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Encore étendue sur la modeste couchette, Oosha fixait le plafond naturel. Cela faisait bien des minutes déjà qu'elle s'était éveillée d'un sommeil visiblement sans rêves. Les précédentes nuits s'étaient avérées être emplies d'anciennes chimères dont elle peinait à se défaire. Cette nuit, ces dernières s'étaient tues, offrant un doux répit ô combien bienvenu. C'était dans un piteux état qu'elle était arrivée en ces lieux singuliers, physiquement affaiblie, un tantinet déboussolée. Ses longs mois d'errance avaient pris fin, un nouveau tournant s'engageait en ces lieux.

Elle avait durant des nuits rêvé d'Onaka qui la traquait, de Travis qui la lynchait. Le premier était décédé. Quant au second, il ne l'avait pas cherché durant ces deux années. Du moins était-ce sur cette base que la jeune femme s'était construite sa nouvelle réalité. A présent un nouvel individu était entré dans la danse chaotique de son existence trouble. Oosha peinait encore à croire à cette rencontre. C'était comme s'il avait en lui les réponses à toutes les questions qu'elle se posait. Sur l'Existence, sur la Force, sur les Siths.

Les siths... En le suivant elle avait accepté de rejoindre cet ordre obscur. Il en était l'un des seigneurs et par les choix qu'elle avait effectués durant ces longs mois de solitude, elle avait commencé à s'y engager également. Oosha tourna lentement la tête, dirigea son regard vers son sabre laser. L'instinct pensait-elle, l'avait conduit à réussir à se construire une nouvelle lame avec un cristal rouge. A moins qu'il ne s'agissait là de l’œuvre du destin? L'apprentie se mit en tête d'en parler à son nouveau maître.

Perturbée à l'idée d'être victime de son existence, la jeune twi'lek voulait se persuader qu'elle n'était l'esclave de rien ni de personne, encore moins de la Force. Pourtant, les enseignements qu'elle avait reçus jusque là semblaient indiquer le sens contraire. Cependant ne pouvait-on pas consentir à rejoindre un sith de façon délibérée?

La jeune apprentie se redressa, chassa son trouble. Il fallait qu'elle se prépare. Rien ne devait mettre à mal cette première journée. Encore moins un retard. Pourtant, les pensées revenaient tel un courant violent tandis qu'elle tentait de les chasser de son esprit.

***

Elle avait traqué sa proie, pisté, suivie jusqu'à une impasse suffisamment déserte et tranquille pour lui tendre un de ces pièges dont elle avait pris l'habitude. La cible avait de l'argent et Oosha avait besoin de se nourrir. Une raison qui lui était apparue largement suffisante pour mettre fin aux jours d'un individu. Ce devait être elle ou l'autre et Oosha n'était pas décidée à mourir ce soir là. Encore moins de faim. La jeune femme commis une erreur et la cible se faisant plus lente à s'éteindre, cria, attirant l'attention de deux gaillards. Des mauvais gars, bien décidés à prendre le butin de la twi'lek et si cela était possible, s'occuper d'elle de différentes manières. Oosha ne se laissa pas faire, dégaina son sabre. Le combat fut plus long qu'elle ne l'avait imaginé et si elle finit par avoir définitivement le dessus, elle en ressorti épuisée.

Ce fut alors qu'elle vit cette silhouette qui semblait la fixer, sans bouger. Elle n'aurait su dire depuis combien de temps cette dernière se trouvait dans les parages, cependant elle éteignit son sabre machinalement, réalisant malgré tout qu'il était déjà bien tard pour dissimuler quoi que ce fut. Une aura étrange se dégageait de l'être qui lui faisait face. Oosha trop exténuée pour enclencher un nouveau combat, chercha à gagner du temps, afin de trouver une échappatoire dans cette voie pourtant sans issue...

"Qui êtes-vous?"

***

Des éclaboussures d'eau la ramenèrent dans le présent. Elle était sur Korriban, dans le berceau de l'ordre sith et peinait à y croire. Malgré l'endroit isolé, complexe creusé dans la montagne, son mentor lui avait dit qu'ils se trouvaient proches de l'académie. Néanmoins ce dernier avait souhaité laisser sa jeune apprentie à l'écart et Oosha lui en était reconnaissante. Elle ne voulait pas être mêlée pour le moment à ses pairs. Les relations sociales n'étaient pas son fort et, si elle ne semblait pas regretter son choix d'avoir suivi Darth Tsaw, elle ne se sentait pas encore vraiment sith. Un cocktail qui, semblait-il, pouvait s'avérer potentiellement explosif.

Elle se dirigea vers ses affaires, vêtit rapidement pantalon et tunique sombres, chercha un instant ses bottes, bazardées dans un coin de la cellule qu'elle enfila ensuite avant d'attraper son sabre. D'un pas peu assuré elle se dirigea vers la porte, mis sa main sur la poignée au moment où celle-ci s'ouvrait. Un droïde passa la tête.

"Votre repas."

La jeune twi'lek l'avait presque oublié. Le temps pressant, elle ne se contenta que de la boisson et refusa le reste. Pendant quelques courts instants, elle crut que le droide s'en trouvait interdit. Elle s'engagea dans le couloir, légèrement mal à l'aise avant de se ressaisir. Ce n'était qu'un droide.

Marchant d'un pas qui se faisait de plus en plus précipité, elle avançait le long des coursives taillées dans la pierre. L'air froid s'engouffrant dans le corridor fouetta son visage mais elle n'en avait cure. Elle était pressée, mettait un point d'honneur à arriver avant son maître. Ce fut tout juste si elle avait apperçu la salle de méditation se trouvant sur sa droite.

Elle finit par bifurquer et ralentir tandis qu'elle arrivait à son but. Une imposante arcade lui faisait face et Oosha fut impressionnée de constater qu'encore une fois, cette dernière ainsi que la salle qui se dressait en toute simplicité derrière semblaient naturelles. Même s'il ne s'agissait là que d'un questionnement mineur, elle se demanda comment avaient pu être façonnés de tels lieux tellement il semblait difficile de distinguer ce qui était présent depuis les origines de ce qui avait été façonné par la suite.

Une vague d'appréhension la submergea. Était-elle en retard? Oosha calma sa respiration, la bloqua même tandis qu'elle pénétrait dans la salle d'entraînement. Elle parcourut l'immense pièce quelques instants, constata qu'elle était déserte. Poussant alors un soupir de soulagement, elle s'engagea timidement vers une ouverture afin de profiter d'un bref moment pour regarder l'extérieur.

L'aube serait bientôt là. Elle devinait quelques montagnes et, plus loin à l'horizon, ce qui semblait être des bâtisses. Etait-ce donc la fameuse académie sith? Subjuguée par le paysage, elle se contraignit à détourner le regard qu'elle dirigea alors vers le centre de la pièce. Cette dernière était encore une fois simple, presque vide, ce qui convenait très bien à la jeune sith qui aimait les endroits épurés.

Une présence l'arracha à ses pensées. Il arrivait.

"Maître" dit simplement Oosha en l’apercevant.

Elle pensa alors qu'il était peut-être là depuis quelques instants déjà. En réalité, elle ne croyait pas l'avoir vu entrer. Balayant à nouveau ces futiles réflexions qui l'envahissaient, ne sachant pas trop que faire ni comment s'y prendre, elle entreprit une sorte de salut, penchant le buste en avant puis se redressa bien vite et regarda un point fixe devant elle, à défaut de savoir que faire d'autre,espérant ne pas avoir commis d'impair.
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***

"C'est la dernière proposition sur laquelle il s'est entendu avec ses lieutenants." Tsaw examina soigneusement son vis-à-vis. Les Dévaroniens ne lui avaient jamais inspiré confiance, et l'air de malice pétillante et de vivacité qui logeaient dans le regard de son interlocuteur l'incitaient à se méfier. Il ne se faisait pas d'illusions : cet intermédiaire de Ray Orlik, chef incontesté du gang des Beks Noirs, chercherait à exploiter toutes les failles que laisserait voir le Sith, afin de lui soutirer le maximum d'avantages au profit de cette faction de la pègre tarisienne.

