Yath le savait bien : dans les groupes sociaux les plus conviviaux car contenant peu de membres, les fêtes et les commémorations constituaient le coeur de la socialisation des citoyens. Ces festivités représentaient, le plus souvent, le moyen le plus simple de rencontrer des gens d'ici et d'ailleurs, de se trouver un certain nombre de points communs avec ceux-ci et de tisser des liens qui pouvaient, par la suite, se révéler forts. Même si le Kel Dor ne goûtait guère les joyeusetés dans le genre, il avait déjà compris qu'il était important, pour la vie sociale d'une communauté particulière, d'en organiser régulièrement afin de préserver ce que lui-même nommait la "prospérité sociale" : un groupe d'individus ne pouvait en réalité fleurir et prospérer que s'il nouait souvent des liens avec d'autres individus. Si la Grande Foire à la Saucisse de shaak d'Ondéron n'était pas un évènement de la haute, autrement dit un évènement qui demandait ne serait-ce qu'un minimum de subtilité, il était bien évident d'admettre que ce genre de grands rendez-vous faisaient, parmi d'autres particularités, la vie de la planète et de la société Ondéronienne.

Ce n'était d'ailleurs pas un hasard si cette grande fête autour d'un simple plat, simple qui plus est, n'était pas loin de fêter son deux cent-cinquantième anniversaire. Des grands festivals musicaux d'envergure planétaire n'étaient même pas arrivés à atteindre cette longévité qui, il fallait bien l'admettre, forçait le respect. Malgré tout, et c'était bien la raison de la présence de Yath Von si tôt dans cette grande foire, alors qu'il ne pouvait même pas manger quoi que ce soit qui était présenté sur les innombrables étals qui se présentait à lui, il était là pour assurer la sécurité des participants à cet immense festin gastronomique au lieu des habituelles forces de sécurité privées embauchées par le conseil qui organisait annuellement la foire. Conseil dirigé par le fameux Carlos Piedsdeporc.

En effet, Yath avait compris que les dernières éditions de la Foire à la Saucisse de Shaak avaient été peu rentables. A vrai dire, il avait même supposé que beaucoup des représentants commerciaux présents à la fête avaient presque dû vendre à perte. Par conséquent, les organisateurs avaient dû se résigner à abandonner l'idée d'embaucher des forces de sécurité privées et avaient, pour éviter d'annuler les réjouissances qui se déroulaient en ce jour, décidé de faire appel aux Jedi présents au temple Jedi situé à peine à quelques kilomètres d'Iziz. Si le conseil Jedi n'avait pas l'habitude de transformer leurs Padawan en videurs et autres vigiles, ils avaient surprenemment accédé à la requête respectueuse de monsieur Piedsdeporc, pour des raisons qui échappèrent certes au Padawan Von, mais dont ce dernier se doutait des intrications.

Selon les quelques informations qu'il avait réussi à recueillir ici et là, il avait cru comprendre qu'Hildegarde Marja, maître Jedi, faisait partie de l'impitoyable jury décisionnaire lors de plusieurs concours. Peut-être était-ce sous son impulsion que ses coreligionnaires avaient décidé d'envoyer quelques jeunes Padawan surveiller les festivités. Ou peut-être que Carlos Piedsdeporc, qui était connu dans tout Iziz, avait fait jouer de ses nombreuses relations pour faire plier, sous un poids politique conséquent, le conseil de l'Ordre. Quel que fut la vérité, il ne changeait rien à l'affaire que Yath avait été plus ou moins choisi pour couvrir l'évènement.

Lui-même n'avait pas spécialement rechigné à accepter la sérieuse tâche qui lui avait été confiée. Après tout, il passait suffisamment de journées au temple à s'ennuyer pour que la perspective de s'assurer que tous les partcipants à la foire retournent chez eux sains et saufs lui parût presque excitante. Par ailleurs, il avait l'occasion de ne pas passer sa journée seul comme à son habitude : d'autres Padawan, qui étaient prévus d'arriver d'une minute à l'autre, allaient le rejoindre dans cette périlleuse mission de surveillance.

Il espérait, néanmoins, que la journée se déroulât sans encombres. Il n'était pas souhaitable qu'une fête dont les revenus étaient sur le déclin ne souffrât de plusieurs problèmes organisationnels qui pouvaient, dans le pire des cas, signifier que cette journée où le shaak et sa viande étaient mis à l'honneur était la dernière à se dérouler sur Ondéron.

