Guide.

Le rang de Samaël avait été rallongé pour une journée, puisqu'aujourd'hui en effet, il serait un Padawan Guide. A cette annonce, le torse du gamin s'était bombé de fierté, et ses yeux s'étaient illuminés de bonheur. Ses camarades l'avaient silencieusement traités d'imbécile, un regard avait suffit. Peu de jeunes appréciaient ce rôle sous-jacent, à celui, prestigieux des Jedis. Pas de feux de la rampe ni d'aventures extraordinaires... Juste se promener dans les couloirs en trainant un visiteur souvent courtois bien que peu intéressés. Un duo de circonstance, coincé dans le carcan des convenances. Pour le centaure néanmoins, c'était un orgueil que d'être le représentant des siens. De lui, dépendait l'image de l'Ordre qu'aurait la nouvelle venue, plus qu'un guide, il serait un ambassadeur.

Oh, le pré-adolescent en faisait sûrement trop, comme d'habitude, mais au moins il était motivé, s'éloignant du cliché de l'apprenti Jedi arraché à sa planète, parfois à une histoire sordide, blasé. Lui malgré quelques rencontres trop précoces avec le mal personnifié, avait su conserver sa joie, son innocence. Heureux en presque toutes circonstances, il était rare de voir le Chironinian s'attrister, il trouvait toujours le côté positif des choses. Cela faisait de lui un être aussi candide qu'agaçant, aussi protégé que vulnérable du monde, charmant quoique fatiguant. Bref, armé de sa belle mentalité donc, Sammy avait attendu avec une impatience inhabituelle que les cours finissent. Habituellement, il adorait la classe de biologie, et encore plus celle de littérature, et d'avantage encore celle d'entraînement avec la Force... Mais cette fin de matinée, en cet instant précis était une véritable torture.

Heureusement, la pendule eut pitié de lui et sonna finalement l'arrêt des cours. Samaël sauta sur ses 4 sabots, non sans seriner pour la quinzième fois à son voisin qu'il avait une mission de la plus haute importante. Comme il aurait aimé que Kolin soit aussi là pour lui expliquer de long en large son rôle, pas même pour se vanter, juste par pur enthousiasme. Bref, au moins, il gagnait du temps pour sa douche. Une fois propre donc, le jeune Jedi lissa sa toge sentant encore l'adoucissant et arrangea sa tunique. Il se dirigea ensuite vers l'entrée du Temple.

- Hum, Padawan Akiam, vous savez que l'invitée n'arrive que dans 20 minutes, n'est-ce pas ?

- Je sais, mais je voulais être à l'heure.

Après un moment interminable, l'apprenti sentit une aura différente s'approcher. Bon, il en avait senti un trentaine avant... Mais cette fois devait être la bonne, et il put confirmer sa pensée, lorsqu'en pointant le bout de ses oreilles elfiques dehors, la silhouette d'une jeune humaine aux cheveux courts apparut.

- Bonjour et bienvenue Mademoiselle Jornwel... Euh Ghorn...well ? Pardon... Je suis le Padawan Samaël Akiam et je vais vous faire visiter le Temple. C'est un bonheur, euh... Honneur... pour moi.

La honte... Encore une fois, le nom de famille de son interlocuteur -ici interlocutrice- lui rendait la vie impossible. Déjà, avec ce maître si sévère, surnommé le glaçon (à ce propos Samaël avait dû chercher la signification de ce pseudo sur Holonet seul après.), il avait eu des soucis, maintenant l'invitée allait croire qu'il se fichait de sa venue, alors qu'il l'avait répété des centaines de fois ce nom de famille. Personne ici ne pouvait avoir un patronyme aussi simple que le sien, généré lors de son arrivée au Temple pour faire de lui un sénateur ? Non, décidément.

Rouge de confusion, le gamin salua l'invitée avec une petite révérence, puis il fit un pas sur le côté pour la laisser entrer comme une dame. C'était ainsi qu'on les traitait dans les holofilms.

Finalement, elle s’était décidée à y mettre les pieds, conduite par un mélange de mépris et de curiosité. Le Temple Jedi de Coruscant, il fallait l’admettre, avait quelque chose de majestueux. De grandes tours s’élevaient dans le ciel, et en-dessous de jardin qui faisaient contraste dans cet environnement de pollution et de plastacier, il semblait s’enfoncer dans les profondeurs de la planète jusqu’à prendre racine dans les bas-fonds. Qu’y avait-il là-dessous ? Tess réprima sa curiosité. Il était bien trop tôt pour espérer pouvoir s’enfoncer là-dedans. Elle ne savait même pas si on lui permettrait d’entrer.

Son affiliation à une délégation sénatoriale et les relations nouvelles de Lana avec l’Ordre Jedi lui donnait toutefois bon espoir. Elle avait revêtu une tenue simple, pratique et sans cérémonie. Pour une fois qu’elle pouvait se rendre quelque part sans avoir à porter les tenues élégantes que lui imposaient sa maîtresse ! Toutefois, elle avait pour ce jour peu commun laissé tomber son style gothique pour celui d’une étudiante lambda. Seule son allure hautaine pouvait rappeler qu’elle était issue d’une délégation sénatoriale, tout de même. Elle avait aussi pris son datapad, pour prendre des notes, qu’elle avait glissé dans une sacoche avec quelques provisions. Pas de sabre laser. Elle n’était pas sensée maîtriser la Force. Et si on lui posait des questions ?
En se tenant à l’entrée des jolis jardins, elle fut prise d’une angoisse et faillit tourner les talons pour s’enfuir. Mais non, voyons. Tu n’as pas méprisé les Jedi toute ta vie pour en avoir peur, idiote. A grands renforts de sang-froid et de pensées fortifiantes, elle s’astreignit à rester plantée là. L’angoisse se dissipa, la raison reprenant le pas : si on lui posait des questions, elle dirait la vérité : oui, elle était sensible à la Force et on lui avait appris quelques petites choses. Mais ça s’arrêtait là, et elle n’était pas armée. Elle n’avait rien à craindre. Les Jedi n’étaient pas du genre agressif, n’est-ce pas ?

Tess prit une grande inspiration avant de s’enfoncer d’un pas résolu sous une arche élégante qui marquait le début de la propriété du Temple. Deux chevaliers, un humanoïde à la peau blanche comme du lait de bantha et une Togruta plus haute que lui, la regardèrent singulièrement. Ils ne l’arrêtèrent pas pour autant. Plusieurs mètres plus loin, toutefois, Tess se sentait toujours épiée.

La surprise de trouver à l’entrée des portes de l’édifice un… alien dont la race lui était inconnue, au visage juvénile, la détourna de ses inquiétudes. Elle s’arrêta en bas des trois marches, interdites, écoutant le message de bienvenue du padawan. C’était donc ça, être élève au Temple Jedi ? Essayer d’être bien élevé ? Un sourire narquois se dessina sur les lèvres de Tess. Elle ne savait pas si elle devait se sentir flattée que l’on eût préparé un accueil pour elle ou vexée que ce ne fût qu’un gamin à sabots. Comme à son habitude, donc, elle se drapa de sa condescendance cynique.

- Merci, répondit-elle en souriant toujours, mais elle mettait dans cette politesse un brin de froideur. On dit Ghornwell.

Ce n’était pourtant pas compliqué, comme nom de famille. Elle haussa les épaules et passa devant lui pour pénétrer dans le hall la première, sans se soucier de lui demander son nom. Elle inspecta le décor. Des hauts plafonds, des tentures épaisses et lourdes. Ringard, la Tour de Kuat est tellement plus moderne… Il y avait aussi des statues, desquelles elle n’arrivait qu’aux genoux, pour la plupart. Elle dût s’avouer intimidée par leur prestance, et détourna le regard. Puis elle sortit son datapad afin de le consulter. Elle avait préparé ses questions et était prête à prendre des notes avec son stylet.

