Luke Kayan
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[HJ: Je me suis permis un petit changement de programme au final sensé démontrer que Luke prend un peu confiance en soi. Si quelque chose gêne, dit-le moi!]

Le froid avait gercé ses lèvres habituellement douces, parfaites de Hapien. Il s'engouffrait aussi au sein de ses yeux, inutiles mais toujours sensibles, vivants qui manifestaient leur douleur à travers quelques larmes irrégulières mais discrètes. Tête baissée, visage enfoncé dans les pans de sa tunique désormais qu'il était privé de son "pancho", Luke avançait silencieusement. Ayant très bien saisi les enjeux, sa volonté faisait le reste et si l'envie de se plaindre prenait son corps, le Jedi lui rappelait brutalement la situation de Rakki. Le menteur était dans de sacrés ennuis, si perdre la confiance, la considération de Karm tel que le Hapien le supposait lui semblait déjà une terrible punition, une autre probablement pire l'attendait une fois que son affaire remontrait. Luke n'aurait, pour sa part, pas supporté être en disgrâce vis-à-vis de l'Ordre, raison pour laquelle il avait avoué sa relation avec Jason, le jour de son adoubement, à une époque où ce genre de chose était davantage décriée. Plutôt quitter cet homme-aujourd'hui la décision serait impossible. Par chance l'Ordre était plus tolérant. Mais avant, donc, il avait risqué son rang de chevalier, mieux valait avouer que de lire la vraie déception dans le cœur de Saï Don et des autres. Malgré tout, le jeune homme essayait de ne pas trop s'appuyer sur cette joie un peu malsaine de savoir que Rakki était dans de très mauvaises dispositions tandis que lui avait encore la belle, la précieuse confiance de ses aînés. Il effaça aussi le mépris grandissant envers Rakki qui s'approchait doucement de son cœur chaque fois que ses yeux morts se posaient vers le point mouvant et immobile de souffrance que représentait Mélanora. Quoique cette fille ait fait, dont son erreur de tomber enceinte, elle n'aurait pas dû être traitée ainsi, au point d'avorter, d'une manière plutôt violente supposait d'ailleurs le Hapien. Rakki lui semblait au mieux égoïste, irresponsable, alors que la fille trouvait un peu plus de grâce à ses yeux. Mais pour ce que la grâce de ses yeux importait...

Le trio parvint à avancer, difficilement mais vaillamment guidé par Luke- il n'avait pas pensé, en assurant quelques heures auparavant pouvoir mener Karm qu'il mènerait la troupe des heures plus tard..- jusqu'à ce qu'un bruit salvateur s'annonce, juste après qu'il se soit rattaché mentalement à son aîné, lui envoyant un "je vais bien" honteusement faux. Parce que ses poumons le brûlaient, parce que même au cœur de la nuit, il ne se sentait plus dans son élément, terrain plat ou pas. Ses jambes semblaient être deux entités distinctes et véhémentes en pleine manifestation. En résumé, le Chevalier se sentait bien plus mal que lorsqu'il avait eu ses premiers cours de survie en milieu hostile -sachant que ceux-ci avaient été peu nombreux.-. Cependant, son devoir consistait à ne pas se plaindre, poursuivre la mission et d'ailleurs il en était fier. Fier d'effectuer un pas devant l'autre, de sonder -quoique de manière un peu vague.- la blessée, de contribuer, d'être un Chevalier normal malgré son handicap, sa constitution fragile. Fier que Karm l'emmène dans ce type de recherches, lui faisant assez confiance pour l'astreindre à des responsabilités. Appelez-ça du masochisme, l'amour du devoir, ou l'amour tout court.

Le blond pourlécha l'écume qui s'était accumulée sur un recoin de ses lèvres sèches et nettoya sur un pan de tissu, le léger filet de sang qui s'échappait de la jointure de ses mains. Il les avaient plongé dans divers produits dont de l'eau pure et simple pour s'occuper de Mél, désormais, le froid se faisait un plaisir de mordre sa peau encore humide, belle, douce et surtout fragile d'être sélectionné par des scientifiques mégalos ayant pour désir fou de faire partie de la plus belle race de la Galaxie.

Mais tandis que Luke levait la tête, décollant non sans une grimace, une mèche de cheveux collée à ses lèvres gercées, un nouveau tourbillon surgit dans la Force. Rakki venait de s'enfuir. Le jeune Jedi saisit au vol les propos de son ami, il tourna vivement la tête vers l'horizon, comme si ça avait pu lui servir à quelque chose. Au creux de la nuit noire, les deux silhouettes, l'une fuyarde et l'autre poursuivante s'enfonçaient de seconde en seconde. Le speeder ronronnant à ses côtés rappela au jeune homme qu'un chercheur lui criait de monter. La fatigue et le froid avaient aussi endommagé partiellement mais temporairement son ouïe. À moins que ce ne soit sa concentration que Karm avait dérobé en s'envolant de la sorte, derrière l'auxiliaire barbu.

*Tout ira bien. Je t'aime*-- Tam.

Mais ils étaient déjà hors de portée l'un de l'autre, alors le nom secret se perdit dans l'horizon assombrie. Juché derrière un jeune Rodien au regard inquiet et à la respiration saccadée, Luke remâchait ses futurs actes. Auprès de deux autres speeders dont un plus large -un transport médical, intelligemment emmené au cas où.- le Jedi donna ses indications. Il y avait songé depuis que Karm était parti derrière Rakki. La violence de l'homme, ses possibles ressources et surtout l'idée de laisser son ami le surveiller seul en cas de capture déplaisait fortement au Consulaire. Par chance, cela n'interférait pas avec son devoir puisque Makia avait une formation médicale basique comme la majorité des autres étudiants, Mel étant libérée des plus grands risques d'infection, il n'y avait plus autant d'urgence de ce côté. Songeant que la femme ne pourrait toutefois pas s'exprimer avant deux ou trois heures, le Chevalier décida de retourner sur le terrain.

- Emmenez-moi.

Demanda-t-il au Rodien. Ce dernier s'opposa, peu désireux de laisser un aveugle visiblement transis de froid seul dans la plaine, mais Luke se fit intransigeant. L'Auxiliaire haussa les épaules, l'engin plutôt en forme en comparaison avec ses frères bondit en avant, vers où Rakki avait disparu. Par chance, le Jedi finit par retrouver sa trace via la Force. Cela avait paru une éternité, probablement parce que Luke avait pris soin de vérifier le pouls et l'état de Mel avant. Il savait que son devoir passait avant Karm, si les deux n'étaient pas compatibles. Assuré que tout irait "bien", il avait désormais l'esprit entièrement tourné vers la poursuite de l'Insaisissable.

Sans savoir si ce dernier avait semé Karm, le Hapien donna des indications visant à essayer de dépasser le fuyard. Après plus d'un kilomètre de tension, d'espoir et de craintes mêles l'objet se stoppa en dérapage et Luke sauta lestement. La fatigue le fit chuter plus lourdement qu'à l'accoutumé mais il n'y prit pas garde.

Tandis que le speeder s'enfuyait, le laissant là, le blond se mit à sonder la Force. Loin de courir en aveugle, donc, il cherchait à se camoufler, par le biais de ses dons mais aussi de son ouïe ou de son odorat. Il avait eu peu de temps pour le faire, mais il y avait en tout cas réfléchis intensément. Rakki avait eu l'air vraiment paniqué à l'idée que les speeders arrivent. Comme Karm, ou parce que ce dernier était parvenu à lui induire l'idée, le blond croyait que ce dernier cachait beaucoup plus que cet accident en compagnie de sa petite amie enceinte. S'il avait trahi l'Ordre et disposait d'alliés dans le coin... Bien que le pourcentage reste infime, le jeune homme ne voulait pas prendre le risque que le Gardien soit guidé dans une embuscade, tendue par du matériel préparé à l'avance ou d'autres traîtres, voir directement... Un Sith ici, non quand même pas. Toujours est-il que le Hapien s'était senti soulagé de constater que son sens du devoir n'était pas incompatible avec un retard de programme, au contraire puisque la jeune femme devait se reposer avant de pouvoir bien réagir. Au camps, elle serait surveillée. Dans les deux sens du terme au cas où: comme patiente ou coupable potentielle.

Furtivement, le jeune Jedi sentit enfin l'aura du barbu. Rassuré de ne pas l'avoir perdu, le Chevalier apparut au détour du seul pauvre arbre qui traînait dans le coin. Sauter sur Rakki ne s'avéra cependant pas être une bonne idée malgré l'effet de surprise. La carrure de l'homme renversa rapidement la situation et Luke se retrouva maîtrisé. Tandis que son ennemi l'étouffait à main nues, le Chevalier ferma les yeux. Il fit le vide en lui, se rappelant des leçons de Karm. Utilisant la puissance brute de Rakki, Luke bascula par-dessus ce dernier d'une pirouette pour se retrouver étalé au sol, dans l'herbe humide, mais libre. Presque silencieusement ils se battirent pour quelque chose que l'Auxiliaire avait dans les mains: sa source de lumière. Pendant ce temps, Luke appela le Chevalier Turquoise via la Force. Sans parvenir à prendre le dessus, il parvenait jusque là à maintenir un certain équilibre -bien qu'il commence à faiblir.- et pouvait au moins freiner Rakki. Volontairement. Afin d'éviter que ce fou ne le blessé ou ne se blesse, il avait aussi renoncé à son sabre, pour une mise en pratique un peu précipitée des cours du Gardien. Il était cependant temps que le duo se reforme. À cette pensée, le Consulaire reprit courage et il envoya bouler son adversaire au loin à travers une vague de Force. Au moins, habitué à se déplacer dans le noir, Luke bénéficiait d'une vitesse non négligeable.

- Tu ne pensais pas que j'allais te laisser t'amuser seul.

Déclara-t-il au vent, un peu désorienté et donc ignorant si Karm était réellement près d'arriver-apte à l'entendre, donc-ou si son esprit le désirait suffisamment fort pour y croire. Ceci dit, la phrase presque malicieuse était ambigu. Il pourrait tout aussi bien s'être adressé à l'humain pour le narguer. Toujours est-il que le souffle court, il faisait de son mieux pour braver le fou.
Karm Torr
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Le souffle de Rakki résonnait dans la plaine, comme le bruit de ses pas dans l’herbe haute, sous la clarté inégale des lunes qui dominaient la planète, au milieu de la nuit. Pour lui, c’était un combat perdu d’avance. Karm était beaucoup plus rapide et beaucoup plus endurant que lui. Léger. Rompu à ce genre d’exercices. L’Auxiliaire allongeait les foulées, mais les souvenirs des exploits de l’Ark-Ni, qu’on se racontait parfois au camp, le soir, pour se sentir fiers d’avoir été choisis pour cette mission-là, lui revenaient pêle-mêle à l’esprit, et tout ce qui l’avait jadis rassuré sonnait désormais le glas de sa liberté.

Il s’était enfui. Il avait tué l’enfant que la femme qu’il aimait portait en elle. Il sentait la colère bouillonner en lui. Il avait rêvé d’une toute autre vie que l’ExploCorps, mais il s’était que, quand même, quand on est au sein de l’Ordre Jedi, même si on ne réussit pas à devenir Chevalier, même si on n’est pas assez bon, intelligent, puissant, on ne partait pas en claquant la porte. Il ne s’était jamais senti fier de ce qu’il était, mais c’était toujours mieux que fils de fermier et fermier plus tard.

Des animaux s’enfuyaient devant lui, parce qu’il était plus grand et plus fort que n’importe quoi dans cette plaine. Il sentait à travers la Force Karm derrière lui. Cette présence l’obnubilait. Ses jambes lui faisaient mal. Il avait l’impression de ralentir, et que l’Ark-Ni gardait le cap. Alors il courait plus vite. L’air froid brûlait ses poumons. Il s’était entraîné souvent, mais aujourd’hui c’était différent, aujourd’hui il n’avait plus le contrôle.

Mel, c’était la seule à l’avoir jamais admiré. Novice, Padawan, il avait toujours été strictement médiocre. Même au sein de l’ExploCorps, il ne brillait pas particulièrement. Il savait qu’il était là dans cette mission parce que Mel avait vanté ses mérites à Makkia, et Makkia avait composé l’équipe qu’elle avait proposée à Karm. Sans doute que sans ça, jamais un Chevalier ne se serait penché sur son cas. Il serait resté à classer des cailloux dans les laboratoires de l’Ordre.

Mais lui, il n’avait pas eu la chance de Karm. Il n’avait pas eu pour le former une Maître d’Armes. On ne lui avait pas placé un sabre laser dans les mains dès le plus jeune âge. On ne lui avait pas ouvert toutes les portes. Il n’avait pas la Force sur le bout des doigts. Karm était un privilégié. Il avait beau se la jouer accessible, populaire et compréhensif, il y avait quand même tout un monde qui les séparait.

Rakki était si concentré sur la nécessité d’allonger la foulée et sur la présence de Karm que celle de Luke lui échappa. Pas assez pour que le combat engagé fût terriblement inégal. La puissance musculaire de Rakki était considérable, et il avait été formé comme Padawan, ainsi que tous les Auxiliaires. Il se battait avec l’énergie du désespoir. Tout était perdu : il n’y avait plus rien à passer, il n’y avait plus rien à prévoir. La colère l’animait. Elle vibrait à travers la Force. À sa faible mesure. C’était le Côté Obscur contre lequel on l’avait si souvent mis en garde. Mais il ne se souvenait plus des mises en garde.

Percuté par la vague de Force, Rakki eut du mal à se relever, mais il se mit aussitôt à charger. Soudain, sous les lunes, dans la nuit, un vrombissement caractéristique se fit entendre et une lame bleutée surgit, alors que Karm venait d’atterrir, au terme d’un bond prodigieux, entre l’Auxiliaire et le Consulaire.

Rakki s’arrêta en pleine course, les yeux fixés sur la lame, et le silence retomba sur eux, troublé seulement par le bruit du sabre laser.

— C’est pas comme si t’allais vraiment me tuer[/b], finit par articuler l’Auxiliaire.
— Tes émotions te troublent, Rakki. Et elles continueront à te troubler tant que tu fuiras. Même si tu parvenais à m’échapper, tu serais poursuivi par la culpabilité toute ta vie. La seule issue, c’est l’acquiescement et la rédemption.[/color]
[justify]— Je voulais pas lui faire du mal.
— Parfois, on est coupable de choses dont on n’avait pas l’intention.
— J’suis pas un Sith.
— Personne a dit ça.

Rakki reprenait petit à petit sa respiration.

— Tu t’es laissé submergé. Je comprends ça. Tu as fait l’erreur de fuir. Tu y voyais pas clair dans tes pensées et tes sentiments. C’était compliqué. Je comprends ça aussi. Beaucoup de gens comprendront ça, et beaucoup de gens pardonneront, mais ça se fera pas comme par magie, et faudra accepter les conséquences. Mais c’est ça, d’être un homme, non ? Accepter les conséquences.

Les arguments genrés, ce n’était pas la grande spécialité de l’Ark-Ni, mais il avait à peu près deviné le genre d’idées que Rakki s’était fait à propos de lui-même. La subtilité psychologique de toute cette affaire lui échappait dans une large mesure, mais il sentait la frustration et le doute dans l’esprit de l’Auxiliaire.

— Rakki. J’ai pas de monde idéal à te proposer. J’ai pas de solutions de simplicité. J’ai qu’un futur compliqué et douloureux pour toi. Mais juste et honorable.

Un mélange de fatigue, de découragement et de fatalisme disposait l’Auxiliaire à écouter Karm. Ce n’était pas vraiment une adhésion intellectuelle et morale à ce que l’Ark-Ni lui exposait, mais plutôt une forme de résignation. L’adrénaline était retombée dans le vent qui balayait la plaine. La certitude que, sabre ou non, Karm pourrait le neutraliser ne lui offrait que des perspectives sombres. Ses épaules finirent par s’affaisser.

La lame du sabre se rétracta.

— On rentre au camp, déclara Karm.

Il pressa son comlink pour appeler dans cette direction. Le speeder qui avait emmené Luke continuait à patrouiller dans les parages, par précaution, et ils ne mirent que quelques minutes à le retrouver. Le reste du voyage se passa dans un silence pesant, sans que l’Ark-Ni ne recherche vraiment la présence de son compagnon. Le speeder finit par se poser au milieu d’un camp agité par l’émotion.

À peine Karm en fut-il descendu que Makkia se précipita vers lui :

— Qu’est-ce qu’on fait ?

Cette fois-ci, le jeune homme fut bien obligé de se rendre à l’évidence. Il ne pouvait pas se dérober à sa fonction de chef de l’expédition. L’heure n’était pas à la pédagogie alternative. Tout le monde avait besoin d’être rassuré.

— Mel ?
— Stable, dans l’infirmerie, surveillée par notre guérisseuse.
— Envoie un speeder à notre vaisseau, pour établir un contact avec Ondéron et prévenir de notre retour demain, à Luke, Rakki et moi. T’as une unité de sécurisation ?

Le regard de la jeune femme passa de Karm à Rakki.

— Je sais toujours pas ce qui s’est passé, hasarda-t-elle.
— Rakki et Mel avaient une relation. Mel était enceinte. Ils se sont disputés dans le speeder, il y a eu un accident, qui a provoqué la fausse couche. Rakki a eu peur, a emmené Mel au loin, et s’est enfui quand on a tenté de les ramener. Maintenant, il va se livrer à l’Ordre et à la justice républicaine.
— Je vois, murmura Makkia d’une voix blanche. Par ici.

Dans une tente où s’entreposaient les caisses du matériel que toute expédition de longue haleine transportait, juste au cas où, mais dont l’usage n’était pas courant. Makkia dut fouiller dans plusieurs caisses pour trouver les menottes magnétiques et le bracelet de localisation qui devaient servir à contenir d’éventuels prisonniers, en cas de heurts avec des populations locales malveillantes, notamment.

Elle se retourna vers Rakki, incapable de se résoudre à les lui imposer, à lui qui avait été son collègue.

— Je…
— Donne, je m’en charge.

Karm se retourna vers le jeune homme.

— Garde ton calme, profite de ce temps pour réfléchir à tout ce qui s’est passé et être capable de bien t’expliquer devant le Conseil et la police, d’accord ? On va pas pouvoir te laisser parler à Mel, mais si tu veux pouvoir avoir une chance d’arranger les choses avec elle, il faut que tu abordes tout ce processus calmement et avec humilité. La colère, la frustration, tout ça, c’est pas des fatalités. T’es un Jedi, t’as tes faiblesses, mais t’as tes forces aussi. OK ?

Rakki hocha la tête, mais on ne pouvait pas dire qu’il fût totalement convaincu. Karm lui passa les menottes et les trois Jedis conduisirent l’auxiliaire dans une tente isolée, où il serait tenu sous bonne garde, jusqu’au lendemain.Quand ils en ressortirent, Makkia, qui semblait abattue, laissa échapper un long, long soupir.

— J’aurais dû voir ça plus tôt.
— Quand je dis que le Côté Obscur est pas une fatalité, ça vaut pour nous aussi. Parfois, il est prévisible, parfois, ça vient comme ça. On peut prétendre détecter ce genre de dispositions chez les gens longtemps à l’avance, en tout cas pas toujours. On se penchera sur la genèse de tout ça, mais en attendant, inutile de se blâmer par avance. Chaque chose en son temps.
— D’accord, murmura la Jedi.
— Organise des tours de garde pour que tout le monde ait une chance de se reposer et va te coucher. On va faire de même, pour être en forme pour demain.

L’Auxiliaire hocha la tête et ils se séparèrent, alors que les deux Chevaliers rejoignaient la tente qu’on avait dressé pour eux, et y retrouver, enfin, une unité de chauffage. Karm se débarrassa promptement de ses vêtements couverts de boue et de sueur, pour s’asseoir en boxer sur le bord de son lit de camp, les coudes appuyés sur les genoux, les mains croisées.

Après un moment de silence, il murmura :

— J’croyais t’avoir dit de rester avec Melanora. J’pensais que t’irais jusqu’au camp, que tu les rassurerais, que tu empêcherais que la panique se répande, et que tu viendrais pas te mettre en danger en tentant, frigorifié, de maîtriser un mec en pleine rage qui fait quatre fois ton poids. Je comptais sur toi, moi, Luke…
Luke Kayan
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[hj: rédigé de mémoire sur boîte mail puis envoyé via téléphone. Donc désolée si de menus détails manquent. ]

D'un revers de la main, Luke essuya une éraflure qui courait sa joue droite, juste sous les deux cicatrices parallèle qui ornaient son oeil azuré. Il était entré dans la tente sans mot dire après le froid instauré par son ami depuis qu'ils étaient remontés sur le speeder. Plus glacial que le temps de cette planète hostile que le Hapien commençait à détester plus que Coruscant. Après avoir laissé les chercheurs se débrouiller avec Karm, le jeune homme s'était appliqué une solution désinfectante, mais seulement sur les plaies les plus faciles d'accès. Aussi peu professionnel cela soit-il, il n'avait aucune envie de faire plus, vidé de son énergie et déçu. Par quoi? Il ne le savait pas encore très bien.

