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Pour le Seigneur Tsaw, un séjour sur Dromund Kaas était rarement une source de plaisir, en dépit de la fascination naturelle que ce monde exerçait du fait de sa proximité avec les énergies sombres. Bien que ce fût à la fois un centre d'étude, de réflexions et d'expériences pratiquement sans égal, et le centre névralgique de l'Empire Sith, le Muun préférait raréfier autant que possible ses séjours sur cette planète. La raison en était toute prosaïque : monde orageux et humide, parsemé de marécages et d'océans, Dromund Kaas abritait un climat de type tropical qui ne convenait guère à Tsaw, qui lui préférait largement l'air sec de Korriban ou de Ziost. De plus, les espaces dégagés de ces derniers mondes se prêtaient davantage, selon lui, à la méditation et au recueillement, ils évoquaient bien mieux que la capitale les notions d'infini et d'absolu qui étaient au coeur de la philosophie personnelle du sorcier Sith.

Cependant, le Muun avait bien conscience qu'il ne pouvait pas, au vu des l'explosive situation galactique et des perpétuelles intrigues de palais et complots qui irriguaient la vie politique impériale, se contenter d'une position de moine étranger aux affaires temporelles. Il lui fallait bien y trouver une place, ne serait-ce que pour survivre à terme dans cet univers fait de concurrence et de prédation. Mais également pour faire valoir ses propres opinions sur la nature des Sith, la destinée profonde de leur Empire, et sur les guerres qu'il livrait pour venger l'humiliant exil pluri-séculaire qu'avaient connu les Sith depuis la Guerre de l'Hyperespace.

Il y avait présentement un peu plus de deux ans qu'après un début d'activité au service de l'Empire, sous formes de missions diplomatiques ou de soutien aux opérations militaires dans la zone placée sous la juridiction de la Ligue des Mondes Périphériques (comme tout cela lui semblait loin !), le Seigneur Tsaw était retourné dans une obscurité qui le tenait à l'égard des grands remous qui agitaient la surface de l'Empire. Certains avaient immanquablement pensé qu'après son premier exil dans les profondeurs désolées et mal connues de Korriban, Darth Tsaw, incapable de trouver sa place dans la hiérarchie des Sith, s'en était retourné à ses macérations mystiques, et que l'on n'entendrait plus jamais parler de lui, sinon pour évoquer ponctuellement le destin singulier d'un doctrinaire perdu dans le désert.

Pourtant, il n'en était rien. Tsaw n'avait pas abandonné le service de l'Empire, mais il avait été approché par une organisation officieuse, qui, du fait de ses états de service au temps des premières offensives que les Sith menèrent contre les Jedi, il y avait plus de dix ans, au temps de l'attaque du Temple d'Odéron, puis du combat du Tarkona, avait jugé judicieux de faire appel à ce théoricien. Cette organisme avait pour nom la Table Rouge. Il s'agissait d'un petit cercle, composé à la fois de Sith et d'officiers Impériaux, ou même de civils versés dans la réflexion stratégique, ainsi que d'ingénieurs militaires.

Son objectif était de fournir, d'une façon silencieuse et indirecte, des indications sur l'état des forces politiques et militaires galactiques, des idées innovantes dans les domaines de la tactique et de l'opératique, des synthèses et théories générales sur le plan stratégique, ou même des projets d'armes nouvelles, aux cercles de décision de l'Empire Sith, et, tout naturellement, à sa tête dirigeante. Son existence était récente, et avait été tenue confidentielle autant que possible, pour une raison toute simple : au vu des perpétuelles dissensions, rivalités et affrontements directs et indirects qui étaient le lot quotidien des Sith, l'on avait eu peur que ce cercle de réflexion fût vite infiltré par tel ou tel agent d'un puissant Seigneur ou d'une Dame Noire, dans le but d'en faire une caisse de résonance de leurs propres idées sur la façon de favoriser l'expansion de l'Empire.