- Bien, bien. J’ai lu un certain nombre de choses, sur l’holonet, je voudrais vérifier leur véracité, fit-elle sans même se retourner vers le chironian. Est-il vrai que la plupart des activités majeures de l’Ordre se déroulent au Temple d’Ondéron ?

Sa voix se répercutait délicieusement dans le hall lumineux. Il n’y avait pas grand monde. Apparemment, c’était donc vrai.

- On disait il y a peu de temps que Maître Berryl était en charge des lieux. Est-ce toujours le cas ? Recevez-vous souvent la visite de sénateurs ou d’autres personnalités politiques ? Est-il vrai aussi que les padawans ne sont pas formés ici ?

Elle parut soudain se rendre compte du paradoxe qu’elle évoquait.

- Et dans ce cas, que faites-vous là ?

Car il ne pouvait être autre chose que padawan. A moins qu’il ne fût un petit esclave. Après tout, les Jedi, paraissaient-ils, se permettaient des choses sur lequel la République fermait souvent les yeux. Les membres du parti pro-Kira laissaient souvent entendre ce genre de choses à propos de l’Ordre, et Tess laissait traîner ses oreilles auprès d’eux bien plus souvent que ce qu’ils n’en avaient conscience.

Intimidé par sa propre erreur, l'air condescendant de son invitée et l'avalanche de questions "complexes", le gosse resta un moment perplexe, puis il reprit son rôle le plus professionnellement possible. Les Jedis comptaient sur lui pour bien recevoir cette grande personne étrangère à leur monde. Bien sûr, pas question de la recruter, ni de la recevoir avec un luxe paradoxal à ce que prônaient les siens, mais Samaël devait se montrer aussi raffiné qu'elle. Autant dire que ça n'allait pas être si facile, vu son caractère, de se montrer pondéré... D'autant plus qu'il prononçait mal ce mot... Pondéré.

- Souvent ? Euh, ça dépend des besoins. Je veux dire, soit dans des cas comme votre visite qui nous fait plaisir... Ou pour des conseils ou des affaires... De harcèlement, de menaces, bref, des soucis judiciaires. Mais surtout nous apprécions recevoir des gens ouverts qui s'intéressent à notre mode de vie.

Fit le jeune Jedi qui avait concocté une réponse brève quoique plus précise qu'on ne pourrait le croire. Malgré eux, les Membres de l'Ordre étaient unis à la politique, ils essayaient de s' en détacher, demeurant neutres devant les grands politiciens, leurs beaux discours et leurs partis, mais ils étaient indiscutablement forcés de traiter avec ces sénateurs. À Coruscant en plus ? Ce Temple, moins formatif que l'autre n'aurait probablement jamais été crée sans toutes ces rencontres. Ce n'était pas une histoire de bons contacts, sinon de simple logique. Pour l'instant, le Temple de la grande Ville était plus un lieu de rendez-vous sécurisé et d'affaires que d'apprentissage.

- Des fois, il y a des grandes convocations... Euh conventions auxquelles les Maîtres pensent que nous devons assister car elles sont très instructives, alors on dort ici puis on va aux conférences de jour. Il y a aussi des Padawans en mission qui restent là quelques jours avec leurs maîtres.

À vrai dire, Sammy savait surtout que certains Jedis avaient un plus grand intérêt, de par leur filière, à demeurer ici, les Consullaire notamment. Pour ces négociateurs, il était bien plus pratique de dormir aux "pieds" du tribunal ou du Sénat que sur Ondéron, éloignée du monde des lois Intergalactiques. L'apprenti Jedi observa un instant l'humaine aux cheveux courts d'en-dessous, il la trouvait quand même intimidante avec son stylet, que pouvait-elle bien écrire ?

Heureusement toutefois, le Chironian était à mille lieux d'imaginer les pensées de son invitée à son égard. Sans le vouloir, il lui avait simplement confirmé être un Padawan entre ces murs. Sa timidité encore enfantine et sa maladresse toute personnelle le rendaient parfois peu crédible dans ce rôle mais il aurait peu d'intérêt à mentir.

- Est-ce que vous voulez voir un endroit en particulier, en premier, Mademoiselle Ghornwell.

Ah ah ! Il l'avait bien remâché dans sa tête ce nom de famille traître... Fier de lui, le Padawan retrouva de sa superbe et passa devant la jeune femme pour la devancer et jouer proprement son rôle de guide. D'après ses propos, Tess semblait intéressée par les "choses" que l'on pouvait lire, or la bibliothèque, bien que pas aussi remplie que celle d'Ondéron recelait de trésors de véracité, des faits historiques, le récit beaucoup plus récent de la construction du Temple d'Ondéron et toutes ces archives que Tess aurait le droit en tant que civile de voir.

- la bibliothèque pourrait être intéressante pour commencer.

Suggéra-t-il, le plus professionnellement du monde et surtout aussi pondéré possible même si son sabot gratouillant discrètement le sol de temps à autre à l'arrêt le trahissaient. Il voulait tellement bien faire.

Les explications du padawan à sabots étaient relativement simplistes, mais elles avaient le mérite de résumer ce que Tess voulait savoir : à quel point l’activité de ce Temple était-elle intense. Visiblement, ça ne paraissait qu’être une antenne de l’Ordre Jedi, où on recevait quelques personnalités ou comme un guichet pour traiter des affaires locales. Ainsi qu’un dortoir pour les Jedi de passage. Relativement ennuyeux donc. Tess était un peu déçue. Mais cette idée de conventions avec des conférences était un petit quelque chose à se mettre sous la dent.

- Des conférences ? Sur quels sujets ? Elles sont ouvertes au public ?

Dès qu’il s’agissait de connaissances à acquérir, de toute façon, Tess était séduite. Elle était déjà prête à prendre sa carte d’adhérente au Temple. Cette idée la fit sourire. Elle, une ancienne Sith, aller assister à des conférences dans un Temple Jedi ? L’avenir était vraiment fait de n’importe quoi !
En tout cas le gamin avait répondu à ses questions : c’était bien un padawan et il devait être là temporairement. Vu qu’ils n’avaient pas l’air très nombreux en ces murs, il devait s’ennuyer quelque peu. Tess classa l’information dans un coin de sa tête, pour plus tard.

Alors qu’elle déambulait rêveusement dans ce grand hall lumineux et apaisant, elle tourna brusquement les talons pour faire face au padawan.

- Woaw, tu lis dans mes pensées, j’adorerais voir la bibliothèque !

Et pour une fois, elle n’avait pas à se forcer. Elle avait secrètement rêvé de voir à quoi pouvait ressembler les archives d’un Temple Jedi. Bien sûr, c’était illusoire de pouvoir en explorer davantage que les parties les plus ouvertes, les moins sensibles, mais ne serait-ce que mettre les pieds en de tels lieux était l’un de ses rêves de gamine.

Ils s’engagèrent tous deux dans un couloir adjacent, le padawan s’engageant devant et Tess lui emboîtant le pas. Elle allongea ses foulées pour pouvoir suivre le déplacement relativement rapide du gamin (quand on avait quatre jambes, on avalait plus facilement la distance !). Quelques minutes, escaliers et nouveaux couloirs plus tard, ils débouchèrent sur la fameuse bibliothèque. En entrant, Tess en resta bouche bée.


Une longue allée centrale se déroulait devant eux, bordée de rayonnages lumineux en raison de toutes les archives dématérialisées qu’ils contenaient. Probablement les livres n’étaient-ils pas en libre accès ? Les étudiants qui, silencieux, se promenaient là, utilisaient des bornes d’ordinateurs, probablement pour retrouver l’archive qui les intéressait. Tess serra contre elle son datapad, intimidée par une telle pièce chargée de connaissances. Cependant, personne ne faisait attention aux nouveaux arrivants : chacun était plongé dans le silence et la concentration de ses études. Tess avança d’un pas timide, craignant de faire le moindre bruit. Ses yeux brillaient de satisfaction. Au bout de quelques minutes, elle remarqua qu’il n’y avait pas que des bures dans les rayonnages. Elle se pencha vers le padawan.

