Zerath Ular'Iim
# [Christophsis] Les petits soldats de plomb [Pv: Korgan] - Lun 12 Mar 2018 - 23:09
Ah ! Si vaste la galaxie, si amples les confins de l’espace. Nulle âme ne pouvait soupçonner n’était-ce qu’une fraction des merveilles que recelaient les mondes. Étonnants êtres, colorés, divers, étranges ! Zerath avait vu des bêtes bipèdes couvertes de fourrure, hurlant d’un air bourru et brutales – et d’une force colossale – qui se faisaient appeler wookies. Il avait vu des sauriens à l’air mauvais, vicieux, aux dents plus acérés que des rasoirs, gigantesques et qui parlaient en claquant des mâchoires – et leurs écailles luisaient, vertes, rouges, brunes au soleil. Cette immense complexité plaisait grandement au Kaleesh ; combien encore d’êtres surprenants pouvaient bien se cacher aux confins du monde, témoins du génie de la Création ?
Clac-clac.
Le Kaleesh fronça les sourcils sous son casque de fer, contrarié. Il n’exprima pas son soucis à voix haute ; son regard se posa sur sa main droite, accusateur. Clac-clac, refit-elle ; les doigts de toute la main se crispèrent, le poignet se mit à tourner par saccades brèves en angles tout aussi brefs. Le petit bijou technologique qu’était la main cybernétique était également très imparfait. Les servomoteurs du précieux appareil se mirent à protester, tandis que la main entamait une rotation horaire du poignet puis changeait brusquement d’avis pour aller en sens inverse. Peut-être fallait-il simplement faire preuve de patience, songea finalement le cyborg. Il n’avait pas encore un contrôle très affirmé sur ses membres artificiels, loin de là ; ce genre de...Désagréments était monnaie courante. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de songer que depuis qu’il avait quitté Kalee pour rallier Coruscant, ses problèmes techniques s’étaient intensifiés. Cin sans doute l’aurait conseillé ou aidé le temps que sa main cesse son comportement dissident. Mais sa chère compagne aux pupilles de braises n’était pas là. Peut-être qu’un fil était mal connecté quelque part ? Contrariant, contrariant…
« - Un problème...Monsieur... ? »
Zerath releva les yeux. Celui qui avait posé la question était un jeune humain en uniforme. Il devait avoisiner le mètre soixante dix. Yeux bleus et chevelure de blé coupée court, flanqué d’un képi de matelot et de l’uniforme aux couleurs douces républicaines, c’était un individu au visage de bambin mais à la musculature pourtant épaisse ; à travers ses habits on devinait ses pectoraux et ses biceps. À la vérité, le Kaleesh n’était pas excellentissime en matière de couleurs. Ceux de son espèce percevaient certes les couleurs, mais ils voyaient avant tout et surtout thermiquement. Il pouvait voir que le blond était actuellement…Échaudé. Peut-être avait-il couru ? Ou effectué du moins un effort.
Le nouvel arrivant tenait entre ses mains une serpillière – un indice, songea le reptilien. Il faisait le ménage avant d’apparaître dans la pièce. Cette tâche millénaire était usuellement réservée aux droïdes, mais les recommandations républicaines actuelles recommandaient qu’un soldat souffrant de troubles de l’attention et de l’écoute des ordres fut employé pour décharger les pauvres droïdes de leur fardeau dans le cas exceptionnel – c’était à dire environ quatre fois par jour, sept jours par semaine – où les machines se seraient trouvées fatiguées et en besoin crucial de repos ou qu’un besoin de corriger l’attitude du soldat se fasse sentir.
Naturellement, les droïdes étaient en parfaite forme et c’était une punition infligée au blond. Punition sans doute méritée, pour s’adresser à un supérieur sans y mettre les formes. C’était d’ailleurs probablement pour cette raison qu’il passait la serpillière, car une offense plus grave lui aurait valut de récurer le compacteur à déchets. Cependant, le Kaleesh ne pouvait lui reprocher son non respect de l’étiquette ; lui-même ne portait pas les couleurs républicaines, si ce n’était sur son épaule gauche. Il aurait pu être un passager exceptionnel plutôt qu’un sous officier après tout.
« - Sergent Ular’Iim. » corrigea-t-il avec patience. Sa voix jaillit hors de son casque - déformée, atténuée par le casque, amplifiée par son vocodeur - et résonna avec la profondeur de la cloche dans une cathédrale, froide pourtant comme la robe de fer de l’instrument. Son accent robotique fit sursauter légèrement le matelot, mais moins que la précision elle-même : le gaillard en lâcha son balais pour se mettre au garde-à-vous, balbutiant des excuses. Zerath, pourtant, n’avait pas parlé d’un ton agressif, tout à l’inverse. Son regard passa du blond à sa main, qui continuait à se tordre par mouvements subtils et saccadés.
« - La technologie récalcitrante est un obstacle que l’esprit seul est incapable de vaincre. » dit le Kaleesh, plus à lui-même qu’au soldat. Son regard revint sur son interlocuteur tandis qu’une secousse brusque agitait la salle. Zerath était actuellement assis : il se tenait nonchalamment sur un banc de fer à L’Arkadie pour être exact, la meilleure cantine du Refractor, un croiseur républicain modèle Hammerhead notoirement connu dans la marine républicaine pour sa peinture neuve. Les ingénieurs racontaient que la tuyauterie du Refractor était si propre qu’on pouvait prendre des bains dans le compacteur à déchets. Zerath avait choisi de ne pas vérifier cette affirmation, à la fois par manque de temps et aussi par un crucial manque d’intérêt.
