Le Masque de la Force
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Darth Velvet
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« Satisfaite… ? »

Non… inachevée… c’est comme effleurer l’espoir de saisir la neige dans sa main, et découvrir lorsque l’on déplie ses doigts que du flocon, il ne reste qu’une larme. Frustrée. Oui, frustrée de ne pouvoir me balancer en arrière sur cette chaise, en le dévisageant un peu moqueuse, avant d’ajouter amère, qu’un nom tout comme un visage ne s’oublie pas, même si l’on choisit de s’en absoudre. Mais peut-être, plus qu’un masque, voulait-il se forger un dessein autre que celui tracé au dessus de son berceau, par une main étrangère. Peut-être voulait-il gravé sur son profil, son ambition, ses choix, libéré de ces entraves et de son passé. Ceci je peux le comprendre, oui… ce sentiment je le reconnais. Il loge là. Dans ma poitrine. Un écho. Un masque, un moyen de se faire oublier, de s’oublier, et de se reconstruire loin du carcan imposé de nos vies et tout en même temps sa faiblesse jetée à la face du monde sans que nul ne la perçoive pour ce qu’elle est. Et pourtant n’est-elle pas une faille marquée d’un grand X rouge, lui offrant le rôle de victime dans notre affaire ? … notre affaire… notre suspecte, à qui, en cet instant, je voue un profond mépris.

« Pas totalement. » lâchais-je en saisissant d’un même mouvement fluide, ma veste de cuir noire et ma ceinture alourdie d’un blaster et d’un fourreau de Khukuri. « Mais il y a plus pressé. Je dirais bien que je te suis… mais je passe devant ! »

A ses mots, j’ouvre la porte fenêtre en grand. La nuit coule dans notre chambre, l’envahissant de l’odeur sucrée et écœurante de la pollution. Il y a un balcon en fer forgé minuscule avant le vide de deux étages. Et, je bascule par-dessus naturellement, d’un bond léger, m’élançant vers la rue, sans l’ombre d’une hésitation. La Force se condense autour de moi, formant une toile arachnéenne. Ses fils me retiennent alors que je glisse sur l’asphalte, silhouette ténue sous un éclairage urbain vacillant. Je n’attends pas El, sa présence toute proche me dictant qu’il me suit de près. Il ne me faut que quelques enjambées, pour traverser la ruelle et le trottoir, passer sous le porche à l’enseigne vieillotte, gagner la porte entrouverte de l’Atelier.

Au-dedans, il règne un obscurité oppressante écorché par le grincement d’une paire de talons sur le sol. L’inconnue. Je pénètre, silencieuse, prédatrice prudente, dans cet antre. Le faisceau d’une lumière se promène, un peu plus loin, au fond, entre des rayons remplis de brics et de broques, blanchissant les murs gris et étals débordant. Mais, en évoluant parmi le fatras d’assemblage métalliques, de pièces et d’objets qui me laisse penser que notre Forgeron est aussi ferrailleur, c’est une vive émanation de pourriture qui retient instantanément mon attention. Un remugle de charogne, assorti d’un léger bourdonnement, comme si un essaim de mouches nichait tout près, en périphérie des larges fourneaux éteints. J’évolue, vers cet endroit, laissant à El le soin d’interpeller la voleuse, si occupée à fouiller dans un bureau, qu’elle n’avise en rien de notre présence. Une amatrice…

Là, dans un cercle de sang séché et d’organes étripés, le cadavre d’un humain abandonné comme une carcasse infecte. Son ventre déchiré exhale sa décomposition, expose ses chairs putrides, ses viscères arrachées que deux mains ont essayé de retenir. Sa mort remonte à plusieurs jours à en croire l’altération de sa peau et les larves grouillant et suintant de la plaie en un épais liquide blanchâtre. Il y a des traces de pas, un peu partout jalonnant la zone comme si quelqu’un avait paniqué devant cette vision infâme. Serait-ce un meurtre pour l’exemple ? Un avertissement, une promesse ? Pour qui ? Pour quoi ? Les interrogations se succèdent mais la victime demeure muette, figée dans une mort ignoble, un rictus d’épouvante gravé sur son faciès have.

Je me redresse, m’empare d’une toile cirée protégeant une vieille enclume éclatée et recouvre l’inconnu sous ce voile crasseux tel un gisant minéral. Rien n’empêchera le corps d’empester, mais au moins peut-on lui accorder un peu de décence dans la mort. Personne n’a dû venir ici depuis un moment sinon il aurait été découvert avant et les autorités contactées. Je ne sais que penser de cette découverte, et, espère que la femme saura nous répondre.

Mais soudain l’air vibre, siffle. La pénombre s’illumine férocement. Des éclairs zèbrent l’atelier d’un millier de rayons énergétiques
.

Je me jette derrière un bloc de métal qui ne ressemble à rien que je connaisse. Des impacts fumants et des cratères se forment à sa surface alors que je tente de saisir le schéma de cette attaque. Comment ont-ils su que nous étions ici ? Une alarme d’intrusion ? Peut-être… pour autant ils nous tirent dessus indistinctement, n’importe comment, juste pour infliger un maximum de dégâts. Autour de moi, des éclats volent, fragilisant ma position. Je vais devoir sortir.

« El ! » hurlais-je au travers du chuintement des tirs, effleurant sa conscience dans la Force pour le localiser, pour nous coordonner.

J’inspire, manipule la Force pour qu’elle s’étire sur ma peau, englobe mes muscles jusqu’à former une couche protectrice, puis, blaster dans une main, couteau dans l’autre, je surgis, véloce et meurtrière, chargeant les hommes dont les silhouettes se découpent en contre jour de l’éclairage de la rue sachant que bientôt je serais rejointe par le ronflement écarlate d'un sabre laser

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Comme il s’y attendait, une odeur de mort et de pourriture envahissait les lieux. Leur homme était mort, rien d’étonnant à cela. A l’intérieur de l’échoppe, plongée dans une obscurité que venait à peine adoucir le peu de lumière qui parvenait à enter, le bourdonnement des mouches venait se mêler au chaos ambiant. Une ambiance glauque, morbide, qui ne collait pas vraiment avec la mystérieuse femme blonde qui rendait visite au cadavre.

Un geste suffit pour qu’El et Velvet se comprennent. Alors qu’il se dirigeait vers la source de l’odeur putride, lui se chargeait de mettre la main sur la visiteuse. Il se faufila telle une ombre au milieu des étals remplis de morceaux de métal, pièces d’argent finement travaillées ou bien simples rebus. Certains ouvrages qu’il croisa étaient dignes d’un maitre-orfèvre, mêlant des métaux aussi rares que précieux. La devanture miteuse de l’établissement cachait bien son jeu. Le forgeron qui gisait là devait, de son vivant, posséder quelques puissants contacts dans son carnet d’adresses. Des contacts qui avaient sûrement provoqués sa chute par ailleurs…

Au détour d’une allée, un détail attira son attention. Sur l’un des étalages, toute une série de masques étaient exposés. Tous, sans exception, arboraient un style proche, voire quasiment identique à celui qu’il portait en temps normal. Certains étaient plus ouvragés que d’autres, qui semblaient n’être que de simples essais. Dans tous les cas, il ne faisait à présent plus aucun doute que le masque factice de l’usurpateur avait bel et bien été forgé ici. Seulement, son auteur n’était plus là pour répondre à leurs questions.

Au passage, El s’empara de l’un des masques. Une pièce de maitre, extrêmement détaillée et du plus bel effet. Si on lui avait volé son bien en fabriquant un double de son masque, il estimait que ce n’était qu’un simple retour des choses. Il glissa l’objet dans son sac et reprit la piste.

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Les traces de l’inconnue menaient jusqu’à l’étage et au bureau qui dominait toute une partie de l’atelier. Leur voleuse était occupée à le fouiller, cherchant probablement à étouffer le bruit de ses gestes, sans succès probant. El et Velvet étaient de véritables ombres. La blonde, elle, faisait figure de vulgaire reflet sur un mur comparée à eux. El s’approcha puis pénétra dans l’office sans qu’elle ne l’entende, ni même avise de sa présence. Comme elle lui tournait le dos, trop occupée à fouiller négligemment le tiroir du bureau, le Sith s’empara d’un coupe-papier et se glissa dans son dos. D’un geste vif, il lui saisit un bras qu’il vint placer dans son dos et plaqua sa lame sur la gorge de la jolie blonde.