- Est-ce que les non-Jedi ont le droit de consulter les archives ? demanda-t-elle dans un chuchotement.

Probablement fallait-il une autorisation. Mais ça ne mangeait pas de pain de demander. Si c’était ouvert au public, elle était prête à revenir avec un sac de couchage pour y camper le plus longtemps possible. Le temps de lire tous les ouvrages contenus dans ces archives.
Elle sembla soudain se rendre compte d’à qui elle parlait.

- Toi, tu as accès à tout ça ? fit-elle, surprise, et une pointe d'admiration dans la voix. Et… Tu as lu tout ça ? Les apprentis Jedi doivent-ils tout lire et tout connaître ce savoir sur le bout de doigts ?

Voilà qu’elle avait peut-être sous-estimé son interlocuteur : certes il avait une drôle d’apparence et des problèmes d’énonciation, mais quand elle avait elle-même 13 ans, elle avait lu moins d’une dizaine de livres en tout et pour tout. Un retard qu’elle n’arriverait certainement jamais à combler. Mais lui, il devait avoir accès à tout cela depuis tout petit…

Un immense sourire ourla les lèvres du Chironian. Lui qui s'était sentit honteux quelques minutes avant rayonnait désormais de joie. Il était doublement heureux de la réaction de Tess. Non seulement ils avaient un point commun, mais en plus elle aimait, comme lui, les livres. Les yeux brillants le petit garçon bomba la poitrine. Les Jedis étaient sensés éviter soigneusement l'orgueil, mais un brin de contentement ne faisait pas de mal, surtout en ce qui concernait Samaël qui manquait cruellement de confiance en lui. Heureusement quand on parlait de livres, on adoptait son langage.

Déjà amoureux des histoires que les Anciens racontaient dans son village, le gamin avait rapidement appris à lire, motivé par la promesse de retrouver ses chers contes dans les bouquins peuplant le Temple. Évidemment il y avait peu de romans, mais ces derniers avaient été l'appât qui l'avaient mené vers les livres d'Histoire. D'abord des simples, écourtés spécialement pour les jeunes, puis des plus gros, qui avaient satisfaits son désir de détails. C'était probablement les seuls moments où le pétillant Padawan se tenait tranquille et... Silencieux. Il n'était pas pour autant devenu un génie, mais sa détermination avait payé. Malgré des erreurs grammaires encore prononcées, il commençait à acquérir un bon bagage culturel.

- Oh non je n'ai pas tout lu bien sûr mais j'adore ça ! Surtout les livres d'Histoire. Ceux de philosophie aussi mais ça ce n'est pas facile à comprendre. Moi j'ai accès à toute cette partie.

D'un geste de la main le Padawan engloba une grande section, il était restreint mais vu la taille de la bibliothèque, il avait de quoi faire.

- Et puis pour les devoirs, ça aide aussi en plus. Alors j'essaye de lire tous les jours un peu mais des fois, pas simples, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Vous vous en avez avec votre travail ? D'ailleurs vous faites quoi ?

Osa-t-il demander après avoir pesé le pour et le contre. Songeant toutefois que l'ambiance s'était enfin détendue, le Chironian avait laissé resurgir sa curiosité naturelle, sans oublier toutefois son rôle de guide, du coup il s'empressa de répondre aux précédentes curieuse de la femme qui notait décidément beaucoup de choses dans son calepin.

- Les conférences sont vraiment diverses. Il y a de la philosophie, du droit et parfois de la politique. Elles sont souvent données par des Jedis mais certains professeurs de l'Université ou des scientifiques sont invités. Selon le thème, les non-Jedis ont le droit d'y aller ou non, et aussi l'endroit. Certaines font partie de notre formation aussi.

L'Ordre n'était pas une secte-même si Samaël ignorait ce terme- ils étaient ouverts sur l'extérieur bien qu'il y ait des limites. Il fallait faire attention aux dossiers confidentiels gardés dans les bureaux, mais aussi aux connaissances dispersées dans la bibliothèque vu que la demoiselle en parlait.

- Les archives publiques oui, mais il y en a des plus secrètes. D'ailleurs il faut être chevalier pour en lire certaines, surtout celles sur les Siths... Les trucs obscurs pour ne pas être tentés,
même si moi je ne vois pas comment on peut être tenté. Faire le mal c'est... Enfin ça ne doit pas être agréable. Je n'imagine pas faire pleurer quelqu'un moi.

Les grands yeux innocents du Chironian se posèrent sur la silhouette délicate de la jolie femme.
Il était persuadé de ne pas vouloir la puissance, surtout si le chemin à emprunter était celui de la méchanceté. Kolin l'avait déjà traité de naïf, et même de guimauve mais tant pis, c'était sa façon d'être.

- Au fait, si vous voulez un temps pour regarder des livres, vous pouvez hein.

Fit le centaure en souriant, s'apprêtant, vu l'enthousiasme de l'invitée à l'attendre en lisant un livre ou en préparant son prochain exposé par anticipation. Certains de ses camarades trouvaient cela ridicule de "travailler comme une mule" mais même s'il n'était pas le meilleur de sa classe, Sammy tenait à s'améliorer. S'il avait adoré sa vie auprès de ses parents, découvrir le monde des études avait comblé son immense curiosité et son avidité de savoir.
En fait, c'était probablement sa propre quête de pouvoir.

Treize ans et déjà un bagage en histoire et en philo ! La pointe d’admiration qu'elle ressentit dérangea Tess dans son orgueil. Elle n’était pas censée admirer les Jedi mais les mépriser ! Le chironian aurait pu faire un effort et être bête comme ses pieds, cela lui aurait facilité la tâche. En réalité, ce qui la gênait profondément, c’était bien sûr son manque de connaissances personnelles sur ces sujets. Lorsqu’elle vivait sur Korriban, les livres de philosophie et d’histoire étaient étrangement… sélectionnés. Surtout en ce qui concernait l’histoire récente, tout semblait être choisi pour que les apprentis n’aient accès qu’à une seule version du monde, celle où la galaxie était corrompue et les plus méritants méprisés, et Darth Ynnitach venait les sauver toutes et tous pour leur donner la chance qu’ils mériteraient peut-être s’ils faisaient leurs preuves. Bon, elle caricaturait un peu, mais c’était un peu cela. Ensuite, sur Kuat et sur Coruscant, Tess avait eu plus facilement accès à des sources variées de savoir et surtout moins orientées, mais c’était le temps qui lui avait manqué. Etre au service d’une Sénatrice comme Anthana était loin d’être tout repos ! Là-dessus au moins, elle pouvait être parfaitement honnête avec le chironian. Elle haussa les épaules avec une petite moue.

- Moi aussi, j’adorerais pouvoir me plonger dans un bouquin un petit peu chaque jour ! Mais non, je n’ai pas vraiment le temps de lire ce qui me plaît. Je dois lire beaucoup de choses, mais sur des sujets imposés, pour faire des rapports précis. Des fois, c’est passionnant, mais des fois…

Elle leva les yeux au ciel avec un brin de complicité. Il comprendrait ce qu’elle voulait dire même si elle ne terminait pas sa phrase.

- Je suis un genre de stagiaire pour la délégation sénatoriale de Kuat. Quand la sénatrice ou un de ses conseillers a besoin d’information sur un sujet précis, par rapport aux décisions qui doivent être prises aux argumentaires qui devront être faits dans la Rotonde, on me demande de faire des recherches sur un sujet précis. Alors je fais ça, puis j’écris un rapport et je leur envoie.

Elle bomba fièrement le torse.

- Un jour, je suis sûre que je serai conseillère moi-même.