Il était actuellement seize heures à l’ordinateur de bord. Le réfectoire était désert, si ce n’était pour l’Ular’Iim et le jeune soldat de corvée. Zerath avait jeté son dévolu sur une innocente table pour y déverser diverses notes, croquis, schémas. Un ouvrage s’intitulait « Élevage des Happabores, Vol II. ». Un second « Guerre et mécanisation : la machine comme ennemi. ». Des articles plus modestes étaient éparpillés sur la table encore, « Orbite hostile, considérer la gravitation pour survivre jusqu’au sol », « Quelques règles de colonisation ». Enfin, un petit ouvrage à la couverture rouge s’intitulait « Cristaux : formation et structure, Vol I ». Ces ouvrages étaient à l’origine en hologrammes. Zerath avait même tenté d’emprunter les datapads en personne à la bibliothèque centrale de l’armée. Malheureusement, un dysfonctionnement de son bras gauche avait provoqué une décharge électrique et grillé les circuits de la précieuse tablette. Si le prélat ne s’expliquait pas complètement l’origine de cet éclair soudain – si ce n’était bien entendu que son corps artificiel avait fait des siennes – il s’était donc résolu à demander une version physique non digitale. L’archiviste, probablement désireuse de se débarrasser de ce destructeur importun, s’était empressée de trouver des copies physiques et de les remettre au Kaleesh. Depuis maintenant trois bonnes heures, celui-ci étudiait les ouvrages les uns après les autres, brossant petit à petit une toile plus nette du contexte où il plongerait bientôt.
Une nouvelle secousse. Le regard reptilien de l’Ular’Iim interrogea le mousse, qui le fixait toujours.
« - Vous avez à faire pour que le sol luise, à moins que vous ne comptiez sur les droïdes pour rattraper votre retard ? »
Le blond reprit son ménage, dans un mélange d’application et de gêne qui ne retint l’attention du prélat que quelques dizaines de secondes avant qu’il ne reparte à son étude. Il devait comprendre ce qui l’attendait.
C’était une femme qui se tenait sur le pont. Une balafre zébrait son œil droit – aveugle et vitreux, un air sérieux marquait son visage austère. Chauve était-elle, à la peau pâle, mais de petite taille pour son espèce : elle avoisinait le mètre cinquante, mais chaque centimètre de son être transpirait une aigreur mêlée d’impatience caractéristique des esprits bourrus et renfrognés ; elle avait un air de Rancor et sans doute aussi le tempérament, bien qu’il lui manqua la corpulence pour prétendre être l’égale du prédateur redoutable ; sa jambe droite était invalide, mais elle ne l’avait pas faite remplacer par une prothèse, préférant boiter dignement. Le cyborg supposait que c’était là un trait de fierté plutôt que de logique, mais il n’avait pas pris le temps d’interroger l’équipage au sujet de la femme. Celle-ci n’aurait sans doute pas répondu de façon constructive à ses questions : elle semblait d’un tempérament extrêmement irascible. Nul dans la salle n’aurait osé faire une quelconque remarque quant à l’humeur de l’humaine : cette femme était Nir Storm, lieutenante de sa fonction et celle en charge de l’opération. La salle du briefing était choisie car elle était l’une des seules du Refractor outre le pont de commandement à se doter d’un projecteur holographique. Les officiers et sous-officiers avaient été réunis autour du projecteur, qui était une grande table circulaire à la surface bleue translucide. Autour, dans un rayon de six mètres, le sol était nivelé en ce qui aurait semblé des gradins ; c’était le lieu désigné des soldats qui écoutaient le briefing – soit cinquante hommes. Par manque de place, comme le voulait la coutume, tout le monde se tenait debout ; si l’on avait ménagé une distance raisonnable avec ce qui constituait « l’état major » autour du projecteur holographique, les hommes bas, les soldats, étaient relégués et entassés sur les gradins comme un bétail qui n’attendait pas l’abattoir mais les ordres – bien qu’un esprit cynique eût objecté qu’il n’existait qu’une subtile différence sémantique entre les deux.
La pièce était illuminée par six néons bleus. L’un d’eux grésillait irrégulièrement, agonisant de sa pulsation agaçante sous l’expiration continue des systèmes d’aération. Vrmmmmmmmmmmm faisaient-ils, comme un écho aux moteurs lointains dont on n’entendait guère plus le son à présent que le Refractor était passé en voyage lumière.
