Korgan Kessel
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Mains rivées sur les commandes, la mine grave, le Général Mishido entame la procédure d’approche. Sa mâchoire tendue, dents qui grincent, me laisse imaginer les saloperies qui lui traversent le crâne. Depuis le départ d’Iziz, c’est silence total. Pas un mot, pas même un grognement. Connerie de vie. La galaxie est juste une enfant de salope.  

Par réflexe, je penche la tête, yeux braqués sur l’horizon. Les contours du Temple Jedi émergent déjà des brumes matinales dégueulées par ce trop-plein de végétation qui nous noie de sa masse informe. Ondéron. J’aimerais pas me paumer, ici, au milieu de ces jungles où de foutues prédateurs rodent. Malgré l’imposante Iziz, à moins d’un kilomètre dans notre dos, les environs demeurent peu sûr. Quelle idée d’aller crécher sur un monde aussi merdique aussi… Sérieux, y’a tellement de planètes paradisiaques… A croire que les habitants de ce coin paumé de la galaxie sont de vrais masochistes.  

M’enfin, j’suis pas là pour philosopher sur la mentalité des pecnos du coin. Non. Une tout autre affaire me trotte en tête, me broie la cervelle à m’en filer des migraines. Je cligne des yeux, un peu perdu, le visage scotché en une mine constipée alors que je repense aux dernières 24h, probablement les plus chelou de toute mon existence. Pourtant des saloperies : j’en ai vu, j’en ai fait même. Mais là… Ça dépasse tout.

« T’as vraiment pas intérêt à déconner Kessel. »

La voix du vieux général bedonnant est aussi tranchante que mon couteau de combat… Et tout aussi mortelle. J’ose une réponse évasive, parce que merde : j’ai tout sauf envie de tailler le bout de gras, surtout pas s’il commence comme ça !

« Tu me connais… »

Mais l’autre, réagit du tac-o-tac, l’agacement manque de lui arracher les poils de la moustache qui frétillent au flot de ses paroles balancées à un rythme effréné :

« Oui je te connais ! Je te connais même trop bien ! Bordel ! Tu ne sais même pas tout ce que j’ai dû faire pour t’obtenir cette autorisation d’approcher les Archives Jedi ! Tu crois quoi ?! Qu’on rentre ici comme dans un moulin ? Ça pourrait me coûter ma place à l’état-major inter-armée ! T’y a pensé à ça hein ? Non ! Bien-sur que non. Tu penses qu’à ta gueule ! T’as pas changé avec les années hein… »

La colère me monte aux narines. Mes poings se crispent. J’ai qu’une envie : lui en balancer un dans sa petite gueule de gradé ! L’enculé ! Il se prend pour qui ?! Putain ! Mais au moins une raison pratique m’empêche de lui en décalquer une : ça serait quand même con d’assommer le type aux commandes, alors qu’on survole la jungle à cents cinquante mètres d’altitude. Très con même. J’ai jamais brillé par mon intelligence, mais quand même des limites… Alors je mange, en silence. Si je l’ouvre ça va partir en live. Et puis, de toute manière, j’ai pas la tête pour une joute verbale endiablée. Dans le fond il n’a pas tort.

Mishido. Promu l’année dernière au rang de Général, en charge de l’Etat-Major inter-armée, basé sur Ondéron, qui coordonne les actions des Jedi et celles des Forces Armées Républicaines. On peut pas dire que c’est une franche réussite hein…. Mais bon. Vu le contexte : les Sith, tout ça, faut bien que toute cette belle brochette d’intello idéalistes tente de s’organiser… Bref. J’ai servi sous les ordres de Mishido une paire d’années, dans les Forces Spéciales, avant que le projet « Typhon » ne soit validé par les big boss de l’armée. On peut dire que je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, même si je lui ai sauvé la peau sur Artorias. C’est surement pour payer cette vieille dette qu’il a accédé à ma demande… Ouais, j’imagine que je dois pas être le genre de type facile à gérer. Mais bon, c’est comme ça. J’avais pas changé pour faire plaisir à quelques vieux cons.

« Et tu veux toujours pas me dire pourquoi tu veux consulter ces archives, hein ? »
« C’est personnel... »
« Personnel ? Va te faire foutre Kessel… »


Et voilà qu’il recommence. Seconde couche. Faut croire que tout était coincé quelque part dans sa gorge, et qu’une fois que ça commence à sortir, tout y passe… Je prends mon mal en patience. Mes mains tremblent. Je sue abondement. L’atmosphère est particulièrement lourde dans l’habitable fermé du speeder militaire. Une putain de boule me vrille les tripes à mesure que nous approchons de l’énorme carcasse bardée de tours qu’est de foutu temple Jedi.

« Tu sais, même si t’es plus sous mon commandement, j’ai gardé un œil sur toi, sur les Typhons. J’ai appuyé votre projet à Deran et toi. Cette idée d’escouade de têtes brûlées ingérables a fait grincer des dents pendant des mois avant qu’un Général ait les couilles de signer la paperasse… Alors ouais, j’me sens responsable…  Je me suis toujours dit que ça finirait par me retomber dessus un jour ou l’autre… »

Cette fois, je l’assassine du regard. J’estime que les Typhons ont fait largement plus que leur part du taff, et ce, sur tous les théâtres d’opération les plus difficiles de ces cinq dernières années. Il doit le sentir… Parce qu’il ferme sa gueule, comme pour méditer sur les bons mots à employer.

« … Et on peut pas dire que ton rapport avec les Jedi soit particulièrement au beau fixe… Chaque fois que t'en croise un, ça fini avec une plainte sur mon bureau... »
« Hein ? Mais j’y peux rien si je tombe à chaque fois sur des énergumènes ! »


Entre la Jedi médoc qui m’a littéralement sauté dessus… La vieille folle d’Hildegarde, l’autre chien de Lune qui parle de ma mère sans aucun respect, Karm qui se balade en slip, Luke le pédé aveugle qui m'a cassé les couilles…  

« Y’a Jez… Jesaëlle… Elle… »
« Elle a été mise à pied pour sanctions disciplinaires. J'ai moi-même signé le document, ne l'oublie pas. Tu parles d’un bon exemple… »


Ouais. C’est pas faux. Avec un poil de recul on pourrait même croire que les Jedi et moi c’est pas franchement le grand amour. Mais bon. En vrai : j’ai rien contre eux… C’est juste que… Bah la communication ne passe pas toujours très bien. Et Jez, je la kiff comme une petite sœur, même si faut avouer qu'elle en tient une sacrée couche !