Les Beks noirs avaient fait régner un joug prédateur et implacable sur la Ville Basse de Taris durant des années, avant que Malak réduise à néant toute trace de vie sur cette ville-monde, cinq siècles auparavant. Il avait semblé que leur nom aurait du, depuis, ne plus figurer que dans les chroniques de ce temps, sous un état évanescent et fugitif. Pourtant, les nouvelles figures du crime organisé qui avaient reparu sur la planète au fil de sa reconstruction progressive s'étaient revendiquées de cet héritage.

Dans les années qui avaient suivi le triomphe final de Revan sur son ancien élève, le Projet de Restauration entamé par la République moribonde sur Télos avait soulevé bien des espoirs au sein des réfugiés issus des mondes que les guerres successives avaient dévasté. Et si il fut compromis durant des années par les conflits d'intérêts qui se livraient entre les différentes parties impliquées dans cette entreprise, le Projet, finalement, porta ses fruits. Dès lors, Télos devint le symbole de la vigueur toujours intacte de la République et de la force de son personnel politique. Des dizaines de mondes, à sa suite, firent l'objet d'efforts similaires, le premier succès ayant encouragé les investisseurs et les financiers à injecter des sommes importantes, en échange de droits d'exploitation et autres avantages divers sur ces planètes, une fois qu'elle seraient reconstruites. Taris ne manquait pas à l'appel : en quelques décennies, son paysage vit à nouveau se lever vers le firmament les fières tours d'antan. Elle n'était cependant pas encore revenue à son ancienne splendeur, cinq siècles après, mais elle était de nouveau un monde riche, peuplé, dynamique, industrieux....et corrompu.

Tsaw s'était infiltré dans l'espace de la République au nom de l'Empire, afin de profiter de la profonde division politique et des fractures sociales tarisiennes. Monde prospère, mais marqué par d'affolantes inégalités économiques au sein de la population, c'était un endroit instable, explosif, menacé par les émeutes et la guerre civile. Or, un des partis qui semblaient les plus à même de menacer les autorités tarisiennes loyales à la République, était, précisément, le gang des Beks noirs, qui avait atteint une puissance et une influence incomparablement supérieures à celles de la première version. Leur chef, Ray Orlik, avait manifesté son ouverture à l'idée de dialoguer avec les Impériaux, afin d'élaborer une première estimation concernant les gains, positions et mainmises que les Sith seraient disposés à lui accorder, si il renversait le gouvernement pour eux, et proclamait sa volonté de les rallier, ou tout au moins de s'allier à eux.

"Est-ce que ça conviendrait ?" "Je ne suis pas une puissance de décision. Je ferais remonter cette proposition. Mais dites à votre maître qu'il y a dans ce document une majorité de points sur lesquels nous pourrions certainement nous mettre d'accord, sauf imprévus, et circonstances exceptionnelles." Un sourire involontairement carnassier traversa le visage du Dévaronien. "Ray Orlik est un homme d'affaires, avant tout. Il comprend très bien que les deux parties devront certainement se faire des concessions mutuelles. Mais si vous dites vrai, il pourrait se montrer vite disposé à fournir des informations intéressantes sur l'actualité du secteur, et sur les casseroles que pas mal de Sénateurs, ou autres magistrats de moindre envergure, traînent derrière eux. Autant de leviers sur lesquels vous pourriez jouer." Acquiesçant d'un hochement de tête, le Sith fit disparaître le datapad dans son épaisse bure de voyage. Après quelques échanges supplémentaires sur des questions de détail, il prit congé. Les deux négociateurs s'entendirent pour se tenir vite informés des positions de leurs dirigeants, et pour poursuivre les discussions dans les prochains mois.

En retournant au modeste speeder qu'il avait placé dans une petite plate-forme désaffectée, quelques centaines de mètres plus loin, sous la garde du droïde utilitaire T9-Y3, le Sith songeait aux moyens dont on pourrait user pour, à termes, lorsque l'Empire viendrait à annexer Taris, se débarrasser de ce malfrat fanfaron. Si l'on s'y installait, ce serait pour faire régner l'ordre, et il serait alors hors de question de devoir composer avec un personnage aussi instable et versatile. Tsaw savait qu'Orlik avait des contacts dans l'Espace Hutt, et qu'il était pour eux un important fournisseur en chair humaine.

Taris comptait de nombreux foyers de misère, et nombre de pauvres filles qui devaient vendre leur corps pour survivre, ce qui constituait pour un être aussi rapace et cynique une manne providentielle. C'était ainsi qu'il s'était installé dans le secteur. En retour, il recevait d'importantes provisions d'épices, qu'il diffusait dans la population des quartiers pauvres afin de les maintenir sous contrôle, et de les racketter régulièrement en les tenant par la dépendance. L'Empire ne pourrait admettre qu'une économique souterraine d'une telle importance gangrène ses territoires, et il faudrait tôt ou tard se débarrasser d'Orlik, dès qu'il aurait fait ce que l'on attendait de lui.

Les Hutt, dans le pire des cas, pourraient s'en offusquer : ils y perdraient certainement des rentes confortables, mais on saurait également les remettre à leur place, et leur fournir quelques hochets et restes en compensation. Ils étaient des alliés de circonstances et des partenaires avantageux, mais la prépondérance future des Sith dans la galaxie ne pourrait admettre, à terme, que ces caïds essaient de faire régner leur loi, et de dicter leurs conditions à l'Empire. De toute façons, il était plus probable que l'on saurait adoucir la chose en faisant passer la disparition d'Orlik pour un accident ou un règlement de compte, voire un assassinat perpétré en guise de représailles par les services secrets de la République. Ce ne serait pas trop difficile. Les Hutt ne seraient certainement pas dupes, mais, en l'absence de preuves, ils seraient immanquablement amenés à passer sur cette affaire.

Tsaw était tout à ces pensées lorsque après quelques minutes de marche, il perçut dans les environs de très vagues remous dans la Force. Ce n'était pas une perturbation à proprement parler, mais une émission subtile de vaguelettes dans son tissu éthéré. Ralentissant son pas, le Muun se concentra, et tâcha de discerner ce qui composait plus précisément ces interférences. Des ondes de colère, de rage et de peur lui parvinrent peu à peu. On se battait, probablement. Un Jedi ? Le quartier état mal-famé, et il était tout à fait cohérent qu'un coq en mal de justice cherchât à perturber la mainmise des gangs dans la Ville Basse. Mais l'on pouvait également supposer que la présence de Tsaw n'était pas totalement passée inaperçue...et que l'éventuel Jedi qui se trouvait dans le coin avait été initialement envoyé pour l'espionner. C'était moins probable, mais le Muun ne pouvait courir le risque de laisser filer un éventuel informateur, qui révélerait aux Jedi et à la République ce qu'il faisait sur Taris.