Zerath se tenait proche de la table, ainsi que la lieutenante et un troisième personnage. Cet individu, qui était sans nul doute le troisième gradé de cette opération, était un curieux alien humanoïde. Il avait des yeux mosaïques complexes, dépourvus de pupille comme de paupière qui luisaient, pareils à deux grands miroirs. Ils renvoyaient la lumière en des motifs de diffraction étranges, c’étaient des yeux de mouche mais démesurés. Au-dessus du crâne de ce personnage, deux oreilles s’orientaient de face. Ou étaient-ce des tubes remplissant une autre fonction biologique obscure ? Le prélat n’aurait su le dire. Cet étrange portrait était complété par la peau écailleuse et verte de cette étrange espèce. Zerath observait (mais il l’ignorait) un rodien. Et tout comme la lieutenante, il portait l’uniforme républicain, paré de ce bleu désaturé brodé de subtils motifs blancs. Le Kaleesh ne portait pas la tenue républicaine. Il arborait sa tenue cérémoniale traditionnelle. Engoncé de son manteau pourpre, les bras bandés, il portait également une tenue de lin sombre – noire presque – en guise de plastron, qui descendait en une robe cérémoniale jusqu’à mi-genoux. Plongé dans le silence, il s’appuyait de ses deux mains sur sa lance shoni cérémoniale. Sa main droite avait cessé de l’importuner, ce qui constituait un facteur décisif pour rester concentrer. À présent, il écoutait. Ses yeux demeuraient plongés dans le vide, mais ils captaient la chaleur de tous les soldats présents dans la pièce. Une masse nombreuse, informe, rouge et jaune à ses yeux qui percevaient avant tout les nuances thermiques.
« - Soldats, il est l’heure de vous dire la raison de votre présence sur le Refractor ! Comme vous le savez, nous nous rendons sur le monde de Christophsis. C’est une planète majoritairement inhabitée, mais une colonie y est établie depuis plusieurs mois maintenant. Pas moins de sept mille âmes là-dedans ! Des mineurs, mais aussi des intellectuels et des ingénieurs. »
La table holographique s’alluma tandis que mourraient les néons dans les coins de la pièce. L’image en trois dimension d’une grande planète apparut au centre de la pièce. Les traits de chacun se détachaient plus nets, plus rigides sous la lumière bleue monochrome, pâle et uniforme ; le regard de Zerath se noya dans l’image de Christophsis. Elle tournait sur elle-même, car sa révolution était représentée et animée. Il n’avait jamais vu de monde cristallin. Y aurait-il des arbres là-bas ? À quoi ressemblerait la mer au lever du soleil ? La lieutenante, d’un air dramatique, les mains dans le dos, tournait autour de la table, désignant la planète d’une main. Elle marchait d’un pas boitillant. Sa jambe, sans le moindre doute.
« - Les colons ont développé leur ville et hub principal grâce à l’aide inestimable de droïdes de construction, produits en terre républicaine par la Fédération du Commerce. Nous avons reçu il y a deux jours un message d’appel à l’aide. Il semble que certains droïdes soient devenus fous et menacent les colons. Inutile de vous dire le massacre que peut engendre un porte-charge hors de contrôle : ils ont une force suffisante pour disloquer un homme en deux. »
La lieutenante Storm marqua une pause. Elle prit une gourde, accrochée à sa ceinture, avala une gorgée d’un breuvage dont Zerath ne put déterminer la nature à cette distance. Peut-être était-ce de l’alcool ? Peut-être s’agissait-il d’une façon pour elle de taire la douleur de son membre blessé ?
« - Pour l’instant il n’y a pas eu de victime. Notre travail est de rallier la colonie et de neutraliser les droïdes défectueux. Les gros bonnets du QG ont déjà contacté la Fédération du Commerce. À messieurs les techniciens : vous trouverez dans vos datapads la procédure pour désactiver un de ces tas de boulon. Les autres, vous devrez simplement encadrer vos techniciens, compris ? Tous les hommes dans cette pièce – c’est à dire cinquante soldats à l’appel, vous interviendrez au sol. Nous nous répartirons en trois compagnies. La première sera sous mon contrôle direct. »
Plusieurs hommes marquèrent un élan enthousiaste à la nouvelle. Storm resta de glace devant cette démonstration d'affection; elle poursuivit sans s'en préoccuper.
« - La deuxième compagnie sera sous le contrôle du second lieutenant Timber. »
À nouveau, plusieurs acclamations jaillirent de la petite foule de soldats. Probablement des hommes qui avaient déjà oeuvré avec l'officier suggéra le cyborg à lui-même.
« - La dernière sera sous les ordres du sergent Ular’Iim. »
Interpellé, le Kaleesh fit un signe de tête pour signaler aux soldats son identité. Cependant nul ne réagit dans la salle. Ah, compréhensible. Compréhensible, car nul ici ne le connaissait. Un rien vexant cependant, il devait l'avouer, bien qu'il ne puisse pas les blâmer. Chaque chose en son temps de toute évidence; ils auraient bien le temps d'apprendre à le connaître de toute façon. Storm fit un pas sur le côté, qui lui arracha une grimace. Elle n’avait pas bu assez d’alcool, songea Zerath. Ou peut-être que ce n’était que de l’eau qu’elle buvait ?
« - Une dernière chose : l’escouade Typhon nous fait l’honneur de nous accompagner pour l’opération. Alors messieurs, c’est l’heure de briller ! Nous sortons de l’hyperespace dans une demi heure. Préparez vos affaires et rejoignez les navettes de débarquement qui vous sont assignées. Une navette par compagnie. Soldats, rompez ! »
Clac-clac.
