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-Reste.
-Vous êtes sûr ?
-S'il te plaît.

Aussitôt, la charmante twi'lek revint s'allonger près de moi. Dans un élan de tendresse, certainement dû à l'ambiance si particulière qui régnait dans le chalet de bois, j'enlaçai l'esclave entre mes bras, et fermai les yeux, prêt à m'endormir.
Ce n'était pourtant pas mon habitude. Depuis que mon maître m'avait accordé cette semaine de vacances, et avait permis que j'emmène avec moi Lya, un esclave tout à fait à mon goût pour subvenir à tous mes besoins, je n'avais jamais souhaité partagé mon lit avec cette dernière en dehors de mes pulsions charnelles. Ce n'étais pas un aveu de brutalité de ma part, seulement le signe que je voulais établir entre nous un certain rempart, une frontière due à nos statuts différents et inégaux.

Le chalet que mon maître m'avait permis d'occuper, dans cette charmante planète de Galidraan, m'avait permis pour la première fois depuis bien longtemps, de reposer mon esprit, de retrouver une sorte de paix intérieure. La nature y était douce, accueillante. Grâce à Lya, le chalet était propre, vivant, chaleureux. Le climat y était léger, confortable. J'avais trouvé un plaisir immense à vivre quelques temps dans ce petit coin de paix.

Pendant cette semaine, mon quotidien avait été monstrueusement sain : choisir entre la forêt et la rivière qui se tenaient non loin de là, préférant un temps la chasse, un autre la pêche. Je m'évadai enfin de la prison qu'était ma propre violence. J'avais su me retrouver, penser, imaginer.
Cette planète m'avait profondément inspiré. Avant même que je ne la quitte, il me tardait déjà d'y revenir.

Mon mentor avait mis les petits plats dans les grands. Le chalet était assez grand, s'étendant sur trois étages, composé de presque une dizaine de chambres, un salon, une cuisine, et même une large pièce destinée à l'entraînement, où je pouvais chaque jour répéter mes katas. Tout y était décoré, en harmonie avec l'extérieur, les vitres et le bois s'accordant à merveille avec la nature environnant le tout.
Ainsi, l'hapien m'avait prouvé que le sacrifice d'une semaine de sa vie pouvait être un mal nécessaire. Pouvait permettre de devenir à long terme plus productif, plus efficace. Un homme reposé serait sans nul doute plus à même de servir ses desseins.

Or, servir les desseins de mon maître était encore et toujours ma priorité. Depuis quelques temps, mon esprit était en partie occupé par le projet de fonder un petit groupe de fidèle à même d'accomplir les plus sanglantes missions de Darth Noctis.
Je m'étais montré extrêmement sélectif, ne me penchant que sur le profil des fidèles les plus compétents de mon maître. Après ces longues études bien souvent vaines, j'étais parvenu à dégager du lot deux individus véritablement intéressant : un aleena expert en infiltration, et l'un des acolytes qui avaient aidé mon maître dans sa vendetta contre Darth Ombrios.

Je devais non seulement réunir cette troupe de futurs fantassins, mais aussi la former et la diriger. Or, je n'avais encore rien d'un professeur. Bien que ma formation m'aidait petit à petit à devenir plus sociable, plus courtois, je craignais que ma pédagogie soit encore bien loin d'être parfaite.
Au cours de mon séjour sur Galidraan m'était venu un constat réjouissant : y aurait-il un endroit plus propice à la cohésion de groupe et à l'apprentissage ?
M'était rapidement venue l'intime conviction que ce chalet, après quelques travaux d'élargissement, serait un sanctuaire idéal où former une prochaine génération d'assassins Sith prometteurs. Alors que ma semaine de vacances parvenait à son terme, j'avais partagé ce constat avec mon maître, et nous avions finalement conclu qu'il me rendrait visite dans ce fameux chalet pour partager avec moi ce projet d'établissement.

-Syn ! m'appela Lya alors que révisai un nouveau kata dans la pièce aménagée pour l'entraînement, le seigneur Noctis devrait arriver d'un minute à l'autre !
-Bien Lya, invite le à me rejoindre quand il sera arrivé.

J'allais reposer le bâton de bois poli qui me servait à la révision de mes katas sur un meuble prévu à cet effet. La pièce était extrêmement calme, d'une propreté irréprochable. Il en allait de même pour moi. J'étais habillé dans un kimono noir et blanc classique mais élégant, mon habituelle tignasse blanche attachée strictement à l'arrière de mon crâne.
Je m'étais positionné dans cette pièce plutôt qu'une autre afin que Darth Noctis puisse partager avec moi quelques notions élémentaires de la pédagogie, en plus pourquoi pas de nouvelles compétences. A moins qu'exceptionnellement, il ne cherche à mettre à l'épreuve mes compétences de bretteur et de professeur, en prenant lui-même une arme en main.

Lorsque finalement, je perçus la présence obscure du hapien, je vins me placer au centre du tapis recouvrant le sol de bois de la vaste salle d'entraînement, et je m'agenouillai en son centre. Finalement, la grande porte coulissante s'ouvrit sur la silhouette majestueuse du seigneur Sith, toujours vêtu avec le même raffinement. Comme à son habitude, son charisme et sa puissance s'imposait silencieusement tout autour de sa personne.
Sans plus attendre, je le gratifiai d'un solennel :

-Je vous souhaite la bienvenue, maître.
Absalom Thorn
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— T’as une drôle de conception du repos, dis donc...

Comme toujours lorsqu’ils n’étaient qu’entre eux, et qu’aucune oreille étrangère ne pouvait les surprendre, le ton de Venenous était beaucoup plus familier. L’ancienne Jedi, les bras croisés, sur le pas de la porte, contemplait la chambre holographique au milieu de laquelle se tenait son maître, beaucoup trop légèrement vêtu pour la décence élémentaire, comme à son habitude, mais surtout environné d’innombrables projections d’équations, de rapports industriels, de lettres diplomatiques et de brèves politiques.

— J’ai dormi jusqu’à six heures.
— La grasse matinée, quoi.

Noctis hocha distraitement la tête. Ceux qui le connaissaient pas et se faisaient sur son compte un avis bâti sur la seule réputation de coureur de garçons, de beauté fatale et de politicien aguerri mais pacifiste le prenaient souvent pour un homme frivole que sa lascivité poussait à toutes les négligences. Ils étaient loin de s’imaginer la rigueur presque inhumaine de ses journées, où les entraînements, les études, les exercices mystiques et physiques, l’écriture et la réflexion, l’emportaient presque toujours sur les plaisirs.

Ainsi, s’il avait conseillé à Syn de prendre un peu de repos, lui-même n’avait passé que quelques heures en compagnie de l’un de ses amants, avant de se plonger dans l’un des projets qu’il avait repoussés depuis un certain temps : une évaluation substantielle de la situation interne de l’Empire, sur le plan économique et financier. Ses conclusions n’étaient pas optimistes. L’état des lieux n’était pas catastrophique mais il y avait tout à craindre, selon lui, que le temps et l’énergie qui n’étaient pas employés à faire émerger une véritable cohésion institutionnelle et économique mais à fournir aux efforts continuels d’une guerre d’extension finiraient par précipiter l’effondrement d’une mégastructure insuffisamment renforcée pour pouvoir se maintenir d’elle-même.

— Le croiseur est prêt.
— Excellent, merci. Et Antara ?
— En chemin. Un rapport préliminaire.

Darth Venenous lui tendit un petit disque contenant les informations essentielles concernant l’évasion de la Sith et la fin de l’opération sur Belsavis. Quelques années auparavant, une Sith qu’il ne connaissait pas encore, une scientifique du nom d’Antara, avait formé seule le projet de s’infiltrer dans la Tombe, la fameuse prison rakkata, pour se plonger dans l’esprit des criminels millénaires qui y étaient maintenus là en stase. Scientifique habile et créative, Antara manquait du sens de l’organisation et des infrastructures nécessaires à un projet d’envergure et Noctis avait, deux ans plus tôt, réussi à la convaincre de rejoindre ses rangs.

Celle-ci s’était finalement laissée capturer, pour échouer dans la Tombe où, grâce à des complicités intérieures, elle avait pu mettre son plan à exécution, avec que Noctis n’emploie Harmonia, la société de Naboo qu’il avait acquise grâce à la première mission de Syn, pour orchestrer une évasion, qui avait servi à la fois de test pour une arme bactériologique, élaborée grâce aux informations que Madigan, un contrebandier dévonarien engagé dans l’Espace Hutt, avait fait passer pour lui à travers les frontières républicaines.

Toutes les pièces de cette machination complexe — de cette série de machinations imbriquées les unes dans les autres, plutôt — s’étaient emboîtées à la perfection et il en tirait une fierté certaine mais il n’oubliait pas, dans le même temps, qu’il n’aurait pas toujours cette bonne fortune et que le succès d’un jour ne devait pas endormir sa vigilance pour le lendemain. Sur le chemin qui le menait à Galidraan, il étudia donc avec soin le rapport composé par Antara et remis par Venenous.