Yath Von, dans sa longue bure beige, se faufilait entre les participants à cette énorme foire. Bien qu'il ne pouvait pas sentir les odeurs à cause du masque qui cachait ses yeux et la moitié de son étrange visage, son regard s'attardait sur les grands panaches de fumées qui s'échappaient au-dessus des stands des innombrables camelots présents à cet évènement important. Il était à peine la mi-journée, et les festivaliers marchaient dans les allées prévues à cet effet en dévorant leurs saucisses qui baignaient dans les herbes aromatiques, les marinades et leur propre graisse. La moitié de ces gens avaient la bouche qui luisait de toute l'huile de friture qui avait servi à cuire leurs en-cas et il ne pouvait pas tourner la tête de façon à ne pas apercevoir au moins un attroupement de bouteilles recueillant un alcool quelconque. Nourriture, graisse et alcools semblaient être les maîtres mots de ce rassemblement. Et qui disait nourriture et alcool disait forcément risque de débordement, dans tous les sens du terme (y compris les plus sales et littéraux). Certains festivaliers, parmi les plus lucides et alertes, semblaient attarder leurs regards sur le visage de Yath qui devait être, et c'était peu de le dire, peu commun pour eux. Et le Padawan, qui faisait de son mieux pour éviter tous les corps qui croisaient son chemin, ne pouvait arriver à tous les éviter comme il faut, finissant invariablement par bousculer quelqu'un dans la foule et par s'excuser au passage. Le fait qu'il était un Jedi aidait sans doute celles et ceux qui se faisaient bousculer à s'excuser également au lieu de s'en plaindre.

C'est alors qu'il aperçut, parmi les incalculables visages qui se présentaient devant lui, une jeune femme qui houspillait trois personnes qui n'avaient vraisemblablement pas attendu la mi-journée pour ouvrir les hostilités et, pour le dire crûment, se "piquer la ruche". De si bonne heure ? En regardant plus attentivement, le Kel Dor remarqua que la jeune femme portait un sabre laser à la ceinture. Sans doute était-elle l'autre Padawan avec laquelle il devait accomplir cette mission ? Yath fit un effort considérable pour se souvenir de son nom, lui qui n'avait aucune mémoire en la matière. C'est après cet effort qu'il fut capable de se remémorer son prénom, au moins : Lucina. C'est alors que celle-ci sortit l'un de ses sabres et l'alluma devant les soiffards qui s'enfuirent sans demander leur reste. Sans doute avaient-ils été assez discourtois pour enclencher une telle réaction de la part de la Padawan. En se faufilant, il parvint au niveau de la jeune femme en quelques secondes, en bousculant malheureusement un ou deux festivaliers au passage auprès desquels il s'excusa rapidement. Se tenant derrière la jeune femme qui avait certainement ressenti la présence du Kel Dor, ce dernier tint à signifier sa présence à Lucina.

"C'est sûr qu'ils ne reviendront pas, déclara Yath dont la voix, amplifiée par son masque, avait pourtant du mal à s'élever au-delà de la clameur de la foule. Vous devez être Lucina, la Padawan avec laquelle je dois faire équipe aujourd'hui. Je suis Yath Von."

Il ne daigna pas ajouter davantage d'informations personnelles dans sa présentation. Elle avait sans doute déjà compris, avant même qu'il ne donne son nom, qu'elle avait à faire à un Padawan. Il était certainement impossible que l'on demandât à un chevalier, ou pis encore, à un maître, d'accomplir une mission qui pouvait être assurée par une simple équipe de policiers ou d'agents de sécurité privée. Il avait néanmoins incliné la tête en signe de respect, de manière brève et furtive, mais tout de même. Simple question de protocole, sans doute. Après avoir regardé la jeune Jedi, il se retourna pour avoir de nouveau la foule en visuel, qui s'affairait sur les stands et les activités diverses qu'offrait l'organisation du festival gastronomique. S'il y avait déjà des gens totalement soûls à cette heure, alors le reste de la journée allait très certainement se révéler pour le moins folklorique et mouvementé, et Yath devait s'y préparer s'il voulait assurer comme il fallait le faire la sécurité des participants à cette foire qui, si elle avait effectivement perdu un peu en fréquentations pendant les dernières années, restait un évènement qui agglutinait des centaines et des centaines de curieux et autres badauds.

"Je suppose que nous ne serons pas trop de deux pour faire ce que nous avons à faire, avertit le Padawan. Je propose que nous fassions nos rondes ensemble, afin que nous soyons visibles pour celles et ceux qui désireraient nous solliciter. Puis, nous séparer si la situation l'exige. Qu'en pensez-vous ?"

