Saï Don
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- ... a annoncé récemment que le gouvernement sévirait si la contestation prenait des formes plus virulentes. Sans transition – où en est-on du procès Kira ? L’audience a été diffusée ce matin sur de nombreuses holochaînes et les spécialistes s’accordent à dire que…
- Maître Don ?

Le vieillard décrocha son regard du présentateur holo minuscule qui s’agitait sous son nez.

- Navré de vous déranger, Maître. Mais vous m’aviez dit que si je voyais Maître Asho’tye dans le coin…
- Ah ! Oui, oui.

Le vieil homme éteignit l’appareil holo et s’extirpa de son fauteuil disposé dans un coin du réfectoire. A cette heure-ci, celui-ci était presque vide, mais bientôt, les padawans se presseraient pour former un rang afin de pouvoir dîner. La nuit était tombante, et Saï aimait bien ce lieu qui lui rappelait cette animation sans cesse renouvelée. Il lui semblait parfois que le réfectoire ne cesserait jamais de résonner des rires de jeunes gens qu’il abritait chaque jour.

- Dites-lui que je viens la chercher dans le hall, voulez-vous ?

- Bien, Maître.

Le jeune Chevalier s’éclipsa au pas de course, sa capuche flottant dans le vent derrière lui. Ce jeune twi’lek prenait des tours de garde à l’entrée du Temple, et Saï appréciait le zèle dont il faisait preuve. Quoiqu’en pussent en dire certains anciens du Temple, la nouvelle génération de Jedi était à ses yeux tout aussi responsable que les précédentes, et peut-être même plus : ils avaient grandi dans des heures plus sombres que bien des générations avant eux.

Quelques minutes plus tard, le vieillard s’avançait dans le hall du Temple. L’astre couchant du système Japrael illuminait encore cette entrée grandiose. Les statues de vénérables Jedi du passé regardèrent les deux maîtres se rejoindre et se saluer.

- Maître Asho’Tye, bienvenue au bercail, fit le vieil homme en écartant les bras, comme pour signifier que oui, il était bien toujours là. Vous m’excuserez de vous tomber dessus comme cela, mais je risque de devoir quitter le Temple quelques jours, il ne fallait pas que je vous manque.

Deux padawans passèrent auprès d’eux au pas de course.

- Bonjour Maîtres ! scanda le petit togruta.
- Bonjour Maîtres ! enchaîna son ami miraluka.
- Bonsoir Alix, Mesher… Mesher, votre bure ! Vous êtes tout débraillé, remettez-moi votre tenue correctement !

Mais le chenapan avait déjà filé au loin. Saï feignit un grognement d’insatisfaction, avant de s’intéresser de nouveau à celle qu’il avait pris soin d’intercepter dès son arrivée au Temple.

- Ah ! Vous devez être impatiente d’aller vous reposer un peu. Je n’en ai que pour quelques minutes. Accepteriez-vous de marcher un peu avec moi ? J’aurais pu vous recevoir dans la chambre du Conseil, mais je commence à me lasser de la vue, fit-il en plaisantant à demi, car il avait surtout besoin de s’oxygéner.

Le vieil homme indiqua à sa consœur la direction de l’arche qui conduisait au parc du Temple. Tous deux se mirent à déambuler côte à côte, passant de l’ombre d’une statue à une autre, avant d’émerger dans l’écrin de verdure que cachait l’édifice. Les hautes fougères sur les bords du chemin, caressés par la brise et les derniers rayons de lumière, paraissaient être une mer de velours qu’ils fendaient tranquillement. Le vieil homme emplit ses poumons d’air frais.

- Maître Asho’Tye, j’ai vu votre rapport et la proposition que vous faites au sujet d’un certain otage… Le Conseil ne s’est pas encore prononcé, veuillez nous en pardonner. Mais l’idée est bonne, je ne doute pas qu’elle sera validée rapidement. Néanmoins, j’ai cru comprendre que le sujet de la République vous intéressait beaucoup, dernièrement. Or, vous n’êtes pas sans savoir que nous marchons sur des œufs. Que Maître Marja dans le gouvernement nous évite certains désagréments… Mais ajoute une nouvelle complexité à la relation que nous entretenons avec la République. Dites-moi, Maître, j’aimerais entendre votre avis. Quel rôle pensez-vous précisément que l’Ordre Jedi doit jouer auprès de la République ?

Maître Don regarda celle qui l’accompagnait, guettant peut-être un signe sur son visage froid, qui lui indiquerait une quelconque émotion. Maître Asho’Tye n’était pas extrêmement populaire, mais sa droiture inspirait à Maître Don une forme de confiance basée sur le respect du parcours de cette jeune femme, bien qu’il ne la connût pas personnellement. Justement, cette rencontre était aussi l’occasion d’établir un contact plus ténu que les échanges purement formels qu’ils avaient pu avoir jusqu’ici.
See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye
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« Administratrice, quelqu’un vous attend… » indiqua Légion en désignant un Twi’Lek, non loin. See’Ryl se retourna légèrement, juste assez pour voir l’observateur partir en courant dans la direction opposée. Devait-elle y voir un signe quelconque ? A défaut de répondre, l’Arkanienne chassa la nouvelle de ses pensées pour terminer de donner ses ordres à son droïde. Il n’y avait pas grand-chose à ranger, la Jedi n’était pas du genre à s’encombrer sauf quand il s’agissait de son matériel. Or, elle revenait de l’Université de Coruscant et rien ne justifiait qu’elle soit chargée. Voilà qui annonçait la possibilité d’aller se restaurer dans les plus brefs délais.
 