« Ces… énergumènes, comme tu dis, il va y en avoir des centaines dans le Temple. Alors t’as vraiment intérêt à rester calme. A tenir ta langue, et à filer droit. Sinon, Kessel, j’te jure que tu vas passer le reste de ta vie dans un trou, à l’autre bout de la galaxie… »

Ouais, ouais… Avec le temps, faut croire que j’ai vraiment développé cette image de type instable, incapable de suivre des ordres… Et c’est pas le Sergent Zerath Ular'Iim qui irait le contredire.

« Ok. On arrive. Tu vois la grande arche là ? C’est l’entrée. Je te pose devant, je me casse aussi sec. Un Jedi t’attendra sur place. Tu l’écoutes, tu lui obéis… Et quand t’as fini tu me rappelle pour que je revienne… Et si jamais c’est le Temple qui m’appelle pour… »
« Ouais, ça va, j’ai pigé putain !  C’est bon ! »


Grognement, silence. Les répulseurs bourdonnent de plus belle alors que la descente s’amorce. Les contours du temple sont littéralement bouffés par la végétation, exceptée aux alentours de l’impressionnante arche de pierre, entrée du Temple, ou le sol dallé entrave la pousse des plantes invasives. D’ici, ça ressemble à un mix étrange entre une base militaire, une académie et un campus. L’architecture, au global, me laisse perplexe. A vrai dire je m’en branle les couilles.

Le speeder se pose. Les portes sifflent en s’ouvrant. Je descends, opère un volte-face maladroit. Nos regards se croient, intenses. Je lâche un :

« Merci, général… Merci pour tout. »

Mes mots sonnent comme un adieu. J’me sens comme un porc aux portes de l’abattoir. L’autre ouvre la bouche, hésite, se ravise, puis finalement me répond :

« Ca va aller Kessel, t’en a vu d’autres… Je ne sais toujours pas ce qui t’amène ici, mais ça doit être suffisamment grave pour que… Bordel, je ne t’avais jamais vu mettre un costume ! Un costume ! Ça mériterait une photo ! »

Je baisse les yeux sur le costard bleu marine tout neuf. Pantalon, veste, chemise blanche. Pas de cravate, faut pas déconner. Le tout acheté au rabais sur l’holonet pour l’occasion. Je grimace, peste à demi-mot. J’ai l’impression d’être engoncé dans une liane étrangleuse. Le col me gratte, me file des irritations. A chaque mouvement, je crois entendre les coutures craquer. C’est tout juste si mes biceps passent dans les manches… Et j’ai pas été fichu de refermer le dernier bouton sur mes pectoraux. Putain, je ressemble à un pingouin écrasé par une moto-neige.  

« T’avais dit que je devais être présentable… »
« Oui, c’est ce que j’ai dit… Je m’attendais à ce que tu te rases… Là, t’es encore plus flippant qu’en armure de combat… »


Il explose de rire, puis referme la portière et se tire. Je grogne, la face barrée d’un sourire amusé. Quel enfoiré… Haha. Mais je recouvre aussitôt un sérieux morbide. Dans la poche intérieure de ma veste, le poids de la lettre se fait un peu plus lourd. Rien que d’y penser, j’ai envie de me tirer, quitte à traverser cette foutue jungle pour revenir à Iziz à pied… Mais, moi, j’suis pas du genre à me débiner devant mes responsabilités. J’suis pas un lâche… Et j’ai une sacrée paire de couilles… Enfin, pour ce qu’il en reste depuis Gravelex Med… Mais ceci est une autre histoire.

Je me retourne… Et tombe nez à nez avec une silhouette en bure. Je me fige. Le type, un Kel Dor, est si hideux que je ne sais plus où poser le regard. Surtout qu’il porte un masque qui dissimule entièrement ses yeux. Putain, je déteste ça. Comme ces types qui portent en permanence des lunettes de soleils. Raaah. Si seulement j’avais le droit de mettre plus de baffes.

Direct, par réflexe, j’exécute un salut militaire tout ce qu’il y a de plus réglementaire. Tranche de la main posée sur le front, droit comme une bite un soir de baise, les fesses serrés. Je sens les coutures hurler de douleur sous mon aisselle… Mais les ignore :

« Caporal-Chef Kessel ! J’ai viens pour accéder aux archives Jedi ! »

Ma voix trahit mon sentiment d’être à un endroit où je ne devrais pas être… J’sais même pas comment je dois appeler le Jedi. Monsieur, Maitre, Jedi, Mocheté… Je tends rapidement la main, geste amical pour lui serrer la pince :

« J’imagine que vous devez être ma nounou… Je… heu… Enchanté heu… M’sieur ? »

Putain, j’ai soudain un énorme doute sur son genre. Je connais rien aux Kel Dor… Et ce foutu masque dissimule presque entièrement son visage. Bordel. J’espère que c’est bien un mec. Sinon, je vais encore passer pour un con… Fait chier. Entre ceux dont on ne sait le sexe, ceux qui ressemblent à des gonzesses (hein Karm), et ceux qui sont carrément pédés (hein Luke)… Merde quoi. Bref, je lâche un sourire crispé, révélant cette dentition mainte fois refaite...