Il ne lui fit pas difficile de suivre la piste que laissaient ces vibrations dans la Force. Elles étaient comme les phéromones que laisse un animal sur son passage. Aboutissant à un cul-de-sac, il discerna, au fond de l'allée, des crépitements, bruits vrombissants et tirs intermittents qui témoignaient d'un combat acharné entre le probable Jedi et ce qui devait être des loubards quelconques, comme il en pullulait dans cette zone. Il lui fallut un moment pour réaliser que le combattant virevoltant qui se défendait énergiquement contre ses deux adversaires était une femme, et une Twi'lek. Qu'elle eut reçu une formation convenable à la Force ne faisait aucun doute : son style acrobatique, dans lequel Tsaw reconnut l'Ataru, qu'il pratiquait lui-même à l'occasion, était une discipline exigeante, dont la maîtrise demandait des années d'exercice. On ne pouvait pas se battre aussi bien sans avoir passé de longues années à étudier les arts Jedi...ou Sith. Car le registre émotionnel qu'exprimait la jeune fille dans le pugilat ne correspondait pas à la sévère retenue qu'enseignaient et pratiquaient les Jedi. Elle savait se battre...mais elle semblait autre chose.

Le Muun, enfoncé dans sa bure, qui le dissimulait presque complètement dans l'ombre du soir, évita d'intervenir, préférant observer patiemment l'évolution du combat. Cette Twi'lek mettait dans sa fureur désespérée une obstination, une hargne qui lui plaisaient. Un animal blessé et acculé, voilà ce qu'elle lui évoquait. Donc, d'autant plus féroce et implacable. Lorsqu'on se sent privé de toute ligne de repli face à des prédateurs affamés, on n'est pas enclin à la pitié. C'était cela qui l'intéressait.

Quelques minutes passèrent, avant que les deux malfrats, apparemment des mercenaires rodés au combat, ou juste des gros bras bien armés par leurs caïds, s'effondrent, traversés de zébrures incandescentes. Epuisée, la jeune fille peinait à se tenir debout, et il la vit haleter quelques instants, le regard absent, avant qu'un déclic ne semblât se faire en elle. Vivement, elle se retourna vers lui. Souriant par devers-lui, le Muun affronta le regard de la Twi'lek, encore luisant sous l'effet du combat et des émotions intenses qu'elle venait de traverser. Il attendit sa réaction. "Qui êtes-vous ?

Jaugeant patiemment son vis-à-vis, retardant sa réponse avec gourmandise, le Muun se rapprocha lentement, à pas feutrés, de cette nouvelle connaissance. Arrivé à sa hauteur, il la regarda par-en dessous, impassible, méthodique dans son regard inquisiteur, ne trahissant aucune émotion. Il utilisait la Force pour sonder l'intérieur de son interlocutrice, ne cherchant même pas à dissimuler son action investigatrice. Elle l'intéressait de plus en plus, et il voulait la marquer. Beaucoup de choses bouillonnaient en elle. Il lui devenait clair que c'était une jeune femme perdue. Alors que son visage apparaissait enfin à Oosha, ridé, verdi, vieilli par l'usage des arts noirs, il consentit enfin à parler.

"Tu utilises la Force avec une relative efficacité. Et tu sais te battre. C'était un beau spectacle, je dois dire." Il se releva, fixant la Twil'lek avec un air hauteur froide. "Mais...il me semble que tu es autre chose qu'une Jedi. Je me trompe ?" Il étudia la réaction de la jeune femme durant quelques secondes avant de poursuivre. "Je ressens un grand trouble en toi...et je devine que beaucoup de choses ne sont pas claires dans ton coeur, ni dans ton esprit. Tu es pleine de doutes, de questions, d'inquiétudes...tu vis à tâtons." La fragilité d'Oosha, causée par l'intensité du combat dont elle commençait à se remettre, lui permettait de sentir beaucoup de choses qui constituaient sa vie intérieure, à l'état de sensations, de flashs, d'ombres mouvantes, de bruits assourdis, d'échos. Mais il n'en retirait aucun sentiment de supériorité, et ne voulait pas l'impressionner ou lui manifester sa puissance pour la soumettre.

Sa curiosité à l'égard de la Twi'lek était sincère. Cependant, il avait déjà son idée. Il laissa passer encore quelques secondes. "N'essaie pas de dissimuler les sentiments contradictoires qui vivent en toi. Ta peur, ta solitude. Tes déchirures. Assume-les, au contraire. La peur et la colère sont des carburants puissants pour qui sait utiliser la Force...jusqu'à un certain point. Il faut savoir exercer une saine maîtrise sur elles. Les assumer, les laisser vivre en soi, sans en devenir l'esclave, en sachant en doser l'usage et les forcer à rester à leur place." Il esquissa un sourire fin et froid. "Mais ces choses-là s'apprennent, et tu es jeune." Il lui tourna le dos et retourna sur ses pas. Puis il fit une première pause, et poursuivit par-dessus son épaule droite : "J'ai à faire dans la Ville Haute. Tu ferais mieux de venir avec moi. Les gens que tu as tués ont peut-être des collègues dans les environs qui ne seraient pas ravis de savoir ce que tu as fait, et si les patrouilles de sécurité sont rares dans les bas quartiers, elles ne sont pas inexistantes."

Il se retourna vers elle, et cette fois, ses yeux en fente pétillaient de malice et d'intérêt. Son sourire matois s'élargit. Il était presque cordial, désormais, avenant. Mais d'une façon flegmatique, stoïque. "Si tu le souhaites, je peux t’aider et répondre à certaines de tes interrogations. Mais plus tard. Partons, maintenant, ou nous aurons de la compagnie sous peu." Il s’éloignât et s'arrêta à nouveau, après quelques pas. « Et sois bien assurée d’une chose : je ne suis pas en train de te tromper. Je ne te veux aucun mal. Si j’avais de mauvaises intentions à ton égard, tu t’en serais vite rendue compte.»


***

Et il l'avait ramenée. 

Les murs ocre de sa cellule privée étaient dorés par le soleil de Korriban. Tsaw était réveillé depuis une heure. Il avait toujours aimé se lever tôt, pour profiter de la virginité du matin, et pour pouvoir remplir sa journée le mieux possible. Son habituelle séance de méditation avait été ponctuée de réflexions concernant la jeune fille qu'il avait ramenée dans son enclave personnelle.

L'endroit avait été autrefois, du temps de la défaite de Naga Sadow et de l'invasion républicaine, un refuge pour les Sith bombardés. Il avait été longtemps désaffecté, puis avait servi d'ermitage à quelques étudiants de la Force, et avait même, un temps, accueilli une petite colonie spirituelle d'adeptes des arts noirs. Tsaw l'avait remarqué durant son premier exil, mais il n'avait décidé de le faire aménager et de s'y installer que depuis deux ans. L'endroit aux murs lisses, cette habitation troglodyte, lui servait de refuge, où il pouvait méditer, réfléchir, se recueillir et pratiquer la Force en toute intimité. Il pouvait y planifier ses prochaines actions et ses plans plus lointains dans la plus grande tranquillité.

Le lieu était calme, et empli d'un silence qui ouvrait l'esprit, réveillait l'âme. Il était ouvert à de nombreux endroits sur le désert Korribanite, et, la nuit, il offrait une vue magnifique sur le ciel étoilé, resplendissait sur ce monde qui n'avait jamais été très industrialisé. On pouvait y cultiver des pensées élevées, s'extraire de la fange des affaires temporelles, pendant un temps. Tsaw y pensait souvent à ce que pourrait devenir l'Ordre Sith si il était conduit convenablement. Sur la façon dont on pourrait et devrait étudier la Force. Sur les étendues infinies de cette Galaxie pleine de mystères, et qui restait à apprivoiser.

En sortant de sa méditation, ces préoccupations obsédantes le lançaient comme une migraine. Se préparant à s'entretenir avec celle qui était désormais son apprentie (sa première apprentie), il revêtit une de ses bures les plus travaillées. Elle avait été en grande partie inspirée par ce que l'on savait des anciennes tenues cérémonielles du clergé Sith de l'ancien Empire, et des formules en sitheses, certaines traditionnelles, d'autres composées par lui, couraient sur les franges de la bure épaisse.