En quelques sortes, Tess s’estimait déjà être la meilleure conseillère de Lana. Elle savait tous les petits potins de son entourage. Elle soupira d’aise, car il était agréable de parler de soi en termes si flatteurs, puis elle se reconcentra sur son datapad où elle nota quelques éléments. Pas grand-chose, en réalité, car peu de ce que le gamin lui disait, surtout sur le bon et le mauvais côté, ne lui était vraiment utile. Mais à son âge, pouvait-on avoir autre chose qu’une vision manichéenne du monde ? Tess ne releva pas le sujet, désireuse de rester dans les aspects techniques. A ce titre, cette proposition l’intéressait au plus haut point.

- J’aimerais beaucoup en consulter quelques-uns, oui ! Mais il va falloir que tu m’aides, je connais rien au système de référencement d’ici.

Tess réussit à décrocher ses yeux obnubilés par les rayonnages pour regarder le jeune chironian. Il avait une bouille innocente. Un peu plus et elle l’aurait trouvé mignon.

- Ton prénom, c’est Samaël, c’est ça ? Je peux t’appeler Sam ? demanda-t-elle sur le ton de celle qui ne s’attend pas à un refus.

Elle ne lui laissa pas beaucoup de temps pour répondre, s’approchant de lui après avoir jeté un coup d’œil alentour.

- Normalement, on me demande de ne pas dévoiler le sujet de mes rapports à toute personne en dehors de la délégation, mais tu m’as l’air digne de confiance. Tu sais garder un secret, n’est-ce pas ? demanda-t-elle à voix basse. Bon, je dois travailler sur un rapport décrivant les relations entre l’Ordre Jedi et le Sénat dans l’ancien temps. C’est-à-dire, comment à l’origine ils se percevaient l’un par rapport à l’autre. Trouver des anecdotes, des histoires, pour voir si ça a beaucoup changé par rapport à aujourd’hui.

Cela permettrait de donner à Lana quelques éléments pour montrer si oui ou non, le gouvernement Kira avait mal géré son rapport aux Jedi ces dernières années. Il n’y avait pas énormément de chances de trouver des trucs croustillants, mais quelques actes fondateurs, qui pourraient être pris comme jurisprudence et qui dateraient de bien avant l’époque Arnor et l’avènement de l’Empire Sith.

- Tu crois que tu pourrais m’aider à trouver des documents sur des crises qu’ils auraient eu à gérer ensemble, par exemple ? Ça ne doit pas être des éléments classifiés, ce genre de trucs, reprit-elle cette fois à voix haute et s'intéressant de nouveau aux rayonnages.

De toute façon, elle doutait qu’on les écoutât. Il n’y avait pas grand monde dans la pièce, mais suffisamment tout de même pour qu’on ne s’inquiétât pas de leur présence.

- Et vous n'avez jamais pensé à changer de travail?

Osa le gamin, adoptant toutefois une petite voix dont la tonalité diminuait au fur et à mesure de sa phrase. On lui avait bien expliqué que les choses n'étaient pas aussi simples que lui semblait le croire. Cependant, comment résister à l'envie d'encourager une passionnée à se poser la question pour enfin lire ce qu'elle aimait. On pouvait traiter Samaël d'insouciant mais quelque part, il n'avait pas tort, la vie était trop courte pour perdre son temps. Lui avait trouvé sa voie, il en était sûr, restait à savoir si sa voie voudrait de lui mais Tess avait l'air de chercher encore. À moins que... Le centaure eut un doute en la voyant bomber fièrement le torse. Au vue de son attitude, il se dit que le manque de temps pour lire était plutôt un sacrifice acceptable que la jeune femme supportait avant de grimper les échelons. Joyeux, animé par les aveux de cette dernière, Sammy frappa du sabot par terre.

- Sans aucun doute !

Oh il ne la connaissait pas, mais la voir ouverte, motivée et attirée par la lecture rendaient Tess douée à ses yeux. C'était un fait, le centaure s'attachait rapidement aux gens, et si son interlocutrice l'avait d'abord mis mal à l'aise, Sammy était d'autant plus content de voir une certaine complicité s'installer entre eux. D'ailleurs, Tess fit valoir ce nouveau lien en lui annonçant un secret. Hochant vivement la tête, le Padawan fit à son tour ressortir son poitrail, protecteur de la confidence à venir.

- On va aller voir dans les archives, parce que ça, ça doit être très anciens. Je me souviens que dans mes cours, les professeurs disent qu'au tout début les Jedis étaient politisés et associés au Sénat. Ensuite ils ont essayé de se dissociés et cela a crée pas mal de soucis, des histoires de compétition quoi... Le Sénat a essayé de briser la confiance des citoyens envers l'Ordre, tandis que certains membres vribrulants... Virtulants... Virulents, oui c'est ça, virulents du Temple donc, critiquaient ouvertement la corruption du Sénat. Mais ce n'était pas bien vu des autres, plus sages bien sûr. Après, ici on a eu l'histoire des Inspecteurs... Je ne me rappelle plus j'étais trop jeune et je ne sais pas si c'est directement lié au Sénat ou uniquement à une certaine instance de la République mais pendant l'absence de Maître Saï Don, le chef du Conseil, des gens venaient ici pour surveiller le Temple. C'était bizarre, certains étaient très désagréables, ils traitaient les Jedis de criminels, comme ça gratuitement, d'autres étaient gentils même s'ils prenaient toujours des notes... Il y en avait un qui maîtrisait la Force aussi. À ce moment-là, Maître Don était accusé de choses horribles. Moi j'y ai jamais cru, il est tellement gentil... Et la preuve que tout le monde a fini par le penser parce qu'il est revenu.

Acheva-t-il sur le mème ton de confidence, plus pour intensifier son histoire que par crainte d'être puni. Après tout cette époque noire et somme toute très récente encore n'était un secret pour personne. À cette époque, Samaël était arrivé depuis peu de temps, il avait saisi plus tard les enjeux partiels de l'intervention des inquisiteurs. À cette époque, le gamin était effrayé par ces inconnus qui les poursuivaient jusque dans les classes pour les tous-petits, dérangeant les professeurs et interrompant les élèves. Le Chironian se rappelait du sentiment de tristesse intense qui se dégageait du Padawan de Saï qui errait dans les couloirs, de cette amertume qui l'avait aussi gagné, à l'instar des autres Jedis... Petit à petit, comme une maladie désespérante qui s'empare de prisonniers innocents, condamnés à regarder s'épaissir les barreaux posés sur les fenêtres de leur propre maison. Sans rien saisir, il avait reçu l'ambiance de plein fouet, partageant avec ses camarades le désagréable, tantôt agité, tantôt trop calme de la Force. Cette dernière ne cessait jamais de murmurer à ce moment-là, utilisé et réutilisée par les Jedis qui ne pouvaient plus que se réfugier en elle, sachant qu'au moins un inquisiteur la maîtrisait. Le gosse avait regretté sur le coup d'être parti de sa planète. Heureusement les choses s'étaient ensuite arrangées.

Se disant, le centaure, persuadé de ne pas trahir les siens se dirigea vers les archives, une section qu'il connaissait mal. Les documents étaient innombrables quoique bien rangées. Le gosse cacha la démotivation qui naissait. Pour recouper de microscopiques informations,
des missions notoires ou des détails, ils allaient devoir travailler des heures. Par chance,
le caractère optimiste de Sammy revint au galop, il était content de rendre service à sa nouvelle "copine" et espérait avoir déjà bien éclairé son chemin. À deux, un travail même ennuyeux pouvait prendre une tournure intéressante.

- On commence par les origines de la création des deux institutions ?

Demanda-t-il en se glissant, non sans orgueil affublé d'une touche de réalisme, dans la peau d'un stagiaire de stagiaire... Ce n'était pas rien d'être l'assistant de la future conseillère quand même.

La remarque naïve du chironian la fit sourire.

- Oh, non non. Je ne changerais de travail pour rien au monde, dit-elle tandis que son sourire s’agrandissait, mystérieux.