Putain, que j'ai l'air d'un abruti congénital. En costard en plus. Le pire : c'est que j'ai oublié de me raser... Paye ta dégaine.
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Si Yath avait prévu que sa journée soit placée sous le signe de la méditation et de l'étude silencieuse de la Force, maître Tendra Deenia en avait décidé autrement. Ce dernier avait alpagué le jeune Padawan tandis que celui-ci se baladait, comme il le faisait très souvent, entre les imposantes rangées de la bibliothèque du temple. Sans même un petit bonjour et visiblement pressé par des évènements indépendants de sa volonté, le très réputé et honorable historien Jedi avait signifié au Kel Dor qu'il devait normalement accueillir un soldat de la République qui avait acquis le droit, la Force seule sait comment, à consulter des archives normalement réservées aux seuls chevaliers et maîtres. Toutefois, ces fameux évènements sur lesquels il n'avait aucun contrôle l'obligeaient à se rendre ailleurs, loin. Sans que Yath Von ne puisse en savoir plus, il reçut la consigne d'accueillir et d'escorter ce fameux soldat et de l'aider à accéder aux informations qu'il désirait. Bien que le jeune Kel Dor avait envie de faire autre chose, il ne put qu'accepter humblement la requête de son aîné et se résigner, une fois pour toutes, au fait qu'il allait devoir dépenser le temps de sa matinée à autre chose qu'au calme de la méditation. Quel dommage, lui qui comptait profiter de son court temps libre pour arroser les plantes des jardins... Il ne devait pourtant pas tant s'en plaindre : maître Deenia lui avait confié une tâche importante et il se sentait quelque peu honoré de cette tâche qui, malgré tout, semblait assez mondaine.

Il devait rencontrer le fameux soldat, un certain Kessel, sur la baie d'atterissage à l'entrée du temple qui se situait à l'extrême opposé de l'endroit où reposait la bilbiothèque et les archives. Il reprit donc la bure qu'il avait accroché sur un des sièges de ladite bibliothèque et l'enfila avant de quitter les yeux et de traverser les longs couloirs de l'académie. Sur le chemin, il croisa quelques chevaliers à qui il adressa ses plus respectueuses salutations. La navette du caporal Kessel n'allait pas tarder à arriver, c'est pour cette raison que Yath Von pressa légèrement le pas. Il allait être plus ou moins l'ambassadeur de l'Ordre Jedi auprès d'un soldat de la République, il était donc important qu'il fasse une bonne première impression en dépit de sa mine... de Kel Dor. Et la première bonne impression passait d'abord sur le fait d'être ponctuel. Alors que l'arche à l'entrée du temple se révéla à la vue du Padawan, la navette qu'il semblait devoir attendre amorçait sa descente. Il n'allait pas être en retard. Il s'avança donc vers la navette dont l'une des portières s'ouvrit.

Un homme imposant en sortit presque directement. Celui-ci semblait tellement engoncé dans son costume bon marché qu'il trahissait le fait qu'il n'était pas habitué à porter ce genre de vêtements. Difficile, pourtant, de conclure que le monsieur avait une mine pitoyable. Et même si c'était le cas, il ne semblait pas être le genre de personnes à qui l'on pouvait s'autoriser à le dire. Autant dire que le soldat était une montagne de muscles, avec des mains si larges qu'elles semblait pouvoir compresser un crâne et un visage si carré qu'on pouvait se servir d'une de ses machoîres comme une équerre. Comme les épaules, d'ailleurs. Yath, par ailleurs, décela une certaine lourdeur dans la démarche de l'homme qu'il était semblé accueillir. Le poids des guerres, sans doute. Ou simplement l'habitude de devoir porter une armure de combat qui poussait ceux qui y étaient obligés à faire les mouvements les plus amples possibles pour économiser un maximum d'énergie sur un champ de bataille. En tout cas, le seul moyen encore plus flagrant qu'avait cet homme de signifier à son auditoire qu'il était militaire, c'était de le crier haut et fort. Sans donc hésiter une seule seconde de plus, le Kel Dor s'approcha de son invité.

L'invité en question se retourna et fit face à Yath. Celui-ci s'arrêta net et, sans que Yath ne fut sûr qu'il le voulût, dévisagea le Padawan. Il ne semblait pas habitué à croiser des Kel Dor qui pouvaient, par leurs visages déroutants, causer un court mais palpable malaise. Le Padawan obliqua la tête, comme s'il s'attendait à ce que le soldat se mette à faire une grimace et émettre un râle de dégoût. A vrai dire, c'était le genre de réactions auquel le Kel Dor se frottait le plus souvent, se confrontant de ce fait au sentiment que la plupart des gens développaient quand ils se confrontaient à l'inconnu : le dégoût. Il avait fini par ne plus s'en formaliser et même à plaisanter à ce sujet. De ce fait, il arrivait paradoxalement à davantage laisser ses interlocuteurs se détendre. Preuve supplémentaire que le dit "caporal-chef Kessel" ne connaissait pas grand-chose à la physionomie Kel Dor, il sembla désemparé quand il en vint à lui trouver une civilité. Bien que son masque anti-Ox ne laissait transparaître aucun sentiment et aucun tic nerveux, le Padawan souriait devant la gêne apparente du bidasse qui se présentait à lui, droit comme un "i" et visiblement décalé par rapport à l'endroit où il se trouvait. D'une manière tout aussi protocolaire, Yath baissa la tête en guise de révérence, avant de la relever aussitôt et de serrer la main du soldat. Lui qui devait être décontenancé par la tronche de Kel Dor, il n'allait pas se sentir mieux au contact des étranges pinces du Padawan...

"Bienvenue au temple Jedi d'Ondéron, caporal-chef, déclara le Jedi à travers la voix sortie du synthétiseur situé dans le masque anti-Ox qu'il portait. Je suis le Padawan Yath Von. Maître Tendra Deenia, historien, m'a chargé de vous escorter jusqu'aux archives. Il vous prie de le pardonner pour son absence."

Yath Von s'écarta du chemin comme pour inviter le caporal-chef Kessel à le rejoindre à ses côtés pour qu'ensemble, ils se rendent côte à côte aux archives situées au fond de la bibliothèque du temple. Au geste qu'il faisait en levant la main vers la direction où les deux s'apprêtaient à aller, le Kel Dor joignit la parole.

"Par ici, caporal-chef."

Le Kel Dor ouvrit la marche, rejoint par l'invité de l'Ordre. A peine l'arche de l'entrée du temple franchie, le jeune Padawan tourna la tête vers le soldat qui semblait toujours en quelque sorte fasciné par le visage étrange de Yath. Peut-être que trouver un sujet de conversation serait une bonne solution pour détendre l'atmosphère ?

