Luke Kayan
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Sous les yeux ahuris de la cuisinière, le met crépitait doucement sur le grill, sans qu'elle n'y soit pour rien, les morceaux furent délicatement --quoiqu'un peu maladroitement retournés. La demande du chevalier Luke Kayan l'avait tellement étonnée que la chef de cantine s'était demandée si le synthétiseur vocal intégré au datapad du jeune homme n'était pas défectueux, ou si c'était une farce. Mais non, l'auteur était bien Luke, l'objet du message: laissez-moi cuisiner un plat. Elle avait ri puis s'était inquiétée de voir le blond, lentement prendre ses marques dans le grand espace propre quoiqu'un peu impersonnel. Elle l'avait guidée d'une voix d'abord hésitante, puis certaine lorsqu'il l'y avait encouragée, la remerciant même, sans pour autant consentir à ce que la Twi''Lek touche à la confection. Après 15 minutes laborieuses, la femme l'abandonna, non sans inquiétude, pour préparer le repas des Padawans, affamés après des heures d'entraînement. Luke resta patiemment installés aux fourneaux, les yeux fermés, l'esprit concentré. Ses sens s'étendirent, entrelacés avec la Force, tandis qu'il appuyait sur la viande pour en retirer le jus. Malgré un froncement dégoûté du nez, le Chevalier continuait de préparer les Won-Wons sur son petit grill. L'engin bipa longuement pour indiquer la fin de cuisson, Luke se baissa au-dessus du plat, un récipient d'épices naturels dans la main droite. Lentement, il versa le contenu, avec des petits gestes saccadés prudents, le nez à l'affût pour se guider.

Une heure plus tard, il achevait d'essuyer les traces de son passage, laissant un endroit relativement propre. Ses mains qui avaient glissé longuement, patiemment sur la table de préparation en marbre, sans rater un millimètre étaient légèrement brûlées par endroit, là où l'Huile végétale avait sauté. De petites points coloraient ses paumes, laissant une douleur supportable mais agaçante les piquer, mais le Chevalier n'y faisait pas attention, souriant.

À l'heure prévue, le jeune homme qui avait retiré son tablier --nettement moins propre se dirigea vers la salle où il avait rendez-vous. Sa tenue de Jedi impeccablement lavée puis repassée par les bons soins des droïds, ses cheveux fournis sagement domptés en une queue de cheval contrastaient avec le plat soigneusement maintenu devant lui. Il n'avait ni la tenue, ni la tête -- avec sa silhouette élancée, de l'emploi. Avec précaution, le jeune homme exerça une douce pression sur la porte du pied, celle-ci, déjà entrouverte, n'opposa aucune résistance et s'ouvrit sans un bruit. Le Chevalier sourit à la silhouette déjà installée, sans se tromper d'un millimètre. Ses prunelles fixaient très exactement l'homme âgé. D'une onde de Force, il salua ce dernier sans mot dire, disposant les Won-Wons grillés sur la table en bois modeste mais solide, disposée prêt de la fenêtre pour l'occasion.

Le regard rieur, le Chevalier s'installa à son tour, heureux. Il sortit des couverts subtilisés à la cantine -- avec l'accord de la responsable, bien sûr et les plaça sur l'objet. Le couteau penchait sur la droite, et l'assiette se coucha sur la fourchette, trop près du premier couvert. Mais le plat, lui, promettait à l'odeur, un repas agréable à défaut d'être extrêmement raffiné. Luke s'était appliqué pour ce met qui dépassait de loin ses habituelles confections de sandwichs, mais il avait perçu la même sérénité en se concentrant méthodiquement pour cuisiner. Le calme, les gestes répétitifs s'étaient savamment mêlés à l'instinct pour donner vie à l'offrande, constituant un exercice fort intéressant aux yeux du Jedi, même s'il n'avait ni le temps ni la patience pour réitérer souvent l'expérience. Pour Saï, toutefois, Luke souhaitait uniquement le meilleur. Préparer lentement mais sûrement ce repas était un moyen comme un autre de prouver son respect, sa tendresse pour le vieil homme. Si les bons cuisiniers de Coruscant mitonnaient ce plat de manière beaucoup plus subtile que la sienne et que la présentation n'avait rien à voir, on l'avait rarement assaisonnée avec autant d'amour. Oui, d'amour, alors que les Jedis n'étaient pas sensés s'attacher, mais quel padawan pouvait prétendre, hormis Karm, victime de maltraitances, ne pas apprécier son maître.

- Bonjour Maître.