« Maître Asho’Tye ? » l’appela une voix légèrement essoufflée. Visiblement, le repas attendrait. Elle se tourna vers le Twi’Lek, désormais revenu. Elle le salua d’un geste, coupée dans un élan vocal par la reprise de parole « Maître Don souhaite vous parler. Il viendra vous chercher dans le hall. » Aussitôt dit, aussitôt reparti. Un coursier fort efficace, songea l’Arkanienne pour qui l’annonce sonnait comme un présage qui la rendait perplexe. Depuis quand Maître Don voulait lui parler ? Ils ne s’étaient que peu côtoyés, essentiellement quand elle effectuait ses rapports oralement devant le Conseil. Autant dire, presque jamais. Et en dehors de ses obligations, See’Ryl n’était quasiment pas visible dans le Temple. Tantôt dans ses quartiers, tantôt dans l’un des hangars…
 
Aussi le hall lui donnait une impression de nouveauté au point qu’elle se demandait ce qui avait bien pu changer. Mais son attention fut rapidement accrochée par le vénérable vieillard qui s’approchait. See’Ryl s’inclina avec respect. Quelle que soit son opinion au sujet du Conseil, elle ne l’en respectait pas moins. Consciente qu’elle était que diriger l’Ordre n’était pas une mince affaire ni même une partie de plaisir. « Maître Don » dit-elle pour accompagner son salut. « Je n’ai pas encore eu le temps d’écrire mon rapport, je suis navrée de vous causer un ennui » reprit-elle après le passage des padawans.
 
Ordinairement, See’Ryl rendait ses rapports en temps et en heure. Le fait était que ses dernières rencontres la laissaient perplexe. Autant elle savait plus ou moins à quoi s’en tenir avec Balian, autant avec Sly… il y avait quelque chose de louche. Un intérêt soudain ? Possible. La Jedi n’était pas accoutumée à ce que l’on s’intéresse à elle. Ses actions bénéfiques étaient rarement notées. Contrairement à ses échecs, d’ailleurs. « Je vous accompagne » décida-t-elle à la proposition du patriarche dont la plaisanterie se solda d’un terre à terre « Vous pourriez siéger au Temple de Coruscant, la vue est changeante. »

Oui, l’Arkanienne savait faire preuve d’humour. Mais en des circonstances particulières et, jusqu’à présent, jamais en présence d’un membre de l’Ordre. Si jamais Balian en venait à raconter leur rencontre à un Jedi connaissant See’Ryl, ce dernier ne le croirait probablement jamais. Plus que jamais, s’il y avait un lieu où elle était plus maîtresse d’elle-même que d’habitude, c’était bien au sein du temple Jedi. Une fois à l’extérieur, elle sembla se détendre sensiblement. La ligne de ses épaules se fit moins dure et lorsque les derniers rayons de lumière s’éclipsèrent, elle releva ses lunettes sur son front.
 
Une habitude face aux membres du Conseil. Une manière de se mettre à nu, en quelque sorte. Elle papillonna des paupières, les yeux encore sensibles après l’incident. Le collyre était efficace et rendait l’épreuve moins désagréable. « Je sais que le Conseil a beaucoup d’affaires à traiter en même temps » dit-elle, peu prompte à juger. Elle n’était pas seule dans l’Ordre et elle n’osait imaginer la somme des dossiers s’entassant sur les bureaux des membres du Conseil. Encore plus sur celui de Saï. Aussi n’était-elle pas particulièrement impatiente, sachant que la réponse viendrait au moment opportun.
 
Elle écouta la suite des paroles de Saï avec une attention lisible dans la légère crispation de ses paupières. Le silence se réinstalla, lui octroyant le temps de la réflexion et du choix des mots. « Je pense qu’elle devrait garder le rôle qui est le sien depuis des siècles. A savoir protéger les innocents. Qu’importent les personnes à la tête de la République. Nous devons faire ce qu’il faut pour pouvoir continuer. » Elle s’était exprimée de son ton habituel, monocorde. « Je sais qu’il y a une certaine méfiance vis-à-vis du gouvernement. Au vu des différentes actions, elle est tout à fait logique. Néanmoins, je ne pense pas que l’Ordre puisse se permettre d’agir comme si rien ne pouvait lui arriver de la part de la République. Car si la Reine Kira n’aurait rien intenté contre nous, je ne pense pas qu’il en soit de même pour ses successeurs. »
 
Elle se pencha pour ramasser un caillou. Elle le présenta au sein de sa paume, scintillant de blancheur contre le noir de son gant. « Voilà ce que nous sommes actuellement. Intégrer Maître Marja dans un Ministère des Affaires Jedis est une manière à peine dissimulée de forcer l’Ordre à rentrer dans le rang. » Elle referma le poing « Si l’on veut éviter de donner des pierres à ceux qui veulent notre fin, nous devons jouer au même niveau qu’eux. Et cela passe par montrer patte blanche… dans une certaine limite. »
 
Jamais elle n’avait parlé autant avec l’un de ses confrères. On ne lui demandait que rarement son avis sur les situations. Exception faite de Dubrillon. Et cela lui avait permis d’accéder au rang de Maître, statut qu’elle n’avait jamais espéré. Pour une fois qu’on lui demandait son opinion, elle ne s’était pas faite prier bien longtemps.[/color]

Saï Don
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- Je vous en prie, s’il n’y a rien d’urgent… Nous avons de quoi nous occuper en attendant, sourit le vieil homme, qui était bien plus intéressé par le sujet de conversation qui suivait.