Après avoir avalé une rapide collation, préparée comme de coutume par les droïdes domestiques, Tsaw se rendit d'un pas vif et léger vers la salle de méditation où il devait retrouver sa nouvelle apprentie. En approchant, il ralentit sa démarche, et se projeta dans la Force, afin d'observer la jeune fille à travers ce voile éthéré. Ce qui en dégageait lui apparut prometteur. Scrupuleuse, ponctuelle, Oosha frémissait. Une curiosité fébrile semblait cohabiter en elle avec un certain trac.

Sérieuse, malléable, certainement curieuse, la Twi'lek lui semblait, définitivement, pleine de ressources. Il quitta cette brève observation indirecte par la Force pour se placer sur le seuil. Observant sa jeune apprentie qui contemplait, par l'ouverture, le paysage désolé et vallonné de Korriban, il la vit finalement se rendre compte de sa présence, se retourner, et le saluer d'un geste sobre, poli et plein d'une circonspection attentive. Il lui rendit son geste en hochement lentement la tête.

"Oosha. Tu t'es bien installée dans ta nouvelle demeure ? Les droïdes ont du t'apporter ton repas du matin. N'hésite pas à t'imposer à eux, ils sont diligents, mais parfois distraits et timides." Il décroisa les bras, fit le tour de la pièce par la droite, et vint s'accouder à l'embrasure. La terre escarpée de Korriban s'offrit à son regard, et il la but avec respect, tout en discutant. "Pour l'instant, tu débuteras ton apprentissage ici. Il ne serait pas bon que tu fréquentes trop tôt les autres Sith. Même si tu devras bien, tôt ou tard, faire ton entrée à l'Académie. Et y passer du temps, bien qu'il te sera possible de faire la navette entre là-bas et ici. Nous avons le temps de t'y préparer, mais sois sûre qu'on ne se fait pas une place dans cet univers en faisant systématiquement fi de ses pairs, et de leurs institutions. C'est là la première chose que je peux t'apprendre sur notre écosystème."

Il se retourna vers elle, un ton de douceur dans le regard et dans la voix. Il répugnait à l'idée de faire une ostentatoire démonstration de force et de puissance devant elle. C'était la voie des médiocres, des fanfarons, des esprits creux. Il se la gagnerait bien davantage par l'autorité naturelle qui découlait de ses convictions, de sa vision du monde, et du savoir qu'il lui prodiguerait progressivement. Dans la fraîcheur matinale et sèche, l'aube rosée laissait lentement la place à un soleil ascendant, qui recouvrait de sa patine de feu la pièce ocre au dénivelé lisse.

"Tu dois avoir beaucoup de questions à me poser, et j'y répondrais. Tout à l'heure. Dans le même temps, nous ferons aujourd'hui quelques exercices généraux, physiques et mentaux. Mais avant cela, la leçon. On va parler de la Force." Il fit une pause dans son discours, en saisissant, sur une petite table circulaire placée dans un des coins de la pièce, une cruche d'eau dans laquelle il dilua une thé de Serreno. Tout en le préparant, puis en le buvant, et en laissant la cruche à proximité d'une seconde tasse, signalant implicitement que son apprentie pouvait également s'en servir, il poursuivit. "En commençant par poser les bons énoncés théoriques, nous pourrons débuter correctement ton nouvel apprentissage. Il nous faut donc faire le point. C'est à partir d'une unité de pensée que le Maître et l'apprenti peuvent travailler efficacement. C'est pourquoi, avant de répondre aux questions que tu dois avoir, j'en aurais moi-même deux pour toi : premièrement, que t'a-t-on appris sur la Force, là bas ? Je dois dire que je suis réellement curieux de savoir quel enseignement ces gens-là prodiguent à leurs élèves. Ce que j'en sais vient de sources indirectes. Deuxièmement : que sont les Sith, pour toi ? Indépendamment du catéchisme qu'on t'a infligé, bien sûr. Je te demande ton opinion et ton interprétation personnelles."

A partir des réponses que lui ferait la jeune femme, il saurait comment l'orienter vers les idées qu'il souhaitait lui présenter, et auxquelles il avait l'ambition de la rallier. Si elle devenait une apprentie de bon niveau, comme elle en portait inconsciemment la promesse, elle pourrait aussi être pour lui une ambassadrice auprès des autres Sith.

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Darth Tsaw répondit sobrement à son salut et la jeune apprentie sentit comme un poids s'alléger. Néanmoins elle ne parvint pas à se détendre totalement. La twi'lek n'était que très rarement décontractée et s'était jusque là montrée bien incapable de faire preuve du moindre lâcher prise. Cependant, dire que l'apprentie était sur la défensive aurait relevé du mensonge. Elle était sur ses gardes certes, sur le qui-vive même, comme tout être sauvage. Mais en l'espèce, c'était d'elle même dont elle se méfiait. Si elle n'avait qu'un seul ennemi en ces lieux, c'était elle-même.

Subrepticement et silencieusement, elle fit quelques pas vers lui, plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru. Alors qu'il lui demanda comment elle trouvait ses nouveaux quartiers, elle répondit par un simple "Je m'y sens bien" avant de tiquer légèrement sur la question des droïdes. Elle devrait effectivement apprendre à s'imposer non seulement avec ces derniers mais de façon plus globale. En était-elle capable?

Elle le devrait. Elle n'avait guère le choix si elle ne voulait pas se faire complètement avaler par ses semblables. Tsaw venait d'ailleurs d'aborder le sujet. Comme elle pouvait s'en douter, elle devrait un jour rejoindre l'académie, se mêler aux autres siths. Le contraire serait à moyen voire long terme une mauvaise chose pour elle et peut-être même également pour son maître. Oosha devinait qu'être cachée des autres pouvait être interprété comme un souhait de la faire mûrir en secret. Au vu du contexte actuel, les conséquences de telles considérations pourraient s'avérer fâcheuses, voire catastrophiques. Si alors la twi'lek ne réfléchissait pas tant aux conséquences que cela pourrait avoir sur elle, elle pensait d'abord à son maître. Elle ne voulait pas qu'il se retrouve dans une situation fâcheuse alors que ce dernier l'avait sortie de ce qu'elle estimait à présent être une traversée du désert.

***


L'individu qui lui faisait face suscitait indéniablement le respect mais il y avait également chez Oosha une pointe de crainte et d'appréhension. Ce dernier connaissait la Force, lui faisant déduire quel sorte d'être il était. La twi'lek avait bien évidemment entendu parler des siths. Beaucoup. Pourtant et ce malgré le conflit, c'était la première fois qu'elle en rencontrait un. Il fallait dire que pour l'heure, Taris semblait encore relativement épargnée par les affrontements.
Le réel mal sur cette planète était alors les gangs œuvrant dans la ville basse. Pourtant Oosha avait cherché à vendre ses services à plusieurs de ces derniers. Ne sachant pas comment s'y prendre – asociale et peu charismatique comme elle l'était- dissimulant par précaution son affiliation à la Force, elle s'était conséquemment faite envoyée paître. Quand on ne la raillait pas en lui proposant de devenir danseuse pour un chef de clan. Rejetant l'Ordre Jedi, c'était en toute logique qu'elle s'était également refusée à offrir ses talents à la République. Ainsi avait-elle vécu une majeure partie du temps comme un animal. Jusqu'à en devenir un.