Les trop rares rendez-vous entre le vieil homme et son ancien apprenti étaient une occasion spéciale pour se mettre à jour. Ils parlaient de choses et d'autres, du passé, de banalités ou de la situation présente. Le chevalier se demandait si parfois, Saï lui confiait des secrets du Conseil, mais dans tous les cas, il ne révélait à personne -- y compris à Karm ce dont ils parlaient. Les faits les plus anodins étaient cadenassés dans son cœur à la manière d'un trésor. C'était leur moment. Ces "réunions" démontraient sans doute un lien beaucoup trop proche, même pour un duo Maître- Padawan, cependant, personne n'avait eu l'idée de le leur reprocher. Peut-être parce que Luke continuait de progresser aux côtés de son éternel mentor, son sauveur. Car oui, le chef du Conseil n'avait pas fait que le former, il l'avait sauvé plusieurs fois. En le prenant sous son aile au début pour le sortir de son autisme, en allant le chercher sur Korriban, en le guidant.

- Comment allez-vous?

Se disant, il réajusta les couverts sans rien commenter néanmoins à ce propos. Il laissait le soin à Saï de diriger les prémisses de ce nouveau rendez-vous. Le blond avait, aujourd'hui, des choses à lui révéler, ou du moins, une réflexion à entamer à propos d'un cas aussi difficile que complexe. Mais était-ce vraiment ses affaires? Pour cette raison, et parce que ce n'était pas le moment, le jeune homme se taisait, d'autant plus qu' il avait d'autres sujets de préoccupation plus pressants encore, plus personnels, comme l'absence apparente de Yun, l'ultime apprenti de son maître. Il ne posa aucune question, transmettant simplement sa légère inquiétude pour l'homme par le biais d'une onde de Force. Il trouvait que Saï était trop âgé pour un tel apprenti au passé sombre et à la puissante carrure. Sensé devenir Gardien -- d'après ce qu'il se rappelait, Yun représentait un gros défi pour son vieux mentor, et Luke y songeait d'autant plus qu'il avait désormais son propre apprenti. Malgré son jeune âge, il était lui-même épuisé à force de chercher chaque jour, de nouveaux défis pour l'hyperactif Eckthor. Il prenait son rôle très au sérieux par ailleurs, trop peut-être si l'on considérait ses heures penchées sur une feuille et trois bouquins étalés sur le bureau afin de synthétiser des cours.

Malgré l'affaire concernant directement un membre de l'Ordre, externe à leur petit cercle privé donc, Luke attendit en silence, mains posées sur les genoux, dos droit que Saï coupe le silence, à l'instar d'un Padawan sage et respectueux.
Saï Don
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- Bonjour, Luke.

Le vieil homme était installé à table, ses mains jointes devant lui. Il avait levé ses yeux malicieux vers le jeune homme, s’étonnant de le voir porter lui-même les assiettes.

Les Maîtres du Conseil pouvaient, s’ils le désiraient, dîner dans une salle à l’écart du réfectoire. Ce n’était pas une habitude pour Saï de l’utiliser, il aimait bien être dans le grand bain des padawans agités à l’heure où le soleil d’Ondéron était au plus haut, et à la table des Jedi de retour de mission le soir, lorsque les chevaliers venaient dîner en groupe un peu tard pour se raconter leurs dernières aventures. Néanmoins, cette pièce était utile, en particulier lorsque les Maîtres voulaient discuter de dossiers quelque peu délicats en déjeunant, ou bien qu’un invité important était reçu au Temple.

Il ne s’agissait rien de tout cela ce jour ; ils étaient sur Coruscant et le vieillard avait rendez-vous avec son ancien élève. Luke Kayan avait un statut particulier dans sa vie ; aucun padawan avant lui, ni après, ne l’avait accompagné si longuement et si intimement que lui. Maître et padawan étaient pourtant très différents. Aujourd’hui encore, le chevalier Kayan bien qu’ayant mûri et ayant acquis une grande sagesse, n’avait pas la même philosophie que le vieux Jedi. D’une certaine manière, Luke était beaucoup plus sérieux, et évitait bien les paris que Maître Don se permettait. Le temps passant, et bien après l’envol de Luke, encore, les deux acolytes trouvaient le moyen d’être complémentaires, et cherchaient conseil l’un auprès de l’autre.

Ce jour, donc, ils se retrouvaient loin de chez eux. Amenés sur Coruscant pour des affaires bien différentes ; Saï devait régulièrement rencontrer le gouvernement dans le cadre de ses fonctions au Conseil. Il était bien heureux cependant de pouvoir divertir son esprit avec cette rencontre.

- Des won-wons grillés ! s’exclama-t-il, enthousiaste, en suivant des yeux l’assiette déposée sur la table.