En effet, Maître Asho’Tye, bien que discrète, avait toujours été extrêmement ponctuel dans ses comptes-rendus de mission. Quand bien même elle avait eu des antécédents avec le Conseil, Maître Don ne la percevait pas du tout comme une dissidente ; c’était la variété des personnalités de l’Ordre qui en faisait sa richesse et qui l’emplissaient de compétences, d’attitudes, de postures possibles pour répondre à tous les imprévus auxquels ils devaient faire face. Et il ne pensait pas être le seul à penser que ne serait-ce qu’en cela, un profil comme Maître Asho’Tye était extrêmement précieux. Néanmoins, on ne connaissait que peu d’amis à la Jedi, et l’intégration de l’un des leurs était toujours un problème, dans la mesure où le Temple recueillait un tissu social qui permettait de panser les blessures psychologiques, et de garder dans le droit chemin les âmes qui tendaient à s’égarer. Maître Asho’Tye, cependant, avait l’air d’avoir trouvé depuis longtemps un équilibre dans la distance qu’elle avait avec ses confrères Jedi.

Tout en marchant tranquillement, les cailloux crissant sous leurs bottes et l’air frais s’insinuant dans les cols de leur bure, le vieil homme écoutait attentivement les explications de la Jedi, qui ne manquaient pas de le surprendre. Ce n’était pas du tout le genre d’opinion qu’il avait l’habitude d’entendre : ni au Conseil, ni de la part de leurs consulaires proches de Maître Marja. Maître Don fronça les sourcils, avant de tourner vers l’arkanienne un regard qui brillait de curiosité.

- Vraiment ? Savez-vous que votre posture est originale ? D’aucuns considèrent que se rapprocher de la République est une erreur commise par l’Ordre envers et contre la résistance de la République elle-même, qui se serait bien passée de notre opinion pour conduire ses affaires. D’autres, en revanche, considèrent que les Jedi doivent s’investir dans la République afin d’en contrôler les actions. C’est la première fois que l’on m’expose la thèse selon laquelle la République nous attire dans son jeu politique pour mieux nous contrôler. Vous n’êtes pas sans savoir que du temps des Inquisiteurs, il s’agissait au contraire de nous contraindre à rester dans un rôle uniquement guerrier au service des décisions politiques du Sénat. Cette stratégie hypothétique que vous m’exposez éclaire le problème d’une toute nouvelle lumière…

L’idée avait en effet brusquement soufflé comme un vent de fraîcheur dans le débat sur la relation entre l’Ordre et la République que le Conseil et ses diplomates ressassaient depuis des décennies. Cette façon de voir le problème était inédite, mais tenait aussi bien sûr à la nouvelle situation à laquelle ils faisaient face : si Kira avait toujours affiché de façon plus ou moins évidente sa défiance envers les Jedi, le nouveau gouvernement avait une toute autre posture et il conviendrait de s’adapter rapidement.

- Vous savez, poursuivit-il, j’ai toute confiance en Maître Marja pour avoir le nez suffisamment fin pour déjouer les intentions du gouvernement à notre égard. Elle peut être extrêmement redoutable. Mais… Elle est clairement en minorité face à un système politique que les sénateurs ont mis des années à peaufiner et à maîtriser. Ce n’est pas notre cœur de métier que de réaliser ce genre de « missions »…

Pour sa part, il avait toujours été fondamentalement contre la présence de Jedi dans les gouvernements, car selon lui cela les rendait directement coupables de toutes les injustices sociétales que vivaient les gens, la situation que vit toutes les autorités du monde. La philosophie Jedi recelait d’indices pour les en avertir, mais ces dernières années les Jedi s’étaient immiscés dans presque tous les gouvernements… Sauf celui de Kira, dont la défiance envers les Jedi résolvait finalement momentanément le problème de Maître Don. Mais ce problème avait ressurgi aujourd’hui, sous une forme plus forte encore : un ministère des Affaires Jedi ! Quel tour lui avait joué là Hildegarde !