A nouveau, Yath Von se retourna vers son interlocutrice dont il pensait qu'elle devait avoir une idée au moins aussi bonne que la sienne. Lui-même n'était pas très doué pour ce genre de tactiques et il n'était pas réellement familier de ce type de missions. Il n'était pas familier avec les missions en général, et c'est pourquoi il ne savait pas si sa proposition était pertinente dans ce contexte. C'est alors qu'il entendit de l'agitation au loin, à peine à quelques dizaines de mètres ou les deux Padawan se trouvaient. Un mouvement de foule semblait se former là-bas. Bien qu'il avait une bonne vue, il était incapable de discerner quoi que ce soit qui pouvait l'éclairer sur la situation : il fallait s'en approcher et voir ce qu'il se passait. Ce n'était peut-être rien, mais un pressentiment le laissait penser que ce n'était peut-être pas forcément le cas.

"Allons voir, souffla le Padawan."

Le jeune Padawan se mit alors en route pour rejoindre l'épicentre de l'agitation qui commençait à se faire de plus en plus forte au fur et à mesure qu'il approchait. Il arriva sur les lieux du brouhaha autour duquel s'agitaient de nombreuses personnes. C'était l'enclos central, où se trouvaient normalement des shaaks qui s'étaient, vraisemblablement, volatilisés. Il n'eut même pas le temps d'émettre une seule supposition qu'un homme l'agrippa par l'épaule. Il reconnut immédiatement Carlos Piedsdeporc, qui semblait affolé et paniqué tant celui-ci baignait dans sa sueur.

"C'est pas trop tôt, éructa agressivement l'organisateur de la foire ! L'enclos a été ouvert et les shaaks se sont échappés, bon sang ! Qu'est-ce que vous faites encore là ? Allez les retrouver !"

L'imposant homme lâcha la bure de Jedi avant de disparaître dans la foule, sans doute pour chercher les shaaks qui avaient dû filer relativement tôt, avant que l'enclos, qui constituait l'attraction principale de l'évènement, ne soit accessible au public. Il ne put d'ailleurs s'empêcher de penser qu'il était relativement sinistre de faire d'animaux bien en vie l'attraction majeure d'un évènement qui consistait à promouvoir la consommation de leur viande. Mais il s'empêcha rapidement de divaguer pour se concentrer sur ce qu'il devait faire pour retrouver les shaaks, avec l'aide de sa coreligionnaire qui allait sans doute pouvoir être d'une meilleure aide que lui, qui ne connaissait pas vraiment les moyens de tracer un animal en pleine ville et qui ne pouvait même pas utiliser son odorat pour les repérer.

Yath acquiesça, convaincu qu'il fallait avant tout retrouver ces shaaks avant qu'ils ne causent des dégâts, voire qu'ils blessent quelqu'un. Il se demandait bien, aussi, par quel prodige ces animaux avaient pu s'échapper sans attirer l'attention. Il était clair que les enclos avaient été ouverts relativement tard : un gardien de nuit ou un membre de l'organisation aurait certainement remarqué la fuite des animaux dès le lever du jour, eux qui devaient faire partie d'une attraction consistant à les faire défiler dans les allées du marché aux saucisses pendant l'après-midi. Il était donc probable que le portail de l'enclos s'ouvrit pendant la matinée, pendant que les membres de l'organisation de la foire étaient occupés ailleurs, loin de l'enclos. Une autre question se posait par ailleurs : l'enclos avait-il été ouvert par inadvertance, par la simple inattention de celui qui était chargé d'occuper l'enclos ? Ou bien était-ce voulu par une personne qui ne voulait pas que ces bêtes restent enfermées ? Si c'était le cas, pourquoi donc cette personne avait ouvert l'enclos ? Ces questions méritaient toute une réponse chacune, mais pour le moment, il était primordial que les deux Padawans retrouvent les animaux égarés. Ils ne devaient pas être loin : il doit être difficile de se cacher dans les ruelles d'Iziz quand on est un quadrupède pesant trois quintaux environ. Le Padawan Harsel, à la vue vraisemblablement plus aiguisée que son comparse, remarqua quelques traces de sabots qui appartenaient certainement aux shaaks qui les intéressaient.

"Les traces sont profondes, ajouta le Kel Dor. On dirait que les shaaks sont partis dès qu'elles en ont eu l'occasion. Ce sont des bêtes massives mais lentes, elles ne doivent pas être très loin. Allons-y, je vous suis."