En vérité, dès qu’il avait vu Luke entrer chargé du plat, il avait compris que le jeune homme avait pris soin de lui faire faire, ou de faire lui-même son plat favori. Luke était bien trop serviable avec lui, il se sentait comme un grand-père gâté. Ce qu’il était, en quelque sorte. Le vieillard s’agita sur son siège, faisant des signes à son padawan alors que celui-ci était incapable de les voir.

- Assieds-toi donc ! Ça sent bon. Tu les as faits toi-même, je parie ?

C’était facile à deviner : ils avaient une drôle de tête. Un aveugle ne pouvait pas vraiment soigner la présentation. Mais pour le vieillard, cela ne rendait le plat que plus appétissant. Il piocha à l’aide de sa fourchette et croqua le bout de l’aliment. L’huile chaude et parfumée lui faisait l’effet d’une friandise, et il ferma les yeux pour la savourer.
Quand il les rouvrit, il sembla revenir à la réalité. Il sourit en le regardant. Luke était figé dans une position sage – son padawan avait toujours été trop sage.

- Je vais très bien. Mais toi, tu sembles bien soucieux, Luke, commenta-t-il d’une voix douce. Mange donc. La galaxie est plus belle avec un won-won en bouche, je t’assure.

Certes, son ancien élève ne pouvait le voir, mais ils avaient appris à faire passer des choses autrement : le ton de la voix, la présence dans la Force. Luke savait généralement si son Maître était préoccupé, et vice-versa.
Il fallait admettre que l’état de la galaxie n’était pas des plus encourageants, mais Saï était d’un naturel optimiste, et refusait de se laisser abattre.

- Cela se passe-t-il bien avec Eckthor ? demanda-t-il avec sollicitude, soucieux de ce que cette nouvelle mission confiée à Luke ne fut trop lourde pour son jeune âge. Former un être à la Force est l’une des tâches les plus difficiles qui soit pour un Jedi… N’en déplaisent aux meilleurs bretteurs de la galaxie, il est plus aisé de battre un Seigneur Sith que de faire faire ses heures de méditation à un padawan capricieux chaque jour.

Sa tentative de détendre une atmosphère qui lui paraissait bien trop triste pour la relation qu’ils avaient toujours entretenue était quelque peu maladroite, mais le vieillard ne comptait pas laisser son ancien padawan recueilli devant lui comme devant une tombe. Il s’attaque à un nouveau won-won, son attention entièrement focalisée sur Luke.

Luke Kayan
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Il était étrange de constater que la malice jaillissait des lèvres ridées. Les autres, fermes, habillées d'un rose délicat n'invitaient guère au baiser. Du moins en cet instant précis, où il était sérieux, inquiet, nimbé d'un respect timide décalé pour le chef du Conseil alors que c'était son propre Maître. Les semaines avaient fait leurs œuvres, et de prime abord du moins, Luke ressentait la différence hiérarchique qui pesait sur eux. Saï était sans doute le plus célèbre, et davantage important encore à ses yeux, le plus sage des Jedis. Autant dire que le stress latent, le désir de faire bonne impression étaient justifiés. Quand on s'appelait Luke Kayan, qu'on était fidèle aux principes de son Ordre -bon sauf un.- et qu'on avait "un balai dans le derrière".

Les premières paroles de Saï détendirent toutefois le Chevalier, au point de s’octroyer une position plus relaxée contre le dossier sa chaise. Face à un inconnu il aurait probablement maintenu son air de parfait petit fonctionnaire pendant longtemps, victime depuis longtemps d'une grande timidité sertie d'un certain manque de confiance en soi. Eckthor l'avait longtemps impressionné par exemple. Oui un Padawan, ou plutôt le sien. Incorrigible gosse dont le corps avait sûrement grandi plus vite que l'âme où était-ce justement le contraire, étant donné son air si solennel?

- Hum. Vu l'aspect qu'ils ont, si c'était un cuisinier de Coruscant qui l'avait fait, probablement serait-il venu avec les plats vous supplier de le prendre à la cantine du Temple après avoir été mis à la porte.

Un mince sourire égaya les lèvres du Hapien qui retrouvait petit à petit ses marques avec son aîné. En fait, c'était surtout l'idée de le revoir avec des nouveautés sous le bras -son apprenti par exemple.- qui le gênait. Il espérait très souvent l'approbation de son mentor et s'il n'avait pas été un Jedi, formé à contrôler ses émotions, sans doute aurait-il paniqué. Maintenant que la conversation s'était engagée, qu'il reconnaissait les inflexions de voix de son cher Saï, il se détendait progressivement.