- Un cri, un geste, et tu es morte. »

Bien que surprise, elle se tut et n’esquissa pas une tentative pour s’échapper. Sage décision. Mais pour une amatrice, El trouva qu’elle conservait un peu trop bien son sang-froid.

- Qu’est-ce que tu cherches ? » reprit-il. « Si c’est ton pote, il baigne dans son sang en bas. Et tu n’as rien d’une pilleuse, alors qu’est-ce que tu viens faire ici ? »

El n’imaginait évidemment pas un instant qu’elle puisse chercher le forgeron. La seule odeur pestilentielle qui emplissait son atelier suffisait pour qu’un visiteur impromptu comprenne qu’il n’était plus de ce monde. La blonde était donc sûrement liée aux commanditaires du meurtre, affublée de la tâche ingrate de la surveillance des lieux dans l’espoir où leurs cibles réelles pointaient le bout de leur nez. Ce qu’El et Velvet venaient de faire.

- Il me devait de l’argent, je viens seulement chercher ce qui est à moi. » Mensonge. La pression de la lame plaquée sur sa gorge laissa perler une goutte de sang. Pour autant, la blonde ne se laissa pas intimider. Elle ajouta d’un ton aguicheur : « Allons beau brun, tu ne ferais pas de mal à une femme, si ? »

El desserra l’étreinte et la repoussa avec force contre le bureau auquel elle faisait face. Elle se massa la gorge et se retourna, sans doute surprise d’être si vite libérée. Cependant, El ne l’avait pas fait au nom d’une quelconque valeur féministe, mais plutôt pour un petit détail.

- Comment peux-tu savoir que je suis brun ? Tu ne m’as jamais vu, tu ne sais même pas qui je suis. Parle ! Ce ne sera pas qu’une goutte la prochaine fois. » fit-il en désignant de la pointe de sa lame la marque rouge à sa gorge.

- On ne m’avait pas menti, tu es malin… »

- "On" ? Qui ça "on" ? »

- … mais ta route s’arrête là. Et celle de ta copine aussi. »

Elle sortit une sorte de télécommande et pressa le bouton. El pensa d’abord à un détonateur, mais il ne ressentit aucun danger d’une telle ampleur à travers la Force. Il entendit des tirs de blasters retentir en contrebas dans l’atelier. Ainsi, "ils" pensaient réussir à se débarrasser d’eux avec de vulgaires hommes de main. Il entendit l’appel de Velvet et sentit sa présence dans la Force. Un sourire s’étala sur le visage du Sith, trop heureux d’avoir à trancher quelques gorges.

Quant à la blonde, elle ne perdait rien pour attendre. Il plongea dans les tréfonds de son esprit pour l’influencer grâce à la Force.

- Toi, tu restes ici et tu ne bouges pas d’un cheveu. »

Et il prit son élan pour foncer à travers la vitre qui donnait sur l’atelier, n’écoutant que d’une oreille lointaine la blonde confuse – « Je reste ici, je ne bouge pas. » –. Dans un bruyant vacarme de verre brisé, El atterrit à l’étage inférieur et se plaqua derrière un étal, à l’abri des assaillants qui tiraient à tout va.

Il se redressa et balança son coupe-papier avec force directement dans la gorge d’un de leurs agresseurs. De son autre main, il saisit son sabre et l’alluma. Le ronflement et le crépitement familier de la lame vinrent accompagner les explosions et sifflements de blaster tout autour de lui, sa lumière rougeoyante éclaira les lieux d’un halo annonciateur de mort. Bondissant de son abri, El chargea à son tour les assaillants et trancha net le premier qui se présenta à lui. Il retrouvait son élément.

Il rejoignit Velvet au milieu de la mêlée, esquivant et parant les tirs qui fusaient de partout – et qui bien souvent venaient fracasser les étagères bien remplies de bric à brac –. Affronter des tireurs n’était clairement pas le domaine où il excellait le plus, mais ceux-ci ne se montraient pas très adroits, préférant les noyer sous un flot continu de lasers plutôt que de chercher à viser correctement.

Velvet à ses côtés, El ressentit encore plus fortement sa présence au travers de la Force. Leur récente connexion semblait l’avoir rendue plus « lisible », comme si la Force elle-même lui murmurait ce que la Mirialane allait entreprendre. Une découverte quelque peu surprenante mais bienvenue au milieu de cette embuscade.

Darth Velvet
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Des détonations. Des explosions. Et, évoluant parmi les flash des tirs, noyée dans cette nuit devenue jour, la mort étend ses ailes pourpres et obscures dans un rugissement mortel. Nos silhouettes enlacées d’une fièvre guerrière, liquides et létales, tourbillonnent et coulent vers le flot mugissant du feu adverse, comme la rivière va à la mer. Implacables. Brutales. Sauvages.  Brisant sur notre passage, les écueils et la résistance de ces ombres mortifères. Il n’y a aucune miséricorde, aucune absolution dans le délié de sa lame rubescente tandis qu’elle s’oppose aux traits mortels, ouvrant un chemin pour ma main et mon arme. Nous sommes deux et pourtant, dans le maelstrom furieux de cette embuscade, nous ne formons qu’un, agissant avec une complémentarité, et une compréhension de l’autre si intuitive qu’elle ne peut résulter, à elle seule, de notre affinité en la Force.

Les hommes tombent, fauchés, et du sang gicle sur mon visage de leurs gorges arrachées par l’éclat de mon Khukuri. Les uns après les autres. En dépit, de ces barrières d’énergie bleue qu’ils dressent en toute hâte. Mon sourire est comme une lame meurtrière, écho à celui qui orne les lèvres du sith. Rapidement, le fracas des combats s’évanouit en murmures, puis en silence. Il n’y a pas de blessés. Aucun. Eux sont morts et nous indemnes. Mon regard se lève vers El, recelant cette étincelle sombre, de violence et d’excitation mêlées, derrière une minéralité séculaire.


« Tu vas bien ? »

Pure politesse, plus pour chasser les fantômes du combat que par réel intérêt. Le sang qui gorge nos tenues n’est pas le nôtre mais le leur. Je me penche au-dessus de l’un des attaquants, m’agenouille sous le dais de son ombre et ma main gantée s’enquiert de cette adversaire. Mais il n’y a rien à trouver. Pas de papiers, pas d’identités, par d’indices sur ces mystérieux agresseurs, si ce n’est la qualité de leurs équipements. Définitivement pas des amateurs, quoiqu’ils n’aient eu, aucune chance contre nous.

« La fille ? » l’interrogeais-je en me redressant avec la fluidité d’une prédatrice.

Nous remontons vers l’étage et le bureau. Des morceaux de vitres brisées jonchent le sol, et au centre, la voleuse hagarde nous observe d’un air absent, l’esprit embrumé ou ensorcelé. Je ne m’arrête pas sur elle mais sur le mobilier qui compose la pièce, sur le bureau envahit de plans et de paperasse, sur les armoires pleines à craquer de classeurs. Le Forgeron devait vivre un peu en dehors de son temps, préférant au pad et aux technologies plus modernes, le papier et le crayon. Mon regard, magnétisé par des holo-photos s’accroche aux portraits épinglés sur un mur.

« El… » commençais-je en décrochant l’un d’elle. « … je crois que notre cadavre n’est pas notre artisan. Tu vois cette photo ? »

Je lui tends l’objet, indifférente à la femme toujours léthargique. Sur l’hologramme, en arrière-plan on devine les contours de haut-fourneaux, d’un atelier et au-devant, tenant fièrement l’enseigne qu’il installe, un Bothan au pelage caramel.

« Le mort est un humain, et je pense que ce bothan là est notre forgeron. »

Un soupir.

« Je crois qu’il est temps d’interroger ta prise, avant que les autorités ne débarquent. »

D’un geste, je repousse la fille vers un siège, claque des doigts devant son nez pour briser son hypnose. Elle secoue sa tête et des boucles blondes dansent autour de son visage avant qu’elle ne se reprenne totalement, murant sa peur derrière l’étonnement.

« Vous êtes… Vous êtes en vie ! »

« Effectivement. »

« Je… vous ne devriez pas ! »

« Peut-être. Bien, non que je n’apprécie pas quelques civilités mais, qui êtes-vous ? »


Elle se fait hautaine avant de se décomposer lorsque je tresse des fils de Force, les noue sur son cœur comme un attrape-rêve trop étroit et resserre légèrement cette nasse jusqu’à lui voler un battement ou deux.