Une fille clandestine d’ouvrière de Lorrd devenue orpheline à six ans, se retrouver dans une délégation sénatoriale ? C’était une chance inouïe. Hors de question d’abandonner une aubaine pareille. Et il y avait tellement plus dans cette proximité avec Lana : ce qu’elle apprenait, les ressources qu’elle avait à sa disposition pour découvrir par elle-même… C’était un terrain de jeu certes épuisant, mais fascinant.
Elle n’en expliqua pas davantage. Ce qu’elle vivait était personnel et elle n’était pas prête à la partager. Surtout à un Jedi. Mesure de sécurité obligeait : Tess avait ses propres règles rigides auxquelles elle se soumettait. C’était en partie ce qui faisait son efficacité.

Plutôt, elle rit de bon cœur à la réaction positive du chironian qui la surprit en claquant du sabot. Il devait être un sacré boute-en-train, derrière ses apparences de sage petit padawan. Il s’était d’ailleurs lancé dans l’exposé de ses connaissances sur la question. Assez approximatives, mais déjà de meilleure main que ce qu’elle avait pu récolter elle-même : les articles des holonews étaient souvent politisés et pas très neutres, il lui manquait le côté factuel. Les Jedi s’étaient peut-être davantage attachés à écrire l’histoire de façon plus scientifique ; en tout cas il fallait l’espérer. C’était soit ici, soit dans une université qu’elle trouverait ce qu’elle cherchait.

- Ah oui, j’en ai entendu parler…

C’était vrai que l’histoire récente des Jedi était chargée de remous que tout le monde avait encore en tête ; plus encore les sénateurs de la République qui n’avaient pas perdu une miette des difficultés de coopération entre l’Ordre et la République. D’aucuns disait qu’avant tout cela, pourtant, l’entente était cordiale et stable… Mais tout cela s’était produit bien avant l’arrivée des Sith. En tant de paix, les Jedi n’avaient récemment pas eu de difficultés. C’était depuis que la galaxie avait connu des troubles qu’il en était de même pour les relations Jedi-Sénat.

- Ok Sam, je te suis !

Et ils s’engagèrent tous deux, le pas guilleret, dans les allées chargées de livres et de petites cartes remplies de données. Tess bavait d’envie d’ouvrir sa sacoche et de glisser tout ce qui lui passait sous le nez dedans. Mais d’une part ça ne rentrerait pas, d’autre part il était certainement interdit d’emprunter. Tant pis, elle élirait domicile dans cette bibliothèque pour quelques jours et voilà tout. Sam lui tiendrait peut-être un peu compagnie s’il s’ennuyait de son côté.

- Ça marche. Tu t’occupes de la naissance de l’Ordre, et je m’occupe de la naissance de la République ? C’est sur ce genre de terminal qu’on peut faire des recherches sur les ouvrages par thème ?

Elle désignait un moniteur à l’écran tactile. Il s’en trouvait un de ce genre à chaque début de rayonnage, et Tess supposa à raison que l’on pouvait y trouver référencés tous les livres et les cartes de données classés par thème, par auteur, par date, et ainsi de suite. La jeune lorrdienne découvrit rapidement comment s’en servir, et releva quelques références qu’elle n’eut plus qu’à aller recueillir dans les allées. Au fil de sa marche, elle empila dans ses bras deux livres et quatre cartes de données qu’il lui faudrait insérer dans une table de lecture. Il se trouvait de ces dernières un peu partout dans la salle : des tables individuelles ou des plus grandes tables rondes, toutes dotées de petites lampes pour mieux y voir. Tess fila droit vers une table ronde dotée de quatre sièges et elle y déposa ses choix et s’attabla. En attendant que Sam la rejoignît, elle commença à feuilleter l’un des livres ; le plus ancien. Il s’agissait d’un manuel d’histoire pour padawan de niveau avancé ; probablement un outil qui avait beaucoup servi à de futurs Jedi consulaires au vu des pages jaunies et de la couverture usée. La Lorrdienne se plongea dans l’ouvrage avec une aisance toute naturelle : elle adorait lire.

Une bonne demi-heure plus tard, Samaël l’avait rejointe et elle fermait son livre dont elle n’avait relevé que quelques éléments et sauté pas mal de pages. Elle consulta l’heure sur son datapad : elle avait encore toute l’après-midi devant elle, c’était parfait. Mais le pauvre Sam devlait peut-être trouver le temps long, le pauvre. Faire de longues recherches n’était peut-être pas trop de son âge. Elle mit une main devant sa bouche pour bailler avant de parler.

- Bon… Moi j’ai une République créée il y a 21 500 ans pendant les guerres d’unification. A l’époque Coruscant a dominé tout le monde grâce à sa technologie de l’hyperdrive, créée par les humains et les duros… Du coup, c’est devenu la capitale de ce nouveau gouvernement défini par la première version de la Constitution Galactique… De là ont été construites les premières voies hyperspatiales et donc, à partir du Noyau, la République n’a cessé de s’étendre depuis. Mais je ne sais pas pourquoi, je n’arrive pas à trouver le nom du tout premier Chancelier… Tu crois qu’on l’a perdu, toi ? Un truc aussi important, ça a dû être écrit quand même…

Peut-être le manuel qu’elle avait consulté n’était-il tout simplement pas assez détaillé ; elle le saurait bien assez tôt. D’ailleurs, elle s’empara du second ouvrage, un énorme pavé sobrement intitulé L’histoire ancienne de la République Galactique : du groupement neutre d’intérêts à l’organisme économique collectif. Ou comment les êtres conscients sont devenus interdépendants ; une reconstruction historico-économique de nos institutions.

- Tu t’en sors, de ton côté ?

- Je vous comprends. Des fois c'est dur d'être Jedi, mais je veux vraiment en être un... Faut voir si on me laisse être Chevalier un jour.

Lança Sammy rêveur, la bave aux lèvres ou presque. Immobile pendant un petit moment, le Padawan secoua la tête pour se réveiller de sa projection future, ou plus précisément de son calcul de ses chances potentielles. Il lui semblait avoir toujours désiré accéder au rang de chevalier, lui qui n'avait jamais entendu parler des Jedis jusqu'à ce que l'un d'eux s´écrase sur sa planète. Sa voie s'était-elle déclarée à lui ou lui l'avait-on fait rentrer dans la tête? Les mauvaises langues disaient que l'Ordre avait le don de faire germer cette intention de le servir dans le futur, tout comme celui de rejeter les jeunes trop faibles. Subtilement, certes, mais un rejet tout de même. Sammy lui était loin de ces questionnements philosophiques, aimant profondément les maîtres et ses comparses, oui, même les plus grognons d'entre eux. C'était un naïf, un pur, un vrai ingénu qui s'attendrissait devant un sourire et pardonnait aux insultes, ou presque. Personne cela dit, ne saurait prédire si l'apprenti conserverait cette capacité ou défaut, adulte.

- Oui c'est là qu'il faut chercher.

Signala Sammy qui se retint d'expliquer comment entrer les termes de la recherche. Avec son travail, Tess devait savoir manier ces machines, mieux que lui qui les craignait presque par ailleurs. Les plantes, oui, mais ces trucs à circuits avaient plutôt tendance à rendre le Padawan nerveux. Les photocopieuses étaient les pires par ailleurs, car il n'y a guère plus vicieux que ces bêtes-là, sévères et froides, ces dernières narguaient d'ailleurs présentement le gamin qui détourna prudemment le regard.

Investiguant les archives, le Chironian fouina dans le tiroir patiemment, il préférait regarder les dossiers un à un plutôt que d'utiliser un ordinateur, c'était long mais le Padawan était patient et minutieux quand on lui confiait quelque chose.

- Euh.

Perdu dans ses recherches, Samaël était en fait tellement concentré qu'il en avait oublié Tess. Surpris, il fit tomber les archives qui envahissaient ses bras menus.

