Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— L’horizon est dégagé.

Karm baissa les jumelles militaires.

— On devrait être à portée dans cinq ou six heures.

Le jeune homme interrogea Luke du regard, question silencieuse qu’il lui adressait à travers la Force, pour savoir si son compagnon était d’attaque pour une nouvelle longue marche. Ils s’étaient posés deux jours plus tôt, sur un plateau rocheux beaucoup plus au sud, et depuis, ils remontaient en direction du campement de l’ExploCorps.

Les explorateurs jedis s’étaient installés sur cette planète jusque là inconnues quelques mois plus tôt, pour y mener des recherches sur les minerais locaux, dont les propriétés magnétiques avaient su retenir leur attention. Elles perturbaient gravement les localisations et les télécommunications, et on y voyait déjà d’excellents isolants, sans parler des applications militaires. Pour l’heure, l’ExploCorps se chargeait de la reconnaissance de la zone élargie tout autour des montagnes, pour s’assurer de la sécurité des lieux, avant que des chercheurs jedis flanqués de scientifiques républicains ne puissent étudier la question en toute sécurité.

Comme il était d’usage, le survol des terres concernés était déconseillé. C’était le protocole : éviter de perturber la faune locale et les éventuelles civilisations peu développées qui pouvaient être encore cachées au détour d’une vallée ou au fond des bois. D’ordinaire, l’ExploCorps substituait donc à la reconnaissance aérienne des drones plus discrets, mais les perturbations magnétiques avaient imposé de recourir à des méthodes plus traditionnelles. C’était la raison qui poussait Luke et Karm à cheminer à pied.

Fort heureusement, pour l’essentiel, le terrain n’était qu’une longue plaine et le voyage s’était déroulé jusque là sans incident. N’était la chaleur pesante de l’été planétaire, leur randonnée eût été une promenade de santé. Après un petit-déjeuner solide, ils se remirent en marche, Karm en tête, les sens en alerte.

Depuis leur retour de la Flotte Ark-Ni, le jeune homme avait enchaîné les missions de reconnaissance, et c’était la première fois où le couple se retrouvait loin des couloirs du Temple. Auprès de Luke, dans les grands espaces de la nature sauvage, Karm se sentait enfin dans son élément. Laisser derrière lui les changements politiques au sein du Conseil et la chape réactionnaire qui menaçait à tout instant de s’abattre sur l’Ordre à cause de Maître Marja n’était pas un avantage médiocre.

Les heures passèrent, sans encombre et en silence. Les deux Jedis ne se parlaient pas même, à travers la Force, ils échangeaient des impressions vives. Plus le temps passé, plus leur intimité s’enrichissait dans ce lien auquel ils prêtaient une attention de semaine en semaine plus grande. Quand ils étaient au Temple, soumis souvent aux regards de leurs pairs, il était pour eux comme un refuge.

— Hmm. Bizarre. Même avec la proximité de la montagne, si j’en crois leurs dernières données transmises, on devrait être à portée de comlink. Doit y avoir des fluctuations qui font varier la portée des perturbations géomagnétiques.

L’explorateur considéra la montre à son poignet, où étaient enregistrées les données climatologiques et astronomiques de la planète.

— On a encore cinq heures avant de rejoindre le campement, si on continue aujourd’hui, au même rythme, on fera les deux dernières heures en pleine nuit, j’préfère éviter ça. On va camper ici pour la nuit.

Il releva les yeux et esquissa un sourire gêné.

— ‘Fin, si ça te convient, quoi…

Quand ils s’étaient rencontrés, Luke et lui, Karm n’avait pas l’habitude de prendre la direction des opérations, mais les mois puis les années passaient, et, petit à petit, le Chevalier prenait de plus en plus d’assurance. Les événements récents avaient prouvé à plusieurs reprises qu’il avait la carrure d’un leader qui s’ignorait et les responsabilités sans cesse plus importantes qu’il endossait au sein de l’ExploCorps, où il dirigeait désormais la plupart des missions auxquelles il participait, venaient sans aucun doute le confirmer.

Les deux Jedis descendirent quelques kilomètres à l’est, pour pouvoir camper près d’une rivière, dont l’eau, aussitôt testée, se révéla parfaitement salubre. Elle prenait sa source dans la montagne voisine, et s’écoulait lentement vers les deltas de l’est, là-bas, très loin, où se trouvait l’un des petits océans de la planète.

— Nous baigner nous fera pas de mal après la marche. Ensuite, on peut peut-être s’entraîner, tu sais, à la méditation.

La méditation commune était un exercice auquel ils se livraient de plus en plus souvent et qui avait pris une place de choix dans leurs innombrables entraînements communs. C’était une manière de s’apaiser, mais aussi de se comprendre plus intimement, plus parfaitement, pour pouvoir réagir au quart de tour, sur le terrain, à la moindre indication de l’autre.

Après avoir dressé la tente automatique, Karm se débarrassa promptement de ses vêtements, pour entraîner nu dans l’eau vive.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Une onde courte et décidée traversa le corps de Luke pour rejoindre, virevoltante, celui de Karm. Ayant gagné en endurance, et toujours armé de cette fameuse volonté, le jeune Hapien estimait pouvoir continuer la marche. En silence, concentré sur ses pas ainsi que l'aura de son aîné, il avançait sans voir le temps, ni y songer d'ailleurs. Simplement rêveur ou absent -impossible de déterminer avec exactitude son état actuel.- le Chevalier laissait s'écouler kilomètres et minutes sans chercher ni raison, ni prise de contrôle. Son esprit se libéra des éternelles questions sur les doutes du Conseil à leur propos. On les avait laissé partir ensemble, une fois de plus, ce qui avait déclenché une grande sensation de joie couplée à une certaine méfiance chez Luke. Les testait-on? Ignorait-on encore leur Amour? C'était envisageable quand on pensait que des Déviants comme Ses'Kai continuaient d'évoluer dans le Temple, abîmant matériel et Padawans. Que se passerait-il lorsque le Conseil s'en rendrait compte?

Assises sur les nuages blancs, les interrogations du Consulaire le suivaient, maintenues à distance par l'air pur et la fatigue sereine qui courraient ses jambes. Le jeune homme se laissait bercer par les rares éclats de voix de l'Ark-Ni, lesquels glissaient à la manière d'un discret ruisselet d'eau transparente, comme à son habitude. Il appréciait la beauté du paysage à sa façon, laissant la Force galoper autour de lui à la manière d'un chiot fou, insouciant qui jappait entre jambes, dévoilant la vie qui se cachait entre les hautes herbes. Son aura dansa derrière un genre de sauterelle, imitant des bonds, gigantesques à l'échelle d'un insecte. Prodigieuse nature.

- Oui.

Souffla doucement le jeune homme en totale confiance. Sans en dire plus, il laissa glisser le sac de ses épaules minces et l'accompagna au sol. L'herbe longue et tendre promettait un repos certes rustique mais agréable. Luke allait entreprendre d'extirper la tente auto-montable lorsque l'Ark-Ni proposa une baignade. Presque incapable de suer, le blond se rendit compte qu'une sensation désagréable courrait son organisme, un peu comme un ordinateur prêt à surchauffer à tout moment. Malgré la rougeur qui s'afficha sur ses joues, il accepta d'un hochement de tête. Mieux valait qu'il se prête à cette activité délicieusement gênante, en effet.

Après avoir soigneusement cherché un coin facile d'accès pour disposer son sac-au pied d'un buisson peu garni.- le Hapien enclencha le petit mouchard qui se trouvait dans la pochette avant de ce dernier. Il glissa son comlink dans un plastique isolant et l'accrocha à son poignet via un bracelet prévu à cet effet. Une application lui permettait de faire émettre des bips sonores à l'émetteur, de plus en plus rapprochés lorsque Luke s'approchait de la cible. Avec précaution il retira puis plia ses vêtements, restant en sous-vêtements pour plonger dans l'eau froide mais pure, suffisamment pour prendre une douche et en ressortir aussi propre que lorsqu'on passait sous le jet. Le Chevalier se délecta de la sensation sur sa peau, prudemment accroché au bord. Les petites rivières aux courants imprévisibles et fonds inégaux pouvaient rapidement devenir mortels pour lui, d'autant plus qu'il ne nageait pas très bien.

- S’entraîner me semble une bonne idée. -Répliqua le Hapien avec un peu de retard, mais pourquoi se presser dans cet environnement sauvage et merveilleux?.- Oui, je sais. - Ajouta-t-il non sans un sourire malicieux, content de pouvoir développer leur lien. Leur secret au sein du Secret .- On peut aussi pratiquer la communication avec les bêtes ou la guérison.

Tous deux avaient tellement de projets qui devaient leur permettre de s'améliorer pour la Cause mais aussi les rapprocher. Difficile de piocher dans les nombreux choix. En ce qui le concernait, Luke n'éprouvait aucune hâte, aucune avidité de gagner en pouvoir. Il appréciait surtout l'échange de connaissances, la mise en pratique et les efforts joints pour obtenir un résultat, final ou par étapes.

- Crois-tu que les difficultés de communication ont un rapport avec notre mission? Je veux dire, serait-ce une des raisons, voilées ou pas pour laquelle on nous aurait envoyé ici? Que l'ExploCorps demeure sans lien avec l'Ordre est un peu inquiétant.

Il y avait évidemment tout un panel de possibilités à cela. Une perturbation géologique ou climatique momentanée, un simple souci technique au niveau de l'antenne du camps ou... Luke l'ignorait, mais leur expérience commune à Karm et à lui le poussait à s'interroger. Jusque là, toutes leurs missions, y compris celles d'observation comme Belsavis s'étaient compliquées. Il n'était pas vraiment effrayé mais avouait via la Force une certaine inquiétude, peut-être déception par anticipation. Lui qui désirait avoir du temps pour observer le fonctionnement de l'ExploCorps, voir comment les Padawans "rejetés" se sentaient, étudier leur savoir, espérait ne pas avoir à prêter main forte à un camps totalement chaotique, déchiré par un virus ou des attaques d'animaux fous comme sur Maldéron. De temps à autre, le Chevalier apprécierait que le plan se déroule normalement. Cela dit, il ne ferait pas non plus la fine bouche, heureux d'avoir pu partir avec Karm. Un Karm détendu, libre d'inquiétudes, de soupçons ou de baisse d'estime aujourd'hui d'ailleurs. Le Chevalier se nourrit sans vergogne de cette humeur douce, chaleureuse qui émanait de son ami. Il n'avait lui non plus pas peur d'une éventuelle attaque de bête sauvage, malgré sa rencontre avec une espèce de symbiote un peu trop fusionnelle lors de leur ultime et première exploration. Au bord de l'insouciance, peut-être, Luke leva une main, crevant la surface de l'eau pure pour envoyer une gerbe vers l'endroit où se trouvait son compagnon. Il aurait pu se sentir coupable de profiter de cette pause bucolique en cet moment où le contexte Géo-Politique était horrible mais même pas.

Le regard du blond se posa soudain sur une roche, visant, non sans une certaine adresse un genre de grenouille. Luke envoya une onde au batracien, qui, captivé s'approcha. Une nouvelle inflexion de la Force le poussa à bondir sur Karm, cherchant à se loger dans sa chevelure argentée comme si quelque chose lui soufflait que c'était la plus merveilleuse des roches. Le sourire amusé de Luke dévoilait un indice sur l'identité du coupable, la lueur dans ses yeux, plus vive qu'à l'accoutumée en était un autre.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
Sans que Luke ne put s’en rendre compte, Karm leva les yeux au ciel avec un demi-sourire amusé quand il constata que son compagnon avait tenu à conserver son sous-vêtement, comme pour cacher ce que l’Ark-Ni avait déjà découvert depuis longtemps. Karm, lui, ne s’encombrait pas de semblable pudeur et il laissait l’eau caresser tout son corps, profitant de sa fraîcheur salvatrice, dans la canicule que l’approche du soir ne suffisait pas à entamer.

L’odeur des roches humides se mêlait aux parfums des fleurs sauvages. L’explorateur laissait son esprit courir tout autour de lui et embrasser les pensées primitives qu’il sentait se former chez les animaux qui les entouraient. Pendant tout leur voyage, ils n’avaient rien aperçu de plus considérables que de petits rongeurs vivant dans les herbes hautes, et les rapports de l’expédition avancée ne faisait pas état d’animaux plus complexes. C’était en soi une curiosité qui aurait mérité sa propre investigation, mais l’Ordre avait à ce moment-là des priorités plus pragmatiques.

— J’pense pas, non, répondit Karm quand Luke l’interrogea sur les motifs de leur mission, leur dernière communication remonte à y a pas si longtemps, y a pas de raison de s’inquiéter. C’est juste une visite de contrôle de ma part, pour voir si tout est bien organisé, s’ils ont besoin de rien, comment ça se passe, tout ça.

Karm ne le disait pas explicitement mais sa réponse laissait bien entendre qu’il était, en somme, l’un des superviseurs de son projet. Le jeune homme restait souvent assez vague sur les responsabilités nouvelles qui pesaient sur ses épaules, toujours mal à l’aise, à cause de son éducation ark-ni et de ses convictions politiques, avec l’idée d’exercer une autorité trop hiérarchique sur d’autres membres de l’Ordre, mais la vérité, c’était bien qu’il prenait petit à petit du galon, depuis plusieurs années, au sein de l’ExploCorps.

Ses explications durent rassurer Luke, parce que le Gardien fut rapidement attaqué à coup de jet d’eau et de grenouille. Loin de déloger le batracien, il le laissa croasser dans sa chevelure.

— J’vois qu’tu fais un usage très mature de la communion animale, s’amusa l’Ark-Ni.

Il disait toujours « communion » et non « commande », même si, pour bon nombre de Chevaliers, cette technique de la Force était utilitaire et permettait de transformer les bêtes en instruments. Pour Karm, c’était d’abord et avant tout une manière de communier plus intimement avec la nature et de comprendre les mystères de la vie, et à travers elle de la Force, en s’associant des perceptions fondamentalement différentes de celles dont il était familier.

Il plongea la tête sous l’eau et la grenouille repartit en nageant, avant que le jeune homme ne se redresse et ne rejette en arrière ses cheveux humides. Il fit quelques pas vers Luke et, comme il en avait l’habitude désormais, posa une main au creux de ses reins, avec une assurance beaucoup plus virile qu’il ne s’en rendait lui-même compte, pour l’attirer contre lui.

— Tu t’sens mieux… ? J’sais que la chaleur, le soleil, c’est pas ta spécialité.

Connaissant les conditions climatiques de la planète, il avait même hésité à inviter Luke à se joindre à lui, mais il avait jugé que l’Hapien serait intéressé par la perspective d’éprouver ses limites. Si beaucoup voyaient le Chevalier Kayan comme une petite chose fragile inadaptée aux missions dangereuses, Karm, au contraire, respectait l’efficacité et la ténacité de son compagnon, et il espérait que chacune de leurs missions contribue à prouver, à tous et à Luke en particulier, que l’Hapien était beaucoup plus solide qu’il n’en avait l’air.

— Dans deux trois mois, j’ai une planète glaciaire sur mon agenda, si tu veux. Bon, par contre, si tu veux tenter ta chance en plein blizzard, je vais te soumettre à un entraînement intensif, parce qu’avec l’exploration océanographique, c’est ce qu’il y a de pire.

Même les déserts étaient moins dangereux, parce qu’on pouvait toujours communiquer avec son vaisseau et s’extraire, tant qu’on survivait aux tempêtes de sable.

— Mais je tiens à préciser, rajouta Karm sans relâcher son étreinte, que je ne suis pas opposé à t’accompagner toi dans tes missions. Je sais que je suis pas exactement super utile dans une investigation ou une négociation, mais enfin, je peux servir de faire-valoir. Ou de jolie plante en pot.

Luke eut le droit à un baiser dans le cou pour ponctuer cette proposition mi-sérieuse, mi-plaisante, puis un vol d’oiseaux se chargea de distraire un instant l’explorateur, qui plissa les yeux pour observer avec soin leur trajet, leur formation et leur comportement. Tout détail était bon à prendre, même ce qu’il devait y avoir de plus ordinaire.

Les oiseaux disparus, Karm murmura, à moitié pour lui-même :

— J’me demande où sont les prédateurs. Même des petits prédateurs, quoi, mais doit bien y avoir des espèces qui régulent l’écosystème. J’espère que les gens du camp auront fait quelques observations et qu’ils auront pas été juste obsédés par les minéraux.

Ses mains glissèrent lentement sur la taille de Luke pour enfin quitter le corps de l’Hapien, avant que Karm ne sorte de la rivière, pour se préparer à la méditation.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
- Que nenni, j'aidais cette pauvre grenouille solitaire à trouver un logis.

Se défendit le Hapien sans l'ardeur qui aurait pu lui offrir une certaine crédibilité. Les yeux mi-clos, il profitait de la fraîcheur relative de l'eau qui baissait sa température. Par chance, son incapacité à se réguler était plutôt léger. Ignorer les premiers signaux et laisser son état s'aggraver pouvait en revanche sérieusement compromettre sa santé, c'est pourquoi Luke y était toujours attentif.

- J'ai un seuil de tolérance assez élevé concernant ma condition, pas de quoi me plaindre donc. Le seul souci est que lorsque le problème se manifeste, je cours au-delà d'ennuis assez sérieux. Je dois donc éviter de franchir ladite limite.

Jusqu'à maintenant, Luke n'avait pas été vraiment embêté par la "surchauffe", il supportait bien des températures allant jusque dans la trentaine. S'exposer sur Tatooine serait en revanche plus problématique. En tout cas, désormais plongé dans l'eau, le Hapien était au paradis. Il s'amusa, très détendu, à repérer Karm-sous-l'eau et Karm-hors-de-l'eau autrement que par le bruit des éclaboussures. La Force indiquait une légère et ponctuelle atténuation d'aura, presque imperceptible. Amusant.

Les oiseaux au-dessus d'eux raidirent légèrement les muscles du jeune Jedi au creux des mains de son aîné. En bon aveugle, il n'aimait pas trop les surprises dont les bruits inconnus. Rapidement rassuré, le Chevalier rendit son attention à Karm.

- Hum. Tant mieux.- commença-t-il à railler un peu.- j'en ai assez de rentrer avec mes calepins intacts. J'ai hâte d'y percer quelques trous.

Signifia le jeune homme, un peu plus sérieux. Il avait jusqu'à aujourd'hui, raté de nombreuses recherches passionnantes à cause d'une mission qui changeait d'allure et de direction aussi vite qu'un vent capricieux.

- Alors tu es le chef. Tu me l'avais caché! Je te félicite.

S'exclama par la suite Luke, aussi surpris que ravi de voir que son compagnon évoluait. Pour sa part, il restait au même rang, avec des responsabilités semblables mais peu lui importait. Le Hapien n'avait jamais été jaloux, hormis une certaine crainte de ne plus être à la hauteur, de devenir obsolète, il ne pouvait que s'enjouer en remarquant que le Conseil valorisait les efforts de Karm. En outre, cela prouvait qu'il avait toujours confiance en lui, en eux malgré leur relation chaque fois plus évidente malgré les précautions du blond.

