flotte autour de moi, devisant une supplique muette au travers d’un regard hagard. Mais je ne suis pas de l’Ordre, je ne suis pas ici pour répandre l’apaisement de la Force d’un mouvement consommé de la main. Les jedis… les siths… ils sont en partie responsables de ce carnage étalé devant moi, un mal pour cette galaxie avec leurs visions tronquées, et leurs ambitions meurtrières d’éradication. Quant aux politiciens et à leurs sombres machinations pour conserver le pouvoir… ils n’ont rien à leur envier. Cette guerre, ce charnier est leur fait et malgré la marée de désespoir, de douleur et de mort au travers laquelle je passe, inaccessible et imperturbable, le profil minéral, je demeure l’esprit fermé aux suppliques de leurs victimes volontaires.

Il n’y a pas d’innocents parmi ces visages, que des hommes et des femmes suivant aveuglément des ordres comme des esclaves incapables de révolte. Certains même, faisant preuve d’un insatiable zèle et un dévouement inconditionnel. Sous mes pas, les bâches au sol sont devenus résilles plastacier alors que je pénètre dans l’espace des blessés les plus graves et des salles d’opération diverse. Mon avancée se rythme au son métronome des appareils de respiration, ou de surveillance pour s’achever dans une chambre si petite qu’elle ne contient que deux lits, des instruments médicaux et une chaise.

Je repousse d’un mouvement vif mon capuchon et m’approche. Il y a tout juste la place de passer entre les deux lits occupés. J’ignore qui est le soldat, sur la droite. Républicain. Impérial. Qu’importe, je suis ici pour le correlien affalé entre des draps rougis de sang, les bras reliés à des poches transparentes. Son visage tourmenté se marque de cernes violines, ses lèvres gercées tremblent et sa tête est enrubanné dans un entrelacs serré de bandes.


« Ezerah… » murmurais-je de velours, une main gantée glissant sur son bras.

« Il n’entendra pas… » m’interrompt une petite infirmière Nautolan replète en pénétrant dans la pièce. « Il est dans le coma. Le médecin pense qu’il ne passera pas la semaine. Mais qui êtes vous ? Vous n’avez rien à faire ici ! »

Elle me jette un regard assassin avant d’aviser de ma bure, du sabre suspendu à ma hanche.

« Je… oh… vous êtes un Maitre de l’Ordre ? Toutes mes excuses, je ne savais pas… il est aussi de l’Ordre? »

J’hoche la tête avant d’attirer à moi quelques brins de Force et tisser dans ma voix.

« Pourriez-vous nous laisser seuls, je vous prie ? »

« Vous laissez seuls… euh… oui, bien sûr ! Evidemment ! » conclut-elle en se retirant.

Condamné… voici le verdict du corps médical. Mon visage se déchire de tristesse et de culpabilité, laissant tomber au sol, mon masque de givre. Il était ici à ma demande, sur mes ordres, sur ses souhaits pour espionner et protéger Refuge. Un serment que lui et moi avons prononcé à l’encre de nos âmes et de notre sang. Un pacte qui réclame en cette heure, son tribut.


« Je suis désolée, je suis arrivée trop tard… »

Trop tard après qu’il ait fait parvenir son signal de détresse et de localisation à Refuge, trop tard pour l’extirper de ce bourbier mortel.

Peut-être ne peut-il me répondre, mais je crois qu’il peut m’entendre. Une main sur la sienne, les paupières closes sur mes prunelles enlarmées de peine et de fautes, j’entame d’une voix profonde, un chant. Il y a dans l’essence de ma voix, l’émotion tremblante et le frémissement de la Force que je tresse doucement à ma mélodie. L’appel d’une âme à une âme, une liaison, un pont suspendu par-delà sa conscience pour le rejoindre, pour lui apporter la sérénité qu’il ne peut trouver ici, plongé entre vie et mort…une délivrance peut-être. Oui sa délivrance à sa souffrance et à l’inéluctabilité, assénée avec la douceur traîtresse d’une voix de sirène.