A plusieurs reprises le sith, donc, parla. Et fit mouche. Ses propos raisonnèrent en elle comme un écho et semblèrent l’apaiser. Tandis qu'elle se redressait, elle réalisa qu'elle était néanmoins troublée à l'idée d'être si aisément percée à jour. Pourtant, elle ne put s'empêcher, tout en ayant conscience du voile qu'elle allait lever, de murmurer:

"Je ne sais plus qui je suis."

Une phrase, une seule, quelques mots pour traduire l'étendue de ses tourments. Car il n'y avait alors pour elle rien de pire que la sensation d'avoir perdu son identité, peut-être même de ne jamais en avoir possédé une.

Elle resta silencieuse, scruta ses réactions, l'écouta à nouveau. Tandis qu'il l'invita à la suivre, elle compris qu'il ne s'agissait d'un pas piège. Le sith était indéniablement plus puissant qu'elle et aurait pu en faire ce qu'il voulait depuis un moment déjà s'il l'avait voulu. Elle réalisa également que son existence s'apprêtait à changer, qu'un retour en arrière ne serait plus possible. Mais en avait-elle envie? Connaissant la réponse à cette question, ne ressentant pas le besoin de formuler la réponse, à grandes enjambées elle le rejoignit.

***


Oosha resta songeuse quelques instants encore. Elle n'avait pas cherché à dissimuler ses pensées. Le seigneur sith pourrait bien pénétrer son esprit s'il le souhaitait, elle ne résisterait pas. Il ne s'agissait pas là d'une soumission mais d'avantage d'un signe de confiance. Car pour la twi'lek qui avait du mal à exprimer ses ressentis, laisser certains individus lire en elle était parfois plus aisé que de formuler ses états d'âme. Elle aimait sa façon d'être, sa manière de s'exprimer, le ton pris avec elle. Cette sensation d'être à nouveau considérée, prise au sérieux.

Elle le rejoignit jusqu'à une table, le regarda préparer le thé. Elle ne se servit pas de suite. Elle ne l'osait pas et puis les propos de son maître l'accaparaient toute entière. Elle ne put réprimer un sourire, toutefois timide, alors qu'elle entendit le déroulé tel qu'il était prévu. Elle acquiesça. Parler de la Force, avant tout autre chose semblait lui convenir à merveille. Mais voilà qu'il lui annonça ses questions, qu'elle réalisa que ce serait à elle de commencer. Elle trouvait la situation inconfortable et son sourire disparut. Elle était d'avantage curieuse, observatrice et bon public  qu'oratrice.

Ce fut à ce moment là qu'elle se décida à se saisir de la tasse qui lui était destinée ainsi qu'à se servir du thé. La pression montait et comme à chaque fois dans ces moments là, elle essayait de gagner du temps, tentant de se convaincre qu'il n'y avait pas de pièges dans les interrogations posées. Elle se décida à boire une gorgée, se rendit compte en regardant la tasse qu'en réalité elle l'avait vidée d'un trait. Ce fut à ce moment là qu'elle estima qu'il était largement temps de se jeter à l'eau, ne souhaitant ni susciter la pitié ni provoquer l'impatience.

"Ce que j'ai appris chez les Jedis n'est certainement qu'une partie de la réalité de leur enseignement, commença t-elle, hésitante. J'ai été prise à mes parents très jeune. Il est tellement plus simple de formater un enfant. J'ai suivi quelques cours communs. J'appris très tôt que la Force était une énergie qui était présente partout, en chacun de nous. Difficile à maîtriser, peu de personnes y sont réceptives et ces dernières sont recherchées très tôt par l'Ordre pour recevoir les enseignements des Jedis. Énergie puissante, il est facile d'être... corrompu selon eux."

Elle laissa échapper un rire amer. Sa langue elle, commençait à se délier avec plus d'aisance.

"Il y a aussi un code, que j'ai appris assez tôt. Pour ma part je le répétais sans réellement le comprendre. Je n'ai jamais été une prodige, mais je n'étais pas mauvaise élève. Ce qui veut dire que je ne devais pas être la seule dans le même cas. Pourtant même mon maître mettait un point d'honneur à ce que je le connaisse par cœur. Il fallait que je m'en imprègne. J'ai eu un maître assez tôt. Celui qui m'a trouvé sur... Sur Orvax IV" 

Elle se tut quelques instants. Oosha avait honte de ses origines et se doutait que, si Darth Tsaw connaissait sa planète natale, il déduirait sans grand mal la caste sociale dont elle était issue. Aussi enchaîna t-elle de plus belle.

"Je l'ai beaucoup estimé. Il me semblait très éclairé, libre. Mais à présent, j'en doute parfois. Je peux comprendre la nécessité d'un code, de même que l'importance d'user de la Force avec maîtrise. Mais il fallait surtout se brider. Avant d'agir, s'il fallait certes réfléchir aux conséquences, c'était d'abord pour éviter de se laisser envahir par le côté obscur. La discipline aussi avait pour vocation d'aider à résister au côté obscur. Les différents pouvoirs, les techniques de combats, tout était néanmoins bridé par cette nécessité de ne surtout pas céder. Depuis que j'ai quitté l'ordre jedi je m'interroge sur la raison. Et si l'on m'avait fait surtout avancer avec des œillères?"
Elle s'arrêta soudainement, avant de reprendre, un peu confuse:

"Je suis désolée, je m'éparpille. Mais je m'interroge également. Qu'ais-je réellement appris? Est-ce que je connais véritablement la Force?"

Elle soupira puis, pour la première fois depuis le début de la séance, rencontra son regard.

"Quant aux Siths... Effectivement j'ai entendu bien des choses. Néanmoins, je crois que les fuir, les combattre envers et contre tout est une erreur. Ne s'agit-il pas d'une alternative après tout? Les jedis et la République n'ont pas empêché la présence en cette galaxie de mondes véritablement viciés. Certes il doit y avoir des Siths cruels et assoiffés de pouvoir. La recherche de la puissance ne me choque pas en soit, sauf lorsqu'elle n'a nul autre dessein que la poursuite de la gloire et de la seule domination. Mais parfois... Parfois il faut savoir se salir les mains pour faire régner la paix tant recherchée. Les jedis ne l'ont peut-être pas compris. Et les Siths savent le faire et sont plus pragmatiques. Tout comme, je crois, il est parfois nécessaire d'agir dans l'ombre pour le bien commun."

Oosha s'arrêta soudainement, se rendant compte qu'elle avait finalement débité toutes ces paroles à toute vitesse, dans un temps finalement court. Il s’agissait là également d'un aspect de sa personnalité. Elle s'exprimait si peu et si difficilement que, lorsqu'elle le faisait, elle pouvait aller jusqu'à l'extrême inverse. Elle quitta son maître des yeux. Son regard redevint fuyant.

"Mais je suis tellement ignorante..." souffla t-elle finalement.
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Elle le suivit, donc, et, depuis les profondeurs désaffectées, sombres et insalubres de Taris, ils filèrent vers le ciel encadré par les interminables flèches qu'étaient les tours du monde. Se faufilant en zigzag à travers le trafic toujours intense, de jour comme de nuit, ils se dirigèrent vers des quartiers populaires, situés dans une région sûre et animée de ce secteur du monde, qui ne faisaient pas partie de la Ville-Haute, mais étaient intégrés dans une sorte d'intermédiaire entre elle et les bas quartiers. Ni riche, ni pauvre. Peuplées de braves gens, qui ne cherchaient qu'à vivre de leur mieux et à mener une existence aussi heureuse et tranquille que possible.

Ils posèrent le speeder dans un endroit discret, renfoncé dans un ancien chantier qui était, depuis, un hangar où l'on pouvait louer une place pour quelques heures, à un tarif moins élevé que les spatioports luxueux et mieux desservis des régions plus hautes, par où transitaient la majorité des voyageurs.