Le Kaleesh fronça les sourcils sous son casque de fer, contrarié. Il n’exprima pas son soucis à voix haute ; son regard se posa sur sa main droite, accusateur. Clac-clac, refit-elle ; les doigts de toute la main se crispèrent, le poignet se mit à tourner par saccades brèves en angles tout aussi brefs. Le petit bijou technologique qu’était la main cybernétique était également très imparfait. Les servomoteurs du précieux appareil se mirent à protester, tandis que la main entamait une rotation horaire du poignet puis changeait brusquement d’avis pour aller en sens inverse. Peut-être fallait-il simplement faire preuve de patience, songea finalement le cyborg. Il n’avait pas encore un contrôle très affirmé sur ses membres artificiels, loin de là ; ce genre de...Désagréments était monnaie courante. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de songer que depuis qu’il avait quitté Kalee pour rallier Coruscant, ses problèmes techniques s’étaient intensifiés. Cin sans doute l’aurait conseillé ou aidé le temps que sa main cesse son comportement dissident. Mais sa chère compagne aux pupilles de braises n’était pas là. Peut-être qu’un fil était mal connecté quelque part ? Contrariant, contrariant…
« - Un problème...Monsieur... ? »
Zerath releva les yeux. Celui qui avait posé la question était un jeune humain en uniforme. Il devait avoisiner le mètre soixante dix. Yeux bleus et chevelure de blé coupée court, flanqué d’un képi de matelot et de l’uniforme aux couleurs douces républicaines, c’était un individu au visage de bambin mais à la musculature pourtant épaisse ; à travers ses habits on devinait ses pectoraux et ses biceps. À la vérité, le Kaleesh n’était pas excellentissime en matière de couleurs. Ceux de son espèce percevaient certes les couleurs, mais ils voyaient avant tout et surtout thermiquement. Il pouvait voir que le blond était actuellement…Échaudé. Peut-être avait-il couru ? Ou effectué du moins un effort.
Le nouvel arrivant tenait entre ses mains une serpillière – un indice, songea le reptilien. Il faisait le ménage avant d’apparaître dans la pièce. Cette tâche millénaire était usuellement réservée aux droïdes, mais les recommandations républicaines actuelles recommandaient qu’un soldat souffrant de troubles de l’attention et de l’écoute des ordres fut employé pour décharger les pauvres droïdes de leur fardeau dans le cas exceptionnel – c’était à dire environ quatre fois par jour, sept jours par semaine – où les machines se seraient trouvées fatiguées et en besoin crucial de repos ou qu’un besoin de corriger l’attitude du soldat se fasse sentir.
Naturellement, les droïdes étaient en parfaite forme et c’était une punition infligée au blond. Punition sans doute méritée, pour s’adresser à un supérieur sans y mettre les formes. C’était d’ailleurs probablement pour cette raison qu’il passait la serpillière, car une offense plus grave lui aurait valut de récurer le compacteur à déchets. Cependant, le Kaleesh ne pouvait lui reprocher son non respect de l’étiquette ; lui-même ne portait pas les couleurs républicaines, si ce n’était sur son épaule gauche. Il aurait pu être un passager exceptionnel plutôt qu’un sous officier après tout.
« - Sergent Ular’Iim. » corrigea-t-il avec patience. Sa voix jaillit hors de son casque - déformée, atténuée par le casque, amplifiée par son vocodeur - et résonna avec la profondeur de la cloche dans une cathédrale, froide pourtant comme la robe de fer de l’instrument. Son accent robotique fit sursauter légèrement le matelot, mais moins que la précision elle-même : le gaillard en lâcha son balais pour se mettre au garde-à-vous, balbutiant des excuses. Zerath, pourtant, n’avait pas parlé d’un ton agressif, tout à l’inverse. Son regard passa du blond à sa main, qui continuait à se tordre par mouvements subtils et saccadés.
« - La technologie récalcitrante est un obstacle que l’esprit seul est incapable de vaincre. » dit le Kaleesh, plus à lui-même qu’au soldat. Son regard revint sur son interlocuteur tandis qu’une secousse brusque agitait la salle. Zerath était actuellement assis : il se tenait nonchalamment sur un banc de fer à L’Arkadie pour être exact, la meilleure cantine du Refractor, un croiseur républicain modèle Hammerhead notoirement connu dans la marine républicaine pour sa peinture neuve. Les ingénieurs racontaient que la tuyauterie du Refractor était si propre qu’on pouvait prendre des bains dans le compacteur à déchets. Zerath avait choisi de ne pas vérifier cette affirmation, à la fois par manque de temps et aussi par un crucial manque d’intérêt.