- Ça va avec Eckthor, je ne pouvais espérer mieux, d'autant plus que les débuts étaient... Hum... Comment le qualifier? Laborieux? J'ai été surpris qu'on me demande de le prendre en apprenti, encore plus en sachant qu'il voulait suivre la voie des Gardiens, mais je suis aidé pour sa formation au sabre-laser, j'ai quelques fines lames généreuses en guise de contact.

Si Alycius El'Dor avait refusé d'aider son apprenti, Karm et une autre bonne gardienne avait acceptés. Luke était content que le garçon puisse se confronter à deux gabarits différents, même si l'ironie voulait que la "baraquée" soit une titanesque Togruta, et que l'agile anguille soit Karm en personne. S'il manquait de savoir dans certains domaines, que d'autres lui soient complètement inaccessibles à cause de son Handicap, on ne pouvait pas lui reprocher d'être négligent. Il se pliait en 4 pour pallier ses défauts, étant d'ailleurs actuellement à la vaine recherche d'un pilote.

- Comme vous le savez, je n'ai pas vraiment le permis de conduire. À ce propos, si vous connaissiez un spécialiste du vol prêt à lui enseigner le pilotage, je vous en serai gré. Je peux proposer quelques heures en moins penchés sur des dossiers administratifs en échange.

Malgré lui, le jeune homme pris la fourchette, il tritura un instant un Won-Won, pas vraiment affamé, au contraire.

- C'est un apprenti facile, il est très volontaire et possède de bonnes bases en ce qui concerne la patience après avoir fait partie d'un corps qui s'occupait des archives, même s'il faut freiner cet esprit guerrier saupoudré d'idéalisme. Mais je ne m'inquiète guère pour lui, d'autres en revanche... Maître, j'ai appris que Ses'Kai Mora continue de faire partie de l'Ordre. La rumeur dit qu'il est déjà passé devant le Conseil, que ses faits ont été exposés, vous savez que je ne doute jamais de la décision des Vénérables, mais... L'avez-vu à l'action?


Il laissa passer quelques secondes avant d'ajouter.

- Je suis désolé de gâcher cet instant, j'admets avoir désiré garder ce ressenti pour moi, d'autant plus qu'il est contaminé d'émotions personnelles suite à ma rencontre avec cet individu. Mais je n'ai finalement pas pu m'en empêcher. Je suis inquiet pour le bien-être physique des Padawans, il en a déjà rossée une très sérieusement. Quant aux valeurs morales qu'il laisse entrevoir.

Se disant, il rougit légèrement, conscient que selon les plus strictes et anciennes règles lui-même n'était pas un modèle. Sur un point en tout cas. Mais là on parlait d'une personne très dangereuse qui avait peut-être déjà sombré derrière son masque de loyauté indéfectible.

- Je suis aussi conscient que les problèmes externes, en ce moment, priment par-dessus les mésententes intestines, cependant...

Le Chevalier laissa s'échapper, malgré lui, une onde de préoccupation matinée de culpabilité. Lui qui ne voyait Saï qu'une fois de temps à autre venait de trouver le moyen d'enchaîner directement sur un sujet qui le préoccupait. Ceci dit, parfois à la charge des plus jeunes, il s'inquiétait de savoir que Mora hantait encore les couloirs et des dérives que pouvaient générer l'acceptation implicite de son comportement. Finalement, le blond poussa un léger soupir, respira profondément puis rouvrit les yeux après les avoir clos quelques secondes.

- Et pour vous, quelles sont les nouvelles?

Il attendit, toujours sérieux, attentif, attentionné. Que ce soit les confidences personnelles d'un vieil homme inquiet pour le Monde, ou des révélations peut-être réservées au Conseil, il deviendrait, pour Saï, muet comme un journal intime. Son regard se fit toutefois légèrement inquisiteur, presque accusateur, mais ce n'était pas dirigé envers son interlocuteur, évidemment. Lui n'était qu'un passage qui le menait jusqu'au vrai destinataire, ce lâche de Yun.

- De votre apprenti ?

Lâcha-t-il enfin, parvenant à sa grande satisfaction à maintenir une tonalité neutre à défaut d'être colérique. Ce sentiment-là ne l'habitait pas souvent, surtout pas lui, mais protecteur comme il l'était avec Saï, le Chevalier ne pouvait que reprocher à Yun son manque d'implication auprès de celui qui avait fait fi de tous les préjugés pour le prendre sous son aile.
Saï Don
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- Je suis heureux d’entendre cela. Je suis certain que tu feras un bon professeur pour ce jeune homme.