D'une onde légère et chaude, le Jedi accueillit Karm avec joie. Une joie qui se résorba un peu en se rappelant que ce dernier semblait mécontent. Les reproches ne tardèrent pas, énoncées sur un ton calme, certes. Luke prit une inspiration, s'efforçant aussi de rester tranquille.

- Premièrement, tous mes adversaires sont plus grands que moi, et plus voyants aussi... Si tu veux rajouter ça à la liste, en tout cas je l'ai retenu un temps. Mais je reste un Jedi. J'ai agi comme on me l'a appris. Après avoir vérifié que Mélanora était stable, j'ai aussi déterminé que les intervenants étaient calmes. Makkia est une professionnelle, dotée d'un caractère compatible avec la prise de responsabilités en cas d'urgence. Ce que j'ai pu remarqué lors que je l'ai appelée. Elle était calme, tous comme les intervenants qui ont répondu à notre message. Ils maîtrisaient parfaitement la situation, avec les informations sélectionnées que j'avais donné. -Par manque de temps, aussi bien que pragmatisme, le jeune Jedi avait simplement signalé que Mel était blessée, que Rakki allait bien mais ne rentrerait pas de suite. Chose dont Karm et lui se chargeaient. Hormis Makkia, personne ne savait que la jeune femme avait eu une fausse couche. Ainsi, malgré un certain échauffement de neurones à cause de diverses théories sur ce qui avait pu se produire, l'équipe était demeurée plutôt calme au comlink, satisfaite de savoir leurs deux collègues en bonne santé. C'était ce qui avait poussé Luke à rebrousser chemin.- D'ailleurs c'est ce qui s'est passée, elle était très tranquille et a gérée. Ce que j'ai fait n'entrait pas en conflit avec la sécurité de la blessée, entourée de scientifiques dont la majorité dispose de la formation médicale pour la soigner dans l'état où elle est. Préoccupant mais plus urgent. Ensuite, l'équipe étant apte à s'auto-contrôler puisque je le rappelle, il ne s'agit pas de civils, je suis allé là où l'on pouvait me nécessiter. Rakki aurait pu se suicider, ou rejoindre un groupe, une cache avec des armements, te tendre un piège. Je sais que tu es doué, capable et plus que moi, cependant tu m'as aussi formé dans ce but, te soutenir dans ce type d'interventions.

Après un soupir, le Chevalier décida de terminer ses justifications par une phrase sincère prononcée d'un air légèrement penaud.

[color=yellow]-Je dois t'avouer que cette compatibilité m'arrangeais, parce que je m'inquiétais pour toi. Tu es sur ton terrain, je ne doute pas de toi mais il y a des imprévus et... [/colot]

Et il se tut. L'histoire de Rakki et de Mel le touchait plus profondément qu'il ne souhaiterait se l'avouer. Ces deux amoureux lui faisaient de la peine, indubitablement il se demandait si, cette fatalité, grossesse en moins, pourraient les affecter. Deviendraient-ils moins efficaces? Jusque là ils se complétaient bien, même si en avançant, le Hapien voulait parfois prendre son indépendance. La protection de Karm l'avait toujours séduit, bien que ce soit inconscient, un peu comme celle de Jason auparavant. Néanmoins, il avait aussi remarqué- ou plutôt le remarquait maintenant- que l'Ark-Ni avait resserré sa garde, en tout cas c'était son impression. Est-ce que ça ne devrait pas être le contraire vu ses améliorations en combat? À moins que le jeune Jedi se trompe complètement et qu'il avait effectivement commis une erreur. Pourtant son cerveau au sein duquel de bons gros livres de protocoles étaient imprimés ne lui donnait aucune alerte. Il avait profité d'une règle d'entraide élémentaire pour porter secours, bien heureux de ne pas le laisser seul dans la nuit froide- pour intervenir sans bâcler son travail. Son amour l'aveuglerait-il finalement?

Avec un soupir, le jeune Chevalier baissa la tête. La dynamique s'installait lentement mais sûrement. Au lieu de s'ínsurger, incapable d'accepter une déception de son ami, de subir son courroux, il préféra se remettre en cause et s'excusa. Envolée sa belle assurance de guide de nuit. Il voulait juste sa présence au sein de la Force. Sa fierté. Ses démons du passé remontraient-ils? Le Hapien craignait la réprimande, le rejet. C'était pire encore que les cris de sa génitrice, les coups.

- Ça n'arrivera plus.

S'il était vrai que Karm n'était pas officiellement le chef, c'était lui qui connaissait le mieux le terrain. Et dire qu'il avait eu l'arrogance d'interférer.

- M'en veux-tu?

Demanda-t-il du bout de ses lèvres gercées, en redressant juste un peu la tête, de quoi offrir le spectacle de sa bouille toute triste, griffée, fatiguée.
Karm Torr
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Les explications de Luke avaient été accueillies d’abord par un silence, mais un silence bien différent de la froideur imposée par Karm depuis qu’ils s’étaient retrouvés à bord du speeder : c’était le silence ark-ni, disposition de l’esprit un brin méfiante, mais attentive. Karm avait appris dès sa plus tendre enfance que tous les gens qui se justifiaient devaient être attentivement et patiemment écoutés, parce qu’une société ne saurait fonctionner sans la possibilité laissée à tous d’exposer leurs arguments en toute liberté.

— Non.

Karm se releva pour venir s’asseoir sur le lit de camp de Luke, juste à côté de lui.

— T’as raison, en fait, je pense.

C’était peut-être l’un des traits de caractère les plus déstabilisants des gens de sa culture, que Luke avait pu découvrir bien des fois quand ils étaient allés rendre visite à la Flotte : la propension à changer d’avis très rapidement, même après avoir défendu une position avec beaucoup de conviction, parce qu’ils admettaient les arguments de l’autre. C’était un art du consensus et de l’intelligence collective ancré dans leur civilisation depuis des générations et des générations, et probablement la raison principale de leur survie, le rempart qui les protégeait d’une implosion qu’auraient sinon provoquée d’insolubles dissensions internes.

— Makkia était stressée, et soulagée qu’on revienne, mais pas paumée, ni désorganisée. Et Mel était stable. Y avait pas de raison que tu ailles avec elle jusqu’au camp. Je vois ça, maintenant. Désolé de m’être emporté.

« Emporté », c’était beaucoup dire, mais dans la mesure où Karm faisait preuve ordinairement d’un sang-froid reptilien, ça comptait sans doute.

— Je pense que…

Et là, c’était la formation de Jedi qui prenait le dessus : l’introspection puis l’autocritique, pour avancer. Comme on l’apprenait aux Padawans, quoique certains l’oubliassent bien vite, le jeune homme entreprit d’analyser ses émotions et son erreur de jugement, pour en comprendre les mécanismes et s’en préserver.

— J’crois qu’on s’habitue vite à être obéi, en fait, même pour quelqu’un comme moi, qui préférerait que tout fonctionne moins hiérarchiquement. Voir que tu as fait autre chose que ce que je t’avais dit de faire, ça m’a… Vexé.

Ce n’était pas très glorieux. Souvent, il pensait à l’artefact maudit de Belsavis, celui infesté par le Côté Obscur, qu’ils avaient approché de trop près. Il se souvenait des pulsions éveillées en lui par cette Force sombre : la pulsion de dominer, de diriger, de contrôler. Sexuellement, mais aussi, il s’en rendait compte, sur le terrain.

— Je…

La gorge nouée, il parvint malgré tout à avouer :

— J’ai un peu peur d’être un tyran. Au fond de moi, je sens que… Que j’aime ça, donner des ordres, et être en contrôle, et superviser, et… Être le chef, un peu. C’est pas vraiment conforme à mes principes. Je sais que… Que ça peut être positif, que c’est un qualité aussi, de faire preuve de, comment on dit ? Leadership, et tout ça. Mais sur Belsavis, quand on était dans la prison, près de l’artefact sith, c’était ça qui m’obsédait. C’était mon Côté Obscur à moi. Pas la peur, pas la colère, même pas le désir sexuel ou quoi, mais la volonté de puissance et d’autorité.

Et quand on était admiré par tout un camp d’Auxiliaires dévoué, le combat avec ses démons intérieurs était pour le moins ardu.

— ‘Fin bref. Ça m’a vexé, c’était idiot de ma part. Et aussi, j’ai eu peur pour toi. Je sais que t’es un Jedi, je sais que tu fais des progrès en combat, mais j’ai bien senti aussi que tu étais super fatigué, pendant les dernières heures, et c’était dangereux. Voilà. Mais t’as raison, tu as pris la bonne décision, et j’aurais pas dû réagir comme ça. J’te présente mes excuses.

Après un instant de silence, Karm passa un bras autour des épaules de Luke, en se rapprochant encore un peu plus de lui sur le lit.

— Bon ça, c’était ma réponse pro, mais sur un plan perso, aussi, je t’aime, et j’suis content que t’aies été avec moi, j’aurais pas pu gérer Rakki et Mel en même temps tout seul, et je me sentirais pas capable de prendre les décisions comme ça si t’étais pas là. Ça me fend le coeur de te voir épuisé et frigorifié comme ça, j’m’en veux de t’avoir fait endurer tout ça, mais d’un autre côté, j’suis fier de toi.
Luke Kayan
Luke Kayan
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Retour au présent.

Maria Kayan n'était pas là, penchée sur son visage au point que ses boucles brunes serties de rares mèches blanches chatouillent ses joues. Sa main ne viendrait pas non plus "chatouiller" durement cette fameuse joue sans rondeur.

Karm était là. Son timbre de voix fit frémir le Chevalier davantage encore que ses propos. Il n'avait pas pris conscience de ces derniers que, déjà, il remerciait l'Ark-Ni de ne pas hurler. Sa voix douce suffisait à apaiser ses craintes, quelque furent les reproches du chef d'expédition. Rien ne vint.

Retour à l'esprit critique, la capacité de penser.

Luke avait eu raison. Il avait agit comme Saï, l'Ordre lui l'avaient enseignés. Pourquoi avoir cédé? Serait-il, au nom de l'amour, en train de perdre son jugement? Était-ce dangereux? Pas face à Karm, doué de raison et d'humilité, mais c'était peut-être légèrement honteux. Oui, honteux. Comment réclamer son droit d'aider su le terrain pour ensuite baisser la tête, sans être sûr d'avoir tout à fait tort.

Retour des reproches.

Le Hapien secoua ses mèches dorées. Elles devaient s'en aller, tous comme les nuages qui meublaient sa tête, épuisée, lourde, frigorifiée. Il sourit non sans avoir tressailli d'abord sous le contact du bras de son aîné.

Retour de Karm.

Après le vide, l'explorateur avait envahi sa Force, son aura. Il était comme une drogue, une nécessité pour avancer. Étaient-ils trop dépendants l'un de l'autre? Se transformeraient-ils en Rakki et Mélanora? Qui jouerait le rôle de la seconde? Non. Ils étaient différents.

Retour de l'arrogance ou peut-être de l'utopie?

Ils étaient différents. Oui. C'était certain. Le sourire du Consulaire s'effaça de ses lèvres abîmées pour mieux s'étendre au sein de la Force. Il pouvait consoler Karm, remplir son rôle d'appui. Tout retrouvait sa place.

- Un tyran ne m'aurais pas écouté, il ne se serait pas auto-analysé et encore moins excusé par la suite. C'est moi qui suis fier de toi.

Il se sentait encore plus poule mouillée face à ses propres excuses, sincères mais inutiles juste avant, juste histoire de le garder, d'éviter ce froid au sein de son cerveau délaissé par un Karm momentanément... Vexé, donc, selon ses propres mots. Que se passerait-il le jour où une vraie dispute éclaterait? Ferait-il face? Mieux ne valait pas y songer. S'il s'octroyait le surnom de poule mouillée, autant profiter du statut peu gratifiant. Pour aujourd'hui, au moins, le jeune homme avait de droit de fuir ses propres questions.

- Si cette tendance te fus révélée de façon exagérée avec l'Artefact, tu dois effectivement être prudent, veiller à ne pas prendre trop goût à la supériorité, mais je sais que ton éducation Ark-Ni autant que celle de Jedi et humaine t'aideront à surmonter ce désir profond, noir. Et puis, je serai là! Enfin... Si je ne me montre pas encore lâche. La peur. La peur de l'abandon, de la colère, de décevoir, c'est ça, mon côté sombre, à moi.

Et le fait de ne pas pouvoir faire face, littéralement, physiquement, viscéralement à la noirceur. Mais ça c'était encore différent, même Luke savait qu'il ne pouvait pas se le reprocher entièrement. Un mystère de la Force l'avait rendu "allergique". Qu'il s'effondre, s'épuise ou réagisse en créant une explosion de lumière temporaire, le Chevalier savait devoir combattre ses propres démons: la crainte de trop nombreuses choses, donc, et le manque de contrôle sur son propre corps.

- Ne te sens pas coupable. Sais-tu seulement combien cela m'apporte? Maître Don m'a éduqué ainsi- Bon en fait t'es plus dur!- petit sourire complice associé à une vague de tendresse pour son mentor tant aimé. À la manière d'un gentil papi, le vieillard qu'il considérait toujours être son maître l'avait parfois bien épargné.- plus sérieusement, il me parlait comme à n'importe quel autre Padawan et m'emmenait partout. À tel point qu'un jour, en mission d'infiltration sur Alderaan, pour faire comme si face aux propriétaires que nous protégions, il m'a demandé mon avis sur des tableaux accrochés au mur dans un genre de musée personnel. J'ai très naturellement déclaré apprécier particulièrement les nuances de noir de l'un d'eux.

Ah il aurait payé cher, à l'époque, pour voir la tête du petit politicard qui se croyait quelqu'un et qui avait fait appel à l'Ordre en prétextant que sa famille était poursuivie. Au final, ironiquement, c'était effectivement le cas, mais pour une raison toute autre. Son fameux musée personnel contenait un bout d'artefact cherché par un apprenti Sith en disgrâce, désireux de retrouver une place auprès de ses anciens "professeurs". Ironie: une fine amie, parfois fatigante de Luke.

- Il n'a pas encore essayé de me faire conduire, cela dit.

S'exclama Luke avec un ton qui sous-entendait que ça ne l'étonnerait guère que le Gardien, mystique au possible s'y essaye un jour. Ce dernier serait bien capable de penser qu'avec leur lien et l'aide de la Force, le jeune Chevalier pourrait y parvenir. À cette idée, le Jedi pouffa de rire. Ça n'était pas vraiment drôle en soi, ou trop évident pour forger une blague raffinée, mais après toute cette boue, ce sang surmontés de mélodrame, le Consulaire avait besoin de décompresser. Il prit la main de Karm pour la coller davantage sur sa propre épaule, puis passa son bras libre autour de la taille de ce dernier. Il finit toutefois par se décoller, à regrets, il fallait aller vérifier que tout allait bien, sans oublier un décrassage minimal après s'être roulé dans la boue.

- En parlant de frigorifié, je vais devoir prendre les constantes de Mélanora. - En fait comme tout "médecin", il s'était attaché à sa patiente et souhaitait vérifier que tout allait bien en personne pour la nuit.- j'en profiterai pour empirer mon état via une douche. -Le camps ne disposait actuellement actuellement pas d'eau chaude, habituellement le Hapien faisait avec les moyens rustiques du bord, mais aujourd'hui ce serait probablement plus difficile.- Je reviens.

Un baiser sur la joue plus tard, le Chevalier s'éloignait. Il profita de son pèlerinage jusqu'aux douches pour aller voir Mel. Bien que cette dernière soit désormais apte à parler physiquement, ses yeux quémandaient qu'on la laisse tranquille. Luke le lui promit, il vérifia ses constantes, la rassura un peu, acheva de la consoler puis la laissa pour filer faire sa toilette. À défaut de bien se désinfecter comme l'indiquait le protocole, il dégagerait quelques bactéries. Sous la pluie forte d'un pommeau de douche rongé par le calcaire, le Hapien put démêler et nettoyer ses cheveux, sa peau tant bien que mal. Il prit bien conscience de tous les bleus et griffures parcourant sa silhouette fine. Heureusement, rien de grave.

Le retour à la "chambre" fut rapide. Avec un étau enserrant sa tête, le jeune homme se glissa vite sous les draps et couvertures amoncelées, faute de chauffage. Il chercha ensuite la présence de Karm, ignorant si ce dernier serait encore présent après son tour d'une vingtaine de minutes. Impossible de s'en empêcher, le Jedi gémit de bonheur en sentant la chaleur s'infiltrer par la plante de ses pieds. Enfin.

- Je ne sais pas, je ne crois pas que ce soit très... Respectueux? Enfin adéquat vis-à-vis de Mélanora, Rakki, enfin ce qui s'est produit. Mais j'aurais bien aimé qu'on puisse dormir ensemble. Ça me manque.

Au Temple ils en avaient rarement l'occasion et encore moins en mission, sauf en plein désert, sans personne. Dommage. Au moins, il avait fait l'effort de le dire, de communiquer davantage sa tendresse, tel qu'il l'avait promis sur Belsavis. Et toute bonne action étant récompensée, le rouge qui maquillait ses joues contribuait à le réchauffer. Un peu. Un tout petit peu.

- Est-ce que tu crois que ça pourrait nous arriver, à nous?

Sa voix sonnait un peu inquiète mais surtout traînante. Il s'endormait doucement mais sûrement.
Karm Torr
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— J’t’abandonnerai jamais…

La voix de l’Ark-Ni s’était faite un peu perplexe, tant il avait du mal à concevoir que Luke pût se faire ce genre d’idées, après tout ce qu’ils avaient traversé ensemble, et toutes les différences et les incompréhensions qu’ils surmontaient au quotidien pour rester l’un près de l’autre.

— Enfin, on en parlera plus tard. J’vais m’doucher aussi, on se retrouve ici.

Le Gardien déposa un baiser sur la tempe de son compagnon, avant de se détacher de lui pour enfiler un pantalon et sortir, torse nu, dans le campement, manifestement peu perturbé par la rigueur de la météo. Dans quelques heures, les chaleurs tropicales de la planète reviendraient à nouveau et Karm commençait à se dire que ce cycle climatique n’était pas non plus sans intérêt.

Le campement avait retrouvé un calme relatif. Rakki, sous bonne garde, et de toute façon épuisé, était contenu dans une tente. Makkia avait pris tous les arrangements nécessaires et chacun avait pu aller se reposer, en attendant son tour de garde. D’un signe de tête, Karm salua les quelques Auxiliaires qui s’étaient portés volontaires pour la première faction, avant de pénétrer dans l’une des cabines de douche.

Une séance de savonnage rigoureuse sous l’eau glacée plus tard, il était de retour dans la tente, les pensées un peu plus claires. Il se débarrassa de ses vêtements, pour s’asseoir en tailleur sur son lit de camp, nu, et se plonger dans une méditation apaisante, en attendant le retour de Luke. Quand son ami revint, Karm rouvrit les yeux et le suivit du regard.

— Moi aussi, Luke, murmura l’Ark-Ni, quand le jeune homme témoigna ses regrets de ne pas se retrouver sous les mêmes draps.

Karm quitta son lit pour s’asseoir au bord de celui de Luke, et poser la main sur la joue du Chevalier, qu’il caressa du pouce.

— Fais moi une petite place, le temps qu’on discute un peu avant de dormir.

Il se faufila donc sous les couvertures du Consulaire, glissant un bras sous la taille de Luke pour l’attirer tout contre son corps nu. Son compagnon lui avait semblé si fragile pendant leur longue marche, et il avait tant craint pour sa vie durant le combat, que le sentir serré contre lui, et protéger entre ses bras, était pour lui une source de soulagement inestimable.

— Ça nous arrivera pas.

Et il en était intimement convaincu.

— Pas parce qu’on est des Chevaliers et pas eux, pas parce qu’on risque pas de tomber enceintes, mais parce que… On a pas le même tempérament, déjà. On a plus confiance en notre relation, je pense. Et on sait que l’Ordre est pas un monolithe, que y a des ouvertures et des évolutions, que y a différents aspects aux préceptes. J’ai l’impression que Rakki est… Pas littéraliste, mais, disons, pas très bien informé sur la diversité de nos institutions.