Il était actuellement seize heures à l’ordinateur de bord. Le réfectoire était désert, si ce n’était pour l’Ular’Iim et le jeune soldat de corvée. Zerath avait jeté son dévolu sur une innocente table pour y déverser diverses notes, croquis, schémas. Un ouvrage s’intitulait « Élevage des Happabores, Vol II. ». Un second « Guerre et mécanisation : la machine comme ennemi. ». Des articles plus modestes étaient éparpillés sur la table encore, « Orbite hostile, considérer la gravitation pour survivre jusqu’au sol », « Quelques règles de colonisation ». Enfin, un petit ouvrage à la couverture rouge s’intitulait « Cristaux : formation et structure, Vol I ». Ces ouvrages étaient à l’origine en hologrammes. Zerath avait même tenté d’emprunter les datapads en personne à la bibliothèque centrale de l’armée. Malheureusement, un dysfonctionnement de son bras gauche avait provoqué une décharge électrique et grillé les circuits de la précieuse tablette. Si le prélat ne s’expliquait pas complètement l’origine de cet éclair soudain – si ce n’était bien entendu que son corps artificiel avait fait des siennes – il s’était donc résolu à demander une version physique non digitale. L’archiviste, probablement désireuse de se débarrasser de ce destructeur importun, s’était empressée de trouver des copies physiques et de les remettre au Kaleesh. Depuis maintenant trois bonnes heures, celui-ci étudiait les ouvrages les uns après les autres, brossant petit à petit une toile plus nette du contexte où il plongerait bientôt.
Une nouvelle secousse. Le regard reptilien de l’Ular’Iim interrogea le mousse, qui le fixait toujours.
« - Vous avez à faire pour que le sol luise, à moins que vous ne comptiez sur les droïdes pour rattraper votre retard ? »
Le blond reprit son ménage, dans un mélange d’application et de gêne qui ne retint l’attention du prélat que quelques dizaines de secondes avant qu’il ne reparte à son étude. Il devait comprendre ce qui l’attendait.
- Code:
Pont principal, salle de briefing. Heure de bord : 19h20
C’était une femme qui se tenait sur le pont. Une balafre zébrait son œil droit – aveugle et vitreux, un air sérieux marquait son visage austère. Chauve était-elle, à la peau pâle, mais de petite taille pour son espèce : elle avoisinait le mètre cinquante, mais chaque centimètre de son être transpirait une aigreur mêlée d’impatience caractéristique des esprits bourrus et renfrognés ; elle avait un air de Rancor et sans doute aussi le tempérament, bien qu’il lui manqua la corpulence pour prétendre être l’égale du prédateur redoutable ; sa jambe droite était invalide, mais elle ne l’avait pas faite remplacer par une prothèse, préférant boiter dignement. Le cyborg supposait que c’était là un trait de fierté plutôt que de logique, mais il n’avait pas pris le temps d’interroger l’équipage au sujet de la femme. Celle-ci n’aurait sans doute pas répondu de façon constructive à ses questions : elle semblait d’un tempérament extrêmement irascible. Nul dans la salle n’aurait osé faire une quelconque remarque quant à l’humeur de l’humaine : cette femme était Nir Storm, lieutenante de sa fonction et celle en charge de l’opération. La salle du briefing était choisie car elle était l’une des seules du Refractor outre le pont de commandement à se doter d’un projecteur holographique. Les officiers et sous-officiers avaient été réunis autour du projecteur, qui était une grande table circulaire à la surface bleue translucide. Autour, dans un rayon de six mètres, le sol était nivelé en ce qui aurait semblé des gradins ; c’était le lieu désigné des soldats qui écoutaient le briefing – soit cinquante hommes. Par manque de place, comme le voulait la coutume, tout le monde se tenait debout ; si l’on avait ménagé une distance raisonnable avec ce qui constituait « l’état major » autour du projecteur holographique, les hommes bas, les soldats, étaient relégués et entassés sur les gradins comme un bétail qui n’attendait pas l’abattoir mais les ordres – bien qu’un esprit cynique eût objecté qu’il n’existait qu’une subtile différence sémantique entre les deux.
La pièce était illuminée par six néons bleus. L’un d’eux grésillait irrégulièrement, agonisant de sa pulsation agaçante sous l’expiration continue des systèmes d’aération. Vrmmmmmmmmmmm faisaient-ils, comme un écho aux moteurs lointains dont on n’entendait guère plus le son à présent que le Refractor était passé en voyage lumière.
Zerath se tenait proche de la table, ainsi que la lieutenante et un troisième personnage. Cet individu, qui était sans nul doute le troisième gradé de cette opération, était un curieux alien humanoïde. Il avait des yeux mosaïques complexes, dépourvus de pupille comme de paupière qui luisaient, pareils à deux grands miroirs. Ils renvoyaient la lumière en des motifs de diffraction étranges, c’étaient des yeux de mouche mais démesurés. Au-dessus du crâne de ce personnage, deux oreilles s’orientaient de face. Ou étaient-ce des tubes remplissant une autre fonction biologique obscure ? Le prélat n’aurait su le dire. Cet étrange portrait était complété par la peau écailleuse et verte de cette étrange espèce. Zerath observait (mais il l’ignorait) un rodien. Et tout comme la lieutenante, il portait l’uniforme républicain, paré de ce bleu désaturé brodé de subtils motifs blancs. Le Kaleesh ne portait pas la tenue républicaine. Il arborait sa tenue cérémoniale traditionnelle. Engoncé de son manteau pourpre, les bras bandés, il portait également une tenue de lin sombre – noire presque – en guise de plastron, qui descendait en une robe cérémoniale jusqu’à mi-genoux. Plongé dans le silence, il s’appuyait de ses deux mains sur sa lance shoni cérémoniale. Sa main droite avait cessé de l’importuner, ce qui constituait un facteur décisif pour rester concentrer. À présent, il écoutait. Ses yeux demeuraient plongés dans le vide, mais ils captaient la chaleur de tous les soldats présents dans la pièce. Une masse nombreuse, informe, rouge et jaune à ses yeux qui percevaient avant tout les nuances thermiques.