"Je me permets de supposer que c'est la première fois que vous visitez le temple, devina le Padawan au regard enfoncé derrière ses protections oculaires. J'espère que votre voyage se sera déroulé sans encombres."
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Le type tend la main. Je la lui serre. Avec fermeté, mais jouer aux gros durs. Ses griffes me frôlent le poignet. Sourire crispé. Merde, qu’il est moche. Les Kel Dor, j’en fréquente aucun. Zéro, nada. Faut dire : cest gus sont pas taillés pour le métier des armes, du moins pas les classiques. Bref, du coup, j’ai du mal à piger son état d’esprit, d’autant que son masque respiratoire lui bouffe plus de la moitié de la tronche. Au moins je ne me suis pas trompé sur son sexe…

« Pas de prob. J’vous suis… heu… Padawan Von. »

L’absence du Maitre truc machin, historien, ne me fait ni chaud ni froid. J’ai jamais eu le béguin pour les intello… Ils ont tendance à me taper sur les nerfs, avec leur manière complexe de dire des trucs simples. Moi, les mots de plus de trois syllabes j’évite. Déformation professionnelle. Sur le terrain, sous le feu ennemi, y’a pas le temps de tailler le bout de gras. Tout est direct, utile, dépouillé des futilités de forme et des subtilités de fond. Mais quand même, je me demande si cet enfoiré a envoyé le padawan le plus moche à disposition juste pour marquer le coup : une manière de dire que je suis pas vraiment le bienvenu… De toute façon je ne compte pas m’éterniser.

En bon petit soldat je lui emboite le pas. Qui a dit que j’étais pas fichu de suivre un ordre, de me tenir hein ?! De toute manière j’en mène pas large. Ouais. J’ai les couilles de le dire. Je lève la tête, observe le sommet de l’imposante arche qui dessine l’entrée du Temple… J’sais pas comment le dire, mais il se dégage de ces vieilles pierres blanchies par le soleil implacable d’Ondéron, un truc qui impose le respect. Ici, tu te sens tout petit. Une merde.

Rapidement, son ombre nous dévore. Et avec elle, la fraicheur me caresse ce visage buriné par les années de terrain. Le vent qui s’engouffre sous l’arche emporte avec lui des senteurs exotiques qui invitent au voyage. Ce n’est pas simplement une porte. L’évidence me saute à la gueule comme une horde de morpions. C’est un portail, un portail qui s’ouvre sur un monde hors de l’espace et du temps, où les Jedi évoluent indifférent au reste de la galaxie. Putain de merde, ces cons vont me rendre poète ! D’un revers mental de main, je repousse toutes ces idées stupides. Reste focus Korgan. Bordel, reste focus sur ton objectif. Mais à peine ai-je beuglé cet ordre silencieux, que le Padawan l’ouvre. J’imagine que ça part d’un bon sentiment… Mais, bordel, j’ai jamais été doué avec les gens. Je préfère encore traverser un champ de mines impériales, plutôt que de causer. J’inspire un bon coup… Hésite à lui répondre par un grognement… Mais je repense aux paroles de Mishido… Finalement je lâche :

« Ouais, c’est ma première fois… Et la dernière aussi. »

Ma voix meurt, assassinée froidement par le manque de sujet de conversation qui font la queue dans la zone tampon de mon cerveau dédié aux relations sociales. J’ouvre la gueule pour sortir un truc, histoire de meubler le silence pesant qui s’installe entre nous. Mais rien ne sort. Putain, qu’est-ce que je pourrais dire à un Padawan ? Le type doit pratiquement pas sortir du Temple. Ma main à couper qu’il a jamais vraiment quitté cette putain de planète… Moi, a part parler de bécane et d’armes…

Une volée de marches plus tard, voilà qu’on entre dans le vif du sujet. Les murs sont épais, miraculeusement épargnés par les colonies de mousses qui bouffent pourtant les bâtisses de la banlieue d’Iziz. Ça me rappelle Carida. L’académie militaire. Le nombre d’heures que j’ai passé à récurer le sol, les chiottes et les murs à coup de brosse à dents… Haha, c’était le bon vieux temps. Je me demande si, ici, c’est la même… Mouais. J’y crois pas. J’vois plutôt des punitions du genre : tu méditeras toute la matinée, pendant que tes potes feront mumuse avec leur sabre.

On pénètre dans un couloir dont l’entrée est bardée d’un duo de statues représentant d’illustres Jedi. Illustres pour tout le monde ici, sauf pour moi. Leurs tronches ne me disent rien. Quedal. Je les observe, pourtant… Et j’essaye de m’imaginer, l’espace d’une fraction de seconde, des centaines d’années en arrière. Bien loin de tout le bordel avec causé par l’Empire. Une époque où je me serai grave fait chier.

« J'ai juste une question… »

Les mots sortent de ma gueule avant même que j’ai conscience de les prononcer. Ca me le fait souvent. Ouais, j’suis un type d’action : mes muscles sont bien plus vif que mon esprit héhé. Je m’arrête, laisse le temps au Jedi de se retourner, de s’interroger sur cette question qui semble, d’un coup, sacrément vitale. Et elle l’est.

« Les chiottes, c’est par où ? »

Même sans être en mesure de lire ses traits, je devine son étonnement. Pas besoin de maitriser la Force pour ça…

« C’est juste… Que la matinée a été speed… J’ai pas eu le temps de… Le Général Mishido m’a… Enfin bref. Si vous ne voulez pas passer la serpillière derrière moi, faudrait pas trop trainer… »

C’est pas une blague. Clairement pas. Et ce putain de stress ne fait qu’exciter ma vessie déjà soumise à rude épreuve. Plus loin, au bout du couloir, je devine des jardins. Y’a surement des parterres de fleurs, des arbres sur lesquels je pourrais me soulager, faut d’autre option… Mais comme on m’a dit d’être civilisé, je préfère poser la question, poliment. Mon sourire crispé s’étire encore. Plusieurs silhouettes en bure, passant non loin, me dévisagent. J’ai peut-être parlé un peu fort… Surtout que ma voix porte, dans cet espace étroit qu’est le couloir de l’entrée. J’avise plusieurs ouvertures découpées dans la pierre, de part et d’autre. Mais j’ignore ce qui se trouve derrière.  Ici, c’est pas un site touristique : y’a pas des pancartes qui indiquent ou sont les commodités et le coin pick-nick.