« Je… personne. Je ne suis personne. » grogne-t-elle, palpitante d’une frayeur nouvelle. « En tout cas, pas celle que vous cherchez ! »

« Ah… et que cherchons nous exactement ? »

Mais déviant la conversation, elle pointe un doigt sur El, blême.


« Lui… ils m’ont dit que lui viendraient peut-être. Ce soir. Que je devais revenir ici. Etre un appât. Ils m’ont montré un holo. Ils ont dit que ce serait plus simple qu’avec Beryl. Je devais juste vous attirer ici, les autres devaient finir le travail. »

« Qui ils ? »

« Mon employeur mais… je ne connais rien de lui. »

Je raffermis ma prise, étouffant les palpitations de son cœur d’une main invisible. Elle s’étrangle, ferme les yeux. Sur son front des gouttes de sueurs perlent.

« Je … vous… le… jure… me tuez pas...» pleurniche-t-elle avant que je ne la libère de mon étreinte. « Je ne l’ai jamais rencontré… »

« Et Beryl ? »

« C’est le propriétaire… on m’a demandé de le séduire… pour le surveiller, lui et ses fréquentations. Je devais faire remonter l’information à mon employeur, si on le contactait au sujet d’un masque, ou si les noms de Masaari ou Nesantos était prononcé… c’est tout ce que je sais ! »
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Les propos de la blonde n’avaient que peu d’intérêt finalement. On leur avait tendu un piège d’où ils n’auraient pas dû ressortir vivants… A croire que son employeur n’avait pas grande connaissance des capacités d’un Sith. Et que ce même employeur le chercha, lui, n’était pas non plus une surprise. Si toute cette histoire autour d’un imposteur copiant à la fois son identité et son masque les avaient menés dans cette forge délabrée des bas-fonds d’Eriadu, El s’attendait bien à ce que ce soit lui la cible. Finalement, la blonde n’avait qu’un rôle de potiche, et El la méprisa aussitôt pour ça. Il n’aurait peut-être même pas été aussi patient que Velvet pour étouffer les battements de son cœur.

Mais elle pouvait encore leur être utile. Elle devait faire remonter l’information si les noms de Masaari ou Nesanto parvenaient à ses oreilles, ou si le sujet d’un masque arrivait sur le tapis ? Si telle était sa mission, alors qu’elle la remplisse. Elle mènerait El et Velvet sur les traces de ce mystérieux employeur.

- Où étais-tu sensée le rencontrer cet employeur ? »

- Je… Je ne… » commença-t-elle, hésitante avant de croiser le regard noir du Sith et de confesser piteusement : « Devant le complexe industriel B53… »

C’était tout ce qu’ils avaient à savoir. Pour la suite, Velvet et lui n’auraient plus qu’à suivre discrètement la blonde au rendez-vous et appréhender le prochain maillon de la chaine. Car El ne doutait pas qu’il s’agissait encore là d’un intermédiaire, les gros poissons ne se laissaient pas attraper si facilement.

Il manipula une nouvelle fois l’esprit léger de la blonde grâce à la Force.

- Tu vas aller au rendez-vous. Tout s’est passé comme prévu. »

- Je vais aller au rendez-vous. Tout s’est passé comme prévu. »

Puis elle se leva et, le regard un peu vide, se dirigea vers la sortie sans même jeter un coup d’œil aux corps qui gisaient là au milieu du sang et d’une odeur carbonisée.

- Voilà, on n’a plus qu’à la suivre discrètement et elle va nous mener docilement à son employeur. »

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El et Velvet passèrent le plus clair de la nuit à suivre la blonde dans ses déambulations nocturnes. El crut d’abord que la Force lui embrouillait encore les sens, ce qui fut certainement le cas dans un premier temps, avant de se rendre compte que la jeune femme ne se livrait qu’à des activités plutôt normales pour cette heure de la nuit. Bars, danse-clubs, plans drague… Bientôt, il ne supporta plus ce train-train qu’il trouvait de plus en plus écœurant.

Quand les premières lueurs du jour pointèrent à travers les bâtiments faits de métal et de ciment, El espéra qu’il ne leur faudrait pas attendre jusqu’au soir pour établir enfin un visuel sur l’employeur. Il n’était pas certain de pouvoir endurer une journée entière de filature sur cette blonde. A y réfléchir, il se dit qu’il aurait peut-être dû tenter de forcer les portes de son esprit pour découvrir ce qu’il désirait savoir, qu’importaient les dégâts qu’il aurait alors infligé. Mais ce qui était fait était fait, il n’avait plus qu’à s’en mordre les doigts.

Fort heureusement, tous deux n’eurent pas à subir un tel supplice. Tout portait à croire que le rendez-vous avait été fixé au petit matin quand la blonde s’engouffra dans une petite ruelle déserte et encore plongé dans la pénombre, l’œil aux aguets pour s’assurer de n’être pas suivie. Grâce aux manipulations d’El, elle ne portait pas attention aux deux complices qui la suivaient, mais elle en aurait été incapable de toute manière.

Elle ressortit, suivie de près par El et Velvet, sur une terrasse donnant sur le complexe qu’elle avait mentionné plus tôt dans la nuit, arborant un massif et lumineux « GM & C. Company ». El pointa du doigt la rambarde, pendant que la blonde descendant quatre à quatre les escaliers qui menaient en contrebas. De leur perchoir, El et Velvet avaient un point de vue idéal.

Leur homme ne tarda pas à se montrer. Droit comme un « i », fier et nappé d’orgueil dans sa démarche, il ne faisait aucun doute qu’il appartenait à la noblesse d’Eriadu. Jusque-là, El avait rangé dans un recoin bien sombre de son esprit toute pensée le rattachant à son passé ici, avant qu’il ne ressurgisse brusquement à ses yeux et lui saute au visage. Le sigle « GM & C. » devint une évidence, et au fond de ses yeux et de son cœur se côtoyèrent un bref instant nostalgie et colère, jusqu’à ce que cette dernière fasse disparaitre quelque autre trace de sentiment contraire.

- C’est mon père. »

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Crédit : ChaosAcathla

Darth Velvet
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Il y a de la lassitude dans l’ombre azurée de mon regard, de la fatigue sous le sang maculant encore ma pommette, une pointe de frustration dans le pincement de ma bouche, alors que sous mes doigts, la rembarde se réchauffe lentement. La fin d’une longue nuit de tractation pointe sous une pénombre estompée par la clarté naissante du jour. Déjà, les lueurs de l’aube blanchissent la flèche des gratte-ciels, auréolent timidement d’or, d’ambre et de feu les toits environnants. Et sous ce lent embrasement, surplombant l’escalier tortueux qui plongent vers les rouages industriels de l’entrepôt GM et cie, nos silhouettes se font minérales, nos profils gargouilles. Immobiles. Secrets. Silencieux.

Les secondes s’égrènent, frappées par les talons aiguilles de la fille sur l’asphalte, métronome imperturbable, jusqu’à ce qu’un inconnu la rejoigne dans le secret complice des ombres. Haut, altier, la démarche assurée et l’aisance ostentatoire de ceux qui se savent au-dessus des autres comme s’ils les dominaient. Un homme de puissance ou de statut s’encanaillant au petit matin, le visage encore occulté par les relents de la nuit avant qu’il ne tourne la tête vers nous, illuminant des feux d’un réverbère le délié de ses traits. Il y a comme un rappel, dans la courbe de ses lèvres, la forme de la mâchoire, l’éclat nimbé de méfiance d’un regard sillonné par l’Age et la suspicion. Oui… un écho bref, une étrange sensation de déjà-vu qui s’insinue sournoisement en moi. Tout à côté, El se crispe brutalement et sa voix, ténue, rauque, se fait brûlante d’émotions à fleur de peau, libérant son aveu d’un susurre entre feu et glace.


« Ton… père ? » répétais-je, mon souffle sur sa joue, tournée vers lui, l’étonnement ciselé à même la peau.