- Oui, attend!

D'un côté l'apprenti posa la feuille sur laquelle il avait prit des notes de son écriture ronde et un peu penchée, de l'autre un vieux dossier froissé qui prouvait son succès auprès des étudiants,
même enterré dans le classeur, il était assez recherché. Normal cela dit vu l'endroit où il se trouvait.

- Voilà! De base donc, l'Ordre fut crée par un groupe de protecteurs qui avaient comme point commun d'être sensibles à la Force. La date de fondation de l'Ordre Jedi reste floue... Mais apparemment cela se fit à peu près en même temps que la signature de la constitution Galactique. D'abord ils se réunirent sur Typhon mais certains choisirent d'utiliser la Force pour le mal. Du coup ils prirent le contrôle de la planète, gagnant la Guerre de la Force. Ceux qui avaient choisi le côté lumineux s'enfuirent et décidèrent de construire la première école de philosophie Jedi sur Ossus.
Voilà les origines de l'Ordre Jedi et par extrapopolation, extrapopulation... Extrapolation pardon,
celles de l'Ordre Sith.

Seulement l'archive n'en disait guère plus. Sans doute faudrait-il fouiner pour connaître la suite,
les prochaines guerres, les schismes auxquelles Samaël ne comprenait pas grand chose. Cela dit,
il ne fallait pas compter sur trouver un ancien document témoignant à l'avantage des Siths car les Maîtres ne voulaient pas prendre le risque de tenter leurs apprentis. Le centaure lui s'en fichait,
avait mieux sous le sabot.

- Vous avez entendu parler d'eux? Les Siths j'veux dire... Moi j'en ai vu... Et même qu'on a combattu. Bon, j'ai eu la chance que mon maître du moment était là et aussi que le vaisseau se casse la figure.

Fit-il mystérieux tout en conservant son juste rôle. Pas question de mentir y compris pour se grandir aux yeux de Tess dont la vie paraissait passionnante. Déjà, Sammy s'attachait à elle.
Il souhaitait savoir comment se passait ses journées, les imaginant sous la forme d'un de ces rares holofilms qu'il avait vu. Elle était une aventurière plus qu'une gratte-papier à ses yeux. Une vraie journaliste-Jedi. Ça lui arrivait souvent à Sammy, d'idéaliser les travaux théoriques, de se plonger dans un parchemin ennuyeux pour lui inventer une histoire, dessiner les personnages historiques dans sa tête, de transformer un boulot de grattage de plume en combat d'épée. Parfois c'était un comportement fatiguant, mais il avait grandi avec la tradition des contes au bord des lèvres,
sans compter que cela lui permettait de se donner du courage lorsque le soir il travaillait plus que les autres afin de rattraper son retard. Heureusement, désormais, l'apprenti parvenait à égaler les autres malgré quelques soucis de basic encore évidents.

Les yeux grands ouverts, le gamin attendait fermement la réponse, ne sachant si espérer que oui,
Tess ait vu des Siths ou que non, elle n'ait pas eu l'occasion de rencontrer ces êtres aussi effrayants que fascinants.

Le petit chironian avait bien travaillé, c’était le moins qu’on puisse dire. Pour un gosse de son âge, Tess trouvait qu’il avait des capacités de concentration exceptionnelle au regard de l’énergie à dépenser qu’il avait démontré un peu plus tôt. Est-ce que tous les padawans étaient comme ça ? s’interrogea-t-elle. C’était peut-être cela qui faisait leur grande efficacité, cette capacité de concentration… La lorrdienne fronça les sourcils malgré elle. Elle ne vouait aucune haine envers les Jedi, mais les avait toujours un peu méprisés pour ce qu’ils représentaient : une caste de sensibles à la Force supérieure… Qui tuaient ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux, comme ceux issus de Korriban. Comme elle. Si Samaël avait su d’où elle venait en réalité, il ne faisait nul doute qu’il aurait cavalé (littéralement) pour la dénoncer à ses supérieurs. Qui l’auraient arrêté. L’auraient torturé pour la faire parler et dénoncer Lana. Oh, elle ne trouvait pas les Sith mieux que les Jedi. Mais les Sith au moins ne mentaient pas à la face du monde sur leur vraie nature.
Toujours était-il que reconnaître la supériorité des Jedi dans un domaine sans comprendre comment ils s’y prenaient était frustrant. A l’âge de Samaël, Tess était aussi capable de se fondre pendant des heures dans des bouquins, mais c’était plus par nécessité et par instinct de survie que pour aider un inconnu qui vous le demandait. Samaël était-il particulièrement maître de lui-même pour faire cela, ou bien son cerveau avait-il tellement été lavé qu’il obéissait à cette injonction de soumission comme un automate ?

La Lorrdienne prit une grande inspiration et referma d’un claquement sec l’énorme volume qu’elle tenait entre ses mains. Elle pourrait lire cela plus tard. Il fallait profiter de l’occasion qu’elle avait sous les yeux : à savoir étudier un Jedi dans son environnement « naturel », un Temple. Lire, elle pourrait bien le faire seule plus tard ! Mais comprendre comment pensaient les Jedi ? Peut-être cela ne lui serait-il pas donné tous les jours.
Elle se pencha vers lui pour pouvoir discuter à voix basse et pour partager un peu de connivence.

- Oui, j’en ai déjà vu aussi, avoua-t-elle, une lueur d’excitation dans le regard. Mais toi tu veux dire que tu en as combattu… Au corps à corps ? Tu as croisé le sabre avec eux pour de vrai ?

Si c’était le cas, elle était admirative. Elle-même n’avait jamais combattu de Jedi. Elle n’était pas folle : ils n’auraient fait qu’une bouchée d’elle !

- Moi j’en ai vu car certains ont essayé de poursuivre Lana et de s’attaquer à elle, confia-t-elle sur le ton de la confidence. Mais tu ne le dis à personne hein, c’est secret ! Les Sith veulent s’attaquer aux grandes figures de la République, tu vois… Et un jour, j’étais avec elle quand c’est arrivé.

Elle frissonna. Les souvenirs qui lui revenaient en mémoire n’étaient pas ceux qu’elle racontait : elle se souvenait de Korriban, de Lana qui la tirait de ce guêpier mortel. Mais elle avait choisi de raconter autre chose car, évidemment, elle ne pouvait pas dire qu’elle avait séjourné à Korriban. Elle n’en revenait toujours pas de la chance qu’elle avait eue d’être choisie par Lana. Mais aujourd’hui, cette dernière avait quitté l’Empire… L’Impératrice allait chercher à se venger car Lana défendait la Chancelière, c’était évident. Tess tâcha de redoubler de concentration : elle devait aider sa maîtresse à construire leur forteresse politique pour ne pas que Darth Ynnitach pût les atteindre. Mais comment faire… !

Tess se redressa un peu et soupira, plus sérieuse.

- Dis-moi Samaël, comment faites-vous, vous les Jedi, pour être si calme alors que… Les Sith font si peur ? je veux dire… Ce sont des meurtriers à quelques parsecs d’ici. Ils veulent tout ravager sur leur passage et… Dans les Temples Jedi, vous cultivez des fleurs et des bibliothèques. C’est rassurant mais… Comment est-ce que tes Maîtres se préparent à les recevoir ? Sur quoi misent-ils pour nous défendre tous ?

Si, en tout cas, c’était bien l’intention des Jedi… Tout le monde savait que le Sénat et l’Ordre n’étaient pas toujours en bons termes. Qui garantissait que les Jedi ne profiteraient pas de la menace de l’Empire pour faire dégager les politiciens qui les gênaient… Comme Kira et Anthana ?

- Oui au corps à corps et tout, je ne vais pas mentir, hein... J'avais trop peur! En plus sans le vouloir j'ai blessé le chevalier qui m'aidait. Après sur le vaisseau en morceaux là, c'était tout seul face au Sith avec son grand sabre rouge. Heureusement ça n'a pas duré, au bout de 5 minutes je perdais. C'était super effrayant.