Bref. A cet instant précis : l’avenir de mon slip est entre les mains de ce Yath Von, padawan. Putain, qu'il est moche.
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Yath hésita à allonger davantage la conversation. Le caporal-chef Kessel ne semblait effectivement pas disposé à discuter, et le Padawan n'avait pas réellement envie de lui poser quelque souci. Au contraire, il était là pour que le militaire passe le moment le moins difficile possible au temple. Et il était évident qu'il ne souhaitait pas tailler le bout de gras avec l'apprenti Jedi. Lui-même n'était pas nécessairement attaché à l'idée de continuer à débiter paroles sur paroles, mais il avait l'habitude d'accueillir les invités de l'Ordre avec un mélange savant de respect et de badinerie. La plupart du temps, ce mélange produisait l'effet escompté et le Kel Dor était souvent considéré comme un être de bonne compagnie. Mais le militaire était certainement un taiseux pour lequel les conversations longues et innocentes semblaient représenter le comble suprême de l'ennui. Toutefois, Yath Von sembla déceler chez le militaire une volonté de faire, justement, preuve de bonne volonté. Sans doute tenait-il, pour son premier séjour au temple, à faire preuve de courtoisie, courtoisie qui lui faisait vraisemblablement cruellement défaut d'habitude. Le Jedi n'intervint pas dans sa tentative avortée d'engager une quelconque conversation, de peur de froisser son sujet d'une part ; et de le forcer à parler alors qu'il n'en avait aucune envie d'autre part.

Les deux hommes franchissèrent la gigantesque arche située aux abords du temple. Celle-ci posa sur les deux protagonistes un doux ombrage rafraîchissant et bienvenu dans la chaleur moitie d'Ondéron, planète au climat pour le moins tropical. Yath Von leva ses yeux dissimulés sous ses binoculaires opaques pour apprécier la magnificence modeste du temple Jedi qui, s'il adoptait des formes arrondies et artistiques, n'avait pas pour autant de goût pour la grandiloquence. L'architecture du temple était par ailleurs résolument classique et ergonomique, malgré la grandeur et la fonction du bâtiment. Le Padawan, au cours de ses rares voyages, avait eu la chance de contempler des bâtisses autrement plus tape-à-l'oeil, y compris certaines qui faisaient offices d'enclaves et autres académies pour l'Ordre Jedi. L'exemple le plus criant était sans aucun doute possible celui du temple Jedi de Coruscant, qui fut pendant plusieurs siècles le coeur de l'Ordre avant l'avènement des Guerres Mandaloriennes et de la Purge Jedi. Après que les Sith ont été une première fois vaincus et l'Ordre Jedi rené de ses cendres, celui-ci avait décidé de s'établir sur Ondéron. Un choix curieux quand on savait que la planète et sa principale lune, Dxun, avaient servi de grande forteresse planétaire à un grand Seigneur Sith du nom de Freedon Nadd. D'ailleurs, il semblait au Padawan que le tombeau de l'ancien Seigneur Noir était encore tapi dans la végétation dense et humide de la grande lune. Peut-être était-ce, en définitive, une bonne idée de mettre un lieu de formation pour les Jedi si proche d'un foyer aussi obscur.

Le Padawan ôta son esprit du flot de pensées que celui-ci avait créé en se retournant vers son interlocuteur. Celui-ci semblait indisposé. Peut-être était-ce le voyage qui lui avait retourné la tête ? Ou alors était-ce simplement l'impression qu'il avait de ne pas se sentir à sa place en ces lieux. La réponse était tout autre, puisque le militaire ne tarda pas à demander, avec une élégance rare, l'endroit où se trouvaient les toilettes, laissant penser sans trop de doute qu'il avait une petite pause à faire après son long voyage. Yath fut certainement surpris par la demande plutôt cavalière du caporal-chef, et il aurait pu également être outré s'il n'avait pas été quelque peu amusé par le comportement de celui-ci qui, s'il ne respirait pas forcément l'élégance ou la retenue que l'on pourrait attendre d'un visiteur en ces lieux, était néanmoins rafraîchissante. Nul doute qu'aucun autre Jedi n'aurait osé poser la question de manière aussi décomplexée, et certainement pas avec ces mots-là. Derrière l'imposant masque qu'il portait et qui lui dissimulait une grande partie du visage, le Padawan esquissa un sourire en entendant les maldroites justifications du caporal-chef Kessel et en regardant les jambes de celui-ci se serrer pour éviter que la vessie ne craque davantage.

"Les toilettes sont devant, vous prenez la première à gauche, répondit le Kel Dor. Si vous vous sentez d'humeur bucolique, vous pouvez toujours prendre la première à droite, ajouta-t-il malicieusement."

Yath n'arrivait pas à discerner si la question du militaire était candidement, quoique maladroitement, posée, ou si elle faisait partie d'une sorte de comportement visant à se faire passer pour plus trublion qu'il ne l'était. En tout cas, la réponse du Kel Dor était vraisemblabement faite pour détendre une atmosphère qui manquait indubitablement de légèreté. Il n'avait plus qu'à espérer que le militaire ne crût pas qu'il était sérieux et qu'il se dirigeât effectivement vers les jardins pour se soulager de son long voyage sans relâchement.
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« Heu… non, non... J’ai juste envie de pisser. »

Qu’est-ce qu’il me raconte le Jedi ? Bu quoi ? Coliques ? Merde, ces tarés vont démouler leur cake dans les jardins quand ils ont la chiasse ? Il est sérieux ? Il se fout de ma gueule ? Quoi que. Dans un sens, c’est pas déconnant. Ça fait de l’engrais. Surtout que quand c’est tout mou, c’est plus facile de le mélanger à la terre j’imagine… Quand je disais que j’étais entré dans un autre monde…

Bref. Ma vessie me rappelle soudain que je n’ai guère le temps de jouer aux devinettes. Les directives sont claires. Et si y’a un truc que je sais faire, c’est bien suivre des ordres. Ouais, ou pas héhé. J’avoue que j’aime bien faire les choses à ma façon de temps en temps… Devant, première à droite… hmm. Mon regard, sourcils froncés, file sur l'objectif. Je repère aussitôt une porte fermée. Rien de particulier ne la différencie des autres… Ok.