Les mots me manquent, les interrogations se bousculent. Son père ? Pourquoi ? Comment ? Il est vrai que je connais peu l’homme au derrière le masque, celui, laconique, dont le phrasé exprime aussi rarement ses émotions que celui qu’il est, qu’il fut. Celui qui se drape de mystères et se tait derrière l’airain. Nous ne sommes pas proches. Pas intimes. Pas en ce sens bien qu’il y a en lui, tout comme en moi, cette fracture issue du mêlé de nos âmes. Mais, au final, je sais si peu de lui… Pourtant en cet instant, je n’ai pas besoin de le connaitre davantage, pour ressentir la force de sa colère. Elle l’enveloppe d’une aura funeste, tiraille sur ce lien qui existe entre nous comme l’un monstre tire sur sa laisse… bien qu’il la musèle… bien qu’il l’enferme derrière l’obscurité mordorée de ses prunelles.


« Non… »

Et… comme pour le contenir, comme pour lui intimer l’ordre de retenir le flot impérieux de son animosité, ma main se dresse naturellement contre lui, se pose paume contre torse, frémissante sous ce contact qui menace mon équilibre d’émotions contradictoires. Je mords ma lèvre, ignorant ostensiblement les battements frénétiques de mon cœur et ses déraillements, l’odeur capiteuse des souvenirs, mes doigts tremblant malgré leur fermeté sur les muscles que je devine en dessous de l’étoffe alors même que mon corps entier s’oppose à lui, en barrage. Tout proche de lui… beaucoup trop proche. A vrai dire, si proche que son souffle me frôle. Un acte irréfléchi, instinctif alors que tout en lui suinte la rage : sa respiration saccadée, le ligne dure de sa mâchoire, les fentes meurtrières de son regard et surtout… et plus que tout… l’aigreur lovée en son sein, brûlante de poison, distillant entre nous, l’essence d’une colère si ancienne, si puissante, que je crains qu’il s’y abandonne.

« Je… sens ta colère mais ne cède pas. Pas ici. Pas maintenant. Pas sans savoir s’il est un instrument pour te détruire ou sa finalité. S’il te plait El. »

Je retire ma main, comme brulée et continue tout en observant le couple en contrebas qui s’engage par une petite porte, dans l’édifice.

« Je sais combien tu préfères les confrontations frontales plutôt que les tergiversations, mais nous devons faire preuve de doigté si l’on veut découvrir le fin mot de cette histoire. L’implication de ta famille explique bien des choses… le masque… l’apparence similaire mais pas le sith, ni les cibles. Et… je crois que tu vas devoir me donner quelques explications… Je ne peux pas t’épauler et surveiller tes arrières si tu me laisses sciemment dans l’ignorance. »

Je soupire, mes yeux se lèvent sur lui, le harponne. Je recule d’un pas, la rembarde venant mordre le milieu de mon dos.

« Laisse-le aller… Si tu dois trouver une cible pour ta frustration et ta colère , je suis là, mais laisse-le aller… Retournons à l’hôtel… tu me dois quelques réponses avant d’enfumer le terrier pour voir ce qui en sort… De toutes façons nous saurons où et qui chercher maintenant. Pour l’heure il nous faut du repos et une stratégie… » concluais-je, incertaine, espérant qu’il ne choisisse pas de libérer l’orage sur moi.

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C’était un instant hors du temps, de ceux qui paraissent durer une éternité alors que seules quelques secondes ne s’écoulent. Dans un mouvement inconscient, El s’était redressé, sortant de la pénombre pour s’offrir à la lumière qui venait baigner là où ils se trouvaient. Ses mains se crispèrent sur la rambarde faite d’acier dur et froid, comme il l’était lui-même. Ses yeux écarquillés ne quittaient pas son géniteur, ombre ressurgie de son passé, et la colère qui les traversaient l’aurait certainement réduit en pièces si cela avait été possible.

Il sentit à peine la main, tremblante mais ferme sur sa poitrine, ou le corps de Velvet lui faisant barrage, dans l’espoir de l’empêcher de commettre l’irréparable. Ses paroles n’étaient qu’un bruit de fond, qu’El entendait comme un lointain écho. Si la tentation était grande de céder à cette rage qui le rongeait à l’intérieur, une partie encore consciente de son esprit résistait encore à cette funeste décision. Le conflit qui l’habitait lui fit serrer la mâchoire au moins aussi fort qu’il agrippait le garde-fou. Mieux valait que ses doigts se referment sur ce métal là plutôt que sur celui de son sabre.

La Force en alliée puissante, la barre d’acier commençait à plier sous la pression que lui infligeait le Sith. Toujours sourd à la supplique de la Mirialane, El retrouva un semblant de calme lorsque Greton Masaari pénétra à l’intérieur du bâtiment, disparaissant ainsi à sa vue. Il avait résisté, mais poussa un long cri de frustration en s’éloignant violemment de son appui.

Sortant peu à peu de sa transe de haine et de colère, El commença à remettre ses pensées à l’endroit à l’écoute des mots de Velvet. Il la découvrit également décontenancée par cette révélation à laquelle ni l’un ni l’autre ne s’étaient attendus. Cette implication expliquait effectivement beaucoup de choses, mais posait encore plus d’interrogations qu’elle n’en résolvait.

- Seul ce fils de Chutta a à me craindre. » El avait senti l’hésitation dans la voix de Velvet. « Rentrons. Il ne perd rien pour attendre. »

D’un geste, il écrasa une poubelle qui trainait là comme un simple morceau de papier avant de l’envoyer s’exploser sur une autre de ses voisines. Si cela ne libéra pas toute la rage qu’El avait contenu jusque-là, évacuer un peu de cette dernière lui fit le plus grand bien. Il se mura ensuite dans le silence jusqu’à ce que lui et Velvet aient regagné leurs quartiers dans leur motel miteux.

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El se laisse tomber sur le lit trop dur, l’esprit encore en ébullition suite aux récents évènements. Beaucoup de pensées se bousculaient dans sa tête, rares étaient celles qui se terminaient de manière positive. Le retour au motel lui avait quand même permis de retrouver un certain calme – au moins extérieur – et la lucidité dont il devait faire preuve à ce point. Velvet avait raison, ils devaient d’abord obtenir des réponses avant qu’El ne puisse déverser sa colère.

- Je sais, je te dois des explications. »

Autant ne pas y aller par quatre chemins et prendre les devants.

- Je ne m’attendais pas à tomber sur lui, loin de là. Je t’ai caché ça parce que je n’avais aucune raison de le mentionner. On n’était pas là pour ça. »

Il ne faisait que dire la vérité. Leur venue sur Eriadu n’était initialement pas liée aux Masaari, El n’aurait d’ailleurs pas imaginé un instant qu’il puisse croiser les membres de sa famille sur une planète aussi grande. La Force avait finalement décidé des les réunir, bien loin des promesses passées du Jedi qui était venu le chercher pour l’emporter au Temple d’Ondéron. En tant que Jedi, on lui avait appris à ignorer la vengeance et à se détacher. Depuis, El avait parcouru bien du chemin. Beaucoup de choses avaient changées, et rien ne le retiendrait plus.

- Je ne pensais même pas qu’on en entendrait parler. Greton… Ça fait presque trente-cinq ans qu’on ne s’est pas vu. » Il fit abstraction de la courte période pendant laquelle il était revenu sur Eriadu avant Borenga. Même là, il n’avait établi aucun contact. « J’ai toujours su que, le moment venu, il se passerait quelque chose entre lui et moi. En revenant, je n’avais pas pensé que ça arriverait maintenant. »

Quant à sa belle-mère et son demi-frère, il hésitait encore sur l’attitude à suivre. Cela dépendrait sûrement de leur implication. Il leur déconseillait tout de même de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

- Maintenant, on sait au moins d’où "ils" ont pu tirer un certain nombre d’informations, mais ça n’explique pas tout. Après autant de temps, je doute que mon cher père ne se souvienne de quoi que ce soit d’important sur moi. J’avais seulement cinq ans à l’époque, alors je ne vois pas comment il pourrait en connaitre plus sur moi aujourd’hui. Mais il a des moyens, des contacts. Ça aide. »

Il était fortement probable que le vieux Masaari ait pris peur en voyant son rejeton aux holonews. Un mercenaire répondant au nom d’El Masaari, œuvrant pour un seigneur de guerre hutt, cela avait dû suffire pour que Greton cherche à se protéger d’un éventuel retour. Et puisque visiblement il s’était mis à rechercher un Nesanto, il était également au fait de son affiliation avec l’Empire, peut-être même de ses récents exploits dans l’Espace Hutt. Des raisons qui justifiaient amplement une alliance avec des Sith pour se servir de lui et le détruire. Vraiment, Greton ne perdait rien pour attendre.