Bien sûr, Saï n’avait pas manqué de s’informer sur le passé de ce padawan fougueux et l’avait trouvé plutôt complémentaire au tempérament prudent de Luke. Il n’était pas inquiet que le binôme fonctionnerait. Bien sûr, il y aurait des couacs – aucune relation n’est parfaite, et un Jedi, comme tout être social, devait travailler sa relation aux autres, en particulier ceux à qui il tenait le plus.
Le vieil homme lui-même n’avait pas été, et ne serait jamais le maître parfait pour son ancien élève, ni pour aucun autre, et il en avait bien conscience. Il avait été trop absent, trop absorbé par ses fonctions de Maître du Conseil, mais il avait tenté par tous les moyens de veiller sur Luke à sa manière. Ne serait-ce qu’en gardant un œil sur les rapports de mission réalisés par le Chevalier, et en faisant en sorte d’être présents aux moments clés pour son disciple. Luke ne lui avait d’ailleurs jamais reproché sa présence en pointillé, même aux heures les plus délicates ; il avait accepté les contraintes d’être l’élève d’un Maître du Conseil.

- Ah ! Ce ne sera certainement pas moi, je n’y vois plus très clair, commenta le vieil homme en s’attaquant avec appétit à son assiette. Mange Luke, ça va être froid. N’oublie pas de t’appuyer sur le réseau de padawans que constituent le Temple : les disciples apprennent aussi entre eux, en se partageant leurs compétences. Sinon, si tu recherches pour lui des apprentissages spécifiques, nos partenariats avec l’Armée Républicaine peuvent être une ressource intéressante. Nous avons accès à certaines banques de données et certaines bases d’entraînement. Ce n’est pas négligeable, d’autant plus qu’il nous faut nous habituer à travailler avec les militaires régulièrement… Car je crois que nous n’avons pas fini d’épauler la galaxie contre l’Empire.

Maître Don égrenait tout cela d’un ton léger. Il fallait dire que parler des avancées de l’Empire et de planification de la République, c’était son quotidien désormais depuis des années. Parfois, il avait peine à croire qu’ils aient été si incapables de se serrer les coudes avec le gouvernement pour empêcher qu’un tel monstre renaquît des vieilles cendres froides Sith. Mais les faits étaient là, peu important comment c’était arrivé : la créature aux multiples têtes ne cessait de leur échapper, et désormais elle était devenue trop grosse pour qu’on pût imaginer pouvoir s’en débarrasser en quelques mois. Saï pressentait que l’Empire lui survivrait. Il préférait ne pas y penser cependant.
Tout en mâchouillant avec délice, le vieillard fronça légèrement les sourcils. Ses yeux avaient quitté son assiette pour s’intéresser davantage à la physionomie de son interlocuteur. Ainsi donc il n’avait pas rêvé : Luke était réellement soucieux. Ce Ses’kai était-il seulement l’objet de sa contrariété, ou y avait-il autre chose ?

- L’on m’a rapporté beaucoup de choses à son sujet, admit le vieillard. Son cas a fait beaucoup débattre au Conseil, je ne te le cache pas. Nous sommes partagés entre l’avantage certain qu’il apporte sur le terrain et… Les difficultés qu’il nous pose. Il demande un encadrement et une gestion qui ne convient pas à l’efficacité dont nous avons besoin actuellement. Pour autant, l’Ordre fait toujours tout ce qu’il peut pour ne pas renier des membres fidèles tant qu’il est possible de leur donner une seconde chance. Vois-tu, personne ne peut rester éternellement sur la ligne fine qui sépare l’ombre de la lumière : le Chevalier Mora penchera d’un côté un jour ou l’autre. Il est de notre devoir de faire notre maximum pour que ce soit du côté de la lumière qu’il s’oriente au maximum. Si c’est impossible… La Force nous dira rapidement que son cas est perdu. Mais il ne faut présumer de rien… pour le moment.

Bien sûr, la réalité nécessitait souvent davantage de pragmatisme, et faisait appel à l’intuition des maîtres : il arrivait que Maître Don ait l’intime conviction qu’ils ne pourraient rien faire pour les empêcher de sauver l’un des leurs de l’attrait du côté obscur. Il arrivait aussi que certains deviennent spécialistes de ce numéro d’équilibriste, poussant à bout la patience des Maîtres du Conseil et de leur entourage plus immédiat. Ceux-ci nécessitait une gestion particulière, mais selon Saï, ce n’était pas le cas du Chevalier Mora, dont le comportement ne semblait pas traduire un jeu avec les limites pour les agacer. Le Chevalier Mora n’avait pas encore trouvé la fonction qui était pleinement la sienne dans l’Ordre, à l’humble avis du vieil homme. Il était encore temps d’y parvenir, avec leur aide.
Ces pensées furent balayées par la nouvelle question de Luke.