Difficile à dire, cependant, avant d’avoir pu interroger le jeune homme à tête reposée, pour tenter de comprendre en profondeur ce qui avait motivé ses actes. Karm suspectait que c’était tout à la fois un mélange de problèmes psychologiques personnels et de problèmes structurels, dans sa formation. Combien d’Auxiliaires se sentaient prisonniers de l’Ordre ? Combien croyaient les Jedis plus rigoristes qu’ils ne l’étaient en réalité ? Se sentaient-ils vraiment appartenir à une hiérarchie quasi militaire plutôt qu’à une famille et à une communauté de pratiques et de croyances ?

— J’suis un peu trop fatigué pour réfléchir à tout ça en détail, j’avoue, mais je me sens pas du tout reflété dans leur situation. Regarde, même si on imagine le pire des scénarios, genre toi et moi, on serait vraiment pas d’accord, et vraiment très contrariés, l’un comme l’autre, y a quand même peu de chance qu’on pète un câble et qu’on fonce avec un speeder dans un arbre. Plus probablement, on irait chacun ruminer, bouder et se morfondre dans un coin, avant de relativiser et de se mettre à parler. Et comme nos désaccords, la plupart du temps, on en parle clairement, dès le début et avant que ça devienne vraiment grave, j’pense que ça va.

Karm n’aurait su dire si c’était en raison de leurs tempéraments respectifs, de leur éducation et des préceptes de l’Ordre. Sans doute un peu de tout cela à la fois. Ni Luke ni lui n’était quelqu’un de volcanique.

— J’sais que… Que t’as souvent l’impression que notre relation est fragile, ou incertaine, ou dangereuse, mais j’crois que si on regarde les choses objectivement, on forme un couple plutôt solide, et depuis un moment déjà. On est pas parfaits et on en a souvent la preuve, c’est sûr, mais si on doit se comparer aux autres, malgré nos problèmes, je crois qu’on s’en tire vraiment bien.
Luke Kayan
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Avait-il confiance en Karm ? Oui. Sans hésitation, trop peut-être? Pouvait-on seulement déborder de confiance pour quelqu'un? Y avait-il une saine limite? C'était en tout cas la sienne, de confiance qui pêchait. Difficile d'imaginer quelqu'un être capable de vous aimer pour toujours ou à jamais, quand vous pensiez être ennuyeux à mourir, banal, trop peureux. L'éducation Jedi de Luke permettait à ce dernier de ne pas s'obséder avec cette pensée, mais elle l'accompagnait, petit animal terrifiant et mordeur, consentant parfois -mais à peine- s'endormir dans un recoin de son coeur. Le jeune Chevalier avait poussé un léger soupir, facile à interpréter comme du soulagement, dur en revanche de déterminer si l'effet provenait des paroles de son compagnon ou de cette fatigue sur le point d'être enrayée. Les yeux enfin clos, le blond se concentra sur la sensation apaisante de piqûre qui daigne enfin se calmer, s'anesthésier.

Il rouvrit ses yeux inutiles en sentant cette odeur, cette tiédeur tant connue, tant recherchée et actuellement un peu fuie. Par pudeur, par honte, par tristesse. Rakki et Mélanora... Mais l'idée qu'on les surprenne s'échappa vite de l'esprit du Jedi. Il avait été loin, outrepassé les limites imposées par son corps, pour preuve trop légère, les griffures ornant sa joue. Alors qu'importait vraiment la timidité dans ce contexte? Ce n'était que futilité, irrespect pour leur amour, leur besoin de se retrouver. Luke accueillit donc le bras -et tout le reste- avec plaisir, notant, non sans une certaine gêne, la nudité de son compagnon alors que lui favorisait toujours un pyjama. Actuellement plus un vieux tee-shirt trop long ainsi qu'un sous-vêtement, afin de pouvoir bondir sur son pantalon en cas d'urgence.

-C'est difficile à dire pour Rakki. On dirait qu'il ne voulait pas faire partie de l'ExploCorps, qu'il méprisait l'Ordre tout en le craignant. Qu'imaginait-il? Qu'on allait le mettre en prison? Quelque chose ne colle pas.

Un pressentiment lui disait que le jeune homme, tout en se repentant, avait ressenti une certaine joie suite à la fausse couche de Mélarona. Restait à savoir s'il se félicitait -non sans se culpabiliser aussi.- de ce hasard, ou s'il l'avait provoqué.

-En fait, j'ai du mal à penser que les membres de l'ExploCorps se fourvoient à ce point. Y compris lorsque le Conseil était plus sévère, on ne les aurait pas blâmé. Je pense même que l'Ordre aurait cherché un moyen de les aider à se réintégrer, en leur payant une formation, en les guidant...

Et pas seulement par pure bonté, y compris Luke le naïf le savait. Afin d'éviter d'offrir des proies aux Siths, autrement dit de nouveaux membres remplis de colère envers le Temple, désoeuvrés ou désespérés -parfois tout ça à la fois.- les Jedis prenaient soin de donner quelque chose à perdre à leurs anciens membres. Que ce soit une vie de famille, un bout de terre, des projets, une aide. Peu importe la forme que prenait cette réhabilitation, elle ne justifiait aucunement une telle fuite en avant, si destructrice, bien au contraire. Mais Karm avait raison, Rakki avait perdu l'esprit, à ce moment ou depuis longtemps, là était la question.

-Hum... Je ne boude pas. Moi.

Un mince sourire accompagna la boutade, signe qu'il libérait le pauvre Karm de ses interrogations philosophiques. Lui-même épuisé, le Jedi céda sans honte à la facilité: laisser la voix de son ami le bercer, croire en ses promesses et raisons. C'était logique après tout, ils n'étaient pas meilleurs mais clairement différents. Demain les doutes reviendraient peut-être. Au moins, ils seraient moins forts.

-Bonne nuit.

Incapable de savoir si le Chevalier Turquoise était retourné dans sa couche, le jeune homme n'eut même pas la force de prononcer "fais attention à ne pas t'endormir ici." d'une voix pâteuse. Rien ne sortit de ses lèvres. Il s'endormit presque aussitôt, abattu par la fatigue accumulée.

---

Il était relativement tard lorsque Luke ouvrit les yeux. 8h00 ce n'était pas ce que l'on pouvait appeler une grasse matinée, sauf si on comparait cet horaire avec celui habituel du concerné: 5h00 pour faire ses exercices, 6h00 parfois. Encore épuisé, le jeune homme renonça pour la première fois depuis des années à faire ses exercices matinaux, à ce propos d'ailleurs, ses muscles courbaturés se chargeaient d'anihiler toute culpabilité: la veille, il s'était assez dépensé pour remplacer trois jours d'exercices.

Avec une torpeur désespérante, le blond s'extirpa de sa couche, attaqué par le froid. Il résista au désir, au besoin de se faufiler sous ses couvertures pour enfiler son pantalon et sa tunique, ô surprises, propres et secs. Le jeune Jedi sourit en remerciant Makkia la reine de l'organisation. Il apprécia davantage encore le geste de reconnaissance silencieux de sa part en enfilant des chaussettes sèches qui fleuraient bon le produit.

Avant même de songer à un quelconque petit déjeuner, Luke alla voir sa patiente. Les résultats aussi bien physiques que psychologiques étaient prometteurs, puisqu'en effet, la jeune femme s'était faite à l'idée d'avoir perdu son foetus. Au fond, cela la soulageait même un peu confia-t-elle au Hapien, en précisant avoir ressenti, de toutes manières, des douleurs avant l'accident. Stress, hasard, rejet inconscient de son corps ? Le jeune homme resta quelque peu perplexe mais il ne chercha pas à pousser l'interrogatoire. À son tour emmenée dans une chambre, enfermée quoique dans des conditions plus confortables que son ex-petit ami -sa véhémence à son égard laissait sous-entendre que leur relation était finie.-. Le Hapien allait ensuite servir Rakki, préférant éviter à Makkia cette situation aussi tendue que dangereuse. Un tourbillon sombre accueillit Luke à son entrée, tout repenti puisse-t-il être ou non, le chercheur en voulait à celui qui avait intercepté sa route. D'autant plus qu'il pouvait, à la faveur d'un soleil timide, découvrir la demi-portion handicapée qui s'était dressée sur son chemin, si bouché soit ce dernier, sa fierté en avait pris un coup. De quoi haïr ce presque fonctionnaire qu'une chaise bien chaude attendait dans son bureau. Un autre que la Force avait gratifié de sa présence, au point de l'en innonder avait-il pu constater du haut de ses pauvres petits Midichloriens qui se battaient en duel dans son sang. Juste assez pour noter le pouvoir d'autrui. Leurs perspectives. Luke se prit à espérer que Rakki ne serait pas a courant de leur relation avec Karm, sous peine que ce dernier explose, de jalousie probablement. Encore une fois, son idole Ark-Ni, tant aimée, tant détestée démontrerait avoir une meilleure situation que la sienne.

Ce fut avec un café bien chaud que le jeune Jedi pénétra dans l'unique bâtiment en dur dont disposait le campement. Une pièce d'expérimentation fut vidée de son matériel exceptée une table assez grande et trois chaises. La vitre sans teint destinée à veiller sur le compagnon qui manipulait des échantillons, voir à observer un animal attrapée était parfaite pour l'interrogatoire. Une comission d'urgence avait été formé au Temple, jugeant qu'il fallait interroger les témoins et coupables potentiels le plus vite possible afin que des détails encore frais ne se perdent pas, mais surtout qu'ils n'aient pas le temps de s'inventer une histoire, y compris de se concerte pour se faire. Il fallait donc donner aux lieux une allure de salle d'interrogatoire un minimum légal afin que les témoignages soient pris en compte. Luke s'était chargé de vérifier les détails, ses chers papiers de protocoles en main. Vers 11h00 tout était fin prêt et le Hapien rejoignit son compagnon, affamé de ne rien avoir avalé depuis le lever, trop occupé à faire respecter les critère de la comission interne. Il détesterait que Rakki s'en sorte pour un vice de forme, or pour un bon jugement, le premier interrogatoire était primordial.

-Je pense qu'il te voue une certaine forme d'admiration et de haine à la fois. Tu serais le plus à même de le faire réagir, qu'en penses-tu? Ou souhaites-tu que je rentre aussi?

Consulta le jeune Jedi en tendant un gobelet plein de café à son camarade. Au fond, il avait peur de se retrouver en duo face à un Rakki apte à mettre vite à jour leur relation et s'en servir contre eux, face au tribunal voire simplement les insulter. Il savait que leur lien se remarquait de plus en plus facilement à cause de leur proximité.





Karm Torr
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Karm s’était réveillé aux aurores. Pour lui, la longue marche, de jour, de nuit, dans la chaleur tropicale et dans le froid, ne faisait jamais partie que du quotidien de l’exploration : c’était à cela qu’il était rompu, pour cela qu’il s’entraînait et, ce matin-là comme tous les autres, il se sentait parfaitement capable d’entamer sa journée. Il avait laissé Luke dormir, enchaîné les exercices à l’extérieur, puis avait commencé à discuter avec Makkia de la conduite à tenir.

La chaleur s’était à nouveau abattue sur le camp. La nuit avait été glaciale mais, dès le lever du soleil, comme la veille, et tous les jours avant cela, le thermomètre était monté en flèche. Cependant, ni les circonstances climatiques, ni les événements de la veille, n’avaient finalement suffi à entamer le professionnalisme des Auxiliaires, qui commençaient à s’activer et à préparer leurs propres expéditions de la journée.

Karm avait longuement discuté avec Arel, qui peinait, et c’était bien naturel, à comprendre la situation. Lui qui n’avait pas été éduqué par les Jedis ne saisissait pas ce qui avait pu se tramer dans l’esprit de Rakki, ni pourquoi les deux Auxiliaires avaient pu vouloir cacher leur relation. Karm avait tenté de le lui expliquer, et l’exercice avait été salvateur, parce qu’il lui avait permis de clarifier pour lui-même les nuances de la situation.

L’heure de la commission était venue. Pour Karm, c’était un exercice mal venu et contre-productif, qui ne servirait qu’à aggraver le malaise ressenti dans le camp, préposé au jugement de l’un des siens. Il aurait préféré que Rakki puisse être rapatrier sur Ondéron séance tenante, plutôt que surveillé encore dans les conditions précaires qui étaient les leurs. Il avait songé à désobéir, en usant de ses prérogatives de chef d’expédition, mais il avait bien senti que ni Luke ni Makkia n’y étaient disposés.

— Je m’en charge, confirma Karm, quand Luke vint finalement le retrouver pour l’interroger sur la conduite à tenir. De toute façon, on va pas s’éterniser. On prend sa déposition sans entrer dans les détails. Plus on reste ici, plus on met le camp en danger. C’est pas du tout un lieu pour garder quelqu’un qui fait l’objet d’une investigation.

D’ailleurs, il regrettait de ne pas s’être rendu lui-même la veille à son vaisseau, pour communiquer directement avec les autorités de l’Ordre et leur faire valoir ses arguments. C’était de sa faute si les Auxiliaires n’avaient pas osé s’opposer à un projet manifestement dangereux.

— Par contre, t’auras peut-être plus de chance avec Mel. Tu l’as soignée, elle doit te faire un peu confiance, et je sais pas trop quelles sont ses dispositions envers moi. En tout cas, on épargne tout ça à Makkia, c’est déjà beaucoup lui demander d’assister.

Deux Auxiliaires apparurent dans le préfabriqué, encadrant Rakki et talonnant Makkia. Quand le jeune homme croisa le regard de Karm, il baissa aussitôt les yeux, avant qu’on ne le conduise dans la petite salle vitrée. Karm tendit à Makkia le café que Luke lui avait proposé : lui-même n’en buvait pas.

— Merci, soupira la jeune femme. Bon, toute l’activité a repris comme à l’ordinaire, et les autres ne semblent pas perturber au point de ne pas pouvoir remplir leurs tâches. J’ai fait calculer votre trajectoire hyperspatial pour le vol de retour sur Ondéron, dans une fenêtre de quinze heures, je sais pas si ça le fera… ?

Karm hocha la tête.

— On essaie de plier ça vers le milieu de l’après-midi, pour partir avant la nuit.
— J’ai laissé un speeder au camp pour que vous regagniez le vaisseau.
— Parfait. Bon. J’y vais.

Quelques secondes plus tard, Karm était assis en face de Rakki et un silence s’était installé entre eux. L’Ark-Ni se décida enfin à engager la conversation.

— T’as pu dormir ?
— Pas tellement.
— Et manger ?
— Un peu.

Silence.

— Qu’est-ce qui va m’arriver ?
— On va parler un peu pour comprendre ce qui s’est passé, tant que les souvenirs sont frais et tout…

Ses objections à la procédure, Karm les gardait pour lui face à Rakki, habitué à ne pas laisser son scepticisme face à certaines décisions de sa hiérarchie entacher son efficacité sur le terrain.

— … puis au Temple, ils auront sans doute plus de questions, pour bien comprendre en profondeur. C’est les Sentinelles qui se chargeront de ça.
— Comme si j’étais un Sith…

Karm secoua la tête.

— Les Sentinelles gèrent toujours les affaires, les grandes comme les petites. Une fois, ils m’ont interrogé pendant toute une semaine.
— Sérieux ?

Savoir que Karm Torr n’était pas toujours en état de grâce au Temple avait quelque chose de rassurant.

— Ouais. La vie est pleine de problèmes. Donc ils vont t’interroger et après, bon, va sans doute y avoir une punition. Pour le fait d’avoir mis Mel en danger, après l’accident, essentiellement, je pense. J’suis pas juriste, donc je sais pas trop en quoi ça consiste, mais on parle pas d’une longue peine de prison ou je sais pas quoi. C’est juste qu’il faut qu’il y ait réparation. C’t’une question de justice tu vois ?
— Hm…
— Elle était enceinte depuis longtemps ?
— Non. Un mois, je crois. P’têt moins.
— Vous étiez ensemble depuis combien de temps ?
— Cinq mois. Ça s’est fait comme ça, tu sais. C’était pas intentionnel. Je l’ai pas draguée ni rien. On s’est embrassés, un jour, et puis les choses se sont enchaînées.
— Mais vous en avez pas parlé.
— Tu sais bien comment est l’Ordre.
— Ben justement. L’Ordre tolère ce genre de relations. Plus encore pour les Auxiliaires que pour les Chevaliers.
— C’est une tolérance vachement théorique. Ça va bien quand c’est les super stars, elles, elles peuvent violer le Code Jedi, elles finissent politiciennes, elles ont des gosses, personne dit rien, mais nous qui sommes en bas, on est censés être irréprochables. C’est complètement injuste et…

Le ton de Rakki commençait à monter et Karm sentit la nécessité de calmer la conversation.

— Est-ce que tu aurais préféré ne pas être un Jedi ?
— Je suis pas un Jedi.
— Les Auxiliaires sont des membres de l’Ordre.
— Ouais, mais on sait bien que c’est pas la même chose.
— Du coup, tu aurais préféré être hors de l’Ordre ?
— Oui.
— On a des programmes de réinsertion. Tu voulais pas demander ? T’aurais eu une formation pro, si t’avais eu besoin, un soutien financier, ce genre de choses.
— J’ai grandi au sein de l’Ordre. Tous les gens que je connais sont ici. J’ai jamais vécu dans le monde réel. C’est pas une formation pro ou quelques milliers de crédits qui m’auraient offert la possibilité de pas me faire écraser par le monde extérieur.

Un bon point auquel Karm n’avait jamais vraiment réfléchi. Il y avait bien des exemples d’anciens Auxiliaires qui avaient réussi à se construire une vie à l’extérieur de l’Ordre, mais leur succès venait peut-être de leur propre caractère. Cela dit, c’était s’éloigner de la question.

— Du coup, avec Mel, vous voyiez l’avenir comment ?
— On y avait pas trop réfléchi. Mais moi, à la fin, malgré tout, j’étais partant pour aller voir ailleurs avec elle.
— Mais sans le soutien du Temple?

Rakki haussa les épaules.
On touchait au nœud du problème, à ce que le comportement du jeune homme avait de contradictoire.

— Mel, elle en pensait quoi ?
— Elle en pense trop rien.
— C’t’à-dire ?
— C’est-à-dire qu’elle préférait rester.
— Du coup, c’est pas qu’elle en pense rien, c’est qu’elle était pas d’accord.
— C’est le temps qu’elle se rende compte de la situation.
— C’était ça, ton plan ? Lui faire se rendre compte de la situation ?
— J’avais pas de plan, j’ai juste un peu perdu le contrôle.
[color=#00ccff]— Et ça t’arrive souvent ? Je veux dire, de perdre le contrôle ?[color]
— Non.

Silence.

— Donc, vous étiez en speeder, vous vous disputiez un peu, c’est ça ?
— C’est ça. Je la regardais elle, j’ai pas vu l’arbre venir.
— Mais c’était le seul arbre sur la plaine, t’as dû le voir de loin. Et elle aussi.
— J’sais pas.

Silence.

Le regard de Karm était de plus en plus pénétrant, et Rakki, de plus en plus mal à l’aise.

— T’as déjà pensé qu’un moyen de sortir de l’Ordre, coincé comme tu te sens, c’était d’en finir tout court ?

Silence.
Luke Kayan
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Luke hocha doucement la tête, loin de songer aux doutes de Karm ou que ce dernier en ait. L'Ordre avait ordonné, il avait pleine confiance en leur capacité de jugement bien que sur le moment, cette attitude l'avait surpris. Ils devaient savoir que le chef d'expédition gérerait parfaitement Rakki et souhaiter ne perdre aucun indice pour l'enquête à suivre. Quoi de plus logique que de vouloir faire ça proprement alors que des destins étaient en jeu.

Docile, le Hapien quitta les lieux, laissant le soin à un Auxliaire "haut placé" de servir de témoin. Il n'avait rien d'autre à faire que de s'assurer que la caméra de surveillance fonctionnait, et lui aussi prêter ses yeux à la vitre sans teint pour témoigner en cas de litige. En somme, il serait donc bien plus utile que le Consulaire pour ce rôle. La tête pleine d'interrogations sans ordre, le Chevalier entreprit de leur trouver une chronologie afin d'aborder Mel. Il pénétra dans la chambre de cette dernière. Accueilli par un sourire accompagné d'une chaleur encourageante, Luke pris ses constantes, avant de la débarrasser des fils. Elle allait bien.