- C’est un homme puissant sur Eriadu, et il ne supporte pas d’avoir quelqu’un au-dessus de lui. Seul quelqu’un de plus puissant encore peut lui donner des directives. »

De là à ce qu’il s’agisse du Sith qu’ils cherchaient, il n’y avait qu’un pas qu’El préférait ne pas faire. Il avait eu son lot de surprise pour la journée… et elle ne faisait que commencer.

Darth Velvet
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Mon souffle se serre et mes mains, accrochées sur la fenêtre que je referme avec la lenteur d’une condamnée, s’agrippent nerveusement. Jamais chambre ne me sembla aussi étroite, aussi étouffante que celle-ci. Sous son aura ourlée de violence, écrasante de frustration bileuse et de colère, incandescente, épaisse, je suffoque dans un silence funeste. Ici, il n’y a pas le ciel irisé d’or, l’espace d’une friche industrielle pour encaisser les vagues successives d’amertume et de rage mêlée venant se fendre sur les remparts de mon âme. Seulement quatre murs lézardés et décrépits du motel, m’obligeant à subir l’érosion constante de ses humeurs, la fauche impitoyable de ses émotions brutes. Je suis au cœur de cette tempête, dans l’œil pourtant mouvementé d’un cyclone, assaillie. Sans qu’il ne le sente. Sans qu’il n’en soit conscient.

« Tu n’as pas à te justifier de ton silence concernant ta famille, El. A vrai dire… »

Je m’approche de lui, de cette silhouette massive prostrée sur le lit trop dur, les épaules voutées par le poids des événements, du passé, de la haine.

« A vrai dire, j’aurais pu savoir toutes ces choses-là, j’aurais même du, sachant qui tu es, toi, et qui je suis. Mais je voulais te tuer. Connaître le passé d’un homme n’a d’importance que pour lui donner la chasse, découvrir ou il se terre. Et toi, tu ne te caches pas… »

Je m’accroupis devant lui, ajustant ma hauteur à la sienne, plongeant mon regard dans l’éclat d’ambre du sien. J’ignore ce qu’il y a entre ton père et lui. Mais cela ne se résume certainement pas au fait qu’il l’ait oublié depuis 35 ans. Je sens la colère qui gronde en son sein. Je la vis. Elle est profondément ancrée dans son cœur, une blessure purulente, indélogeable presque… et acide, toxique, amère comme un poison. Je ne crois pas que leur relation se résume à ce simple abandon, que l’obscurité qui se déverse au travers de la Force, au travers de cette étrange connexion entre nous résulte de si peu. Et s’il y a autre chose, pourtant je me refuse à le questionner s’il ne veut le partager de son propre aveu. Sa famille. Ses secrets.

« Nous allons trouver le pourquoi du comment, et ceux qui ont manigancer toutes cette affaire, le payerons. Mais il me faut ton accord pour fouiller dans la vie de ton père. Nous avons un besoin crucial d’informations. »

J’inspire un instant puis poursuit, d’une voix moins dure, plus douce.

« Je ne sais pas ce que nous allons trouver, peut-être des pistes, peut-être rien de concret. Quoiqu’il en soit, et quoi que tu préfères me taire, par prudence ou pruderie, je te fais confiance. Je me doute qu’il y a davantage entre ton père et toi que ce que tu m’as dit, et… qu’importe, c’est ton histoire et il te revient le droit de la préserver. Je te laisse seul juge de ce qu’il me faut savoir pour assurer notre sécurité. En tout cas, les secrets que l’on déterrera, resteront ici… »

… Et ne seront pas le fer de lance de nos querelles ou de nos différents.

Je me redresse, m’asseyant à côté de lui, sans être trop proche, attrapant le datapad dans la poche de ma veste. Rapidement j’établie une connexion, laissant à El, le loisir d’écouter.

« Bonjour EVA. »

« Velvet. Il est heureux que vous me contactiez, Ragda s’inquiète de savoir si vous avez consulté la proposition de contrat de mar… »

« EVA, je ne suis pas seule, et cette discussion attendra mon retour. » interrompais-je le débit soutenu et robotisée de l’intelligence artificielle de Refuge

« Mes excuses Velvet. Que puis-je faire pour vous ? »

« Trouve-moi toutes les informations concernant un certain Greyton Masaari venant d’Eriadu. Remonte le temps et sors-moi tout ce que tu trouves sur lui, ou sur une entreprise estampillée GM et cie. Concentre-toi particulièrement sur les… 5 dernières années et sur des liens possibles avec des siths reconnus ou l’Empire. »

« Bien sûr. Je vous envoie les données au fur et à mesure. Dois-je utiliser le réseau de Fantôme ? «

« Seulement si tu ne trouves rien de probant. »

La communication coupe sèchement. Je rejette le datapad, loin derrière moi, et défait cette veste tachée de sang que pour exposer ma tunique tout aussi marquée par nos combats dans l’atelier. Il y a même, là, à la place du cœur, le trou brulé d’un tir trop précis.

« La recherche va prendre quelques heures, au moins… En attendant… j’ai besoin que tu me laisses respirer, tu… ton aura, elle me perturbe… »

Mes paupières se closent sur les vestiges d’un équilibre précaire rogné par la fatigue et l’assaut de ses ténèbres.

« Depuis Dennogra, je ressens un peu trop fortement tes états d’âmes, ses afflictions et c’est… déconcertant. Alors voilà ce que nous allons faire. J’ai besoin que tu sois lucide, je dois d’être lucide. Alors... Va effacer tout ce sang, et la crasse de la nuit sous une douche. Je commanderais un repas. Nous en avons, tous les deux, grandement besoin. »

Puis un sourire ciselant mes lèvres sur une note d’humour ratée, juste destiné à dérider son visage affligé et soulager la tension de mes épaules.

« Je te promet de ne pas venir jouer les voyeuses lorsque tu seras nu ! »
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El fila sans un mot dans la salle de bain avoisinante. Il avait clairement besoin de décompresser pour ne pas faire voler en éclat tous les efforts auxquels lui et Velvet avaient consenti jusqu’ici et ne pas se précipiter chez « GM & C. Cie » pour tailler en pièce ce qui lui servait de géniteur. Un peu de repos lui serait également profitable afin d’apaiser son esprit bouillonnant de colère.

Il avait écouté Velvet d’une oreille distraite, trop occupé à ressasser les évènements récents. Ragda et EVA lui étaient évidemment familiers, mais cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus été en contact. Depuis qu’il avait quitté Borenga sur Tatooïne. Les affaires de Velvet ne regardaient qu’elle, et de toute manière, El n’avait aucunement envie de s’en mêler à ce moment précis. Aussi accueillit-il avec un certain soulagement la proposition de la Mirialane de lui laisser un peu d’air pour qu’elle aussi puisse reprendre ses esprits. Lui aussi avait ressenti qu’une connexion s’était établie entre eux, il ne s’était cependant pas attendu à ce que Velvet ne la ressente aussi intensément. Un instant de coupure leur ferait le plus grand bien à tous les deux.

El alluma le jet, retira ses vêtements tâchés de sang, de sueur et de poussière, puis se plongea sous l’eau brûlante. Jusque là impassible, dur et fermé, son visage se détendit au fur et à mesure qu’il retirait la crasse qui lui collait à la peau. Il ignorait combien de temps il avait pu passer sous le jet brûlant, peut-être simplement quelques minutes comme des heures entières, mais une fois qu’il en sortit, El connut une renaissance. Il n’avait certes pas oublié ce qui c’était passé à l’aube – comment aurait-il pu ? – mais c’était reposé et apaisé qu’il rejoignit la chambre où Velvet était restée.

Vêtu d’habits propres, son sabre bien dissimulé sous les pans de sa ceinture, il trouva la Mirialane endormie sur le lit, les restes du repas posés sur une table basse non loin de là. Il s’empara d’un met inconnu mais relativement appétissant par rapport à la tenue de l’établissement, et s’affala dans un grognement de fatigue sur le fauteuil miteux qu’il avait occupé lors de leur partie de pazaak.