- Bref, vous avez raison sur le fait qu’il faut que nous soyons vigilants. Que proposeriez-vous, Maître Asho’Tye ? Que voulez-vous dire par montrer patte blanche ? Vous savez, ma principale inquiétude n’est pas que le gouvernement s’intéresse à nous de trop près. L’Ordre sait se défendre de l’ingérence, en tout cas je le pense. Nous avons mûri une espèce d’indépendance d’esprit, ou bien je me plais à le croire. Non, ce qui m’inquiète réellement… C’est que dans l’esprit des gens, nous représentions l’autorité républicaine, ce que nous ne sommes pas. Nous ne sommes pas la police de la République, ni même un membre de son Armée. Le jour où nous serons perçus comme telle, notre philosophie ne sera plus rien face aux idéologies politiques qui animent les gouvernements, quels qu’ils soient. Les Jedi ne seront plus des gardiens de la Paix, suivant la voie de la Lumière, mais des exécuteurs d’ordres qu’ils n’ont pas médités en leur âme et conscience. Nous ne faisons pas des soldats sans cervelle, comme vous le savez, mais des êtres instruits de toute la sagesse accumulée depuis des milliers d’années. Le jour où nous perdons cela… nous perdons l’essence même de notre Ordre.

Et cette protection, en tant que Maître du Conseil, c’était la mission dont il était investi. Son inquiétude était profonde et réelle, et il n’était pas bien sûr qu’aucun des autres Maîtres du Conseil la saisissaient. Parfois, face à leur entêtement à vouloir maîtriser l’évolution de la République, il se mettait à douter de son propre raisonnement : était-il le seul à voir le danger fondamental qui les guettait ?
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Sans rien attendre, See’Ryl avait donné son avis tout en étant peu consciente que ce dernier pouvait être inédit. Elle n’avait pas encore mesuré la dichotomie des opinions au sein de l’Ordre. Tout blanc ou tout noir. C’était très Jedi, elle en convenait. Très Jedi mais aussi très peu judicieux. Elle écouta Saï tout en jouant avec le caillou qui tournoyait entre ses doigts. Pendant qu’il parlait, elle intégrer les nouvelles informations, tantôt clairement prononcées, tantôt sous-entendues. La question de la confiance de vieil homme envers Marja eut presque la capacité de la faire sourire tant c’était l’évidence même.

« Pourtant, cela doit le devenir pour certains d’entre nous. Sans quoi, nous serons incapables de réagir. » souffla See’Ryl à propos de l’ignorance des Jedis vis-à-vis de la chose politique. « Et je suis d’avis que nous ne devrions pas faciliter la tâche du gouvernement pour nous piéger. » Elle avait clairement en ligne de mire les agissements inconsidérés de certains de ses confrères et consœurs. Elle en venait même à remercier la Force de faire en sorte qu’on ne leur demande pas encore des comptes. Elle rouvrit la main pour contempler le caillou représentant l’Ordre, en un certain sens. Son attention revint vers Saï et lorsqu’il se tut, elle laissa volontairement le silence revenir.

Son regard vola vers le ciel, captant le passage d’un volatile nocturne. La lumière déclinait, quelques étoiles s’éclairaient, prenant leur temps. Finalement, elle souffla « A partir du moment où nous nous sommes installés dans les jalons de la République, nous avons perdu une partie – même infime – de notre indépendance, Maître. » Un court silence suivit « Parce qu’ici, au sein même de ce temple, nous ne sommes pas chez nous. Nous sommes tolérés et ce statut nous mets dans une position inférieure vis-à-vis de la République… Dans le même temps, où pourrions-nous aller ? » Une question à laquelle elle n’avait pas de réponse. Elle ne s’y était pas penchée, en réalité. See’Ryl, pour l’une des rares fois de son existence, livrait ses pensées à une oreille vivante. Non à son datapd ou à Légion. Cela en était presque étrange pour elle.

Puis, sans prévenir, elle revint à la question de Saï. Elle laissa tomber son caillou au sol et le désigna d’un geste. « Voilà ce que nous sommes. Un caillou au milieu de l’immensité de la République. Pour l’instant, nous sommes clairement visibles mais… » Du bout du pied, elle fit en sorte que ledit caillou se fonde avec les autres. « Si nous acceptons de nous cacher quelque peu… » Son regard vola jusqu’au vieil homme « J’entends par cacher le fait de donner, de temps en temps, un os à ronger à la République… Des informations non essentielles sur nos actions… proposer des actions conjointes… ».

Et soudain, elle se mordilla légèrement la lèvre inférieure. A vrai dire, elle n’était pas certaine de parvenir à bien s’exprimer, cette fois-ci. « L’idée est de donner des signes à la République comme quoi nous ne cherchons pas à la mettre à mal, à nous immiscer dans ses affaires… Tout en lui montrant que nous la respectons… dans une certaine mesure. Dans les faits et en un certain sens, la République et l’Ordre sont partenaires. Aucun partenariat, ni aucune alliance ne peut fonctionner si l’on n’établit pas des liens. » Voilà qui était mieux. Elle se détendit un peu. « Même si la parole n’engage que ceux qui y croient » ajouta-t-elle avec son pragmatisme habituel.

Puis, comme pour achever sa réponse quelque peu déconstruite, elle asséna « Je suis navrée Maître. Mais je pense que, depuis Halussius Arnor, dans l’esprit des gens, nous sommes une entité supplémentaire de la République… Nous n’en sommes pas encore au point d’être une branche de l’armée, cependant. » See’Ryl était contre, totalement contre, la présence de Jedis au sein de gouvernement. A son sens, c’était notamment parce qu’ils avaient été incapables de bien gérer la politique que la situation de l’Ordre était aussi problématique, désormais.
Saï Don
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Le vieil homme inspira paisiblement. Il partageait la majeure partie des opinions de sa consœur, quoiqu’il fut plus nuancé dans sa vision des choses.