« - Soldats, il est l’heure de vous dire la raison de votre présence sur le Refractor ! Comme vous le savez, nous nous rendons sur le monde de Christophsis. C’est une planète majoritairement inhabitée, mais une colonie y est établie depuis plusieurs mois maintenant. Pas moins de sept mille âmes là-dedans ! Des mineurs, mais aussi des intellectuels et des ingénieurs. »
La table holographique s’alluma tandis que mourraient les néons dans les coins de la pièce. L’image en trois dimension d’une grande planète apparut au centre de la pièce. Les traits de chacun se détachaient plus nets, plus rigides sous la lumière bleue monochrome, pâle et uniforme ; le regard de Zerath se noya dans l’image de Christophsis. Elle tournait sur elle-même, car sa révolution était représentée et animée. Il n’avait jamais vu de monde cristallin. Y aurait-il des arbres là-bas ? À quoi ressemblerait la mer au lever du soleil ? La lieutenante, d’un air dramatique, les mains dans le dos, tournait autour de la table, désignant la planète d’une main. Elle marchait d’un pas boitillant. Sa jambe, sans le moindre doute.
« - Les colons ont développé leur ville et hub principal grâce à l’aide inestimable de droïdes de construction, produits en terre républicaine par la Fédération du Commerce. Nous avons reçu il y a deux jours un message d’appel à l’aide. Il semble que certains droïdes soient devenus fous et menacent les colons. Inutile de vous dire le massacre que peut engendre un porte-charge hors de contrôle : ils ont une force suffisante pour disloquer un homme en deux. »
La lieutenante Storm marqua une pause. Elle prit une gourde, accrochée à sa ceinture, avala une gorgée d’un breuvage dont Zerath ne put déterminer la nature à cette distance. Peut-être était-ce de l’alcool ? Peut-être s’agissait-il d’une façon pour elle de taire la douleur de son membre blessé ?
« - Pour l’instant il n’y a pas eu de victime. Notre travail est de rallier la colonie et de neutraliser les droïdes défectueux. Les gros bonnets du QG ont déjà contacté la Fédération du Commerce. À messieurs les techniciens : vous trouverez dans vos datapads la procédure pour désactiver un de ces tas de boulon. Les autres, vous devrez simplement encadrer vos techniciens, compris ? Tous les hommes dans cette pièce – c’est à dire cinquante soldats à l’appel, vous interviendrez au sol. Nous nous répartirons en trois compagnies. La première sera sous mon contrôle direct. »
Plusieurs hommes marquèrent un élan enthousiaste à la nouvelle. Storm resta de glace devant cette démonstration d'affection; elle poursuivit sans s'en préoccuper.
« - La deuxième compagnie sera sous le contrôle du second lieutenant Timber. »
À nouveau, plusieurs acclamations jaillirent de la petite foule de soldats. Probablement des hommes qui avaient déjà oeuvré avec l'officier suggéra le cyborg à lui-même.
« - La dernière sera sous les ordres du sergent Ular’Iim. »
Interpellé, le Kaleesh fit un signe de tête pour signaler aux soldats son identité. Cependant nul ne réagit dans la salle. Ah, compréhensible. Compréhensible, car nul ici ne le connaissait. Un rien vexant cependant, il devait l'avouer, bien qu'il ne puisse pas les blâmer. Chaque chose en son temps de toute évidence; ils auraient bien le temps d'apprendre à le connaître de toute façon. Storm fit un pas sur le côté, qui lui arracha une grimace. Elle n’avait pas bu assez d’alcool, songea Zerath. Ou peut-être que ce n’était que de l’eau qu’elle buvait ?
« - Une dernière chose : l’escouade Typhon nous fait l’honneur de nous accompagner pour l’opération. Alors messieurs, c’est l’heure de briller ! Nous sortons de l’hyperespace dans une demi heure. Préparez vos affaires et rejoignez les navettes de débarquement qui vous sont assignées. Une navette par compagnie. Soldats, rompez ! »
Korgan Kessel
# Re: [Christophsis] Les petits soldats de plomb [Pv: Korgan] - Ven 16 Mar 2018 - 0:22
Pont principal, quartiers du Lieutenant Storm, Vingt minutes avant le début des opérations,
Elle n’a pas changé. Toujours aussi directe. Malgré moi je laisse échapper un sourire. J’aime cette franchise, cette manière de dire les choses sans tourner autour du pot. Si y’avait plus d’officiers de sa trempe dans la l’armée, ça tortillerait moins du cul pour chier droit. Mais direct, elle me jette un regard assassin. Elle me découpe littéralement en rondelles d’une phrase cinglante :
« Vous trouvez que ce je viens de dire est drôle caporal-chef ?! »
« Négatif, m’dame ! »
« Alors arrêtez de sourire comme un imbécile ! »
« Oui, m’dame ! »
Sacrée bonne femme. La première fois que je l’ai croisé, c’était à l’hôpital militaire sur Coruscant, après le bordel sur Byss. On avait partagé la même chambre pendant plusieurs jours… Elle m’avait complètement rendu chèvre… Quel caractère merdique… Le personnel soignant en a pris pour son grade. Mais bon. Entre nous y’a un truc. Même si on ne se l’avouera jamais. Un peu comme ces vétérans de guerre qui se retrouve après s’être perdu de vue. Sur Byss, elle y a laissé un œil et une jambe. Moi mon avant-bras gauche, tranché net par un enfoiré de Sith.