Ce fut plusieurs heures plus tard qu’il fit son apparition dans la salle d’entraînement de son Apprenti. Il sentit immédiatement que le repos avait beaucoup profité à Syn. Ce n’était pas une surprise. Tumultueux et torturé, le jeune homme l’était certainement, mais Noctis avait été persuadé très tôt que le tempérament de Syn avait beaucoup mûri au fil des épreuves et qu’il ne lui manquait plus qu’un guide susceptible de développer les aspects de sa personnalité auxquels on s’était montré trop peu attentif et de lui offrir des opportunités de s’adonner à des tâches plus complexes, plus sociales et plus méditatives. Or, de jour en jour, Syn réussissait de mieux en mieux.

L’Hapien fit signe au jeune Sith de se relever.

— Vous avez l’air de vous porter fort bien. Lya a aussi l’air de se porter fort bien.

Il eut un sourire entendu, qui suggérait que Syn avait pleinement joui de la compagnie de la jeune esclave.

— La douceur et même la tendresse sont essentiels au plus féroce des guerriers. Elles contribuent à transformer la machine à tuer en homme et elles donnent à l’héroïsme une raison supplémentaire de s’exprimer. Ceux qui disent que les affections de ce genre amollissent l’âme sont ceux dont l’âme est trop faible pour en tirer une occasion supplémentaire de s’élever. Tout combattant médiocre que je sois, je me suis lancé à l’assaut de forteresses pour les yeux d’un bel esclave et je n’en suis ressorti que plus aguerri.

Il n’empêchait que les passions amoureuses de Noctis étaient pour lui la source de bien des difficultés politiques, surtout avec les militaires impériaux. Naturellement, comme la préférence de Syn allait aux femmes, il était peu probable que son Apprenti fût en butte à la même hostilité.

— Tout cela pour dire que vous avez bien fait. Si le chalet vous a plu, j’espère que vous accepterez de le garder. En signe de ma reconnaissance.

L’Hapien retira ses chaussures et ses chaussettes pour avancer pieds nus sur le tatami.

— Vous savez que malgré tout, je passe généralement deux heures par jour, sabre à la main, à répéter ce qu’on m’a appris. Parfois, je me demande si cette obstination est vraiment utile. Voilà bien des années que je n’ai pas fait le moindre progrès en la matière.

Il avait le niveau d’un Chevalier Jedi lambda, au sabre laser, et ce n’était pas si mal, mais le temps qu’il passait à entretenir ses réflexes en la matière lui paraissait de plus en plus du temps perdu.
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-Nous avons pris soin l'un de l'autre, répondais-je avec un sourire entendu.

En ces lieux si paisibles, dans cette atmosphère si propice au développement intérieur, les conseils de mon maître, sa vision de la tendresse et de l'affection, avait quelque chose d'encore plus profond.
Sur une planète comme celle-là, si éloignée de la violence et la froideur régnant partout dans l'Empire Sith, les propos eux-mêmes de mon mentor, si atypiques parmi les hommes de son rang, avaient quelque chose d'encore plus convaincants.

-Je ne sais pas de quoi je serais capable pour une femme. Mais pour le peu de vrais amis que j'ai, je serais capable de braver tous les empires de la galaxie !

Bien que mon maître l'avait déjà plus ou moins sous-entendu, le fait de savoir que désormais, ce chalet serait mien me fit un plaisir immense. Peut-être aurais-je alors l'opportunité de vivre encore bien des semaines comme cette dernière.
Mais les desseins que je nourrissais à l'égard de cet endroit étaient désormais bien plus larges que de simples vacances. Maintenant que ce lieu était ma propriété, sans doute pourrais-je mettre profit une partie de mes économies à l'aménager pour le rendre plus approprié à la formation de nouvelles troupes de fidèles du seigneur hapien.

-Merci beaucoup maître, c'est un présent magnifique.

Lorsque mon maître monta à son tour sur le tatami, je me retournai pour aller décrocher deux des barres de bois poli, dont les proportions avaient été travailler pour ressemble sensiblement à celles d'un sabre laser. Amusé, entreprenant, j'effectuai quelques jongles avec l'une de ces barres, puis m'approchai de mon maître pour lui tendre la seconde :

-Tenez, lui disais-je.

Lorsque l'imposant philosophe se fut muni de l'instrument, je tournai les talons et reculai de quelques pas. Darth Noctis et moi ne nous étions jamais entraînés ensemble au sabre laser. Ce dernier était davantage porté sur l'intellectualisme dans tous ses domaines, et semblait exceller dans chacun d'eux. Cette excellence intellectuelle, dont j'avais tout à apprendre, avait pris une place essentielle dans la formation que me prodiguait mon maître, à un tel point que les arts martiaux et militaires avaient pris une place secondaire, d'abord car l'hapien ne s'y intéressait pas outre mesure, d'autre car j'y avais déjà acquis une solide expérience.

-S'imposer une telle routine est le signe d'une rigueur qui paie toujours maître. Mais me permettriez-vous d'évaluer vos acquis ?

Sur ce, mes mains se placèrent mécaniquement à l'une des extrémités de l'arme d'entraînement, adoptant une prise serrée, raide. Mes jambes suivirent tout aussi mécaniquement le mouvement, se disposant l'une derrière l'autre, la gauche légèrement inclinée vers l'avant. C'était ma jambe d'appui. De solides appuis, bien que cela pouvait paraître basique, était essentiel dans un affrontement. Sans eux, impossible de repousser un adversaire agressif. Sans eux, impossible de prendre l'ascendant sur un adversaire plus passif. Négliger ses appuis était une faute grave, et ce genre d'erreur pouvait se payer lourdement, très vite. Cela avait été le cas pour ce padawan que j'avais terrassé sur Félucia. Une seconde de négligence lui avait coûté la victoire.

-J'ajouterais que je vous ai vu à l'oeuvre sur Serreno. Vous n'avez pas démérité !

Mon maître, dans toute sa dimension humaine, était aussi quelqu'un d'assez humble. Certes, il ne serait peut-être jamais un bretteur renommé, cependant, étant donné ce qu'il avait été capable d'accomplir face aux mercenaires nautolans que nous avions rencontré sur Serreno, il n'avait pas à rougir de son niveau.

Voulant enfin entraîner mon mentor dans une valse d'échauffement, je m'élançai en avant, insistant sur mes appuis et portant un coup basique au hapien, dont le rythme et la précision avait quelque chose de plus scolaire que martial. Je voulais simplement commencer doucement, jauger ses capacités. J'augmenterais la cadence de frappe et élèverait le niveau au fur et à mesure.
Absalom Thorn
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Noctis attrapa le bâton que son Apprenti lui tendait.

— Evaluez tout ce que vous voulez, consentit l’Hapien, mais vous risquez fort d’être déçu.

S’il lui arrivait de rester évasif sur son rapport au sabre quand il évoluait à l’extérieur de son cercle de fidèles, parmi les siens, Noctis n’avait pas la même pudeur. D’abord, elle aurait été contre-productive : il était beaucoup plus prudent que ceux qui le protégeaient fussent avertis de ce genre de faiblesses pour prendre les mesures qui s’imposaient. Ensuite, elle était une invitation salutaire à l’humilité. Noctis était indubitablement fier de ses exploits, et orgueilleux à sa manière, comme beaucoup de Siths, mais, élevé par les Jedis, il avait conservé une méfiance de principe face aux égos trop pleins d’eux-mêmes et se rappeler régulièrement sa médiocrité au sabre lui permettait de descendre de son propre pied-d’estal.

L’Hapien se débarrassa de son lourd manteau qu’il avait revêtu pour combattre la fraîcheur de Galidraan avant de retirer un pull de laine rare. Dessous, son débardeur laissait voir la musculature solide et harmonieuse que Syn lui connaissait mais les exercices que l’Hapien s’imposait répondaient d’abord à une logique spirituelle puis à des préoccupations esthétiques. S’il se musclait, c’était pour s’astreindre à régime physique constant et rigoureux, qui domestiquait le corps et l’esprit. Et, bien sûr, il s’en servait pour entretenir sa beauté.

Les premières passes d’armes ne furent pas risibles au demeurant. Noctis avait malgré tout les mouvements fluides et aisés d’un Jedi bien entraîné, qui n’avait pas abandonné sa pratique, malgré son peu d’attrait pour la discipline. La souplesse et la maîtrise du corps qu’il cultivait surtout avec ses amants n’étaient toutefois pas sans pertinence sur un tatami.

Ses gestes témoignaient d’assez peu de variété mais d’une maîtrise honorable de ce sur quoi il s’était concentré, à savoir principalement le Makashi et le Niman. Il était évident que, comme il l’avait fait avec les mercenaires nautolans, il suppléait le plus souvent ses limitations techniques par l’usage de la Force mais, ce jour-là, il s’en abstint naturellement, pour que Syn eût une idée exacte de ce dont il était capable.

Il y avait au moins quelque chose d’exceptionnel dans les performances de l’Hapien et c’était qu’il ne fatiguait pas facilement. Son endurance était tout aussi saisissante que sa résistance à la douleur et la finesse de ses traits délicats n’annonçait rien de la solidité redoutable de son corps. Mais cela ne suffisait certes pas à l’emporter et, à mesurer que les enchaînements devenaient plus complexes et dépassaient ce que le Conseil Jedi attendait de tout Chevalier pleinement indépendant, l’Hapien se faisait rapidement dépassé.