- Je suis venu voir comment tu allais mais aussi discuter. - Il avait, pour une fois, choisi le tutoiement afin d'instaurer un climat de confiance. Bien qu'étant de son âge ou presque, Mel s'était facilement et volontiers "soumise" à son soigneur.-
- Je m'en doutais.- Une phrase d'acceptation courte note le Jedi. Elle avait envie de coopérer.
- De combien étais-tu enceinte? Quand l'as-tu dit à Rakki?
- Un mois environ. Et je lui l'ai dit dès le début, c'est-à-dire il y a deux semaines. J'ai emmené pas mal d'holofilms pour m'occuper ici- folle et naïve que j'étais, je pensais qu'on aurait beaucoup de temps libre- et dans les séries, ça fait toujours un drama quand la femme attend. J'ai voulu casser le cliché, instaurer la confiance. En plus, on aurait plus le temps pour réfléchir à deux.

Presque amusée par son parallèle entre les séries d'holofilms un peu stéréotypées commeMédecins Inter-Galactiques, Mel esquissa un doux sourire. S'il avait pu lire son regard, Luke l'aurait certainement trouvé nostalgique. Cette époque où elle avait débarqué sur la désertique planète devait lui manquer, alors qu'elle n'était pas si lointaine.

- C'est pour réfléchir que vous vous êtes éloignés du camps?
- Je suppose. Rakki m'a un peu surprise en me présentant cette "escapade" le matin même. Pour ma part je lui avait déjà dit qu'on devrait essayer de contacter l'Ordre pour exposer la situation. Ils sont plus compréhensifs sur ça. J'dis pas que j'étais prête à avoir un enfant, hein. Mais bon maintenant que c'était fait... Au moins je me consolais en me disant que le Conseil nous aiderait.

Les épaules du Hapien se relâchèrent. Visiblement, la chercheuse croyait en l'Ordre Jedi, à son instar. Elle les considérait comme des alliés, des protecteurs et non comme de simples punisseurs sans âme. Il hocha la tête pour confirmer ses propos, ne manquant pas de surprendre Mélanora au passage. Elle n'avait jamais observé d'aveugle hocher la tête au fil de ses séries.

- Rakki t'avait-il déjà montré son désaccord?
- Oui, on s'était déjà pas mal disputés. C'était dur d'ailleurs car il fallait feindre que tout allait bien dès qu'un collègue passait, puis on reprenait la conversation.

Les Auxiliaires évoluaient dans leur propre monde, difficile à saisir pour Luke. Au Temple, Mel n'aurait pas pu cacher sa grossesse. À un mois, les Jedis les plus sensibles l'auraient déjà percé à jour, sentant la vie remplir son ventre. Quant à la tension si forte régnant entre Rakki et elle, elle aurait également été mise à jour. Jusque là, Karm et lui parvenaient à échapper au "filtre" parce qu'ils étaient très peu souvent ensemble entre les murs du Temple, et ils se déplaçaient. Le concept d'intimité, de vie privée bien confidentielle était donc assez difficile à imaginer pour Luke, mais il fit des efforts.

- Pourquoi vous cachiez-vous?
- Rakki. Moi je voulais tout raconter.
- Ce matin-là. quand vous êtes partis, dans quelle disposition était ton compagnon?
- Ex.
- Hum?
- Ex-compagnon. Avec ce qu'il m'a fait! Il m'a piégé. On est parti en sortie "scientifique" "romantique"... On devait parler tranquillement, c'était soit-disant un genre de cadeau. J'ai pensé que c'était pour se réconcilier, et surtout qu'il avait enfin décidé d'assumer notre enfant et la relation, mais dès qu'on s'est éloigné du camps, il a lancé les hostilités en me disant qu'on ne pouvait pas garder l'enfant, et qu'on devait être plus prudent vis-à vis de notre relation. Il était obsédé par ça... Comme quoi l'Ordre acceptait des dérives des "grands", mais pas de nous qui selon lui, ne sommes même pas des Jedis. Après je ne sais pas comment, mais le speeder a foncé droit sur un arbre, le seul de cette fichue plaine... Le reste, trou noir.

- Crois-tu qu'il aurait pu volontairement faire dériver le vaisseau vers l'obstacle?
- Non évidemment!....... Enfin... Je ne sais pas. Il était si différent. Pas juste depuis cette matinée ni ma grossesse, depuis un certain temps déjà. Et... Enfin non, je ne crois pas. C'était. Enfin c'est un Jedi. Non? En plus ça n'a pas de sens. Il voulait quitter l'ordre alors pourquoi cacher notre relation et refuser le bébé ?
Karm Torr
Karm Torr
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— T’es triste…
— J’ai même plus le droit à mes pensées privées, maintenant ?
— J’ai pas besoin de lire en toi pour le savoir.
— Evidemment, parce que tu es si intelligent.

Malgré les provocations de Rakki, Karm demeurait impassible. Au fond, elles étaient la confirmation de ce qu’il commençait à soupçonner : qu’en se sentant enfermé au sein de l’Ordre, Rakki avait fini par interpréter toute nouvelle contrariété comme une confirmation de sa situation sans issue. Les portes de sortie avaient paru illusoires à ses yeux, les possibilités de changement des promesses qu’on ne tiendrait jamais, et, au bout du compte, prisonnier de toute part, plus ou moins consciemment ou non, il s’était senti porté vers le suicide. Un suicide dans lequel il avait essayé d’entraîner Makkia et son enfant.

C’était une théorie qu’il importait de prouver, parce que si elle s’avérait fondée, alors il était possible que Rakki ne fût pas entièrement responsable de ses actes. La maladie mentale était une excuse valable et, surtout, dans bien des cas, elle pouvait être traitée. Karm craignait un peu que les Jedis les plus étriquées ne considèrent ce qui n’était à ses yeux qu’une manifestation pathologique, un désordre des hormones, du cerveau ou de la psychologie, comme un témoignage univoque du Côté Obscur, qu’il s’agirait d’éradiquer plutôt que de comprendre.

Mais Rakki n’avait rien d’un Sith, il le sentait bien. Le Côté Obscur venait en lui par autre chose, par un trouble plus profond, et finalement beaucoup plus commun ou ordinaire.

— T’aurais fait quoi, si tu avais pu t’enfuir avec Mel ?
— Tu veux remuer le couteau dans la plaie ?
— C’est juste pour que tu puisses expliquer ça à l’Ordre. Quand tu auras fait ce qu’il faut pour remettre les choses dans l’ordre, il te faut bien un projet pour aller de l’avant, pas vrai ?

Un peu sceptique, Rakki finit par hocher la tête.

— Une ferme. On aurait eu une ferme, sur ma planète.
— Une vie de fermier ? Y a probablement des formations à l’AgriCorps.

Silence.

Rakki n’y avait de toute évidence pas pensé, et c’était la solution la plus évidente.

— Quel genre de ferme tu verrais ?
— Comment ça ?
— Ben, j’sais pas, des céréales, du fruitier, de l’élevage… ?
— Je sais pas.
— OK.

Ce n’était pas un vrai projet. Pas un projet d’avenir. Juste une pensée vague. Rakki était incapable de se projeter au-delà du jour de la sortie fatidique en speeder. Karm plongea son regard si particulier dans celui de l’humain.

— On va s’occuper de toi pour que tout se passe le mieux possible. Promis.

L’admiration et l’hostilité qu’il ressentait tout à la fois pur Karm durent se battre en lui pendant quelques secondes, mais l’Auxiliaire finit par hocher la tête, de toute évidence un peu perdu. Karm fit un signe aux gens derrière la vitre de couper l’enregistrement et il quitta lui-même la petite pièce. Le Chevalier remercia l’Auxiliaire qui s’était porté témoin et quitta le préfabriqué avec Makkia.

— Je suis pas sûre d’avoir saisi toute la logique de l’entretien. Il a foncé volontairement dans l’arbre ou pas ?
— Intentionnellement, je pense, volontairement, je dirais pas ça.
— Euh…
— Si tu veux mon avis, il est dépressif suicidaire. Depuis un moment déjà. Ça l’a empêché de considérer sereinement les manières de sortir d’une situation qui lui déplaisait et l’a fait envisager seulement des solutions radicales. ‘Fin, j’suis pas psy, et les guérisseurs du Temple étudieront son cas en profondeur, j’vais veiller à ce qu’ils tombent pas seulement entre les mains des Sentinelles, mais c’est une attitude d’évitement et de paranoïa que j’ai déjà vu chez certains des soldats républicains, dans l’infanterie, pendant la guerre.

Makkia resta un moment pensive, avant de demander :

— Mais c’est de notre faute ?
— J’sais pas trop…

Karm n’était pas un psychiatre professionnel et toute cette affaire sortait rapidement de son domaine de compétence.

— J’pense qu’il y a sans doute dû y avoir des signes et que c’est un peu notre faute de pas avoir remarqué ça. Mais d’un autre côté on est pas formés à repérer la maladie mentale, et puis c’est pas non plus super facile. C’est pas comme s’il était psychotique et qu’il délirait en permanence en racontant des choses invraisemblables, c’est vachement plus insidieux. Et tu vois bien, à travers la Force, ça se présente comme un trouble, comme un Côté Obscur, parfois, mais si t’es pas spécialiste du domaine, ça ressemble à beaucoup d’autres choses. Donc bon…

C’était à la fois rassurant, parce qu’ils n’étaient pas entièrement coupables, et inquiétant, parce que ça invitait à se poser des questions sur le nombre de cas similaires qui n’avaient pas été diagnostiqués au sein de leur communauté.

— Possible que le problème soit plus criant chez l’ExploCorps, suggéra-t-elle à haute voix, mais plutôt pour elle-même que pour Karm, comme on est très souvent loin de l’Ordre et de vrais dispositifs de prévention et de traitement.

Karm approuva d’un hochement de têtes. C’était un sujet qu’il se promit de méditer, pour composer un rapport à l’intention des autorités de l’Ordre. En attendant, il s’agissait d’aller retrouver Luke, pour se préparer au départ.
Luke Kayan
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- Pourquoi aurait-il fait ça? On s'aimait!
- Par désespoir?
- Mais non, ça n'a aucun sens! Il ne m'aurait pas emmené avec lui.
- Probablement.
- On ne traumatise pas l'être aimé avec le spectacle de sa propre mort... On ne... Tue pas l'être aimé.
- Sûrement.

Les larmes roulaient sur les joues de Mélanora qui vacillait, hésitait entre colère et tristesse. Par réflexe, Luke envoya une onde chaleureuse la réconforter, étant bien meilleur par cette voie-là que celle des paroles. Malheureusement, sa légère vague s'écrasa lamentablement sur une digue. La jeune femme très peu sensible à la Force, probablement moins encore que Rakki leva seulement ses yeux humides vers lui, l'interrogeant. De son côté, évidemment, le message visuel se heurta aussi à un mur. Un silence gênant s'installa, avant que Mel ne casse finalement la distance qui les séparaient, lui sautant au cou. Surpris, le Hapien la reçu tout in extremis. D'abord tendu, il s'efforça ensuite de détendre son corps mis à rude épreuve par ce contact trop soudain avec une personne -trop- inconnue. Maladroit, le Jedi tapota son épaule en guise de consolation, qu'il associa à quelques mots prononcés sur un ton laconique mais sincère.

- L'Ordre va te venir en aide. Nous, Karm et moi, on le fera.

Elle avait été stupide de ne pas se protéger -elle avait finalement confié au jeune homme que la grossesse était arrivée à cause de leur orgueil. Pour des scientifiques qui connaissaient le fonctionnement de ces choses, c'était une erreur assez stupide.- mais c'était son seul crime. Par la suite, la jeune femme avait voulu la réparer en assumant le bébé, en construisant quelque chose, au sein de l'Ordre de préférence. Comment la blâmer? À une époque, le Chevalier aurait été intransigeant, la bouche pleine de reproches qu'il aurait eu du mal à ne pas laisser jaillir. Aujourd'hui, il connaissait ce besoin d'aimer, ce désir d'être protégé et de croire à quelqu'un en retour. L'étreinte dura une minute au moins et se rompit alors que le Consulaire commençait à se détendre un peu.

Il signifia à l'auxiliaire qui les attendaient dehors qu'il ne souhaitait pas être accompagné pour escorter Mel, refusant pour une fois le protocole. Par compassion, sans doute. Quoiqu'il en soit, la jeune femme s'accrochait à lui avec l'énergie du désespoir, en voyant Makkia, elle détourna le regard, honteuse. Sa supérieure ou ex-supérieure fit de même, pour autant, le jeune homme capta un genre de chaleur au sein de la Force. La brune ne semblait pas entièrement braquée contre sa cadette, tout au plus déçue voir attristée. Par Mel mais aussi par elle. Luke eut bien du mal à convaincre Mélanora de rester dans sa chambre, laquelle fut fermée par sécurité. Plus pour protéger la triste Auxiliaire d'un coup de folie que les autres, vu qu'elle ne s'était jamais montrée agressive. Luke rejoignit Karm, encore un peu dérouté, profondément chagriné pour Mel. De son côté, il n'éprouvait aucune pitié à l'égard de Rakki, lequel avait délibérément trompé la jeune femme en lui faisant croire à une balade en amoureux. Si l'on voulait mettre fin à ses jours, il était inutile, cruel d'y entraîner la personne soit-disant aimée. Le barbu pouvait être réellement amoureux qu'il n'en restait pas moins un égoïste, un narcissique. Qu'avait-il imaginé? Que Mélanora ne pourrait pas se remettre de sa mort ou ne saurait pas s'en sortir seule? Lui-même donnerait sa vie pour protéger l'Ark-Ni, alors évidemment, ce concept de mourir à deux sans l'accord de l'autre lui semblait d'autant plus incompréhensible.

- Qu'à dit la commission? Maintenant que les interrogatoires préliminaires sont enregistrés, on les rapatrie? Je ne suis pas rassuré à l'idée de laisser Rakki ici. As-tu pu en tirer quelque chose? Moi j'ai l'impression qu'il voulait provoquer la fausse couche pour continuer sa petite vie avec sa copine, dans l'ExploCorps ou ailleurs mais sans les contraintes d'un enfant à élever ou... Même, qu'ils se tuent tous.

Confessa le Jedi sans savoir que Karm était arrivé à la même conclusion, celle formulée en second. En fait ce n'était pas très difficile si l'on prenait en compte les propres paroles de Mélanora: aucun des actes du garçon ne semblait logique. Il ne voulait pas rester dans l'Ordre mais ne proposait aucune alternative et avait quand même l'air dérangé à l'idée que leur relation devienne publique. Pourquoi ne pas souhaiter garder l'enfant si leur place au sein d'un Ordre soit-disant dictatorial n'important plus? Tout ceci tournait dans la tête du Chevalier qui hésitait quand même à donner davantage d'arguments, conscient de ses graves accusations pouvant mener à une charge d'homicide prémédité. Or, quand il y avait préméditation, mal-être ou pas, c'était rarement considéré comme un cas de folie passagère. Le jeune homme soupira, épaules tendues et tête encore remplie des pleurs de la Trompée.

- Quoiqu'il en soit, je suis prêt.

Balluchon déjà remballé ce matin après son fameux réveil difficile, le Chevalier avait hâte de partir de ces lieux. Pourtant, il avait aussi de bons souvenirs comme la longue méditation avec Karm, leur nuit passée côtes à côtes avant d'arriver au camps, respirations mêlées sans nécessairement partager la même couche. Juste sentir sa présence. Seuls à seuls, y compris en pleine nature lorsqu'ils avaient unis leurs efforts pour se faire obéir du saurien. Cette histoire, cependant, avait gâché tout l'amour que le Hapien pourrait porter à cette planète. Il ne garderait en tête que le leadership efficace de l'Ark-Ni dont il était globalement fier ainsi que la gentillesse de Makkia. Quant à Arel, après avoir oscillé entre peine et énervement il avait choisi l'indifférence saupoudrée d'un peu d'agacement. Il en avait en effet assez que certains s'amourachent de l'un ou de l'autre alors qu'ils courraient les missions. Ce n'était pas comme si Karm ou lui recherchaient cette espèce de fantasme à ses yeux malsains, ni des mannequins- il ne savait rien d'eux, sinon que sensément il était plus facile d'en tomber amoureux à cause de leur physique.-. À ses yeux, l'idée de ne pas envoyer de signaux clairs de désir devrait suffire à repousser n'importe qui. Aucun des chevaliers ne s'occupant de personne, Luke estimait normal qu'on leur fiche la paix, à commencer par le Zélonien... Lequel arrivait justement en courant. Il ne manquait plus que lui tiens. Un soupir s'échappa des lèvres du Consulaire avant qu'il ne réussisse à aborder un air totalement professionnel de circonstances. Son regard loin d'être insipide ou éteint en ce moment était en revanche glacial. Que voulait cet étudiant mal dans sa peau? Juste dire au revoir à son idole? Cela étonnerait bien Luke, lequel n'était pas au courant de sa conversation avec Karm, certes.

- Je ne sais pas si nous devrions proposer à l'Ordre de ramener nous-même Rakki, il y a une place dans le vaisseau. Bonjour Arel.

Signifia le Chevalier au passage en regrettant de ne pas connaître son nom de famille pour l'utiliser et se détacher le plus possible du fauteur de troubles. Toute bienveillance écoulée, malgré son entière confiance envers son compagnon, le jeune homme n'était pas sûr de supporter une minable scène pseudo-romantique de la part du Zélonien et il le prévenait via son ton calme mais distant, totalement neutre.
Karm Torr
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L’agacement palpable de Luke et la rudesse dont il semblait faire preuve à l’égard de Rakki laissaient Karm pour le moins perplexe. C’était la première fois que les idées bien arrêtées de son compagnon concernant le bien et le mal s’exprimaient autrement que dans leurs différends sur la conduite à tenir à l’égard des protocoles. La première fois qu’elles touchaient à des principes de morale fondamentale. Et Karm trouvait Luke… Dur. Avec Rakki. Avec Arel.

L’Hapien était probablement fatigué.
C’était ça.
C’était sans doute ça.

— Salut, Arel.
— J’ai, hm. Il paraît que vous partez.

Karm hocha la tête.

— Mel va bien… ?
— Elle se remettra.
— Et, euh…

Le regard de Zélonien se porta sur la tente où Rakki était enfermé.

— C’est une autre histoire. Plus compliquée.
— J’imagine, répondit prudemment le chercheur.

Il y eut un moment de silence puis il se risqua à aborder le motif de sa visite :

— Ecoutez, j’suis pas… J’suis pas neuropsychologue ni rien. Mais je sais que chez pas mal d’espèces, les processus psychiques sont électrochimiques. Le magnétisme qui se dégage des montagnes, on peut pas exclure totalement que ça ait eu des conséquences sur des esprits déjà euh… Dérangés… ‘Fin, je veux dire, fragiles.

Arel, dont l’humeur était considérablement affectée par le soleil, en bon Zélonien, était bien placé pour comprendre que le monde extérieur avait parfois des répercussions très concrètes sur les idées et les sentiments que l’on pouvait se faire.

— Personne ici a l’air spécialement affecté, à part Rakki, mais s’il était mal disposé à la base, c’est possible que ça ait joué. Juste, quoi, faudrait peut-être en parler aux personnes qui vont… Réfléchir à son cas.

Karm était pensif. Lui non plus, ce n’était pas son domaine. Il avait de solides connaissances en médecine de bataille, mais la neurologie, c’était très loin des premiers secours. Il finit par hocher la tête de nouveau.

— On a tous tes relevés, on transmettra ça et tes recommandations.
— OK. Bien. Cool. Bon, euh, alors… Bon voyage.
— Merci, Arel. Merci pour toi.

Karm lui adressa un sourire chaleureux et ils se serrèrent la main, puis Arel salua Luke avant de s’éloigner.

— Oui, on embarque Rakki, dit Karm, quand le scientifique se fut éloigné, reprenant le fil de leur conversation, Et on le confie aux guérisseurs du Temple puis on transmet nos observations aux Sentinelles. C’est de toute façon pas un endroit pour détenir quelqu’un, ici. Makkia, on t’enverra un vaisseau pour récupérer Mel dans un ou deux jours, quand elle sera en état de voyager.

Il s’abstint de recommander à l’Auxiliaire de veiller sur elle : ça allait de soi.

— Dis aux Maîtres que je suis prête à accepter tous les blâmes pour mes erreurs.
— Mak.

Karm posa une main rassurante sur l’épaule de la jeune femme.

— T’as rien à te reprocher. Tu fais un boulot formidable. On est des Jedis, pas des surhommes, on peut pas tout contrôler et pas tout prévoir, OK ? C’qu’on peut faire, c’est gérer correctement la situation quand elle se présente, et rester fidèles à nos valeurs.
— D’accord, murmura l’humaine, manifestement encore chamboulée.

Quelques minutes plus tard, Luke, Rakki, Karm et un auxiliaire embarquaient dans un speeder qui fila à travers la plaine, en direction du vaisseau, laissant derrière eux le camp où l’activité reprenait tant bien que mal. Pour donner du sens à cette tragédie, et pour que leur présence sur cette planète ne fût pas que funeste, chacun avait finalement à coeur de donner le meilleur de soi-même.