« Je vous ferai un rapport complet, m’dame. »
« Bien ! Rompez ! Il ne vous reste plus que dix-neufs minutes pour vous préparer ! »
Salut militaire. Je pivote, raide comme si j’avais un balai dans le fion. Puis, sans un mot de plus je quitte la pièce. Elle coulisse derrière moi, sifflement pneumatique caractéristique. Et je laisse échapper un soupir. Je secoue la tête. Je déteste ça : ces petits secrets. Elle me demande de garder un œil sur le sergent Ular’Iim. Je dois lui faire part de mes impressions après la mission. J’en sais pas plus, et je ne veux surtout pas en savoir plus. Il est surement dans le collimateur d’une personne haute placée. Pour une bonne ou une mauvaise raison. Une bonne j’espère, vu que j’ai été affecté sous son commandement pour l’opération.
Bref. Ça sert à rien de se poser des questions qu’on sait que les réponses nous échappent. Un principe que j’applique au quotidien pour garder la tête froide. Je baisse les yeux sur ma montre, solidement fixée sur mon avant-bras cybernétique. Faut que je me grouille. D’un pas rapide, je dévale l’étroite coursive, descends deux séries d’escaliers. Puis je me jette littéralement à l’intérieur d’un turbolift avant que le porte ne se referme. Je fais semblant de ne pas remarquer deux petites enseignes qui me mate l’arrière train. Intérieurement ça me fait sourire, mais j’en laisse rien paraitre. Dès que la porte s’ouvre, je fonce. Direction : le vestiaire. Celui que Strom nous a attribué.
Faire partie de l’élite de la République, ça a ses avantages et ses inconvénients. Les inconvénients, c’est qu’on se retrouve toujours fourrés dans les pires bourbiers de la galaxie, dont on ne ressort que le corps couvert de crasse et de blessures. Le bon coté, c’est que… Ça ouvre certains petits privilèges : comme le fait d’avoir notre coin à nous sur ce foutu rafiot. Pas besoin de se mélanger avec la bleusaille… Parce qu’il faut être franc : la mission du jour est loin d’être du calibre de celles qu’on effectue habituellement. Storm a un putain de bras long pour nous avoir eu. Désactiver une bande de droides qui pète les plombs, c’est typiquement le genre de truc qu’on confie aux Blue bytes pour les aguerrir un peu.
Je presse la commande. La porte coulisse, disparait dans le mur. Sur les bancs, entre les casiers ouverts, il ne reste plus que Mac’ et Mad’. Ils lèvent les yeux, lance un petit salut tout ce qu’il y a de moins réglementaire. Mais j’en ai rien à foutre, j’ai jamais été à cheval sur l’étiquette. Direct je lâche :
« Matt’ et Jett’ sont déjà prêts ?! »
Ça m’étonne. D’hab, Matt’ est toujours le dernier en armure de combat, après s’être maté sous toutes les coutures dans le miroir pendant de longues minutes. Ça c’est quand il ne passe pas un quart d’heure à nous raconter ses ébats sexuels de la veille, à grand renfort de détails. C’est Mad’ qui me répond, l’air absent, alors qu’il démonte et remonte pour la cinquantième fois aujourd’hui son fusil à lunette haute précision. C’est un vrai toc chez lui.
« Ouep. Jett’ voulait jeter un coup d’œil à la navette… Tu sais comment il est… Et Matt’, j’sais pas. Il a sauté dans son armure, et s’est tiré en nous sortant qu’il avait un truc important à faire avant le départ. »
Les « trucs importants » de Matt’ ça sent toujours la bonne grosse connerie. Je peste en secouant la tête. Mac’ lui, comme d’hab, est silencieux. Déjà que le Cathar n’était pas causant… Mais depuis qu’il a perdu ses deux jambes sur Gravelex Med l’année dernière, il faut vraiment que la vie de quelqu’un soit en danger pour lui arracher le moindre mot. En silence donc, il continue d’astiquer le métal chromé de ses prothèses. Bref, le temps presse. Je me détourne du duo de choc pour me rapprocher de mon armure de combat ultra-lourde. Ça aussi c’est un petit bijou de technologie.