- Je ne pense pas que Yun réintègrera l’Ordre pour devenir Chevalier ; il s’est trouvé une place chaleureuse dans l’explocorps, qui le garde loin des champs de bataille. Il s’y plaît pour le moment, et envisage de ne plus reprendre les armes.

Il n’y avait rien à dire de plus sur son ultime apprenti. Maître Don, désormais, était définitivement trop âgé pour former de nouvelles recrues à temps plein.

Son assiette terminée, le vieil homme poussa un léger soupir de satisfaction. Il y avait longtemps qu’il n’avait pas si bien mangé ! Même si Luke ne pouvait pas le voir, il lui adressa un sourire.

- J’ai vu un certain nombre de rapports de missions te concernant passer ces derniers temps. Tu es devenu très actif, dis-moi ! Pour quelqu’un qui voulait se réserver davantage à l’étude…

Le vieil homme eut un regard malicieux, mais ne questionna pas le hapan davantage. Luke avait certainement ses raisons. Par ailleurs, Saï approuvait totalement cet effort : les livres étaient des outils merveilleux, mais rien ne remplaçait l’expérience de terrain. L’alliance des deux permettrait à Luke de devenir plus sage encore qu’il ne l’était déjà.
Mais les malices du visage de Saï s’effacèrent bientôt pour laisser place à des rides plus soucieuses.

- De mon côté… Tu n’es pas sans savoir que l’implication des Jedi dans la politique est toujours questionnée, et cela me pose pas mal de souci, pour être honnête. Je n’ai jamais été partisan de nous immiscer dans la vie politique républicaine. Mais les évènements récents nous y ont forcés, plusieurs fois. Le Conseil, vois-tu, ne partage pas nécessairement mon opinion, estimant que la République a plus que jamais besoin d’être surveillée… Mais ce faisant, nous tournons peu à peu la République en simili-ennemi. Or, des ennemis, nous en avons déjà bien assez avec l’Empire. Se mêler de la République, c’est aussi se mêler du marasme dans lequel ils sont ; regarde l’affaire Kira, qui dure depuis des années, et on ne sait toujours pas ce qu’elle va devenir. Demain, l’ex-Chancelière reviendra à son palais, à deux pas du Temple. Que lui dirons-nous ? Notre implication politique a des résonances graves pour l’Ordre Jedi. Plutôt que comme des gardiens de la paix, neutres et incorruptibles, nous pouvons être vus comme un acteur politique à part entière.

Le vieil homme poussa un soupir, puis haussa les épaules. Un mince sourire étira ses lèvres : malgré la situation déplorable, en parler à quelqu’un en toute confiance, dont il savait qu’il ne serait pas jugé, lui faisait du bien pour y voir plus clair.

- Ah, je sais, personne n’a la solution. Mais il faut se préparer à récolter ce que nous avons semé… Qu’en disent tes camarades autour de toi, Luke ? Les Chevaliers de ton âge débattent-ils de ces choses ? Je serais curieux de connaître leur perception.

Luke Kayan
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Le temps volait. Yun avait trouvé sa voix, ce qui déclencha une petite onde de satisfaction transmise par ailleurs à Saï, tandis que Luke prenait un Padawan. Le parallèle le fit légèrement sourire, bien que ce soit surtout dû au soulagement. Très âgé, Saï ne devait plus former qui que ce soit, surtout pas un agité peu reconnaissant comme ce garçon. Au début, Luke l'avait paprécié puis il avait trouvé que l'ex-Sith délaissait beaucoup son vieux mentor, quant à savoir si c'était vrai ou si c'était l'imagination d'un ancien Padawan un peu trop mère poule, c'était une autre histoire.

- Je comprends Maître.

La colère, si peu commune au Hapien, qui montait redescendit aussi vite. Les explications de Saï lui paraissaient suffisamment raisonnables, ou il aimait trop le vieil homme pour remettre en doute ses idées, surtout quand ce dernier évoquait les principes de l'Ordre. Seul, il aurait probablement continué de penser que Ses'Kaï avait largement dépassé les limites et, épuisé par ailleurs des milliers de secondes chances. Pour autant, son intégrité physique, son honneur n'importaient pas à côté de la sagesse de son ancien Maître.

- Je vous remercie pour votre soutien. Effectivement, je n'avais pensé ni aux militaires, ni aux autres Padawans.