Bientôt, enfin, le vaisseau décollait dans le ciel, perçant rapidement l’atmosphère pour bondir en hyperespace. Rakki avait été soigneusement attaché à un l’un des deux sièges de passager, alors que Karm était installé sur celui du pilote, et Luke du copilote. Une fois dans l’hyperespace, l’Ark-Ni pivota vers le prisonnier.

— Tu devrais essayer de méditer.
— J’vais avoir du mal à faire le vide dans mon esprit.
— Ferme les yeux.
— Je suis vraiment pas sûr que…
— Fais moi confiance.

Rakki finit par s’exécuter.

— Inspire. Expire. Concentre toi sur ma voix. Laisse tes pensées derrière toi. Tu avances le long d’un sentier de forêt et tes problèmes, c’est la ville que tu laisses derrière toi. Tu inspires. Tu expires. Les immeubles disparaissent derrière les branches. Inspire. Expire. Bientôt, tu n’entends plus le bruit des speeders et des sirènes. Inspire. Expire. Tu débouches dans une clairière. Sous le soleil. Tu sens la vie autour de toi dans la Force. Et doucement, tout doucement, tu te laisses gagner par elle.

La présence de Rakki dans la Force s’était petit à petit apaisée. Une victoire temporaire, sans nul doute, mais une victoire quand même.
Luke Kayan
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D'un air peu plus intéressé, moins neutre, Luke semblait observer Arel avec un regain d’intérêt. Sa théorie renforcée par sa propre condition de Zélonien le montrait sous un jour davantage professionnel, un fait que le Hapien respectait. Se détendant légèrement, le jeune Chevalier offrit au garçon un salut plus chaleureux que celui réservé de base. Il essaya à son tour de rassurer Makkia en posant sa main sur son épaule. Un geste faible au regard de la norme, puissant à son échelle, lui qui n'aimait guère le contact physique. Une petite onde de Force accompagna son au revoir pour cette jeune fille qui avait gagné son respect, puis les deux Jedis et leur prisonnier s'engouffrèrent dans leur vaisseau. Oreilles en plein travail bien qu'il aborde une mine presque indifférente, le jeune homme écoutait l'échange entre Rakki et Karm. Non seulement il admirait secrètement la patience de son aîné vis-à-vis de l'Égoïste, du Meurtrier, mais il se méfiait aussi du barbu. Sens sur le qui-vive cachés derrière un regard éteint ainsi qu'une attitude calme, le blond cherchait à dénouer les étriquées songeries de l'obscur Auxliaire. Au fond, ce dernier lui faisait de la peine, mais il n'arrivait pas à faire l'impasse sur sa possible tentative d'entraîner Melanora vers sa mort, en tout cas de l'avoir suffisamment en danger pour qu'elle avorte.

Les yeux portés sur un horizon qui lui était invisible, le blond accepta de se détendre uniquement lorsque Rakki sembla s'apaiser au son de la voix du Chevalier Turquoise. Le Hapien avait posé sa tête contre la vitre et il se distrayait avec les vibrations qui naissaient dans ses tempes pour mourir dans le début de sa poitrine. S'éloigner de la planète le relaxa un peu et il songea à ce qu'ils avaient vécu là-bas. Les reproches sur sa propre attitude plurent presque aussitôt sur ses épaules, le Chevalier soupira de gène mais ne dit rien. Coincé avec Rakki en milieu, il ne souhaitait pas parler de choses aussi personnelles. Quant à éloigner l'ex-Auxiliaire dérangé, il en était hors de question. Luke tenait à respecter le protocole, sachant que beaucoup trop d'entre eux avaient été violés, notamment la distance à conserver avec le prisonnier, malheureusement dans ce vaisseau trop petit... Bref. Ce n'était pas comme si Karm et lui n'avaient pas pris l'habitude -souvent forcée- de briser une théorie pas toujours facile à mettre en pratique.

Silence et temps s'égrainaient doucement sans que rien ne doive les perturber semblait-il, lorsque Rakki rouvrit les yeux. Il avait toujours l'air relativement apaisé, encore sous l'influence de l'aura de Karm. Plus lucide, semblait-il, l'homme tendit le cou afin de regarder Luke, ou du moins la partie de son visage qui lui était accessible depuis son siège passager, entre ses attaches.

- Est-ce que tout le monde va me mépriser autant que toi? Karm... Ça va être comme ça sans arrêt?
- Je ne te méprise pas. -Le tutoiement avait pourtant cinglé au milieu de cette phrase prononcée sur un ton calme.- Je me méfie comme le préconise le protocole avec...
- Les criminels?
- Les présumés coupables. Personne n'est considéré comme tel jusqu'à son jugement. Par définition, tu es encore innocent.

S'il fallait reconnaître une qualité à Luke, c'était bien son impartialité bien qu'elle se soit un peu effritée avec ces derniers événements. Il n'accusait donc Rakki de rien, par esprit de justice mais aussi pour éviter de lui donner des armes devant la commission. Oh non, Luke ne tomberait pas dans le piège du geôlier haineux. Décidé à se montrer neutre, complètement neutre, il évita d'ajouter quoique ce soit, répondant à l'homme d'une façon désespéramment protocolaire. Vide. Rien ne laissait transparaître ses vrais sentiments, ses idées ou son idéologie. Un mur, un somnifère, donc.

- Tu aimes toi aussi pourtant.
- ...
- Ça se voit. Avec Arel, tu...
- Je ne pense pas que tu aies besoin de te préoccuper de telles choses en ce moment. N'as-tu donc pas assez avec ton cas?
- Justement, moi là je ne peux pas avancer plus, alors j'essaye de comprendre pourquoi tu me méprises autant.
- Je te l'ai dit, je ne te méprise pas. C'est juste que. Hum... Quand tu parles de saisir, justement, moi je ne comprends pas pourquoi tu as entraîné Mélanora, cet être aimé donc, dans cette dangereuse expédition.

Il lui avait été difficile de ne pas directement balancer un "dans cet arbre", mais Luke était toujours décidé à se montrer prudent. Voyant une possible ouverture d'aveux hors interrogatoire, le côté professionnel avait repris le dessus et le Chevalier tourna la tête vers le prisonnier, offrant ses yeux vairons en guise de paysage à celui-ci. Sans peur apparente, ni colère, l'homme plongea ses sombres prunelles dans celles aveugles, avant de les diriger vers Karm. En esquissant ce geste, son aura se modifia s'altéra légèrement, le Hapien anticipa la chose et envoya une onde plus chaleureuse vers l'homme. Ce dernier, surpris, refusa d'abord ce qui lui avait semblé être une possible attaque, mais il finit par l'accepter. Des larmes roulèrent sur ses joues tandis qu'il savourait cette douceur, ultime monceau d'attention qu'on lui prêterait avant qu'il ne soit jeté en pâture à l'Ordre songeait-il. Luke soupira. Sa propre nature le poussa à songer "pauvre gosse", au-delà de sa naturelle défiance envers l'homme.

- Tu ne peux pas chercher à être apprécié de tous et de toutes, ce n'est pas ça qui fera de toi quelqu'un, sinon chérir le cercle proche qui t'entoure, veiller à ne pas les décevoir, leur apporter ton aide et ton soutien. Ta vie n'est pas finie. On ne va pas te condamner à perpétuité pour ça car il n'y a pas eu de mort outre le foetus, lequel avait moins d'un mois, ce qui adoucit la chose sachant qu'il est considéré comme enfant à part entière au bout de 4 mois de grossesse. Tu pourras profiter d'un éventuel éloignement de la société pour réfléchir, te former, voir t'excuser auprès de Mélanora. Elle est triste, déçue, en colère mais pas haineuse.

Rakki tourna de nouveau les yeux vers le Jedi dont le ton s'était radouci.

- Ce que tu as fait est grave mais pas irréparable. C'était peut-être la porte vers une aide qui pourrait t'aider à trouver ta voie, à aller mieux.

Changer cet acte horrible en point de départ positif, ce n'était pas exactement le sens des paroles de Luke, mais ce dernier espérait toutefois apporter un peu de nuance au noir qui devait entourer le jeune homme. Grâce à l'influence des propos de Karm, les mots pénétrèrent dans le crâne du barbu, se faufilant sous sa peau pour atteindre son cerveau. Luke ressentant le processus se sentit un peu moins mal disposé envers le prisonnier bien qu'il continue de le penser éhontément égoïste. Toutefois conscient d'avoir été trop personnel, d'avoir effectivement méprisé ce garçon, il tâcha d'appliquer ses propres conseils à sa situation. Il devait rester professionnel, croire en la rédemption, un processus magnifique auquel il croyait pourtant difficilement suite à la trahison de cette apprentie Sith soit-disant repentie. Tout un travail à effectuer sur sa propre personne.

- Nous arrivons.

Signifia le Chevalier en reconnaissant d'avant-main un subtil changement dans les vibrations du vaisseau. Comme s'il prenait conscience de la présence de son ami, Luke leva les yeux vers lui, cherchant ses sentiments à propos de l'échange entre Rakki et lui.
Karm Torr
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Un assentiment silencieux passa de Karm à Luke alors que l’Ark-Ni entamait les manœuvres d’approche. Fort heureusement, rentrer dans l’atmosphère d’Ondéron ne présentait pas les mêmes difficultés que sur Coruscant et il ne fallut pas longtemps au vaisseau pour se poser sur l’un des emplacements réservés à l’Ordre dans l’astroport d’Iziz. Au pied de la rampe de l’appareil, deux Sentinelles, les policiers de l’Ordre, les attendaient déjà.

— Karm. Luke, déclara l’un d’entre eux, en guise de salut.
— Bonjour Sashik.
— Rakki Sardok, il va falloir nous suivre.

Le grand barbu hocha la tête. Sashik sonda Karm et Luke à travers la Force, pour qu’ils lui communiquent silencieusement ce à quoi il devait s’attendre avec le prisonnier. Le Gardien répondit par une impression de tranquillité mêlée de résignation et, d’un hochement de tête, le Sentinelle confia Rakki à son acolyte, une Wookie massive qui dominait même l’Auxiliaire de plusieurs têtes.

— Merci de vous en être occupé, reprit Sashik. On vous aurait bien reconduits nous-mêmes mais le speeder fourgon n’a que deux places à l’avant. En revanche, on vous en a amené un autre.

Le Sentinelle lança la datacarte de démarrage à Karm qui l’attrapa au vol avant de la fourrer dans sa poche.

— Merci. Mais avant que vous vous lanciez dans un interrogatoire et tout ça, il a besoin de voir les Guérisseurs. Les psychoguérisseurs, surtout.

Sashik esquissa une moue dubitative. Comme beaucoup de Sentinelles, il était plutôt partisan d’une enquête rondement menée et point trop complaisante avec les suspects, plutôt que de l’intervention toujours pleine de circonstances atténuantes du corps médical.

— J’ai promis.
— Très bien, très bien, soupira le Sentinelle, somme toute assez conciliant.
— Rakki, je repasserai te voir, OK ?
— D’accord, murmura l’Auxiliaire, avant d’être finalement escorté par la Wookie et l’autre Sentinelle.

Luke et Karm se retrouvèrent donc en tête à tête pour cheminer à travers la foule de l’astroport, jusqu’au garage des speeders. Cette fois-ci, l’Ark-Ni avait tendu le bras à son ami pour le guider, peu désireux que Luke se fasse constamment bousculer par les passants pressés. Ils parvinrent enfin à trouver l’appareil deux places laissé derrière eux par les Sentinelles et Karm s’installa derrière le volant. Bientôt, Iziz disparaissait derrière eux, alors qu’ils survolaient la jungle.

— J’vais en profiter pour te montrer un endroit cool. Après des heures dans un vaisseau, j’suis pas pressé de m’enfermer à l’intérieur, et le temps que les guérisseurs et les sentinelles bossent, on nous demandera pas nos rapports avant demain matin. Demain soir, même, plutôt.

Le Temple se profilait à l’horizon mais l’appareil contourna une rangée d’arbres avant de s’abaisser au-dessus d’une clairière, tout en douceur. C’était encore le milieu de l’après-midi, sur Ondéron, et la jungle tropicale bruissait du bruit de tous les animaux. Si près de la ville et du Temple, cela dit, les vrais prédateurs étaient entièrement absentes et c’était une quiétude relative qui régnait dans l’éclaircie entre les arbres.

Karm sauta du speeder pour fouler l’herbe.

— J’venais ici quand j’étais gamin, que Tavaï revenait au Temple pour des affaires et que j’avais un peu de temps pour moi. J’en ai pratiqué des katas dans cette clairière. C’t’avec les pierres d’ici que j’ai appris à faire de la télékinésie pour de bon.

Beaucoup de Padawans avaient de la même manière, dans la végétation avoisinante ou quelque part dans le Temple lui-même, un petit endroit qui n’était pas à strictement parler à eux, mais qui abritait leurs souvenirs de manière privilégiée.

Le jeune homme se retourna vers Luke.

— J’suis fier de toi, Luke. Je sais que… Tu as eu du mal avec Rakki. Du mal à comprendre. Du mal à avoir de la compassion. Mais tu as réussi à lui parler, dans les dernières heures, et à lui offrir du soutien, malgré tout ce que tu ressentais spontanément pour lui, et c’est des choses qui sont pas faciles à faire.

D’un ton gentiment moqueur, Karm glissa :

— Il te manque plus qu’à envoyer un holomessage de félicitations à Arel pour son travail, et tu seras devenu un vrai saint. Saint Kayan !

Le rire de l’Ark-Ni fut trop discret pour ne pas être rapidement couvert par les chants des oiseaux, mais ça ne l’empêcha pas de pousser doucement Luke à s’adosser à la carrosserie du speeder, en le tenant par les hanches.

— C’était une expérience difficile et on a eu des moments d’incompréhension entre nous mais je suis content que t’aies été là.
Luke Kayan
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Pour la forme, juste pour elle et le plaisir enfantin -celui d'un gosse légèrement capricieux- de confronter Karm, Luke eut envie de protester. Ils avaient un long rapport parsemé de pénibles détails à rédiger. Cependant, sa bouche s'ouvrit pour se fermer en silence, en fait, il n'en avait pas vraiment envie, de rétorquer, et puis ce n'était pas comme s'il était en position de force. Guidé dans l'astroport, le jeune Jedi fut ensuite "monté" dans un transport, celui prêté par le Sentinelle et donc officiel -ce qui ne manqua pas de stresser intérieurement Luke, car ils allaient le "détourner".-. La route lui parut bien plus longue que dans ses souvenirs bien qu'à propos de ce trajet ils soient flous. Le Hapien avait finalement peu voyagé, et quand il le faisait, rares étaient les fois où il déambulait en ville, plutôt habitué à décoller depuis le hangar du Temple.

Karm l'emmena dans un lieu totalement inconnu de Luke -cela coulait de source en même temps.-où l'herbe semblait heureuse. La présence du tapis vert décontracta progressivement le concerné qui leva la tête, intéressé par les confidences de l'Ark-Ni. Il avait eu son propre coin secret mais au fond du parc du Temple ou entre deux poutrelles qui reliait le jardin à un bassin d'eau immense pour les Nautolans et autres espèces aquatiques. Juste en-dessous de l'installation, le Hapien se cachait des heures entières, pour échapper aux cours de Sabre ou simplement être tranquille. Offrir ce type d'endroit servant au recueillement n'était jamais simple, il apprécia le geste.

Le jeune homme allait se baisser pour toucher une des pierres ayant subi le "courroux" d'un apprenti sans doute parfois frustré de ne pas réussir ses exercices lorsqu'il fut saisit par les hanches. Adossé contre le speeder, il rougit délicatement. Impossible de fuir ce contact pour le moins direct, gênant mais tout aussi agréable.

- C'est vrai et sans mentir, j'ai encore beaucoup de mal avec ce garçon, rien que sa personnalité.

Lâche. Égoïste. Traître. Faible? Faible?... Comme lui parfois, fragile, mais Luke se soignait, faisait des efforts. Le Chevalier rougit à nouveau mais pour une toute autre raison cette fois, coupable d'orgueil. Il n'était pas meilleur que Rakki, juste différent.

- Je ne pouvais toutefois pas le laisser partir tourmenté par mon avis. Il s'occupe trop de ceux qui l'entoure, et comme il va devoir faire face à de nombreux jugements... Je devais bien essayer de l'apaiser en ce qui me concerne.

Et pas parce qu'un jeune homme incapable de se faire confiance, en constante recherche d'approbation lui rappelait quelqu'un. Évidemment. Avec un éclat de rire, autant destiné à répondre sincèrement, spontanément au trait d'humour de son ami qu'à dissiper la gêne qui l'envahissait, le Jedi asséna un petit coup sur l'épaule de ce dernier.

- N'exagère pas. Arel? Jamais. Il est vraiment irritant ce pauvre garçon.

Avoua le blond plus facilement qu'il ne l'aurait cru. Effrayé à l'idée d'avoir vexé Karm qui avait de la considération pour, du moins un instant, le Chevalier cessa de respirer, avant de se reprendre. Il ne pouvait pas cacher son agacement à l'encontre du Zélonien et ce depuis le début ou presque, son compagnon le savait parfaitement. Il l'avait forcément senti.

- Je ne sais pas si c'est son enthousiasme débordant ou sa propension à envahir.

Surtout l'espace d'un certain Karm Torr d'ailleurs. Mais ça, Luke ne l'aurait jamais avoué, y compris sous la torture.

- Et puis les Saints sont ennuyeux à force d'être parfaits, je suis désolé mais le titre de "Somnifère" suffit à mon palmarès.

Se disant, le jeune homme se souvint de ses promesses et il prit les devants. Profitant d'avoir un contact direct avec le corps de son ami, il trouva bien vite sa nuque, enserrée doucement mais fermement pour la ramener contre lui et embrasser ces lèvres qui aimaient chuchoter plus que parler. Ensuite, il décida de lui-même de se défaire de l'étreinte et glissa habilement entre la carlingue du vaisseau et le Gardien.

- Moi aussi je suis content d'être venu, même si la prochaine mission me préoccupe. Rien ne se passe jamais comme prévu et tout semble destiné à nous mettre à l'épreuve.


Sans doute parce qu'ils étaient trop parfaits. Ou pas. L'idée prétentieuse mais évidemment pas le moins du monde sérieuse amusa le Jedi. Se retrouver seul avec Karm le mettait de bonne humeur. Il était aussi heureux d'en avoir terminé avec cette planète et ce camps où ils auraient pu facilement tourner un épisode d'Amour, Gloire et Force, un stupide holofilm dont Luke avait parfois entendu parler. Des acteurs minables dans un faux Temple qui représentaient des soit-disant Jedis aux prises avec des intrigues amoureuses. Non mais ce camps était franchement pareil. Il avait de moins en moins de patience vis-à-vis de ces histoires de gosses à la puberté passée mais continuaient d'agir en ados. Valait-il mieux, lui, à rougir de plaisir et de gêne mêlées dans les bras de son amoureux? Peut-être que s'ils rendaient leur relation publique, ils seraient tranquilles. Non. Pas encore. Pas avec Eckthor, il n'était pas prêt. Où allaient-ils?

Après s'être laissé choir sur l'herbe, le jeune chevalier devint pensif, caressant les brins d'une main, le regard posé sur un horizon inaccessible, il souriait doucement. Heureux mais aussi un peu inquiet.

- Crois-tu qu'on va ravoir des nouvelles d'Ektt? Qu'il a dit quelque chose à propos de nous?

Où qu'il les mènerait encore, via la manipulation, sur un terrain miné. Qui les accepteraient, qui les utiliseraient? Encore.

- Mais pour en revenir à Rakki, personnellement, que ressens-tu à son égard?
Karm Torr
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Le baiser fut accueilli avec une palpitation de Karm à travers la Force, une reconnaissance immense de l’initiative prise, mêlée d’ un désir vaste, mais guère oppressant. L’Ark-Ni savoura cette tendresse encore trop brève que Luke lui offrait, avant de le laisser se soustraire à lui. Il s’adossa à la carrosserie du speeder, les mains dans les poches, et esquissa un sourire amusé quand Luke se plaignit d’Arel.

— J’aime bien, moi, son côté pile électrique. Après, je l’ai croisé une fois sur Coruscant, il est quand même assez différent quand il est pas comme ça exposé à un soleil très chaud. Ça doit être super étrange, comme existence, de savoir qu’on peut changer du tout au tout en fonction de l’environnement. ‘Fin, c’est le cas pour la plupart des espèces, tout le monde est plus ou moins sensible au climat, à la pression de l’air, à l’ensoleillement. Mais pour lui, c’est quand même beaucoup plus éprouvant.