A peine eut-il terminé son repas on ne peut plus frugal qu’il sombra à son tour dans un sommeil profond mais perturbé, entremêlant son passé à ses cauchemars.

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Elina baignait dans une mare de sang. Son sang. Le petit El, lui, était lové dans les bras de son père aux anges. Greton ne prêtait aucune attention aux suppliques et gémissements dans fin de la pauvre femme qui était sur le point de rendre son dernier soupir, trop obnubilé par le petit être qu’il tenait contre lui. Dans l’ombre, son épouse légitime, Cierta, hésitait entre la haine qu’elle allait vouer à ce bâtard nouveau-né et la joie immense du trépas de sa rivale.

Déjà plus âgé, le jeune El errait comme un fantôme dans les couloirs de la demeure Masaari. Personne ne le remarquait, ne faisait attention à lui. Il n’était qu’une ombre parmi les ombres, un étranger solitaire dans un univers hostile. Greton et Cierta, gigantesques dans la lumière, l’écrasaient de leurs silhouettes tandis que son demi-frère le piétinait comme un vulgaire insecte. Tourbillonnant autour du petit El, des objets essayaient de le protéger de l’indifférence et de la haine de son propre sang.

Un étranger cagoulé se présentait sur le seuil des Masaari. Ce fut El qui ouvrit la porte. C’était un Jedi, un Cathar, doté d’un faciès de félin entouré d’une large barbe noire. Ses yeux jaunes, entourés de marques noires sur son pelage brun-blond, irradiaient. Le petit garçon était captivé et partit avec lui, sans que sa famille ne s’en rende compte.

Soudain, alors qu’ils n’avaient fait que quelques pas dans le blanc immaculé de ce monde onirique, la lumière cédait aussitôt la place à l’obscurité la plus totale, d’où seule émergeait la créature féline. Mais ses traits changèrent. La fourrure se transforma en une peau dure, la crinière en deux cornes le long d’un visage qui se fit plus féminin, les marques devinrent des symboles qui ne faisaient que trop sens pour El. Des symboles sith. Un sourire carnassier et un rire à vous fouetter le sang.

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- AH ! »

El se redressa d’un bond, haletant et trempé de sueur. Il était coutumier de l’obscurité, qui accompagnait ses pas depuis de nombreuses années et au cœur de laquelle il se réfugiait souvent pour en tirer sa puissance et son ambition. Mais jamais El n’avait affronté une telle noirceur jusqu’ici, quand bien même il avait côtoyé Darth Ynnitach, l’Impératrice déchue, et tant d’autres adeptes du Côté obscur.

- Sinya. » lâcha-t-il dans un souffle, reprenant ses esprits. Un peu perdu, il se tourna vers Velvet et reprit : « Je suis sûr que c’était elle. Elle était présente dans mon rêve. Ou plutôt mon cauchemar… »

S’il avait bien appris quelque chose au cours de toutes ces années, c’était qu’il y avait rarement de hasard. Voir apparaitre son père et le reste de sa famille n’était pas une surprise en soi, même si son sommeil avait été agité dès leur apparition. Mais suite aux récents évènements, cela faisait sens. A l’inverse, que l’Iktotchi intervienne elle aussi dans ses rêves, cela n’était clairement pas anodin. Ce qui était certain, c’était que Greton Masaari était lié de près ou de loin à la Sith pourtant disparue.

- D’abord mon père, puis elle. Ça ferait beaucoup trop de coïncidence. Je pense qu’il est temps de rendre une visite à mon paternel. J’imagine qu’il a beaucoup à nous apprendre. »

Son trouble du début de journée était à présent totalement oublié. El était empli d’une énergie nouvelle, décuplée par la possibilité d’être confronté à quelque chose qui le dépassait, qui les dépassait tous les deux. Ce qui anima son désir et son impatience de passer à l’action, de se frotter à un danger mortel. D’un regard brûlant d’un feu nouveau, il plongea le noir de ses iris dans le bleu de ceux de la Mirialane, espérant qu’elle partagerait sa détermination.

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Le jour s’infiltre doucement, dessinant sur les motifs désuets de la tapisserie, les courbes d’une lumière poudrée presque fantomatique. L’après-midi étend ses ailes et ses rayons chauds sur la ruelle, mais, dans le feutré cocon de notre motel, protégé par les lourds rideaux occultant, l’obscurité envahit la pièce d’une nuit illusoire. Je ne sais combien de temps je me suis assoupie, ou depuis combien de temps, El git dans ce fauteuil dont je doute du confort. A vrai dire, je ne me souviens même pas du sommeil venu me faucher alors que le ruissellement de sa douche berçait mes réflexions.

Il faut croire que ma méfiance s’effrite à son contact pour en oublier la plus élémentaire des prudences… mais peut-être la réciproque est-elle vraie ? Là, les yeux clos et le visage dénué de glace ou d’émotions, serein dans son sommeil, je ne peux empêcher mon regard de courir sur ses traits d’acier devenue plus doux, plus jeune, moins amer. J’esquisse un sourire épinglé dans la pénombre, en commissure de mes lèvres et je l’approche, silencieuse, mon cœur piqué d’une étrange sensation étouffée d’un soupir.

Il y a tant de sujets de désaccords qui subsistent entre nous, tant de querelles couvant sous la cendre de nos dissemblances et si, aujourd’hui nous marchons ensemble sous le ciel d’Eriadu, je sais que bientôt, de nouveau, nos sabres rugiront l’un contre l’autre en brisant cette osmose, cet équilibre fragile qu’il existe en cet instant. Je n’ai pas hâte de voir ce jour ce lever, non… je regrette qu’il doive briller dans un futur proche, peut-être parce qu’il persiste entre El et moi, l’esquisse fébrile d’un lien étrange teintée de Force, ou peut-être parce que ma soif de liberté trouve écho en ce guerrier comme en nul autre. Une attirance, une divergence, et au-dessous, la saveur envoutante du danger comme un élixir fascinant auquel je ne sais me soustraire. Lentement, je dépose sur ses épaules, sur son corps relâché, la chaleur d’une couverture, avant de me détourner presque à regret, vers le lit, vers mon pad, vers des heures de recherche pour trouver un sens à l’imbroglio de notre situation.

Les hologrammes bleutés illuminent mon visage, dansent dans un halo bleuté d’articles de presse, de photos et de chiffres qui ne cessent d’affluer depuis les serveurs d’EVA. Et, à mesure que se dessine devant moi, le schéma tordu d’une machination, mon regard se fait d’ombre, mes lèvres se pincent, et mes doigts griffent et chiffonnent le dessus de lit avec un agacement profond. J’ai l’impression d’être une intruse, détaillant, écartelant, débitant chaque instant de la vie d’El et de la famille Masaari. Une voyeuse se glissant dans les méandres d’affaires qui ne la concerne en rien, et malgré l’approbation et la permission de celui-ci, il y a au creux de mon ventre, lové, une gêne qui s’amplifie encore alors que je crois saisir l’essence même d’une trahison filiale.

Mes yeux abandonnent les caractères bleus et filent sur le visage de l’humain. Ce n’est pas que de la gêne qui m’oppresse soudainement, non, mais de la tristesse, pour lui, de l’empathie, de la compassion aussi… peut-être. Mais il n’est pas homme à recevoir de la pitié sans ciller, à supporter que l’on s’ingère dans ses sentiments ou qu’on l’affuble d’autant de faiblesses et de commisérations… c’est certain. Tout aussi certain que celui qui s’abandonnerait à lui faire sentir sa sollicitude pourrait bien finir avec un sabre en travers de la gorge. Je m’égare, encore une fois, perdue dans mes pensées, fixée sur lui comme un ancrage à ma réflexion avant de remarquer l’agitation de ses paupières, de ses mâchoires serrées, de ses poings fermés. Et, comme pour me tirer plus abruptement de ma rêverie, l’odeur nauséabonde et la présence huileuse d’une entité noire s’insinuant entre nous. Elle l’enveloppe, le cajole, réveillant l’endormi dans un sursaut avant de s'effacer, ne laissant dans son sillage qu’un parfum de perfidie et de putréfaction.