Assez isolé dans la majorité de ses démarches naturellement, le Chevalier avait vu la nature de son travail accentuer cette tendance. Il jouait davantage le rôle de fonctionnaire que de Jedi. Enfin, ça c'était avant comme l'avait souligné le vieil homme qui continuait de se régaler de son plat -ça semblait bon, assez pour que Luke songe à se reconvertir en cas d'expulsion de l'Ordre.- tout en discutant. Une légère rougeur habilla les joues de l'ancien apprenti. À n'en pas douter, le plus âgé soupçonnait la relation de ses deux cadets, parce qu'il avait pris connaissance des préférences de Luke dans des circonstances aussi hasardeuses que gênantes, ensuite parce que le caractpère réservé, presque solennel du Consulaire n'expliquait pas une relation si suivie. Il y avait obligatoirement un lien spécial qui les unissaient, un peu comme avec Saï Don, même si évidemment la nature de celui-ci était radicalement différent.

- J'ai un partenaire qui à la bougeotte. - Fit-il sans non plus ajouter de commentaires sur leur situation. Cependant, le blond avait laissé la Force filtrer une partie de ses sentiments. Une confession façon Jedi.- Nous travaillons bien, il m'apprend beaucoup de choses, j'essaye de combler ses lacunes dans d'autres.- Au ton sérieux et pour qui connaissait le Hapien, il était assez facile de deviner que cette relation, amoureuse ou pas était surtout basé sur une foi commune. Karm et lui s'entendaient très bien parce que leur but était égal: défendre la justice, participer à l'établissement de la paix, accomplir leur devoir. Finalement, rares étaient leurs moments de fôlatrerie. Leur amour se vivait sur le terrain, en mission ou lors d'entraînements. Sans doute était-ce pour ça que le Conseil tolérait cette union dont il devait au moins entrevoir l'ombre.

- Vous connaissez mes pensées à ce sujet, je me suis toujours rangé de votre côté. Non pas parce que vous m'avez éduqué de la sorte, mais parce que je le crois vraiment. Nous violons l'un des plus vieux principes de notre Ordre en refusant ce discernement et cette distance dont nous nous prévalions auparavant. Nous voilà embourbés dans des thèmes qui ne nous concernent pas, risquent de nous desservir mais surtout de desservir des populations qui comptaient sur notre neutralité. Le jugement d'Emalia Kira est l'exemple le plus criant, mais ça ne reste qu'un exemple.

Pour avoir combattu aux côtés de la femme, Luke avait d'ailleurs été convoqué au tribunal, il n'était pas vraiment angoisé, décidé qu'il était à s'exprimer d'une manière équitable, totalement neutre, soutenu par ses chers protocoles, et dans le milieu de la justice, ils étaient légion.

- Je dois avouer que je ne sais pas vraiment ce que pensent les autres Chevaliers. -Le Hapien baissa un peu la tête et grignota un bout de Won-Won. Pour une fois, il était ravi d'avoir une assiette devant son nez pour se donner un minimum de contenance. Si sa relation avec Karm avait bien un défaut, c'était celui d'accentuer la discrétion du jeune homme. Satisfait d'entretenir son précieux lien avec Saï et son compagnon, il ne s'ouvrait guère aux autres, poli, serviable mais timide. Beaucoup de gens confondaient son handicap des yeux avec un qui atteindrait ses oreilles, il aurait donc pu écouter des conversations mine de rien, mais puisque lui n'aimait pas livrer ses impressions, il se refusait à profiter de celle des autres.- Mais du peu que j'en sais, ils sont partagés. Une nouvelle vague de Chevaliers ou de Maîtres font preuve d'ambitions dans le domaine. J'ai entendu dire qu'ils aspiraient à entrer au Gouvernement un jour. Bien sûr, avec l'idée louable d'aider l'Ordre, de secourir les populations, mais j'ai peur que cela ne se transforme en pur désir de devenir politicien sans pour autant parvenir à quitter l'Ordre. Voilà qui nous unirait encore plus à la République.

Mais qui était-il pour juger? Ces Chevaliers maîtrisaient peut-être très bien leurs émotions et ne tomberaient pas de le piège de la vie de célébrité politique s'ils parvenaient à leur fin? Ceci dit, que de jeunes Consulaires se passionnent pour ce domaine, souhaitant écrire l'histoire au lieu de la lire et de l'analyser inquiétait un peu le Hapien.

- Des Guerriers tempétueux disent que les Siths ont profité de notre implication dans la politique pour revenir, non seulement dans leur Académie mais au sein de la République, grâce à la politique justement. Ils ont donc trouvé un nouveau terrain d'affrontement, sachant qu'eux ne sont limités par aucun principe, nous si, celui de l'objectivité, déjà plusieurs fois violé. Je crains que s'il existe réellement ce genre de personnage affilié aux Siths ou directement Sith au Sénat, il ne discrédite des Jedis incapables de répondre, de se défendre, parce qu'au fond, il aura en partie raison.