Plus le temps passait, plus Karm avait de la facilité à éprouver de l’empathie pour les autres et à cerner ce que leur situation avait de particulier et ce que leur comportement devait à des circonstances singulières. C’était quelque chose qui le rassurait beaucoup. S’il avait quitté les sections les plus guerrières des Gardiens, c’était d’abord parce qu’il avait craint que la violence répétée des batailles ne finissent par l’endurcir. Et il se rendait compte, finalement, qu’il n’en était rien : tout au contraire.

— Puis c’est un sacré chercheur. Il le dit pas trop, mais il a eu une bourse super compétitive, ils étaient encore vachement nombreux à se présenter pour ce stage, c’est une sacrée tête. Il tire son épingle du jeu dans l’une des universités les plus prestigieuses de la Galaxie. Il aurait pu facilement prendre la grosse tête, au lieu de ça il est juste un peu… Enthousiaste, quoi.

Karm se détacha du speeder pour venir s’asseoir en tailleur dans l’herbe, à côté de Luke. D’un ton dégagé, il précisa, comme en passant :

— Mais si jamais tu te poses la question, à mes yeux, il t’arrive pas à la cheville.

Et aussitôt, pour ne pas embarrasser Luke, il enchaîna avec l’autre sujet.

— Ekkt, j’ai choisi de pas m’en inquiéter, pour l’instant. On peut rien contrôler de ce qu’il va faire, alors je laisse venir. Cela dit, j’pense pas qu’il se soit montré particulièrement insincère quand il s’est montré tolérant avec nous. Il a beau être manipulateur et tout ce qu’on veut, j’me suis un peu renseigné, il a quand même la réputation d’être plutôt… Ouvert d’esprit. ‘Fin bref, de toute façon, je doute qu’il apprécie que le Conseil fouille de trop près dans ses affaires, alors à mon avis, c’est pas le genre à aller étaler tout ce qu’il sait.

Et quand bien même, ça indifférait complètement Karm, qui se sentait tout à fait prêt à assumer sa relation avec Luke au grand jour. Il se garda néanmoins d’insister sur ce point, pour ne pas mettre la pression à son compagnon. À la place, il souleva délicatement la tête du Consulaire pour la poser sur ses genoux, et caresser ses longs cheveux blonds.

— Rakki… J’ressens… Pas mal de peine, pour lui, en fait. Au bout de l’interrogatoire, j’ai vraiment, vraiment eu l’impression qu’il souffrait d’une maladie mentale. Du coup, ça me paraît difficile de juger de son caractère, t’sais, sans l’avoir vu dans son état normal. Si vraiment il est malade, j’estime qu’il mérite d’abord ma compassion. Tu sais…

Karm hésita. Ses doigts se figèrent un instant dans les cheveux de Luke, avant de reprendre leur caresse.

— Moi aussi, de plus en plus, je me sens différent, mentalement, des autres humains ou proche-humains. Je dirais pas que je suis malade, mais j’ai bien conscience que y a pas mal de choses qui chez moi marchent pas… Comme elles devraient. Ou comme c’est habituel. Je réfléchis différemment, j’ai des émotions spéciales, je sais pas trop. Et… C’est pas que je m’identifie, note.

C’était difficile pour lui de mettre des mots sur tout cela.

— Je crois pas m’être jamais senti vraiment déprimé de toute ma vie. J’ai jamais ressenti de colère vraiment violente, non plus, même quand j’étais plus jeune. En fait, souvent, j’ai l’impression que mon panel de sentiments est moins large que celui de la plupart des gens. C’est pas que je me sente vide, ou froid, ni rien de tout ça. Je ressens tout le temps quelque chose, et même super vivement, en fait, tu le sais bien, tu le vois dans la Force. Mais c’est juste… Les gens ils ont des émotions super compliquées et nuancées que j’arrive pas à concevoir. Pour moi tout est assez simple. J’ai rarement des problèmes existentiels. J’ai rarement du mal à identifier ce que j’éprouve.

‘Fin bref. Je comprends pas ce que ça lui fait d’être déprimé. Et j’arrive absolument pas à m’imaginer ce que ça peut faire d’être suicidaire. Mais conceptuellement, j’ai quand même lu des bouquins, j’ai quand même une idée, t’sais, abstraite de la chose. Et ça me fait éprouver de la compassion pour lui. Si ça se trouve, il se débat depuis longtemps tout seul avec une souffrance très grande qu’il arrive même pas à comprendre. Je dis pas qu’il est complètement exempt de responsabilité dans toute cette histoire, juste que… y a quelque chose chez lui de l’animal malade qui s’enfuit sans comprendre que la douleur qu’il ressent elle est tout le temps à l’intérieur de lui.
Luke Kayan
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D'abord perplexe, Luke observa -à sa manière, les yeux dans le vide mais une expression bien sceptique fichée dedans.- les compliments pleuvoir à l'encontre de ce fichu Arel. Son attitude se modifia petit à petit, tandis qu'il prenait conscience des vertus du garçon. intelligence, humilité, assiduité. Des qualités que le Hapien valorisait et essayait d'appliquer. Quoique fut son opinion à propos de l'enthousiasme du Zélonien, il était donc obligé de s'en sentir davantage proche. Finalement, le plaisir qu'avait Karm à parler d'un membre de son équipe acheva de le dérider. Sans se décider à inviter le trépidant chercheur à prendre un verre, Luke éprouva plus de sympathie à son égard. Il avait été stupide, vraiment stupide, au point qu'il en venait à se demander si le soleil n'avait pas influencé son propre comportement là-bas. D'où lui était venu cette jalousie? Malgré sa confiance totale envers Karm, il n'avait pu s'empêcher de trouver le Zélonien doué, en plus d'avoir un caractère enjoué, agréable et facile, tout ce dont lui ne pouvait se vanter. En effet, s'il avait un certain sens de l'humour et des moments de gentillesse pure, le jeune homme restait parfois inaccessible, timide, renfermé et toujours en pleine introspection concernant ses ultimes erreurs. Il peinait à se détendre, ce qui donnait cet air parfois pincé de fonctionnaire zélé. Un peu surpris, déçu par son comportement, le jeune homme rougit sans aucune délicatesse cette fois puisque ses joues abordaient une magnifique, tonitruante teinte pivoine.

- Je suis désolé. Je dois admettre ne pas avoir été juste avec Arel. Mon opinion fut biaisée par... Hum... Sa perfection?

Et il savait qu'en retrouvant le garçon, y compris avec des efforts ou en sachant que Karm le préférait que son sentiment remonterait à la surface. Certains trouveraient ce ressentiment encourageant chez un jeune homme depuis toujours trop lisse, sans caractère, mais lui s'en inquiétait. Luke craignait par-dessus tout les émotions trop puissantes, surtout les négatives qui menaient au côté obscur. Ne se considérant pas spécialement fort, il estimait devoir faire attention à chacun de ses faux pas sous peine de sombrer. C'était, en outre, ce qui lui conférait si souvent cette attitude passive, calme mais presque sans vie. Heureusement, le Chevalier Turquoise avait su lire au-delà de cette apparence aussi parfaite qu'ennuyeuse afin de lui arracher un sourire et quelques sentiments, donc.

- Je pourrais ressentir de la peine pour Rakki, s'il n'avait pas essayé d'entraîner Mélanora. Franchement, je comprends le côté suicidaire, je compatis, car les gens qui veulent se retirer la vie ne sont pas des lâches sinon des égarés, leur propre bourreau et victime, mais à partir du moment où tu essayes d'achever l'autre... C'est?... Je ne sais pas comment on peut en venir là, et bien que ses intentions ne furent pas mauvaises, tu sais ce que l'on dit, l'enfer en est pavé de bonnes, des intentions.

Luke ne parvenait pas à complètement saisir Rakki, encore moins à avoir confiance en lui. Il estimait que ce garçon, au-delà d'un éventuel problème clinique, avait fait montre d'un caractère psychopathe ou sociopathe. Il arrivait que les maladies mentales, y compris éphémères servent à révéler la nature profonde, vraie de la personne. C'était beaucoup plus efficace que des confidences ou une introspections étant donné que l'individu en question démontrait, sans malice ni calcul, sa véritable personnalité. Biaisée, oui, mais comme les légendes, flottant dans un fond de vérité. La maladie désinhibait-elle ou tordait-elle un esprit? C'était une question intéressante et la réponse devait être trop complexe pour être manichéenne, restait à voir dans quel pourcentage elle révélait et dans lequel elle distordait.

- Hum. - Luke s'enfonça soudainement et profondément dans la réflexion. Son esprit se vida, comme pour une méditation expresse, courte mais intense. Sans doute souhaitait-il accorder toute son importance aux aveux de Karm. Lui-même peu expressif et peut-être déséquilibré sans que cela ne se remarque décida finalement d'opter pour un sourire rassurant, quelques secondes après.- Je pense que c'est aussi l'oeuvre de notre éducation. Nous avons appris à maîtriser nos émotions, surtout les négatives, alors c'est plutôt un bon point de ne jamais avoir été déprimé ou trop en colère. Il est vrai que ton passé rend cette absence de sensations un peu étrange, mais as-tu pensé que ce pouvait être positif? Un genre de capacité de résiliation incroyable, sans pour autant souffrir du manque d'empathie. Pour preuve, tu es plus compréhensif envers Arel ou Rakki que moi. Des émotions au compte-goutte, mais les bonnes en plus. Je t'ai aussi senti en proie à une grande joie voir la passion.- Nouveau rougissement.- C'est comme si tu étais protégé de l'obscurité. Hormis ce désir de commander dont tu m'as parlé. Franchement, je serais mal placé pour te parler des émotions, sachant que je suis incapable de ressentir beaucoup de colère. Dans le genre bizarrerie, je commence à me sentir mal physiquement, submergé par une Force trop puissante pour moi. Ceux qui disent que la Lumière est plus forte que la Noirceur se fourvoient. Nous pouvons la combattre par d'autres biais, mais de cela je n'en ai aucun doute, question capacité brute, nous ne faisons pas le poids.

Luke réfléchit encore quelques instants, histoire de reprendre son souffle.

- Es-tu inquiet à propos de ce manque de sensibilité négative si on peut appeler les choses ainsi? De cette "simplification de panel de sentiments"? Du moment que tu ne deviens pas aussi rigide qu'un mur, personnellement, je trouve ça en fait encourageant, sauf si l'accumulation risque de générer une explosion finale... Mais on ne le sait pas, ça, si tu accumules. Je pense que tu devrais en parler aux Maîtres. Pour te rassurer, te guider. Pour savoir si finalement, c'est une question d'équilibre rarement atteint ou un souci latent. Personnellement je ne te trouve pas compliqué mais plutôt complexe. Ce qui est en partie un compliment car tu es loin d'être plat, ennuyeux ou sans réaction lorsqu'il faut exprimer des sentiments. À mon goût en tout cas. Et puis, rappelle-toi, tu as déjà été virulent parfois, enfin façon Ark-Ni.

Lorsqu'il avait exigé, presque, que Luke lui obéisse avant de montrer son désaccord, ou lorsque ce dernier avait cherché à cacher leur relation aux Soeurs sur Belsavis. Karm était donc loin d'être complètement annulé. Le jeune Jedi aimerait le rassurer, mais il ne savait pas trop si son ami souhaitait l'être ou juste échanger. Lui peinait à trouver des défauts à son aîné, mais il n'était pas très objectif, d'où sa prudente proposition d'en référer aux aînés. Pas vraiment sûr d'avoir atteint le noeud du problème, d'avoir oui ou non trop insisté sur les points positifs de son état, Luke adressa un léger sourire désolé au vide proche de Karm. Y compris voyant, en cet instant précis, il aurait été incapable de fixer son regard. Gêné de ne pas avoir la réponse, peut-être même d'avoir trouvé ça bien, le blond cherchait encore quelle était sa position, son rôle dans cette situation.

Karm Torr
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Les doigts toujours dans les cheveux de Luke, Karm réfléchit longuement à ces questions. Aborder les aspects les plus étranges de sa personnalité sous l’angle d’une différence mentale radicale, maladive ou simplement atypique, était pour lui un exercice nouveau, encore peu familier, mais qui avait porté ses fruits. Il avait observé les autres, il avait discuté avec des gens qui partageaient, en gros, par leur espèce, à peu près les mêmes dispositions cérébrales et donc psychologiques que lui, et il avait compris qu’il était différent, très différent même, et si c’était certes une perspective intimidante, c’était aussi un moyen de donner du sens à ses expériences.

— Je crois pas que ce soit problématique, non, finit-il par répondre, mais je pense que c’est important pour moi d’avoir conscience que ce que je crois ou non peut être biaisé par mes propres particularités. En fait, ce qui m’a fait vraiment réfléchir à tout ça, c’est quand j’ai considéré qu’au fond, tout mon entraînement, avec Tavaï, ça m’avait paru… Pas forcément normal, mais acceptable. Et au début, je me suis dit que c’était une sorte, tu sais, de syndrome de l’enfant battu, qui accepte et rationalise sa situation faute d’avoir l’impression de pouvoir y échapper, pour la rendre plus vivable. Mais c’est pas ça, chez moi. Je crois pas.

La suite était beaucoup plus difficile à avouer et il y eut un silence gêné. Finalement, la voix mal assurée de Karm reprit :

— La vérité, c’est qu’être en danger tout le temps, et souffrir physiquement, au bout du compte, ça me paraissait… Normal. Et même, quelque part, stimulant. Du coup, je me suis demandé, dernièrement. Est-ce que je suis suicidaire ? Pas du tout. Complètement inconcevable, pour moi. Est-ce que je suis masochiste ? Non plus. J’éprouve pas du plaisir à souffrir, ça stimule pas mon désir, c’est pas important pour mon image de moi, tant qu’à faire, je préfère pas souffrir que souffrir. C’est juste… J’en fais quelque chose d’utile, spontanément. Et c’est là où ça devient ardu, conceptuellement…

Oui parce que, jusque là, les méandres de la psychologie labyrinthique de l’Ark-Ni, c’était de la pure rigolade.

— Parce que toi, tu me dis, c’est de la résilience et c’est positif. Et en vrai, au fond, je suis assez d’accord. On va pas se mentir, c’est plutôt utile pour moi de pouvoir me lancer sur un champ de bataille sans être tétanisé à l’idée qu’on va me briser les côtes ou un truc comme ça. Et c’est très utile d’avoir survécu à Tavaï pour en retirer quelque chose d’utile et pas tant que ça un trauma psychologique insurmontable. Mais je pense que toi et moi, on peut imaginer plein de gens qui diraient que je suis juste sérieusement dérangé. Que j’ai simplement trouvé une voie professionnelle qui me permet de rentabiliser ma maladie psychologique. Que ma mystique du corps est un mécanisme de sublimation de mes traumatismes. Mais d’un autre côté…

Dire qu’une bonne partie des autres Chevaliers étaient persuadés que Karm n’alignait jamais plus de deux mots à la fois et qu’il était un pur Gardien, jamais préoccupé par des questions philosophiques.

— D’un autre côté, on sait bien aussi que les catégories du pathologique et du normal, c’est des constructions sociales, et même des constructions sociales qui répondent à un intérêt particulier. Quand une société dit « entendre des voix, c’est la preuve qu’on est fou, c’est une maladie » et qu’une autre dit « entendre des voix, c’est la preuve d’un lien avec le divin, c’est un don de prophétie », c’est deux manières très différentes d’aborder un même phénomène. Du coup… Ben du coup j’aboutis à une sorte d’aporie sur mon état.

Il y avait les doutes existentiels.
Et puis il y avait les séances d’introspection de Karm.

— Enfin bref. Globalement, je suis pas malheureux et je me sens quand même plutôt très bien dans ma peau. Tout ça pour dire que je suis tout à fait prêt à considérer la possibilité que Rakki soit dans un état mental très particulier, que cet état mental l’ait poussé à se mettre en danger et à mettre en danger Mélanora. Et expliquer, c’est pas nécessairement excuser, tu vois ? Eprouver de la compassion, voire pardonner, c’est pas non plus exempter de punition ou du devoir de se réformer. C’est des choses qui peuvent tout à fait aller ensemble. Je pense même qu’on peut être indigné par son comportement et compréhensif. Au bout du compte, l’essentiel, c’est qu’on déploie les outils appropriés pour pleinement comprendre la situation et régler les problèmes de la façon la plus adéquate possible. Et en l’occurrence, accepter l’hypothèse de la maladie mentale, ça conduit à déployer les outils de la psychologie et de la guérison, en même temps que tous ceux de la justice. Je sais pas si c’est bien clair ce que je raconte…
Luke Kayan
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*Oui, je sais.*

Il avait été cet enfant inhibé, volontaire autiste, amputé de la langue, du cerveau même songeaient les plus cruels. Il avait tendu sa joue, celle encore blanche, qui n'avait reçu ni gifle, ni dans une manifestation d'ire exagérée de griffures. Attentif, le jeune homme ne s'apesantit néanmoins pas davantage sur un triste passé dont il gardait des souvenirs violents mais vagues. Mieux valait réfléchir aux propos de Karm, c'était plus productif et ô combien plus intéressant. Malgré sa confiance envers son aîné, le Hapien n'avait pu s'empêcher de craindre ces aveux. Il s'était demandé si dans un élan de sincérité, le Chevalier Turquoise allait admettre de terribles souffrances ou révéler sans le vouloir un trouble sévère. En réalité, il s'en tirait admirablement bien, non seulement sur le fond si l'on en croyait ses paroles, mais aussi sur la forme, présentement parce que son explication paraissait plus que limpide à Luke. Encore une fois émerveillé par l'éloquence grandissante du Gardien, le jeune homme ne songea pas un seul instant que ce pouvait être l'habitude qui lui permettait de mieux saisir les dires de son aîné. Il trouvait son monologue aussi rassurant que bien proposé, avec force d'exemples et d'arguments malgré quelques syllabes englouties -les pauvres- au passage. Mais forcément, Karm sans ses abréviations ne serait pas Karm.

- Tu le serais, dérangé, si tu étais incapable de différencier le bien du mal, ou rendu insensible par la résilience, pourtant tu es capable de voir si quelqu'un a un possible trouble du comportement, de te mettre à son niveau et l'aider à poser des mots sur sa douleur. Rakki te haïssais, du moins à ce moment dans le vaisseau, toutefois tu as réussi à le calmer par le biais de la voix et des mots, davantage que celui de la Force, donc sans artifice. De toutes manières, y compris le sauveteur d'une planète entière sera critiqué par au moins une personne, et le plus équilibré des sages aussi. Maître Don, rend-toi compte, fut poursuivi comme un criminel pendant des mois pour le soit-disant meurtre prémédité du prince de Kuat. Maître Don. Reconnu par bien des Mondes Républicains comme l'image même de la sagesse, de la bonté et... De l'équilibre. Le Conseil t'as fait interroger à l'époque, même si ce fut désagréable, qu'ils te relâchent et te laissent exercer comme Chevalier est une bonne preuve qu'ils n'ont trouvé aucun trouble comportemental. On t'a confié une Padawan sans problème et on te laisse partir en mission loin du Temple, loin des yeux où un homme dérangé pourrait effectivement enchaîner les bévues, volontaires ou non. Ni l'Ordre, ni les Jedis ne semblent penser que ton travail, ta mise en danger presque continuelles ne sont des exutoires. Je ne t'ai pas vu rechercher sciemment la souffrance, effectivement. Je crois que si tu souhaites approfondir le thème, tu devrais parler avec les aînés, mais en effet, sans te préoccuper. La résilience peut être aussi dangereuse que triste, destructrice pour l'individu comme les gens autour indirectement. Elle peut l'être.

Luke participait à la conversation comme il le pouvait, sans trop savoir ce que l'on attendait de sa personne. Être rassuré? Parler du thème de manière plus général? Lui en tout cas ne voyait aucun problème chez Karm, mais outre sa cécité physique, il pouvait également être trop proche de son ami pour être objectif et appercevoir un nuage dans son comportement. Évidemment, exposé par le propre intéressé, peut-être gommé, adouci, son caractère semblait presque idyllique, mais le Hapien était sincère. Malgré quelques départs en colère assez soudains, surprenants parfois, le Chevalier Turquoise était une personne équilibrée, capable de reconnaître ses torts, et surtout, ses fameux dérangements pour de menus détails -comme la désobéissance de Luke justifiée à ses ordres dernièrement.- ne duraient pas. Le blond avait du essuyer des reproches silencieuses, quelques vexations à propos de leur relation affichée ou pas, mais à ses yeux, non, rien qui ne sorte de l'ordinaire ou ne révèle une quelconque obscurité. Lui-même se considérait bien moins stable que son ami, à toujours s'inquiéter de bien faire. Le sauvait uniquement sa détermination à remplir son devoir aussi bien pour sa propre personne que pour autrui. Passionné par son "travail", le Hapien vivait surtout à travers ce dernier. Il était donc probable que le Conseil accepte à demi-mots sa relation avec Karm pour créer un équilibre. Chez lui, sortir avec l'Ark-Ni évitait qu'il se focalise sur ses recherches ou la formation d'Eckthor -qu'il assomerait littéralement de devoirs, conseils ou bouquins fascinants -bien sûr- de lois.- De même, son ami possédait la faculté de calmer ses doutes à défaut des les effacer sans être un adorateur. Critiques et compliments s'alternaient pour guider l'aveugle, lui rendre sa confiance, ou peut-être lui la donner plus simplement, étant donné qu'il n'en avait jamais eu. En fait, Karm continuait l'oeuvre de Saï.