«  Sinya. Je suis sûr que c’était elle. Elle était présente dans mon rêve. Ou plutôt mon cauchemar… D’abord mon père, puis elle. Ça ferait beaucoup trop de coïncidence. Je pense qu’il est temps de rendre une visite à mon paternel. J’imagine qu’il a beaucoup à nous apprendre. »

« Sinya… » répétais-je avec une lenteur calculée .. ; « Oui… je vois son intérêt à agir de la sorte, à s’en prendre aux mouvements de l’autoroute Hutt… contrôler cet axe c’est contrôler une grande partie des Territoires Hutt… Et nous savons toi et moi, qu’elle convoite très sérieusement cette partie de l’Unvivers. »


Je me lève, écartant d’un geste les rideaux pour laisser pénétrer à l’intérieur la lumière du jour.


« Et pour l’implication de ton père… j’ai une piste. »


Une piste qu’il n’allait pas aimer du tout.


« Il y a 4 ans, une loi a été promulguée ici, concernant la succession. Ton père était visiblement, d’après ce qu’EVA a découvert, un fervent opposant à cette loi, ce qui n’est pas étonnant puisqu’elle permet aux enfants naturels reconnus d’accéder à l’héritage de leur parentèle au même titre d’un enfant né sous mariage. Malgré son opposition farouche, celles de deux ou trois noms politiques importants de la planète elle a tout de même été édictée. Autrement dit, El, aux yeux de cette loi, tu es l’héritier principal de ton père. Devant ton demi-frère… »


Je lui laisse avaler l’information, ne lui présentant que mon dos pour qu’il jouisse d’un peu d’intimité.


« Il… y a encore autre chose…. EVA a découvert un acte de décès… à ton nom. Visiblement ton père a déposer une plainte pour disparition lorsque… Borenga est mort et que tu as pris le nom de Darth Nesanto. Il en a profité pour affirmer ta disparition et la période légale sur Eriadu pour déclarer une personne disparue décédée n’a pas été respectée. J’imagine qu’il n’est pas étranger à ceci mais… officiellement tu es mort depuis 8 jours… Ca explique son expressément à te voir disparaître, et peut être ses liens avec Sinya … quoique je n’en sois pas du tout certaine. »


Je me retourne, m’approche de lui, ressentant la tension qui l’habite avec une acuité particulière.


« Je sais que tu ne peux… que tu ne veux pas laisser passer ces actes. Tu as raison, nous devons aller voir ton paternel mais… »


Mes lèvres se pincent alors que je lui fais face, aussi sombre qu’une nuit sans lune, aussi prédatrice qu’un vornsk appâté par l’odeur du sang.


« … il mérite que tu brises tous ses espoirs, que tu réduises en miette toutes ses petites manigances pour assurer à ton frère l’usufruit de son empire. Courir chez lui pour tout bruler et réclamer des explications…. Ce n’est pas assez. Les parents doivent protéger leurs enfants, pas les jeter en pâture comme s’il n’étaient que de vulgaires torchons indésirables… ils doivent assumer leurs actes quand bien même ils soient agrémentés de honte ou de regrets. »


Je ne cherche même pas à dissimuler l’écrin de colère contenant ma voix, ou l’aigreur qui suinte dans chacun de mes mots. J’exècre les gens similaires à Masaari Père, ces hommes qui se croient au-dessus de tous, prêt à assouplir les lois pour subvenir à leurs ambitions, prêts à sacrifier leurs enfants par faiblesse, veulerie, vanité ou cupidité. Peut-être est-ce parce que je ne me pardonne pas à moi-même, ou parce que je connais la souffrance qui accompagne le désespoir du geste, la fatalité qui ne peut retenir le bras et les remords, les pleurs, la douleur hantant chacune de mes respirations en un rappel incessant à mon infanticide. Mais lui ne connait pas la honte, pas l’éteinte atroce de la perte d’un enfant, pire il convoitait la mort d’El comme l’on convoite un trésor… et pourquoi ? Pour favoriser l’enfant d’un mariage… moralité douteuse

« Il donne une réception pour l’intronisation de ton frère… ce soir… dans son manoir avec tout le gratin de la haute société. »

J’affiche un article en hologramme et poursuit.


« La presse va assurer la couverture de l’événement. Que dis-tu de faire réapparaître l’Héritier Masaari, sous les projecteurs, de briser la stratégie de ton père sans qu’il ne puisse rien faire d’autre que voir ses plans se réduire en cendre. Allons-y… prévenons les médias, faisons une entrée spectaculaire, jouons leur jeu de bienséance. Avant de, secouer ce nid de vipères pour voir ce qui en sors… Nous devons aller à cette sauterie et attaquer le problème frontalement… il te faut des réponses, et il me faut des coupables. Je crois qu’en faisant écrouler leur petit monde, nous allons faire sortir les loups du bois, et obtenir l’un et l’autre ce que nous voulons.»


Une attaque frontale… rien de plus… rien de moins … en escarpins et smoking, sous un vernis médiatique… Peut-être. Ou peut-être pas.
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- Humpf… A quoi aurais-je pu m’attendre d’autre que ça de sa part ?... »

El n’était pas surpris par les dispositions prises par son père vis-à-vis de la loi de succession instaurée sur Eriadu. Un type capable d’abandonner son enfant – cela même avant que les Jedi ne viennent le chercher – pour ne s’occuper que de son héritier soi-disant légitime était tout à fait capable de tenter de régler définitivement la question par une méthode expéditive et radicale.

Eutre le fait de chercher à l’assassiner, Greton l’avait purement et simplement déclaré mort avant même d’être parvenu au bout de ses noirs desseins. Quel homme abject ! Quelle ne serait pas sa surprise quand il apprendrait que son véritable héritier était encore de ce monde. El en riait d’avance, intérieurement bien sûr. Extérieurement, il avait peine à dissimuler sa colère à travers son regard, ses lèvres tremblantes et ses poings serrés. De l’excitation, il était rapidement passé au stade de la colère vive et sourde.

Il trouvait écho en Velvet, elle aussi sous le coup de la colère. Pour quelles raisons ? El l’ignorait, mais il se doutait qu’il ne s’agissait pas simplement de ses histoires de famille. Il ne chercha cependant pas à en apprendre plus. Tous deux avaient droit à leurs secrets.

La proposition de Velvet tomba à point nommé pour qu’El ne sombre pas plus dans les tréfonds de la haine. Passer à l’action était encore le meilleur remède qu’il connaisse pour évacuer toute sa rage. Et l’idée de détruire tout ce à quoi pouvait bien croire sa famille était un élément plus qu’agréable à ajouter au tableau. Bien qu’il n’ait jamais été un homme mondain, loin des strass et des paillettes de la haute société, El ferait cet effort considérable pour une fois.

- Allons-y. Allons réduire en poussière le monde cupide et véreux qui gravite autour d’eux. » Il alluma le datapad qui trainait là et prit quelques instants pour s’informer sur ladite soirée. « Pas la peine de prévenir la presse… Ils sont déjà suffisamment nombreux. Arrivons à l’improviste, ça fera son petit effet. » reprit-il en montrant la foule de journalistes et autres curieux qui squattaient déjà devant la résidence Masaari.

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Résidence Masaari, quelques heures plus tard.

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El était sur son 31. De mémoire, il n’avait jamais revêtu autant de tenue en un temps si court. De sa tenue de Sith masqué au costume, en passant par les habits passe-partout… ses investigations aux côtés de Velvet lui en faisaient voir de toutes les couleurs. Les Sith, la guerre, les champs de bataille, tout ceci lui semblait si lointain alors qu’il s’approchait, la Mirialane à ses côtés, de ce qu’il convenait d’appeler à présent la Tour Masaari.

Dans ses souvenirs, El ne se rappelait pas d’une résidence aussi imposante. Il semblait que le temps passant, et la fortune aidant – provenait-elle d’un quelconque accord avec Sinya ? –, la résidence somptueuse mais de taille modeste de sa petite enfance n’ait été remplacée par un manoir aussi imposant que l’était sûrement l’orgueil de Greton. Située sur les hauteurs de la capitale, la Résidence Masaari paraissait surplomber le commun des mortels.

- Ça a bien changé en l’espace de trente ans... » constata simplement El, les yeux levés vers le sommet de la bâtisse, embrumée par les nuages de pollution d’Eriadu City.