Cela aurait constitué le risque de voir la Table Rouge devenir le théâtre d'une lutte d'influences qui devait nécessairement faire fructifier le germe de la division dans les rangs des Sith et dans leurs centres de décision. Or l'Empire en pâtissait déjà bien assez, ainsi que l'Ordre lui-même, dont ç'avait été pour ainsi dire le fonctionnement normal depuis des millénaires. A la Table Rouge, on considérait que l'Empire devait au contraire faire preuve d'une cohésion et d'une unité parfaites, si il voulait garder l'initiative dans son interminable bras-de-fer avec la République. Les récentes victoires Sith, si elles étaient un bon indice de la puissance militaire impériale et de son bon niveau de commandement, ne devaient pas les inciter à se reposer sur leurs acquis. Pour les membres de ce petit cercle, tout restait à faire, et la grande offensive qui devait consacrer la suprématie de l'Empire n'avait pas encore démarré. La tâche que la Table Rouge s'était proposée, en se formant quelques années plus tôt, était de contribuer à l'effort de réflexion et de planification qui devaient  y conduire, et de fournir des balises, repères et projets pour les éventuelles réformes qu'il faudrait accomplir parmi les Sith pour y parvenir.

Tsaw, lorsqu'il avait été contacté un peu plus de deux ans auparavant, n'avait pas été dur à convaincre. Il avait désespéré, depuis son retour, de trouver parmi l'espace Sith des gens avec qui il pourrait s'entendre concernant le destin de l'Empire, et il lui avait semblé qu'il pourrait difficilement trouver un milieu plus favorable à ses idées. S'il parvenait à s'y faire remarquer, cela pourrait constituer un premier élan dans son ascension au sein des Sith. En parallèle de ses ambitions, la volonté de la Table Rouge de se tenir à l'écart des affrontements politiques, querelles intestines et luttes d'influence habituels dans l'Empire correspondait parfaitement  à la propre position du Muun, en partie en raison de son isolement de base dans cet écosystème.

Lorsqu'on apprit la nouvelle de la conquête de Dathomir, l'on avait été, à la Table Rouge, particulièrement attentif à la réputation que s'y était faite un officier impérial du nom d'Ervin Holz. Cet humain, bon soldat, audacieux, avait été un des principaux acteurs de la chute de ce monde républicain, où l'infanterie avait joué un rôle notable. C'était, pour les membres de cet organisme de théoriciens et de prospectivistes, une confirmation de leurs idées selon lesquelles les vaisseaux spatiaux, chasseurs et guerriers Sith ne suffisaient pas à remporter des victoires dans la lutte contre la République Galactique. Ils étaient comme obsédés par les ressources numériques que présentaient les mondes que l'Empire avait conquis depuis leur retour sur scène près de treize ans plut tôt, et par la nécessité pour les Sith de rattraper leur adversaire sur le plan industriel, ainsi que de compenser leur infériorité numérique par la valeur supérieure des combattants "normaux", et, en premier lieu, des fantassins.

La guerre n'était pas qu'une affaire de matériel, de puissance brute : l'habileté tactique, le courage, la résilience, l'audace stratégique, la qualité du commandement, étaient, pour la Table Rouge, et pour Tsaw, les facteurs-clés de la victoire. Le Muun avait souhaité en savoir plus sur la façon dont celui qui était désormais le Lieutenant-colonel Holz, s'y était pris pour remporter cette victoire si brillante sur les forces républicaines. Avec l'accord de ses collègues, il avait convenu qu'une entrevue serait proposée au brillant militaire, dans les locaux de la Table Rouge, situés en périphérie de la ville-capitale, dans les hauteurs boisées qui surplombaient l'énorme tapis d'immeubles et de bâtisses en duracier, mer urbaine où se pressaient les sujets de la nouvelle Impératrice.

La salle dans laquelle la rencontre était prévue était située au deuxième étage du complexe. De proportions modestes, ni imposantes ni intimistes, elle accueillait d'ordinaire certaines réunions facultatives de la Table Rouge, des sortes de compléments détendus et cordiaux aux grandes séances de l'organisation. De larges fenêtres en forme de hublot illuminaient l'espace autant que c'était possible avec la lumière sombre de Dromund Kaas, et des tentures pourpres s'étalaient sur les murs de la salle au plafond voûté, dont le sol était recouvert par un tapis mauve dont le style discret et élégant rappelait celui des tapisseries d'Alderaan.
Derrière la table où s'était installé le Seigneur Tsaw, une cheminée, dans une alcôve, réchauffait la pièce et en brisait le silence par son crépitement doux. Quelques dossiers étalés devant lui, un coude appuyé sur la table dans une posture un rien nonchalante et se massant la tempe gauche, le Sith récapitulait les éléments principaux qui devaient animer la conversation qui allait bientôt se livrer entre lui et Ervin Holz.

Perdu dans ses réflexions, il ne fit pas attention à l'arrivée du droïde protocolaire, qui vint à lui de son pas lent et feutré. Quelques secondes passèrent. "Votre excellence ?" Levant la tête en sourcillant, le Muun fixa la machine. "Que veux-tu ? Tu as des nouvelles ?" "Nous venons d'apprendre que la navette transportant le Lieutenant-Colonel Holz est en approche. Il devrait parvenir à la plate-forme dans moins de dix minutes." "Très bien", fit le Sith d'un ton froid et posé en hochant la tête. "Dans ce cas, va l'attendre là bas. Tu le conduiras jusqu'ici. Avant d'y aller, fais préparer les rafraîchissements, et amène-les. Et envoie aussi quelqu'un raviver ce feu." "Oui, Mon Seigneur. Je m'en occupe tout de suite."

Pendant que le droïde s'éloignait, Tsaw joignit les mains, les index réunis sur ses lèvres. Avec un sourire vague, il songeait à l'opportunité que pourrait représenter son entretien avec l'officier impérial, pour se faire encore mieux entendre à la Table Rouge, et, éventuellement, pour faire porter à terme sa voix parmi les Sith les plus importants. L'enjeu de cette entrevue ne serait pas que militaire.
Ervin Holz
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La navette venait d’atterrir sur l'une des plate-formes extérieures de la structure. Holz descendit la rampe sans dire un mot. Il fut accueilli par un majordome monotone qu'il dévisagea avec une expression ennuyée tandis que le droïde lui versait son protocole de bienvenue avant de le prier de le suivre.

En parcourant les couloirs modestes mais raffinés des locaux de cette étonnante organisation qui l'avait contacté, l’officier continuait de se demander ce qu'il allait bien pouvoir dire à ce Seigneur Sith qui le prenait pour un brillant stratège. Lui qui avait été sur le terrain à Dathomir savait qu'il n'en était rien. Les leaders républicains avaient été étrangement incompétents et leur armée avait tardé à venir défendre la meute d'indigènes que son bataillon avait affronté. Holz n'avait jamais été un tacticien ou un stratège notoire, c'était un officier spécialisé dans la lutte anti-guérilla. Il était un détective, un traqueur, un chasseur qui usait toujours des mêmes techniques pour parvenir à ses fin. Il ne restait plus qu'à espérer qu'elles plaisent à celui qui l'avait convoqué.

Comme à ses habitudes, il s'était renseigné sur son interlocuteur. Adin Sekoth, que l'on appelait plus communément Darth Tsaw, était un érudit de l'Ordre Sith qui semblait davantage plongé dans ses manuscrits que dans le maniement du sabrolaser. Holz savait qu'il fallait se méfier bien plus de cette race de Sith qu'étaient les éminents sorciers de l'Ordre, qui comptaient les plus intelligents éléments de cette bande de fanatique. Le drôle était sans doute plus futé que lui, raison pour laquelle il était inutile d'essayer de mentir ou d'inventer des histoires pour se tirer d'affaire. Il espérait simplement que ce Muun n'était pas versé dans les caresses de sabots de nerfs et ne serait pas choqué par les méthodes qu'il comptait lui exposer pour combattre les républicains et l'Ordre Jedi.

Pour cette entrevue, il portait sa tenue de fonction de lieutenant-colonel composée d'un pantalon de soie noire et d'une veste de la même couleur frappée d'insignes divers.
Le droïde de protocole venait de faire halte devant une porte. La machine échangea quelques mots dans l'interphone avec un interlocuteur invisible, puis au bout d'un moment, une entrée se scinda en deux parties égales dans un bruit de dépressurisation. Holz pénétra dans la salle en traversant le maigre nuage de vapeur qui s'était formé. Face à lui se trouvait un intriguant individu longiligne qu'il identifia sans douter comme le Seigneur Tsaw. Il s'arrêta à bonne distance du Sith et coinça sa casquette visière sous son aisselle. Ses bottes de cuir claquèrent.

— Lieutenant-colonel Holz au rapport, mon Seigneur. » dit-il simplement sur un ton calme aux allures martial.
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