- Je ne pense pas que le blizzard me désoriente beaucoup.- Plaisanta le Hapien. Il savait que le froid pénétrerait ses os fins ainsi que sa peau -presque- sans chair, question vision cela dit, il ne serait certainement pas perturbé.- si tu veux, je pourrai servir de GPS!

Fait avéré et scientifiquement -non- prouvé, avoir un aveugle en pleine nuit ou en crise de brouillard était particulièrement utile! Luke s'amusa à l'idée d'indiquer d'une voix monocorde le chemin à prendre. Il s'éveilla de ces pensées rêveuses un brin enfantine sous le baiser de son ami ainsi que ses propos. Tandis que l'étreinte dont la virilité était passé inaperçue mais avait été appréciée disparaissait en même temps que Karm s'éloignait, Luke répondit, sourcils légèrement froncés.

- Far'Sic c'est toi qui a pris les commandes et remis la mission à flot. Pareil pour la cité des deux Soleils. La gamine, tu l'as rattrapée et faite parlée.

Si Luke n'aimait pas se sentir à la traîne, il appréciait encore moins que son ami se dévalorise. Comme pour encourager ce dernier, il lui envoya une onde de Force légère avant de plonger à son tour la tête sous l'eau, juste quelques fractions de secondes, le temps de mouiller sa chevelure dorée. Il se saisit d'un petit flacon précédemment posé sur le rebord, un genre de shampoing qui se dissolvait presque immédiatement et n'altérait pas l'environnement et se le vers sur la tète avant de replonger pour se rincer.

- Peut-être que c'est une planète extrêmement primitive ? Je veux dire qu'aucun gros prédateur n'ait encore eu le temps, ou pu -si les ressources sont maigres- se développer? Cela me plairais bien, à moi, que le haut de la chaîne alimentaire soit les ranats ou ces oiseaux que nous avons entendu juste avant. Quoiqu'il en soit, j'espère que les chercheurs se seront aussi penchés sur la faune. Les minerais, les cristaux, les pierres ça ne m'a jamais vraiment parlé, sauf sur Ilum et le vaisseau Ark-Ni. Leur présence était presque... Vivante.

Évidemment, le Hapien avait une préférence pour les êtres dont il percevait les battements de coeur ou sentiments par le biais de la Force. D'un coup de reins, le Chevalier s'extrait de l'eau puis remonta la pente douce jusqu'à leurs affaires, il entreprit de se sécher les cheveux puis de les peigner. Aidé par le fameux shampoing [Dop, ne pique pas les yeux!] ceux-ci se laissèrent remettre en place sans rechigner et surtout sans se nouer. Le jeune homme avait déjà remit son pantalon lorsqu'il répondit à son compagnon concernant les missions diplomatiques.

- Je serai enchanté que tu viennes, même si de ce fait, je prends le risque que tu résolves toutes mes missions et que l'Ordre décide que je suis une bouche à nourrir en trop.

Fit-il, à demi amusé et à demi sérieux. Tous deux se renvoyaient la balle dans ce domaine, incapables d'avoir confiance en leurs propres capacités. En réalité, à force de mêler leurs esprits, ils se rapprochaient pour ne former qu'un tout, il était difficile de savoir qui faisait quoi, quelle était la spécialité de l'un ou de l'autre. Luke pour sa part avait l'impression que son aîné excellait partout. Même sa franchise avait le don de délier les langues plus facilement que son propre phrasé académique et soigné.

Toutefois plus léger qu'à l'accoutumée, Luke ne ressentit aucun poids à cette pensée, simplement fier de son ami. Il s'assit dans l'herbe, entre deux pousses tendres pour fermer les yeux et quitter Karm pour mieux le retrouver dans leur monde. Au début, il avait trouvé cet espèce de lien dangereux de part son exclusivité, avant de se sentir rassuré. La lumière qui s'épanouissait, élément qui liait leurs auras, l'avait convaincu du contraire. Il suffisait d'essayer d'être modéré.

Le fil doré fit son apparition dans son esprit, beaucoup plus vite qu'au début ou la première fois sur Vonghaï. Il chercha automatiquement celui argenté qui représentait Karm, tardant à s'unir à lui avant d'intégrer l'environnement qui les entourait.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Primitive, je dirais pas ça. Mais peut-être qu’elle sort d’une phase d’annihilation des gros prédateurs.

A quelques milliers d’années près : dans le domaine de l’évolution naturelle des espèces, le temps s’écoulait bien différemment de celui auquel ils étaient habitués, et Karm aimait s’en souvenir, pour mettre en perspective sa propre existence.

Son regard caressa un moment le corps dénudé de Luke, tandis que l’Hapien, avec la beauté propre à son espèce, se séchait les cheveux, et le désir qu’il lui inspirait devait se sentir à travers la Force, mais il ne fit aucun geste équivoque, propre à repousser l’exercice qu’il avait proposé. À la place, toujours nu pour sa part, il s’assit en tailleur devant la tête, en attendant que son ami le rejoigne.

Rapidement, les deux Jedis se plongèrent dans une transe commune. Un observateur extérieur n’y aurait certes rien vu d’exceptionnel et, pourtant, leurs présences se mêlaient l’une à l’autre avec une intimité peu commune : les pensées et les impressions de Karm s’ouvraient à celles de Luke, et lui-même pénétrait l’esprit de son ami. C’était une confiance exceptionnelle, qui ne retenait aucun détour et aucun secret, un dévouement entier, favorisé peut-être autant par le genre de solidarité humble que leur préconisait l’Ordre depuis leur tendre enfance, que par la force des sentiments qu’ils avaient l’un pour l’autre.

Les secondes puis les minutes passèrent. Petit à petit, leur conscience s’étendait autour. Puisant dans leur puissance respective, ils embrassaient successivement toutes les formes de vie qui les entouraient, laissant leurs deux souffles se régler à la respiration de la nature : le vent qui caressait leur peau découverte, le murmure de la rivière dont le courant enveloppait les galets polis par le passage de l’eau, la rumeur des petits animaux dans les fourrés.

Et puis ils se concentrèrent à nouveau, ensemble, sur eux-mêmes, repliant leur perception sur leurs propres corps, pour chercher, guidés par toute cette vie qui les entourait, le secret de la Force qui vivait en eux. Une heure avait passé, sans que ni l’un ni l’autre n’eut bougé d’un ciel, et bientôt deux. La respiration lente était presque inaudible. Tout ce qui restait, c’était la Force, pure, simple, ineffable. Il n’y avait plus de métaphore, plus de son ni de couleur, plus d’approximation : juste sa présence, en eux, entre eux.

Et puis ils ouvrirent les yeux, presque en même temps, alors que le crépuscule commençait à tomber. Karm adressa à Luke un sourire dont la chaleur se propagea à travers le lien qui les unissait. Ses sentiments se passaient de mots, en ce moment-là plus encore qu’en aucun autre. Le Chevalier se releva, pour enfiler finalement un boxer et un pantalon et, torse nu, il entreprit de préparer le dîner, dans un silence calme et serein.

Ils mangèrent en regardant la rivière côte à côte et puis, après un dernier essai infructueux au comlink, s’installèrent sous la tente. Comme souvent, le bras de Karm s’était glissé sous la taille de Luke pour attirer le Consulaire tout contre lui. Karm déposa un baiser dans les cheveux blonds et, après la fatigue de leur longue marche, ils n’eurent pas de mal à trouver le sommeil, dans la quiétude de la nature qui les entourait.

Le lendemain, dès l’aurore, les exercices physiques les réunissaient, sur la berge de la rivière. Karm poursuivait la formation de Luke aux arts martiaux jedis, comme depuis le premier jour où ils s’étaient rencontrés. Le combat à mains nues retenait particulièrement son attention, parce qu’il demeurait convaincu que c’était une arme de choix pour un aveugle qui craignait la lame des sabres. Ce jour-là, ils travaillèrent les projections au sol et l’art de chuter.

Après une dernière prise exécutée par Luke, Karm, au sol, attira l’Hapien au-dessus de lui.

— On cache bien son jeu. Monsieur joue au frêle et à l’innocent, mais monsieur est un féroce guerrier.

Une remarque qui n’avait au fond rien de moqueuse, tant il était vrai que les progrès de Luke paraissaient remarquables au Gardien. Pour quelqu’un qui protestait son incapacité à se battre, l’Hapien était un élève studieux et compétent. Les mains du Chevalier se glissèrent sous le haut de son ami pour lui caresser les flancs.

— Bientôt, je pense qu’on pourra essayer à deux contre un droïde de simulation. Un vrai style coordonné, ça pourrait nous être utile sur le terrain.

Il était vrai que, la plupart du temps, c’était Karm qui, en raison de sa spécialité, se chargeait des parties les plus offensives de leurs missions, mais tout expert qu’il fût en la matière, il ne pouvait espérer surmonter à lui seul tous leurs adversaires possibles.

— Bon, étirements et puis petit-déjeuner.

Les étirements consistaient apparemment à embrasser Luke sur la bouche.
Drôle de méthode.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
S'il avait pu voir les yeux de son ami courir sur sa peau nue, la gêne aurait certainement maquillée ses joues claires. Épargné par ce sentiment, il évoluait de manière plutôt naturelle, nourrissant un feu de camps allumé et achevant de peigner ses cheveux. Il s''était ensuite assis, rejoint par Karm sans qu'aucun ne se touche physiquement. Bientôt, le jeune Jedi avait plongé dans une profonde méditation, un art qu'il avait maîtrisé relativement tôt comparé à ses petits camarades de classe qui confondaient parfois repos de l'esprit et sieste. Après avoir accédé au noyau de la Force qui coulait en lui via des méthodes traditionnelles Jedis- faire le vide en soi, accueillir la paix et rejeter tout sentiment obscur.- Luke avait rejoint l'esprit de Karm pour un exercice beaucoup moins conventionnel. Les deux Chevaliers avaient cassé le sablier du temps, incapables de se situer au sein des heures qui passent sans pour autant chercher à ramasser les grains. Luke en tout cas ne se préoccupait guère de l'extérieur, totalement détendu, axé sur ce qu'il faisait en cet instant. Son aura, sa présence puisée jusqu'au creux de sa propre ADN versait en Karm et vice-versa, chacun semblait recevoir l'autre, comme un océan aurait accepté l'eau d'un fleuve qui s'ouvrait à lui. Et comme les sédiments de ce dernier, offert à la mer immense, une partie infime semblait à chaque fois demeurer bien que la marée se retire.

Lorsque la séance s'étirait sur les heures ou était plus intense qu'à l’accoutumée, le Consulaire assistait à un étrange phénomène. Sous ses paupières, le noir s'éclaircissait -bien qu'il n'était pas sûr que le terme corresponde, incapable de saisir ce concept.- et il pouvait presque deviner des mouvements, comme si au cœur de sa nuit, un être voyageait, ou que le Soleil décidait de réapparaître, perçant les nuages. C'était juste assez pour obtenir un semblant de tambouille grisâtre à travers laquelle certaines choses se dessinaient. Des troncs d'arbres? L'herbe qui dansait au vent, la silhouette de Karm? C'était bien trop flou pour que Luke se rappelle de quoique ce soit et associe telle ombre à telle chose, mais il s'amusait à suivre les mouvements. Au début effrayé, il appréciait désormais cette nuit agitée de nuances et de silhouettes inconnues pourtant inoffensives. Le phénomène s'éteignait lors de la douce descente, le retour à la réalité effectué avec une lenteur agréable, comme un atterrissage réussi. Sans nostalgie ni jalousie, Luke daignait dire adieux aux Ombres et au gris, revenant à son monde où le noir régnait en maître. Depuis le temps, il s'y était résigné, appréciant ce que la vie lui avait offert d'autre: une ouïe légèrement plus développée, un odorat aiguisé, une grande mémoire associée à une certaine imagination qui lui permettait de trouver des solutions alternatives. Dans les moments de peine -tout de même existants.- il se consolait en se rappelant que voyant, il aurait sans doute été différent et que l'Ark-Ni n'aurait peut-être pas été attiré par lui. Peut-être. Oui.

Serein, Luke avait dîné, se forçant un peu pour manger -chez lui, toute sensation de peine ou de bien-être suffisaient à le remplir, et dans de très nombreux cas, il perdait l'appétit.- sous l'oeil attentif de son compagnon. Tiquant un peu tandis que le comlink sonnait dans le vide, il se raccrocha au fait que Karm ne paraissait pas spécialement inquiet. Après s'être glissés sous les couvertures, les deux jeunes hommes ne tardèrent pas à s'endormir d'ailleurs.

Un rayon presque froid mais lumineux réveilla le blond, habitué à se lever à l'aube pour faire ses exercices matinaux. Il se souvint qu'à l'adolescence ceux-ci lui coûtaient car bien qu'il ne soit pas sédentaire, il n'avait pas alors le même rythme que les Jedis les plus athlétiques. Grâce à Karm, sa condition physique s'était nettement améliorée. Ses cheveux blonds coulaient sur une poitrine d'homme peu virile à cause du manque de pilosité selon les mauvaises langues, mais sa peau parfaite de Hapien protégeait des pectoraux aussi discrets qu'efficaces. Moins vite essoufflé qu'auparavant, capable de tenir sur de longues distances et connaissant mieux son corps -ses limites, ses capacités, sa résistance ainsi que quelques astuces pour maintenir son endurance.- il était indéniable que le jeune Jedi allait mieux. Cela s'était d'ailleurs répercuté sur son mental, et dans ses moments de doutes il se raccrochait parfois à cela. Loin de songer à une esthétique dont il ne savait rien de toutes manières, le Hapien pensait que Karm l'aidait à avancer, tant physiquement que psychologiquement, ce qui devait contenter le Conseil. Il n'y avait donc aucune raison pour qu'on les brime ou les sépare. Preuve en était ce "duel" à mains nues lui rappelant d'ailleurs un de ses premiers exercices avec Saï. Cette fois l'Ark-Ni n'eût pas à le laisser gagner, par la ruse et via des gestes fluides, bien coordonnés, Luke le fit chuter. Il se doutait que le Gardien ne donnait pas tout dans ce combat inégal, cependant il se sentait plus efficace. En tant qu'homme, aimant les hommes par ailleurs, le Jedi connaissait bien l'anatomie humaine. C'était ce qui l'avait d'ailleurs plusieurs fois sauvé y compris face à des femmes comme Jenny, frapper au point de rupture, celui qui faisait mal. Plier l'objet encombrant en suivant les lignes tracées pour se faire, n'était-ce pas ce que suggérait les tutoriels de bricolage? Au fond c'était pareil pour les êtres vivants. Un fait aussi vivifiant que perturbant.

Le combat à mains nues était une bonne alternative au sabre, quand bien même Luke s'améliorait aussi un peu dans ce domaine. Il se prêtait donc à l'exercice avec sérieux, malgré sa nature pacifique. Il fallait bien savoir se défendre, et puis il espérait pouvoir soutenir Karm lors de missions plus dangereuses. C'était une de ses grandes motivations: à deux lames, ils auraient plus de chances de réussite et l'Ark-Ni cesserait de toujours risquer sa vie.

- Et après tu me traites de vil flatteur? Je te connais, tu t'es laissé tombé! Je suis d'accord pour le droïd. Lui ne me laissera pas gagner, au moins, et je pourrai connaître mon vrai niveau.

S'amusa le Hapien, heureux de constater que son ami ne cédait plus de manière aussi visible, parfois caricaturale qu'avant. Au-dessus de son camarade, il attrapa ses poignets pour les coller au sol, au-dessus de la tête de son soi-disant adversaire et le mettre hors d'état de nuire. Un baiser de vainqueur plus tard, Luke s'était glissé sur le côté pour se redresser.

-Hey? Tu ne serais pas en train d'anticiper le petit-déjeuner toi?

Embrassé presque par surprise, le jeune homme répondit longuement, fermant les yeux. Son retour de baiser n'était pas très chaste, un peu surprenant de sa part, mais la solitude lui permettait toujours de sortir de sa carapace, de laisser s'exprimer des désirs qu'il craignait encore en partie pourtant. Cependant sérieux de nature, le Hapien cassa le baiser en douceur pour vraiment s'étirer. Ils avaient encore de longues heures de marche devant eux, inutile de risquer une foulure ou pire.

- Pour en revenir à l'absence de prédateurs... Un brusque changement climatologique aurait-il pu y contribuer ou penses-tu à quelque chose de plus artificiel?

Après un travail des bras et des jambes sensés éviter les courbatures mais aussi les assouplir, le jeune Jedi disposa deux grandes feuilles cueillies la veille devant lui. Il attrapa deux fruits également récoltés la veille et les brisa dedans. Le végétal servant de coupelle conservait le jus sucré des mets, aptes à les nourrir bien plus sainement que les capsules nutritives.

- Toujours aucune réponse par comlink? On appelle le Temple pour savoir si l'ExploCorps leur aurait envoyé un signe?

Supposant qu'ils étaient encore trop loin pour essayer un appel via la Force, Luke n'essaya même pas, un bout de fruit rouge dans la main, attentif à la réponse et surtout désireux de cacher l'angoisse qui dormait au fond de lui. Il avait beau sillonner les alentours par le biais de la Force, il ne ressentait rien. Certes, le campement était très loin encore, mais même les herbes semblaient cacher peu de vie, et aucun passage, aucun sillon n'indiquait la présence de Jedis sensés couvrir de nombreux kilomètres pour faire des recherches. Vu sa sensibilité extrême, le Hapien avait l'habitude de capter la moindre particule d'auras sur de grandes étendues, surtout planes. Bah, ce devait être son imagination saupoudrée d'une certaine paranoïa.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Artificiel ? Non, je pense pas.

L’exploration géographique et cartographique avaient été les premières spécialités de Karm au sein de l’ExploCorps, mais il avait rapidement appris à se familiariser avec les autres savoirs liés à ses fonctions. Il n’était pas un spécialiste d’évolution des espèces ni d’écologie, mais, comme tout explorateur, il devait comprendre assez les travaux des chercheurs, jedis comme républicains, pour être en mesure d’identifier les planètes les plus prometteuses. L’exploration était peut-être plus exigeante encore intellectuellement que physiquement, et c’était sans aucun doute ce défi perpétuel qui intéressait tant le Chevalier, qui avait le goût du dépassement de soi chevillé au corps.

— Les scans planétaires qu’on a accompli avant d’installer le camp avancé ne révèlent rien d’artificiel sur la planète. Alors évidemment, c’est toujours imparfait, ça veut pas dire qu’il y a pas des espèces intelligentes avec des civilisations sur ce continent ou sur un autre, mais elles sont probablement loin de l’âge industriel et certainement pas en état de constituer un perturbateur écologique généralisé. L’idéal, ce serait de trouver des fossiles, je suppose, pour se faire une idée. Y a des chances, ça arrive, parfois, quand on prospecte pour du minerai.