Lucina ouvrit la marche, Yath suivait sa coreligionnaire tout en prêtant toute son attention à la piste de traces laissées par les shaaks en liberté. Bien qu'il ne fut en aucun cas expert dans le délicat domaine du pistage, il conclut rapidement que le nombre de traces à suivre laissait présager qu'il y avait trois shaaks bien dodus à rattraper. Il se demandait déjà comment les deux Padawans allaient faire pour ramener sans heurts ces animaux dans leur enclos. Il avait certes la main verte, mais les connaissances qu'il avait dans ce domaine étaient loin d'être les mêmes quant aux animaux, quels qu'ils soient. Allait-il falloir les amadouer ou simplement les attraper ? Il espérait, bien qu'il ne pipa mot à ce sujet, que le Padawan Lucina ait davantage potassé ce genre de sujets que lui. Il se demandait, d'ailleurs, qui était cette Padawan qu'il n'avait encore jamais rencontré. Il ne connaissait que peu d'autres Padawan, par ailleurs, ce n'était donc pas si surprenant qu'il ne la connût pas. Il était néanmoins curieux de savoir de qui elle était l'élève et ce à quoi elle se voulait une fois promue au rang de chevalier. Etait-ce une future gardienne ou une consulaire, à l'instar du Kel Dor. Yath, tout en gardant son regard rivé sur les traces des animaux, ne put s'empêcher de laisser parler sa naturelle curiosité.

"Il ne me semble vous avoir déjà vu au temple, Lucina, déclara le Padawan qui se demandait si elle était nouvelle sur Ondéron. Qui est votre maître ?"

La question ne semblait pas subtile, d'autant plus que Yath se serait lui-même retrouvé gêné de devoir répondre à cette question, lui qui était un Padawan sans maître depuis plusieurs semaines. Mais il devinait que le Padawan Harsel n'allait pas se sentir offusqué par la curiosité de son interlocuteur qui, toutefois, pouvait de temps en temps se révéler quelque peu intrusive. Toujours les yeux fixés sur les traces dont les contours s'intensifiaient, trahissant le fait qu'elles se faisaient de plus en plus récentes, son ouïe plus développée que celles des autres (grâce à ses excroissances qui permettait d'amplifier les sons parvenant à ses ouïes) crut discerner un bruissement à peine percetible, même pour lui, au loin. Il ne s'agissait pas des tumultes de la foire qui continuait à se dérouler tranquillement malgré cet incident notable, mais d'autre chose. Une sorte de léger grognement, comme celui d'un animal relativement imposant. Etant donné qu'il ne connaissait pas la ville, il se demandait s'il y avait un parc là d'où il semblait avoir cerné l'origine du son. Mais il pensait, effectivement, que les shaaks, qui étaient d'intarissables herbivores, avaient sans doute décidé d'arrêter leur course dans un endroit avec assez d'herbe pour les nourrir convenablement. Il lui sembla important d'en notifier sa coreligionnaire qui continuait à suivre les traces avec toute la minutie dont elle semblait capable.

"A une vingtaine de mètres d'ici, au nord/nord-est. Il me semble avoir entendu des sortes de bruits d'animaux. Je ne saurais dire si c'est vraiment ce que nous cherchons, mais je pense que cela vaut le coup d'essayer. Continuez de suivre les traces pour l'instant, j'y cours."

Ni une ni deux, il emboîta le pas et joint les actes à la parole, partant devant afin d'en avoir le coeur net. Il était probable que ce ne fut, en fait, rien, mais il était important d'explorer toutes les pistes, furent-elles des traces de sabots ou des bruits étranges. Il ne mit que quelques secondes pour arriver à la source des bruits, et il aperçut alors un jeune boma dans sa cage, à côté de laquelle se reposait un bestiaire qui semblait passablement éméché. Celui-ci remarqua le Jedi et fronça un sourcil, comme pour demander ce que Yath pouvait bien vouloir. Ce dernier leva la main comme pour montrer qu'il s'était fourvoyé et qu'il ne voulait déranger personne, puis revint sur ses pas. Fausse piste. Il retrouve rapidement Lucina et décida de lui faire un bref et rapide rapport.

"Fausse alerte, regretta-t-il. Ce n'était qu'un boma qui gargouillait. Du nouveau pour les traces ?"