La première fois qu’il fut désarmé, il se contenta d’un « reprenons », et ainsi de la deuxième, et de la troisième. Tout le talent du monde ne valait rien sans l’obstination et la volonté de se plier à des exercices fastidieux. De la même manière que Noctis s’astreignait aux lectures interminables des rapports économiques des quatre coins de la Galaxie, il était prêt à répéter les mêmes exercices autant de fois qu’il jugerait être capable d’apporter quelque chose de nouveau, pour que Syn eut une idée aussi informée que possible de ses aptitudes.

L’évaluation dura donc un long moment, avant que, désormais à nouveau, Noctis ne lève la main pour y mettre terme. Il était en sueur mais sa respiration était encore régulière.

— Je crains de ne pouvoir faire mieux.

Endurance mise à part, sa performance n’avait rien eu de spectaculaire, sans être toutefois parfaitement déshonorante. Simplement, elle était un peu scolaire, consciencieuse sans aucun doute, mais limitée, et contrainte par une puissance de frappe toute relative, absolument disproportionnée au regard de ce que son physique athlétique pouvait laisser espérer.

— Mon Maître au sein de l’Ordre était un diplomate. Et un Neti. Autant dire que l’entraînement d’un humain au sabre lui échappait dans une large mesure. J’ai suivi les cours des maîtres d’armes du Temple, comme les autres Padawans, et c’est ce qui m’a permis d’acquérir un niveau suffisant, mais au-delà de ça...

Darth Venenous, très fine lame elle-même, ne lui avait jamais proposé d’entraînement, convaincue que son maître s’en désintéresserait et Oblivion, de son côté, s’était toujours jugé indigne d’enseigner quoi que ce soit au Seigneur Sith.

— J’aurais pu rechercher activement de nouveaux professeurs, il est vrai, mais enfin, on s’installe facilement dans sa routine.
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Le bois frappant avec violence, à un rythme régulier, remplissait désormais la pièce. C'était le seul bruit que l'on pouvait entendre. Mais quiconque serait entré dans mon crâne aurait perçu le bruit insupportable des idées fusant dans tous les sens. Je recherchai chaque habitude de mon maître, dans ses parades, ses contre-attaques, mesurai la vitesse de ses réflexes.

Cette capacité à évaluer et comprendre les adversaires contre lesquels mes duels s'éternisaient, ou à défaut de cela, comprendre pourquoi et comment un tel ou un autre avait pu me vaincre m'avait valu de parvenir au sommet du panier parmi les apprentis de l'académie de Korriban.
Ainsi, après quelques passes tranquilles, mon niveau de réactivité et de technique s’élevait, opposant une difficulté croissante à mon mentor.

Si au cours de cet entraînement, j'avais l'avantage, je ne pouvais m'empêcher de songer qu'en conditions réelles, mon maître m'aurait sans doute déjà tué une dizaine de fois. Sa maîtrise de la force était telle qu'il disposait certainement d'un arsenal de pouvoirs capables de me réduire en charpie, ou tout simplement de me défaire. Je l'avais déjà vu amoindrir les compétences des mercenaires nautolans sans même les toucher, ou encore créer à partir de rien un brouillard épais dans lequel vaincre ces agresseurs.

Si il lui venait l'envie de déployer ce genre de pouvoir, j'étais certain que toutes mes compétences de bretteur ne suffiraient pas à l'emporter. De plus, lorsque je songeai au vieux bothan terrassé en l'espace d'une seconde, je me doutai bien que je serais encore moins capable que lui de lutter face à un Darth Noctis au sommet de sa puissance.

Cependant, mon maître se prêtait à l'exercice avec fair-play, et ne cherchait pas à utiliser autre chose que l'instrument de bois fourni. Il ne déméritait pas, et bien que son niveau soit d'une grande banalité, il était aussi compétent que le commun des jedi ou des Sith de rang intermédiaire.

Au fur et à mesure de l'exercice, je parvenais à désarmer mon maître à plusieurs reprises, mais la fatigue commençait petit à petit à se faire sentir. J'étais moins endurant que le seigneur Sith, et sur la durée, je fatiguais plus que lui.
J'étais davantage taillé pour des combats brefs, efficaces. Lors de mes affrontements, j'avais davantage tendance à viser le tout ou rien. Vaincre ou être vaincu. Aussi, j'étais désormais essoufflé, et une petite douleur commençait à tordre un point fixe de mon ventre. Fort heureusement, mon maître sonna la fin de cet entraînement, et j'eus la chance de ne pas me discréditer à cette occasion.

-Si vous accordiez un peu plus de temps à l'escrime, vous progresseriez vite, sans doute.

Je m'éloignais enfin, laissant mes muscles au repos, permettant à mon esprit et à mes yeux de prendre un peu de repos. Je reposai sur le meuble qui servait à cela le manche de bois. Sentant enfin l'adrénaline et la pression de mon corps redescendre un peu, je me permettai de me lancer enfin dans le sujet important qui m'avait décidé à me faire venir mon mentor dans ce chalet.

-Cet endroit m'a inspiré maître. Je crois que je pourrais, que je devrais, en faire plus qu'une simple maison de vacances.

Je m'asseyais en tailleurs sur le tatami, face à mon maître, mon regard intensément plongé dans le sien. Je voulais lui témoigner le sérieux de ma démarcher :

-Vous m'avez demandé d'étudier le profil de certains de vos fidèles, pour réunir une troupe de combattants. Je l'ai fait. Avec rigueur. Je suis prêt à poser les premières pierres de ce projet. Cet endroit, cette planète sont propices à l'enseignement, au développement personnel.

Je marquai une nouvelle pause, le temps d'observer sur le visage de mon maître si ce dernier semblait approuver ou non le tableau que je commençais à brosser. Ne distinguant encore rien dans son expression qui trahisse son ressentiment, je concluais enfin :

-Pourquoi ne pas bâtir ici un centre de formation où je pourrai commencer à réunir et entraîner vos troupes ? Qu'en dites-vous ?
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Les deux bâtons étaient rangés désormais l’un à côté de l’autre, sur le petit meuble, et Lya, qui était venue jeter un œil pour s’assurer que les deux hommes n’avaient besoin rien, oscillant toujours entre l’indépendance relative que sa relation naissante avec Syn lui offrait et les habitudes solidement ancrées par la servitude, après s’être éclipsée, était revenue déposer dans un silence respectueux, peut-être quelque peu craintif, une cruche d’eau et deux grandes verres. Noctis en tendit un à son Apprenti avant de servir l’autre à soi-même.

— Hélas, même les journées les mieux organisées n’offrent que quelques heures précieuses. Je ne sais pas si je pourrais vraiment consacrer plus de temps à l’escrime. Mais peut-être mieux m’y consacrer, oui. Essayer moins de maintenir mes acquis que de développer ce que j’ignore encore.

Il devait bien trouver au moins un peu d’intérêt à cette discipline, sans quoi il aurait troqué depuis longtemps son sabre laser, dont on pouvait difficilement juger qu’il était l’arme la plus pratique de la Galaxie, pour un instrument plus maniable et plus moderne, moins dangereux surtout pour celui qui le manipulait. Noctis voyait dans l’exercice moins un attachement à des traditions précieuses, moderniste qu’il était, qu’un défi personnel et un sobre rappel à la réalité.

Il s’assit à son tour sur le tatami, sa respiration déjà régulière. Sa carrure laissait juger facilement que s’il ne brillait pas au sabre, il avait une solide habitude des exercices physiques. Prêtant une oreille attentive à son Apprenti, il finit par hocher lentement la tête.

— L’essentiel est que le lien vous convienne et qu’il ne soit pas trop exposé. Nous avons nos ennemis et il serait fâcheux que, dans un premier temps, profitant de l’inexpérience relative des nouvelles recrues, quelqu’un se saisisse de l’occasion pour étouffer le projet dans l’œuf. C’est peu probable, bien sûr, mais prudence est mère de sûreté.

La formation de cette petite escouade lui tenait à cœur, à la fois parce qu’elle s’avérerait utile pour la conduite de ses opérations les moins diplomatiques et parce qu’elle consistait une excellente formation pour Syn. Noctis avait bon espoir de voir son Apprenti s’élever rapidement au rang de guerrier. Si des pans précieux de la formation avaient été négligés chez le jeune homme, Noctis le jugeait assez mûr et susceptible de progrès assez prompts pour progresser bientôt dans la hiérarchie sith.

En tout cas, Noctis préférait de loin pouvoir se reposer sur ses propres équipes que de devoir compter, pour les travaux musclés, sur les forces militaires de l’Empire. Il y avait quelques alliés bien sûr mais sa réputation n’y était jamais au beau fixe et la prudence lui soufflait de ne se reposer que sur des fidèles.