Et là, alors que son souffle s’étiole, que mon chant s’envole, que ses dernières volontés franchissent d’un murmure vacillant le seuil de ses lèvres dans un sourire satisfait, je l’accompagne, lui, ce non-sensitif, cette sentinelle de Refuge, vers ces rivages d’où l’on ne revient pas.
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R'win marchait le long d'un sentier bercé par les rayons solaires de la lointaine planète aux deux étoiles. Il progressait parmi les ergs ensablés de sa terre natale, un sourire dessiné sur son visage joyeux, perçant l'horizon de son regard émeraude braqué vers le bout du sentier. Son père l'attendait en souriant, radieux, l'encourageant de la main à poursuivre son ascension.
Les premiers flashs éclatèrent. Les Tuskens marchaient dans le sable telle une sinistre colonne débraillée, sous les puissants rayons carmins du soleil levant. À l'horizon, se dessinaient les museaux ocres et miroitants des innocentes casbahs d'Anchorhead, grossissant à mesure qu'ils approchaient de leur destination.
Les étincelles semèrent l'entropie dans son esprit endolori. Le petit garçon courait le long du sentier jaune, se rapprochant de la silhouette qui agitait inlassablement sa main. Un autre flash illumina sa psyché. Les lames jaunes et rouges s'entrechoquaient dans des gerbes d'étincelles, un éternel duel se manifestait dans le dunes, la Force était perforée par un aiguillon de noirceur qui troublait son champs. Les coups pleuvaient sur la silhouette au visage pâle et aux traits insensibles, qui répondait avec la même intensité.
Il n'était plus qu'à une dizaine de mètres de son père et tendait déjà les bras, quand son rêve se brisa de nouveau. Le jaune et bleu s'agitaient ça et là, on frappait inlassablement dans l'espoir de faire plier l'autre, les détonations résonnaient déjà tout autour, les corps s'amassaient en un hideux charnier, et .. plus rien.

Il est un enfant des dunes, sa voie est celle de l'indépendance, son parcours est celui de la miséricorde. Longtemps il s'est cherché un but, une identité, sans combler sa volonté. Banni des siens il y a des années, séparé de sa famille il y a plus longtemps encore, il vagabonda à travers les étoiles dans l'espoir de retrouver un but, d'offrir une cohérence à son existence, de rompre avec la violence. Sur Coruscant, la pègre s'empara de sa naïveté et il noua avec ceux qu'ils avaient combattu pendant toute une jeunesse. Sur Korriban, il succomba aux charmes séduisants de ceux qu'ils avaient promis de ne jamais rejoindre. Sur Gravlex Med, il atteignit un point de non retour sur le sentier des ténèbres , en se chargeant de maux bien plus lourds que touts ceux qu'il avait supporté jadis. Gree fut pour lui l'étape finale de l'entrepris d'anéantissement de lui-même, qui guidait furtivement son esprit depuis sans doute bien longtemps.
Il est un garçon tiraillé, souffrant de l'absence d'un père qu'il n'a pas assez connu, et d'une grande instabilité émotionnelle, matrice cardinale de son parcours désolant. Pourtant, foulant depuis toujours la route des enfers, il n'y bascula jamais complètement. Son esprit préférant résider dans l'immanence stagnante, dans une l'instabilité qui fait de lui un être à part. Mais plus étonnant, est qu'un garçon comme lui, si souvent confronté à la violence, ne perdit jamais son empathie, vertu dont il est encore capable, peut-être même, plus que de la moyenne.

Une complainte le fit émerger. Son cerveau reptilien avait déjà repris le dessus. Il cligna doucement pour tenter de chasser l'opacité de sa vision, sans trop de succès. Il n'arrivait pas à bouger cela dit, sans doute que son corps avaient subi trop d'épreuves, ou trop d'injections de bactas qui pesaient sur ses nerfs. Il referma les yeux. Quelqu'un chantait à côté de lui. La Force était en deuil, attelée aux lamentations. La défaite était souveraine.
Il sentait des présences diverses. C'était comme si la Lumière et l'Obscurité s'étaient rejointes le temps de pleurer ensemble.
Il comprenait pourtant la situation. D'abord, il y avait eu le déploiement avec le Seigneur Nero. R'win avait sauté de la navette avant qu'elle foule le sable de la planète, et s'était élancé seul dans les ruines pour y tisser sa toile. Les Sith avaient voulu piéger les Jedi ce jour-là. Mais le bretteur, comme beaucoup d'autres camarades, était tombé sur un adversaire plus fort que lui. Une drôle de Jedi qui, étonnement, ne l'avait pas tué et l'avait laissé gisant sur le lieu de lutte. Il ne pouvait que sentir une immense reconnaissance pour cette guerrière du Temple, bien que depuis des événements plus anciens, il détestait cette perfide race de combattant.
Où était-il exactement ? Il n'en avait aucune idée, mais c'était sans doute pour lui la fin du parcours. Si les Jedi l'avaient capturé, il passerait le reste de sa vie enfermé derrière les barreaux. Au fond, il le méritait, il le savait. Mais la perspective de ne plus revoir sa famille, sa mère et ses sœurs, déclencha dans sa poitrine douleur lancinante. Il se tourmentait déjà sur son avenir quand une forte perturbation éclata dans la Force. Un être avait quitté ce monde, tout prêt de lui. Il pouvait le sentir. Alors, les lointains échos incessants qui résonnaient dans son crâne finirent se stabilisèrent en même temps que sa vision. Il voulut se redresser, toujours sans succès, et dut faire un effort incommensurable pour tourner son thorax sur le côté gauche. Une silhouette féminine était assise au chevet d'un défunt. R'win ne l’apercevait que de profil. Était-elle une Jedi ?

