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A Christmas Carol


***

Marley était mort. Voilà comment tout a commencé. Pas de doute sur ce point. Le registre de son inhumation avait été signé par le prêtre, par le notaire, par le croque-mort. Par tout le monde. Marley était mort et les cinq Eglises s’inquiétaient. On s’agitait dans les nefs. On murmurait dans les chapelles. On trépignait dans les alcôves. Les travées étaient pleines de la rumeur publique. Entre le tabernacle et le maître-d’hôtel, des regards préoccupés s’échangeaient.

Et voilà qui n’avait pas échappé à l’Empire.

Des siècles que les Cinq Églises répandaient la bonne parole dans le secteur d’Arytre, et partout où les mineurs, les navigateurs, les mécaniciens des Jumelles exerçaient leur savoir-faire. Quand les prêtres étaient mécontents, c’était tout un peuple de garagistes de l’espace, de sidérurgistes d’astéroïdes, de vendeurs de pièces détachées qui rechignaient à la tâche et posaient des questions. Et depuis que Marley était mort, les prêtres étaient mécontents.

— L’Empire protège les siens, Éminence,, assura enfin Darth Noctis, derrière son bureau, son regard d’un bleu surnaturel plongé dans les yeux soupçonneux du vieillard qui lui faisait face.
— La mort d’un Primat… la mort du Primat d’Ararytre… vous savez…

Le Grand Cardinal n’avait peut-être pas tout de sa tête, mais au moins, il avait la passion de sa fonction. Cinq fois en une heure qu’il ressassait la même histoire, pour les oreilles patientes du Seigneur Sith. Fort heureusement, Noctis s’était documenté sur le système qui fournissait aux flottes commerciales de l’Empire, dans toute la région, une main-d’œuvre inestimable.

Ses deux planètes, Arytre et Ararytre, les Jumelles, s’étaient spécialisées de longue date dans la construction navale et l’exploitation minière de l’espace. Jadis, en des temps très lointains, des chantiers navals avaient fait rugir leur forge, mais une guerre avait éclaté, et les Jumelles s’étaient vu interdire la manufacture de vaisseaux guerriers. La tradition avait perduré. Différemment. Les mécaniciens s’exportaient. L’Empire avait su en tirer profit.

Les Jumelles avaient leur forme de religion que l’Ordre Sith tolérait. La religion, naturellement, était l’opium du peuple. Protéger un clergé déjà bien établi, c’était souvent s’épargner des difficultés considérables quand il s’agissait de gérer la population. Darth Noctis savait y faire. Il parlait ce langage-là. Il avait la patience que d’autres Siths n’auraient jamais eu pour la pompe d’un protocole et les mystères d’une liturgie qui ne relevaient pour eux que de la simple superstition.

— Je suis sûr que vous avez beaucoup à faire, Éminence, et je m’en voudrais de vous retenir, murmura enfin Darth Noctis, son esprit guidant celui du vieillard, à travers la Force.

Le Grand Cardinal hocha la tête, l’air un peu confus. Entre le moment où il se leva et celui où la porte se referma sur lui, il eut le temps de raconter encore une fois son histoire : comment Marley, le Primat d’Ararytre, avait été retrouvé flottant dans l’espace, près de son vaisseau disparu, comme les NOEL avaient disparu, comment on était certain que c’était un coup des Hutts. Dans le système d’Arytre, tout était toujours, tout le temps, de toute façon un coup des Hutts.

— L’apprenti est là ?

Darth Venenous, l’inquisitrice sith qui s’était tenue dans un coin, sans rien dire, hocha la tête. D’un geste de la main, l’Hapien l’invita à faire entrer le visiteur suivant. Il avait épluché les archives de l’Académie de Korriban pour trouver ce qu’il lui fallait et c’était désormais un jeune colosse qui succédait au Grand Cardinal, dans le bureau de ces vastes appartements, tout en haut de l’un des gratte-ciels d’Arytre, cette planète où la plupart des Siths ne pensait jamais à mettre les pieds.

— Aleister Black. Bienvenue. Je suis Darth Noctis.

Présentation superflue, il est vrai : l’Apprenti avait été arraché à ses cours sur Korriban avec la promesse d’une mission pour un Seigneur Sith. S’il n’était pas familier de Darth Noctis avant toute cette histoire, il avait eu tout le temps, pendant son voyage à bord du vaisseau qui l’avait conduit jusqu’à ces confins de l’Empire, de se documenter sur l’Hapien. Darth Noctis. Sorcier Sith, économiste et diplomate de premier ordre, beaucoup trop poli pour ne pas être dangereux, et beaucoup trop dangereux pour ne pas être écouté.

— Je crains que les informations que l’on ne vous ait données aient été très succinctes, déclara le Seigneur Sith, en désignant d’un geste de la main l’un des fauteuils qui faisaient face à son bureau, pour inviter l’Apprenti à s’asseoir. Vous connaissez peut-être les lieux. Le système d’Arytre a deux planètes habitées, qui fournissent une part importante des travailleurs en astromécanique et astrominage, dans cette région de l’Empire. Certes pas le poumon économique de tout l’Empire, mais un rouage essentiel dans notre machine.

Darth Noctis pianota sur son dapatad pour que l’holoprojecteur affiche une carte de la région, puis du système, puis des planètes.

— Arytre a la particularité d’entretenir une religion assez vivace, avec un clergé très impliqué dans le quotidien de la population. Il y a une vingtaine d’Églises différentes, qui représentent des versions distinctes du même culte. Parmi elles, les cinq plus importantes ont une sorte d’accord et une organisation commune. Ces Cinq Églises, ou Églises de Lumière, ont fleuri sous la tutelle impériale : c’est pour nous une manière de nous assurer que la population est pleinement satisfaite.

Et pleinement docile.

— Il y a une semaine, le Primat Arytre, le chef de l’organisation pour cette planète, le troisième prélat le plus important après le Grand Cardinal des Cinq Églises et le Primat d’Arytre, conduisait une NOËL, une Nonciature Œcuménique des Églises de Lumière, pour établir une représentation permanente des Cinq Églises sur une des planètes agricoles des systèmes voisins, du côté hutt.

Désormais, le projecteur affichait les images d’un vaisseau éventré.

— Mais comme vous pouvez le constater, la mission diplomatique a été attaquée. Le Primat Marley a trouvé la mort et les nonces ont disparu. On suspecte naturellement une intervention du côté hutt, même si la frontière est ici paisible. Difficile de dire si c’est la xénophobie des locaux qui parlent ou s’il y a un fond de vérité. Quoi qu’il en soit, il se trouve que la personne qui dirige la planète de destination, une ancienne esclave twi’lek affranchie par son maître hutt et à l’allégeance pour l’heure difficile à cerner, est quelqu’un que vous avez peut-être fréquenté, à l’époque où vous étiez gladiateur.

Aux yeux de Darth Noctis, le passé de l’Apprenti n’avait rien de honteux. Au contraire, il s’était sorti des conditions les plus difficiles par la seule force de son tempérament : c’était tout à son honneur.

— C’est pourquoi je vous ai fait venir ici. Pour que vous m’épauliez dans l’investigation de cette disparition et la résolution de cette crise, par tous les moyens qui seront nécessaires, grâce à votre familiarité de ce milieu. Aleisteir Black, je vous ai fait venir pour sauver la NOËL.