Saï Don
Saï Don
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Saï opina positivement du chef, en silence.
Il ne savait pas ce qu’il y avait entre lui et ce Karm Torr, dont il savait qu’il avait partagé de nombreuses missions récemment, ni même ne reconnaissait-il avec précision l’onde que Luke lui faisait parvenir à travers la Force. Ou bien préférait-il ne pas comprendre.

Ces derniers temps, les opinions sur les mœurs des Jedi tendaient à se durcir. Pas seulement au Conseil, où Maître Marja tenait un discours sévère, mais aussi et surtout parmi les rangs des Jedi eux-mêmes. Nombre d’entre eux critiquaient à demi-mot ceux des leurs qui ne respectaient plus les traditions antiques de l’Ordre, ou tout simplement qui vivaient une vie moins rigoureuse que leurs confrères. Pour Saï, cette souplesse était pourtant nécessaire, ne serait-ce que pour permettre aux Ombres de se fondre dans la masse et ce faisant, d’adopter des pratiques et des habitudes qui leur permettraient d’avoir une réelle couverture. Par ailleurs, le précédent Conseil, dont il faisait partie, avait été partisan pendant de nombreuses années de fermer les yeux sur les relations interpersonnelles, tant qu’elles restaient privées et qu’il n’y avait pas d’incidence sur la vie du Temple ou sur la santé des personnes impliquées. De ce fait, plusieurs chevaliers et maîtres, parfois appartenant au Conseil, avaient eu des enfants, dont certains vivaient encore toujours sur Ondéron.
Mais les temps avaient changé. Une nouvelle naissance aujourd’hui ferait sans scandale, à n’en pas douter. Il semblait que la guerre contre l’Empire et les tensions avec la République avaient amené une vie plus dure pour les Jedi, qui se montraient soudain plus sévères les uns envers les autres. Cela inquiétait le vieux Maître, qui voyait là une dérive qui pouvait conduire à une chasse aux sorcières interne, ou pire, à un schisme… Séparant les plus rigoristes des Jedi aux plus ouverts. Il se dit qu’il fallait qu’il parle aux padawans : de la tradition de son rôle… En son for intérieur, il se programma une séance exceptionnelle de philosophie, dès qu’il serait rentré sur Ondéron. Ainsi légèrement apaisé d’avoir une action à remplir pour contrer le mouvement, même minime, il put retourner à la conversation avec Luke. Il acquiesça à ses propos, rassuré de voir que son ancien élève partageait son avis.

- L’ambition, oui… Je la croise beaucoup, ces temps-ci. Cela m’inquiète aussi. Certains pensent que la République est une opportunité pour faire carrière, pour changer la galaxie. Mais nous ne sommes pas une école de sciences politiques… Au mieux pouvons-nous être diplomates. Mais parler au nom d’un peuple, pour les intérêts des uns ou des autres ? Cela n’a jamais été notre rôle.

Il haussa les épaules avec résignation. Il avait l’impression d’être un vieillard qui radotait que de son temps, c’était bien autrement. Peut-être était-ce là le signe qu’il avait fait son temps, justement. Ces derniers temps, il avait songé que c’était certainement son dernier mandat au Conseil, afin de laisser l’Ordre prendre les décisions qui lui incombaient, sans l’emprise fébrile de vieillards comme lui. Mais il ne s’en ouvrit pas à Luke, de peur de lui causer quelque souci. Le partenariat – ou la relation, pour ce qu’il évitait d’y penser – que le jeune homme avait avec son confrère aurait au moins un avantage : Luke aurait au moins quelqu’un sur qui s’appuyait si le vieux Don s’écartait quelque peu de l’Ordre.

- Ah ! fit-il soudain. Notre conversation est bien morose, Luke ; cela ne nous ressemble pas !

Il avait terminé son assiette et regardait le hapien grignoter les restes de ses won-wons.

- Nous devrions au contraire profiter de ces instants.

Sur Coruscant, loin d’Ondéron, les responsabilités écrasaient moins l’emploi du temps du vieil homme, et il songea qu’il avait encore quelques heures devant lui avant de se plonger de nouveau dans les dossiers et les audiences.

- Veux-tu que nous allions nous promener ? Me dégourdir les jambes me fera du bien. Tu pourrais en profiter pour me raconter tes derniers sujets d’étude…

Saï voyait son ancien élève comme un jeune érudit, et il n'en était pas peu fier.

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