Et c’était surtout un excellent argument pour convaincre les grandes universités républicaines d’investir de l’argent dans des missions d’exploration paléontologique. Peu à peu, Karm essayait de se familiariser avec ces aspects les moins captivants de la vie de la recherche. La beauté de la science et de la découverte ne suffisait pas toujours à justifier les expéditions, et s’il s’en était offusqué d’abord, il avait fini par comprendre que toute société devait se définir des priorités dans l’allocation de ses ressources.

La seconde question de Luke fut accueillie avec un haussement de sourcil. Karm savait bien que tout ce que la vie d’explorateur comportait d’incertitude et d’improvisation était étranger aux habitudes bien réglées de son ami et le perturbait au plus haut point. Il s’en était déjà rendu compte dans leurs précédentes missions. Mais les protocoles de l’ExploCorps, qui avait par définition affaire à l’inconnu et à l’inédit, étaient beaucoup plus souples que ceux d’autres branches de l’Ordre.

— Nope, répondit-il doucement, si y a un problème, on va voir nous-même, on essaie de régler nous-même, et on alerte le Temple que si on est face à un mur.

La vie dans les Corps Auxiliaires avait ses avantages et ses inconvénients. D’un côté, on n’était rarement prioritaire dans les missions de l’Ordre et beaucoup des efforts consentis pour la diplomatie ou la guerre faisaient de l’ExploCorps l’un des parents pauvres des Temples Jedis mais, de l’autre, une relative indépendance permettait de poursuivre ses missions sans trop s’inquiéter du vent politique qui changeait de direction.

— T’inquiètes, pour l’instant, tout est sous contrôle. Ce genre de choses arrive. Si tout se passait comme prévu, par définition ces missions seraient inutiles. On s’intéresse à ces planètes justement parce qu’elles nous donnent quelque chose qui sort de l’ordinaire. Allez. C’est parti.

Karm se releva avec souplesse et tendit la main à Luke pour l’aider à en faire de même, mais ce fut surtout pour l’attirer contre son torse nu et dépose un nouveau baiser sur ses lèvres. Quelques minutes plus tard, la tente était empaquetée, le Jedi pleinement rhabillé et la marche avait reprise. Il ne leur fallut ensuite qu’une bonne heure pour commencer à sentir la présence des autres Jedis et le déjeuner n’était pas encore arrivé quand ils pénétrèrent dans un petit camp bourdonnant d’activité.

Les tentes, plus solides que celle que les deux Chevaliers avaient prises, formaient un petit village au pied de la montagne, au centre duquel se dressait une antenne hérissée d’instruments de mesure. Quelques petits droïdes assez simples allaient et venaient pour remplir les tâches quotidiennes et en décharger les explorateurs, afin que ceux-ci puissent se concentrer plus entièrement à leur mission.

— KARM ! Maître, euh, Chevalier, Monsieur, Chevalier.

Un jeune homme venait de débouler d’entre les tentes. C’était un Zélosien qui devait avoir entre vingt-trois et vingt-huit ans, grand et athlétique, et ses yeux, d’un vert émeraude comme ceux de son espèce, pétillaient d’une intelligence vive. Dans la Force, sa présence était énergique et tourbillonnante, un peu désordonnée, et semblable à celle d’un Non-Sensible.

— Bonjour, Arel.
— On ne savait pas vraiment quand vous… tu… vous… euh…

Tout entier absorbé par la présence de Karm, Arel ne remarqua qu’après coup celle de Luke. Son regard se porta sur l’aveugle et il rosit légèrement.

— Désolé. Arel Tol Dir, de l’université de Coruscent, département de géologie. Je fais une thèse sur… Euh… Sur les méthodes de prédiction des propriétés électromagnétiques des minerais inconnus. J’avais fait une demande de stage auprès de Karm, euh, je veux dire, de l’Ordre, et du coup, j’ai eu la chance d’accompagner l’expédition ici.
— Et on a la chance de t’avoir, assura Karm, de toute évidence complètement inconscient du fait que le doctorant était tombé sous son charme, pour une fois que la coopération entre nous et les universitaires est pas un truc qui arrive après coup mais qui se construit sur la durée…

La vérité, c’était qu’Arel avait surtout voulu collaborer avec Karm. Il avait un cousin dans l’armée républicaine, qui lui avait parlé des événements de Pakuuni, et de ce Gardien Jedi qui avait combattu presque nu et qu’on appelait désormais très élégamment, dans les vestiaires de caserne, « Chevalier Troisième Bras ». Les militaires n’étaient pas toujours très subtils, mais c’était pensé comme un compliment.

Par curiosité pas très innocente au début, il fallait bien l’avouer, Arel avait écumé l’Holonet à la recherche de photos du fameux Torr, et puis il avait découvert son travail au sein de l’ExploCorps, dans des archives universitaires. Finalement, à l’intérêt un peu lubrique s’était mêlé un intérêt tout à fait intellectuel et professionnel, et le chercheur en herbe avait sauté le pas, jusqu’à se retrouver embarqué dans une mission où, à son grand désespoir, il ne fréquentait pas le Chevalier au physique tant vanté aussi souvent qu’il l’aurait voulu.

— Mais dis moi, on galère pour vous joindre au comlink, beaucoup plus que ce qui était prévu.
— Je sais, je sais. Les perturbations fluctuent énormément. On pensait que c’était statique, mais depuis une semaine, ça a monté en volume. On passe notre temps à réparer les droïdes et recalibrer les senseurs, mais personnellement, je parie sur un phénomène cyclique, dû à une résonance avec les mouvements des métaux dans le magma des couches profondes du globe.

Karm hocha lentement la tête.

— Makia est dans le coin ?

C’était la cheffe de l’expédition sur place, une Jedi qui avait à peu près l’âge de Luke et qui avait intégré l’ExploCorps sans avoir jamais tenté les épreuves de Chevalerie, très tôt convaincue que ses talents quasi inexistants au sabre laser lui barraient cette voie. Depuis, elle s’était fait une spécialité de l’organisation des camps d’études prospectives de ce genre-là et elle était réputée au sein de l’ExploCorps pour son efficacité méthodique.

— Par là, indiqua Arel en désignant une tente un peu plus grande que les autres, qui abritait ce qui tenait lieu d’administration centrale pour le camp.
— Et sinon, rien à signaler ?
— Ben c’est plutôt calme, cette planète, on va pas se mentir. Mais faut qu’on s’invente des problèmes, sinon, tu reviendras jamais nous voir…
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Luke retint un soupir de soulagement, si le phénomène était naturel, cela signifiait qu'à défaut d'être commun, il était contrôlé, normal pour cette planète. Assez scolaire dans sa manière d'agir, le jeune homme n'avait que rarement déçu le Conseil bien qu'en contrepartie, il manque d'initiative, d'autonomie, à l'instar de ces premiers de la classe, capables d'obtenir de brillants résultats mais appelant des centaines de fois le Centre de recherches, pour tout et pour rien. Par chance, le caractère de Luke l'empêchait de franchir la limite de l'insupportable, ses appels fréquents mais courts n'allaient donc pas jusqu'à rouiller la machine administrative croulant déjà sous les problèmes, ceci dit, elle se porterait mieux si le Hapien apprenait à prendre des décisions. C'était sans doute une des raisons pour laquelle on tolérait sa relation, laquelle l'avait déjà sensibilisé, le rendant plus humain donc, mais aussi parce que Karm était précisément ce qui lui fallait. En effet, l'Explorateur le poussait à sortir du giron de son cher Ordre, tandis que le blond l'y ramenait si le premier s'éloignait de trop. Ils s'auto-contrôlaient comme un genre de mini écosystème.

Débarassé de toute présence qui pourrait le déranger, le blond reçut le baiser avec moins de gêne qu'à l'accoutumée, d'ailleurs il le rendit avec une certaine ferveur, heureux de consolider leur relation sans prendre de risques. La proximité avec l'Ark-Ni le rassurait au moins sur la démarche à suivre: il avait un supérieur en qui il avait confiance pour le guider dans ces immenses plaines. Même si les choses dérapaient, le Consulaire se promit de conserver son sang-froid et de laisser la touche de son comlink refroidir justement.

Dès leur arrivée, une aura brouillonne apparut, Luke s'étonna de ne pas ressentir la Force chez l'individu mais obtint la réponse avant d'avoir pu interroger son ami via une onde courte et incisive. La voix appartenant vraissemblablement à un homme était également celle d'un universitaire. Il y avait donc des intervenants extérieurs au Temple. Curieux et intéressant.

-Luke. Appelez-moi Luke.- Précisa le jeune Jedi, désireux de calmer un peu le suffocant Zélonien. Il eut pour réflexe de lui envoyer une onde rassurante mais celle-ci s'évanouit dans les airs, dissolue comme quelques grains de sable sous une brise un peu trop forte. Ne sachant que faire d'autre, légèrement gêné par la proximité évidente entre Karm et l'étudiant, il se tut et se fit discret. Écouter était une de ses grandes capacités. Il l'utilisait à outrance en arrivant dans un lieu inconnu, cherchant à retenir le plus d'incides possibles sur les personnes, l'ambiance générale qui formeraient son monde le temps d'une mission.-

Le Consulaire fut heureux de remarquer que son ami ne s'alarmait pas du problème cyclique qui déréglait les droïdes. S'il pouvait essayer de résoudre un conflit ou même se confronter à un adversaire, lame au clair, le Chevalier était beaucoup plus démuni face à des problèmes d'ordre technique ou trop subtils pour qu'il puisse agir. L'informatique, la mécanique, il n'y comprenait rien et se méfiait -outre son cher Bip- de ces machines capables de défaillir n'importe quand, dénuées de présence au sein de la Force. Rien de tel que le vivant, comme la faune et la flore, pour communiquer.

Peu vexé de ne recevoir aucune attention sinon la minimale de la part d'Arel, le jeune Hapien s'effaça volontiers, suivant le duo jusqu'au centre. Il admirait secrètement le bonheur du Zélonien, lequel se traduisait par sa présence, son ton enthousiaste et précipité qui voletait autour de Karm tel un insecte récoltant le pollen des meilleures fleurs. Cela prouverait à Karm combien il était compétent, apprécié par ses collègues s'il en avait besoin. Fier de lui, le jeune homme lui envoya une légère onde malicieuse. Décidément, cet Arel semblait incapable de se passer de son cher Chevalier aux boucles argentées. S'il n'avait pas eu autant confiance en lui, et n'avait pas été aussi aveugle sur ce point, Luke aurait pu commencer à éprouver de la jalousie.

Makia fit son apparition, c'était une Jedi de quelques mois l'aînée de Luke. Calme et posée, la jeune femme aux rondeurs légèrement marquées avait un visage poupon malgré ses activités physiques sur le terrain. Elle sourit pour accueillir le superviseur, tant attendu visiblement.

-Bonjour Karm, Chevalier?

-Kayan. Mais vous pouvez m'appeler Luke. Seriez-vous Makia, par hasard?

Fit le jeune homme, peu regardant sur son titre et surtout désireux de s'intégrer. Il était habitué aux manières plus formelles dans le Temple mais avait vite remarqué qu'ici, tout le monde s'appelait par son prénom. Autant se plonger dans l'ambiance dès le début, bien que part habitude, il ait conservé le vouvoiement.

- Oui c'est moi- affirma l'humaine aux cheveux sombres et courts. Hormis sa taille ne dépassant pas les 1m55, elle était comiquement tout le contraire du Hapien: rondelette, le cheveu d'un noir luisant, fin et assez rare, elle abordait des pomettes joufflues, un air de gamine accroché au visage. De ce côté-là remarque, Luke non plus ne faisait pas son âge.- - Je suppose que vous voulez savoir où on en est? Il y a eu quelques découvertes mineures sur les minerais. Hihi, mineures sur les minerais...

Comme pour l'encourager et ne pas laisser la blague tomber dans le vide, le blond sourit, dévoilant de petites perles blanches parfaitement alignées, là où Makia les avaient grandes, de couleur ivoire quoique bien propres. Entre ses bras, elle tenait une pile d'archives miraculeusement bien empilées, sans un coin froissé ou qui dépassait: cette fameuse organisation doublée d'une efficacité redoutable dont le Hapien ne pouvait évidemment pas profiter.

- Et la faune? Avez-vous pu étudier quelques paramètres la concernant?

Confusément mais de manière sympathique, la scientifique lui expliqua que oui et non à la fois tout en invitant les Jedis à la suivre. Derechef, le Hapien apprécia sa sobriété, laquelle n'empêchait pas un beau sens de l'accueil. Il la sentir passionnée par son travail-il fallait l'être pour s'isoler des mois durant avec une équipe réduite et des tubes à essai sur une planète pas vraiment peuplée, sans doute. - Insouciant, très heureux de pouvoir sortir son calepin-irremediablement neuf après diverses missions chamboulées- pour prendre des notes, apprendre dans un lieu sécurisé et tranquille. L'action ne le rebutait pas, il était Jedi, mais un peu de calme était d'autant plus appréciable. Il allait enfin pouvoir faire valoir son côté intello.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
Il y avait quelque chose de particulier dans la manière dont tous ces gens considéraient Karm, et, comme c’était la première fois que Luke côtoyait son compagnon au milieu de celles et ceux avec qui il collaborait au sein de l’ExploCorps, c’était aussi la première fois qu’il avait vraiment l’occasion d’observer l’attitude de ses collègues à son égard. Jusqu’ici, les autres regards de l’Ordre sur l’Ark-Ni auxquels Luke avait été confrontés avaient été ceux des Sentinelles, plutôt méfiants.

Ici, Karm était un peu une star, à sa petite mesure. Dans cette mission tranquille qui ne devait pas poser de difficultés, il était le seul Chevalier de l’équipe et il arrivait auréolé de la double réputation de ses missions d’exploration périlleuses, sa grande spécialité, et de ses faits de guerre. Sa dégaine de baroudeur taciturne suscitait l’admiration des jeunes recrues de l’ExploCorps. Karm n’avait pas tout à fait conscience de sa réputation, ni d’incarner, à première vue, le stéréotype fantasmé de l’explorateur sans peur et sans reproche, qui bravait les dangers dans les milieux hostiles.

Si l’estime que Makia avait pour Karm était beaucoup, beaucoup, beaucoup plus chaste que celle d’Arel, elle n’en était pas pour autant moins vive et l’exposé auquel elle entreprit de se livrer fut d’une remarquable exhaustivité. Les mains dans les poches, les yeux fixés sur les hologrammes qui défilaient au rythme des explications, l’Ark-Ni restait impassible, alors que Makia listait les espèces découvertes, pour la plupart assez petites et décrivait le système présumé de la niche écologique.

Des prédateurs, il y en avait bien, et même d’assez nombreux, mais c’était des carnivores de petite taille, rapaces, poissons, canidés ou félins, qui régulait la population des espèces. Quant à savoir s’il s’agissait d’une exception pour les plaines ou d’un cas général pour l’ensemble du continent voire de la planète et quant à déterminer rétrospectivement l’évolution des espèces de ce monde et ses facteurs, c’était une toute autre histoire, que l’équipe en place n’était pas compétente pour écrire.

Les minerais eux-mêmes étaient prudemment extraits, mais le processus était lent, à cause des dysfonctionnements fréquents des équipements et de l’absence de cavités souterraines considérables dans la montagne, qui imposait aux explorateurs de forer eux-mêmes leur chemin dans une structure qu’ils ne parvenaient que malaisément à sonder. Il fallait donc de la prudence et beaucoup de patience, deux qualités fort heureusement très cultivées au sein de l’Ordre Jedi.

Puis les explications furent terminées et le silence s’installa. Karm était plongé dans ses réflexions, et il ne se rendit pas tout de suite compte que ceux qu’il ne considérait pas vraiment comme ses subordonnés, mais qui l’étaient bien en réalité, attendaient de lui un commentaire ou une marque d’approbation. Il se passa plusieurs secondes pendant lesquelles l’Ark-Ni resta muet et contemplatif, avant de se rappeler à ses devoirs de leader, somme toute encore nouveaux pour lui.

— Hm. Oui. C’est bien.

Beaucoup trop sobre, probablement ? Karm commença à se sentir mal à l’aise.

— J’veux dire, vraiment, hein, c’est du beau travail, vous dépassez même les objectifs de la mission, mais, dans le bon sens, hein, et ça prendra le temps que ça prendra, c’est pas un problème.
— Oui, enfin, moi, je pars dans deux semaines, se risqua à intervenir Arel, j’ai le TD sur les cristaux à donner lors du prochain semestre à l’université, du coup…

Karm hocha la tête.

— Mais tu as assez d’échantillons pour commencer tes recherches ?
— Je pense, oui.

Arel hésita avant de tenter :

— Je peux te montrer mes notes, si tu veux.

Makia réprima un sourire. L’obsession pas tout à fait professionnelle du Zélosien pour Karm n’avait pas vraiment échappé au reste de l’équipe et, quand l’Ark-Ni n’était pas là, on chambrait souvent amicalement son admirateur transi sur son attitude en sa présence.

— Enfin, vous les montrer, à tous les deux, se rattrapa le jeune chercheur.
— Pourquoi pas. Makia ?
— On verra les autres au déjeuner, dans une demi-heure. Ici, on pourra jeter un œil…

Elle eut un regard embarrassé pour Luke.

— … enfin, je veux dire, aller faire un tour au site d’extraction.
— Parfait. Arel, on te suit.

Le chercheur les conduisit hors de la tente. Ils traversèrent le camp, qui semblait être bâti pour abriter en tout et pour tout une douzaine de membres peut-être, et pénétrèrent dans une autre temps, où Arel avait pu installer un laboratoire somme toute assez rudimentaire. Les deux Jedis eurent le droit à un nouvel exposé, des plus professionnels, malgré le béguin du doctorant pour Karm, mais peut-être beaucoup trop technique pour eux. Arel n’était pas encore rompu à l’art de la vulgarisation.

— Si le rapport pouvait être un peu plus, euh…

Karm chercha la présence de Luke dans la Force, comme à chaque fois qu’il était en quête d’une formulation diplomatique.

— … enfin moins spécialisé, tu sais, comment dire…
— C’était incompréhensible, hein, dit Arel d’une voix penaude.
— Incompréhensible, je dirais pas ça comme ça, pas vrai, Luke ? Juste, euh… C’était dense. Oui, voilà. Dense. Vraiment très dense.
— Désolé.
— Mais ça a l’air très intéressant. Et impressionnant.

Tout ce que Karm avait vraiment compris, c’était que le minerai dégageait des pulsations électromagnétiques régulières qui perturbaient les appareils électroniques tout autour de lui, ou plutôt, qu’il reflétait — mais était-ce bien le terme exact ? — le champ magnétique planétaire d’une manière singulière. Arel en était cependant encore à déterminer si le métal conserverait cette propriété qui pouvait être utile une fois transféré sur une autre planète.

— Tu pourras venir me voir sur Coruscant, quand je serai plus avancé, et promis, je serai plus clair.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Tout à son bonheur de constater l'effet de Karm sur l'étudiant et la -presque- chevalière, Luke suivait tranquillement derrière. Il redressait seulement la tête lorsque son nom résonnait ou qu'une remarque le concernait.