Avec candeur et générosité, Solal partageait sans complexe son aventure. Il aurait pu y ajouter des détails épicés pour mieux paraître mais le bien-être procuré par la sincérité avait plus de poids que le désir-pourtant réel- d'impressionner la jeune femme. Le regard un peu gêné par ses confidences, surtout celle concernant le fait d'avoir blessé son allié, Sammy accueillit avec joie la question suivante.

- Bien sûr on apprend beaucoup à se battre. Il faut s'entraîner de nombreuses heures tous les jours, c'est difficile mais nécessaire... Par contre c'est surtout défensif hein. On n'utilise le sabre-laser qu'au dernier moment, sinon on serait comme eux! D'abord il ne faut pas juger, commencer par essayer d'aider le Sith, parce que tous ne sont pas... Disons méchants. Moi je croyais, cependant les maîtres disent que certains n'ont pas eu de chance dans leur vie, on les a forcé. Après si on voit que c'est un vrai vilain et qu'il ne veut pas négocier, il faut se défendre. Vous comprenez? Le but est de se préparer sérieusement tout en gardant son calme et sa sésénité... Sérinité... Sérénité. Et aussi ah oui, ils répètent toujours ça en cours... L'humidité... Euh l'humilité et la neutralité. Toujours essayer de ne pas prendre parti. Ne pas vouloir la richesse, l'argent ou les terres et encore moins le pouvoir poétique... Politique. On est là pour aider.

Se réjouit Samaël, heureux de réciter une leçon de toute évidence enfoncée dans son crâne depuis son plus jeune âge et à laquelle il croyait fermement. L'apprenti ouvrit de grands yeux en écoutant les confidences de Tess, il ignorait évidemment que "Lana" était la Sith contre laquelle il s'était battu la première fois en compagnie du chevalier. Cette bonne femme l'avait longuement poursuivie dans le but de le descendre. Une furie. Pour l'instant évidemment il compatissait avec la victime.

- La pauvre! Et vous donc! Comment vous avez fait pour vous échapper? Je ne dirai votre secret à personne c'est promis. -Ses yeux papillonnèrent tandis qu'il prêtait serment d'un regard appuyé avec ferveur.- Mais pourquoi vous n'en parlez pas aux Jedis? Ils sont super forts et protègent toujours les victimes! Peu importe qu'ils soient de la Répudique... République ou pas.

Les livres un peu oubliés gisaient dans les bras de l'enfant qui commençaient à s'alourdir. Il jeta un coup d'oeil sur la couverture vieillie du premier, puis entreprit de les sélectionner tout en regardant parfois Tess, attentif à sa réponse. Ils avaient un peu dérivés, mais du coup, bien qu'il souhaite toujours effectuer les recherches, Sammy était fasciné par la conversation. Il voulait savoir comment Lana la vaillante et Tess l'héroïne s'en étaient sorties, mais aussi pourquoi on confiait un tel secret à un Padawan au lieu du Grand Conseil des Jedis, connu comme tous comme la fine fleur de la justice.

Tess ne put s'empêcher de laisser échapper un éclat de rire en écoutant le récit du jeune garçon. Rire faisait du bien, réalisa-t-elle intérieurement. Elle n'avait plus le temps de rire, ces temps-ci. Lana était constamment épuisée, et n'était pas vraiment réceptive à ses pitreries. Quant à avoir un camarade avec qui rigoler... En fait, elle n'avait jamais connu ça. Oh allez bécasse ! Tu vas pas te laisser attendrir par un gosse sur des considérations pareilles !
La jeune femme mit une main devant sa bouche pour s'aider à se taire, histoire qu'ils ne se fassent pas tous deux remarquer par un maître qui passait par là.

- Hé bien, commenta-t-elle en gloussant, effrayant mais pas suffisamment pour que t'aies changé d'avis sur ton avenir. Alors, c'est que des gars comme toi pourront aller les affronter, c'est rassurant !

Ou idiot, fallait voir comment ils se défendaient sur le terrain. On disait que certains maîtres Jedi pouvaient tenir tête à un Seigneur Sith en duel... Mais Tess ne croyait ce qu'elle voyait et ça, elle ne l'avait jamais vu. Elle ne voyait pas comment un Jedi pouvait battre un Sith en n'apprenant qu'à être défensif.
Elle haussa les sourcils en écoutant les considérations suivantes du padawan, puis elle fit la moue.

- Si, ils sont méchants, rétorqua-t-elle avec hargne, mais en tâchant de continuer de parler à voix basse. Je veux dire, c'est peut-être pas leur faute, c'est vrai, mais ça ne les rend pas gentil pour autant. C'est pas parce que tu leur tendras la main qu'ils en profiteront pas pour te la trancher !

Elle en savait quelque chose. Et puis, elle détestait les supposés dilemmes moraux des Jedi : ne pas tuer pour protéger une pauvre brebis Sith égarée ? Foutaises, il fallait tuer pour les neutraliser définitivement. Quelle considération philosophique pesait assez lourd pour continuer à laisser un Sith assoiffé de sang s'en prendre à d'autres ?
Tess soupira en se rendant compte que plus le temps passait, plus elle méprisait les Sith presque autant que les Jedi, alors même qu'elle était issue de Korriban. Ce devait être l'influence de sa maîtresse... En tout cas, aucun courant de sensibles à la Force ne paraissait lui correspondre. C'était frustrant : cela signifiait qu'aucun livre dogmatique ne pourrait jamais lui apprendre davantage sur elle-même et son lien à la Force.

Elle haussa les épaules en laissant échapper un petit souffle de découragement entre ses lèvres.

- Je n'ai rien fait, je me suis cachée. Je ne suis pas intéressante pour eux, alors je suppose qu'ils ne se sont pas inquiétés de moi.

Ce qui était parfaitement frustrant : elle était incapable de protéger Lana, son seul véritable phare dans son cheminement personnel, des attaques extérieures. Sith ou pas, cela n'avait pas d'importance : elle n'avait jamais été une véritable combattante.

- Voilà mon secret : je suis invisible parce qu'inintéressante. Pratique. Un super-pouvoir en somme, juste un peu moins classe que ceux des Sith ou des Jedi.

Elle afficha un sourire, histoire de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Ce pauvre gosse ne devait pas comprendre grand chose à ses problèmes, mais elle l'aimait bien. Il avait l'air d'être authentiquement gentil, pas comme les Jedi adultes dont elle ne pouvait s'empêcher de trouver le désintérêt suspicieux.

- Bon, rangez les violons, j'ai d'autres qualités. Je suis une fouineuse professionnelle, aucune carte de données ne me résiste et j'ai des infos sur tout et n'importe quoi.

Elle pouffa avant d'ajouter :

- Surtout n'importe quoi.

Soudain, ses yeux s'éclairèrent d'une lueur.

- Hé ! J'y pense, on pourrait peut-être s'entraider, qu'est-ce que tu en dis ! Tu pourrais m'apprendre quelques bases de méditation et t'entraîner un peu au combat avec moi - figure-toi que j'ai quelques notions d'escrime car j'ai eu des cours quand j'étais plus jeune - et en échange, si tu as besoin d'aide, je sais pas, pour tes devoirs... Je t'aiderai ! Qu'est-ce que tu en dis ?

- Euhhhhhh j'sais pas, la volonté ne suffit pas... - Sammy laissa planer un silence, comme doutant lui-même, avant de retrouver son optimisme.- Enfin ça aide- Trancha-t-il finalement, choisissant son habituel optimisme pour résoudre la situation. Dans la même lancée, il réagit aux paroles de Tess.- Vous rigolez? C'est un super pouvoir! Moi je me fais repérer à deux kilomètres... Puis inutile d'y aller sur la pointe de sabots.- Pour illustrer ses propos, le concerné s'était levé, esquissant quelques pas discrets. Malheureusement, le bruit de sabots glissant par terre avait beau être discret, on entendait toujours un genre de son feutré. La bibliothécaire irrité de ces déplacements intempestifs, inutiles, le jaugea d'un air sévère. Aussitôt Sammy laissa son popotin retomber par terre et il haussa les épaules.- Voilà. Repéré.