Devant le bâtiment, la foule aperçue un peu plus tôt sur l’holonet était toujours aussi dense. De partout jaillissaient des flashs, un brouhaha indescriptible envahissait la place. Tous étaient venus assister à l’évènement, la consécration de l’héritier Masaari. L’ironie était parfaite, alors qu’El luttait au nom d’une toute autre héritière en la personne d’Ysanne Ha’mi. Si l’une avait un Empire politique sous ses ordres, lui était le légitime légataire d’un empire industriel.

Que pourrait-il bien en faire une fois Greton envoyé ad patres, la question lui trottait dans la tête depuis que Velvet l’avait informé de la nouvelle loi de succession d’Eriadu. Il ne faisait aucun doute pour El que son père ne serait plus vivant longtemps, mais il n’avait cependant ni le temps ni l’envie de se voir propulsé à la tête de la compagnie. Que faire alors ? La détruire ? C’était une possibilité qu’El avait envisagée, à moins qu’il ne puisse l’utiliser pour son profit personnel.

Pour l’heure, El et Velvet étaient parvenus à s’extraire de la masse pour atteindre les portes clinquantes de la résidence. Tous deux se placèrent à la suite d’une longue file d’invités certainement très prestigieux, riches et puissants. Autant de gens qui ne regretteraient certainement pas leur soirée… Puis vint leur tour.

- Madame, Monsieur. Votre invitation je vous prie. » les accueillit un majordome gran pompeux et maniéré, sans même lever les yeux sur eux.

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- Nous n’en avons pas. Mais… » coupa El alors que le domestique allait le reprendre de volée, sûrement pour lui intimer de retourner avec le bas peuple. « … vous pouvez annoncer El Masaari et mademoiselle Sweety. »

- Je vous demande pardon ? » répondit-il en daignant enfin les regarder.

Son regard alliait à la fois la sidération, le choc et la curiosité. Ses trois yeux globuleux s'étaient écarquillés et allaient et venaient de l'un à l'autre. S'agissait-il d'une réaction au nom d'El Masaari, le fils depuis longtemps absent et sensé être mort et enterré ; ou à la tenue à la fois terriblement attirante mais également ouvertement provocante de la Mirialane ? Certainement un peu des deux, mais le Gran retrouva vite ses esprits et fixa intensément celui qui se présentait comme le fils Masaari. El reprit :

- Annoncez que le véritable héritier de la maison Masaari est de retour. Faites-le ! » coupa-t-il alors que l’autre ouvrait grand la bouche pour appeler la garde.

La Force coula au travers de ses mots, embrumant l’esprit du serviteur. Ce dernier se fit alors docile, soumis à la volonté du Sith, et s’écarta pour leur laisser le passage tout en s’inclinant bien bas. Puis il envoya les noms des nouveaux arrivants au héraut qui s’époumonait un peu plus loin à annoncer l’ensemble des invités.

D’un coup d’œil, El embrassa la salle du regard. Elle était pleine à craquer, des journalistes couvraient l’évènement et toute l’aristocratie d’Eriadu semblait avoir fait le déplacement. L’annonce allait faire son petit effet, à n’en pas douter.

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J’inspire longuement, laissant la relative fraicheur de l’air nocturne m’envahir avant que la réception, les mondanités et les problèmes ne déversent sur nous ses flots étouffants de flatteries, de bassesses, de mesquineries et de politique. Je n’ai pas beaucoup plus hâte qu’El à me plonger dans de faux semblants exsudant la rouerie, si chers à ceux qui évoluent dans les strates aristocratiques du pouvoir, pourtant c’est un monde qui ne m’est pas aussi inconnu que pour lui, un jeu dont je n’ignore ni la veulerie, ni les rouages bien que ma pratique se soit rouillée avec la disparition volontaire de Ragda du Cénacle.

Le lamé doré de ma robe cliquète discrètement couvert par l’annonce haut perché du majordome, alors que nous avançons tous les deux vers le devant de cette scène. Je me doute de l’effet que nous produisons tous les deux, entre cette déclaration grandiloquente du fils mort ressuscité et nos apparences particulièrement marquées. Choquer les esprits, imprimer le sceau de notre présence, jusqu’à ce que silence se fasse et que les flashs des journalistes crépitent de surprise ou de curiosité. Une mise en scène orchestrée. Ils verront, derrière leurs objectifs, la silhouette charismatique du sith souligné par la sobriété d’obsidienne de son costume de soirée, sa capeline parsemée de strass comme un rappel à sa noblesse. Ils verront ma robe, lamelles d’or scintillant à chacun de mes mouvements si bien qu’on ne sait si elle couvre ou découvre ma nudité d’un léger tintement de grelots, un drapé arachnéen de taffetas noir et de dentelles coquines soulignant l’harmonie de mes courbes, glissant en une cascade sombre et brillante sur mes reins, comme un rappel à la tenue d’El. Mon éclat contre son austérité, un faire valoir et une protection, parce que les regards s’attardant sur les déliés de ma féminité en oublieront d’observer son visage à nu, dépossédé de son masque mais non de sa dangerosité.

Nous évoluons dans ce silence stupéfait, épicentre des regards et des attentions. Puis doucement d’abord, les discussions ne reprennent que dans une aura conspiratrice de chuchotements avant que nous soyons interceptés par la silhouette aussi élégante que guindé, d’un Humain. Pas n’importe quel humain. Il y a assurément de son frère en lui, l’empreinte d’un père mêlée à l’arrogance et le désarroi sous un costume aussi impeccable qu’onéreux.

« El ? » demande-t-il, visiblement déstabilisé par l’annonce du majordome et notre arrivée fracassante. « C’est bien toi ? »

Un moment de flottement éphémère qui se voit bien vite chassé par un sourire prédateur, et une assurance factice.

« Tu as l’air en forme pour un mort. Je doute que Père soit ravi de ton éclat de ce soir.. » commence-t-il laissant le sous-entendu flotter entre nous sur ses doutes concernant le patriarche et la résurrection annoncé de son premier né. « Il voudra assurément te parler. Nous parler. Immédiatement je pense. Allons dans son bur… »

« Monsieur Masaari. »

Ma voix se fait velours, alors que mon bras s’égare avec un attachement feint sur celui de mon compagnon.

« Ne croyez vous pas que vous allez faire jaser, si aussitôt arrivés, vous nous enlevez à cette petite fête pour dissimuler votre frère comme un membre honteux de votre famille. Je vois ici certains diplomates qui officient notamment au sein de la Rotonde de la République, quelques envoyés des Rajiidics aussi. Je comprends votre impatience à connaitre par le détail les aventures de votre frère, tout comme El doit se demander comment il a pu passer du statut de disparu à perdu en un temps aussi court, mais n’en serait pas moins… disons… discutable pour certaines mauvaises langues, de deviser encore un moment ici, cordialement avant de vous dissimuler et vous enfermer à double tour dans le bureau de votre père ? »

Il rougit, laissant entrevoir une certaine gêne, mais difficile de savoir si elle s’accorde à la honte de son empressement ou à sa volonté de faire taire un frère un peu trop embarrassant.

« Navré. Père me taxe d’impulsif, et il a vraisemblablement raison, Dame… Sweety ? c’est bien cela ? »

« Exactement » déclarais-je avec un sourire mi charmeur, mi aguicheur

« El et moi n’avons jamais eu l’opportunité d’être proches. Mais, je suis impatient de savoir ce qu’il t’est arrivé depuis ta disparition. Père et Maman n’ont rien voulu me dire. C’est à peine s’ils ont prononcé un mot à ton sujet ces 10 dernières années. »

Après un échange de mondanités, d’interruptions curieuses, de présentations de notables et tout en nous guidant, d’une main de maître près de l’escalier menant aux étages, il reprit sérieusement :

« Je pense que nous avons assez donner le change, allons retrouver Père dans son bureau. Dame Sweety, je suis au regret de vous dire que cette entrevue doit demeurer privé, et de vous soustraire quelques temps à votre cavalier quoique je ne doute pas que vous ne manquiez de compagnie ou de chevaliers servants. Tous les hommes de cette salle n’ont d’yeux que pour vous. » conclut-il galamment.

Je me retourne vers El, guettant de lui son approbation ou un signe contraire, mes doigts gantés toujours sur son bras. Quoi qu’il choisisse, que je l’accompagne en tant que Sweety ou que j’arpente ses pas en tant qu’ombre de Force, je ne le quitterais pas, pas alors que nous sommes si proches de tout découvrir et de comprendre les motivations de son père… de Synia…
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