- Oh je pourrais bien jeter les deux vu leur état!

Plaisanta le Hapien, très capable d'autodérision au sujet de son handicap alors qu'il n'acceptait guère de remarques y compris détournées sur sa sexualité. En tout cas, sa réponse avait fait mouche, après quelques longues secondes de blanc, Makia sembla saisir que la blague venait du propre handicapé, la tension et même le début d'indignement disparurent au profit d'un éclat de rire. Luke esquissa un petit sourire avant de reprendre la route. Il s'était vite effacé pour que les projecteurs éclairent à nouveau l'Ark-Ni, si gêné soit-il parfois. Résistant au désir de voler à son secours, le jeune homme contempla ses progrès et lacunes tandis qu'il répondait aux oreilles suspendues à ses lèvres. Arel surtout semblait attendre beaucoup de Karm, probablement parce que c'était son maître de stage -ou quelque chose dans ce goût là.- doublé d'un explorateur chevronné. Au fil de ses études, le Zélonien aurait peu l'occasion de rencontrer un jeune Chevalier dynamique, anticipant certainement de longues conférences récitées par d'éminences aux cheveux gris, blancs voir inexistants, il profitait de ses dernières semaines sous la tutelle de Karm. Ce n'était pas le blond qui contredirait son choix, lui-même enchanté des enseignements de son ami, bien qu'ils soient parfois un peu trop vivants, trop brutaux Cf le symbiote qui avait voulu fusionner avec son joli cou gracile.

- Dense et limpide pour des experts, et encore des experts dans votre domaine, en effet, au long de votre carrière, vous devrez souvent faire face à un public moins averti. Des civils, des étudiants voir d'autres scientifiques ayant étudié dans des branches parallèles sans accéder à votre spécialisation. - Compléta le Hapien en laissant couler la dernière remarque bien qu'elle lui avait paru audacieuse. Sans doute l'émotion couplée à l'adrénaline.- de nombreux centres de recherche ont recours à des partenariats, ce qui implique que le géologue doit pouvoir s'expliquer avec l'Historien de manière simple et efficace sans égarer les principales donnés en cours de route et réciproquement. La capacité à synthétiser ainsi que celle à vulgariser font parti du profil d'un bon chercheur.

La propre voix de Luke, limpide, douce quoique ferme illustrait ses propos. Avec le temps son éloquence s'améliorait, au point que le surnom de "somnifère" se baladait un peu moins des les couloirs. Flexibiliser son discours, l'adapter à l'âge, les capacités mentales et le parcours de son interlocuteur étaient un mal nécessaire que le diplomate était encore en train d'apprendre... Avec les aspirants de 5 ou 6 ans par exemple.

De même, lorsqu'il avait étudié la criminologie pendant quelques semaines à Coruscant, il avait déduit, au fil des cours, que c'était les collaborations ingénieuses de toutes sortes d'experts qui permettaient de démasquer puis d'attraper les pires criminels. Dans l'une des affaires, un géologue avait déterminé que la terre sous les ongles de la victime pouvait uniquement provenir d'une planète désertique, cet indice enrichi par un zoologue ayant trouvé des insectes particuliers dans les cheveux avait mené les enquêteurs sur Tatooine. C'était enfin, un expert en fibres qui avait déterminé de quelle boutique provenait l'unique fil en soie couché sur les vêtements de la malheureuse. Des infiltrés avaient pisté un criminel et le réseau de trafic d'esclaves de luxe en partance de la planète sableuse avait finalement été démonté.

Espérant avoir suffisamment aider Karm sans sembler le couver, le jeune Jedi laissa Arel méditer sur leurs propos joints. Il s'approcha d'un échantillon qui eut tôt fait de le dépeigner à cause de l'électricité statique. Le Chevalier rangea ses mèches autant que possible avant de passer à l'examen du reste. Ayant prit le minimum pour survivre il se retrouva toutefois bloqué sans sa précieuse liseuse- qu'il avait en outre, ne pas voulu risquer de dérégler.- et fut forcé de renoncer aux notes (le peu présentes en ces lieux, sachant que d'après le Zélonien, la majorité se trouvait ailleurs, sûrement dans son "bureau"). L'écrit selon lui, surtout les brouillons, révélaient la véritable personnalité, la passion du chercheur car on trouvait couchées là, ses pensées sans ordre ni formes. Il aurait aimé découvrir les premières remarques d'Arel, ce qui lui avait sauté aux yeux lors de ses premières explorations, histoire de démêler l'homme derrière son langage ampoulé presque forcé.

- Tous les combien de temps croyez-vous que le possible cycle se produit? - Interrogea le Hapien, ce qui laissa Makia dubitative un instant. Elle entortilla une de ses boucles brunes autour de ses doigts bien en chair, signe qu'elle réfléchissait intensément avant de formuler sa réponse.-

- Je ne sais pas s'ils durent longtemps mais je pense que ce n'est pas fréquent parce qu'on est là depuis plusieurs semaines et c'est la première fois que ça arrive.

- Il serait intéressant de voir en quoi cela influence la vie sur cette Terre. Ces pulsations sont-elles ressenties par les animaux, lesquels pourraient d'ailleurs les prendre pour des menaces comme lorsqu'une catastrophe naturelle est sur le point de se produire. Sont-ils plus agités? Et surtout la flore, comment absorbe-t-elle cette électricité?

Commenta le jeune homme à haute voix. Sans rien répliquer, sachant que Luke avait endossé le rôle de chercheur et posait des questions rhétoriques plus que personnelles, Makia nota ces idées qu'elle aurait certainement fini par avoir. Intérieurement, le Jedi espérait que le phénomène ne prenne pas trop d'ampleur, il fallait bien qu'ils décollent dans quelques jours, et la faune pourrait se trouver gravement affectée à force, si la fréquence et la force desdites pulsations augmentaient. Les neurones communiquaient via des ondes électriques et le coeur fonctionnait également de la sorte, ces ondes pouvaient-elles abîmer cette mécanique bien huilée? Altérer les signaux des nerfs? Luke n'était pas du tout rôdé en ce qui concernait la géologie, encore moins l'exploration en général, toutefois il avait une bonne formation médicale et il s’inquiétait donc naturellement pour les colons.

- C'est l'heure du déjeuner. Karm, si tu sais encore où se trouve la tente-cantine, depuis le temps qu'on ne te vois plus.

Pour la première fois sans doute, l'intervention d'Arel dérangea légèrement Luke. Il trouvait l'étudiant un peu accaparant, encore une fois ce devait être à cause du stress ou de l'adrénaline. À moins qu'il ne soit juste heureux de parler de son sujet favori avec son mentor favori, mais cette manie constante de ramener l'attention du chevalier turquoise à lui, pour tout et pour rien commençait à briser l'harmonie tranquille de l'échange. Conciliant, le Hapien se fit une raison, cet étudiant avait encore tout à prouver, quelque part il devait rêver d'en apprendre davantage pour ses examens ou son "TP" auprès du fameux Karm Torr. L'idée fit à nouveau sourire Luke qui se plaça naturellement et par automatisme juste à droite de son ami, lequel le guidait toujours via son aura. Il n'avait pas du tout remarqué le regard noir que venait de lui jeter Arel, ni son ressentiment.

- Alors, tu viendras, sur Coruscant, me voir?

Luke trouva le pauvre étudiant bien peu ancré à la réalité. Karm était suffisamment gentil pour bien vouloir le contenter, mais il n'en aurait certainement pas le temps entre deux missions. Pourquoi au fond, cette idée réconfortait le jeune Jedi? Pour sa part, Makia inondait les lieux de sa bonhomie, surtout lorsqu'Arel s'adressait au superviseur. Ce dernier, incapable de feindre que Luke l'importait, semblait l'amuser beaucoup. Elle tenta d'amener Luke à elle pour confier le secret exaspérant et adorable d'Arel mais pour l'instant c'était peine perdue. En même temps, l'inviter de frénétiques quoique discrets moulinets de la main...
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Ben j’suppose que si les résultats sont prometteurs, le projet va continuer, oui, répondit Karm à l’invitation d’Arel, sans tout à fait comprendre que le jeune chercheur l’invitait moins dans son bureau sur Coruscant que dans sa chambre.
— Pour sûr que le projet va continuer, insista celui-ci avec beaucoup d’optimisme, alors qu’ils débouchaient dans la tête cantine.

Ce fut la tournée des salutations et des présentations, à mesure que Luke rencontrait chacun de la douzaine de membres qui formaient l’équipe d’explorations. À part Arel, ils étaient tous des Auxiliaires de l’ExploCorps, jeunes pour la plupart, comme il arrivait souvent dans les missions peu dangereuses. Certains avaient l’âge de Luke, d’autres un an de plus, d’autres encore quelques années de moins. Malgré tous, ils étaient déjà des professionnels chevronnés, bien formés par l’Ordre et habitués à ce genre de missions.

Les conversations demeurèrent d’abord un peu formelles, alors que chacun y allait de son petit rapport aux deux Chevaliers. On avait commencé à étudier les mouvements des oiseaux pour estimer si les perturbations électromagnétiques influaient les migrations et on imaginait réaliser des prélèvements. On avait des problèmes avec la mine ouverte petit à petit, à cause de la structure fragile de la montagne. On avait trouvé des signes d’outillage, plusieurs dizaines de kilomètres au nord, sans être en mesure de les dater ni de déterminer s’ils appartenaient à des animaux un peu plus intelligents que les autres ou bien à une véritable civilisation en développement.

Et puis, les formalités expédiées, les discussions se firent plus libres. Karm et Luke eurent droit à leur lot de questions sur ce qui se passait au Temple d’Ondéron, où tous les Auxiliaires avaient leurs amis, sur les nouvelles du front, évidemment, et sur leurs propres exploits, qu’ils supposaient considérables, dans les événements récents. Karm offrait invariablement les réponses laconiques dont il avait la spécialité, sans que cela ne paraisse décourager les autres explorateurs, bien au contraire : c’était précisément ce qu’ils attendaient de lui, une sobriété de baroudeur, qu’ils associaient spontanément à de la sagesse et de l’expérience.

Le repas ne traîna pas malgré tout, chacun étant conscient de tout le travail qui restait à accomplir. Les groupes se dispersèrent pour retourner à leurs activités et Makia, Arel, Luke et Karm se mirent en route avec ceux qui s’occupaient de l’installation de la mine. Arel supervisait la partie scientifique mais c’était un ingénieur de l’ExploCorps qui réglait les détails techniques, un homme de vingt-huit, vingt-neuf peut-être, au visage sombre et à la voix rauque, peut-être pas tout à fait humain, sans qu’il fût facile toutefois de deviner ses origines. Il s’appelait Nurik.

— On a creusé près de deux cents mètres dans la montagne sans trouver de cavités, comme je disais au déjeuner, expliqua-t-il, alors qu’ils approchaient, sous le soleil et dans la chaleur à nouveau torride, du pied de la montagne, mais en contrepartie le minerai lui-même est assez uniformément réparti jusque là.
— Tu parlais de problèmes de structure ?
— La roche est peu solide et les galeries n’arrêtent pas de s’effondrer. C’est ça plutôt que la dureté du matériau qui ralentit notre progression. On renforce les parties ouvertes avec des arcs métalliques et des bâches de sécurité, ça fait l’affaire, mais c’est lent et fastidieux.
— Je croyais que c’était une formation volcanique, un genre de basalte bien solide, s’étonna Karm, en se tournant vers Arel.

Sous le soleil, en pleine photosynthèse, le Zélonien était encore plus bouillonnant d’énergie qu’à l’ordinaire. Le climat de la planète profitait considérablement à sa physiologie végétale.

— Oui et non. La, hm…

Il s’interrompit un instant pour réfléchir à une explication aussi pédagogique que possible.

— La montagne est en quelque sorte u n gros tas de cendres, de roches pulvérisées, et probablement en son coeur un structure basaltique plus solide. Avec les temps, la gravité a tassé les dépôts cendreux pour leur donner une certaine densité, mais dès qu’on ouvre une galerie, ben… ça se tasse, encore, mais sur nous.
— Des blessés ?

Nurik secoua la tête.

— La Force en soit louée, c’est pas des effondrements brutaux, on les voit venir un moment à l’avance. C’est juste pénible.

Ils étaient arrivés au pied de la montagne et un petit chemin rocailleux les conduisit enfin au site de forage. Karm sonda la présence de Luke à travers la Force, pour s’assurer que l’Hapien se portait bien, avant d’emboîter le pas à Nurik dans la galerie. D’abord large, elle devenait plus étroite, à mesure que les mineurs s’étaient rendus compte de la fragilité des lieux et du coût en matériel pour consolider le chemin.

En soi, il n’y avait pas grand-chose à voir et la visite, purement informative, fut de courte durée. Une heure plus tard à peine, ils étaient à nouveau à l’air libre, sauf Arel et Nurik, restés à l’intérieur, pour discuter de la suite des opérations. Quelques mètres à gauche de l’embouchure, Karm s’entretenait avec des Auxiliaires en charge du forage. Makia, elle, rejoignit Luke.

— Alors ? Vous trouvez ça comment ? C’est pas exactement la mission la plus trépidante qui soit, mais enfin, c’est toujours captivant, de découvrir l’inconnu. Puis y a des gens qui sont très excités quand même par tout ça. Comme Arel. Bon, faut avouer que pour une part, il y peut rien, avec tout ce soleil, pour un Zélonien… Et puis le sex appeal de Karm lui fait tourner la tête.

Et Makia se laissa aller à un nouveau rire enthousiaste, qui devait résonner souvent dans le camp de l’ExploCorps.[/justify]
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Malgré la chaleur, Luke suivait le rythme. Il ne faudrait pas que l'expédition s'attarde plusieurs heures, certes, mais jusque là, le Jedi profitait de son bon entraînement. Une gorgée d'eau plus tard, le blond explorait le tunnel à sa manière. Quand ce dernier devint plus étroit, il progressa lentement pour éviter les égratignures sur ses coudes, lesquelles cuisaient ensuite, désagréable petite torture, presque douce mais surtout constante. Placé juste derrière Karm la majorité du temps, il alternait parfois avec Nurik, plutôt sympathique malgré sa voix rauque. D'une onde de Force, le Hapien partagea son soulagement à l'annonce que personne n'avait été blessé par les effondrements de parois. Là, maintenant, bloqué avec ses compagnons et sa cécité en prime, le Chevalier ressentait une double joie, pour les Auxiliaires vivant, étudiant sur place, et pour lui-même car il serait incapable de réagir très vite dans un lieu si restreint. Rassuré, bercé par l'ambiance studieuse, le blond évoluait dans son élément. Un élément devenu étranger à cause de missions qui s'enchaînaient. Quant à celles qui ressemblaient jusque là à de la recherche, elles finissaient par se tordre, preuve en était Belsavis. Cette fois-ci Luke espérait que les Virus, les Siths et autres catastrophes prendraient des vacances, car bien que la géologie ne soit pas sa spécialité, très loin de là, même, il se plaisait beaucoup à prendre des notes malgré l'obscurité. Un point pour les aveugles, un!

Arel contre qui il n’éprouvait déjà plus aucun grief -s'il en avait déjà vraiment eu un.- s'expliquait de manière plus claire. Jugeant que son petit discours avait fait mouche, le Chevalier approuva l'attitude plus pédagogique du Zélonien. Voilà donc la raison de son enthousiasme toujours plus visible, c'était en partie le soleil qui faisait bouillonner la sève galopant dans ses veines. Cette race avait toujours fasciné Luke qui appréciait la nature et aurait aimé en être plus proche. Du coup il aurait volontiers échangé la sienne, beaucoup plus artificielle, produit d'éprouvettes, pour celle du jeune chercheur. Peu jaloux néanmoins, le Jedi se promit de formuler quelques questions pour Arel, du moins, si leur relation naissante lui offrait l'occasion d'un rapprochement ponctuel invitant à une certaine confiance. Étrangement, Luke pressentait que cela n'arriverait pas, pourtant lui-même s'adaptait avec facilité à autrui, et s'il avait très peu d'amis, triés sur le volet, ses ennemis se comptaient également sur les 5 doigts de la main. Tranquille, conciliant et adaptable, Luke n'était pas désagréable, parfois un peu ennuyeux tout au pus. Quelque chose lui soufflait cependant qu'Arel risquait de le prendre en grippe et que la réciprocité n'était pas impossible.

Ah.

Ce devait être pour ce que venait d'annoncer Makia. Sans doute. Les phrases du Zélonien bondirent dans sa tête et il se souvint de l'attitude d'une des Soeur de Belsavis à son égard. Karm s'était aperçu du manège et l'avait avisé, peut-être juste par réflexe ou par jalousie, il l'ignorait. Tout comme Arel, la femme avait essayé d'ignorer l'accompagnateur, c'était forcément ça, oui. Après une profonde réflexion qui n'avait, d'un point de vue extérieur, duré que quelques secondes, le Hapien choisit de sourire. La bonne humeur de Makia était contagieuse, et somme toute, Luke avait confiance en Karm. Après avoir résisté à Noctis, il n'aurait aucun mal à ne pas se laisser séduire par Arel. Qui plus est, Makia ne semblait aucunement gêné par cette attirance homosexuelle, était-ce lui le renfermé, le paranoïaque? Ou est-ce que les mentalités évoluaient avec une rapidité aussi surprenante que plaisante? Le jeune homme haussa les épaules avant de répondre sur un ton léger, faisant fi du très léger pincement qui enserrait son coeur.

- Ce doit être un mélange chimique des deux. Explosif.

Suggéra le Jedi sur un ton faussement scientifique. Il fit semblant de mesurer dans deux tubes à essais, quelle quantité d'atomes contenait le Sex Appeal de Karm et quel pourcentage de Soleil il fallait pour obtenir un bouillonnement d'hormones chez les Zéloniens. Il versa son premier produit imaginaire dans le second puis mima une explosion en écartant les mains. Makia se mit à rire de bon coeur, et Luke dut arrêter, craignant de paraître impoli aux yeux de Nurik, d'Arel lui-même et de Karm évidemment. Ce ne serait peut-être pas très agréable pour eux de revenir et les trouver en train de rire comme des gamins. Dans la même optique de ne pas avoir l'air d'un ado amoureux des potins ou amoureux tout court, il retint des questions à propos du fantasme hypothétique du Zélonien à l'endroit de son cher et tendre.

- C'est très intéressant, en effet -reprit-il plus sérieusement mais non moins sincère.- Même si je dois avouer préférer l'étude sur le vivant, notamment la faune. Je ne vois ni ne ressens les minerais, c'est donc objectivement de grosses pierres, plus ou moins rêches selon moi. Étudier quelque chose à laquelle je n'avais jamais touché reste cependant enrichissant.

Reconnut sans difficulté le grand curieux. Quoique limité par son handicap, Luke appréciait l'apprentissage sous toutes ses formes. C'était d'ailleurs ainsi que Saï avait attiré son attention puis sa confiance.