Il sourit, pas du tout vexé, en fait ravi d'illustrer ses propos visant à mettre en valeur son interlocutrice.

- Pour en revenir aux Méchants, il faut savoir la limite, et c'est ça le secret des grands... En fait, certains ont parfois même de la peine à la trouver tant elle est bien cachée!... Savoir quand donner la chance et arrêter de le faire. C'est un des trucs où j'ai le plus de mal parce que j'arrête pas de me dire qu'ils ont pas eu ma chance, et que je peux me tromper, tu vois, mal juger et tout... Condamner quelqu'un d'innocent, ne pas aider quelqu'un qui pourrait le faire... Ou au contraire! Offrir à l'ennemi la victoire dans une assiette. Dans un plateau. Bref tu me comprends. Ce serait cool quoique super effrayant de lire vraiment dans les pensées.

Un peu songeur, le pré-adolescent leva les yeux au plafond, avant d'être tiré de ses songeries par une alternative abordée par la femme. Fouiller, découvrir lesdits secrets de cette personne, sa vraie personnalité était un "pouvoir" aussi intriguant que mal vu. C'était tentant parfois, même si Sammy, trop poli et respectueux des autres n'avait jamais consenti à l'appliquer, et pourtant, il aurait aimé vérifier si Bruck, le Padawan toujours mal luné, était vraiment méchant ou si c'était un masque.

- C'est bien de fouiner! Bon pas tellement mais c'est tellement marrant.

Le petit curieux insatiable qu'était le Padawan fixa Tess avec un mélange d'envie et de grande fascination. Il l'imaginait se faufiler dans sa chambre et récupérer plein d'infos, comme celle qui concernait sa peur du trou cache-Siths sous son lit. Tout à coup, en fait, l'idée n'était plus aussi attirante... Heureusement la jeune femme dissipa le malaise avant qu'il ne naisse en lui proposant quelque chose de surprenant. Depuis quand les grands avaient besoin de lui?

- D'accord mais j'te préviens j'suis pas du tout le meilleur, loin de là. Si tu veux je pourrais te présenter le plus doué de ma classe en combat.- Commença l'enfant-poulain, soucieux de se montrer honnête et de donner toutes ses chances à Tess. Il omit aussi de dire n'avoir guère besoin d'aide pour ses devoirs, son véritable domaine avec la course ou la compréhension de la nature.- Mais ça me semble un chouette deal. On commencerait quand, et par quoi?

Tout heureux d'avoir de la compagnie, ainsi que la promesse d'une amitié à long terme, le Padawan avait déjà gommé de son esprit son rôle premier, sans oublier les difficultés. Tess n'appartenait pas au Temple, son aura était un peu différente, mais peu importait à Samaël, seulement heureux d'échanger avec son aînée, content de pouvoir aider, d'être utile et non... Invisible comme l'avait suggéré Tess, une chose qui lui arrivait, surtout avant, et surtout involontairement. Aujourd'hui, sans s'en rendre compte, le gamin commençait à avoir son petit rôle de médiateur ou du moins d'aide pour les enfants les plus timides, les nouveaux-venus. Les Maîtres se servaient intentionnellement de lui pour détendre les personnes méfiantes ou mal à l'aise. Naturel en tout point, Sammy était le point de rencontre parfait entre le Temple et ses visiteurs. Il était aussi présenté à des apprentis ayant souffert, qui peinaient à faire confiance, ce qui à force, commençait à lui créer plusieurs liens au sein de la structure et en-dehors. Toutes ces connaissances ne se transformaient pas en amitié, du reste, bien peu le faisaient, cependant il trouvait irrémédiablement sa place, et l'humaine aux cheveux courts l'avait déjà aidé en cela, sans s'en rendre compte probablement.

Tess se mit à rire de nouveau après avoir jeté un coup d’œil à la bibliothécaire à la mine sévère. Ils papotèrent encore un peu, puis finalement la jeune femme referma les livres qu’ils avaient emprunté. Ils allaient bientôt libérer la surveillante des archives d’un poids certain en quittant les lieux !

- Oh, le meilleur, je veux pas le voir ! Si j’arrive à battre le pire, ce sera un miracle, plaisanta-t-elle.

Tess empila les bouquins et se chargea de les soulever pour aller les ramener à leur place. Si elle voulait revenir regarder leurs archives, il fallait montrer qu’elle respectait à la lettre les règles des lieux.

- On commence maintenant si tu veux ! fit-elle en insérant un ouvrage dans un rayonnage, suivie par le bruit feutré des sabots de Sam.

Puis elle en rangea un autre, et enfin bailla à s’en décrocher la mâchoire.

- J’ai besoin de me bouger un peu. En ce moment, je passe ma vie à lire des rapports sur mon datapad, j’me rouille ! On profite du soleil en même temps ?

Il y avait sûrement des salles d’entraînement, mais Tess avait vu les jardins qui bordaient le Temple et les jeunes gens qui y effectuaient des mouvements gracieux et elle avait plutôt envie de s’en mettre plein les yeux plutôt que d’aller s’enfermer dans une salle en sous-sol.

Joyeusement, les deux adolescents quittèrent la bibliothèque (non sans pouffer de rire en passant devant la vieille chouette qui montait la garde) et Tess se laissa guider par le chironian pour qu’ils trouvent le chemin de la sortie et rejoignent les jardins. La lorrdienne s’élança rapidement sur l’herbe en écartant les bras.

- Woha, vous avez vraiment de la chance d’avoir un coin de verdure en plein haut quartier de Coru ! Le fameux parc du Temple d’Ondéron, il est aussi grand ?

Voilà qu’elle aurait bien aimé aller le visiter, celui-là. Mais aller sur Ondéron quand on avait été sur Korriban, ça devait être genre sacrilège, non ? Elle verrait plus tard, quand elle serait plus vieille, qu’elle saurait complètement dissimuler son aura dans la Force. Ce qui n’était pas tout à fait gagné…

Les deux jeunes gens se trouvèrent un coin à l’ombre d’un arbre, un peu isolé, pour y déposer leurs affaires. Tess retira son veston et fit quelques mouvements pour s’étirer. Complètement rouillée, ça craint.

- Vous avez des armes d’entraînement ? Des bâtons par exemple ?

Ce n’était pas son arme favorite (celle-ci était le couteau en phryk offert par Lana quelques mois plus tôt, mais il était hors de question de le sortir ici) mais elle avait déjà manipulé un bâton. Et puis, elle n’avait pas l’intention de faire grande démonstration de ses talents, elle voulait juste voir à quel point les padawans de l’âge de Samaël était déjà dégourdis.
En attendant que son ami trouve le matériel qui leur fallait, Tess tenta quelques mouvements pour se mettre en jambe, tout prenant soin de ne pas avoir l’air trop douée. Inutile de se faire repérer par les maîtres alentours…
Au-dessus d’elle, la circulation aérienne de Coruscant offrait un spectacle mouvant et sonore, qui rappelait sans cesse que le havre de paix des Jedi était très proche de la cohue de la planète. Le ciel était embrumé de pollution, mais la lumière était claire ; le soleil traversait l’atmosphère et déversait des rayons invisibles qui réchauffaient la peau de la lorrdienne. Elle se prit à rêvasser qu’elle pourrait régulièrement visiter le Temple en transports en commun, vu qu’il n’était pas si loin du Sénat… Mais était-ce prudent ? Elle n’avait rien à se reprocher, ce n’était pas ça… Le risque, c’était de se faire de vrais amis. De s’attacher. Et ça, c’était dangereux…