« Merci. »

Bah ouais, j'suis un type bien élevé, bordel de merde. J’fais un pas, deux pas… Fini par jeter un regard par-dessus mon épaule

« Tu viens pas ? Parce qu’on m’a dit que je devais pas te quitter d’une semelle… Je voudrais pas qu’on est des problèmes tous les deux… »

Je lui décoche un sourire carnassier. Ouais, ok, j’avoue, je me paye un peu sa tête, même si mon envie de pisser est tout sauf fantasmée. Je pose ma grosse paluche sur la porte en bois. Le coté rétro n’est pas pour me déplaire. Je pousse dessus, les gonds pivotent sans le moindre grincement, preuve que les Jedi prennent soin de leur édifice. Une silhouette en bure me frôle. Je me pousse au dernier moment, manquant de lui rentrer dedans. Un type aux mains moites qui disparaît à tout jamais de mon champ de vision. La pièce, rectangulaire, est d’un classique rassurant. Carrelage clair sur les murs, plusieurs cabines dédiées aux gros popos… Ainsi qu’une rangée d’urinoirs, dans le fond, placés avec assez de gout pour éviter aux nouveaux arrivants d’avoir une vue plongeante sur l’office en cours. Je fonce dans leur direction. Y’en a six. Immaculés. Incroyablement propres. On pourrait presque bouffer dedans. La petite pastille colorée dans le siphon renvoie des senteurs qui me rappellent vaguement les plaines fleuries de Corellia. J’inspire un grand coup, je repense à quelques souvenirs agréables tout en ouvrant ma braguette. L’instant d’après, Berny bien entre les doigts, je laisse la nature s’exprimer… Et lâche un râle de soulagement alors que jet tiède frappe la faïence.

« Bordel, ça fait du bien… »

Je balance ces mots avec assez de force pour me faire entendre du Padawan qui m’attend dehors. Je doute qu’il veuille entrer pour causer. D’un coup, d’un seul, cet espère de poids qui reposait autant sur mes épaules que mon moral s’évapore. Merde. J’ai toujours aimé les chiottes. Dit comme ça… Mais c’est vrai bordel : cette pièce représente pour moi un modèle de stabilité, un repère où se fixer. Qu’on soit en territoire ennemi, chez les Jedi, au Sénat, ou même n’importe où : les chiottes c’est toujours la même chose… T’es là, tu pisses, tu chies, et tu te dis que tous les gars qui sont passés là avant toi, et qui passeront après toi feront la même chose, quel que soit leur rang, leur statut, leur fortune, leurs ambitions. C’est ici, face à nos besoins les plus élémentaires, que tous les êtres galactiques sont égaux. Bordel de merde, j’suis le seul à penser ce genre de chose ou pas ? La question me démange.

En tout cas cette réflexion me déride la cervelle. J’me sens plus à l’aise, un peu plus dans mon élément. Comme si l'appréhension de la première fois, de l'inconnu, se dissolvait lentement, au profit d'un décontraction recouvrée. Les yeux rivés sur le mur devant moi, je reprends :

« Hey, Yath. Yath Von c’est ça ? J’imagine que ça n’a rien à voir avec l’ancienne Chancelière Alyria Von ? Ouais. J’veux pas fair l'enfoiré, mais y’a pas vraiment d’air de famille… Elle, elle était plutôt… Alors que toi… Toi t’as une tête qu’on ne voit pas tous les jours, si tu vois ce que je veux dire… »

Encore une fois, le verbe sort bien plus vite que mon esprit n’assimile les mots. J’me dis : Putain Korgan, ferme ta grande gueule, tu vas dire une connerie, tu vas le vexer, ça va partir en sucette ! Alors j’me tais, une fraction de seconde, et change vite de sujet histoire mieux faire passer la douteuse pilule :

« Moi en tout cas, y’a personne de célèbre dans ma famille. Faut dire, j’ai jamais connu mon paternel… Et ma mère… Bah… Elle était hmm… pute. »

J’trouve pas de mot pour le dire plus de délicatesse. Merde, pourquoi je raconte ma vie comme ça, d’un coup ? j’sais pas, je dirais qu’il se dégage des lieux, des chiottes, du Temple Jedi en général, une sérénité qui pousse à l’ouverture, à l’échange. Ou alors ils ont foutu je ne sais quoi dans cette putain de pastille qui sent trop bon. Sûr qu'ils ont pas le même fournisseur que l'armée. C'est peut-être de la fabrication maison, avec les plantes du jardin où ils font leurs... bref.

« Mais bon, moi j’dis faut pas juger les gens. Gamin, j’ai manqué de rien. Elle faisait ce qu’elle pouvait pour survivre dans les bas-fonds »

Ouais la vie à l’ombre des gratte-ciels de Coruscant n’avait rien de paradisiaque. C’est pour ça que je déteste devoir y revenir. Je préfère tellement passer mes perms sur Corellia, à traverser de long en large le paysage préservé aux commandes d’une grosse cylindrée. Mon esprit divague de plus belle :

« Et j’me dis que c’est grâce à elle si je suis là ou je suis aujourd’hui. Sinon qui sait ou je serai si j'étais pas là ou je suis sensé être maintenant hein ? Ouais. Ca fait cogiter. Un bon petit soldat au service de la République, héhé. Vous devez pas en voir souvent dans le coin, non ?