— Si vous songez à des aménagements très spécifiques, des travaux de construction en toute discrétion peuvent s’avérer compliqués. Compliqués à garder secrets, je veux dire. On ne déplace pas aisément des robots-terrassiers. Mais enfin, l’important, c’est que les infrastructures soient à la hauteur de la tâche que vous vous proposez.

Noctis acheva un second verre d’eau d’une traite avant de poursuivre.

— Les désirs d’expansion militaire couvent toujours au sein de l’Empire et je ne doute pas qu’une nouvelle poussée dans les frontières de la République soient imminentes. Une cruelle erreur, à mon avis, mais enfin, l’Empire est un peu comme un vaisseau lancé à pleine vitesse que son inertie seule suffirait à propulser encore en avant. Il faudrait du temps pour que les gens se rendent à des idées plus raisonnables. Quoi qu’il en soit, Nero s’est mis en tête d’envahir Gree pour y capturer des Jedis, c’en est au moins un que l’on tiendra à l’écart du front. C’est une folie de sa part mais pour nous, ce sera l’opportunité de s’exercer sur un terrain propice.

Les intentions de Noctis à l’égard du plan de Nero étaient troubles. Pour lui, c’était surtout l’occasion de se tenir éloigné du front, pour pouvoir préserver la cohérence de ses actions et de son analyse politique, qui prônait un retour à la paix pour faire entrer l’Empire dans une phase de consolidation interne. Il se voyait mal rester un interlocuteur crédible pour les dirigeants qui partageaient ses sentiments en se lançant dans une guerre de conquête. Gree était un compromis, loin de la solution idéale, mais qui permettait de ménager la chèvre et le chou. Il était loin d’anticiper que ce compromis le ferait échouer dans une capsule de sauvetage, après l’éventrement de son croiseur.

— Parlez moi de celles et ceux que vous avez repérés et du genre d’entraînement que vous prévoyez. Non que je ne vous fasse pas confiance en la matière mais j’aime savoir de qui je m’entoure.
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Je n'accordais pas le moindre regard à Lya, focalisé sur mon tout nouveau besoin de recouvrer mes forces. J'étais d'ordinaire quelqu'un de solitaire. Bien que j'avais vécu sous le même toit que l'esclave durant une semaine, et bien qu'elle avait été l'invitée d'une manière presque systématique dans mon lit, ce n'était pas pour autant que je me sentais en quelque façon que ce soit attaché à elle.
Malgré toute sa douceur, mon cœur était resté un morceau de charbon, calciné pendant des années parla violence et la haine. Me faire renoncer à toute cette hostilité et toute cette méfiance serait un travail qui s'étendrait sur des années, et jamais la t'wi'lek n'aurait la chance -ou le malheur, de partager si longtemps sa vie avec la mienne.

J'avalais par petites gorgées, ainsi que l'on m'avait appris plus jeune. Afin d'être un combattant "optimisé", il était nécessaire d'adopter un comportement minutieux sur bien des points, fussent-ils aussi négligeables que la manière de déglutir.

-Je n'en suis qu'aux balbutiements de mon projet maître, les premières années seront d'une discrédité absolue. Je compte commencer humblement. Je ne pense même pas que des travaux d'aménagement soit nécessaire.

Mon maître évoqua alors l'expansion militaire de l'Empire. Je connaissais déjà sa vision vis-à-vis de cette envie irrépressible de conquête que nourrissaient la plupart des Sith. Je la connaissais, et je la partageais. Dès lors que la Dame Noire s'était retirée, et que son apprenti s'était retrouvée sur le trône, nous assistions à une guerre silencieuse, l'héritière illégitime cherchant à justifier son pouvoir à grand renfort de guerres et d'annexions, et les envieux multipliant les attaques insidieuses contre le pouvoir qu'elle exerçait.

Mon maître avait en horreur cette situation qui faisait prôner un égoïsme stérile, et je craignais que si la situation n'évoluait pas, la république ne porte à l'Empire un coup fatal dont jamais nous ne pourrions nous relever. Je ne voyais qu'une seule solution : renverser le pouvoir établi pour installer sur le trône un Sith légitime à les gouverner tous, qui saurait pacifier la situation de son royaume pour lui permettre de se stabiliser et de prospérer. Le problème, c'était que nul ne semblait pouvoir mériter cette place.

J'étais sûr que mon mentor avait les épaules pour, bien entendu. Seulement, son influence était contestée et lui-même ne semblait pas éprouver l'envie de gouverner. Par défaut, il se rengeait derrière Darth Nero, un excentrique lubrique et mégalomane. Un imbécile dont le surnom de "Roi-panthère" soulignait bien le ridicule de son amour narcissique. Je n'avais donc aucune envie de voir mon maître soutenir ce genre de personnage. J'aurais voulu lui poser un millier de questions, mais cela aurait été déplacé. Le hapien servait toujours à merveille ses desseins, et il avait sans nul doute déjà posé le pour et le contre. Aucune de mes questions ne serait pertinente. Aussi, je me contentai d'un timide :

-En ce cas, je vous servirai sur Gree mon maître. Je vous ferai honneur.

Il ne restait plus qu'à découvrir comment je pourrais le servir sur une planète aussi isolée et vide. Qu'est que cet intriguant de Darth Nero voudrait bien faire sur une planète désertique que celle-ci ? Que pourrait-il prouver depuis ce trou à rats ?

Lorsque mon maître me demanda d'évoquer de manière concrète mes projets, j'eus bien du mal à contenir mon enthousiasme. Je m'étais montré très sélectif, et je m'imposai de ne pas voir les choses en trop grand dès le début. Il me fallait garder les pieds sur la terre ferme, de peur de devoir aussitôt avorter mes aspirations.

-Je n'ai pour l'instant que deux profils concrets ! C'est peu, je le sais, mais je devrai d'abord m'acclimater à mes nouveaux devoirs. Le premier est un Aleena expert en sabotage et en infiltration dont je serrai bien incapable de vous donner le nom sans le voir écrit sous mes yeux ! Un élément qui vous est profondément dévoué, étant donné que rares sont ceux de son espèce à tirer leur épingle du jeu. Je suis convaincu que je saurai lui offrir une place de choix au sein d'une future équipe !

Je m'étais relevé, et je peinais à m'empêcher de faire les cent pas. Mes mains parlaient avec moi, s'agitant d'un coin à l'autre. Je donnai enfin une forme presque palpable à mes projets, c'était là quelque chose de très grisant.

-Le second, c'est un homme nommé Gidéon. De quelques années mon cadet, c'est un bretteur déjà talentueux. Une bonne graine que j'aimerais aider à germer, en somme. Il nous a été d'un grand secours sur Serreno !

Je m'arrêtai enfin dans ma marche inutile, l'air toujours plus décidé :

-Mon projet serait de les former. Ni plus ni moins. Les aider à dompter leur colère, leurs plus instincts. Je les formerai à l'escrime, à manier toutes sortes d'armes. Je forgerai leur corps. Tirer, combattre, assassiner, grimper, courir. Tout ce qui les aidera à devenir de véritables soldats d'élites, et pourquoi pas essayer de leur faire appréhender la force, au moins en partie.

Je marquai une petite pause, essayant de ne rien oublier. J'essayai de visualiser ma propre éducation. Là où elle avait été complète, là où elle avait pêché.

-Je saurai leur apprendre à manier un sabre ici-même.La forêt et la chasse se prêtent aux exercices de tirs. Lorsqu'ils seront prêts, les villes dispersées sur la planète seront un vaste terrain de jeu où ils apprendront à évoluer en environnement urbain, et comment agir au
contact d'une foule.


Je me rasseyais en face de mon maître, un large sourire illuminant mon visage :

-Cela vous semble abordable ?
Absalom Thorn
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Alors que son Apprenti avait commencé à faire les cent pas, Noctis l’avait suivi d’un regard à la fois inquisiteur et paisible, toujours assis en tailleur sur le tatami. Il était bien placé pour mesurer ce que les premières vraies responsabilités pouvaient avoir à la fois de grisant et d’intimidant. Pendant de longues années, alors qu’il n’était que Padawan, au sein de l’Ordre, il avait rongé son frein, sentant grandir en lui son tempérament naturel de leader. Il avait souffert d’être longtemps relégué à des tâches qu’il avait jugé annexes, ou en tout cas inférieures à ses aptitudes et étrangères à son caractère. L’Empire lui avait ouvert une carrière bien différente.

Il n’y avait peut-être pas de tâche plus ardue que celle du recrutement. C’était prendre une décision qui aurait des conséquences considérables et pour longtemps. On maniait alors le destin d’hommes et de femmes que l’on pouvait regarder droit dans les yeux et, en quelque manière, ce regard les rendait infiniment plus sensibles, et plus difficiles, que l’avenir des planètes qui était négocié dans les salons des diplomates. N’y avait-il pas de la sorte bien des dirigeants qui sacrifiaient sans hésiter des populations entières mais auraient été bien incapables de tuer de leur propre main un seul homme ?

Le sourire de Syn témoignait tout à la fois de sa confiance et de son enthousiasme, et Noctis fut confirmé dans son intuition première : que le jeune homme était aux portes du nouvel âge de sa vie, où d’enseigné il deviendrait enseignant, et petit à petit, d’Apprenti Maître à son tour.