- Historiquement, dit-il, ce n’est pas la République qui nous a offert ce foyer, mais la couronne d’Ondéron, il y a fort longtemps. Néanmoins, cette différenciation ne compte guère plus : les dernières souveraines de la planète n’ont pas partagé l’enthousiasme de leurs ancêtres pour ce voisinage. Il faut dire que bien avant la réapparition de l’Empire – il y a vingt ans, vous étiez encore si jeune ! – les gens ne voyaient plus la menace du côté obscur, et notre proximité leur paraissait inutile et bien étrange. Mais cela a bien changé et il est vrai, aujourd’hui, nous pouvons nous considérer davantage des hôtes de la République que d’Ondéron.

Maître Don baissa les yeux sur le petit caillou qui s’était fondu aux autres, puis sourit. S’il entendait bien ce que Maître Asho’Tye était en train de dire, il conviendrait que cette dernière était plus créative que sa réputation laissait paraître d’elle. En marchant, ils dépassèrent l’endroit où le caillou avait été poussé, et le vieil homme profita de la proximité d’un banc de pierre pour s’asseoir. Ainsi, le caillou restait à proximité du regard.

- Vous proposez de jouer un jeu de dupes avec la République. Ce n’est pas rien. Un grand nombre de Jedi s’opposeraient frontalement à une telle politique. L’Ordre prône les relations de confiance. Mais comme vous dites : la parole n’engage que ceux qui y croient.

Un bref silence s’installa, durant lequel Maître Don gardait son léger sourire énigmatique. Il n’était pas mécontent d’avoir décidé de parler à Maître Asho’Tye de façon privilégiée plutôt que devant le Conseil. Malgré tout le respect qu’il avait pour ses confrères, à l’évocation de tels propos, ils seraient déjà engagés dans de furieux débats sur l’honnêteté que devrait avoir l’Ordre. Saï, quant à lui, avait toujours privilégié le pragmatisme, ce en quoi il semblait avoir un point commun de taille avec l’arkanienne.

L’évocation d’Halussius Arnor n’entama pas sa bonhommie, mais il laissa échapper un léger soupir. Que ce dernier fut encore en vie, mais plus encore son parcours depuis la Chancellerie restaient toujours un mystère. Il ne craignait qu’un jour Arnor ne devînt un nouveau problème pour l’Ordre, mais ce dernier semblait être absorbé dans une quête qui, il l’espérait, ne troublerait pas leur propre mission. Tout ceci, cependant, était resté totalement confidentiel. Pour tout l’Ordre excepté le Conseil, le chevalier Arnor était porté disparu depuis si longtemps qu’il était considéré comme mort.
Néanmoins, les conséquences de toutes les péripéties des Jedi dans la politique devaient être assumées.

- Peut-être bien, souffla le vieil homme, les yeux parcourant l’horizon comme s’il redécouvrait un paysage de son enfance. Mais il y a peut-être des opportunités à tirer de cette position. Voilà ce qui serait l’idéal ; puisque nous ne pouvons faire machine arrière, montrer patte blanche à la République, comme vous le suggérez, tout en établissant notre propre stratégie en nous servant de ce qui nous est momentanément disponible, et qui ne le sera pas toujours.

Ce qui était momentanément disponible pouvait par ailleurs recouvrir un très grand nombre de choses : des éléments concrets, comme du matériel et de l’information, mais aussi des choses plus abstraites, comme le fait de bénéficier de la légitimité de la République aux yeux d’une population. Mais dans quelle optique, exactement ?

- Néanmoins, notre principal ennemi reste les Sith. Les Jedi ne doivent pas perdre de vue leur mission première de défense contre les forces obscures ; mais chacun ne peut être sur deux fronts à la fois. Ce qui signifie… Que pendant qu’ils opèrent, d’autres d’entre nous doivent en effet proprement organiser le jeu avec la République.

Délaissant de nouveau le paysage, Maître Don regarda de nouveau la jeune femme, qui devait probablement deviner où il en venait. La pâleur de la peau de son interlocutrice, ainsi que ses yeux immaculés qu'elle avait dévoilé depuis que le soleil s'était caché derrière les cimes, rendaient toutefois très difficiles l'interprétation d'expressions faciales. Ou bien était-ce simplement que Maître Asho'Tye était très habituée à dissimuler soigneusement toute trace d'émotion ou de pensée personnelle via son corps, que ce soit consciemment ou inconsciemment. Ce qui était bien loin de l'attitude du vieux Maître, qui ne cachait plus depuis longtemps ses joies, ses déplaisirs ou ses doutes. Mais il fallait dire qu'ici, loin des missions périlleuses, dans la sécurité du Temple d'Ondéron, il n'avait plus besoin de recourir à ce genre de rigueur.

- Des personnes qui ont conscience de l’importance de notre indépendance, et qui savent décrypter les manœuvres de la République à notre égard. Qui sauront proposer des actions pour l’occuper, de façon à protéger des actions plus confidentielles ordonnées par le Conseil. Une combinaison de compétences assez inédites…

Le vieil homme scrutait de ses yeux azur le visage de l’arkanienne. Un air léger, mélange de malice et de défi, animait son regard.