Y’en a qui aiment pas trop les Jedi dans l’armée. C'est pareil chez vous j'imagine. Faut dire, vous êtes un peu chelou avec tous vos pouvoirs… Mais moi je trouve que les Jedi et les militaires ont pas mal de trucs en commun. On se bat pas pour la thune, les gonzesses, ou l’intérêt personnel. Alors, ouais, y’en a qui disent que la République est corrompue, que nos politiciens sont des salauds. C’est peut-être pas faux… Mais au moins ces cons entretiennent un système qui permet au plus grand nombre de vivre sans se soucier d’autre chose que ses propres miches. Y’en a plein qui oublient que c’est un putain de luxe…  Que des types comme nous morflent pour qu'ils puissent passer une vie pénard à se plaindre de tout et de rien. C'est bien la différence entre un Mercenaire et un Soldat... Du même genre que celle entre un Jedi et un Sith, pour ce que j'en sais... »


Ouais, j’suis troisième dan de philosophe de comptoir. J’sais bien que je ne suis pas un intellectuel, que mes réflexions pourraient faire exploser de rire un type plus malin. Mais moi, j’suis un mec simple. Je le revendique. Je refuse de voir le monde en tortillant du cul pour chier droit, parce qu’au final, ça ne change rien. Y’a de gentils, y’a des méchants. Et je fais confiance aux institutions pour me désigner ceux qui doivent être éliminés. Le reste me dépasse, et je l’accepte. Point barre. Chacun son taff.

Je secoue la dernière goutte, remballe le matos, remonte la braguette, et file me laver les mains. Le robinet crache de l’eau fraiche. Je m’observe quelques instants dans le miroir. Mon visage est marqué, buriné par l’historique de mes missions difficiles. Malgré les multiples chirurgies reconstructives, on devine que j’ai eu le nez et la mâchoire pétés de multiples fois. Mon oreille gauche est artificielle, arrachée par un tir de laser… Ma barbe dégueulasse de trois jours porte les trous des blessures ou la peau a été reconstituée. Merde. Je ressemble vraiment à rien dans ce costard trop petit. L’ultime bouton de la chemise, ouvert, laisse entrevoir la chaîne en inox sur laquelle pend mes plaques d’identification. Les miennes, ainsi que celles de Lewis et Zark, deux Typhons tombés au combat, qui n’avaient plus de famille à qui les remettre. Je les garde sur moi, en souvenir. Putain, je vais réussir à me filer le cafard tout seul ! Qu’est-ce qui m’arrive ?!

Je détourne le regard, tente de tout refouler, et quitte la pièce, pour resauter à pieds joints dans les emmerdes de ma putain de vie, après cette pause salvatrice qui m’a fait du bien au corps, même si le moral, lui, porte soudain un poids inattendu.

Cogiter, c'est définitivement pas mon truc.
Invité
Anonymous
Spoiler:

La blague du Padawan sembla trop subtile pour le militaire dont la vessie semble sur le point de craqueler. A vrai dire, elle lui passa carrément au-dessus de la tête, pour dire les choses simplement. Le Kel Dor eut même peur, sur le coup, qu'il eût pris la chose très sérieusement et qu'il pensât que tous les Jedi allaient se soulager dans les jardins dès que se fît entendre l'appel irrésistible de la nature. De peur d'aggraver la situation et le quiproquo à l'origine de celle-ci, Yath décida de se taire et de se contenter d'accompagner le caporal-chef jusqu'aux lieux d'aisance réservés aux rares invités et aux Jedi trop pressés pour aller jusqu'à leurs propres appartements. Celui-ci s'engouffra là où il devait aller tandis que le Kel Dor, quelque peu décontenancé par la situation absurde qui se déroulait devant lui, décida d'attendre évidemment à l'extérieur et quelque peu éloigné afin de laisser à son interlocuteur la place nécessaire pour se soulager en toute tranquilité. Il adressa d'ailleurs un furtif signe de tête à celui qui sortit des toilettes avant le militaire. Yath fixa le plafond, se demandant s'il allait bien pouvoir tirer quelque chose de tout ce pataquès alors qu'il avait déjà prévu une journée de tranquilité. Pouvait-on bien apprendre quelque chose d'utile avec ce genre de personnes, sincèrement ?

A peine le Padawan eut-il le temps de se poser sérieusement la question qu'il entendit le militaire s'excalmer derrière la porte. Le voyage avait dû lui sembler long et le soulagement qu'il devait ressentir n'en devait être que plus délectable. Yath ne put s'empêcher de se demander si tous les soldats assez recommandables pour qu'on acceptât d'eux qu'ils pénètrent dans un temple Jedi étaient tous aussi subtils les uns que les autres. En tout cas, le soldat semblait avoir du mal, malgré toute sa bonne volonté évidente, à s'en tenir aux protocoles les plus élémentaires. Le Kel Dor ne lui en tenait aucunement rigueur, à vrai dire l'on pouvait considérer la scène comme cocasse et d'une absurdité rafraîchissante, mais il se demandait si cette façon de s'exprimer était un privilège pour un nombre limité de soldats, parmi les meilleurs. Certains militaires n'auraient jamais osé s'exprimer comme il le faisait, de peur de se faire réprimander par un quelconque supérieur hiérarchique. Le Padawan, d'ailleurs, faisait constamment attention à bien respecter ses aînés en adoptant un niveau de langage strictement supérieur à celui que l'on adoptait couramment.

L'affaire que le caporal-chef Kessel était en train de mener ne l'empêcha pas, cependant, d'entamer une conversation avec le Kel Dor qui se situait à côté de la grande porte menant aux toilettes. Une fois qu'il eût fini de parler, Yath ne peut s'empêcher de comprendre qu'il avait à faire à une personne sans véritables inhibitions. S'il avait souvent eu droit à des regards sur son visage et son imposant masque, voire des grimaces, il était rare qu'on lui dise en face (ou plus ou moins en face) qu'il avait un visage assez peu... familier. Korgan Kessel ne s'en gêna pourtant pas, et même si cela avait dû normalement faire réagir le Padawan d'une mauvaise façon, il n'en fut rien. Au contraire, la remarque amusa plus qu'autre chose le jeune apprenti qui comprenait que l'on puisse être désarçonné par un visage si étrange et éloigné de ce que l'on connaissait déjà. Lui-même avait été pour le moins surpris la première fois qu'il avait croisé un visage humain ou qu'il avait contemplé des montrals d'une Togruta. Et c'était sans évoquer certaines espèces qui, au-delà de ne rien avoir d'humanoïde, possédaient des caractéristiques qui, objectivement, pouvaient toujours donner froid dans le dos.

"Et encore, vous ne m'avez pas vu sans le masque, plaisanta le Padawan."