L'air pur retrouvé, à son grand soulagement bien qu'il ne l'avouerait pas, Luke était un peu pensif. Il réfléchissait aux dernières découvertes, aussi bien rocheuses qu'humaines. Il lui semblait incroyable, prodigieux de constater que le fait de rentrer dans un cercle professionnel ou amical changeait ladite perception du nouvel élément et la dynamique de l'ancien groupe. L'absorption, qu'elle se passe bien ou mal, était rarement sans conséquence, et cela lui semblait fascinant. Toutes ces auras diverses, ces caractères parfois opposés réunis autour de minerais dont une partie de l'équipe ne savait rien...

- Avez-vous étudié des spécimens vivants ? Si vous peinez à les attraper, je pense pouvoir faire quelque chose pour vous.

Comme par magie, un insecte particulièrement vif passa au-dessus de la chercheuse. Luke qui avait senti sa présence et entendu son bourdonnement le stoppa dans sa course pour le convaincre de se poser sur les doigts de la jeune femme. Elle pouvait déjà commencé par ce spécimen.

- Oh Mer-ci...

La bestiole ne tarda pas à s'envoler sous son regard médusé tandis que la troupe d'Auxiliaires revenait.

- Maintenant qu'on a fait le tour, quelles sont les nouvelles instructions? On continue ou on focalise les recherches sur le phénomène magnétique?

Demanda-t-elle, oubliant involontairement Luke. Ce dernier, pas du tout vexé se focalisa, tout en admirant une fois de plus, combien la parole de Karm, son avis et approbation comptaient. Certes, l'enthousiasme d'Arel l'agaçait un peu, surtout depuis que Makia lui avait, sur le ton de la plaisanterie, révélé la véritable raison, mais il appréciait de voir que la jeune femme compétente valorisait aussi son travail. Au moins, son évaluation était sincère, une belle preuve que Karm se faisait vraiment sa place au sein de l'Ordre. Il parviendrait à devenir Maître, Luke en était persuadé, et il se promettait de le soutenir.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Moi, j’vais rester ici jusqu’à ce soir, avertit Arel, quand il revint à la rencontre de Karm, qui lui-même avait rejoint Makia et Luke.

Comme quoi, tout le sex appeal de l’Ark-Ni ne suffisait pas à détourner le jeune chercheur de sa mission. Au fond, Arel était réaliste : en plusieurs visites, il n’avait jamais réussi à ne fût-ce que flirter avec Karm et il s’imaginait que les Jedis vivaient des existences entièrement monastiques. Quelle idée d’avoir le béguin pour un taciturne d’une espèce mystérieux, probablement hétéro et peut-être forcé au célibat !

— Oh.

Y avait-il une pointe de déception dans la voix de Karm ? Makia elle-même haussa un sourcil.

— Pas de problème.

Les regards des deux garçons se croisèrent et puis, avec un sourire et des papillons au ventre, Arel tourna les talons pour disparaître une fois de plus dans la galerie, alors que les trois Jedis reprenaient le chemin du camp principal. Dans la Force, l’aura de Karm était néanmoins restée imperturbable et il reprit aussitôt le fil de la conversation.

— Les instructions, c’est vous qui êtes les mieux placés pour les déterminer, hein, c’est vous qui êtes sur le terrain.

Ce n’était pas parce qu’il se retrouvait dans une position de pouvoir que Karm allait nier ses propres principes politiques. S’il voulait devenir Maître, c’était précisément pour que l’Ordre retrouvait ce qui avait été, selon lui, ses principes fondateurs et primordiaux : une certaine collégialité et un sens de la démocratie qui naissait de l’amitié et de la communauté des biens et des personnes. Pour Karm, la hiérarchie stricte qui dominait désormais l’Ordre devait beaucoup aux influences extérieures.

Et, de ce point de vue, il considérait que les explorateurs qui avaient fondé là une communauté, qui avaient éprouvé le terrain, appris à connaître les enjeux et les problèmes, devaient être les premiers à décider de la manière dont il convenait de poursuivre. Pour Makia, cependant, c’était une méthode assez exotique, et Karm avait bien conscience qu’on attendait de lui des indications plus solides. Alors il choisit d’adopter un compromis entre ses principes solidement ancrés et la nécessité de faire avancer les choses, en déclarant :

— Moi, comme ça, je dirais que les minerais, c’est une affaire qui roule, qu’ils ont trouvé leurs méthodes et leur rythme de croisière, et que les équipes de soutien peuvent se lancer dans leurs propres projets, par exemple en enquêtant sur ces traces d’outillage et sur la faune et la flore locales. C’est ce que les autres avaient l’air de trouver le plus intéressant, pas vrai ?
— On fera comme ça, alors, déclara Makia, comme si Karm lui avait donné un ordre formel.

Ce n’était pas exactement ce que le jeune homme avait espéré mais il apprendrait à s’en contenter. Il lui faudrait réfléchir à l’avenir à la manière de transmettre ses principes et de les appliquer de manière concrète, en prenant en compte les habitudes de ceux qui étaient initialement placés sous son autorité.

Une fois arrivés au campement, Makia les pria de les excuser, pour pouvoir commencer à prendre les dispositions nécessaires à ces nouveaux projets, ce que Karm approuva d’un hochement de tête. Les deux Chevaliers furent donc laissés seul à seul et l’Ark-Ni entraîna son ami sous un arbre, à quelques mètres des tentes, pour profiter de l’une des rares ombres naturelles qu’offrait l’interminable plaine. Quand ils furent certains d’être tout à fait seuls, Karm ne retint plus un long soupir.

— C’est super stressant, avoua-t-il, alors même que son attitude stoïque comme à l’ordinaire n’avait rien laissé paraître d’être qu’une maîtrise tranquille, la moitié du temps, j’suis pas sûr de ce qu’il faut faire, j’ai l’impression de conseiller des trucs à moitié au hasard…

Mais n’était-ce pas le propre de tous ceux qui avaient quelque chose à diriger, que de devoir composer avec leur ignorance et faire confiance à l’expertise de ceux qui travaillent pour eux ?

— … et puis, j’aimerais bien qu’ils se sentent indépendants, et capables, et tout, parce qu’ils le sont, t’as entendu comme ils travaillent, c’est du super boulot, mais j’ai toujours l’impression qu’ils veulent que, tu sais… Que je me comporte comme un tyran. Enfin pas un tyran, mais un autocrate.

Adossé contre le tronc d’arbre, Karm fixait les herbes hautes de la plaine, sans vraiment les regarder.

— J’ai pas dit trop n’importe quoi, hein ? J’veux dire, tout ça, c’est une situation simple, y a pas de crise, alors j’espère que je m’en suis sorti, genre, normalement…
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Arel s'échappa d'une scène probablement incommodante de laquelle Luke pouvait seulement capter une ou deux particules via la Force ou le timbre de voix. Sans se préoccuper davantage de l'étudiant, du moins en apparence, le Chevalier suivit docilement Makia et Karm, même si son silence n'était pas totalement innocent. Il apprenait de la matière en soi, et surtout observait autant que possible les interactions et réactions qui en disaient longs sur les dynamiques individuelles et colectives.

Lui-mêmee à diriger, suiveur plus que leader, le jeune homme songeait qu'il apprécierait ces ordres ni brutaux, ni intransigeants. Des suggestions aux yeux attendris par son compagnon qui sortait enfin de l'ombre. Lui se plaisait dans sa tranquille vie de chevalier sans désir d'évoluer. On lui avait parfois reproché de suivre le dogme Jedi de l'humilité presque à l'extrême, seulement c'était dans sa nature. À moins que, peu stimulé voir pas du tout dans son enfance l'avait mené à ce résultat? Dans tous les cas de figures il répondait calmement que la Galaxie était bien faite sauf les éléments perturbateurs: il y avait les guides et les guidés. Sans être métaphoriquement aveugle, le Hapien appréciait recevoir de fortes indications sur ce qu'il devait ou non faire, il daignait juste vérifier mentalement que l'Ordre n'allait pas contre ses principes avant de s'exécuter. S'en était parfois désolant, voir inquiétant, même si par chance, être tombé sur des personnes bienveillantes avait permis au Jedi de ne pas suivre une route erronée. On lui avait enseigné à posséder un certain sens critique, et sa nature l'avait doté d'une éthique innée inébranlable. Armé de ces deux vertus, il choisissait qui suivre et s'exécutait avec plaisir, aimant assister à l'avènement de celui dont il connaissait les projets futurs: devenir Maître, intervenir davantage dans l'éducation des apprentis et changer certaines imperfections de leur communauté.

Malgré leurs divergences, les disputes étaient rares parce que Karm savait obtempérer si on argumentait ses raisons. Du coup, il n'écrasait jamais Luke qui se serait peut-être fermé, soumis, après quelques échanges acerbes, craintifs de coups, mais surtout d'abandon. Tous deux savaient s'exprimer, y compris le blond luttant parfois contre sa nature docile car il ne manquait pas de courage à défaut d'indépendance. D'un petit sourire, le jeune homme encouragea son ami à poursuivre son échange avec Makia, moins fluide désormais, sans doute parce que le pauvre Ark-Ni était stressé. Le fait que son aîné ait parfois besoin de son soutien faisait fondre le coeur du Consulaire. Attristé par son mal-être mais également attendri, le Chevalier appréciait de participer autant que voir l'ascension de son ami même s'il craignait inconsciemment le jour où "formé" totalement par les bons soins de l'Ordre et du sien, l'explorateur devienne un orateur suffisamment qualifié, un homme assez sûr de lui pour ne plus avoir recours à lui, demeuré en arrière.

L'arbre bruissa longuement, aux prises avec un vent légèrement capricieux ou taquin avant que le blond ne décroche un mot. Il était resté immobile, les yeux rivés vers un horizon qui lui était invisible, signe d'une profonde réflexion avant de s'exprimer.

- Tu te débrouilles bien, surtout en leur offrant la possibilité de s'exprimer, d'ailleurs on voit qu'ils t'appprécient car tu les traité bien. Ilsne te respectent pas par peur ou défaut et ça c'est déjà une grande réussite. Cette égalité, c'est exactement ce que nous enseigne l'Ordre. Seulement il faut les pousser à s'y engager, pas juste proposer. Je m'explique: Je pense que ces Auxiliaires t'admirent parce que tu es un Chevalier Jedi, un rang auquel ils ont renoncé officiellement mais, qui, peut-être continue de leur rappeler leurs premiers rêves. Tu ne leur ait pas supérieur, puisqu'ils ont évolué dans une branche différente, mais inconsciemment eux, si, te voient comme un héros. Ils ont aussi envie d'apprendre de tes voyages, de te copier, tu es un modèle pour eux, encore jeunes et pas tout à fait construits. C'est un peu le fardeau du professeur aimé, ses élèves veulent lui ressembler. C'est après, avec le temps qu'ils apprennent à se détacher et conserver l'enseignement tout en se défaisant des manies, habitudes, du voile admiratif tendant parfois à l'obsession. La relation évolue sur un terrain plus égalitaire, neutre, laissant place à un respect mutuel. De part leur condition d'Auxiliaires, souvent et injustement décriée, moquée, ils manquent aussi de confiance en eux. Le fait que tu te mettes à leur niveau peut leur plaire mais ils ne sont pas habitués. Avec des ordres clairs, ils craignent moins de décevoir. Leur but devrait être de tâtonner, de faire des erreurs pour avancer, y compris en sciences, toutefois, ils ont trop peur de voir s'éloigner leur idole, alors ils se cantonnent à des terrains sûrs, cherchant tes ordres pour ensuite les accomplir et obtenir ton approbation.

Le jeune homme réfléchit encore quelques secondes avant de reprendre.

- Je pense que tu devrais les réunir ou aller les voir un à un pour en discuter calmement. Leur expliquer que ton "ordre" est justement de parler, de laisser éclater leur personnalité et leur envie en suivant la ligne de respect, d'écoute envers chacun des membres de l'équipe qui leur a toujours été enseignée. Il serait intéressant que tous interviennent et si tu leurs dit clairement que ceci ne te décevrais pas, que tu attends ça, en expliquant le but, comme si c'était un exercice sur le long terme, tu aurais des réactions. Quant au comportement qu'ils ont envers toi... Je suppose que tu pourrais essayer de mieux cerner chaque personnalité en passant un petit temps avec eux, discuter d'égal à égal pour qu'ils te démystifient.

Le blond hésita avant de se lancer sur un dérivé du sujet, l'illustration même du comportement de ces jeunes un peu délaissés par les autres Jedis, isolés sur leur planète sans réelle vie pour leur tenir compagnie.

- Arel est attiré par toi. Les autres membres de l'équipe le savent d'ailleurs. Il faudrait expliquer en douceur à ce jeune homme qu'il est intelligent, suffisamment pour vivre sa propre vie, scinder ses envies des tiennes afin qu'il choisisse sa voie, libéré de ton influence indirecte. Ton phrasé, ton attitude, vécu et aventures ont construit un personnage qu'il idolâtre. Écouter ses sentiments serait peut-être bon, afin de le rediriger, de lui faire comprendre que ce n'est pas une attirance comment dire... Hum... Pure? Sinon guidé, je crois du moins, par cette admiration.

Ou désastreux? Mais le Chevalier faisait confiance à Karm. Un jeunot, si brillant soit-il, n'attirerait pas son fidèle, son preu chevalier aux cheveux argentés et en tant que Jedi, Luke devait désirer l'épanouissement de ses pairs, donc celui d'Arel. En se libérant de l'emprise involontaire de Karm, le Zélonien évoluerait plus vite et plus sainement si son objectif était d'avancer dans ses études puis dans sa carrière plutôt que de rendre heureux un improbable Amour, lequel disparaîtrait de sa vie rapidement.

- Il manque de perspectives, c'est un jeune donc demain pour lui équivaut à dans dix ans. Il faut qu'il parvienne à se projeter dans l'avenir. Makia est douée mais se dévalorise, se cachant derrière l'humour et cette dépendance envers toi. Et s'il t'aime vraiment, ce qui est probable car nous savons tous les deux que tu as du charme- Sourire amusé.- lui faire comprendre que ce n'est pas possible, rompre ses illusions pour qu'il avance, se dépareillant d'un espoir... Inutile.

Luke connaissait bien le sujet, si c'était en partie dû à ses cours de psychologie, compris dans son cursus de diplomatie, ça l'était également à cause -ou grâce selon le point de vue- à son stage pratique. Continu, le stage. Le Jedi souffla un bon coup, surpris d'avoir réussi à mentionner ce qu'il avait observé et appris d'Arel, lui qui faisait tout pour éviter ces thèmes. Seulement depuis leur "pacte" silencieux, tacite, il faisait des efforts pour tout dire à Karm, même s'il n'avait exprimé aucune de ses inquiétudes en ce qui concernait le Zélonien. Sans doute parce qu'elles s'étaient dispersées au fil des minutes tandis que la raison reprenait le pas sur le coeur. Non seulement un Jedi ne devait pas être jaloux, mais en plus Luke faisait totalement confiance au Chevalier turquoise. Avait-il raison?
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
Un Karm rose, un Karm blanc, un Karm tout rouge : la révélation de la passion pas si secrète que ça d’Arel jetait le jeune homme dans un océan d’embarras et de confusion. Il avait ouvert la bouche pour tout réfuter, même si jusque là les analyses de son compagnon lui avaient paru incroyablement utiles et pertinentes, et puis les attitudes d’Arel lui étaient revenues en mémoire, les sourires, les regards pétillants, les mains posées sur son avant-bras au détour de conversations à voix basse, et, désormais, il était bien obligé de se rendre à l’évidence.

— Oh… Mais… Je… Hm…

Un silence méditatif suivit cette analyse toute en perspicacité.

— Oui, bon, j’avoue, tu as sans doute pas tort, j’m’étais pas rendu compte, je pensais pas, finit par marmonner Karm, à deux doigts de l’hyperventilation.

Il prit une profonde inspiration pour se calmer. Toutes sortes de questions commençaient à l’envahir. Est-ce qu’il avait fait quoi que ce fût qui eût donné de faux espoirs à Arel ? Il ne pouvait nier que le doctorant était tout à fait charmant, bien fait de sa personne, agréable dans la conversation et, peut-être, sans s’en rendre compte et sans le vouloir, le Jedi, en se laissant un peu séduire, avait laissé le Zélonien imaginer des choses. Est-ce que des rumeurs couraient à leur sujet au sein de l’ExploCorps ? Quelle réputation avait-il finalement auprès des siens, si on lui prêtait des aventures dans tous les recoins de la Galaxie ?

— J’suis désolé, finit-il par murmurer, de plus en plus mal à l’aise.

Il y eut un nouveau silence puis il fit l’effort d’avouer :

— On va pas s’mentir, j’l’aime bien, genre, comme un ami. ‘Fin, même pas, un très bon camarade d’exploration. Il est sympa, gentil et intelligent, puis énergique et tout, c’est agréable. Et c’est vrai qu’il est très, euh… ‘Fin, tu sais, quoi. Esthétique. Il est mignon. Mais je crois pas… Je crois pas que j’ai fait quoi que ce soit pour lui donner des idées. C’est difficile de se rendre compte, mais j’y ai jamais pensé, moi, même avant de te connaître.

Il se justifiait autant devant lui-même que devant Luke et le jury imaginaire de ses collègues de l’ExploCorps.

— J’veux pas que tu t’inquiètes.

Et certainement, Luke ne s’inquiétait pas, pas vrai ? L’Hapien devait savoir que leur relation ne serait pas altérée par le premier joli garçon venu, fût-il pétillant de charme et d’intelligence, et un brin entreprenant.

— … et j’veux pas passer pour une traînée…

Ces derniers mots avaient été prononcés d’une toute petite voix et trahissait l’une des grandes angoisses de Karm : que la sensualité qui le caractérisait et son intérêt pour la question sexuelle nuisent définitivement à sa réputation au sein de l’Ordre. L’Ark-Ni avait bien conscience d’avoir des désirs beaucoup plus vastes et beaucoup plus pressants que ceux de l’immense majorité des Jedis et il savait pertinemment que ses conceptions en matière de morale et de politique sexuelles étaient la plupart du temps radicalement différente du dogme en vigueur au sein de l’Ordre, et il y voyait planer sur lui la menace d’être catalogué comme un être impur, inférieur parce que sa mystique était une mystique de la chair, à travers le combat ou le sexe, plutôt que de la méditation désincarnée.

— J’ai besoin d’être un peu…
— Karm ! Luke !

C’était la voix d’une Makia qui arrivait vers eux en courant qui les interrompit. Toute rondelette qu’elle fût, la Jedi n’était pas le moins du monde essoufflée. Toute sa vie ou presque était passée dans les chantiers d’exploration, au grand air, parfois en terrain difficile, et sa condition physique était en réalité irréprochable.

— Désolée de vous interrompre, déclara-t-elle, mais on a une équipe qui devait rentrer il y a deux jours déjà et dont on est sans nouvelle. Normalement, ils ont un drone de liaison qu’ils envoient pour prévenir des retards, mais là… Tous les autres sont sur le terrain, j’ai personne à envoyer sur leurs pas.