- Hé, je ne connais pas des dizaines de personnes qui répondent à ce profil. Ce pourrait être vous.

Il feignit un sourire innocent.

- Non ?
See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye
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 « A partir du moment où Ondéron a choisi d’intégrer la République, elle en a perdu de sa souveraineté. Si un jour la République éternue, Ondéron devra lui prêter un mouchoir sous peine d’en subir les conséquences. » confirma, non sans nuancer, See’Ryl. « Les gens oublient aisément ce qui les menace. Il est commun pour les races conscientes de se croire invincibles jusqu’à ce qu’elles mordent la poussière. Et même là, elles espèrent encore. » Cela pouvait, sans conteste, constituer une opinion fort inquiétante venant d’un Jedi sensé porter l’espoir en étendard. Mais l’arkanienne n’était pas comme ses confrères : son espoir restait toujours teint de pragmatisme et de fatalité. L’espoir était l’un des moteurs les plus puissants de la galaxie, elle en avait conscience… Tout comme elle  refusait de rester immobile en attendant que, justement, l’étincelle n’apparaisse et fasse bouger les choses. Et ce mouvement constant demandait la prise en compte de nombreux paramètres qui ne se limitaient pas à la dichotomie habituelle.
 
Saï s’assit et See’Ryl resta debout, le regard perdu sur les plantes grimpantes qui courraient le long des murs derrières le vieil homme.  « Maître… La République, du moins ses gouvernants, a déjà cessé de nous faire pleinement confiance. » releva-t-elle  « Le jeu de dupes est depuis longtemps entamé » Peut-être était-elle la seule à l’avoir vu ainsi ? Peut-être était-elle devenue bien trop méfiante avec le temps ? Peut-être était-elle hors sujet ? Non, songea-t-elle. Quelque chose s’annonçait, une ombre latente et insaisissable qui titillait son intuition. Son regard retourna se poser sur Saï et See’Ryl le contempla pendant qu’il observait lui-même l’horizon. Qu’est-ce-qu’il allait bien pouvoir lui préparer ?
 
 « Les Siths ne se contentent pas d’être massés dans l’Empire, Maître Don. » dit-elle doucement, tout à fait consciente qu’elle énonçait une évidence.  « Plusieurs fois, ils ont prouvé leur capacité à atteindre les plus hautes sphères de la République. Ne voir des Siths qu’au sein de l’Empire est une erreur qui nous serait fatale. » La brise commençait à se rafraîchir et rendait les silhouettes chaudes d’autant plus visibles pour l’Arkanienne qui restait stoïque et inexpressive. C’était plus par habitude et confort que par réelle nécessité. Ici, en compagnie de Saï, elle n’était pas entourée d’hostilité. Il suffisait cependant qu’un seul regard vers eux pour que d’éventuels problèmes débutent. Et ne provenant pas uniquement de l’extérieur… See’Ryl voyait parfaitement ce qu’il esquissait à travers des mots soigneusement choisis…
 
…Et qui ne tardèrent pas à confirmer ce qu’elle pensait, avant même qu’il la désigne. Son faux sourire innocent provoqua une étincelle clairement visible de défi, au beau milieu de l’océan blanc de ses prunelles. Evidemment que See’Ryl répondrait… mais pas n’importe comment. Se battre contre des banthas volants n’était pas dans ses envies profondes.  « Je ne propose pas de l’occuper. Je propose, entre autre, de mettre en place un terrain de coopération et de partage entre la République et l’Ordre. » explicita-t-elle avant d’ajouter  « Je refuse d’être à la place de celle qui devra couvrir les erreurs de mes collègues. Que ce soit confidentiel ou non. Les missions et les actes de chacun doivent être réfléchis. Il suffit d’un caillou dans les rouages pour que tout s’effondre. Tous nos actes ont des conséquences. Tous. »
 
Son regard s’était légèrement durcit.  « Je pourrais citer en exemple le sujet de mon dernier message au conseil. Si la personne en question avait été surprise ou vue, ou pire, prisonnière. Comment aurait-on justifié sa présence sur cette planète en limitant l’incident diplomatique ? » souleva See’Ryl avant d’inspirer profondément puis relâcher son souffle plus calmement.  « Notre manque d’indépendance nous oblige à considérer l’ensemble que nous formons avec la République. » reprit-elle en ayant retrouvé son ton habituel et monocorde  « Je ne dis pas que le Conseil ne réfléchit pas avant de nous envoyer en mission. » Oui, autant éviter que l’on pense qu’elle méprisait la haute instance de l’Ordre. Ses réserves étaient plus pointues que cela, en vérité.  « En revanche, je dis qu’individuellement, certains Maîtres refusent d’accepter la réalité de la situation et que, par conséquent, en ignorant des paramètres, ils nous mettent tous en danger et compromettent notre mission sur le long terme. »
 