A peine eut-il le temps de répondre que le soldat enchaîna sur son historique familial avec la subtilité qui lui semblait si habituelle qu'elle sortait naturellement. Donc sa mère était une... "pute". Et son père, il ne l'avait vraiment connu. Cela lui faisait un point commun avec le Padawan. En tout cas, du côté du père. Pour ce qui était de la mère, Yath ne l'avait pas connue non plus. Elle aurait tout aussi bien pu être une grande sage Baran Do qu'une tueuse à gages, pour ce qu'il savait sur elle. Le jeune apprenti Kel Dor se demandait bien ce qui poussait le militaire à donner autant d'informations d'une telle façon. Etait-ce sa façon à lui de tuer le temps pendant qu'il soulageait sa vessie ? Peut-être était-ce simplement sa façon d'être en général, auquel cas il ne devait pas avoir une foule d'amis à ses côtés. En tout cas, c'est ce que le Padawan pensait. En tout cas, autant que faire se put, le Jedi ne s'offusqua pas de la crudité des propos de l'invité de l'Ordre. Après tout, se répétait intérieurement le jeune alien, ce n'était certainement pas tous les jours qu'on pouvait tailler cette sorte de bavettes avec cette sorte de personnages.

Yath Von tenta plus ou moins de reprendre le fil de la conversation en prenant la parole à son tour, en vain. A vrai dire, le soldat était assez bavard pour discuter avec lui-même de toute façon. En tout cas, cela arrangeait bien le Padawan qui n'arrivait pas vraiment à trouver les bons mots. Sa timidité couplée au fait que son interlocuteur était pour le moins déconcertant dans son attitude et ses paroles lui ôtaient toute capacité à enchaîner de façon à ce que la discussion soit un tant soit peu fluide. Par ailleurs, le Kel Dor n'arrivait même pas à penser : voilà que le soldat, toujours en train de "parfaire son aisance", commençait à discuter des différences entre les soldats républicains et les Jedi, et des éventuels rares points communs qui pouvaient les rapprocher. Aussi surprenant que cela pouvait paraître, Yath écoutait attentivement ce que le soldat avait à dire sur le sujet : il était rare pour lui d'avoir une façon de voir qui n'appartenait pas à un autre Jedi. Les Jedi eux-même ne pensaient certes pas tous la même chose - le Kel Dor en avait pris conscience à la dure - mais il était intéressant de voir ce qu'une personne qui n'était visiblement pas versée dans les réflexions spirituelles comme l'étaient les Jedi pouvait bien penser : quelle était sa vision sur l'univers, le galaxie, la République ? Le parallèle qu'il pouvait bien faire entre le soi-disant "désintérêt" des soldats pour une cause et celui des Jedi était par ailleurs tout à fait intéressant. Tout comme l'opposition entre soldats et armes à vendre qu'il comparait à celle qu'on pouvait trouver entre les Jedi et les Sith. C'était même drôlement intelligent, aux yeux du Kel Dor, bien qu'incomplet. Les Jedi et les Sith avaient d'autres "pommes de discorde" bien plus profondes que la simple dichotomie altruisme/égoïsme. Mais il comprenait le point de vue du soldat et, pour dire vrai, la trouvait très pertinente. Sans doute trop pertinente. Peut-être avait-il lui même côtoyé des Jedi auparavant pour avoir un point de vue aussi "éclairé" sur la question ?

"C'est donc pour cela que vous vous battez, caporal ? Un idéal ?"

La question semblait anodine. Mais il n'en était rien. Pas aux yeux de Yath, en tout cas. Il savait que cette façon de se battre, par ailleurs noble, était très difficile à observer, même chez les Jedi, même chez lui. Il avait rencontré beaucoup de Jedi, même parmi les plus puissants de l'Ordre, qui ne combattaient que parce qu'ils étaient convaincus que c'était pour cela qu'ils avaient été formés, entraînés, élevés. Certains n'avaient pas réellement de point de vue très développé sur les Sith, alors que le Padawan n'arrivait pas à voir ses proclamés "ennemis jurés" comme des séparatistes d'un même culte, des personnes corrompues au nom d'une même idée malgré tout. Quand il évoquait en présence d'autres Jedi que combattre les Sith était avant tout une question religieuse avant d'être un problème politique, il lui arrivait de se frotter à nombre de commentaires désobligeants soulignant son "ignorance" et sa "naïveté". Le combat millénaire que menaient les Jedi et les Sith entre eux ne fut jamais une histoire militaire. Encore moins une histoire politique. C'était une histoire des idées, avant et par-dessus tout. Et il se demandait bien si le soldat combattait véritablement pour la démocratie, la paix et la liberté, alors que lui-même avait été formé pour obéir à des supérieurs qu'il n'avait jamais élus (l'inverse de la démocratie), pour faire la guerre (l'inverse de la paix) et qu'il devait obéir à tous les ordres, y compris ceux dont il ne voyait pas l'efficacité (l'inverse de la liberté). Peut-être combattait-il seulement parce que c'était ce qui était attendu de lui et que, l'un dans l'autre, c'était la seule chose qu'il savait véritablement faire. Et la question pouvait se poser au Padawan également. Pouvait-on vraiment se proclamer "gardien de la paix" en menant la guerre contre les Sith ? Pouvait-on se porter garant de la "lumière" seulement en combattant l'obscurité ? C'étaient des questions qu'il était important de se poser. Même quand, comme le caporal-chef Kessel, on était un soldat du rang.

Une fois cette longue réflexion terminée, Yath entendit le soldat s'affairer dans les toilettes avant d'en sortir les mains encore humides. Au moins, il s'était lavé les mains. Le Padawan fut néanmoins davantage intéressé par l'immédiatement perceptible expression faussement détendue du personnage qui se présentait devant lui, dans ce costume trop étroit pour ses fortes épaules. Il semblait quelque peu renfermé, tout à coup. Etait-il comme ça à chaque fois qu'il allait aux toilettes ? Si c'était le cas, il devait être un garçon triste. De peur de froisser son interlocuteur, le Padawan ne tenta pas d'obtenir de réponses malgré sa curiosité et se poussa pour laisser le chemin libre pour le caporal-chef.

"Je suppose que vous n'êtes pas venu pour vous soulager. Venez, la bibliothèque n'est pas trop loin."
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