Lucina ne manqua pas de souligner, à juste titre, qu'il était possible que les bêtes se soient séparé à un moment ou à un autre, et le fait de suivre une piste n'impliquait pas forcément que c'était la seule. Yath acquiesça silencieusement, comme à son habitude et entreprit de regarder du mieux qu'il pouvait autour de lui afin de voir des signes qui pouvaient l'orienter sur le troupeau de shaaks égarés. Le terrain de la forêt offrait certes moins de visibilité pour les traces de sabot, mais elle permettait d'autres avantages : un shaak ne pouvait décemment pas se frayer un chemin entre les arbres sans en écarter certains d'entre eux et il fallait alors, désormais, faire attention à bien regarder devant soi. La jeune femme, elle, prenait toujours soin de remontrer les traces laissées par les animaux qui les laissèrent quelques minutes auparavant. Yath, qui regardait alors pour d'autres indices, dut bien finir par admettre qu'il n'y connaissait pas grand-chose et que son regard n'était définitivement pas assez aiguisé pour qu'il lui permette de déduire de telles choses. Par ailleurs, masque anti-Ox oblige, il n'était pas en pleine position de ses sens, ce qui pouvait se révéler problématique. Pour le moment, ils devraient se contenter des traces de pas, ce qui n'était pas si mal étant données les circonstances : la forêt ondéronienne, même extrêmement proche de la cité d'Iziz, pouvait receler certains dangers qui ne feraient qu'une seule bouchée des shaaks égarés. Il était donc urgent que les deux Padawan les trouvent incessamment afin d'éviter un sinistre sort à l'un d'entre eux.

Alors que les deux Padawan progressaient lentement mais prudemment dans la forêt, Yath espérait que rien n'était venu troubler la tranquillité relative de la foire pendant leur absence. Si tel avait été le cas, lui et Lucina allaient probablement au-devant de gros ennuis, surtout si maître Marja venait à en prendre connaissance. Elle était connue pour son intransigeance, fût-ce envers les chevaliers ou envers les Padawan, et il lui arrivait souvent d'être aussi peu magnanime que les ennemis qu'elle engageait sur les champs de bataille galactiques. Yath, s'il admirait une telle force de caractère qui lui faisait souvent défaut et s'il admirait d'autant plus le courage de la fine fleur de Carratos, connue à la fois pour sa grande maîtrise du sabre et de la Force, avouait rarement et à demi-mot que la vieille femme lui faisait un peu peur. Un restant de son enfance en tant qu'initié où il lui était arrivé quelques fois de rencontrer la maîtresse Jedi pendant certains cours pendant lesquels elle exigeait le meilleur de celles et ceux qui y participaient. Il avait d'ailleurs en partie accepté cette mission pour se faire bien voir d'elle et éviter un futur courroux de sa part. L'autre partie, évidemment, c'était pour donner un coup de main, même si la mission en elle-même n'avait rien de foncièrement glorieux. La preuve : lui et sa coreligionnaire devaient crapahuter dans des bois pour retrouver des grosses bêtes dociles et pas dangereuses pour un crédit...

"Il y en a un pas loin."

Le bruit qu'il avait entendu l'avait libéré de ses rêveries. Le bruit était proche mais suffisamment bas pour qu'il soit difficile à capter, même avec des excroissances qui permettait une ouïe améliorée par rapport à celles des humains et des proche-humains. Il leva une main en l'air pour que Lucina arrête de bouger et qu'il puisse se concentrer afin de déterminer si, d'une part, c'était bien un shaak et, d'autre part, où était précisément cet éventuel shaak. Un bref silence s'installa alors que le Kel Dor avait fermé les yeux pour se concentrer, puis il entendit à nouveau le son qui l'intéressait. Une sorte de meuglement qui, si le Padawan n'était pas familier des animaux en général, semblait bel et bien provenir d'un des shaaks que les deux Jedi recherchaient depuis plusieurs minutes. Il rouvrit les yeux dissimulés derrière ses protections oculaires et regarda sa compagne d'infortune. Il opina du chef afin de lui signifier que c'était bel et bien ce qu'il avait pensé que c'était.

"Je sais peu de choses sur ces bêtes, si ce n'est qu'elles sont dociles mais facilement impressionnables, conclut Yath en baissant le volume de sa voix, par réflexe. Il vaut mieux éviter les gestes brusques et les bruits forts en leur présence."

S'il avait donné ce conseil avec toute la bonne volonté du monde, il remarqua presque immédiatement qu'il était inutile de donner ce genre de conseils à quelqu'un qui devait pertinemment savoir ce genre de choses. Il espérait, intérieurement, que Lucina ne pense pas que Yath la prenait pour une idiote : c'était simplement son manque de maîtrise du social qui refaisait surface ce faisant. Il ouvrit alors la marche pour une fois afin de se diriger vers la source des meuglements.