Aussitôt, Karm ravala ses problèmes aussitôt pour assurer :

— On s’en charge.
— C’est probablement rien, bien sûr, tu sais comme moi que c’est routinier, les retards, mais c’est le protocole, alors bon… C’est ceux qui sont partis vers le nord, pour réparer notre balise météo qui a été endommagée par un orage, y a trois jours. C’est de la plaine tout du long. On a encore un landspeeder qui a un problème d’accélérateur, il est à réparer mais il devrait aller.
— Très bien.

La perspective de pouvoir se concentrer sur une mission concrète en vérité soulageait un peu Karm.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
[HJ: Désolée je trouve ça bof.]

- Mais non, ne t'excuse pas!

Luke se sentit soudainement coupable. Aurait-il pu annoncer cette nouvelle en apparence drôle voire attachante? Après cette phrase sortie naturellement, le jeune homme chercha ses mots quelques longues secondes. Il sentait la fragilité de son ami là où lui-même l'était, pour autant, il fallait le rassurer.

- Ce n'est pas de ta faute. Ce n'est celle de personne d'ailleurs. Le fait que tu n'aies rien remarqué prouve que tu n'es pas axé sur cela, ni désireux de séduire qui que ce soit. Hum... Je pense que c'est un peu pareil à l'amitié. Il y a un feeling naturel, un lien qui se forge petit à petit, parfois plus intense pour l'un que pour l'autre. Cela ne fait pas toi... Une traînée. Tu sais, sans que j'en saisisse bien le concept, on m'a dit que femmes et hommes de ma race sont régulièrement confrontés à ce souci, du moins sur une planète différente de la sienne. Sans rien faire de spécial, les autres se sentiraient attirés par notre physique. Celui qui décide de ne pas répondre, de se contrôler est simplement normal. Moi je suis comme toi, je ne m'en rends pas compte... C'est Makia qui me l'a dit pour Arel.

Les derniers mots de Karm, triste conclusion, tordirent le coeur du jeune homme. Il avait conscience que d'un point de vue extérieur, leur situation pouvait sembler niaise voire hypocrite. Qui ne finissait pas par se rendre compte de son charme? Quel(le) compagne ou compagnon croyait celui qui le prétendait. Et enfin, quel couple avait ce style de conversation? Cependant, Luke se moquait naturellement des points de vue , et là précisément, personne hormis ce grand arbre tranquille ne les écoutait.

- Ta réputation ne risque rien.

Glissa enfin le Chevalier sans savoir si ces mots suffisaient ou s'il devait rajouter quelque chose. Peut-être une caresse via la Force pour appuyer ses arguments et "consoler" son aîné? Il allait s'exécuter, déjà plongé en Elle lorsque quelque chose, quelqu'un découpa les contours cotonneux de la puissance mystique qui commençait déjà à les entourer. Makia venait, galopante, vers les deux Jedis en pleine conversation professionnelle, peut-être, ou philosophique, sans doute.

préoccupée malgré ses mots qui se voulaient rassurants. Le Hapien nia d'un geste de la tête, non elle ne dérangeait évidemment pas. Un peu trop enthousiaste peut-être -et cela se comprenait- Karm se leva pour porter secours aux deux disparus. Tout en espérant que ces derniers soient effectivement victimes d'un souci d'ondes maltraitées par les minerais, Luke se redressa. Il n'avait pas peur de se mettre au travail, au contraire ravi d'avoir un objectif, toutefois il s'inquiétait pour ces jeunes, si bien formés soient-ils.

- Nous allons prendre deux comlinks chacun, en espérant que si le premier, habituel ne fonctionne pas, l'autre si en ultime recours. Sinon, par précaution y a-t-il un autre moyen de communication?

Si Makia ne l'avait pas suggéré, cela signifiait que le terrain était trop loin pour recourir à la Force ou que les auxiliaires, moins sensibles ou entraînés à ce sujet ne savaient le faire. Lui-même couvrait des distances surprenantes par son biais, surtout en cas de danger comme l'avait expérimenté Saï en retrouvant sa trace malgré le fait qu'il ait quitté la planète, alors otage. Conscient néanmoins que cette caractéristique concernait peu de Jedis, le Hapien comptait sur une autre idée, jusqu'à imaginer des genres d'oiseaux voyageurs comme à l'ancienne. Ce ne serait pas une si mauvaise idée vu les soucis qu'avait cette planète avec la technologie. À l'occasion se promit le Jedi, il proposerait un tel programme avec des animaux blessés, recueillis et incapables de retourner à la vie sauvage.

Après s'être épousseté, plus par réflexe et pour dégager les ultimes particules de gêne que dans le but de vraiment se nettoyer, le Consulaire posa ses yeux éteints sur l'horizon. Histoire de, il lança une puissante onde de Force vive. Cette dernière galopa dans la plaine, d'abord galvanisée par ce terrain sans obstacles pour stopper sa course effrénée puis essoufflée. Elle mourut sans apporter de réelles informations, s'éteignant contre des pousses d'herbes courtes, après une espérance de vie courte mais intense. Luke resta attentif quelques secondes de plus afin de s'assurer ne recevoir aucun écho, puis il abandonna, suivant Makia qui les guidait jusqu'à un genre de garage de fortune. Sous la toile tendue, reposait un landspeeder lui aussi de fortune. L'engin sans carrosserie accepta de ronronner non sans se faire désirer un peu et toussoter. Le jeune Jedi invita d'une très légère onde son ami à l'évidence, obstacles ou non ce ne serait pas Luke qui risquait de prendre le volant.

Tandis que tous deux se préparaient, examinant le landspeeder -là encore, à moins qu'un robot ne soit présent, Karm devrait s'en charger- Makia s'éclipsa. Elle revint peu de temps après avec deux sacs de survie qu'elle avait préparé redoutablement vite et bien. Il y avait bien un comlink en plus dans chaque ainsi que des rations de survie, des couvertures chauffantes, une carte manuelle, quelques annotations et indices griffonnées rapidement sur des hypothèses du lieu où pouvaient avoir été les deux chercheurs et où se trouvaient les dangers. Luke se saisit de son sac qui contenait également la carte, probablement copiée par automatisme. Il regretta de ne pas avoir Bip avec lui, car l'Astromech avait son propre circuit fermé de production et de réutilisation d'énergie. C'était un prototype pratique mais beaucoup trop cher pour son entreprise créatrice, sans compter son caractère un peu spécial et ses dons désastreux en mécanique. Mais aujourd'hui, il aurait éventuellement pu déjouer l'influence électromagnétique.

- Ne poussez pas le vaisseau à fond, il est bien fatigué et...

Luke devina que Makia venait de renoncer à dire "sur le point de se rompre" ou une phrase dans ce goût. En partant aussi vite, avec des alarmes bien rouges -bien que le Consulaire ne se souvienne plus de la teinte réelle de cette couleur.- dans le moteur et au-dessus de leur tête équivalait à violer une dizaine de protocoles. Habitué, depuis le temps, le Hapien se retint de plonger sa main dans son sac pour en sortir des formulaires en tout genre. Ce n'était pas le moment de s'inquiéter de l'état de l'engin délabré, même s'il n'y avait apparemment pas d'urgence, la suspicion de cet état suffisait. L'humain prônait et... Karm en avait besoin. Le jeune Chevalier hocha donc simplement la tête, concentré sur la maîtrise de ses propres inquiétudes. On y était, voilà, à ce moment où le travail de recherche se transformait -presque- en autre chose, une chose qu'il ne maîtrisait pas du tout comme le pistage puis sauvetage en pleine nature hostile.

Le landspeeder tressauta puis s'anima et ils partirent fendre les herbes vertes, jaunes, courtes ou longues de la grande plaine apparemment sans danger. Fausse innocente.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Il est parfait.

Et le pire, c’était que Karm avait l’air sincère. Voilà qui était typique des Ark-Ni, que de considérer un tas de ferraille à peine fonctionnel comme une merveille de mécanique. Après un instant d’hésitation, le jeune Chevalier posa une main qui se voulait rassurante sur l’épaule de Makia et déclara :

— On va les ramener, t’inquiète pas.
— Merci, murmura l’Auxiliaire, sincèrement réconfortée par cette promesse qui émanait, après tout, d’un spécialiste en la matière.

Le Gardien embarqua à côté de Luke, au volant du speeder.

— Je vous ai mis un drone de liaison dans le coffre, aussi, c’est ce qu’on utilise quand les comlinks sont vraiment en rade.

Karm hocha la tête et, après un signe de main de Makia, il s’élança au-dessus de la plaine. Les stabilisateurs du speeder étaient à peine opérationnels, mais cela ne semblait pas beaucoup perturber l’Ark-Ni, en réalité habitué à opérer du matériel de seconde zone. En période de guerre, l’exploration n’était pas exactement une priorité de l’Ordre ni de la République, sauf quand une planète présentait un intérêt stratégique évident, alors l’ExploCorps avait appris à composer avec les ressources qu’on voulait bien leur attribuer.

Cette nouvelle mission à remplir avait chassé de son esprit le problème d’Arel. Luke y avait apporté une réponse en réalité en demi-teinte, sans paraître pleinement saisir tout ce qui perturbait l’Ark-Ni, et Karm n’était pas pressé d’explorer à fond ce sujet dont il craignait toujours qu’il les divise. Même si, lors de leur mission sur la Flotte Ark-Ni, Luke avait promis d’écouter ses interrogations sur la sexualité avec plus de bienveillance, Karm avait beaucoup de mal à le prendre au mot et il préférait conserver ces problèmes-là pour lui.

— ‘tention, ça va cahoter un peu, les stabs sont presque HS, déclara l’Ark-Ni, alors que speeder commençait à trembler de part en part.

Le trajet n’eut rien de confortable mais, bon an mal an, ils parvinrent malgré tout à rejoindre la station météorologique qui avait été abîmée pendant la tempête. Karm gara le speeder non loin du jeu d’antennes et d’instruments de mesure qui formaient un petit bloc technologique assez compact, au milieu d’une plaine par ailleurs toujours aussi calme que d’habitude. Une fois à terre, il examina soigneusement le dispositif.

— Ils l’ont réparé, manifestement. Du coup, ils ont bien dû passer par là.

L’explorateur s’accroupit pour examiner les traces dans l’herbe.

— J’vois rien d’anormal. Pas de traces de combat, pas de traces suspectes. On dirait qu’ils sont remontés en speeder et qu’ils sont partis quelque part.

La lévitation de l’appareil n’ayant évidemment laissé aucune marque dans l’herbe, la piste s’arrêtait là. Karm sortit les jumelles militaires de son sac pour scruter l’horizon, tout en commentant :

— z’ont probablement vu un truc qui a attiré leur attention et ils sont partis jeter un coup d’oeil, mais je me demande bien quoi, c’est toujours le même paysage. On d’vrait essayer à travers la Force, finit-il par dire, en baissant les jumelles.

Bientôt, les deux Chevaliers étaient assis en tailleur, l’un en face de l’autre, les yeux fermés, pour se plonger dans une méditation assez semblable à celle qu’ils avaient pratiquée la veille, pour s’entraîner, près de la rivière. Karm s’efforça d’abord de chasser les restes d’inquiétude et de doute que la conversation sous l’arbre avait réveillés en lui, pour trouver en lui la sérénité des Jedis, avant de s’ouvrir en Luke et de rechercher la présence de son ami.

Alors, nourri par la puissance du Consulaire, qui répondait à la sienne, il laissa leur esprit commun s’étendre petit à petit tout autour d’eux, à la recherche d’une trace, d’une intuition, d’un murmure dans la Force qui les mettrait sur le bon chemin. C’était une pratique courante des explorateurs au sein de l’Ordre, mais elle exigeait une foi inébranlable en la Force et en sa capacité à fournir des indications. En cela, les explorateurs ressemblaient un peu aux voyants jedi, qui avaient en charge l’exploration d’un futur dont ils tiraient parfois des prophéties.

Les secondes passaient et la respiration de Karm se ralentissait. Tout son être était à l’écoute de l’océan des possibles qui s’agitait dans la Force. Il était avec Luke, et il était dans Luke, comme Luke, et Luke en lui. Ensemble, ils ne faisaient qu’une même pensée qui explorait la Force. Et puis, petit à petit, une trace se dessinait, indéchiffrable, presque sans signification, comme une suggestion quasi imperceptible. Karm rouvrit brusquement les yeux et déclara, plein de confiance :

— Vers le nord.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Peut-être n'en avait-il pas le droit? En temps normal, Luke ne se le serait pas permis, ce n'était pas professionnel mais tant pis. Aux côtés de Karm, au sein de ce paysage mouvant où l'Ark-Ni représentait le seul repère fixe, le jeune homme diffusait en continu une dose légère, presque raffinée de tendresse. Pour rassurer son ami, les rassurer ou par envie. Le sentiment pur portait également des traces de réconfort plus neutres, prouvant que le chevalier avait également l'esprit tourné vers les deux disparus. S'il ne s'en était pas rappelé, le landspeeder qui crachotait s'en serait chargé pour lui de toutes manières. Loin d'accorder de l'importance au luxe, le Jedi appréciait toutefois voyager avec un minimun de sécurité, c'est-à-dire un véhicule homologué et ayant passé ses tests en temps et en heure dans une station légale, sérieuse. Malheureusement en mission c'était assez peu souvent le cas, ici, d'ailleurs cela vaudrait à réclamer des sièges rembourrés en cuir. Le Chevalier se contenta donc de garder le silence, simplement concentré sur cette communion qui existait entre le conducteur et lui, savamment dosée pour ne pas envahir leur esprit. Comme un troisième passager, son amour voyageait, docilement enroulé au cou de Karm que le jeune homme croyait satisfait suite à leur conversation. Ou peut-être pas. Comment savoir? Il faisait des efforts mais demeurait en majeure partie incapable de saisir les subtilités de ce fameux langage de muets, l'Amour, donc.

Après l'énonciation de preuves rassurantes- pas de combat donc!- Karm se plongea dans la Force. Le Hapien sentit le changement s'effectuer quand son aîné troqua son esprit vif, toujours en mouvement et questionnements pour un calme professionnel jusqu'au fond de ses organes vitaux. Alors c'était vraiment possible? Alterner entre la passion et son devoir? Chaque jour ou presque l'explorateur lui en apportait la preuve, apte à se détacher. Digne d'admiration. Luke apprécia cette nouvelle démonstration rassurante et se plongea à son tour dans l'immense océan. Moins chaleureux que lorsque le Jedi s'octroyait quelques minutes pour jouer avec, il était tranquille, lisse mais également froid, neutre lui aussi jusqu'à ce que l'explorateur l'agite. Par vagues intenses, contrôlées malgré les apparences, il explora les alentours, soutenu par l'apport "d'eau", de vie de Luke. Au lieu de s'essouffler comme la précédente onde solitaire de celui-ci, le jet de Karm bondit à travers les plaines, sautant les obstacles et avalant une distance beaucoup plus importante que celle- pourtant au-delà de la moyenne- que Luke pouvait atteindre. Servant simplement d'apport d'énergie, concentré sur son injection dans l'aura de Karm, le jeune homme se retrouva un instant privé de ses sensations. Il avait tout prêté à l'explorateur, l'unique en qui il avait suffisamment confiance pour ainsi s'aveugler, s'affaiblir au sein de sa plus grande Alliée, et même Amie.

- On y va.- Répondit le Hapien d'une voix rendue légèrement rauque par l'effort mais où ne perçait nulle hésitation. Il savait que le Gardien n'aurait pas prononcé ces mots s'il n'en était pas raisonnablement persuadé.- Par où est-ce?

Le concept des quatre points cardinaux restait flou aux yeux de Luke qui entreprit tout de même de descendre du Landspeeder -non sans avoir discrètement adressé une prière à la Force concernant son bon fonctionnement pour le retour.- chaussa son sac sur ses épaules loin d'être carrées mais plus si frêles que ça. Attentif, il se laissa guider mais explorait également les environs, à travers la Force mais aussi ses autres sens, plus aiguisés que ceux d'un humain ou proche-humain lambda. Il disposait de nombreuses astuces d'handicapé afin de repérer quelque chose d'anormal. Or, en ce moment précis, après qu'ils se soient bien éloignés du speeder, un bruit commença à détonner sur ce plateau presque ennuyeux, insipide. Pas celui de l'herbe dansant au gré d'un vent frais mais relativement sage, ni celui des petits cailloux sous leurs bottes, sinon ce ronflement, cette respiration qui, sans être caverneuse, semblait appartenir à un être vivant de taille au moins raisonnable. Le Hapien s'en étonna vu que l'une des spécificités de la planète était l'absence de gros prédateurs. Il tendit davantage l'oreille pour confirmer le diagnostique, envoyant aussi la Force en éclaireuse.

- Là. Nous sommes suivis, du moins observés. C'est de taille... Attends. C'est ce qu'ils veulent faire croire.

Désarçonnés par le doigt de Luke qui pointait en leur direction, les présences emboîtées se dissocièrent au sein même de la Force. Le blond n'en revenait pas: De bestioles étaient parvenus à le tromper, cela signifiait non seulement qu'ils utilisaient la Force comme les Vornsks mais aussi qu'ils étaient plutôt doués. De fait, c'était bien cette sensibilité extra que l'on prêtait aux aveugles qui lui avait permis de noter le léger décalage entre les respirations. Les buissons se froissèrent, laissant apparaître des animaux curieux. Juchés sur deux pattes, assez petits puisqu'ils atteignaient le genou d'un humain, d'aspect reptiléen primitif, ils ressemblaient à une horde de minis dinosaures. Leur mâchoire disproportionnée autant que leurs crocs effilés en plusieurs rangées ne laissaient aucun doute sur leur régime alimentaire. Nerveux, les sauriens à découvert chuintaient et sifflaient, semblant discuter entre eux. Contrairement à leur aspect, leur capacités de coordination et de communication semblaient évoluées. Soudain deux individus commencèrent à se grogner dessus et ils se jetèrent l'un sur l'autre. Le fil qui pendait des dents de l'un d'eux s'étira, révélant sa nature de câble. Inconscient de ce détail évidemment, Luke avait toutefois noté la nature agressive des bestioles. Il porta une main à son sabre, surpris de ce réflexe car il fut un temps, jamais le Hapien n'aurait songé à son arme, favorisant exclusivement la Force.

- Ils ont l'air agressifs et doués pour se cacher. Crois-tu que nos deux disparus ont rencontré ce comité d'accueil?
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
C’était à peine si les pas de Karm dans la vaste plaine étaient audibles. L’explorateur progressait dans le plus grand silence, mais avec une facilité proprement déconcertante. C’était toute la différence entre les Jedis de l’ExploCorps, surtout les Chevaliers, et la masse des cartographes civils ou militaires qui, dans les rangs de la République, se chargeaient de baliser les sentiers nouveaux des planètes que l’on venait de découvrir. Karm était en communion avec une planète qui, à travers la Force, répondait à une partie de ses besoins.

Ou qui mettait en travers de son chemin une cohorte de reptiles un peu suspects.