Non loin, elle perçu des pas. D’un geste rapide, elle rabattit ses lunettes sur son nez avant de terminer  « Et ces Maîtres sont écoutés et suivis par d’autres Maîtres, par des Chevaliers, des Padawans et des Novices… En quelques mots comme en cent, Maître Don, je crois que si vous tenez à ce que je sois cette personne, il vous faudra accepter de sévir pour que cesse cet égoïsme orgueilleux. » Hm… on pourrait presque accuser See’Ryl de faire du chantage. Presque, seulement.
Saï Don
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Le vieil homme observait Maître Asho’Tye avec circonspection. On ne pouvait pas dire qu’elle était très optimiste. Cela allait bien sûr avec sa personnalité, ce que Maître Don respectait. Un instant, il s’interrogea sur les raisons sous-jacentes qui pouvaient expliquer la teinte que prenaient les propos de la Jedi, mais il devait bien admettre que le cœur de chacun restait un jardin secret dont seuls quelques aperçus ne permettaient pas de comprendre la complexité.

Elle était debout devant lui, et son ombre s’étirait sur le chemin de cailloux qu’ils avaient parcouru. Elle avait repris ses propos, expliquant une nouvelle fois le fonctionnement du monde au vieux maître, ce qui n’était pas sans le surprendre quelque peu. Il lui semblait qu’à plusieurs reprises déjà, depuis le début de la conversation, elle se positionnait systématiquement comme étant celle qui voyait le monde plus clairement. Ce n’était pas anodin de la part d’un maître : voilà longtemps que le vieil homme cultivait, quant à lui, le doute plutôt que les certitudes. L’effet de la jeunesse ? Non, c’était autre chose qu’il n’attribuait pas uniquement à la personnalité de See’Ryl. Etait-ce une amertume qui teintait son cœur, ou bien une inquiétude qui hâtait ses propos et ses actes ? Il ne pouvait le dire clairement sans la connaître davantage.

- Découvrir les Sith plus ou moins dissimulés au cœur de la République est le travail des Ombres,
dit-il posément. Nous devons leur faire confiance.

Bien qu’il gardait sa tranquillité habituelle, il n’en était pas moins interpelé par la suite des propos de la Jedi, qui se durcissaient au fil de ses mots comme la glace enserrerait peu à peu plus fermement une proie égarée sur Ilum.

- Faire confiance à ses confrères est le propre d’un collectif comme le nôtre, répondit-il avec douceur, son ton plus bas qu’auparavant, comme s’il avait craint qu’on pût les entendre. C’est même le ciment de l’Ordre : craindre de payer pour les autres, leur refuser d’avoir une opinion indépendante de la sienne, individuelle, c’est se positionner d’une façon individualiste. Aucun Jedi n’est un mercenaire en vue d’une carrière, ni même d’un bien supérieur. Notre collectif assure notre survie, Maître Asho’Tye.

Il s’interrompit, écoutant la suite de ses propos, fronçant les sourcils.

- Est-ce de la colère, Maître Asho’Tye, ou de la frustration que je sens troubler votre esprit ? Nous ne pouvons pas discuter d’actions stratégiques à prendre si vous êtes chargée d’animosité.

Son ton s’était quelque peu durci. Il avait cru quelques instants plutôt que l’Arkanienne était le profil original, parfait pour établir un jeu plus organisé entre l’Ordre et la République. Mais il n’en était plus certain. Pour ce genre de missions, il fallait une sérénité d’acier. C’était bien ce que disait d’elle sa réputation… Mais pas ce qu’il découvrait maintenant qu’ils échangeaient plus profondément.

Les derniers mots de l'Arkanienne achevèrent de forger son opinion. Il se leva. Devant eux, un groupe de jeunes chevaliers passèrent dans une discussion passionnée. Ils les saluèrent et Maître Don leur rendirent leur salut poliment. Il attendit qu’ils se fussent suffisamment éloignés pour reprendre la parole.

- Vous vous méprenez sur ce à quoi je tiens, Maître Asho’Tye. Le chantage auprès d’un membre du Conseil n’est sûrement pas la bonne voie, et encore moins pour obtenir une réparation - il osait espérer que le terme « revanche » ne fût pas plus approprié – pour l’ombre à votre ambition qu’auraient causée certains des nôtres.

Il l’observa de nouveau, fatalement certain que sa réponse ne plairait guère à l’Arkanienne – mais c’était son devoir d’être ferme, comme elle venait de le lui rappeler.

- Vous n’êtes pas prête à endosser cette responsabilité, Maître Asho’Tye. Je n’en pense pas moins que vous avez toutes les qualités, pourtant. Mais votre cœur est obscurci. Prenez le temps de vous apaiser. Si vous avez des griefs, agissez en Jedi responsable et confrontez vos idées lors d’une audience du Conseil. Mais cessez d’insulter nos confrères et consœurs. Ils sont aussi imparfaits que vous… et moi.