— Abordable, certainement.

L’humain avait même fait preuve d’une certaine modestie dans son projet. D’autres que lui auraient sauté sur l’occasion pour recruter une escouade au grand complet et s’improviser tout d’un coup colonel.

— Vous avez proportionné votre choix aux forces que vous vous sentez avoir et c’est assurément une décision très sage.

S’agissait-il d’un compliment ou d’une manière de suggérer que la chose manquait d’envergure ? Noctis se releva avec souplesse. L’exercice avait réveillé son appétit et il était temps de sustenter. Marchant côte à côte avec son Apprenti, il reprit ses commentaires.

— Il faudra veiller bien entendu à l’ambiance très particulière qui règne parfois chez les jeunes gens formés sur Korriban ou même n’importe où ailleurs dans l’Empire. Vous êtes sans doute bien placé pour savoir que l’ambition s’y exprime parfois de la façon la plus sournoise et c’est une situation qui invite à prendre des précautions particulières.

Nombreux étaient les Acolytes qui s’étaient élevés dans les rangs de l’Empire en sacrifiant la concurrence à leur désir de grandeur. Les Seigneurs Siths considéraient parfois que l’ingéniosité implacable qui guidait les assassinats de dortoirs et les trahisons en tout genre était la preuve d’un tempérament excellent et d’un attachement sincère au Côté Obscur. Noctis avait tendance à y voir un défaut organisationnel majeur et la porte ouverte à une hiérarchie composée de psychopathes instables. Mais nul ne pouvait se battre sur tous les fronts et, en général, il évitait de donner son opinion sur la situation académique. Il avait déjà fort à faire avec ses opinions pacifistes.

— Je ne dis pas de ne dormir que d’un œil car, quand ils seront avec vous, votre présence leur en imposera nécessairement, sinon par la reconnaissance et le respect, du moins par la crainte qui vient naturellement à ceux qui ont grandi au sein de l’Empire, mais en votre absence, quand vous aurez à vaquer à d’autres occupations, et qu’ils seront livrés à eux-mêmes ici, pour poursuivre seuls l’entraînement, il n’est pas exclu qu’ils songent parfois à se passer de maître. A plus forte raison s’ils me sont dévoués.

Ils avaient atteint la cuisine meublée de bois où Lya s’activait souvent mais qui était alors déserte. La Twi’Lek était partie veillée à l’entretien des robots-paysagers, qui s’occupaient du parc entourant la propriété. Noctis commença à fureter dans les placards, à la recherche de quelque chose qui fût facile à préparer. La cuisine n’avait jamais fait partie de ses attributions et, en général, l’un de ses innombrables amants s’occupait des fourneaux.

— Je veux dire par là que certains pourraient chercher à s’illustrer en devenant apprenti à la place de l’Apprenti. Tentative vouée à l’échec, parce que j’ai toute confiance en votre présence d’esprit, mais qui invite néanmoins à la vigilance. J’essaie de décourager ce genre de futilités dans mon entourage mais enfin, je ne peux pas lutter constamment contre l’influence du climat culturel général de l’Empire.

En tout cas, il était certain que rares étaient les acolytes au service de l’Hapien à fréquenter les couloirs de Korriban. Noctis avait mis en place ses propres structures et ses propres méthodes pédagogiques, ce qui n’était pas pour plaire à tous les observateurs extérieurs.

— Avez-vous songé à ce qu’il en serait de la vie quotidienne ? Vont-ils vivre ici à plein temps ? Auront-ils le droit à des sorties ? Allez-vous encourager ou décourager les attaches extérieures ? Ce que vous serez finalement pour eux plus qu’un professeur : vous serez aussi en quelque sorte un père. Il vous faut attendre qu’au détour d’un combat de sabre, l’un finisse par vous confier une angoisse existentielle, une incertitude personnelle ou une peine de cœur.

Il voyait mal Syn jouer au Docteur Love, certes.
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Je m'échinais à tempérer mon ambition, cette toute nouvelle frénésie qui me faisait m'imaginer professeur. Je ne devais pas me laisser déborder par mon envie, au risque de mettre mes projets en péril, ou celui de déplaire à mon maître. Rien de tout cela ne serait faisable sans lui.

Alors que nous traversions la petite propriété, mon maître m'invita subtilement à la réflexion. Est-ce que mes aspirations étaient trop humbles ? L'étaient-elles à raison ?
Cependant, plus j'y pensais, plus je me contentais de ce que je voulais créer pour l'instant. Lorsque je n'étais encore moi-même qu'un novice parmi d'autres, j'étais incapable du moindre respect pour un Sith qui n'aurait pas été d'un rang suffisant pour me faire taire. Je haïssais le monde, et tout ceux qui le peuplaient. J'aurais été bien incapable d'accorder ma confiance, encore moins de remettre ma formation entre les mains d'un simple apprenti. Ainsi, si je ne parvenais pas à nouer des liens authentiques et sincères avec mes futurs élèves, autant ne pas me donner la peine d'entreprendre. Je devrais gagner leur respect, un par un.

-Je connais excessivement bien Korriban et la mentalité qui y règne. C'est pour cela que je souhaite avancer pas à pas, avec chacune des mes éventuelles recrues.

Une fois dans la cuisine, nous évoquâmes les problèmes évidents qui allaient se poser lorsque je prendrais en charge la formation de ces jeunes novices. En évoquant tout cela j'avais l'impression que l'Empire était une usine à fabriquer des adolescents en rébellion. Adolescents dont j'avais fait partie. Darth Noctis et Makem Te m'avaient aidé à devenir un adulte.

Peut-être que ma nouvelle sagesse pourrait devenir contagieuse, et atteindre mes futurs disciples. Je crois qu'au fond de moi, j'espérais devenir enfin un leader. Je suivais depuis trop longtemps les ordres des guerriers et seigneurs futiles de Korriban. Sous l'égide du seigneur Hapien, je pourrai enfin m'élever, et jouer un rôle d'instructeur, peut-être même paternel. Et un jour, je pourrais éventuellement devenir un chef aussi respecté et influent que mon maître ne l'était déjà.

-Je crois que je leur laisserais toutes les attaches auxquelles ils aspireront, tant qu'elles n’empiéteront pas sur leurs formations. Quoi de mieux que des passions amoureuses et amicales pour s'approprier l'éducation des Sith ? Et lorsque je parlais de gagner leur confiance, quel meilleur moyen pour cela que d'écouter leurs confidences, et tenter de les guider ?

J'essayais d'afficher une grande confiance en moi-même, en mes projets, mais au fond, ces questions rhétoriques n'en étaient pas. J'avais besoin de mon maître pour devenir le semblant d'un professeur.
Absalom Thorn
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Noctis sortit d’un placard un paquet de… euh…

— Peut-être pas, murmura l’Hapien pour lui-même, après mûre réflexion dans un tête-à-tête avec les nouilles de l’espace, avant de repartir à la recherche d’une collation moins aventureuse.

— Oui, c’est à peu près ce que je vous disais, quand nous avions parler de cela. Et les Jedis n’interdiraient pas les affections s’ils n’étaient pas conscients qu’elles sont une voie sûre vers le Côté Obscur. Ils essaient toujours de présenter cela d’un point de vue négatif, de la privation, du deuil et de la colère, mais la vérité, c’est que l’affection mène à la puissance, parce que les attachements donnent du sens et de la valeur à l’existence.

Pour Noctis, l’un des principaux défauts de l’Ordre Jedi — et, à ses yeux, ils étaient nombreux — résidait dans sa propension à désincarner l’existence. A force d’abstraction, les Jedis en avaient selon lui perdu contact avec la vie, avec la matière même du monde, dans laquelle résidait pourtant la source de leur puissance commune, à travers la Force. Et les Siths qui prônaient une colère pure, une haine quasi conceptuelle, n’étaient pas loin de s’engager dans le même genre d’intégrisme stérile.

— Notez cependant qu’il est préférable que les attachements érotiques ou romantiques se nouent en dehors du cercle des combattants. On peut facilement guider un apprenti à travers les peines et les grandeurs d’une vie sentimentale qui se joue à l’extérieur, parce que c’est une affaire qui ne l’affecte finalement que lui, mais quand les ruptures et les jalousies créent des divisions à l’intérieur même du groupe… Ah ! Voilà qui est plus prometteur.

Cette exclamation enthousiaste avait été provoquée par la découverte d’une réserve de petits gâteaux fourrés à la confiture de fruits des environs. Noctis en déversa une vingtaine sur une large assiette, avant d’inviter d’un geste de la main Syn à s’asseoir avec lui à la petite table en bois qui occupait encore la cuisine.

— Qu’est-ce que je disais ? Ah oui. Les jalouses créent des divisions à l’intérieur d’un groupe et peuvent conduire à des difficultés insurmontables. Mieux vaut préconiser à cet égard une certaine forme de… Disons, de professionnalisme. La camaraderie est essentielle, et indubitablement préférable à l’inimitié constante de Korriban, mais elle constitue un horizon qu’il me paraît difficile de dépasser sans danger pour la cohésion du groupe.

Et c’était sans doute la raison pour laquelle ses propres amours se nouaient toujours à l’extérieur du petit monde des Siths, encore qu’il était difficile de croire qu’un homme tel que lui pût nourrir des sentiments durables et sincères pour ces esclaves qu’il sauvait aux quatre coins de la Galaxie. Tout le monde avait toujours supposé qu’ils constituaient pour Noctis des distractions passagères, dont les principaux mérites étaient essentiellement d’ordre esthétiques.

— Bien, reprit le jeune Seigneur en engloutissant un énième gâteau, pour se remettre de l’entraînement, j’imagine que quelques missions simples pourraient servir d’exercices pédagogiques. Des occasions de mettre rapidement en pratique les compétences acquises ici, dans un environnement préservé. Je tâcherai de concevoir des projets qui puissent faire une place à une équipe encore en pleine formation. Mais rien n’empêche que vous commenciez à poursuivre également vos propres intérêts, en parallèle des miens.

Par là, il invitait Syn à faire preuve moins d’une parfaite indépendance que du même esprit d’initiative qui avait poussé le jeune homme à proposer la formation d’un commando sous son autorité.

— Est-ce que vous y avez déjà songé, d’ailleurs ? Au genre de Sith que vous voudriez être, plus tard, dans quelques années, dans dix ans, dans cinquante ans. Les destins qui s’offrent à vous sont nombreux. Ce commando est un tremplin, et bien sûr il vous désigne pour le combat, et la fonction militaire, mais il peut aussi devenir à terme un instrument pour d’autres projets. Economiques, ou spirituels, ou scientifiques.

Les uns n’étaient de toute évidence pas exclusifs des autres, si l’on devait en juger à l’enchevêtrement complexe des intérêts que poursuivait continuellement l’Hapien.

— Ce n’est pas que je m’impatiente, notez. Vous avez encore bien du temps devant vous pour parfaire votre apprentissage et vous sentir prêt à voler de vos propres ailes et, au demeurant, ce n’est pas parce que vous ne serez plus mon apprenti que je cesserai de vous épauler. Vous avez bien vu comment je procède avec Venenous, par exemple. Simplement… Vous arrivez à un âge où il est opportun de former des projets sur le long terme. Je ne vous cache pas que ces projets sont souvent balayés par les circonstances et ce qui compte, c’est peut-être moins leur contenu même que l’habitude qu’on en prend. Un exercice qui fortifie, si je puis dire, la résolution et l’esprit d’analyse.
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Parler de ce genre de relations amoureuses faisaient remonter beaucoup de souvenirs. Je me rappelais de cette fille pour laquelle j'avais nourri mes premiers sentiments amoureux, alors que j'étais qu'à peine adolescent. A cette époque, ce type de relation était déjà un obstacle. Difficile de former des enfants à s’entre-tuer si ces derniers venaient à éprouver ce genre de sentiments les uns pour les autres.
D'ailleurs, la conclusion de ce semblant de romance n'avait rien d'enviable. Il m'était impossible de me remémorer le visage de cette fille, Lacie, sans que ce ce visage soit celui qu'elle avait, figé, après que je l'ai brutalement tuée, sans même l'avoir voulu.

J'avais déjà vu des apprentis se comporter étrangement pour défendre ou plaire à une femme pour qui ils éprouvaient une certaine attirance. L'amour était la seule chose qui pouvait faire perdre pieds à un homme raisonnable, j'en étais convaincu. Il était d'ailleurs aisé de jouer là-dessus. Dans ce genre de pari, on était rarement déçu. Il valait donc parfois mieux se contenter d'un morceau de charbon en guise de cœur, comme ce pouvait être le cas pour moi-même.
Je ne pourrais pas laisser mes disciples éprouver une quelconque jalousie qui les pousserait à se tailler en pièce les uns et les autres, encore moins les autoriser à jouer les amoureux transis sous mon toit.

-Oui maître, je tâcherai d'être vigilant, acquiesçai-je.

J'esquissai un sourire lorsque mon mentor dénicha enfin des biscuits. Il m'arrivait d'en engloutir quelques uns, surtout depuis que j'avais pris la mauvaise habitude de grignoter entre les repas. Je n'avais pas de grande affection pour le sucre, mais la confiture de fruit des environs avait de quoi adoucir un rancor. Lorsque l'hapien déposa l'assiette, je ne pus réprimer l'envie de me saisir immédiatement l'un des gâteaux.

Et lorsque mon mentor reprit, évoquant mes éventuels projets d'avenirs, ma mastication devint presque frénétique, et mon regard un peu plus fuyant. En effet, avec ces vacances, et tout le temps et le calme qu'elles m'avaient offertes pour réfléchir, j'avais eu l'occasion de revoir à la hausse mes objectifs.
Pour moi, Ynnitach avait fui ses responsabilités. C'était la seule possibilité. Jamais une impératrice consciente laisserait les rennes de l'Empire à une apprentie, aussi douée fusse-t'elle.

Autrefois, j'avais fait vœu de servir la Dame Noire, car je pensais qu'elle était la seule à pouvoir maintenir la cohésion de l'Empire. Mais désormais, tous les Sith se jetaient dans une bataille intéressée et vicieuses, au détriment de tout ce que notre ordre avait bâti. Il nous fallait un leader assez fort pour imposer un ordre fort. Sauf qu'il n'existait aucun candidat crédible. Aucun, mis à part deux Sith.
Le premier, c'était mon maître.

-J'ai eu tout le temps d'envisager mon avenir. Tout d'abord, comprenez bien que je ne compte plus me cantonner longtemps au statut d'apprenti. Sous peu, je serai un guerrier reconnu. Du moins je l'espère. Avec tout ce à quoi vous m'avez déjà initié, j'espère profiter de mon futur statut pour nouer des alliances et être respecté. Au terme de tout cela, ce que je veux, c'est le pouvoir.

Je marquai une pause, la bombe était lancée. Mon regard se dérobait toujours, et mes yeux vermeilles étaient maintenant rivé sur un biscuit que mes dents avaient coupé en deux, dévoilant une substance bleue turquoise dans la confiserie. Je semblais concentré méthodiquement sur le contenu du biscuit.

-Je m'y suis engagé, même avec un grade plus élevé, ma dévotion envers vous ne faillira pas. Mais maître, je ne peux pas me permettre de rester les bras croisés tandis que les nôtres sont se déchirent. Je veux le pouvoir. Je le veux pour vous, poursuivais-je.

Je ne me remettais pas du spectacle auquel j'avais assisté toutes ces dernières années. Les Sith dressés les uns contre les autres. Le cardinal noir, les rebelles, les fidèles, chacun massacrant l'autre, affrontant tous dans le même temps la république. Combien de temps pouvait encore durer cette situation insupportable ?
A peine adulte, j'avais cru en un rêve incroyable : celui d'un Empire où s'épanouirait tous les jeunes perdus comme je l'avais été. Un refuge pour toutes les âmes en peine. Je ne pouvais rester plus longtemps passif, à observer mon rêve tomber en ruine sans rien faire pour le sauver.
Le second, c'était moi.

-Mais si vous préférez rester en retrait, alors le pouvoir, je m'en emparerai moi-même. Si vous ne voulez pas de la couronne, alors je serai le Roi.

Après tout, l'ambition et la passion n'étaient-elles pas des indispensables pour tout bon Sith qui se respectait ?
Absalom Thorn
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— Je vois, répondit calmement Noctis, comme si Syn lui avait fait part du projet d’adopter un chaton.

Les mains croisées sur le bord de la table, désormais désintéressé des gâteaux, il fixait Syn pensivement. Le discours du jeune homme n’avait pas paru le surprendre. Son ambition avait toujours été évidente et il était probablement inévitable qu’en se mêlant petit à petit un peu plus de politique, à mesure qu’il fréquentait son Maître, il en conçût également dans ce domaine-là.

— L’ambition est certainement une excellente chose. Encore que l’ambition du pouvoir politique, en elle-même, est un frein à la réelle vocation d’un Sith, qui doit être l’étude de la Force.

Ce n’était pas, au demeurant, une opinion universellement partagée au sein de l’Empire, même parmi les Siths. Beaucoup d’entre eux considéraient l’étude de la Force et la pratique du sabre comme deux moyens utiles d’atteindre des objectifs qu’ils auraient pu chercher à poursuivre d’autres manières. Pour Noctis, en revanche, la Force, et sa connaissance, était la fin en soi.

— Parfois, je me demande même si le Cardinal Noir ne parachute pas sur le trône impérial les concurrents un peu trop talentueux qui risqueraient de lui faire de l’ombre dans le domaine ésotérique pour que, absorbés par les affaires de l’État, ils perdent petit à petit leurs talents. Mais enfin, quoi qu’il en soit…

Ce n’était pas des considérations générales que Syn attendait et l’Hapien n’avait pas été sans remarquer l’anxiété de son Apprenti. Avouer de pareils projets à un Seigneur Sith exposait au risque que ce dernier en prît ombrage et décidât de disposer de ce jeune trop entreprenant, qui menaçait de vouloir un jour le supplanter. Et Noctis était devenu trop familier lui-même avec les rouages impériaux pour ne pas envisager cette redoutable possibilité.

— Je vous avoue qu’à mesure que le temps passe, je songe de plus en plus sérieusement à l’Empire. Tout Etat peut fonctionner dans une large mesure sans dirigeant, une fois que son administration est en place. Les fonctionnaires demeurent, la machine va de l’avant avec sa propre inertie, mais l’Empire, à cause de son instabilité, qui est le fruit de son expansionnisme, est sans cesse confronté à des situations nouvelles que les seules habitudes démocratiques ne peuvent gérer. La lutte d’influence entre les autres Seigneurs n’est pas pour arranger les choses.

En bon diplomate, Noctis tournait longuement autour du pot. C’était aussi qu’il essayait de faire percevoir à Syn toute la complexité de la situation. Si Syn envisageait une carrière politique, mieux valait qu’il ait pleinement conscience des enjeux.

— Il faut voir que nombre des Seigneurs actuels et des forces montantes de l’Empire se sont hissés à leur rang, ont acquis leur réputation et leur pouvoir à travers la guerre. La guerre offre des possibilités d’avancement et de distinction, et ces promotions ont ceci de pervers qu’elles mettent au pouvoir des gens qui ont tout intérêt à ce que la guerre se poursuive, puisque c’est le domaine dans lequel ils excellent. Un guerrier sith devenu Seigneur grâce à ses prouesses au combat connaît des généraux, des mercenaires, des pilotes, des artilleurs, mais si la paix vient, alors que fera-t-il de tous ses contacts ? Aurait-il à ses côtés les juristes, les scientifiques, les économistes, les artistes qui sont nécessaires à l’organisation d’une nation saine et équilibrée ? Et ceux qui ont conscience de cette faiblesse structurelle pratique la fuite en avant à laquelle nous assistons depuis quelques mois, peut-être quelques années.

Pour quelqu’un qui avait souvent prétendu se désintéresser du trône impérial, Noctis avait de toute évidence beaucoup réfléchi à la question.

— Alors on fait des conquêtes, encore et encore, et plus on s’étend, plus l’administration, instable, peine à rattraper la réalité du terrain. Plus l’économie patine. L’effort de guerre est important et les nouvelles planètes, mal intégrées encore, sont loin de fournir autant de richesses qu’elles en ont coûtés à conquérir. Et finalement, il n’y a plus rien à conquérir de valeur et l’Empire s’effondre de l’intérieur. Ses ennemis en profitent pour le reconquérir à ses marges, et il ne reste bientôt plus que des récits de gloire et de déchéances, sans rien de concret. Et c’est cela mon problème, avec les Siths.

Parfois, en effet, il avait encore l’impression d’observer depuis l’extérieur un monde qui n’était pas tout à fait le sien.

— Beaucoup veulent le pouvoir pour le pouvoir mais un Etat n’est jamais bien administré que par des gens qui ont envie de passer des heures à réfléchir sur les subventions nécessaires au développement harmonieux de l’exploitation des ressources halieutiques dans les planètes en transition économique de la Bordure Extérieure. Et on ne peut pas dire que ce soit un sujet propre à exciter la curiosité des tempéraments belliqueux.

En somme, ce qu’il suggérait, c’était qu’une fois toutes les cabales tues et toutes les guerres résorbées, une fois la politique politicienne aboutie, c’était au tour des politiques publiques d’occuper le devant de la scène et qu’elles étaient, elles, souvent et peu glorieuses, et très fastidieuses. Avec un demi-sourire, l’Hapien avoua néanmoins :

— Moi, en revanche, ça m’excite, le développement de l’exploitation des ressources halieutiques. Et je commence à me dire que l’Empire aurait bien besoin à sa tête d’un économiste spécialiste de la gestion des organisations complexes et adepte de la guerre des esprits plutôt que de celle des armes. Peut-être est-il temps que j’envisage de prendre mes responsabilités. Ceci étant dit…

Noctis se pencha en avant, coude sur la table.

— Si ce sont des questions qui vous intéressent, alors il me paraît urgent que vous assumiez des responsabilités politiques et administratives concrètes, pour vous former. On peut sans doute vous faire Lord-Protecteur, Chancelier, Premier Ministre ou que sais-je d’une planète ou d’un secteur. Darth Nero s’est proclamé roi de sa planète et même si on peut difficilement dire que ça l’ait aidé à développer le pragmatisme qui lui manquait, c’est sans doute un excellent exercice préparatoire à quelque chose de plus vastes. Mais êtes-vous sûr de bien en avoir envie ? De vouloir vraiment jouir de la gloire du pouvoir, certes, mais aussi des responsabilités quotidiennes, banales, fastidieuses, qu’il implique ?
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Je laissais planer un long silence, tout en dévisageant mon maître. J'espérais qu'il prenne la mesure de toute la sagesse et de toute la réflexion -manifestement mûrement réfléchie, dont il venait de faire preuve en quelques secondes, et ce, en toute improvisation. En une minute et quelques, il venait de mieux cerner les responsabilités que devaient endosser l'empereur que tous les prétendants à ce titre ne l'avaient fait depuis le retrait de la Dame Noire.

-Voilà pourquoi il faut que ça soit vous, lui disais-je en me fendant d'un sourire.

Je n'avais pas le quart des compétences qu'il venait d'énumérer. J'avais déjà eu du mal à mener ma vie convenablement, alors diriger celles des autres... Mon maître lui, avait fédéré un large cercle de fidèles qu'il dirigeait avec sagesse et parcimonie. Il avait déjà tout ce qu'il fallait.
Or, de mon côté, je considérais depuis longtemps que notre pouvoir et nos compétences nous imposaient un devoir vis-à-vis des autres Sith, mais surtout les populations placées sous notre protection. Darth Noctis était le meilleur candidat au poste d'empereur, j'en étais convaincu. Et s'il ne se décidait pas à prendre ce rôle en mains, alors ce serait nos civils, tous les innocents dont nous avions la charge qui payeraient les pots cassés.

-Regardez moi maître. Je suis déstabilisé à l'idée de prendre quelques jeunes sous mon aile. Alors gérer une planète...

Après un rapide soupir qui en disait long, je m'attaquai à une nouvelle confiserie, la dévorant avec un appétit vorace. Je m'imaginais l'espace d'une seconde dans la peau d'un politicien. Avec une robe raffinée, un porte-feuilles toujours plein à craquer et des hommes buvant chacune de mes paroles. Mais surtout, je m'imaginais sans sabre à la ceinture, obligé de faire des courbettes et de jouer les hypocrites. Je me voyais avec dégoût rentrer dans le système, embrassant la fiscalité, la publicité. Avec du travail, beaucoup de travail, peut-être pourrais-je devenir un tel homme. Mais ce serait m'y perdre moi-même.

-Je n'ai rien d'un politicien. La discussion et les débats m'épuisent. Je suis juste un gamin qui sort de nulle part et qui essaye de faire bouger son monde en se battant. Peut-être qu'en y mettant toutes mes billes, je pourrais lancer un coup d'état. Peut-être même pourrais-je conquérir les militaires et quelques Sith. Mais à quoi bon ? Je partage votre vision de ce à quoi la politique impériale devrait ressembler. Mais force est de constater que je ne serais jamais capable de l'appliquer.

Il ne restait plus une miette de ma victime fourrée à la confiture. J'échangeais un nouveau regard entendu avec mon maître. J'espérais qu'il saurait me comprendre au-delà des mots. Je m'étais pleinement ouvert à lui, et j'étais désormais sûr qu'il savait lire en moi comme dans un livre ouvert.

-Faire de vous le leader de notre ordre, c'est une fin en soi. J'aime à croire que si vous le deveniez, je trouverai une place de choix dans l'Empire. Une place qui me permettrait de jouer un rôle adapté à ce que je suis.
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Naturellement, plus il en parlait — et il en parlait beaucoup, ces derniers temps — plus Noctis imaginait ce que serait son existence, sur le trône de l’Empire. Il n’avait vu d’abord que les difficultés qu’une pareille situation présenterait, et les obstacles considérables qu’elle jetterait sur sa route. Il serait presque impossible de courir la Galaxie comme il le faisait, en toute discrétion, pour mener ses expériences mystiques, développer ses affaires ou simplement voir du pays et courir les jolis garçons. Et puis son esprit serait encombré constamment par mille considérations diverses, le plus souvent sans rapport avec la Force, qui le captivait tant.

Mais il y avait le reste ! Être enfin pleinement capable d’influencer l’économie, la politique et la diplomatie de milliers et de milliers de monde. Par un esprit comme le sien, c’était un défi de taille qui apporterait sans aucun doute bien des satisfactions intellectuelles. Et les ressources, les ressources illimitées, qui seraient mises à sa disposition ! Tous les artefacts ! Les hordes de sorciers ! Avec de pareils moyens, quels mystères ne découvrirait-il pas ?

Ainsi, plus il y pensait, plus il se laissait séduire, moins par l’attrait du pouvoir en lui-même que par les outils qu’il lui livrerait pour poursuivre ses propres obsessions.

Empereur.