— Ils sont choux, murmura Karm, d’un ton un peu distrait, alors que deux dinosaures nains se disputaient un bout de câble. Couvre moi.

Le jeune homme avait confiance dans les aptitudes martiales de son compagnon et pour cause : il passait une partie considérable de son temps à l’entraîner. Bientôt accroupi, pour être à peu près à hauteur des animaux, il fixa l’un des aspécimens d’un regard de plus en plus insistant, alors que, à travers la Force, son esprit se mêlait petit à petit à celui de l’animal.

Certains Jedis concevaient le langage des bêtes comme une forme de contrôle animal, une position qui, aux yeux de Karm, était beaucoup trop proche du Côté Obscur pour être respectable. Pour l’Ark-Ni, c’était une communion, une négociation silencieuse à la recherche d’un compromis, entre deux intelligences qui étaient peut-être inégales, deux formes de vie qui n’avaient pas tout à fait la même complexité, mais qui pouvaient se trouver un terrain d’entente.

Les pensées primitives du reptile affluaient dans la sienne, des préoccupations simples et directes, comme la recherche de la nourriture ou la nécessité de rester avec sa horde, mais aussi des idées plus évoluées, comme le désir de jouer ou de courir à toute vitesse dans la plaine, pour le plaisir, tout simplement. Il le sentait dans la Force, beaucoup plus vivement que la plupart des animaux qu’il avait croisés jusque là, au cours de ses aventures. Luke n’avait pas tort. Ces petits reptiles étaient à part.

Une minute entière passa. La horde se tenait tout près des fourrés, en considérant les deux nouveaux venus avec beaucoup de méfiance, probablement parce qu’en sentant leur présence à travers la Force, vive, insistante, les sauriens devinaient intuitivement qu’ils avaient affaire à des adversaires plus dangereux que ceux qui croisaient ordinairement leur chemin. Et puis le spécimen sur lequel se concentrait Karm consentit finalement à se détacher du troupeau, pour risquer quelques pas prudents sur la distance qui les séparait.

Le souffle de l’Ark-Ni s’était une nouvelle fois ralenti. Il commençait à communiquer petit à petit ses intentions à la bête. Un message simple et direct, qui demandait de la patience et, en quelque sorte, de l’humilité. Puis il se releva, lentement, et le petit dinosaure courut rejoindre les siens. Une seconde plus tard, la horde s’élançait, comme un vol d’oiseaux compact dans le ciel des herbes hautes.

— Suivons-les, décréta Karm, qui avait convaincu le reptile de lui servir de guide.

Il s’élança à leur suite, à grands pas, pour une marche à rythme forcé qui dura bien une demi-heure, heureusement facilitée par le terrain régulier. Ils finirent par arriver devant la carcasse d’un landspeeder, qui avait échoué là, au milieu de la plaine, éventré on ne savait trop pourquoi, avec ses câbles et ses boulons éparpillés autour d’eux. La horde de reptiles fondit sur l’appareil pour en arracher de nouveaux jouets, avant de se dissiper craintivement quand les Jedis approchèrent pour de bon.

Avant de disparaître dans les buissons, le reptile avec lequel il avait communiqué lui adressa un dernier regard, et quelque chose souffla à Karm que ce ne serait pas leur dernière rencontre. Le Jedi lui communiqua sa reconnaissance à travers la Force, avant de considérer plus attentivement l’épave du speeder, que les animaux avaient déjà beaucoup contribué à désosser.

— C’est un peu le chaos, ça va me prendre un certain de temps de comprendre ce qui s’est passé.

L’Ark-Ni repoussa du bout du pied un élément du véhicule.

— Tu peux programmer le drone pour avertir Makia de ce qu’on a trouvé ? D’ici à ce que j’ai fini d’examiner l’épave, elle devrait avoir le temps de nous le renvoyer.

Et en soi, ce n’était pas une bonne nouvelle, parce que la nuit n’allait pas tarder à tomber.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Comme souvent, très souvent même, Karm tendait à le surpasser dans des domaines qu'il ne maîtrisait pas ou moins au début. Ainsi, ce fut lui qui établit une connexion intéressante avec les reptiles. Plutôt réjouis à l'idée de ne pas devoir découper des morceaux de chair sertis d'écailles, le Hapien haussa les épaules. Choux? Au sein de la Force, le Jedi ne les trouvaient pas nécessairement choux, mais il connaissait l'humour Ark-Nis. Malgré lui, malgré la situation, un sourire furtif apparut sur ses lèvres tandis qu'il soupirait. On ne referait pas Karm, et tant mieux d'ailleurs parce que c'était ainsi que le blond espérait le conserver.

Ce ne fut toutefois qu'après quelques longues secondes que le Chevalier consentit à relâcher son sabre, et quelques minutes de plus pour inviter le tourbillon de Force, prêt à bondir, à retomber sans créer de tempête. Lorsque l'explorateur demandait à Luke de le "couvrir", ce dernier était toujours fier de la confiance placé en lui mais également inquiet à l'idée de ne pas remplir les perspectives, surtout quand la santé de son cher et tendre était directement en jeu.

Silencieux afin de ne pas risquer de rompre la magie de communion, Luke avait suivi toujours aussi docilement. Il se contentait de diffuser des ondes calmes et neutres lorsque la harde de prédateurs s'approchait, sans chercher à établir un lien concret. Il ne fallait pas étourdir les bestioles d'approches mentales, or l'un d'eux justement semblait s'être particulièrement connecté à Karm. Le Hapien avait donc pris parti de se faire le plus discret possible, presque transparent, de manière à ce que les reptiles l'associent à une partie mouvante de leur paysage.

Une fois prêts de l'épave, les deux Jedis décidèrent de l'explorer. Le blond lança la Force aux alentours afin de chercher des traces silencieuses, invisibles à la majorité des gens peuplant la Galaxie. Mais pas pour les sauriens. Surpris par l'onde qu'ils étaient aptes à ressentir, certains reculèrent en hérissant la petite crête rouge qui longeait toute leur encolure tandis que d'autres s'approchaient, curieux, attirés. Peut-être. Le jeune homme choisit la patience, il résorba ses dons afin de ne pas perturber les reptiles jusqu'à ce qu'ils s'en aillent. Quand ce fut le cas, il ne put s'empêcher de soupirer légèrement, à nouveau libre de ses mouvements qu'il contrôlait également jusqu'ici, minimisant chaque geste pouvant être mal interprété, or pour un aveugle, se rendre compte de ce qui pouvait être une menace visuelle n'était pas une sinécure.

Il programma donc le drone. Au début, tout allait bien. Puis, alors que Luke suivait son trajet grâce à son comlink via de petites bips sonores, le silence revint. Le jeune homme secoua un peu l'engin, tapota l'écran puis retourna vers Karm. Il avait d'abord hésité à le déranger dans son exploration, le sachant plongé dans ses observations. Lui-même laissait le monde disparaître aux alentours lorsqu'il était en mission. Lui plus que quiconque, forcé de prêter toute son attention à la scène aimait s'isoler afin d'imaginer ce qui s'était produit. Petit à petit il ébauchait une ambiance sonore, olfactive et peut-être sensorielle. La peur ou la colère pouvait momentanément l'envahir, c'était toujours éreintant comme exercice, cependant c'était son unique moyen d'avancer. Ce soir, impossible de laisser Karm ignorer davantage le problème du drone, alors il se risqua à rompre "l'harmonie" qui régnait entre son ami et le paysage, rendu encore plus désolé par la présence du speeder rompu que la solitude environnante.

- Le drone a cessé de fonctionner, à moins que ce ne soit mon comlink? En tout cas je ne sais pas si la base recevra le message...

Annonça le Jedi le plus calmement possible. Heureusement, avec un nombre croissant de missions sur le terrain, il avait appris à se modérer, et sa crainte ne transparaîtrait même plus au sein de la Force. Confiant envers son compagnon, le Consulaire avait également décidé d'aborder l'épave. Ses mains courant sur la carcasse froide lurent la précipitation avec laquelle l'engin s'était arrêté. Abîmé, le métal avait subi un choc et bientôt, la rugosité d'un tronc fit saisir au Hapien quel avait été l'obstacle. Malingre et isolé, la plante maudite avait aussi payée son crime, recourbée sur le museau de l'appareil. Vu la taille de l'arbre, le jeune Jedi finit par reconsidérer sa première hypothèse, ce n'était pas lui le coupable, sinon la victime. Les deux disparus avaient donc foncé dedans en fuyant quelque chose, ou parce que l'appareil s'était cassé au niveau des freins. Difficile à savoir.

Continuant ses propres recherches, le jeune homme se colla au presque-déraciné. Une odeur métallique flottait dans les airs, discrète mais présente et entêtante pourvu que le nez fut proche de la source et un peu raffiné. Du sang. Du bout du doigt, Luke toucha une tâche. Sous une croûte relativement fine, le liquide était encore frais. Le "drame" supposé avait eu lieu quelques heures auparavant, tout au plus. Une aura familière interrompit le Hapien qui repris la parole.

- Je crois que ton ami est revenu. Pourrais-tu le convaincre d'envoyer notre message?

Demanda-t-il en fouillant dans sa ceinture pour en ressortir un simple papier sur lequel Karm pourrait écrire ce que le Drone n'avait su transmettre. Un bout de câble, une patte. C'était en théorie possible, surtout en guise d'échange. Pour cela, les deux hommes avaient de la nourriture mais le Jedi laissa son aîné agir. Déciderait-il d'aller à la rencontre du Saurien qui se croyait bien caché, ou le laisserait-il continuer à les espionner après avoir laissé sa harde afin de faire demi-tour. Non seulement Karm avait plus de lien avec la bestiole, mais en plus cela lui servirait d’entraînement. Feignant l'indifférence vis-à-vis du reptile, Luke continua d'exposer ses trouvailles.

- Quelque chose les a surpris au point de foncer dans cet arbre. Je ne sais pas si le sang sur l'arbre est le leur ou celui d'animaux se faisant mal en déchirant le métal. Ceci dit, ça fait peu de temps que cela s'est produit.

Exposa le jeune homme, conscient d'apporter peu. En même temps pour un détective incapable d'apprécier la vision général de la scène, il ne s'était pas si mal débrouillé.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
— Hm.

Ce fut la seule réponse de l’Ark-Ni à la nouvelle du funeste destin du drone. Elle était préoccupante, mais Karm était d’un naturel laconique, surtout quand il réfléchissait. Le speeder. Le tronc. Ça, c’était établi. Autant qu’il pouvait en juger, l’appareil n’avait pas été victime d’un dysfonctionnement. C’était difficile d’en être parfaitement certain, parce qu’il manquait beaucoup de pièces et qu’ils n’étaient pas arrivés avec tout un matériel de mécaniciens pour poser un diagnostic en bonne et due forme. Tout de même.

Le soir était tombé. Les lunes de la planète se levaient dans les dernières lumières du jour et le concert de la nature commençait à changer, à mesure que les animaux du jour laissaient place à ceux de la nuit. D’autres chants d’oiseaux. D’autres petits pas précipités dans les hautes herbes.

— Tu me surestimes, finit par dire Karm en émergeant de l’épave, alors que Luke lui proposait de manier leur compagnon à écailles plutôt insistant pour aller porter un message.

Le jeune homme considéra l’animal à travers la Force. Généralement, il se contentait de cerner ce que les autres espèces savaient, comme la plupart des explorateurs, et il lui avait fallu plusieurs années pour apprendre à leur communiquer des ordres. C’était une technique qu’il n’avait vraiment maîtrisée que l’an passé et si ce que Luke demandait n’était qu’une affaire de degré, l’Ark-Ni ne s’en sentait pas tout à fait capable.

— Je peux essayer, toujours, concéda-t-il. Avec ton aide.

Près de Luke, Karm effleura la main de l’Hapien du bout des doigts, comme pour se donner du courage. Puis, après avoir griffonné un message synthétique et attrapé un bout de câble, il s’assit en tailleur et chercha d’abord la présence de son compagnon à travers la Force, pour puiser dans leur communion la sérénité et la détermination nécessaires à une tâche compliquée. Petit petit, d’autres pensées vinrent s’ajouter aux leurs.

Des pensées pleines de curiosité. Et de faim. Et de peur. Le petit reptile pesait le pour et le contre, à sa manière, de façon simpliste. Mais quand même. Aller à la rencontre des grands, quitte à laisser derrière soi la horde protectrice, et voir s’il pouvait en tirer quelque chose d’intéressant, ou, mieux, de comestible. Rester en retrait, prudemment, et ne pas risquer de se faire attraper par dieu savait quoi. Ces deux-là n’étaient pas comme les autres animaux. Il les ressentait. Il les ressentait vivement. C’était un peu comme s’ils étaient de la horde, eux aussi, mais pas totalement.

Karm essayait d’attraper au vol ces pensées que leur simplicité et leur étrangeté lui rendaient fuyantes. Un peu de ration de survie dans la main, il la tendait, paume ouverte. Ils appartenaient à la même horde. C’était vrai, techniquement. La horde de la Force. Ils étaient du même côté. Ils coopéraient. L’animal se rapprocha. Lentement. Un pas griffu après l’autre. Karm sentait Luke tout près de lui. Lié au Hapien, il était comme un phare dans la Force. Difficile de dire ce qui, de la curiosité, de la nourriture ou de leur présence attirait le plus le reptile.

Finalement, l’animal se mit à picorer dans sa main. Karm sentait les dents racler sa peau. Ne pas bouger. Quand il eut fini de manger, avec des gestes lents, le jeune Chevalier lui attacha le message à la patte. La reptile la secoua un peu. C’était un nouveau jouet. L’Ark-Ni lui inspira la direction du camp et l’animal disparut dans les fourrés. Est-ce que ça avait fonctionné ? Pendant une minute entière, les Jedis attendirent, puis ils purent sentir la horde d’animaux se rassembler et partir en courant, comme un seul être, du côté dont ils étaient venus.

L’Ark-Ni laissa échapper un soupir.

— Difficile de savoir si ça va tenir sur la distance et le temps, mais on verra bien, finit-il par dire, après avoir très lentement rompu le contact avec Luke.

Il se releva et, tout près de son ami, sans vraiment réfléchir, prit sa main dans la sienne. Il avait besoin de ces contacts physiques, de cette présence, de cette sensualité, même discrète, même innocente, pour se sentir bien.

— On peut pas camper, jugea-t-il rapidement, si t’as trouvé du sang et que c’est le leur, ils sont blessés. Même s’ils ont peu saigner, on sait jamais, ça peut être interne. On continue dans la nuit.

Pour Luke, il est vrai que cela ne changeait pas grand-chose. Karm lâcha la main de son compagnon et dégaina une nouvelle fois ses jumelles et activa la vision nocturne, pour considérer le paysage et tenter d’estimer la direction que des membres de l’ExploCorps, secoués mais toujours bien formés, auraient emprunter pour se protéger. Il n’eut pas à chercher longtemps.

— Y a une source lumineuse, à une dizaine de kilomètres en avant. Difficile à dire si c’est artificiel, un feu naturel ou des animaux luminescents. Mais on peut commencer par là. On laisse une balise ici, au cas où.

Et la marche reprit.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
Moins habitué à offrir des caresses spontanées, Luke recevait ces cadeaux inattendus avec un calme auparavant inexistant. Fut un temps, chaque contact inattendu provoquait un chatouillement le long de la colonne vertébrale au mieux, un choc menant au sursaut au pire. Avec Karm, il avait appris à se contrôler vis-à-vis des autres, d'inconnus. Il suffisait de tolérer le touche probablement involontaire et de laisser passer la désagréable sensation. En général, ses muscles se tendaient légèrement avant de doucement retrouver leur position normale. Avec d'autres. Pas avec Karm. Avec le Chevalier Turquoise, y compris lorsque le geste était une surprise, Luke le recevait d'abord avec un peu d'étonnement, puis gentiment. Il appréciait ces instants bien qu'il soit moins capable d'avoir l'idée de les provoquer. Ainsi, ses doigts se replièrent sur la main de son ami tandis qu'il appelait la Force pour soutenir la tentative audacieuse de l'Ark-Ni à faire participer le saurien à la mission de rescousse. Encore une fois, sa présence enroula doucement celle de Karm, pour renforcer la corde tissée vers la petite bête, laquelle devint une chaîne, puissante mais douce, solide et tendre à la fois. Quand il entendit les pas du reptile s'éloigner, Luke conserva le regard ancré dans un horizon auquel il était pourtant insensible. Ses dons accompagnèrent un moment l'animal qui ziguezaguait entre les fourrés, pressé par la mission accrochée à son cerveau. Restait à savoir si son idée couplée au savoir-faire de Karm et le soutien de Luke suffiraient.

- Indique-moi la position avec la Force, et laisse-moi te guider.

Le blond n'était pas du genre à prendre l'initiative, cependant le monde de la nuit était sien. Au cours du sauvetage de Far'Sic, il avait brisé le système électrique d'un parking pour la guider loin des griffes du chasseur à gages, et dans d'autres cas, l'obscurité lui avait été favorable. Étrangement et soudainement plus sûr de sa personne, ce fut le Hapien qui attrapa la main de Karm et l'incita solidement à le suivre. Bien sûr, l'Ark-Ni pouvait se guider via la Force -bien qu'il finirait éventuellement par se fatiguer- ou grâce à des lunettes lui rendant la vue sous la lune pourtant faible. Pour autant, le Jedi restait persuadé, à l'instar de bon nombre de ses pairs, qu'éviter les intermédiaires était préférable. Il favorisait la solution naturelle si celle-ci s'offrait à eux, or lui avait cette capacité. C'est donc en alternant avec des astuces pures et simples d'aveugles, ainsi que la Force que le Hapien commença à guider le Chevalier Turquoise. Il ignorait si ce dernier usait d'un artifice pour mieux voir, ou s'il était plus capable que lui d'user la Force voir du matériel naturel à leur disposition-Karm en excellent explorateur était capable de transformer une feuille en poignard et une carcasse d'insecte en lampe torche.- mais il se sentait plus en confiance. Sans aller jusqu'à s'apparenter à l'aura de Lou, un jeune délinquant des rues dont il avait parfois interprété le rôle-dont pendant la mission Far'Sic- Luke abordait involontairement une assurance qui n'était pas souvent sienne. Si Karm ne le suivait pas, lui en tout cas progressait bien seul. La nuit, tout se passait avec plus de lenteur-sauf en cas d'attaque de prédateurs.- et les rythmes s'inversaient. Désormais, c'était lui l'ombre furtive qui se guidait selon la hauteur des herbes caressant ses genoux. Il savait à l'humidité gouttant sur les tiges si une flaque vicieuse l'attendait, calculait à la densité de la végétation si le terrain était plat ou jonché de pierres. Enfin, Luke glissait un peu de Force au ras du sol pour s'assurer que sa belle imagination d'aveugle pour trouver des astuces ne se fourvoie pas. S'il trébuchait parfois, le jeune homme finissait par se rattraper. Sens ouverts, concentrés loin du brouhaha de la journée qui constituait un obstacle pour lui. Ses gestes plus fluides étaient déliés malgré une fatigue évidente qui se faisait ressentir. Il n'était pas un autre, juste lui, en mieux.