Il s’éloigna sur ces derniers mots, souhaitant ardemment qu’après la désagréable sensation qu’avait dû ressentir l’Arkanienne, elle prit le temps de réfléchir à leurs échanges et à retrouver la sérénité.
See'Ryl Lun'Sa Asho'Tye
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A peine avait-elle terminé de parler que See’Ryl savait. Elle savait que le fossé s’était ouvert entre Saï et elle. Elle avait conscience de ne pas être assez adroite pour parler de ce sujet qui lui tenait à cœur sans s’enflammer. Elle n’avait pas non plus assez de recul pour ne pas faire preuve de fougue quand, pour une fois, quelqu’un de l’Ordre lui demandait son avis. Un jour peut-être comprendrait-elle et parviendrait-elle à se faire comprendre. Pour l’instant, elle percevait un changement subtil qui ne suffisait pas pour l’arrêter.  « Nous devons ? Les Ombres font parties des personnes les plus paranoïaques que j’ai pu croiser. Mais comment ne pas se poser de questions quand elles ont été incapables de percevoir le Côté Obscur au sein même de l’Ordre ? Comment ne pas craindre pour l’avenir quand, jusqu’à présent, le Chevalier Mora n’est toujours pas revenu et que rien ne semble être fait pour aller le chercher alors qu’il est probablement torturé? » Elle s’était exprimé calmement comme vidée des émotions qui l’avaient submergées quelques secondes plus tôt.
 
La suite… ne fut que la confirmation de cette intuition fugace qui l’avait assaillie plus tôt. Sans bouger, elle écouta Saï, se refermant un peu plus à chaque seconde. Elle avait échoué. Chaque mot du vieil homme lui prouvait la profondeur de son échec. C’était habituel, elle aurait dû s’attendre à ce que l’on interprète ses mots en complète opposition avec ce qu’elle voulait dire. Encore une preuve qu’elle n’était pas faite pour parler en public, qu’elle était bien plus dans son élément lorsqu’il s’agissait d’observer… Mais pourquoi observer quand les résultats de ces heures passées devaient rester sous silence ?
 
L’espoir fugace d’être écoutée s’éteignit définitivement au fil des paroles et des remontrances du maître de l’Ordre. L’Arkanienne attendit patiemment qu’il termine et ne lui laissa pas faire deux pas qu’elle répondait.  « Vous me parlez de confiance, Maître. Il est fort étrange que vous me rappeliez que la confiance est le ciment de notre Ordre alors que chaque jour, on me prouve que l’Ordre ne me fait pas confiance. Vous-même ne me faites pas confiance. » Son ton ne variait pas, respectueux, poli et monocorde. Elle pouvait évoquer son passé, donner des exemples récents… mais à quoi bon ? Pour que Saï lui reproche encore d’avoir des griefs ? Pour qu’on lui reproche de se faire passer pour une victime ? Inutile…  « Vous me trouvez individualiste. Parce que je refuse de payer pour les autres. Ce n’est pas une crainte, mais un refus. Depuis mon arrivée ici, il m’a été demandé l’excellence. Aucune de mes erreurs, à raison, n’a été passée sous silence et sans conséquences. Mes opinions ont fait et font encore l’objet de périodes d’observation. Ce que je demande, c’est le juste suivi des règles, le juste traitement de chacun. Pourquoi, dans l’hypothèse du rôle que vous vouliez me confier, aurais-je dû payer pour les erreurs et le comportement du Chevalier Mora sans que lui soit inquiété d’aucune sorte ? Si c’est ce que vous imaginiez, alors ce n’est pas une passerelle que vous vouliez mais quelqu’un à sacrifier. Ce n’était pas un chantage, mais un début de négociation. »
 
Elle retint un soupir.  « Ce qui me trouble, c’est l’inquiétude et la peur. Je suis inquiète de voir notre collectif rester de marbre face aux troubles géopolitiques. De le voir continuer à agir comme si rien et personne ne pouvait l’atteindre, comme s’il n’avait de comptes à rendre à personne. Et j’ai peur…. Oui, j’ai peur. Peur qu’un jour je ne parvienne plus à repousser la colère que des années passées à être rejetée et insultée ont nourrit sans discontinuer. Peur de finir rongée par la solitude. Peur qu’un jour, le seul foyer que j’ai connu me mette dehors pour une erreur qui serait passée pour un autre. » il voulait savoir ? See’Ryl espérait qu’il serait satisfait.  « Non seulement je ne suis pas prête à une telle responsabilité mais je n’en veux pas, Maître Don. Durant un instant j’ai cru que vous étiez différent de celles et ceux qui font exactement ce que vous me reprochez. Mais j’ai eu tort. Je n’irais pas non plus exposer mes « griefs » au Conseil pas après que celui qui le dirige m’ait rappelé ma place. »
 
See’Ryl s’inclina profondément.  « Je vous remercie pour cette conversation, Maître Don. Avec votre permission… » ou sans, de toute manière, elle le ferait.  « Je vais vider mes quartiers de ce temple et m’installer définitivement sur Coruscant. Ainsi, je vais pouvoir me consacrer à ce que je fais de mieux : former des étudiants et des militaires de la République. La solitude me permettra de m’apaiser. Vous pouvez interpréter cela comme un caprice mais il n’en est rien : plus je serais loin d’ici, moins je serais la proie de mon ambition et de tout ce qui assombrit mon cœur.» Toujours ce ton monocorde où ne pointait pas la moindre émotion ou sarcasme. See’Ryl se redressa et s’éloigna à grands pas. Elle bifurqua dans une allée, s’enfonçant dans la végétation, d’ores et déjà en train de préparer ce qui s’apparentait à une sorte d’exil volontaire.
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