- Je connais un excellent psychiatre dont la réputation n'est plus à refaire. Il est connu pour son ouverture d'esprit et sa prise en compte rigoureuse de nombreux facteurs ignorés par d'autres, dont le climat si tu l'aiguilles en ce sens. Je peux le contacter pour le convaincre de voir Rakki.

Concéda Luke, plus attendri par la vision de Karm, sa générosité envers Rakki que le propre coupable. Il avait quelques contacts avec des intervenants extérieurs, surtout des éminences venus à l'Université lorsqu'il en avait fréquenté les bancs afin d'en apprendre davantage sur le profilage. Le professeur Stockolm avait été saisi par son personnage de petit blond aveugle, Jedi revenant user ses pantalons sur les sièges d'une salle de conférence. Tous deux avaient discuté, un peu, sans que le Hapien fusse apte à déterminer si le sextagénaire l'analysait comme il le faisait avec ses patients ou les cas de criminels célèbres ou divergents des autres profils qui le passionnaient. Le Chevalier Turquoise profiterait-il de ce contact, d'ailleurs, pour obtenir une analyse de son caractère? L'homme serait en tout cas fasciné par sa résilience positive, apparemment sans penchant noir, tout du moins selon son subjectif et admiratif petit-ami.

Un soupir plus tard, le jeune Chevalier se pris à admirer de nouveau l'horizon dont la ligne parvenait parfois à lui manquer, bien qu'il se soit fait depuis longtemps à son handicap.

- Face à ta flexibilité d'esprit, j'ai parfois l'impression d'être un tyran. Crois-tu que je sois orgeuilleux? Engoncé dans des principes trop propres?

Peut-être surprotégé par un environnement très sain en général, Luke avait perdu le sens des réalités ou de la tolérance. À moins que ce ne soit encore plus profond et que ce soit la peur de retrouver le monde sale, tâché de son propre sang connu dans sa prime jeunesse qui le fasse se maintenir loin de tout ce qui ne semblait pas blanc. Au fond, bien que sa relation avec Karm lui semble moins récriminable qu'avant, il avait l'impression de déroger à ses premiers principes, purs donc, avec de belles excuses. Cela faisait-il de lui un dictateur hypocrite? L'idée ne lui plaisait guère mais loin d'être connu pour s'épargner -que ce soit un bien comme un mal.- le jeune homme tenait à être honnête, au risque de se prendre une réponse déplaisante dans la figure. Au moins, il aurait l'occasion de changer ainsi.
Karm Torr
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Après les propos rassurants, et même assez flatteurs de Luke, Karm s’était penché pour déposer un baiser sur son front, et puis la conversation avait suivi son cours.

— Un psychiatre ?

L’Ark-Ni avait l’air perplexe.

— Ce serait bien, c’est sûr, mais on a nos propres professionnels, j’imagine que c’est eux qu’il va voir d’abord, et qu’ils ont leurs contacts, et tout ça. ‘Fin, je sais pas exactement comment ça va se passer, pour être honnête, c’est bien la première fois que je suis confronté à un cas de ce genre. Mais vu la manière dont les Sentinelles nous ont accueillis, j’imagine que y a tout un protocole déjà en place.

D’ailleurs, il interrompit les caresses dans les cheveux de Luke pour sortir son datapad et consulter les derniers messages, tout en poursuivant :

— Je sais même pas s’il y aura une enquête républicaine. J’imagine, non ? J’veux dire, c’est techniquement pas le territoire de la République, mais quand même un crime… ou un délit… contre une personne républicaine. La non-assistance à personne en danger, je veux dire. Du coup, j’imagine que l’Ordre va pas régler cette histoire en toute indépendance. Et là, y aura une expertise extérieure. Ou quelque chose comme ça.

Des détails de la procédure criminelle, Karm ne connaissait en vérité que les rudiments qu’il avait appris comme tous les Padawans, bien des années auparavant, et qu’il s’était efforcé de reprendre, dans ses anciennes notes, exhumées d’un vieux datapad, lorsqu’il avait dû se rendre à l’évidence que, peu importe sa spécialisation, la vie d’un Chevalier impliquait nécessairement quelques enquêtes.

— Je me renseignerai mais là, les Sentinelles me disent juste qu’ils l’ont confié aux Guérisseurs, qui l’interrogeront demain et qu’on peut venir faire notre disposition après-demain ou demain dans la soirée, au plus tôt, si c’est vraiment on peut pas attendre. Du coup…

Karm craignait un peu que toute cette affaire ne finisse par lui échapper et qu’il ne soit bientôt plus en position de tenir ses promesses à l’endroit de Rakki. Mais pour l’heure, il était inutile de se torturer avec cette question : il en saurait plus en retrouvant les Sentinelles. La conversation dériva donc naturellement vers un autre sujet.

Un sujet ô combien délicat.

— Hm.

La question de Luke ressemblait fort à un piège qui mènerait droit à la dispute. Il incita l’Hapien à se redresser pour qu’ils puissent se retrouver assis en tailleur l’un en face de l’autre.

— Orgueilleux, non. Je te trouve certainement pas orgueilleux. Plutôt le contraire, même, tu manques souvent de confiance en toi. Et du coup, j’ai l’impression que ça te conduit à chercher la confiance, ‘fin, plutôt, l’assurance, le sentiment de sécurité qu’on a en se reposant sur quelque chose de solide, à l’extérieur de toi, dans ce qui est le plus rigide et le moins dangereux à interpréter, les codes, les règlements, ce genre de choses.

Une analyse qui revenait pour l’instant à enfoncer des portes ouvertes.

— Et c’est vrai que tu t’attaches à ces codes, de façon très littérale, au risque d’oublier qu’ils sont des outils pour servir aux gens et non pas des fins en eux-mêmes que les gens doivent servir. Et du coup… Du coup, euh…

Karm était de plus en plus gêné, partagé entre sa volonté de s’exprimer sincèrement, par respect pour Luke, pour répondre à sa question, et son désir d’éviter le conflit et les paroles désagréables. L’Ark-Ni baissa les yeux, même si le regard de Luke ne croisait jamais vraiment le sien, et des mèches de cheveux argentées tombèrent autour de son visage.

— … du coup, ça t’arrive de faire du mal aux gens, pour des raisons qu’il est difficile de comprendre, parce que tu parais préférer la sécurité de règles impersonnelles à la vraie vie telle qu’elle se passe autour de toi…

Ces gens, c’était bien sûr Rakki, coupable, sans aucun doute, mais aussi malade et en pleine souffrance, qui avait besoin d’être compris et accompagné, avant de pouvoir être, plus tard, dans de meilleures conditions, jugé et éventuellement condamné, mais c’était aussi Karm, condamné à vivre dans le secret, perpétuellement frustré dans son besoin d’affection, de tendresse, d’intimité.

La voix du jeune homme s’était faite triste mais il fit un effort pour la dominer et poursuivre d’un ton plus calme :

— Mais je comprends bien pourquoi tu es comme ça, et tu as de bonnes raisons. Je me dis parfois cela dit que c’est peut-être une étape de ta vie que tu peux laisser derrière toi. Que maintenant, tous ces codes, tous ces protocoles, tu peux chercher à te les approprier. Pas à les respecter comme des choses univoques, monolithiques, impossibles à négocier, mais plutôt à les comprendre, à cerner leurs histoires, leurs nuances, les différentes interprétations qu’on peut en faire. Et te les approprier pour de vrai, personnellement, afin de les faire vivre.



… mais… mais je dis ça, c’est juste comme ça, hein…
Luke Kayan
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- Je le sais, cependant cet homme a une réputation excellente. Ses méthodes sont innovantes et il contemple un plus large panel de critères pour détecter, déclarer une maladie mentale. - Ce n'était peut-être pas ce qui était le plus important dans la vie de Rakki, le diagnostique systématique, pour autant, actuellement, ce serait un élément qui pourrait lui donner un sacré coup de pouce.- mais il est aussi vrai que le protocole est excellent, sans doute suffisant. À toi de voir.- Au passage cela lui ferait moins de paperasserie à mouvoir, pareillement concernant la possibilité de garder son coup de Comlink à cette éminence pour une prochaine fois. Et il n'aurait pas à se préoccuper davantage de l'(ex?)auxiliaire.

- Ce doit être vrai.

La réponse avait jailli de ses lèvres, presque sans transition, tandis qu'il avait baissé la tête, ne sachant si se sentir soulagé que Karm ait cessé ses caresses dans sa chevelure ou non. Un froid glacial s'était immiscé entre ses omoplates, son premier réflexe avait été de se rebeller, de gronder son incompréhension serti d'un désaccord violent. Mais le Hapien choisit de se taire et de méditer malgré la douleur. Comme tout à chacun, recevoir des "accusations" quelqu'en soit la nature n'était jamais agréable. En fait, pas à l'instar de tout le monde, puisque chez lui, il était encore plus difficile d'accepter ces critiques en tant que personne fragile, en manque de confiance.

C'était toutefois un Jedi, cela impliquait une capacité à s'auto-analyser, avec ou sans aide. Luke savait très bien que Karm ne cherchait pas à lui faire de mal. Du moins pas gratuitement. Il préférait donc accepter, mâcher ses mots, les intégrer, y réfléchir.

- Mais. Toute communauté étant régie par des protocoles et des règles, comment savoir quelle est la marge de maniement? Quand est-ce que cela devient de l'abus voir de l'anarchie? Je ne veux pas que l'Ordre me rejette. Je n'ai rien d'autre. Pas de formation, aucun avenir. - Karm aussi souffrirait de ne pas être gardé par l'Ordre, n'importe quel Jedi en fait. Ceci dit, le premier avait des possibilités de recyclage. Cartographe d'excellence, explorateur encore meilleur, c'était aussi un Gardien talentueux, doublé d'un enquêteur qui devenait vraiment bon. Lui, aveugle, avec beaucoup de problèmes certainement difficiles à cacher en-dehors du Temple, comment ferait-il? Et surtout la honte de cette dérive, cet Adieu? Sans en arriver à tous les jours se préoccuper pour sa place, le blond craignait beaucoup le regard -ironie quand tu nous tiens.- des autres. En ce qui concernait leur propre relation, il y avait un autre problème qui s'ajoutait: son passé d'enfant maltraité rendait le contact physique difficile. S'il avait confiance en Karm au point de se laisser triturer les cheveux sans même tressaillir ou aller jusqu'à apprécier sa main posée sans préavis sur son épaule, il avait ses époques, ses rechutes pendant lesquelles il se tendait à nouveau. Incapable de savoir si tout ceci était une phase ou vraiment mal en fin de compte, le Chevalier répondit tardivement, après avoir pensé pour donner une réponse certaine. En vain.

- Tu le sais, la rigidité de mon expression est en partie dûe à ma cécité. Plus le temps passe, et plus j'oublie la naturalité d'une bouche souriante ou d'un regard compatissant.- Luke le savait grâce à ses cours, aussi bien de profilage que ceux dispensés au Temple, des cas comme Rakki requéraient en partie une grande capacité de communication visuelle. Il en était évidemment exclue. Pareillement pour les victimes voir des prévenus fragiles, comment leur exprimer un soutien autrement que par une flopée de paroles effrayant davantage encore le concerné?- Mais elle n'est pas l'entière coupable. J'ai peut-être voulu appliquer sans mesure ce qui nous ait préconisé: la capacité à prendre de la distance, demeurer neutre. J'ignore où sont les limites, quand est-ce qu'on est sensé franchir la ligne dangereuse.

Son propre caractère faisait de Luke une personne attachée à des croyances fermes, il en avait besoin pour avancer sans vaciller davantage encore. Son histoire couplée à son handicap avaient veillés à renforcer ce trait: pour lui, mieux valait suivre strictement la ligne, au risque de chuter et se retrouver dans la mare aux crocodiles. Jusque là, le Conseil se montrait généralement content de lui. Il avait de bonnes statistiques de réussite, sans être un héros, mais malgré tout un peu plus élevées que la moyenne. C'était ce qui faisait sa fierté: que les aînés l'apprécient et aient confiance en lui. Difficile donc de trouver un défaut à sa conduite. Sauf que maintenant l'avis de Karm comptait aussi énormément, or des fois les désirs de ce dernier s'opposaient à la ligne suivie pendant toute son adolescence. Concilier les deux ressemblait à marcher en équilibre sur sa corde de conduite rendue mouvante. Quitter cette marque salvatrice ou même y songer l'inquiétait déjà. Un frisson de mal-être parcourut ses veines, s'infiltrant sous sa tunique pour chatouiller ses omoplates et son échine. Il faisait des efforts pour continuer cette discussion qu'il avait engagé en connaissant les risques, la brèche que cela ouvrirait.

- Mais si tu veux savoir. Je préfère les gens et la vie aux lois.

Si seulement les deux pouvaient être compatibles. Il serait le plus heureux des bergers. Guider les gens sur ces voies qui l'avaient sauvé de sa propre mère, de l'autisme ou d'une vie futur de petit handicapé suspendu à ses aides lui avait toujours paru LA bonne chose à faire. Luke les aimaient ainsi, en s'opposant aux revêches, en se donnant la peine de tenter plusieurs fois, quitte à se faire détester, se faire surnommer le somnifère. Ne pas céder, insister avait été jusque là, sa preuve d'amour envers autrui. La confiance qu'il leur offrait, y compris envers Rakki. Qu'il n'exige plus rien, ni ce fameux bonjour en retour, ni le respect du protocole à quelqu'un était la preuve de son abandon. Ferus Livian avait dû être heureux de tomber nez à nez avec un Chevalier ayant cessé de le poursuivre, de lui demander des comptes après son départ du Temple. Un entêté qui acceptait enfin de fermer son dossier, bien après que les autres l'aient fait avait sûrement été un soulagement pour lui, et il avait sans doute pour la première fois, parlé sans agressivité au Jedi. Un Jedi qui avait simplement, purement effacé Ferus de sa vie. Le considérant perdu, désespéré, son propre sourire rendu n'avait été que le reflet de son propre soulagement. Il en avait fini avec ce sale gosse. Alors il l'avait laissé à sa perdition, triste de son échec mais heureux, surtout, de ne plus "aimer" cet adolescent mal luné.

- Et si je n'y arrivais pas? Si ce n'était pas juste une étape comme tu dis? ...

Se sépareraient-ils? Luke sentit son coeur se nouer, directement, sans passer par l'estomac. L'idée lui était insupportable, mais il avait également ses limites quant à changer pour quelqu'un. Bien qu'il espère parvenir à faire vivre le protocole, le flexibiliser et le mettre au service d'autrui -du moins de manière plus évidente qu'actuellement.- le jeune Jedi admettait aussi l'autre possibilité.

- Saï Don sait sûrement pour nous. La dernière fois que je l'ai vu, je n'ai pas fermé mon esprit.

Incapable de parler de vive voix à son maître, Luke avait toutefois laissé ce dernier lire en lui, l'y invitant même. Rien n'avait été dit mais au moins le vieil homme ne semblait pas fâché. Sur le coup cela l'avait soulagé, même s'il s'était aussi rendu compte de l'ampleur de la tâche qui restait à accomplir. Tant de gens à qui faire face, beaucoup trop de jugement et ce risque d'être mis à la porte. Mais d'ailleurs pourquoi avait-il avoué cela précipitamment alors que Karm ne lui réclamait rien? L'instinct?

- Je peux simplement te promettre d'essayer.

Et cette phrase? Pourquoi? Il avait eu besoin de la dire, comme de lever son bras pour chercher la main de son compagnon afin de la saisir. Un geste assez peu commun d'affection même si cela lui arrivait de plus en plus souvent. Un chemin encore long s'annonçait et Luke ne serait jamais du genre physiquement affectueux, mais il n'en était plus à la rigidité du début où il allait jusqu'à repousser des preuves de tendresse mentales en public.

Karm Torr
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— Ah.

Quelques semaines plus tôt encore, Luke lui promettait de « parler » à Saï Don. Karm n’avait pas vraiment imaginé que cette parole serait silencieuse et qu’il faudrait s’en reporter sur la clairvoyance hypothétique du vieux sage. Sans doute que Saï Don savait. Sans doute qu’il savait depuis un moment. La question n’était pas vraiment là. Luke, au fond, n’avait pas tenu ses engagements, et le pire, c’était que Karm ne se sentait pas vraiment surpris.

Il détourna le regard, pour observer les arbres, et ravaler sa tristesse. Il fallait savoir faire preuve de patience. De beaucoup de patience. Plus d’un an s’était écoulé depuis qu’ils s’étaient rencontrés, et Luke avait accompli des progrès qui, à sa mesure, devaient être considérables. Objectivement. Karm avait beau se sentir souvent frustré, et rejeté, et caché, comme un secret honteux, repoussé par la froideur, comme s’il n’était pas désirable, il devait bien objectivement reconnaître que Luke changeait. Lentement.

Il fallait apprendre à se contenter.
Remettre à plus tard ses rêves et ses fantasmes.
Peut-être à jamais.

Luke lui tendait la main. Parce qu’il avait besoin d’être rassuré. Karm la prit dans la sienne, malgré tout. Il se trouvait à court de mots. Ces deux derniers jours avaient été difficiles et, pour une fois, leur escapade loin du Temple lui avait donné l’impression de l’éloigner de Luke, plutôt que de servir de cadre à un l’un de leurs si rares rapprochements. Finalement, il prit une profonde inspiration et répondit d’un ton calme :

— T’as encore que vingt-six ans, j’pense que c’est un peu tôt pour te dire que telle ou telle chose arrivera jamais. Après, j’comprends, hein. Moi aussi, je sais que je suis très jeune, mais j’ai souvent l’impression que j’ai atteint mon état définitif, que ma vie a pris sa forme finale. C’est difficile, quand on est enfin devenu adultes, de se dire qu’on est pourtant pas l’adulte qu’on sera pour toujours.

C’était quelque chose dont il n’avait pris conscience lui-même qu’en décidant de quitter les rangs des Gardiens exclusivement spécialisés dans le combat armé, pour embrasser une carrière plus diversifiée mais aussi plus compliquée au sein de l’ExploCorps. Depuis, sa vie avait été remplie d’interrogations, d’introspections, de grands changements personnels, et il admettait volontiers que le futur lui réservait probablement des moments semblables.

— En tout cas, la question, c’est pas du tout de contourner les règles ou de jouer avec elle, bien au contraire. La question, c’est de les comprendre vraiment. Savoir pourquoi elles sont là, ce qu’elles font, comment elles ont été pensées, quel rôle elles remplissent. C’est quand on suit la règle pour suivre la règle qu’on manipule le droit. Le droit qui respecte ses principes, en revanche, c’est le droit qui interprète ses règles. C’est la différence entre… entre un Etat de droit et un Etat totalitaire : tous les deux ont des lois et des règles qu’ils respectent, mais le premier est fondé sur la règle au service du droit, quand le second est fondé sur la règle au service de la règle, c’est-à-dire de la perpétuation de l’État, sans référence extérieur.

C’était tout un pan de sa théorie de philosophie politique personnelle que Karm avait tassé en quelques phrases. Elle était finalement bien différente des manières de faire des Ark-Ni, même si celles-ci avaient été depuis longtemps à la base de sa réflexion. Pour l’explorateur qui contribuait à la fondation de colonies de peuplement sur des planètes jusque là sans civilisation, et qui observait par conséquent la manière dont ces colonies se dotaient, avec l’appui de la République et le conseil de Jedis, de lois et d’institutions, méditer profondément sur la nature du pouvoir politique et les moyens de l’organisation sociale était devenu une nécessité. Précisément le genre d’activités auxquelles il n’aurait jamais cru se livrer.