Yath considérait les tenants et les aboutissants. Si les deux Padawan, malgré leur bonne volonté, se jetaient sur le shaak en espérant l'attraper, ils allaient au devenant d'une grande déconvenue. La bête, qui était pourtant décile, finirait par paniquer et prendre la fuite, risquant de piétiner un des apprentis dans sa chevauchée. Il fallait donc tenter de l'amadouer ou, en tout cas, l'approcher sans lui faire peur. Malheureusement, Yath n'avait pas pensé à s'emparer de quelque fourrage qui aurait permis d'entrer dans les bonnes grâces de l'animal traqué avant de partir des lieux de la fête. Et si la Force permettait de calmer voire contrôler les animaux, c'était bel et bien un pouvoir que le Kel Dor ne maîtrisait absolument pas. Il allait donc falloir utiliser la bonne vieille méthode certes éprouvée mais risquée : s'approcher doucement, respirer lentement, une ou deux caresses derrière l'oreille et essayer de prendre l'animal avec soi. Il leva les yeux vers sa coreligionnaire.

"Bien, opina le Kel Dor qui s'était décidé à prendre les devants. Je vais prendre quelques herbes, m'approcher doucement de la bête et essayer de l'amadouer. Si elle panique ou si elle s'excite... Et bien on verra plus tard. Je pense qu'il vaut mieux que j'y aille seul, histoire de ne pas exciter la bête."

Il semblait clair qu'il ne s'agissait pas d'un superbe plan, et il fallait mettre cela sur le compte de l'inexpérience. Décidément, Yath avait mille fois plus de connaissances sur les plantes et les herbacées que sur les animaux, et il espérait simplement que le fait que les shaaks enfuis étaient des animaux d'élevage n'allait pas compliquer leur tâche. Il se leva et récolta quelques herbes grasses qu'il allait offrir à l'animal histoire d'entrer dans ses bonnes grâces. Puis, déterminé, il commença à approcha de la source des bruits entendus et il aperçut finalement le shaak broutant docilement et calmement quelques herbes. Son intuition avait heureusement été juste. Il fit un signe de tête à Lucina, lui montrant qu'il allait progresser seul depuis ce point afin de ne pas risquer d'effrayer l'animal puis il commença à marcher calmement, le plus doucement possible. Il ne voulait pas que leurs efforts pour retrouver l'un des shaaks soient mis à l'eau par son imprudence. Le shaak, d'ailleurs, ne tarda pas à prendre conscience du Kel Dor en relevant la tête de son menu festin. Yath baissa la tête et se recroquevilla légèrement comme pour réduire sa taille afin de montrer qu'il ne constituait pas un quelconque danger. Très rapidement, il se retrouva proche du shaak qui n'avait pas bougé mais qui avait été directement intéressé par les quelques herbes que le Padawan tenait dans sa main droite. Là encore, il avait vu juste en pensant que ces animaux pensaient avant tout avec leurs estomacs. Il tendit ladite main que le shaak renifla quelques instants avant de gentiment brouter les herbes que le Kel Dor avait offertes. Ce dernier décida alors de gratter derrière l'une des oreilles de l'animal, ce que ce dernier sembla apprécier.

"Oh oui, c'est un bon monsieur shaak, ça..."

C'est alors qu'il remarqua que le shaak portait une bride certainement posée par l'éleveur à qui la bête appartenait. C'était une chance étant donné que sans elle, il aurait certainement tenter de monter la bête, ce qui était autrement plus difficile que de l'approcher pour lui donner à manger. Calmement, il s'empara de la bride et fit un signe à Lucina qu'elle pouvait approcher si celle-ci ne courait pas. Puis il baissa le bras et reprit de plus belle ses gratouilles que la bête semblait apprécier puisqu'elle frottait sa propre tête sur le bras du Kel Dor qui, même si le moment ne se prêtait pas forcément à ce genre d'instants, se prenait déjà d'affection pour la bête. C'est alors qu'il pensait à son destin en tant que bête d'élevage. Il tâcha de secouer la tête pour chasser ces pensées : ce n'était pas le moment et il fallait bien rendre ces animaux, après tout.

"Déjà un, déclara le Kel Dor satisfait de sa performance. L'autre ne doit certainement ne pas être très loin, et le fait que nous ayons son copain devrait nous aider à ne pas le paniquer."

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