Il s'arrêta sur un buisson isolé, après avoir longé une racine gonflant légèrement le sol. La plante vers laquelle il était remonté patiemment via son fil d'ariane naturel était quelque peu piquante. Luke se baissa avec cette façon caractéristique des non-voyants, dos bien droit, mains égratignées après de nombreux tests en avant. Il trouva de petites boules correspondant sans doute à des fruits, mais également des tâches humides, trop épaisses pour être de l'eau.

- Encore du sang. En quantité suffisante pour que je l'ai senti sans disposer d'un flair animal. Heureusement elle n'est pas assez significative pour déduire une mort certaine... On a encore une chance de les retrouver.

En soi, c'était assez inquiétant donc. Jugeant que les disparus s'étaient nourris des fruits de l'arbuste mais aussi reposés à son pied, le Hapien réfléchit, essayant de deviner la suite des Evénements.

- C'est dans la direction que tu as indiquée- fit le jeune homme après avoir envoyé une légère onde, histoire de vérifier le point d'ancrage laissé par Karm dans la Force.- et c'est frais. Ce point lumineux pourrait bien être un feu ou leurs lampes...

Indiqua Luke. À défaut de tendre les mains, il enroula une pensée réconfortante et amoureuse autour de l'esprit de Karm, lui offrant l'équivalent d'une caresse de main. Dans la nuit désormais froide, leurs souffles imbibés de condensation s'enfuyaient vers la position précédemment indiquée par l'Explorateur, hâtifs de sauver deux vies innocentes en danger. Luke sortit un genre de pancho de son sac, fin mais chaud. Il couvrit ses épaules fatiguées de ce dernier et plongea ses mains dans son cou pour faire ressortir ses mèches de cheveux. Moins habitué que l'Ark-Ni, il montrait des signes de faiblesse mais se refusait néanmoins à abandonner. Son aîné et lui "regardaient" dans la même direction, l'évidence: il fallait aider les deux perdus. L'idée d'une mission commune, d'une volonté mêlée poussa Luke à envoyer une nouvelle onde à son ami. Si ce n'était l'enjeu extrêmement important, il était heureux, ici en plein désert, sans nul autre confort que la présence de l'explorateur à ses côtés. Lui aussi avait besoin de contact, quoique plus spirituel, pour se sentir bien.
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
Soit qu’il se fût laissé guider entièrement par la présence de Luke, soit qu’il eût ses propres méthodes pour progresser dans l’obscurité, et probablement un peu des deux, Karm était parvenu sans encombre près du Consulaire et il considérait la lueur. Ils avaient marché près de deux heures dans l’obscurité, sans rencontrer le moindre danger, et Karm en était réduit à se perdre en conjectures pour tenter de deviner ce qui avait bien pu, sur cette planète si calme, provoquer le terrible accident.

Le jeune homme jeta un regard à Luke. Il sentait que son ami, moins habitué que lui à ses exercices physiques intenses, qui s’éternisaient, commençait à fatiguer. Mais leur mission l’emportait sur toute autre considération et, comme à son habitude, Karm traitait Luke comme un Jedi à part entière. Il posa une main dans son dos et souffla :

— On est plus très loin.

Et sur ces simples mots, ils repartirent. Une demi-heure plus tard, allongés à plat ventre dans les herbes hautes, ils avaient fondu leur présence dans celle de la végétation qui les entourait, pour se dissimuler, comme il le pouvait, à la curiosité d’éventuels prédateurs. Le voile de Force s’était refermé sur eux et c’était à peine s’ils bougeaient, sauf les jumelles nocturnes que Karm avait braquées sur le feu.

Après de longues minutes d’observation, il murmura, d’une voix presque inaudible.

— C’est eux. Deux humains. Homme, femme, vingt-trois, vingt-quatre ans. Rakki et Mélanora. Ils sont seuls.

Karm abaissa ses jumelles.

— Y a quelque chose qui tourne pas rond, ici.

Pour la bonne et simple raison que si les Auxiliaires étaient seuls, qu’ils n’étaient pas poursuivi, qu’aucun prédateur ne s’intéressait à eux et que pourtant ils s’étaient enfuis dans une direction opposée au camp, alors c’était qu’ils étaient responsables, volontairement ou non, de l’accident et qu’ils fuyaient l’ExploCorps pour une obscure raison.

— Restons sur nos gardes, suggéra Karm en se relevant, avant de lancer d’une voix plus forte, comme il le faisait très rarement, ]Rak’, Mél, c’est Karm.

Il traversa les herbes hautes qui le séparaient encore du petit campement de fortune des deux Auxiliaires. Ils avaient aplati l’herbe tout auteur d’eux pour monter une tente et allumer un feu. Rakki, un humain des planètes agricoles du Noyau qui entouraient Coruscant, frôlait les deux mètres et, malgré son jeune âge, il avait déjà l’air d’un homme, avec une barbe noire et une carrure impressionnante. Relativement indemne, il veillait sur Mélanora, une humaine d’Ondéron, aux longs cheveux roux tressés, qui était allongée près du feu, le pantalon maculé de sang.

— Karm, répéta Rakki, d’une voix incrédule.
— Luke ? Mél est blessée, tu peux t’en occuper ?

Son ami était plus compétent que lui en la matière et, de toute façon, Karm préférait garder un œil sur Rakki.

— On vous cherche depuis des heures. On a trouvé le site du crash du speeder et on est remontés jusqu’ici.

Silence.

Rakki ne semblait pas soulagé.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Rien. Le matériel est pourri, comme d’habitude, les commandes nous ont lâchés, on s’est encastré dans l’arbre.
— Pourquoi vous êtes pas remontés vers le camp ?
— Elle va s’en sortir ?
— Luke s’en occupe. Il est doué. Pourquoi vous êtes pas retournés au camp ?

Rakki se releva. Il dominait largement Karm de plus d’une tête mais l’Ark-Ni n’était guère impressionné.

— J’ai fait ce que j’ai pu. Elle est vraiment mal en point.

Karm soutenait le regard de l’Auxiliaire.

— J’étais désorienté, argua le jeune homme.

Le Chevalier plissa les yeux. Peut-être. Il disait peut-être la vérité. Un accident, une commotion cérébrale, il avait fait ce qui lui paraissait le plus logique, sans se rendre compte que ses raisonnements étaient perturbés. Karm était sceptique, mais Rakki était un Jedi et la fraternité imposait de lui accorder le bénéfice du doute.

— Assieds toi, t’as peut-être eu un choc au cerveau, on va examiner ça.

Nouveau silence, puis Rakki hocha lentement la tête et se rassit dans les herbes hautes. Par prudence, Karm s’installa derrière lui, pour être en position de force si jamais l’Auxiliaire venait à profiter de la situation pour tenter quoi que ce fût. A genoux dans son dos, il posa les mains sur son crâne et se concentra pour éprouver sa santé à travers la Force. Le corps de Rakki devint pour lui comme un vaste delta, avec l’énergie qui coulait, ici, là, plus ou moins vite, plus ou moins bien, avant de se jeter dans la Force.

Il sentit les contusions, les blessures superficielles, avant de se concentrer sur son cerveau. Rien. Karm n’était pas un soigneur neurologue, mais il était à peu près certain qu’à défaut de pouvoir repérer les maladies les plus subtiles, il était tout de même capable de percevoir les commotions cérébrales. Lentement, il retira ses mains, avec la conviction que Rakki était le responsable de l’accident du speeder, et qu’il cherchait à fuir le camp.
Luke Kayan
Luke Kayan
Messages : 3119
Eclats Kyber : 0
L'odeur du sang devenait intense au fur et à mesure que les deux Jedis s'approchaient de l'épicentre de l'action, inexplicablement transporté dans le sens inverse du camps. Luke se donnait l'impression d'être l'un de ces petits sauriens carnivores, l'effluve métallique planait dans son esprit au-delà de toute autre, galvanisant ses pensées. Évidemment, la finalité de leur pistage différait et lorsque les disparus furent retrouvés, une onde de bien-être coula en Luke, réchauffant ses os transis par la fine bruine qui venait de s'abattre sur eux. L'herbe mouillée de rosée n'aidait en rien et le jeune homme devait se concentrer pour ne pas trembler. Craignant la chaleur très intense à cause d'un petit souci génétique, il était également sensible aux baromètres paresseux, bien que la raison soit plus triviale: peu de chaire protégeaient mal des muscles ou des os quasiment exposés à la surface. En résumé, la silhouette de crevette sans graisse combinait mal avec une vie dans les grandes étendues gelées.

La joie de retrouver les Auxiliaires suffisait toutefois à faire oublier cette souffrance, supportable quoiqu'irritante. Aussitôt investi d'une mission, le Chevalier sortit une couverture de survie de son sac pour la poser sur Mélanora. Après avoir retiré son pancho afin de le glisser tant bien que mal sous le corps de la jeune femme, il se prépara pour l'ausculter. Tout en fouillant dans sa ceinture utilitaire, le Consulaire repensait aux paroles de Karm. À son avertissement. Il enduit ses doigts d'un désinfectant puissant utilisé en milieux impossibles à stériliser. Après avoir parcouru les jambes de l'humaine plusieurs fois, solides et musclées comme peuvent l'être celles d'une femme accoutumée à courir de longues distances, le Chevalier s'attaqua à ses tibias. Il fit tourner les chevilles, veillant à toujours garder le contact avec ce corps chaud transpirant la douleur. Mél soupirait, gémissait parfois avant de retomber dans un état semi-comateux. Peu liée à la Force -raison pour laquelle elle avait finalement été redirigée vers l'ExploCorps.- ou trop faible, elle n'avait entamé aucun processus de guérison. Luke le fit pour elle, étendant ses sens, à peine perturbé par un Rakki vociférant.

- P'tain mais vous avez même pas de source de lumière? Qu'est-ce qu'il fout?

Stressé, l'Auxiliaire ne cessait de jeter des coups d'oeil inquiet aux silhouettes à peine visible dans la nuit sombre, vaguement éclairée par une lune fragile. Luke conservait une petite partie de son esprit connecté à celui de Karm, afin d'être prévenu en cas de danger, toutefois, la majeure partie de sa concentration allait à la jeune femme. Son exploration le menèrent jusqu'à l'intimité de la femme. Ses mains remontèrent entre les cuisses de l'Auxiliaire, puis son entrejambe. La culotte suivi le pantalon de la chercheuse malgré le froid. Sous la couverture de survie qui servait tant à la réchauffer qu'à isoler un peu la "table d'opération" Luke atteignit l'entrée du vagin, il remonta, arrachant un cri à Mél. Après avoir sondé la Force, le Hapien se redressa légèrement, il lava ses mains grâce à sa solution et se tourna vers ses deux autres compagnons d'infortune.

- Elle a avorté.

Que la cause soit naturelle ou provoquée, c'était impossible à dire, mais le jeune homme avait perçu un signe plus qu'inquiétant de début de septicémie, une infection dû au violent rejet d'un embryon probablement et heureusement encore très petit. Elle avait été enceinte de deux, trois mois maximum pouvait-il évaluer en plaquant sa main sur son ventre plat. Sans pudeur, Luke replongea dans l'intimité de la femme et aux alentours afin de l'aider à évacuer tout ce qui pouvait rester et causer un choc au corps. Les caillots de sang nettoyés, la température de son corps stabilisé, Mél cessa de s'agiter, elle retrouva même la conscience bien qu'elle soit trop faible pour formuler une longue phrase.

- Tout irait bien. Il a dit... Rak...

La femme replongea épuisée, cette fois dans un monde de sommeil réparateur. Luke se nettoya les mains, puis se redressa. Il avait essuyé ses doigts sur le pancho définitivement fichu qui servait de litière à la blessée.

- Elle s'en sortira.- Déclara Luke.- À condition de rejoindre une structure médicale au plus vite afin de raffermir les points que je lui ai fait dans l'urgence, et de lui administrer des antibiotiques.

En réalité, Mél devrait guérir seule, y compris en territoire hostile, du moment que quelqu'un prenne soin de ses plaies ou veille à ce qu'elle mange. Il avait toutefois appuyé sur l'urgence de vite rentrer dans un lieu civilisé pour convaincre Rakki de rentrer sans faire d'histoire. Silencieusement et exclusivement, par le biais de la Force, il avait avisé Karm de son "mensonge". Aimait-il Mélanora, mais pas autant que sa carrière, au point de la pousser à avorter, ou à... L'éliminer? Était-ce la fuite en avant d'un couple amoureux qui ne voulait pas se confronter au Conseil et victime des circonstances? Rakki était-il seulement au courant de la grossesse de l'humaine? Était-ce seulement lui le père? Tant de questions sans réponse, et surtout sans logique. Le Temple s'était adouci concernant les mœurs, des chevaliers voir des maîtres avaient déjà eu des enfants, sans oublier que les Auxiliaires avaient une vie un peu moins stricte que leurs pairs Gardiens ou Consulaires. Il y avait forcément autre chose.

Il résista à l'envie de demander à nouveau ce qui s'était produit, préférant ne pas envenimer la situation, et éventuellement attendre que Mélanora puisse parler.

- Elle ne va pas pouvoir s'exprimer avant un certain temps, ni mème retrouver complètement la conscience, il va falloir la porter.

Certes, l'humaine aurait besoin d'aide pour se déplacer. Ceci dit, elle devrait être capable de dire ce qui s'était passé après deux ou trois heures de repos, mais ça Luke se garderait bien d'en faire référence devant Rakki, suite à la mise en garde de son ami. Il préférait conserver les deux suspects -bien que Mél ait plus l'aspect de victime ou de complice involontaire.- dans l'ignorance. En se pensant protégé d'un témoignage un temps, l'impressionnant barbu se porterait-il peut-être mieux, renonçant à un geste inconsidéré.

[HJ: Comme tu parlais de sang sur le pantalon, j'ai trouvé ça. Si ça ne va pas, dis-le moi et je changerai.]
Karm Torr
Karm Torr
Messages : 3593
Eclats Kyber : 0
Comme un coupable pris sur le fait, Rakki s’était muré dans le silence, depuis que Luke avait révélé l’état de la jeune femme. Karm, lui-même, demeurait silencieux. Il se sentait coupable de ne pas avoir cerné la relation qui unissait les deux Auxiliaires. N’était-ce pas de sa responsabilité de veiller à ce qui se passait au sein des membres de son équipe, en plus de la conduite du projet à proprement parler ? Mais ces reproches attendraient : il ravala ces émotions négatives pour se concentrer sur les nécessités du présent.

— C’est toi qui l’as mise enceinte ?

Question à là ark-ni, qui n’y allait pas par quatre chemins. Rakki ne répondit rien d’abord, mais il dut se rendre compte que le silence jouait tout autant en sa défaveur qu’un éventuel aveu, alors il finit par murmurer :

— Oui.
— Qu’est-ce qui s’est passé avec le speeder ?
— On… On était partis réparer la station météo. Normal, quoi. Moi, je lui parlais de quitter l’Ordre pour faire notre vie à deux. Mes parents vont bientôt passer la main à la ferme. On aurait pu s’en occuper. Nourrir les gens, c’est important, aussi. Elle, elle voulait pas. On a commencé à se disputer. Le ton est monté. J’ai pas vu l’arbre arriver.

Beaucoup plus que la relation nouée entre les deux Auxiliaires, qui aurait été somme toute tolérée par l’Ordre, par leur désir de quitter l’organisation, ce qui n’était pas rare chez les gens qui n’étaient pas devenus Chevaliers, c’était le récit de l’accident, précisément, qui inquiétait Karm, parce qu’il témoignait d’une colère qu’on n’avait pas su maîtriser. La fuite ne faisait que rajouter à la faute.

— Et ensuite ?
— J’ai eu peur.
— Qu’on soit punis.

L’Ark-Ni plissa les yeux. C’était un mensonge. Il le sentait dans la Force, mais surtout, la logique le dictait. L’Ordre ne punissait pas ce genre de choses. Il faisait la morale, peut-être. Ça pouvait être pénible et fastidieux, intimidant, paralysant, peut-être, mais ça ne justifiait pas de prendre le maquis. Pour le Gardien, il était évident que Rakki avait principalement eu peur d’être réprimandé pour l’accident et c’était lui seul qu’il avait voulu protéger, dans toute cette histoire. Mais peut-être qu’il croyait à ses propres prétextes.

— On rebrousse chemin. Rakki, tu portes Mel.

Ce n’était pas une situation idéale, mais Luke n’avait probablement pas la force de porter une malade et Karm préférait garder ses gestes libres, si d’aventure l’Auxiliaire tentait de leur fausser compagnie et redevenait violent. Il y eut un moment de silence, et de tension évidente, palpable à travers la Force, alors que Rakki toisait Karm de toute sa hauteur. Mais, soit que l’Auxiliaire se souvînt que celui qu’il avait en face de lui, avant d’être un explorateur, était d’abord un guerrier redoutable qu’il aurait été illusoire de vouloir dominer, soit que la culpabilité le convainquît de se plier aux ordres de Karm, il se retourna pour soulever délicatement Mel.

— Luke, ouvre la marche, si tu veux bien.

Karm avait conscience de mettre son compagnon à rude épreuve, mais ni l’état de la patiente, ni le tempérament de Rakki ne leur offraient le luxe du repos, en tout cas pas avant d’avoir rétabli le contact avec le camp. Ils se remirent donc en route et l’Ark-Ni ferma la marche, conservant toute son attention sur Rakki, et prêt à intervenir à la moindre incartade.

Est-ce que le jeune homme avait commis un crime ? Ou un délit ? C’était une question technique qui avait toute son importance. Il semblait à Karm que la fuite, au moins, devait relever de la non-assistance à personne en danger. Dans l’accident lui-même, il avait certainement une part de responsabilité, si c’était lui qui conduisait. Mais cette responsabilité s’exprimerait-il de manière pénale ?

— Elle bouge, finit par murmurer Rakki, après une marche qui avait été déjà très longue.
— Faisons une halte pour nous reposer et l’examiner, déclara Karm.

L’Auxiliaire déposa sa compagne au sol, près de Luke. Dans la Force, l’Ark-Ni chercha à sonder le Consulaire. Il comptait sur la détermination et la dévotion de l’Hapien, qui devaient sans doute aider celui-ci à braver la fatigue et le froid. Sa présence rassurante répondit à celle de Luke, dans le silence de leur intimité partagée. Le Chevalier s’autorisa quelques secondes avec ses jumelles pour scruter l’horizon.

— Speeders en approche. On dirait que le camp de base a reçu nos messages.

Il avait à peine fini de prononcer ces mots que Rakki était parti en courant dans la direction opposée. Comportement irrationnel, mais il était évident que le jeune homme avait cessé de réfléchir lucidement à sa situation, depuis l’accident, si ce n’était même pas plus tôt.

— Reste avec elle, fais la emmener par les speeders, t’inquiète pas pour moi, lança à toute vitesse Karm à Luke, avant de prendre en chasse le fuyard aux interminables foulées.
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn