Lauren Aresu
Lauren Aresu
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La lumière du jour déclinait sur Ondéron. Les arbres bruissaient lentement au gré d’une brise légère et rafraichissante. La jungle était luxuriante et impénétrable, comme si elle renfermait des secrets qui devaient être protégés pour les temps à venir. Là, au milieu de cette forêt, des nuées d’oiseaux s’envolaient parfois, effrayés par quelque prédateur. Parfois même, un cri animal perçait le voile mystérieux pour venir résonner sur les murs. Alors qu’un silence relatif était tombé sur le Temple, la clameur d’Iziz se faisait entendre, envahissante et enivrante, non loin de là.

Cette vue s’offrait aux yeux argentés de Lauren, pensive. Elle était assise sur ce confortable fauteuil noir, presque trop grand pour elle. Sa tête reposait sur sa main gauche, elle-même apposée sur l’accoudoir sculpté de délicates formes. Son bras robotique était calé sur ses jambes croisées.  La jeune fille se trouvait face à un homme, visiblement bien plus âgé qu’elle, dans la trentaine environ. Il s’appelait Yann. C’était un humain aussi, plutôt gaillard, le visage rond, rasé de près et il portait cette bure sombre si caractéristique des Jedi. Avec le temps, elle en avait fait son confident, son psychologue, la personne avec laquelle elle appréciait discuter. Il respectait ses silences, il respectait ses doutes, ses peurs. Il ne formulait aucun jugement de valeur et se contentait d’écouter et de prodiguer ses conseils avisés. Une fois par semaine, ils avaient pris l’habitude de se rencontrer dans cette pièce au haut plafond et à la grande et lourde porte coulissante. La lumière tamisée créait ici des ombres rajoutant une profondeur imposante au lieu. Leurs voix résonnaient sous la voute en pierre.

« Je pense parfois à lui. –  Lauren brise le silence, les yeux perdus dans l’immensité s’étendant derrière la fenêtre. – Il est peut-être encore en vie, là-bas, sur Makem Te… »

Sa phrase resta en suspens. Yann n’avait pas besoin de demander qui était ce « il ». La première année après son arrivée au Temple, Lauren avait principalement parlé de son père. Elle avait supplié que l’on aille le sauver. Son visage, à chaque fois, s’était décomposé lorsqu’on lui annonçait que ce n’était pas possible. Le Jedi connaissait pourtant la situation sur la planète. La guerre continuait de faire rage, de semer panique et terreur, désolation et mort. Avec le temps, les blessures de la jeune fille s’étaient pansées mais certaines plaies, surtout mentales, demeuraient toujours à vif. Yann respecta quelques minutes de silence, puis décida pour ce soir de diriger les pensées de la jeune Echani vers un sujet plus enthousiasmant.

« Tes enseignants m’ont rapporté que ta maîtrise de la Force était de plus en plus aiguisée. Tu fais du bon travail, Lauren. »

Aussitôt, elle leva les yeux vers lui, accaparée par ce qu’il venait de lui dire. Elle aimait comprendre la Force et la solliciter. Son traumatisme, sur Makem, avait fait sauter les barrières mentales qui l’avaient gardé ignorante de ses possibilités. Elle opina et sourit.

« Ouiii ! – répondit-elle d’une voix plus aigue. – Ma maîtrise de la télékinésie est… plus précise, je dirais. »

Elle l’avait dit sur un ton égal, ne trahissant aucune vanité. C’était plutôt comme si annoncer cela la rendait simplement plus légère, joyeuse. Cela voulait dire qu’elle était capable de faire comme les autres… ou presque. Les adolescents de son âge avaient une longueur d’avance. Elle n’était arrivée que trois ans auparavant alors qu’eux s’entrainaient depuis leur tendre enfance. Ce gouffre l’avait d’abord rebuté, elle s’était très vite sentie lésée et découragée par sa différence. On lui avait annoncé, au début, qu’arriver si tard au Temple était un fait rarissime mais qu’elle constituait une exception parce qu’elle était sensible à la Force bien sûr, mais orpheline également. Depuis, cette différence agissait comme une motivation, comme le but vers lequel tendait sa vie maintenant ancrée, stable et… sans son père. 

« Bien, bien Lauren ! Tu sais ce qui t’attend dans une semaine ?
L’entrainement sera observé par les maitres Jedi. – lâcha-t-elle dans un soupir. » 

Yann acquiesça, il se faisait du souci pour elle, souci qu’il n’avouerait pas. Il voyait comment, parfois subitement, ses yeux pouvaient briller et s’émerveiller ou bien s’éteindre. Lauren, elle, réfléchissait. Les camarades de son âge, au fur et à mesure, trouvaient un maître et ils devenaient padawan, un tournant important. Seulement, qui voudrait d’une jeune fille médiocre, qui ne parvenait pas encore à maîtriser correctement son bras robotique ? Personne. Elle les avait vu partir rejoindre leur nouveau maître, le visage réjoui. Elle les enviait. 

« Tu devras donner tout ce que tu as, tu le sais ? Ce ne sera pas le moment de baisser les bras ou de te reposer sur tes lauriers !
Jamais ! – dit-elle, un sourire forcé aux lèvres. » 

Non, elle ne se reposait jamais sur ses acquis. Toutefois, l’échec était rude pour Lauren et son contrôle sur ses sentiments faiblissait alors. Elle s’impatientait, maudissant la Force ou bien son bras, voire les deux. A regarder de loin, c’était amusant presque. Pour la jeune apprentie, c’était une boule qui se formait dans son estomac, un ratage de plus. Les enseignants lui avaient appris à canaliser cette énergie, à la comprendre mais surtout à l’accepter. Accepter que l’échec faisait parti du processus et que la colère ne l’aiderait pas.

« En espérant que l’un d’eux veuille de moi, cette fois-ci. Et ça, ça n’est pas gagné... – continua-t-elle en riant, désabusée.
Moi, je suis sûr d’une chose. Que tu auras fait de ton mieux et c’est ce qui est important, Lauren. 
Ouais, ouais… 
Bon, il est tard ! File rejoindre les autres pour le repas. »

Elle s’exécuta, en adressant au passage un regard empli de gratitude au maitre Jedi. Un bip, un chuintement et la porte s’ouvrit pour laisser place à la démarche dansante de la jeune demoiselle.  

***

Ses muscles criaient, chaque nouveau mouvement provoquait une intense douleur qui descendait le long de ses membres. Pourtant, Lauren continuait. Inlassablement, elle mouvait son corps, plaçait ses jambes, bougeait ses bras avec son sabre d’entrainement en main. Elle avait cette atroce impression qu’il devenait de plus en plus lourd, de plus en plus difficile à manier. Si son bras robotique ne ressentait pas la fatigue, son épaule était cuisante. Elle passa un rapide coup de manche sur son visage pour en chasser la sueur.

« Moins raide ce bras gauche, Lauren ! On dirait qu’il te colle au sol ! Relâche-le ! Par contre, ton bras droit est trop ra… – il se reprit – tendu. Replie-le légèrement pour pouvoir parer à toute situation. Parfait, voilà qui est mieux. »

Le maitre contempla l’élève avec intérêt. Il percevait sa fatigue avancée. Voilà plus d’une heure qu’elle s’entrainait à sa propre demande, stoïque. Parfois, son sabre tombait de sa main droite. Sa plus grande difficulté résidait dans le toucher, la pression. La jeune apprentie venait de changer récemment son bras, l’ancien étant devenu trop petit pour elle. Elle ne décelait pas encore les subtilités de l’étreinte et parfois, ne serrait pas assez sa main sur son sabre ou bien la serrait-elle trop sur un verre qui éclatait malencontreusement dans un fracas tintant.  

Elle arqua une nouvelle fois ses jambes, son pied gauche à l’avant, son pied droit un peu plus reculé, campée sur une position pendante. Elle enserrait la garde son sabre de sa main droite, en diagonale au-devant de son visage. Lauren fit un pas rapide en arrière, mimant une esquive, puis poussa de nouveau sur ses jambes pour venir piquer en pointe le mannequin et balaya son bras vers le haut. Un léger grésillement et une nouvelle marque venait s’ajouter au nombre déjà présent, signe de la souffrance de ce pauvre fétu qui n’en demandait pas tant. 

« Bien mieux ! Souviens toi toutefois que c’est un mouvement très basique que tu effectues ici. Lorsque tu combattras demain, tu devras te préparer à ce que cette attaque soit parée, ainsi qu’à une riposte. – Il marqua une pause. – Au moins, grâce à cela, tu améliores encore le placement de tes jambes ce qui constitue ton plus gros défaut. Si elles sont trop écartées ou bien trop serrées, tu n’auras pas d’équilibre. C’est la même chose pour tes bras ! Trop raides ou trop souples et tu es vulnérables. 
Oui, maître ! Je m’en souviendrais. – souffle-t-elle.
Je pense qu’il est temps de t’arrêter pour aujourd’hui. Tu épuiserais toute ton énergie pour demain. C’est le grand jour et je suis persuadé que cette fois-ci, tout se passera bien. »

Son visage était bienveillant. L’apprentie ne déméritait pas pour les efforts supplémentaires qu’elle fournissait, qu’ils soient couronnés de succès ou bien teintés d’échec. 

Courbée, les mains appuyées sur ses genoux endoloris, Lauren prit le temps de reprendre sa respiration. Elle se pencha ensuite et effectua plusieurs minutes d’étirements qui lui arrachèrent des grimaces. D’un naturel tendre et généreux, elle avait préféré se spécialiser dans les matières liées au soin plutôt que celles uniquement tournées vers l’agressivité et le combat. Aussi arrivait-elle à user, rarement toutefois et dans de faibles proportions, d’un pouvoir d’auto-guérison pour calmer ses courbatures et sa fatigue. Elle sortit de la salle avec un regard flambant de détermination. Demain, un maître la repèrerait. C’était en tout cas ce qu’elle se répétait mentalement, comme un mantra qui lui donnait du courage.

***

Elle n’était que dehors, quelques dizaines de mètres avant la salle d’entrainement, qu’elle entendait déjà le brouhaha à l’intérieur. Elle passa la porte, d’une démarche légère, puis s’installa comme aux entrainements habituels… sauf que cette fois-ci, plusieurs maîtres assistaient à celui-ci. L’anxiété était palpable chez les élèves. Ils savaient pertinemment que c’était le moment d’exceller pour espérer devenir padawan et chacun y allait bon train pour savoir qu’elle était la meilleure stratégie au sabre. Mutique et concentrée, l’apprentie écoutait. Un maître Jedi à la barbe grisonnante annonça que l’entrainement serait comme à l’accoutumée pour ce jour. D’abord, la maîtrise de la Force puis trois combats ensuite, entre élèves. 

La première chose était basique : mouvoir précisément des objets à l’aide de la Force ou bien stopper des objets lancés de la même manière. Obnubilée, Lauren s’exécuta avec passion et en sortit satisfaite n’ayant, selon elle, commis aucune erreur visible ou considérée comme stupide.

Le second test s’avérait plus particulier. Des maîtres, camouflés par la Force, s’approchaient des élèves qui devaient parer une attaque basique en usant de la détection de Force. Les sens aux aguets, la jeune fille déploya sa Force autour d’elle, les yeux fixés dans le vide au-devant. Elle ralentit progressivement sa respiration et para la première attaque en perdant légèrement l’équilibre, fragilisée par son anxiété. La seconde fut parée également, avec plus de force cette fois. Toujours concentrée, elle attendait fébrilement la dernière lorsque son sabre glissa de sa main droite durant la parade, encore et toujours. Il tomba au sol alors que le sabre d’entrainement du maître était proche de son cou. Impassible, il la dardait de ses yeux perçants. Un voile sombre passa sur le visage de Lauren, frustrée d’une si bête erreur. Elle le ramassa et revint s’asseoir, ruminant son nouvel échec. Son espoir venait d’être rongé. S’il avait été un miroir, une fissure serait née sur celui-ci ébranlant son intégrité.

Elle ferma les yeux comme on le lui avait appris. Pendant quelques minutes, elle bloqua les stimuli extérieurs pour prendre plusieurs longues inspirations. Son empressement et son exaspération se calmèrent. Lorsqu’elle les rouvrit, le dernier entrainement avait commencé et sa confiance était de nouveau intacte. Les élèves appelés marchèrent vers le centre de la grande pièce. Ils étaient par paire, leur sabre en main. Aucun n’avait d’animosité pour l’autre, ils étaient tous liés par des liens fraternels mais là, dans leurs regards, brillait la lueur du défi. La pièce se fit soudain plus silencieuse. Les maîtres ne manquaient rien. De temps à autre, l’un d’eux échangeait quelque murmure avec ses voisins, leurs yeux détaillant chaque élève, chaque mouvement, attentifs.

Les chocs des sabres se firent bientôt entendre et ce fut une clameur de combat qui s’éleva alors : des coups, des râles et quelques cris. Pour ce premier combat, Lauren était tombé sur un autre disciple de son niveau et de son âge, un jeune homme qui paraissait aussi perturbé qu’elle sous le poids des regards. Aucun d’eux ne souhaitait prendre l’initiative sur l’autre et leurs échanges, quoique calculés et correctement exécutés étaient relativement plats. Lauren n’arrivait pas à prendre l’ascendant. Ils furent séparés pour le combat suivant sans que l’un d’eux ne parvienne à triompher de l’autre. La jeune apprentie continuait ses exercices de respiration quand elle le pouvait, pour se calmer, pour se reconcentrer et faire abstraction de l’instant présent. Ses échecs, ses erreurs, elle les analyserait plus tard. Opiniâtre et résolue, elle refusait de laisser glisser ses chances simplement parce qu’elle était un « cas exceptionnel », une retardataire comme l’avait appelé certains idiots.

Son second combat se solda par une victoire, enfin une ! D’un an son cadet, la fille en face d’elle paraissait avoir oublié tout ce qu’elle avait appris et Lauren se fit plus insistante dans ses attaques. Ses passes d’armes étaient précises et faisaient mouche. Le coup final fut même impressionnant, dans une volonté protectrice animée par un reflexe de survie plus que par un réel mouvement mesuré. Son sabre passa dans sa main gauche alors que son adversaire lançait une attaque frontale avec le sien. De son bras droit, elle dévia l’attaque vers le bas d’un mouvement bourru et sec qui eut pour effet de déséquilibrer sa concurrente qui s’étala au sol.  Lauren, honteuse, se précipita vers elle et, attrapant son bras, l’aida doucement à se relever puis l’enserra rapidement d’une accolade amicale pendant une dizaine de secondes. Elles échangèrent un sourire, un regard compatissant et s’en furent, rejoignant leur combat suivant. En se retournant, elle croisa le regard d’un maître apparemment peu satisfait, à en juger par sa mine sévère. Elle n’avait pas gagné dans les règles, elle avait commis une entorse. 

Le troisième combat fut catastrophique. Elle affrontait un jeune homme hargneux. Son but était de gagner et il l’atteindrait à tout prix. Le style de Lauren était plus défensif qu’offensif de sorte qu’il en profita pour frapper, frapper et enchainer les esquives ne laissant aucun répit à Lauren qui croulait sous la multitude d’attaques de son adversaire essoufflé. Elle maintenait ses jambes trop raides pour encaisser les coups répétitifs. Elle sentait qu’il faiblissait, fatigué, mais il ne daignait accorder de pause à la jeune apprentie.  Parades basses et hautes s’enchainaient dans un combat qui gagnait en intensité à chaque seconde supplémentaire. Ils virevoltaient et la jeune fille gardait maladroitement le rythme. Il envoya alors une estocade virulente vers son torse et fit une boucle avec son sabre qui expédia l’arme de Lauren quelques mètres plus loin, désarmée. Elle resta pétrifiée quelques secondes, surprise et l’autre gloussa d’un rire moqueur puis s’en retourna sans plus de formalité. 
 
Rageusement, Lauren ravalait ses espoirs. Le miroir était maintenant complètement brisé, elle n’entrevoyait plus le reflet d’un futur ailleurs qu’ici. Plusieurs combats n’étaient toujours pas terminés. Reculée contre un mur, les genoux repliés sous son menton, elle les entourait de ses bras endoloris pour s’isoler. Si un maître venait vers elle aujourd’hui, ce serait pour lui faire montre de ses irrégularités et de son inadvertance. Elle attendit donc que les nouvelles consignes soient données.

Invité
Anonymous

Le grand jour était arrivé. Les novices, qui l'attendaient avec impatience, allaient montrer leurs progrès à leurs futurs professeurs. Les chevaliers et les maîtres, eux, en profitaient pour s'informer sur leurs potentiels élèves. Saery n'attendait pas particulièrement cet événement. Cependant, elle ne pouvait pas laisser passer cette occasion de jeter un œil aux efforts des petits Jedi en devenir. Ses séjours au temple étaient rares et courts, elle n'avait jamais encore eu la chance d'assister à ce genre d'épreuves. C'était aussi un bon prétexte pour faire une pause dans ses fastidieuses recherches. Et puis, qui savait ? Peut-être qu'elle y croiserait son prochain protégé.

Quand Saery entra, la salle était déjà pleine. Les Jedi s'étaient installés sur quelques gradins qui bordaient l'endroit et avaient laissé un grand espace pour que les padawans puissent s'asseoir entre deux épreuves. Maître Vespen, qui arriva bonne dernière, s’installa discrètement à côté d'un confrère qu'elle avait reconnu. En face, à l'autre bout de la salle, quelques jeunes chevaliers se demandaient qui était cette jeune personne qui s'incrustait aux côtés d'un maître sans même le saluer. Saery leur offrit un sourire plein de charme, puis leur fit signe de la main.

— Vous êtes toujours aussi singulière, maître Vespen. Regardez-les, ils ne savent plus où se mettre maintenant. Nota le maître.

Saery étouffa un petit rire dans le creux de sa main.

— Mais, ils sont si mignons quand ils ont l'air perdus !

Le vieux maître, un tantinet exaspéré, secoua la tête. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi maître Vespen aimait tant faire tourner les gens en bourrique. Il appréciait cependant le fait qu'elle soit plutôt discrète : la confusion qu'elle semait chez ses confrères, bien qu'inoffensive, était inutile. Sa tendance à se faire oublier était donc une bonne chose. En fait, les lubies de Saery représentaient assez bien la cause des distances que prenaient les autres Jedi par rapport aux sentinelles. Les enseignements qu'ils suivaient les écartaient parfois de la philosophie intouchable des Jedi. Qui savait où cela pouvait les mener ?

Mais, là n'était pas la question ! Le maître et instructeur était présent pour observer les efforts de ses petits protégés ! Il espérait voir ses élèves en grande forme et il fut servi : les démonstrations se succédèrent sans encombres, pour la plupart...

De temps à autre, des murmures plus agités glissaient ça et là tout autour de l'arène. Les duels suscitaient une grande attention et la moindre erreur était retenue, critiquée, décortiquée et trahissait de nombreuses choses sur celui qui la commettait. Les maîtres observaient avec bien plus d'attention que ce que les novices pouvaient bien s'imaginer. Leurs postures, leurs mouvements, leurs choix… même leur regard et leur respiration étaient sujets d'une impitoyable analyse !

Saery, qui dans son coin estimait que la voie du sabre était primordiale, n'arrivait pas à se faire à l'idée que le niveau des novices représentait grand chose. Cependant, dès lors que l'un d'eux exécutait un geste ou un enchaînement avec style, elle se mettait à l'observer avec toute l'attention du monde. En revanche, ceux qui n'arrivaient pas à la captiver lui donnaient envie de bailler. Si bien qu'elle dut couvrir sa bouche plusieurs fois pour se laisser aller à de longues et incontrôlables inspirations qu'elle s'efforçait de rendre silencieuses.

Donner leur chance à tous les padawans prenait beaucoup de temps et usait la patience de maître Vespen. Heureusement, la Jedi était plus sage et tranquille qu'elle n'en avait l'air. Après trois longues heures d'observation, les épreuves se terminèrent enfin et Saery put s'étirer de tout son long pendant que les Jedi autour d'elle se levaient. Les jeunes, essoufflés, attendaient avec une certaine impatience que les maîtres et les chevaliers viennent à eux. L'événement auquel ils participaient était l'occasion de parler à des personnes bien plus expérimentées qu'eux. Très vite, de petits groupes se formèrent dans un cadre un peu moins formel qu'à l'accoutumée.

Saery, elle, préféra rester en retrait quelques instants. Elle aimait observer les choses jusqu'au bout. Sans se faire remarquer, elle regardait qui allait vers qui. L'ombre, inconnue de la grande majorité des Jedi présents, avait déjà remarqué quelques paires qui se formeraient probablement dans un futur proche. Les chevaliers et les maîtres, moins nombreux, s'entouraient de plusieurs padawans en devenir afin de prodiguer quelques conseils et de féliciter tout le monde pour leur participation.

Maître Vespen, qui ne s'était pas levée, n'était approchée par personne. La plupart des novices avaient déjà eu l'occasion de croiser au moins quelques Jedi confirmés présents ce jour-ci, ils en profitaient pour faire connaissance. L'un d'eux aurait pu s'approcher de Saery, mais son silence, son air sérieux et sa posture n'étaient pas très accueillants. Aussi, c'était apparemment une parfaite inconnue. Ce n'est qu'après quelques minutes qu'elle se leva enfin pour rejoindre l'instructeur. Elle l'interpella en lui posant nonchalamment la main sur l'épaule. Les novices, surpris par tant de familiarité, la regardèrent avec des yeux tout ronds. Après tout, si elle avait une petite tresse, la jeune femme aux cheveux blancs pouvait parfaitement passer pour une padawan elle aussi.

— Vous avez deux minutes ? Demanda Saery en ignorant les petits.

— Bien sûr, maître Vespen. Quelque chose vous tracasse ?

Elle l'invita à tourner le dos aux élèves, puis ils firent quelques pas pour s'en éloigner.

— Vous voyez, cette novice ? Pourquoi est-elle comme ça ? Je veux bien admettre qu'elle n'était pas en grande forme, mais sa frustration est palpable... totalement hors de son contrôle. Ce n'est pas du tout normal, pour quelqu'un de son âge.

— Oh, la petite Lauren… Elle manque de discipline, ce n'est pas vraiment sa faute.

— Mais encore ?

— Elle est arrivée il y a trois ans. Il va lui falloir encore beaucoup de temps pour rattraper son retard. Ces épreuves ne lui font jamais de bien, il est trop tôt pour elle.

Saery, incrédule, regarda l'homme avec un étonnement à peine dissimulé. Il était impossible que le conseil ait accepté de laisser une fille si âgée être formée ici. Cependant, l'air sérieux de celui qui se tenait devant elle lui prouvait le contraire. D'un petit geste de la tête, elle balaya ses doutes et ses questions. Soit, la fille n'était là que depuis trois ans.

— Elle me semble pourtant être au niveau des autres novices, l'escrime mise à part. En arriver là si vite est une véritable prouesse. Souligna la sentinelle.

— Comme vous dites, maître Vespen ! Mais, son manque de maîtrise du sabre trahi son manque d'équilibre. Elle se laisse emporter, ses émotions la dominent. Si cela ne s'arrange pas, il nous faudra lui choisir une voie plus sûre pour elle.

— C'est si dommage... Elle est audacieuse ! Vous avez vu comme moi son tour de force sur son second combat.

— Mais, enfin ! En combat réel, elle aurait été coupée en deux !

— Peut-être, mais il faut admettre que c'était inattendu !

— C'est une faute grave. Je ne pense pas qu'il faille l'encourager à reproduire ce genre de tours.

— Allons, je suis certaine qu'elle ne l'a fait que parce qu'elle savait que ça ne lui coûterait rien. Ce ne sont que des sabres d'entraînement. Et puis, son bras n'est pas fait de chair, n'est-ce pas ?

— Oh, vous avez remarqué ?

— Je ne l'ai pas vue broncher au contact de la lame. Avec un tel choc, elle aurait du sentir une brûlure. Je me demande ce qui a pu lui arriver, pour qu'elle aie une prothèse à son âge.

— Eh bien, voyez-vous, elle...

— Hop ! Coupa Saery.

— Pardon ? Demanda l'instructeur, tout à fait surpris par l'étrange interruption.

— Tatata, mon ami ! Pas un mot de plus ! C'est décidé : je le lui demanderai moi-même. Expliqua l'excentrique Jedi.

— Je ne pense pas que ce soit la meilleure chose à faire, ici et maintenant. Lauren a besoin d'être seule, de méditer sur ce qui vient de lui arriver !

— Que nenni, mon ami ! Ce n'est pas ce qu'elle désire ! Je vais lui arracher quelques mots de ce pas.

— Maître Vespen, comprenez bien que Lauren a besoin de plus de temps que les autres pour se remettre de ses émotions. Vous voyez bien comme tout le monde ici l'a compris. Alors, vous devriez vous aussi attendre un peu avant de… Vespen ? Vous ne m'écoutez même pas, n'est-ce pas ?

L'instructeur avait raison de s'interrompre, car son interlocutrice avait totalement décidé d'ignorer ses conseils. Son sourire narquois et son regard, un tantinet condescendant, montraient à quel point la Jedi appréciait de voir sa connaissance se débattre pour rien. L'homme soupira alors, exaspéré.

— Ne vous en faites pas ! Lança maître Vespen, pleine de confiance.

— Voilà qui est bien facile à dire...

Amusée par les réactions de son confrère, Saery s'inclina avant de se retirer. Le pas léger, elle se dirigea vers la jeune fille isolée. Celle-ci avait aussi les cheveux blancs. C'était un point commun que maître Vespen n'avait pas manqué de remarquer.

— Lauren ?

Saery se tenait droite devant la fille assise. De la main, elle lui fit signe de se lever.

— Tu as attiré mon attention, aujourd'hui. En fait, je pense que tout le monde se souviendra de ton deuxième duel pendant quelques temps encore.

Maître Vespen croisa les bras. La tête légèrement penchée sur le côté, les lèvres pincées, elle semblait se demander ce que l'on allait bien pouvoir faire d'une telle élève.

— Je sens ta peur et ta frustration. Tes performances ne te satisfont pas, n'est-ce pas ? C'est normal ! Tu te précipites bien trop ! Tu manques de discipline, d'expérience, de patience, de...

Saery laissa la suite à l'imagination de la petite. Y allait-elle trop fort ? Elle savait que ses mots n'étaient pas très encourageants pour la jeune Lauren. Maître Vespen n'était pas très douée pour réconforter les gens. Pourtant, son but n'était pas de la rabaisser. Entre un sourire et un soupir, elle haussa les épaules.

— Tu manques de tout, en fait ! Mais, rassure-toi car tu as du potentiel !

Les yeux de la Jedi semblèrent s'illuminer d'un seul coup. Elle ouvrit les bras, comme pour accompagner un rideau qui se levait au dessus d'elle. Sur sa scène imaginaire, Saery avait l'air de tout sauf d'une Jedi calme et réfléchie. Heureusement, les autres maîtres étaient trop occupés par les novices pour la remarquer.

— Je vois quelque chose de très pur, en toi. Un désir de bien faire et un soupçon de… Comment dire ? Un soupçon de tendresse ! C'est ça ! Tu me comprends ? Enfin, bref, je ne te promets rien, mais tu attises ma curiosité. J'ai envie de voir ce dont tu es capable ! Alors, dis moi tout : comment t'es tu retrouvée ici ? Je sais que tu n'es là que depuis peu, alors autant aller droit au but : qu'est-ce qui te motive ? Hm ?

Maître Vespen était lancée. A la fois taquine et sincèrement intéressée, elle refusait de donner un seul moment de répit à la novice pour la laisser répondre. Ce n'est qu'après son petit numéro qu'elle cessa de parler avec les mains, agitée et pleine d'énergie. Elle croisa donc les bras puis, bien plus sereinement, demanda :

— Pour toi, qu'est-ce que ça signifie, être une Jedi ?

Saery qui, une minute auparavant, semblait sortir d'un numéro de cirque, adoptait d'un coup d'un seul une posture bien plus noble et bien plus digne d'une Jedi. Pour elle, déstabiliser le monde qui l'entourait était un peu comme une seconde nature.


Lauren Aresu
Lauren Aresu
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L’effervescence ambiante n’atteignait pas Lauren. Elle n’y était pas attentive, elle n’y était pas intégrée, toujours adossé au mur froid. Les conversations ne lui parvenaient que sous forme d’un fond diffus d’où perçaient des voix graves et aiguës, des accents chantants, d’autres monotones. La clameur des combats s’était évaporée et les chocs des sabres étaient devenus des cris de joie ou des pleurs de déception. Volontairement isolée, emplie de honte et d’amertume, de longues larmes salées descendaient sur les joues échauffées de la jeune fille qui retenait du mieux qu’elle le pouvait les soubresauts de ses lamentations. La tension, le stress et la détermination qui l’animaient jusqu’ici se dénaturaient progressivement et toute cette pression accumulée clamait le besoin de sortir d’une manière ou d’une autre. Les bras toujours enroulés autour de ses genoux repliés, elle essuyait rageusement sa peine sur sa tunique. Inconsciemment, les émotions des autres lui parvenaient à travers un voile de Force nébuleux et venaient exacerber les siennes pour tourbillonner de manière colérique.

Pourtant, une sensation lui parvint, de plus en plus précise. Une personne s’approchait. Lauren leva la tête, doucement. « Lauren ? ». Cette question l’extirpa de ses pensées négatives et ses yeux argentés, rougis et boursouflés, détaillèrent celle qui se tenait devant elle maintenant. Sa chevelure était aussi blanche que la sienne et ses yeux la détaillait en retour, avec une once de curiosité. Elle n’était pas très grande, son corps était fuselé, entrainé et dégageait un aspect gracile. Elle était sans doute très jeune. De vue, la femme en face d’elle lui était pourtant inconnue. Quelque chose manquait… La tresse ! Ce n’était pas une padawan ! C’était une maitre ou une chevalière ! Brusquement, elle reprit contenance et se leva d’un bon malgré ses muscles endoloris qui lançaient de furieux appels dans ses jambes tremblantes. Lauren s’inclina respectueusement, rougissante.

« Maitre… J-… Veuillez m’excuser ! » dit-elle en passant la paume de sa main organique sur ses yeux pour en chasser les dernières larmes. L’appréhension la saisit, elle le sentit dans sa nuque qui se contractait.

Bien sûr que tout le monde se souviendrait de son deuxième duel ! Piteusement, elle baissa son regard vers ses pieds alignés. Elle n’avait pas été loyale, elle n’avait pas mis en pratique de ce qu’on lui avait appris. Elle avait laissé son instinct la submerger et, de surcroît, avait fait chuter son adversaire sans ménagement. Se risquant à lever un œil vers la jeune femme, elle constata que celle-ci paraissait perplexe mais Lauren ne pipa mot, certaine que la suite n’allait pas être réjouissante. Un peut-être futur padawan plus jeune qu’elle fila à toute allure, rieur et excité, derrière la femme aux cheveux d’argent et aux yeux scrutateurs, ses pas lourds résonnant dans la grande salle. Sur sa peau encore en sueur, elle sentit le courant d’air frais. Les remarques de son interlocutrice étaient si directes et véridiques qu’elles filaient avec la force d’un speeder lancé à toute vitesse dans les sentiments de la jeune Lauren qui éclataient au fur et à mesure, incapables de plus. Ses doigts s’entrecroisaient frénétiquement, ils se tortillaient pour expulser toute sa frustration. La respiration courte, elle entendait résonner ce doux mais ferme « Tu manques de tout en fait ! » et revoyait ses erreurs les unes après les autres. D’un mouvement de la tête, elle accompagnait les bras ouverts de la Jedi sans en comprendre le but. Allait-elle se moquer d’elle ?

Lauren ne réalisa qu’alors ce qu’impliquait sa venue. Ce fut lorsque les paroles de la jeune Jedi se firent plus explicites, plus percutantes que son esprit en mesura les conséquences et ses doigts se tortillèrent plus nerveusement encore. Elle pinça légèrement sa lèvre inférieure. Pour elle, c’était un peu comme si quelqu’un venait de lui annoncer que l’on avait retrouvé son père quoiqu’en moins intense. Son corps tressaillit et une pointe de fierté vint l’envahir. De la tendresse… Son père l’avait éduqué pour qu’elle soit tendre, pas pour tuer ou propager la violence. Il l’avait éduqué pour qu’elle soit compréhensive, qu’elle apprenne à écouter les autres. Il l’avait éduqué pour qu’elle soit humaine. Et cette Jedi était la première à le reconnaître. Les larmes faillirent remonter à ses yeux bouffis mais Lauren les balaya de quelques battements de cils qui lui donnèrent un air un peu niais.

« Je… Ma mère était Jedi, elle est décédée. J’ai vécu avec mon père, on était nomades pendant plusieurs… » La jeune femme lui coupa la parole, sans prendre en compte ce qu’elle venait de dire. Elle se jouait d’elle ? Une fausse curiosité ? C’était… malsain et Lauren grimaça imperceptiblement.
« Je voudrais partager cette tendresse… Je voudrais retrouver mon père…. L’Empire ne distribue que le mal, que la violence ! Ils tuent, brisent des vies, des familles et des peuples entiers ! Et… et… Je voudrais apprendre à… » Une fois encore, elle ne put terminer sa phrase. Elle avait commencé à parler vite, emportée par sa fougue. Ses mots et ses idées se succédaient plus vite qu’elle ne pouvait les articuler mais la Jedi, agitée de mouvements, mettait abruptement fin à ses paroles en reprenant de plus belle. Renfrognée, Lauren se tut. Puis une question vint. « Être une Jedi ».

« Être une Jedi… Une Jedi… – elle se répétait comme si le mot pouvait disparaître n’importe quand tout comme la Jedi devant elle. Être une Jedi, c’est faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider les gens, pour leur permettre de vivre sans craindre pour leur vie. Je veux pas qu’ils soient comme moi obligés de grandir sans maison, sans famille à la merci de tous les dangers. Et puis… j’ai pas d’autre avenir, je pense… Je sais même pas si je pourrais être une Jedi un jour…». Sa voix s’était cassée sur la dernière phrase. Ses doutes venaient croquer son enthousiasme, ses rêves et ses passions. Lauren ne s’était jamais vraiment posé la question sur cela, ses déclarations étaient teintées d’incertitude et d’indécision. Mais, au fond d’elle, elle voulait aider simplement, aussi bête cela puisse-t-il paraître. En quête de réponses, elle hasarda même innocemment « Et vous, pourquoi êtes-vous devenue Jedi ? »
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Les lèvres closes, Saery laissa s'échapper un petit rire plein d'ironie. Pourquoi était-elle devenue Jedi ? C'était une question à la fois intéressante et terriblement peu pertinente, venant de la part d'une novice. Elle pouvait cependant comprendre pourquoi Lauren la posait. Après tout, la jeune fille n'était présente au temple que depuis quelques années. Si les méthodes des Jedi pour élever les leurs n'étaient pas secrètes, ça n'empêchait pas la novice d'être nerveuse et de s'embrouiller. Le sens commun qu'elle avait acquis durant ses onze années hors du temple lui dictait sûrement que tout le monde avait un choix

Maître Vespen se donna un petit temps pour réfléchir à sa réponse. Il ne fallait pas décevoir la petite Lauren ! Sa maladresse et sa franchise étaient si touchantes ! Pour l'occasion, le sourire de Saery, d'habitude narquois et hautain, s'était déguisé en une expression pleine de bienfaisance.

— Nous ne choisissons pas de devenir Jedi, Lauren. Répondit-elle enfin. C'est la Force qui nous choisit. Et, si nous suivons sa volonté, c'est parce qu'elle est juste. Tu l'as dit toi-même : certaines choses dans la galaxie n'apportent que chaos et violence. Nous, nous sommes là pour préserver l'ordre et la paix, tout simplement. Et je pense que c'est une cause largement suffisante pour vivre en harmonie avec ce choix que l'on ne fait pas vraiment.

Saery, d'un geste plein de douceur, tendit sa main vers le visage de la jeune fille. Du bout des doigts, elle lui effleura le menton pour le guider vers le haut. Ainsi, elle pouvait mieux voir les veines écarlates qui couraient dans les yeux humides de la novice. Un peu plus proche, un peu plus doucement, elle lui demanda :

— Et toi ? Penses-tu pouvoir préserver la paix dans la galaxie… alors que tu n'arrives pas à être en paix avec toi-même ?

Ses doigts quittèrent le visage de Lauren pour laisser retomber ses yeux gris dans lesquels elle s'était plongée quelques instants. Le sourire de maître Vespen s'élargit un peu plus, comme pour réconforter Lauren qui n'avait probablement rien à répondre à cette question rhétorique. Puis, elle tourna son buste pour regarder discrètement par dessus son épaule. Très vite, elle revint sur la novice.

— Il y a trop de monde, ici. Suis moi.

Sans même attendre de réponse, maître Vespen se faufila à travers les petits groupes qui s'étaient formés ça et là. Elle quitta l'endroit, traversa un couloir et entra dans une nouvelle pièce. Cette salle d'entraînement, plus petite, était l'endroit idéal pour un tête à tête.

D'un pas plus lent et silencieux, sans accorder un regard à la fille qui la suivait, Saery se dirigea au centre du petit terrain circulaire. D'un coup, elle se retourna, porta son arme à sa main grâce à la Force et l'alluma. Elle désigna ensuite la novice de la pointe de sa lame jaune qui bourdonnait gravement.

— Montre moi ce que tu vaux, Lauren. Parle moi à travers ton sabre, raconte moi ton histoire.

Cette petite était la fille d'une Jedi. Elle descendait de quelqu'un qui avait donc quitté l'Ordre, d'une personne qui avait commis une terrible erreur et qui avait manqué à son devoir. Cependant, maître Vespen n'accordait que peu d'importance à ce genre de détails. Ce genre de choses n'étaient pas héréditaires, mais Saery se devait de mieux la comprendre pour mieux voir son avenir. Après tout, le parcours de Lauren était irrégulier. Etait-elle capable d'être elle aussi une Jedi ? Ne risquait-elle pas aussi de quitter l'Ordre ? Selon l'ancien maître de Saery, Stevic Morans, l'on en apprenait beaucoup sur un Jedi ou un Sith lorsque l'on croisait le fer avec.

Premièrement, la novice allait devoir réunir son courage pour affronter une véritable lame. Et non pas une de ces armes d'entraînement que l'on confiait aux plus jeunes. Ensuite, il lui faudrait être assez vive pour que l'intérêt de Saery ne s'évanouisse pas pour laisser place à la déception. Que valait réellement Lauren ? Quelles étaient ses véritables désirs ? Jusqu'où pouvait-elle encore pousser après avoir fait tant d'efforts pendant les épreuves ? Faudrait-il la motiver plus encore ? Saery, la tête pleine de questions, ne souriait plus. Son regard, perçant comme la pointe de son sabre, cherchait à secouer et à fouiller au plus profond de l'âme de la jeune fille qui se trouvait devant elle.

— Je t'attends. Insista-t-elle, d'une voix qui alliait à la fois douceur et fermeté.

Lauren Aresu
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La paroles de la Jedi trouvèrent un vif écho dans l’esprit de Lauren. On ne choisit pas d’être Jedi et elle ne l’avait précisément pas décidé. Si elle n’avait pas fait montre de capacités liées à la Force pour sauver une poignée de ses camarades, jamais elle ne se serait trouvée ici. Pire même, elle serait sans aucun doute morte ou portée disparue, désintégrée par la déflagration. Est-ce pour autant que la Force l’avait choisie pour sauver des vies ? Peut-être même si cette simple pensée pesait lourdement sur ses frêles épaules. Pourtant, d’une certaine manière, elle ne regrettait absolument pas d’être arrivée ici et s’y épanouissait finalement. Lauren, les yeux rivés dans le stupéfiant et expressif regard violet du maître, lui adressa un sourire réconciliant malgré la nouvelle remarque qui cinglait tout aussi durement. Ses mains s’étaient pourtant apaisées et reposaient le long de son corps encore tendu. Même si Lauren ne s’en rendait peut-être pas compte, l’aura du maitre Jedi y était pour beaucoup. Jusqu’ici, durant l’entrainement, elle avait uniquement été entourée de novices surexcités, portés par la détermination nageant entre jubilation et déception dans un flot incessant d’émotions qui, tels des éléments instables, réagissaient sur la jeune Echani. La Jedi était entourée d’un halo réconfortant empli de confiance. Le cœur de la novice ne battait plus la chamade et le fil de ses pensées s’était allégé. Est-ce que c’était ça « la paix avec soi-même » ? Est-ce qu’être en paix signifiait ne plus douter de ses choix, être plus clairvoyant ? Est-ce que l’on pouvait le ressentir ? Et surtout, est-ce qu’être en paix signifiait abandonner ses passions, ses pulsions positives qui nous portaient à nous dépasser, qui faisaient résonner notre être ?

Silencieusement, elle la suivit d’un pas désormais plus léger. La Jedi avait cette démarche gracieuse, presque sautillante marquée par l’agilité, ses longs cheveux volant derrière elle avec élégance. Lauren ne la lâchait pas des yeux, elle restait volontairement rivée dessus pour ne pas la perdre. Pour ne pas perdre la seule chance qui lui avait jamais été offerte jusqu’à ce jour. La salle d’entrainement dans laquelle elle les mena avait le mérite d’être plus silencieuse, plus calme et Lauren put prendre plusieurs inspirations d’un air moins vicié par la chaleur humaine. La maître demeurait muette. La perplexité sur le visage de la novice fut vite remplacée par une lueur semblable à la surprise lorsque le grave bourdonnement du sabre laser pointa dans sa direction. À entendre la jeune femme devant elle, elle aurait juré entendre sa mère comme une visionnaire. « Souvent, ton être le plus profond ne sera révélé que lorsque tu devras te battre. N’oublie jamais que tu es une Echani, ce sont tes racines Lauren ! » lui avait-elle dit parfois, de sa voix douce d’où perçait une fermeté toute maternelle. Jamais l’Echani n’aurait toutefois pensé l’entendre de la bouche d’un maître Jedi. Connaissait-elle son peuple ? Depuis leur rencontre, elle avait le don de faire vibrer ses cordes les plus sensibles. Allait-elle combattre la Jedi, et s’humilier une fois de plus ?

Le sabre et son sinistre bruit avait une allure menaçante, bien éloigné des sabres d’entrainements habituels et rassurants comme celui qu’elle tenait en main. À nouveau, son cœur s’emballa alors qu’elle avançait vers le centre. Son arme avait une bien pâle apparence dans sa main incertaine. De son bras mécanique, elle affermit son étreinte quitte à ce qu’elle soit trop forte. Lauren ferma les yeux et entreprit, comme à son habitude, plusieurs inspirations profondes pour chasser la douleur de ses muscles et ne plus y penser. Aussi paisible et rangée que fut le début de sa vie, elle plaça studieusement jambes et bras comme on le lui avait enseigné. Elle ne reproduirait pas les erreurs de la journée. Elle s’exécuta alors, motivée. Son sabre venait heurter le sien. Elle fut à bien des reprises effrayée que celui de la Jedi ne le découpe pour venir la blesser. Elle accomplissait chaque mouvement de la forme basique et venait frapper à droite ou à gauche, frappait d’estocades qui vibraient dans ses bras affaiblis, lançait avec véhémence la pointe de son sabre qui s’en trouvait déviée aisément. Elle tournait autour de la Jedi, suivait du mieux qu’elle le pouvait ses mouvements, cherchait la faille. Dans ses gestes, il n’y avait que l’envie de bien faire mais, impressionnée, elle retenait contre son gré ses coups. Elle venait inlassablement abattre son arme et perdait le fil de ses actions heurtant les parades incessantes de la Jedi bien plus talentueuse qu’elle, pendant cinq ennuyeuses minutes.

Elle avait jusqu’ici gardé les yeux bloqués sur leurs armes qui dansaient une chorégraphie maladroite mais, entre deux souffles rauques, elle croisa le regard du maître. Elle aurait juré que l’ombre de la déception et de l’ennui avait traversé son visage et cela lui procura plus de douleur que ce que le sabre laser n’aurait pu le faire, comme si elle avait été transpercé ici et maintenant. Elle s’éloigna de quelques pas, le sang battant frénétiquement aux oreilles, assourdissant. La Jedi baissa son arme et l’interrogea d’un coup d’oeil qui n’était plus empreint de la bienveillance qu’elle avait cru y décerner plus tôt. Comme si elle avait été face aux hommes qui lui avait prit sa mère, comme si elle avait été face à toutes les crapules qui en avaient voulu à leur vie, comme si elle avait été face à l’Empire qui l’avait séparé de son père, elle poussa un long cri de rage, d’une rage qui avec le temps, était restée coincée dans sa gorge nouée. Cette fois-ci, elle ne fuirait pas ! Cette fois-ci, elle ferait face. Délaissant totalement les techniques de combat, elle agissait maintenant comme une vraie furie, rebondissant avec plus d’agilité sur ces jambes. Elle ne lançait plus ses coups uniquement à l’horizontale mais frappait de manière répétitive en haut, en bas. Elle portait une attaque puissante sur la gauche et aussitôt la déviait sur la droite. Elle assénait ses coups avec toute la force que lui permettait son bras artificiel. Des larmes acides coulaient une nouvelle fois le long de ses joues au fur et à mesure que le nœud qui l’habitait se dénouait de la plus violente des manières. Elle ne laissait aucun répit à la Jedi qui continuait de parer ses coups. Parfois déstabilisée, elle n’en reprenait que de plus belle. Les dernières barrières mentales qui avaient endigué ses émotions avaient sauté face aux invectives du maître. Elle ne se battait plus pour gagner ni pour prouver quoique ce soit, elle se battait pour expulser toute la rancune qu’elle avait contre le monde avant qu’elle n’arrive ici, l’amertume des moqueries ensuite, pour expier ses propres erreurs même. C’était toutes ces années de cavales qui s’étalaient là, devant les yeux de son adversaire. Ses cheveux blancs s’agglutinaient sur son front en sueur. La Jedi, devant ce déferlement, s’autorisait même quelques offensives calculées mais Lauren tentait de les parer puis frappait à nouveau. Cela dura pendant cinq-six intenses minutes.

Puis, comme lorsqu’elle s’était évanouie après avoir créé cette protection de Force, son corps lâcha, excédé. Son physique rattrapa progressivement son mental et vint sonner l’alerte. Ambitionnant une feinte en poussant sur sa jambe droite, celle-ci se déroba et son genou s’écrasa lourdement au sol. Son sabre glissa de sa main et elle tomba piteusement, le visage rougi par l’effort. Luttant pour reprendre son souffle, elle gardait la bouche ouverte comme si elle n’inspirait pas assez d’air, à quatre pattes, sa main autour de sa gorge brûlante. De Lauren, il ne restait qu’une forme secouée de soubresauts, ses muscles poussés à leurs extrêmes limites, son esprit dans ses derniers retranchements. Chaque quinte de toux lui arrachait une grimace de douleur mais elle ne parvenait pas à la stopper et gisait là, fragile. Mais au fond, ce qui l’heurtait le plus, ce qui l’entaillait à vif, c’était la déception et le fait d’avoir, encore une fois, échoué.

« Je suis… désolé… J-j-… Je n’en… peux plus… Je ne.. v-v-voulais pas… faire… ».
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La novice, Lauren, avait commencé l'exercice très timidement. Peut-être n'osait-elle pas s'approcher d'un véritable sabre laser ? Après tout, certaines armes étaient équipées de régulateurs d'intensité, mais ce n'était pas le cas de celle de Saery. Pourtant, elle estimait que la jeune fille n'encourait aucun danger. Alors, pourquoi ses attaques étaient-elles si peu convaincantes ?

Après une parade plus violente de la part du maître, Lauren s'arrêta. Saery, se demandant ce qu'il lui arrivait, baissa son arme. Jusque là, ses performances n'étaient pas à la hauteur, mais ça ne signifiait pas qu'il fallait abandonner pour autant. Peut-être que c'en était trop pour la novice ? Elle sortait tout juste de ses épreuves, après tout. Saery, consciente qu'elle allait peut-être un peu loin, tenta tout de même de pousser la jeune fille un peu plus loin. En levant le menton, elle l'interrogea du regard. Était-ce tout ce dont elle était capable ?

Étrangement, ce simple regard sembla suffire à secouer Lauren jusqu'au plus profond d'elle-même. Saery, qui ne sait plus le doute chez la novice, perçut un grand trouble dans son esprit. La jeune fille se jeta alors sur elle en laissant de côté tout ce qu'elle avait appris. Ses attaques ne venaient plus de son entraînement, mais de son instinct. Telle une harpie incontrôlable, elle se déchaîna contre la garde de maître Vespen qui refusait de lui céder un seul pas.

Les assauts de Lauren, bien que maladroits, impressionnèrent Saery. Après tout, la novice qui semblait être au bout de ses forces quelques minutes plus tôt poussait ses limites plus loin encore. Elle s'élança dans une véritable danse martiale et, si ses frappes n'étaient pas si inutilement amples et prévisibles, elles pourraient certainement faire mouche !

Quelques minutes plus tard, la novice s'arrêta enfin. Épuisée, elle se laissa tomber sur le sol devant maître Vespen qui, elle aussi, se remettait de ses efforts. Faire en sorte de ne pas blesser Lauren par erreur alors que celle-ci refusait de la laisser respirer n'avait pas été tâche facile. Au moins, maintenant, la jeune fille était calme.

Saery accrocha son sabre à sa ceinture et mit un genou à terre, devant Lauren. Elle posa sa main sur son épaule pendant que la novice, confuse, toussait avant de chercher ses mots. Le maître la coupa alors :

— Chut... tu en as bien assez fait. C'est fini, maintenant.

Du bout des doigts, elle tapota la joue rouge et chaude de la fille. C'était le genre de gestes amicaux qui n'était pas courant chez les Jedi. Les contacts humains étaient plutôt rares, pour ainsi dire.

— Assieds-toi. Dit Saery en s'asseyant elle-même en tailleur sur le sol. Je vois que tu avais des choses à me dire.

Maître Vespen ne souriait pas, mais elle n'avait pas l'air contrariée non plus.

— Durant notre échange, j'ai senti beaucoup de colère en toi. Ainsi que de la rancune, de la frustration. Oui, une forte sensation d'impuissance...

Saery se pencha un peu en avant, comme pour faire une confidence.

— Tu sais, j'en suis certaine maintenant : tu t'empêches toi-même d'avancer, Lauren. Tu as beau avoir toute la volonté du monde, tu ne progresseras pas en traînant tous ces poids que tu refuses de laisser aller.

Le maître laissa quelques secondes à la novice pour qu'elle puisse méditer sur ses mots. Puis, elle lui sourit franchement.

— J'espère que ce petit tête à tête t'aura aidé à te libérer un peu de tout ce qui te préoccupe tant !

Saery, qui savait bien que ces choses n'étaient pas si faciles, affichait un air complice.

— Vois-tu, j'estime qu'il est parfois bon de s'exprimer, de relâcher la pression à travers une activité saine... d'évacuer un peu. Il faut voir ça comme un complément à la méditation et au travail sur soi.

Son visage s'affermit un peu, elle leva son doigt pour signaler qu'elle avait un reproche à faire.

— Cependant, tu dois comprendre qu'il n'est jamais bon d'entièrement se laisser guider par tes émotions comme tu viens de le faire. Dit-elle avant de toucher la pointe du nez de Lauren avec son index qu'elle agitait dans le vent. Comment peux-tu te concentrer si ton esprit est embrumé par tout un tas de pensées et d'émotions que tu ne contrôles pas ? Tu dois savoir faire le vide, te concentrer sur ce qui se trouve devant toi et sur rien d'autre.

Saery marqua une pause, puis reprit :

— Tu sais, il est dangereux d'enseigner à ceux qui ne se maîtrisent pas pleinement. J'imagine que tu comprends que c'est pour cela que tu n'as pas encore été approchée par qui que ce soit pour la suite de ta formation.

Vespen hésita. Elle aimait les défis, mais il valait peut-être mieux laisser Lauren vivre paisiblement au temple. L'entraîner pourrait être dangereux pour elle comme pour les autres... Cependant, Saery sentait quelque chose chez cette enfant. Comme pour se donner un prétexte, elle imagina ce qui pouvait arriver dans le cas où un autre maître la prendrait sous son aile et échouerait à la garder dans le droit chemin. Aurait-il le courage de "corriger" son erreur ? Probablement. Mais, Saery refusait de laisser quelqu'un d'autre prendre ce risque.

Son visage se fit un peu moins grave.

— Lauren, je vais t'accorder une chance. Annonça-t-elle. Si tu me prouves que tu es capable de travailler sur toi, que tu as bel et bien expié toute ta frustration à travers notre échange, je t'enseignerai.

Saery se leva et posa ses mains sur ses hanches.

— Tu dois cependant savoir que me suivre implique d'emprunter un chemin très particulier au sein de l'Ordre. Tu en as déjà entendu parler : les sentinelles sont peu nombreuses et vont servir la Force aux quatre coins de la galaxie. Sache que venir avec moi implique de sacrifier bien plus encore que ta vie quotidienne au temple.

D'un air solennel, maître Vespen tendit sa main vers la novice.

— Je ne vis pas pour défendre la paix en restant passive, Lauren. Je fais des choses dures, mais nécessaires. Alors, si tu penses que tu peux vaincre tes peurs et te dévouer corps et âme à une cause juste, mais pénible et dangereuse, prends ma main.




Lauren Aresu
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