Sa peau est amande et sa chevelure ébène recouvre le capuchon rabattu de sa bure sombre. Elle a un dessin tatoué sous son œil gauche.

— On est où .. ? » parvint-il à articuler difficilement.

Sa voix est cassée. Sans doute ses cordes vocales n'ont pas travaillé depuis un long moment. Il se racle la gorge un instant, avant de réitérer une question.

— Qui es-tu .. ? »

Est-ce de la simple curiosité, une façon de se rassurer ou encore un appel au pardon, à l'arrachement des ténèbres qui l'encerclent ?
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Dans l’ondée de ma voie flétrie, il y a cette peine, amère et cruelle, transcendant l’oreille et l’œil, mante éthérée, linceul extatique, aura agonisante de regrets et de cendres, ternissant l’aquarelle de mes émotions de nuances grisâtres sur la toile de l’Ether. Le silence me drape, lourd et pesant, ma main se lève sur le visage crayeux de ma sentinelle où se dispute encore les courbes innocentes de sa jeunesse volée. Son cœur s’est tu, ses rêves délités s’effacent dans ses yeux voilés que mes doigts frôlent et closent. Il ne reste plus rien de lui, de son âme élevée dans la Force qu’un corps vide, une coquille qu’il me faut ramener à ses proches. Lentement, je remonte sur son profil apaisé, le drap fin papillonné de sang, aussi léger qu’un élytre de phalène. Et, absorbée par la contemplation morbide de ce gisant souillé d’écarlate, de ce voile épousant la beauté éphémère et mortelle de son visage figé à jamais, je perçois le frémissement d’une présence qui s’éveille avec la lenteur du printemps après un rude hivers, que lorsque cette voix brisée m’interpelle.

« Où est-on ? »

Brisée ? Brulée ? Aussi morcelée que l’humain à qui elle appartient. Mon regard glisse sur lui, percevant le mouvement douloureux sous les paupières lourdes, le sifflement difficile d’une respiration, le pli épinglé à la commissure de ses lèvres. Un rictus.

« Nous sommes dans un hôpital de campagne, sur Gree. » précisais-je détachant presque chaque syllabe avec une lenteur démesurée pour qu’il en absorbe l’essence.

« Qui es-tu ? »

Vaste question. Qui suis-je… mais cela n’a guère d’importance, ici et maintenant, sur ces territoires où mon nom allume la méfiance et la peur, ou les chasseurs de prime me traquent comme un gibier juteux. Quoi que sera ma réponse, elle ne peut ni être complète, ni le reflet de la vérité.

« Personne. » ourlais-je en réponse, tissant la Force dans mes mots, pour l’influencer.

La Force me revient, rebondissant sur un mur infranchissable, comme si les défenses de cet homme, pouvaient écarter avec une étonnante facilité le sortilège de ma voix… Non, pas seulement l’écarter, mais le rejeter avec la violence d’un coup de poing en plein sternum. Je me redresse brutalement, surprise, essoufflée. La capuche de ma bure choit sur l’ébène soyeux de mes cheveux, offrant à son regard mon visage dénudé de ses ombres complices alors que ma bouche se durcit, que mes traits se minéralisent sous sa résistance inattendue, sa riposte instinctive.


« En vérité, je me demande si ce n’est pas à moi de poser cette question… »

Et je m’approche d’un unique pas qui me mène jusqu’à lui. L’ourlet de ma mante effleurent son lit, tandis que je me penche par-dessus, oiseau de proie, prédatrice aux yeux inquisiteurs et à la lame aiguisée. Mon sourire n’a rien d’amical, il est comme ces sabres qui jamais ne retournent aux fourreaux sans avoir verser le sang et les larmes. Froid. Hivernal. De ces teintes neigeuses et cruelles dont se parent Hoth la Blanche.

« … qui es-tu ? »

Et il y a là, une sombre menace qui plane, grinçante dans ma voix de velours, de ténèbres huileuses dans cette Force qui s’agglutine autour de nous, suintant de ma peau comme des écailles miroitantes, d’ombres et de lumière. Une promesse qu’à réponse déplaisante, son sort pourrait bien l’être aussi…

« Sith… Jedi… ? »
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