L’obsession de Syn avait fini par le gagner. D’ailleurs, le sens du devoir n’était pas étranger à ses réflexions. Il pensait sincèrement que l’Empire avait besoin que quelqu’un, à sa tête, se dévoue à l’accomplissement de toutes ces tâches fastidieuses et peu glorieuses, celles-là même qui, apparemment, ne faisaient pas rentrer dans la légende : l’administration, la réforme économique, l’organisation éducative. Loin de la pompe et de la pourpre des prestigieuses conquêtes militaires. Pourquoi ne se dévouerait-il pas ?

Ramené à la réalité par les protestations d’inaptitude de Syn, il esquissa un sourire bienveillant — spectacle vraisemblablement peu courant, au sein de l’Empire Sith.

— Vous savez, quand j’étais à la fin de mon Padawanat, je n’avais aucune idée concrète ce que je ferais de ma vie. Enfin, ce n’est pas tout à fait exact. Au fond, un Jedi n’a pas tellement à se poser de questions. L’Ordre lui fournit le manuel d’une existence bien réglée, étroite, prescrite, clefs en main. Mais je savais confusément que j’aspirais à quelque chose d’autre, à plus de liberté et de créativité, sans très bien savoir le pourquoi du comment. Et je n’avais certainement pas à l’idée que j’occuperais un jour le genre de fonctions qui sont aujourd’hui les miennes.

Ce n’était sans doute pas tout à fait vrai. Dès son adolescence, et bien des fois, il s’était rêvé en Maître, en Grand Maître même. Il avait toujours eu une ambition que d’aucuns auraient jugée démesurée mais qui s’était avérée, en quelque manière, à la hauteur de ses capacités. Le genre d’ambition que l’on apprenait rapidement à ne pas partager, au sein de l’Ordre, où l’orgueil était sévèrement combattu.

— Il ne faut pas nécessairement que vous jugiez de l’avenir seulement à l’aune de votre présent. Bien sûr, aujourd’hui, vous commencez avec une poignée d’hommes et de femmes, mais j’ai bon espoir qu’avec votre détermination, votre application et vos aptitudes déjà remarquables, vous soyez bientôt en mesure d’en commander de nombreux. Il est vrai néanmoins que c’est un autre rapport aux choses et aux êtres. Beaucoup de militaires d’exception évitent à tout prix les hautes promotions, pour ne pas se retrouver prisonniers de l’engrenage administratif et politique. La grandeur n’est pas toujours une affaire de nombre.

Ne disait-on pas souvent que les plus savants utilisateurs de la Force étaient des ermites qui vivaient modestement, retirés du monde, plutôt que les Seigneurs en charge des académies et des instituts de recherche ? Et les Jedis eux-mêmes n’avaient-ils pas toute sorte de légendes sur des ascètes qui développaient des dons incroyables, à l’abri du regard de tous ?

— Et il y a plusieurs manières de gouverner une planète. On peut déléguer l’essentiel des responsabilités concrètes à un corps de fonctionnaires capables, même s’il est toujours bon d’avoir un œil sur les affaires, et s’occuper plutôt des fonctions symboliques. Mais soit, laissons ce projet de côté et essayons quand même de voir un peu dans l’avenir. Vous formez ce commando, et admettons que tout fonctionne parfaitement. Et ensuite ? Est-ce que vous voyez toujours à la tête de cette équipe, ce qui est assurément une carrière fort respectable, et qui vous proposera continuellement de nouveaux défis ? Ou bien général, amiral ? Recteur d’une académie militaire ? Vous avez l’air d’avoir des opinions assez arrêtées sur Korriban, j’imagine que vous avez déjà dû songer au genre de réformes qu’on pourrait y mettre en place.

La nature exacte de l’expérience de Syn sur Korriban demeurait quelque peu nébuleuse pour Noctis, qui n’avait pas jugé utile de se renseigner sur la question par ses propres moyens. Il était bien placé pour savoir que le passé d’une jeune personne n’augurait pas nécessairement de son avenir et il avait préféré se forger un avis sur Syn à partir de ce que celui-ci donnait désormais à voir. Mais il avait compris, au moins, que la relation du jeune homme à son ancien Académie était trouble.
Absalom Thorn
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Pendant plusieurs semaines, ils s’étaient retrouvés régulièrement, sur Galidraan et ailleurs, toujours pour suivre le même rituel : d’abord, l’entraînement au sabre, ensuite, les discussions sur la politique et l’administration, sur la manière de trouver sa voie au sein d’un Empire Sith dont l’instabilité allait croissant, à mesure qu’il devenait évident que l’ancienne impératrice, qui les avait tous réunis, ne referait plus son apparition.

Les préjugés que Darth Noctis avaient longtemps eu à l’égard du combat au sabre s’étaient petit à petit émoussés, avant de disparaître tout à fait. Peut-être était-ce les leçons de son apprenti laconique, peut-être simplement l’effet d’une maturité qui lui permettait de considérer avec plus de nuances ce qu’il avait jadis condamné comme des exercices barbares et étrangers à la vraie connaissance de la Force.

Il avait fini par y trouver son compte, un mélange d’ascétisme et d’attention constante à son corps et à la manière dont la Force le maintenait. Jamais il n’aurait cru que le sabre pût devenir pour lui un instrument de méditation et de progrès, sur le chemin ésotérique qu’il avait commencé à parcourir près de trente ans auparavant. Au fond, sa passion pour la Force avait peut-être simplement fini par conquérir l’un des derniers aspects de son existence auquel elle était jusque là restée relativement étrangère.

Mais peu à peu, ses visites s’étaient espacées.

D’abord, le style de son apprenti ne lui convenait pas. Ironie du sort, Absalom était retourné à ses sources de Jedi, à l’enseignement du Niman dispensé par son Maître, la voie des diplomates. C’était un art qu’il jugeait plus subtil et plus respectable que la violence presque brutale, à ses yeux, de Syn sabres à la main. Absalom s’était tourné vers ses livres, ses souvenirs et ceux des ses Acolytes qui pratiquaient cette forme.

Ensuite, il s’était lassé des discussions politiques. Les mois passaient. L’Empire ne s’améliorait guère et, au fond, il ne faisait guère d’effort lui-même pour l’améliorer. Plus il se laissait consumer par ses recherches sur la Force, par ses entraînements, par ses méditations, mais il parvenait à trouver de l’intérêt pour les agitations superficielles d’un monde dont il croyait qu’il le détournait de sa vocation véritable. L’intrigue pour le pouvoir politique lui paraissait bien fade, en comparaison de la quête du pouvoir de soi sur soi.

Il avait commencé à assigner son Apprenti à des missions plus fréquentes, et plus lointaines. C’était une manière de s’en défaire, pour se consacrer plus pleinement aux Sorciers Siths qui l’entouraient, et où Absalom voyait la véritable source de son pouvoir. Syn n’était pas idiot. Il avait dû commencer à comprendre qu’une distance nouvelle, et sans cesse plus grande, le séparait de son Seigneur.

Un jour, il n’était plus revenu. Absalom l’avait fait chercher, mais faiblement, sans véritable dessein de le retrouver. Au fond, raisonnait-il, Syn avait besoin d’un maître qui le guiderait sur sa voie à lui, et certainement un Sorcier ne pouvait pas durablement instruire un guerrier. Même le sabre à la main, ils n’avaient pas la même vision des choses ; même quand leurs lames se rencontraient pour jeter des éclats rouges sur les tatamis de leur salle d’entraînement, ce qu’ils comprenaient chacun de cet affrontement différait considérablement.

Les années passèrent après les semaines et les mois, et Darth Noctis ne détacha jamais tout à fait ses pensées de celui qui avait été jusque son seul et unique apprenti. Il pensait peut-être moins à Syn, cela dit, qu’à cette idée-là, celle d’avoir un Apprenti. La relation qu’il entretenait avec les Acolytes qui partageaient ses recherches et se soumettaient à ses volontés, ou même ce lien singulier qu’il nourrissait avec Darth Venenous, son Inquisitrice personnelle, n’avait pas le même caractère profondément personnel.

Était-ce un défaut de sa personnalité ? Une incapacité chronique à nouer des rapports privilégiés ? Darth Noctis était tout à fait prêt à reconnaître son égoïsme. La seule fidélité qu’il eût jamais éprouvée était celle qui le liait à lui-même et à ses principes. Un bon maître devait sans doute avoir d’autres qualités que les siennes. Au moins la volonté de s’astreindre à ce que la relation pédagogique pouvait avoir de fastidieux et de pesant.

Désormais, quand il activait la lame de son sabre laser, il cessait de penser à ces entraînements dans la maison au milieu de la nature sauvage de Galidraan. Des centaines d’heures le sabre à la main les avaient remplacés depuis, d’autres salles sur d’autres planètes, dans des stations spatiales et des vaisseaux, à tenter de comprendre quels mystères de la Force étaient encore renfermés dans ses muscles et ses tendons.

Et quand il activait la lame de ce sabre laser, il pensait aussi aux salles du Temple Jedi sur Ondéron, à cette vie qu’il avait quittée et peut-être, songeait-il parfois, peut-être un peu perdue.
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