Tsaw conduisit ensuite sa nouvelle connaissance dans une cantina qui, sans être luxueuse ou particulièrement achalandée du point de vue de ses menus et de ses offres en boisson, était toujours animée. Une population hétéroclite, le Sith le savait, s'y mêlait de jour comme de nuit. C'était un lieu de joie, de chaleur et de convivialité sans manières. Mais, dans ses arrières-salles, elle abritait également des espaces privés, où l'on pouvait se livrer à toutes sortes de rapports, en toute confidentialité, discrètement, sans risquer d'être observés ni dérangés. Tsaw s'y rendit, amenant la Twi'lek dans un de ces salles où il avait ses habitudes. Elle était très pratique pour s'entretenir avec ses indicateurs ou ses partenaires d'un moment. C'était là qu'il avait, initialement, engagé les premiers pourparlers avec le Dévaronien qui travaillait pour Orlik.

A ce moment, ce serait pour une affaire plus intime. S'installant avec la jeune femme dans un renfoncement séparé du couloir par une barrière magnétique opaque, qui les protégeait entièrement de tout regard extérieur et de toute indiscrétion, il avait fait apporter par un droïde serveur les boissons commandées par eux. Puis, après une première gorgée, il plongea son regard dans celui de la jeune femme, coudes posés sur la table, les index joints sur les lèvres. "Parle-moi de toi. Tout d'abord, quel est ton nom ? Comment as-tu été formée à la Force ? Enfin, comment as-tu fini ici ? Taris présente une façade rutilante et séduisante, mais son coeur est souillé, toujours meurtri malgré le passage des siècles. Et je me doute bien que si tu t'es retrouvée dans ses profondeurs, c'est probablement parce que tu n'as plus d'autre choix pour survivre. Je me trompe ?"


***

Silencieuse et attentive, la jeune Twi'lek n'avait soufflé mot durant la prise de parole du Seigneur Sith. Ce dernier, qui l'avait sondée (sans recours à la Force) pendant qu'il parlait, trouvait agréable que ce qui était désormais une nouvelle membre de l'Ordre Sith manifestât un sérieux et une bonne volonté qui n'étaient pas si communes parmi les apprentis. En raison de la mauvaise éducation que les us et coutumes Sith elles-mêmes prodiguaient à ces jeunes éléments, de la légèreté et de la médiocrité de leurs doctrines, qui témoignaient, selon Tsaw, d'une compréhension brouillonne, inconséquente et très limitée de la Force et des ses mystères, l'Ordre comptait beaucoup d'éléments violents, arrogants, peu soucieux de réfléchir avant d'agir.

Bien qu'elle semblât relativement tendue et timide, la jeune femme manifestait dans le même temps un certain calme. En tout cas, elle avait une bien meilleure maîtrise d'elle-même que ce que Tsaw avait pu observer à plusieurs reprises parmi les apprentis Sith. Ils étaient mal encadrés, mal formés. La volonté de puissance brutale et sans finesse que nombre de guerriers, voire même de Seigneurs et Dames Sith diffusaient dans l'âme et l'esprit de ces étudiants impressionnables, lui semblait un dévoiement de la sagesse originelle des Sith, du moins telle qu'il s'en revendiquait. Il était vrai qu'en la matière, les références du Muun se situaient en majorité dans ce que l'on pourrait nommer de l'hétérodoxie.

Il avait peu de respect pour le meneur des Jedi Noirs chassés de l'espace républicain, et qui étaient finalement arrivés sur Korriban, où ils avaient rencontré les natifs, les premiers Sith. Ajunta Pall et ses pairs avaient amené avec eux, et diffusé dans l'héritage des Sith, un péché originel : le primat des pulsions, des désirs, de toutes les manifestations mentales que produisaient des égos surdimensionnés, dévoyés, détournés de l'attitude droite à manifester envers la Force.

Cette sublimation de l'animalité dans les êtres intelligents avait été, selon Tsaw un facteur de barbarie et de régression. L'opposition à l'Ordre Jedi de ces gens, il y avait de cela 3400 ans, n'était pas en soi négative. Déjà, il semblait que les Jedi raisonnaient selon une doctrine étriquée, se conformaient à une ascèse extrémiste, et, tout simplement, contre-nature. La répression exagérée des sentiments, des liens émotionnels et affectifs, notamment envers la famille, mais aussi à l'égard des relations amoureuses, étaient, pour le Muun, les signes précoces d'une dégénérescence au sein de ce qui était, à la base, une organisation vouée à la connaissance, et à l'étude de la Force dans le sens d'en extraire les éléments d'une sagesse universelle qui pourrait informer et ordonner tous les êtres doués de conscience, et toutes les civilisations, au sein de la Galaxie.

Pour Tsaw, la référence aux premiers sages de Tython n'avait rien d'hérétique ou d'illégitime. C'était, après tout, la première fois, dans toute l'histoire galactique, que l'on avait pris conscience de ce considérable mystère qui englobait toutes choses. Il était certain qu'ils avaient largement précédé, en la matière, les Sith de Korriban. L'ancien savoir des premiers Jedi était certainement, pour Tsaw, riche d'enseignements, et il n'y avait pas de raison de s'en détourner, d'en faire quelque chose de tabou. Il n'avait, bien entendu, jamais rien exprimé à personne de cette théorie originale pour un Sith. Il ne savait que trop que la découverte de ces inclinations et de cette curiosité par un quelconque membre de l'Ordre Sith pourrait lui coûter très cher, probablement la vie. Si il était frappé d'exil suite à cette révélation, il pourrait s'estimer insolemment chanceux, mais ce genre de mansuétude rentrait en contradiction totale avec la mentalité des Sith. Il était donc décidé à n'en rien dévoiler. Même son apprentie, pour le moment, devait n'en rien savoir.

Il se contenterait donc de lui poser occasionnellement des questions très générales sur les Jedi, et, surtout, sur leurs origines, sur les connaissances antiques auxquels Oosha aurait pu avoir accès durant sa formation. Ce qu'était à présent l'Ordre Jedi l'intéressait beaucoup moins, voire pas du tout. A son sens, il avait autant décliné que les Sith, d'une façon différente. Ni l'un ni l'autre de ces Ordre ne présentait un visage particulièrement reluisant, selon lui. L'austérité exacerbée, la pudibonderie des Jedi, était selon lui une mortification intérieure dangereuse, qui contenait en elle-même, inconsciemment, quelque chose de pervers et de malsain.

Il pensait vaguement à tout cela, à toute vitesse, tandis qu'Oosha répondait du mieux qu'elle pouvait à ces deux questions. Ce qu'elle disait de la formation qu'elle avait reçue n'apportait rien de spécialement nouveau : il s'agissait, globalement, des bases des théories Jedi, et Tsaw voyait qu'on avait bourré le crâne de cette jeune femme de la façon habituelle. Elle semblait n'avoir pas reçu un enseignement particulièrement original. Cependant, et il s'en réjouissait intérieurement, cela n'avait pas tué en elle la capacité à raisonner par soi-même. Elle était déboussolée, en quête de repères, mais le ressentiment qu'elle devait éprouver pour les Jedi ne se manifestait pas par une colère grossière et brute. Elle critiquait leurs dogmes d'une façon plutôt nuancée, et cela lui plaisait.

Ce qui en ressortait, c'était que les Jedi avaient avant tout tenu, en formant leurs padawan, à construire autour de leurs esprits et de leurs coeurs des gardes-fous, des barrières rigides et étroites vouées à mieux les discipliner et les dresser selon une doctrine étroite et bornée. Elle semblait résider essentiellement dans un contrôle de soi qui poussait trop loin la lutte contre les émotions, et toutes les catégories naturelles de la vie intérieure des êtres intelligents. Rigidité, étroitesse, uniformisation, cela faisait à Tsaw l'effet d'une doctrine obscurantiste, dictatoriale et invasive, totalement en décalage avec la nature des êtres conscients. Et la jeune fille avait été amenée assez tôt, dès sa vingtaine, à concevoir le discours des Jedi d'une façon similaire. Cela était un premier élément favorable aux enseignements que le Sith voulait lui prodiguer. Elle n'en serait que plus réceptive.

"Ce que l'on a manifestement cherché à te cacher, c'est que la frontière entre les Jedi et les Sith n'est pas étanche. Elle est pleine de porosités. Si leur enseignement n'avait pas ses limites, si il suffisait à nourrir intellectuellement et spirituellement ses membres, comment expliquer que tant d'entre eux s'en soient éloignés, aient emprunté d'autres voies, et qu'entre autres, ils aient cherché à rentrer en contact avec nos propres savoirs et nos traditions ? La façon dont les Jedi t'ont expliqué ces conversions ne changera jamais : elle sera toujours aussi simpliste et paresseuse."

Il longea la paroi de la salle qui donnait accès à l'extérieur, mains croisées dans le dos. "Nous n'ignorons pas leur nombre, leurs parcours, ce qui les poussait à s'imprégner des enseignements Sith. Ils l'ont d'ailleurs tous fait d'une façon insuffisante et sans beaucoup de sagesse. Le problème chez eux, c'est que dans leur grande majorité, ils ont vite laissé leur volonté de puissance prendre le pas sur leur curiosité. Freedon Nadd, Exar Kun, Ulic Qel-Droma, Revan, Malak, Darth Traya, Sion, Nihilus...et tant d'autres dont l'Histoire n'a pas retenu les noms. Tous ceux que Revan a su attirer à lui, il y a cinq siècles, après les guerres mandaloriennes. Tous ces gens-là ont quitté les Jedi, car ils avaient senti très tôt que ce Code que tu évoques a ses limites, et qu'on peut vite les mesurer. Si ils ont été si fascinés par les secrets des Sith, c'est sans doute, entre autres, en raison du refus obstiné, obscurantiste et fanatique des Jedi de leur fournir l'accès à nos traditions et aux découvertes que nous avons pu faire sur la Force.

De plus, comme tu me le dis si bien, leur enseignement les a emprisonnés dans l'inaction et la tiédeur. Exemple parfait : les guerres mandaloriennes. Si le Conseil avait accepté d'encadrer les opérations contre les envahisseurs, et de ne pas favoriser une scission au sein de ses membres, entre les timorés qui s'en remettaient à lui, et ceux qui voulaient sauver le plus de vies possibles en intervenant au plus vite, beaucoup de choses se seraient sans douté passé différemment. Et je pense qu'alors, Revan serait resté le Jedi et le héros de la République qu'il était au départ. Aurait-ce été un mal ou un bien, c'est une autre question..."


Il se retourna vers son apprentie, les bras croisés, fixant la Twi'lek les yeux dans les yeux. "Tu as déjà commencé à comprendre sur nous des choses importantes. Ce qui ne signifie pas que nous sommes sans défauts. Les pires d'entre nous, les plus primaires et les plus stupides sont malheureusement les plus voyants. Mais nous ne sommes pas tous des monstres, ni des brutes, ni des fanatiques de leurs ambitions, prêts à tout sacrifier pour leurs intérêts, et satisfaire les pulsions. Je vais te dire une bonne chose, Oosha : on pourrait facilement dire qu'elle n'engage que moi. Et pourtant, c'est objectivement ce qui pourrait permettre de transcender la millénaire opposition entre les différentes idéologies de la Force, et servir une civilisation galactique authentique.

Les Sith n'ont pas à fonctionner selon un esprit de chaos. Et les meilleurs d'entre nous le savaient. Marka Ragnos, entre autres. Tu le dis-toi même, nous savons que la fin justifie les moyens. Les êtres conscients vivent d'une façon désordonnée et anarchique, en concurrence les uns avec les autres. Et leurs coeurs ne sont pas travaillés par une tension morale et intellectuelle qui pourrait leur permettre de se réaliser vraiment, et de vivre en esprit, par l'esprit. A quoi doivent servir notre savoir et notre puissance ? A mettre de l'ordre dans l'univers. Un vrai ordre : vivant, intelligent, raisonnable, créateur. Pas une dictature rigide. Cet ordre, il faudra de l'autorité, de la force pour le réaliser, et recourir à la violence, au besoin. Nous ne nous faisons pas d'illusions là-dessus, nous ne nous mentons pas à nous-mêmes, sur ce plan-là.

Le pacifisme que professent les Jedi, ce n'est que des mots qu'ils utilisent pour voiler leur pusillanimité. Ils ont peur. Peur de ce que suppose, comme responsabilités, leur maîtrise de la Force. Et c'est bien pour ça que la Galaxie est tant gagnée par la pourriture. Je peux en parler, j'ai grandi dans ses territoires. Dans ma jeunesse, j'ai eu l'occasion de mesurer la corruption de ses institutions. Les Jedi n'ont servi, à travers l'histoire, et peut-être sans le vouloir, qu'à conforter un système inefficace qui a toujours laissé beaucoup trop de latitude à la prédation des puissants, et aux intérêts privés. Ils ne seront jamais capables de combattre cet égoïsme matérialiste et barbare. Et ça fait des millénaires que ça dure."


Il s'approcha lentement de sa jeune apprentie. D'une façon obscure, à peine avouée, il commençait à éprouver une relative tendresse pour elle. Mais peut-être était-ce surtout un attendrissement pour ses propres théories, et pour la jeune fille, non pas en fonction de ce qu'elle était, mais par rapport au rôle qu'il imaginait la voir jouer, par rapport à ce qu'elle pourrait faire pour que ses idées sur la Force et la Galaxie deviennent autre chose que le discours solitaire d'un marginal dont la voix ne portait pas.

"Tu as déjà réalisé que nous n'avons pas ces peurs-là. Cet ordre, qui d'autre pourrait mieux le faire advenir, que des gens qui ressentent la Force et l'emploient ? Or, nous sommes les seuls à avoir cette audace. A savoir ce qu'il faudrait faire, et à être capables de faire concrètement ce que cela induit. Mais je ne te cacherai pas que bon nombre d'entre nous n'ont cependant pas compris le véritable rôle que nous avons à jouer, et qu'ils n'en auraient cure. Il faudra donc, inévitablement, faire le ménage dans nos rangs. Pour que tout le monde prenne conscience de la réelle vocation de l'Empire et des Sith.

Tu as donc bien compris que pouvons agir efficacement et réellement pour le bien commun, comme tu l'as dit, bien mieux que ne pourront jamais le faire les Jedi, ces femmes de chambre d'une République bouffie et vérolée."


Se mordant les lèvres, il la dévisagea un moment sans le vouloir particulièrement : le regard absent, il réfléchissait à quelque chose. Puis il se décida. "Je doute que tu en aies jamais entendu parler, mais il y en a eu plusieurs, à travers les siècles et les millénaires, pour expliciter sans détours ce que je viens de te dire, et essayer d'agir en conséquence. Une de ces figures, en particulier, aurait pu changer radicalement, et pour toujours, le cours de l'histoire galactique." Il se tut quelque secondes et alla se resservir du thé, tournant momentanément le dos à son apprentie. "Le nom de Darth Vir te dit-il quelque chose ?"
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La jeune apprentie maintint la tête baissée durant quelques instants. A l’état de statue, elle écoutait les premières réactions de son maître avec une attention particulière. Elle avait conscience de l’importance de ses précédents propos et de l’idée que Darth Tsaw pourrait se faire d’elle à partir de ces derniers. Aussi espérait-elle les avoir suffisamment réfléchis. De longs mois s’étaient succédés, pour autant avaient-ils été suffisants pour qu’elle puisse bâtir une pensée qui lui était propre ? Ce temps long où elle avait ressenti comme un profond silence en elle, dans son existence et peut-être même dans la Force, paraissait néanmoins insuffisant pour se détacher de tous ces apprentissages.
 
Ce fut alors que le seigneur sith répliqua et ses mots, auxquels la twi’lek était suspendue, parvinrent à la rassurer, la déculpabiliser. Ainsi elle se mit à penser qu’il pouvait y avoir une logique dans les choix qu’elle avait faits. La douleur ressentie à la mort de son maître et l’envie de vengeance n’étaient peut-être que des éléments déclencheurs d’une évolution inéluctable. Pour autant elle ne se sentait pas encore tout à fait légitime. En effet, elle craignait fort de pouvoir être de ces siths que son maître décrivait. Elle avait voulu voir du sang couler, non pas pour l’intérêt commun mais pour soulager sa peine. Elle avait en elle cet animal sauvage qui ne se maîtrisait pas toujours face à la peur ou la souffrance.
 
Tsaw, quant à lui, semblait avoir tout ce qu’il lui manquait et qu’elle désirait: l’expérience, la connaissance et la sagesse. A l’écouter elle se dit que sans doute même avait-il suffisamment poussé ses réflexions pour établir ses propres théories sur la Force et les Siths. Oosha était admirative de cela. Elle croyait qu’elle ne serait jamais en mesure d’atteindre le niveau de connaissances de grands penseurs dont Tsaw semblait faire partie. Pourtant, ce dernier l’avait prise comme apprentie. Songeant à une volonté de transmission de savoir, la jeune twi’lek fut d’autant plus résolue à suivre ses enseignements et à les assimiler.
 
 Son maître étoffait ses propos d’exemples de grands noms qui avaient participés à bâtir l’histoire de l’Ordre Sith. Elle en connaissait, tout comme elle avait inévitablement entendu parler des guerres mandaloriennes, lesquelles avaient en effet révélées les limites de l’Ordre Jedi. Elle croyait que le départ de membres de l’ordre ainsi que le conflit intestin qui l’avait frappé aurait pu être évité si le Conseil Jedi de l’époque avait pris ses responsabilités et avait décidé d’agir en fidèle allié de la République.
 
Elle soutint son regard, avec respect, espérant qu’il comprendrait qu’elle n’osait intervenir, principalement par crainte de l’interrompre par quelque parole saugrenue. Elle acquiesçait en silence, se surprit à pousser un soupir de soulagement tandis qu’elle constatait qu’il ne semblait pas désappointé par ses précédents propos et ses opinions. Peut-être même en approuvait-il certains. Tandis qu’il s’approchait d’elle, Oosha cessa de fixer son maître, probablement légèrement embarrassée. Elle se sentait apaisée par les propos de son maître, peut-être même un tantinet satisfaite et souhaitait que cela ne se remarque pas trop. Ce fut alors qu’elle s’attarda sur les inscriptions se trouvant sur les liserés de sa bure. Elle n’en connaissait bien entendu nullement la teneur, mais cela suffit à éveiller sa curiosité le temps de quelques instants.
 
Sans rien dire, elle le guetta à nouveau, vit qu’il la dévisageait. Elle baissa alors la tête, regarda ses pieds tandis qu’il la questionnait. Elle laissa le silence planer quelques instants, le temps de réfléchir sa piètre réponse.
 
« Je suis navrée, ce nom ne m’évoque rien. »
 
Elle osa bouger et à son tour fit quelques pas vers lui.
 
« Vous dites qu’il aurait pu changer radicalement l’histoire… Qu’a-t-il fait ? » Son ignorance ne l’empêchait pas d’être néanmoins intéressée.
 
***
 
Oosha n’était pas tranquille. Elle qui avait pris l’habitude d’errer parmi les ombres et dans le silence se retrouvait soudainement mal à l’aise au milieu de tant de monde dans cette cantina. Ses bains de foule étaient rares. Elle n’avait jamais aimé cela. Courbant légèrement l’échine, elle marchait derrière le sith, sans le moindre bruit. Certains pariaient sur des joueurs de pazaak, d’autres bavardaient autours de simples mets qui néanmoins semblaient dégager une odeur exquise pour la twi’lek affamée, d’autres encore s’esclaffaient en regardant des danseuses lascives quand ils ne se déhanchaient pas au rythme d’une musique entraînante.

 Ce fut non sans soulagement qu’elle s’assit au calme dans la salle où l’inconnu l’amena. Le répis fut cependant bref. Oosha prit le temps de réfléchir à ce qui lui arrivait. Elle avait suivi un sith pour échapper à un hypothétique risque de voir d’autres raclures arriver. Au final, le danger était certainement dans la même pièce qu’elle. Elle ne savait pas ce qu’il lui voulait, pourquoi il l’avait emmenée jusque-là, qu’elle allait être la finalité de cette entrevenue.

 Elle regardait son verre avec envie, mais, trop méfiante, n’y toucha point. Assise au bord de son siège, les doigts d’une de ses mains tapotaient nerveusement la table. Elle eut finalement le malheur de croiser le regard du sith, pénétrant, ne trouva pas le courage de l’affronter plus de quelques secondes. Elle n’eut pas l’énergie, non plus, d’éviter ses questions. La seule chose dont elle fut capable fut d’être le plus évasive possible.

 « Je m’appelle Oosha… Raweëna. Je… J’ai été padawan, jusqu’à récemment…

 Elle ajouta alors précipitamment

 « Mais tout cela est du passé ! »

 Elle prit une profonde inspiration. Puis regarda ses doigts pianotant la table de plus belle.

 « Je devais fuir. Nar Shaddaa. J’ai erré et puis finalement Taris m’a paru être une destination tranquille, certes dans l’espace républicain, mais pleine de promesses. »

 Elle n’osait dire que le cristal rouge de son sabre avait provoqué sa dérobade. Elle avait recouru au vol d’un cristal artificiel. Se jouer d’un contrebandier avait été plus aisé que d’en trouver un naturel, trop rare pour un usager de la Force aussi peu expérimenté qu’elle.

 « Je pensais que mes quelques capacités m’aideraient à trouver du travail auprès d’une quelconque personne œuvrant dans les affaires, en mal de protection. Je cru avoir une opportunité. Mais l’homme m’exhibait d’avantage comme trophée que comme garde du corps. Avoir une twi’lek dans sa suite est une démonstration de puissance. Cependant ça a fini par mal se passer… »

 Elle se tut quelques instants puis éprouva le besoin de se justifier.

 « Je l’ai agressé. Une insulte de trop, qui a eu l’effet d’un détonateur. L’homme a été grièvement blessé, mais je crois qu’il a survécu, ce qui est peut-être plus problématique que s’il avait rejoint les défunts. J’ai fui jusqu’à me retrouver dans la ville basse. C’est mal famé, dangereux et infesté de gangs mais j’ai réussi à m’y faire. »

La twi’lek releva la tête. Elle tenta de fixer son interlocuteur, échoua de nouveau. Des sueurs froides la parcouraient, sa respiration était anormalement forte. Elle n’arrivait guère à dissimuler ses craintes. Elle avait conscience que sa destinée était entre les mains de l’individu assis face à elle. Et cela lui faisait peur. Laissant planer à nouveau le silence, elle finit, courageusement, par le briser avec de simples mots :

 « Qu’allez-vous faire de moi ? »
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