— Naturellement, c’est une activité plus intimidante. Parce que… C’est être libre, c’est devenir pleinement Jedi, c’est prendre la responsabilité de ta place au sein de notre tradition, qui n’est pas de suivre les ordres d’un Conseil mais de perpétuer nos principes et d’assurer la survie de notre communauté. Y a une raison pour laquelle les Conseils Jedis, que ce soit le Haut Conseil ou les autres, s’appellent des Conseils et pas des directoires. C’est parce qu’ils nous guident, ils nous épaulent, mais au bout du compte, ils ne sont pas des organes souverains : la tradition est souveraine et cette tradition, elle est une conséquence de notre liberté.

Karm se retint de dire que certains des Maîtres qui siégeaient parfois au Conseil et qui traitait ce conseil comme un bureau politique totalitaire et inquisitorial violaient et le Code Jedi, à la lettre et dans ses principes, et le droit républicain, et la tradition de leur Ordre. Mais il n’en pensait pas moins. La situation était même à ses yeux de plus en plus préoccupante, et requérait de plus en plus urgemment que les Jedis se ressaisissent de leurs principes pour défendre leurs valeurs.
Luke Kayan
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Par chance, ils avaient encore un petit morceau d'intimité, un carré d'herbe inconnu de l'autre, que ce soit volontaire ou non. Ainsi Luke n'eut pas à se préoccuper de l'éloignement que ressentait Karm à cause du comportement que le blond avait dévoilé au camps. Assez rigide, inflexible, le jeune homme n'avait fait qu'appliquer ce qui lui avait valu sa survie au milieu d'une communauté à laquelle il devait également sa survie. C'était finalement une question de logique, d'instinct que de suivre le seul chemin libre, où les ronces n'étaient pas projeté en plein milieu par des gens sensés l'aimer. Elles venaient d'ailleurs ces épines, et peu lui importait dès lors, les chutes, les revers ou le manque de reconnaissance de ces autres. Luke était en bien comme en mal peu corruptible. Il ne changeait guère d'avis sur quelqu'un sauf si on parvenait à empiler des arguments parfaitement détaillés, cohérents. À la manière d'un diplomate ou d'un Jedi tout simplement, il acceptait d'accorder un nouveau regard à l'affaire, à la personne. Contempler le cas de Rakki avec une prudente compassion, le jeune homme résultait de l'excellente justification de Karm. Il changeait. Pour certaines choses un peu plus lentement que d'autres, certes. Savoir que le Gardien se sentait déçu en cet instant, voir l'accusait d'avoir rompu sa promesse le remplirait de peine, un chagrin saupoudré d'un brin de colère, parce que Saï le connaissait parfaitement, parce qu'ouvrir son esprit équivalait à hurler sa relation. L'aura de son ancien Mentor s'était engouffré dans son esprit, invité par l'aspiration avide, abyssale, puissante malgré sa timidité. Et Luke était persuadé d'avoir reçu son approbation ou du moins une indifférence polie en retour. L'information avait été transmise, il avait dit la vérité, donc. Mais alors, pourquoi est-ce que le faire de vive voix lui avait paru impossible?

Loin de songer à tout ceci, heureusement, le Chevalier profitait de cette main posée dans le creux de la sienne, en réfléchissant aux propos de Karm. Il se sentit heureux que ce dernier lui offre sa confiance en arguant qu'à son âge, le Hapien pouvait encore évoluer. Pour sa part, il se sentait plus proche de son compagnon depuis la fin de cette mission, ou du moins autant que suite à leur rencontre avec le Terrible et Charismatique Noctis. Un sourire habilla ses lèvres et assaillit par un élan de reconnaissance pour cette promesse de "plus tard", il se redressa pour se rapprocher de Karm et déposer sa tête sur son épaule. Sa main, fait inédit, entoura la taille menue mais musclée de l'Ark-Ni puis ses lèvres déposèrent un baiser sur sa joue.

- Tu as raison. Maître Don disait que l'on peut changer même à son âge. Il suffit de le vouloir, et tu sais que je le veux! Alors en route... Cette aventure aussi on va y survivre.

Certes, Luke ne comprenait toujours pas l'intérêt de l'homme au regard lumineux à vouloir se montrer en public quand lui trouvait aux secrets une beauté attrayante, mais il savait que cela lui ferait plaisir. C'était en tout cas une des choses qu'il avait le plus de mal à changer avec son intolérance envers les viols de règlements ou les comportements déviants. Dans quel domaine pouvait-il présentement chercher à s'améliorer? Avant que la confiance en soi soudainement acquise ne baisse, autant profiter pour faire un pas. S'il avait de nombreux défauts, Luke possédait au moins la faculté d'avancer pour de bon. S'il parvenait à faire frémir un poids, il travaillait et combattait sans relâche afin de pouvoir le soulever. Présentement, après leur éprouvante mais riche conversation, le Jedi éprouvait le désir soudain, presque impérieux de faire trembler un des cailloux qui jonchait son chemin. Leur chemin.

- Apprends-moi à appliquer un protocole plus humain. À être un État de droit! Je suis prêt. Aujourd'hui, je veux faire un pas... Alors défie-moi.

Un sourire malin se dessina sur ses lèvres. Que ce soit à cause de son caractère inné, de sa formation de Jedi le prédisposant à la négociation ou son rang de diplomate, le jeune homme était aussi du genre à accepter un discours bien construit. Cette confiance que Karm lui avait offert -ou du moins que le Hapien avait pris comme tel- le remplissait d'énergie. Il avait capté un brin de sa tristesse mais ne s'en pensait pas entièrement coupable, croyant que c'était la situation générale qui blessait son ami. C'était donc plutôt optimiste que le Chevalier était décidé, du haut de ses seulement 26 ans à tenter quelque chose. Quoi? Il ne le savait pas, mais ses promesses lui revenaient au visage.

- Quand je t'ai dit que j'accepterais de quitter l'Ordre pour toi. Je le pense toujours. Évidemment, si ça pouvait ne pas se faire, ce serait mieux, je ne sais pas à quoi je servirai en-dehors mais... Tu sais, même si des fois ça n'en a pas l'air, l'humain me semble plus important que les protocoles, j'ai juste du mal à le montrer, et... J'essaye de m'en éloigner le moins possible, uniquement si c'est urgent. J'ai juste du mal à voir quand cette urgence arrive. Je te remercie pour ta patience, et pour croire en moi.

Loin de se douter que son ami pensait que tous deux s'étaient éloignés, ou de sa tristesse qui lui était destiné, le jeune homme projeta une onde éblouissante vers lui. Il se sentait prêt pour une nouvelle randonnée -un peu moins longue par contre!- et s'approcha davantage encore pour cette fois, être celui qui colle son compagnon contre la carlingue du vaisseau. Au lieu de lui attraper les hanches, il se fondit simplement contre lui, fusionnant sa tête contre son coeur et ses jambes entre les siennes, mêlées. Il ferma les yeux, soupira de bonheur, épaules relâchées. Les épreuves étaient finies, pour qu'une autre sensée les rapprocher commence. Oui, il était prêt. Prêt à apprendre comment faire moins mal aux gens, à s'approprier les règles. Enfin, pas à pas évidemment, mais aujourd'hui il était décidé à faire un petit saut, juste pour se prouver qu'il n'était pas encore figé, qu'il pouvait changer. Se le démontrer à lui et à son amoureux qu'il pouvait changer. Ça le prenait comme ça parfois. Ce regain d'énergie, de combativité. Il aimait sans caresses. Il aimait avec des preuves.
Karm Torr
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Les gestes étaient souvent la meilleure manière de parler à Karm. Le Chevalier était persuadé que les corps mentaient moins facilement que les pensées, parce qu’il en coûtait plus de faire bouger les premiers que les secondes. Repoussé contre le speeder, avec Luke contre lui, il ne tarda pas à refermer ses bras autour de l’Hapien et à déposer un baiser dans ses cheveux, envahi par un mélange de soulagement, de désir et de crainte. Cette tendresse soudaine de Luke, c’était la preuve qu’ils se comprenaient malgré tout, mais c’était aussi une démonstration rare et fragile, à laquelle l’Ark-Ni avait peur de ne pas pouvoir se fier entièrement.

Sa tristesse, sa frustration et sa déception s’effaçaient petit à petit à mesure que l’étreinte se prolongeait. Pas pour toujours, sans doute. Pas définitivement. Mais elle redonnait à ces retrouvailles près du Temple mais loin du regard ce que leur intimité avait de précieux. Alors Karm ne put empêcher une, puis deux, puis trois larmes de quitter ses yeux, de rouler sur ses joues et de s’écraser dans les cheveux de Luke.

Il relâcha son étreinte pour essuyer ses yeux d’un revers de poignet murmure :

— Désolé.

Il fit par réflexe un sourire d’excuses que Luke ne vit pas.

— Désolé, répéta-t-il, c’est rien, t’inquiète pas, juste… L’émotion.

C’était vague, mais Karm n’avait vraiment pas envie de gâcher le moment en se plongeant dans les méandres de son esprit. Ses bras se refermèrent à nouveau sur Luke, pour l’attirer encore contre son torse.

— Je t’aime.

L’une de ses mains se glissa sous le haut du jeune homme pour se poser au creux de ses reins, sur sa peau. Il sentait la chaleur de Luke sous ses doigts, la Force qui pulsait là, l’énergie vitale qui était la vérité profonde des êtres. Qu’importaient, après tout, leurs incompréhensions, leurs déceptions passagères, les attentes frustrées et les faux départs, tant que la Force continuait à les rassembler ?

Karm resta un moment ainsi. Pour une fois, ses muscles servaient à autre chose qu’à combattre : ils servaient à retenir Luke, à le sentir, à le comprendre. Après un moment, l’Ark-Ni reprit la parole néanmoins, d’une voix un peu rauque :

— Pour les protocoles… les règles… Y a plein de manières de faire, je pense. Par exemple, prends les Consulaires qui sont en charge de systèmes et conseillent dans la création de lois… Et considère la manière dont ils adaptent les règles d’organisation sociale qu’ils prescrivent aux sociétés qui connaissent des troubles en fonction des particularités locales. C’t’un bon exemple de la manière dont la règle est utilisée comme un instrument pour aboutir à une fin, et un instrument qui peut se manier de plusieurs façons différentes. Mais c’est pareil pour… euh… pour les guérisseurs…

Sous la tunique de Luke, la main de l’Ark-Ni remontait lentement contre le dos du jeune homme, avant de redescendre à nouveau, dans une caresse simple mais intime.

— La façon dont ils s’adaptent à leurs patients. Ils ont des règles, ou plutôt des préceptes, qui les guident, mais qui ne les contraignent pas. Parce que s’ils suivaient toujours les règles précisément, ils ne pourraient jamais soigner personne. Les règles politiques… pas politiques politiciennes, politiques au sens fondamental, au sens d’organisation de la société, c’est un peu la même chose. Ce sont des manières de soigner les gens pas en tant qu’ils ont un corps qui peut être malade, mais en tant qu’ils ont des relations qui peuvent être compliquées. ‘Fin voilà, ce genre de choses.

Et en bon Gardien qui allait de bataille en exploration dangereuse, Karm avait eu amplement le temps de discuter avec les membres du Corps Médical. Les semaines qu’il passait parfois à l’infirmerie pour se remettre de ses aventures les plus rocambolesques avaient toujours été mises à profit pour cerner les enjeux de leurs activités.

— En tout cas, perso, c’est comme ça que je procède. Quand je veux faire des progrès ou que je rencontre des difficultés dans un domaine donné, que je me sens bloqué, je commence par laisser l’affaire de côté, pour ainsi dire, et regarder ce que les autres font. Comment ils travaillent, comment ils réfléchissent. Pas la théorie, t’sais, mais le quotidien. C’est dans les gestes du quotidien qui se cachent les théories ordinaires des gens. Celles qui sont informulées mais qui guident leurs actions. Et je réfléchis sur ça. Parce que c’est plus distant, c’est pas lié directement à ce qui me bloque, ça permet de clarifier, en quelque sorte. Et après seulement, je vois en quoi ça se rapporte à mon problème. Ce qu’il peut y avoir de commun. J’sais pas, par exemple…

Karm resta quelques instants pensifs, à la recherche du cas le plus approprié.

— Ouais, dit-il finalement, quand j’me sens bloqué dans l’écriture de mon traité sur les arts martiaux. La page blanche, tout ça. Je laisse de côté et je vais voir ailleurs. L’autre jour, c’était les botanistes qui s’occupent du potager des comestibles pour le self du Temple. Je les regarde faire. Je papote avec eux de leur quotidien. Ils finissent par me dire qu’il y a des trucs qui poussent pas en ce moment. Alors ils vont changer les plantes de place. C’est un problème de proximité. Toutes les plantes poussent pas bien les unes à côté des autres. Faut trouver les bons voisinages. Et moi, je rentre dans ma chambre et je change l’ordre des sections dans mon traité, ça me paraît plus cohérent, je crée de nouveaux voisinages et je recommence à écrire.

C’était l’exemple d’une situation somme toute assez simple, mais au fond, l’idée essentielle était là.
Luke Kayan
Luke Kayan
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Une goutte de pluie s'écrasa sur le crâne de Luke. Surpris que l'insolente parvienne à écarter les mèches de sa chevelure généreuse pour toucher ses racines, ce dernier se releva légèrement. Il fronça le nez à la seconde, tout aussi surpris et manqua de s’ébouriffer à la troisième. Les aveux de Karm l'en empêchèrent. Encore plus étonné par cette soudaine pluie des yeux, le Chevalier se colla à nouveau à la poitrine de son ami, ses mains enserrèrent davantage sa ceinture et la Force virevolta. Pleine d'amour assaisonnée d'un soupçon d'inquiétude. Malgré tout. L'émotion peu recommandée par l'Ordre lui semblait pourtant magnifique, telle une sirène dangereuse peut-être? Il se crispa en y songeant, rien qu'une seconde avant de songer que l'instant en valait la peine. Qu'il pouvait s'approprier le code tel un règlement. Commencer par là. Se dire que les émotions trop fortes, négatives étaient celles proscrites par le Code, pas ces beaux sentiments, certes un peu douloureux mais surtout tendres, rassurants. Alors lui aussi demeura là, dans les bras de son compagnon. Il frissonna sous la caresse qui partait du creux de ses reins pour remonter.

Peu importait que les autres sachent. C'est ce qu'il pensait en cet instant. Pas pour toujours. Lui non plus. Mais en cet instant, il croyait que personne n'aurait le cœur à les séparer, qu'ils agissaient bien, s'améliorant en offrant une partie d'eux à l'autre, sans cesse. Ils grandissaient pour mieux servir leurs idéaux, se reconduisaient dans le bon chemin réciproquement. Leur amour n'était pas obscur. Loin de là. En ce moment, Luke brûlait d'une envie, d'une seule: faciliter encore leur lien, tout faire pour qu'ils se rapprochent.

- Ne pleure pas. Personne ne mérite tes larmes.

Fit-il doucement, alimentant ce dicton populaire récupéré il ne savait où par un geste tendre. Karm fut plus rapide et essuya la première coulée de larmes. En remontant son visage, le Hapien parvint seulement à sentir la trace légèrement humide qu'elles avaient laissées.

- ... Interpréter.

Songeur, le Jedi ferma les yeux, aussi bien pour profiter de la caresse administrée que du silence qui s'était posé sur les brins d'herbes les entourant, après les mots de Karm. Dit ainsi, son raisonnement était non seulement logique mais aussi d'apparence simple. Luke se demandait pourquoi il ne parvenait pas à outrepasser ses craintes, sachant que lui aussi interprétait le protocole en cas de nécessité. N'avait-il pas aidé une femme à accoucher en plein espace sur le sol de son vaisseau, loin du milieu stérilisé approprié? N'avait-il pas opéré Karm lui-même dans un ascenseur désaffecté?

- J'en suis une, d'interprétation. Du code médical.

Forcément, parce qu'un aveugle n'opérait pas, ne touchait même pas à une compresse. Sensément. Y compris avec la Force, laquelle ne faisait que substituer une partie de son handicap. D'ailleurs lorsque sa formation avait commencé suite à une mission avec Atalan, découlant du hasard pur, le Hapien n'était pas sensé s'approcher de la pratique. Il avait accédé à suivre des cours afin de connaitre la théorie, notamment d'avertir les adolescentes des risques en cas de relations non protégées. C'était juste pour un cas que le jeune homme avait plongé la tête dans les noms de produits désinfectants, les conseils pour des soins alternatifs via les plantes ou des pansements de fortune sur le terrain. Il avait, au final, obtenu un genre de dérogation. Une dérogation qui de part son nom signifiait clairement: une violation du protocole pour le bien de la communauté. Pouvait-il, lui la dérivation incarnée, continuer sur cette route sans s'éparpiller? Comment savoir à quel point déroger à ses chers guides?

- Je pense que je devrais discuter avec certaines personnes.

Décida-t-il à mi-mots, prononcés sur un ton juste audible pour Karm et encore, parce que ce dernier était tout proche. Malgré son désir de fuir la situation, le jeune Jedi était en train de se forger un remède à sa mesure. Après avoir ingéré, mastiqué et remâché dans sa tête les propos du Chevalier Turquoise, il en était venu à la conclusion qu'un nouveau périple s'annonçait pour lui. Pire que la randonnée sauvage à laquelle ils s'étaient adonnés ces deux derniers jours. L'idée de parler avec des Jedis reconnus comme rebelles -pas au point de Ses'Kai Mora évidemment- osés le faisait frissonner d'avance. Néanmoins, il devait bien écouter leur avis, les observer pour faire son propre cocktail, trouver son propre juste milieu. Il lui fallait commencer cela afin de cesser de faire du mal à son entourage, y compris à des inconnus comme Rakki en ayant l'air beaucoup trop sévère, inhumain.

- Ce serait un bon début.

Il pensa notamment à Catherine, évitée soigneusement depuis un certain temps. Son ancienne amie était redevenue une simple connaissance au grand dam de cette dernière, depuis qu'elle avait été trop loin en fouinant dans sa vie privée. Evengellyne était un peu du même genre. Reprendre le contact, guider l'électrique trentenaire sur ses sujets plus sérieux comme sa vision de la vie, du Code profonde pourrait déjà lui forger une idée. Lui permettre de réorganiser les sections meublant son cerveau. Il faudrait guider Catherine afin que celle-ci ne parte pas dans tous les sens comme d'habitude, mais Luke la connaissait déjà un peu, ce qui limiterait son stress et lui permettrait de creuser en profondeur. Elle devait forcément avoir une interprétation intéressante - sans être trop radicale- du code, ce qui lui avait permis de devenir une Jedi réputée pour son excentricité tout en restant appréciée. Serait-il temps de se remettre en question, sur ce point-là aussi? L'égo souffrait évidemment, même si heureusement celui du Consulaire prenait peu de place. Et puis quelle importance pouvait-il bien prendre? Quand il y avait cette chaleur au creux de ses reins, cette douceur irradiant pleinement jusqu'à ses omoplates, là où les mains de son Amour passaient?

- Nous pouvons aussi... Hum... Parler de nous à quelqu'un de ton choix. On y va tous les deux.

Il se rappelait avoir promis à Karm de s'ouvrir à leurs proches en commun en ce qui concernait leur Amour. Lui considérait déjà l'avoir fait avec Saï via son ouverture au sein de la Force. Tous deux se connaissaient tellement que son geste silencieux avait été l'ouverture d'un couloir menant directement à ses aveux. Étant donné leur confiance mutuelle il ne doutait pas que son ancien mentor s'y soit engouffré. Toutefois, aujourd'hui, le blond était d'humeur à tenter quelque chose de plus radical, comme user de sa voix avec un ami de Karm par exemple. Il avait vraiment envie d'écouter ses propos de réflexion mais aussi de faire quelque chose de plus tranchant, d'immédiat afin de se prouver, de lui prouver son engagement. L'enthousiasme de l'instant, la force de l'émotion, la douceur amère des larmes du Chevalier Turquoise le portaient. Luke sentait que c'était un de ces élans qui lui permettait de sauter une étape, alors même s'il continuait de penser que le secret était un acte plus beau, plus vrai que celui de l'amour au grand jour, il voulait bien tenter un effort. Si le jeune homme avait proposé -avec difficultés certes- cette épreuve, c'est parce qu'il savait que la majorité de leurs disputes -si peu nombreuses soient-elles et jamais basées sur des cris- était due à ce fait. Il craignait inconsciemment la suite : est-ce que ces confessions suffiraient à Karm ou voudrait-il aller plus loin? Pas de mariage ou d'adoption évidemment, mais une fois ce souci réglé qu'est-ce qui ferait surface? Aujourd'hui pourtant, aucune de ces questions ne lui semblaient légitimes. Il secoua sa crinière blonde pour les chasser et plaqua un long baiser -un peu salé à cause des larmes qui avaient roulé.- sur les lèvres du gardien, comme pour sceller leur pacte.
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