Elle est reliée par une dizaine de câbles à une console technique. Tous les voyants sont au vert. Nickel. Je presse sur l’écran tactile. Les extrémités des câbles se détachent de l’armure, tombent lourdement au sol. La plaque de blindage pectorale coulisse, tandis que le casque pivote vers le haut, révélant un intérieur capitonné confortable et antichoc. On pourrait presque qualifier ça de lieu de travail, héhé. Bref. Je dégrafe mon uniforme réglementaire, balance la veste et le pantalon sur le banc le plus proche. Et c’est donc en marcel et en slip que je me glisse à l’intérieur de l’armure. Aussitôt elle se reverrouille. La visière jusqu’alors opaque devient translucide, incrustées de diverses informations tactiques. Une voix me saute aux oreilles :
« Bonjour Capora… »
« Mute !! »
Putain, je ne me ferai jamais à ces interfaces vocales. Et puis c’est quoi cette saloperie de voix ?! Dès que je l’entends, j’imagine un énorme black juste derrière moi, façon tu vas prendre cher si tu serres pas de suite les fesses… Raaaah. A cet instant, je loue un véritable culte à l’inventeur du mode silencieux… Bref. Une fois l’armure reverrouillée, j’entreprends quelques mouvements simples. Les servomoteurs compensent son poids, me permettant de bouger pratiquement aussi naturellement que si j’étais en slip. Ce qui est le cas techniquement quand on y pense. J’ouvre le compartiment de la cuisse gauche. Le fusil-blaster est sagement rangé à l’intérieur, lui aussi prêt à l’usage. Tout est OK en somme.
« Bon. Je vais voir ce que fou Matt’. On se retrouve à la navette pour le départ. »
Notre vestiaire se trouve à quelques deux couloirs du hangar principal. Les portes sont grandes ouvertes, l’activité est digne d’une fourmilière géonosienne. Un nombre incalculable de navettes sont alignées les unes à coté des autres, parées au départ. Y’a des soldats un peu partout. Certains rangés en rangs d’oignon, attendant le signal pour monter à bord. D’autres, portant des uniformes de techniciens, courant comme des dératés, tractant des chariots répulseurs blindés de matos. En moins de trente secondes j’ai repéré notre taxi. Facile… Matt’, lui aussi bardé de son armure de combat ultra-lourde, mais seulement armé d’une bombe de peinture aérosol, est en train de taguer la carlingue de l’emblème de l’escouade.
C’est ça son truc super important ? Le con. Mais faut reconnaitre qu’il a le coup de main… Je m’approche, lui balance direct après avoir ouvert la visière de mon casque :
« Dégradation volontaire de matériel militaire… ça frise la cour martial… »
Il se retourne, sourire aux lèvres.
« Haha, ça ne serait pas la première fois. T’en pense quoi ? J’suis plutôt fier du résultat… »
« Mouais… »
« Arrête… Pour une fois qu’on n’est pas largué en plein territoire impérial, et qu’on peut porter fièrement nos couleurs… »
Le pire : c’est qu’il n’a pas tort. Même si je suis déjà en train d’imaginer le savon que va me passer Storm que cette petite… Entorse… Au règlement. Avec un peu de bol, on sera déjà loin lorsqu’elle s’en rendra compte. Je regarde à gauche, à droite. Aucune trace de Jett’. Pourtant l’énorme Besalisk n’est pas du genre à passer inaperçue.
« Et Jett’ ? Il est pas avec toi ?! »
« Heu… Si, si… Mais bon… Si t’es déjà en rogne pour la peinture tu ne vas pas… »
« Mais putain, qu’est-ce que vous foutez encore ?! »
Merde ! Pire que des gosses ! Il frappe un grand coup sur la carlingue. Aussitôt, le gros Besalisk ressors de dessous la navette, où il était allongé. Son torse, sa gueule dégueulasse, et ses quatre membres antérieurs sont couverts de cambouis… Je n’ai même pas le temps d’ouvrir la bouche, qu’il se redresse d’un bond, au garde à vous, clé à molette encore en main.
« Chef ! On procède à quelques optimisations… Chef ! »
« Des quoi ?! »
« Oui, j’ai démonté l’adresseur de flux, pour le relier directement au compresseur synergique, conformément aux instructions de Matt’. La post combustion en sera décuplée… »
Je fusille Matt’ du regard. Il lève les mains, genre : ça pas ma faute et répond :
« Le petit voulait apprendre deux trois trucs en mécanique, tu vois… Et puis, merde, faut le reconnaitre… L’Empire nous surclasse de dix ans sur les technologies de post-combustion. Là on va tester un truc que j’ai noté la dernière fois qu’on a dépecé une navette impériale… »
Je suis à deux doigts de faire volte-face, de foncer dans le bureau de Storm, pour les dénoncer et les mettre au trou pour le reste de l’opération. Mais je prends sur moi. Matt’ est loin d’être aussi débile qu’il aime le faire croire. Je lui fais confiance pour tout ce qui est bidouille.
« Ca va pas exploser en plein vol au moins ? »
« Heu… Non. Pourquoi tu veux que ça explose ?! C’est sans danger ! »
« C’est ça oui… »
Bon. L’heure tourne. Mac’ et Mad’ sont sur le point d’arriver. Matt’ est en combi, mais Jett’ est pratiquement à poil. Cette fois c’est à lui que j’adresse mon regard assassin. Il pige le message, sans que j’ai à ouvrir le bec. Il repose les outils dans une boite. C’est alors que je remarque la dizaine de machins qu’ils ont démontés et mis de cotés. Franchement, ils abusent. Si y’a le moindre problème technique, je leur pète moi-même la gueule. Jett’ disparait à l’intérieur de la navette, où il a certainement déposé ses affaires étant donné que son casier était déjà vide quand je me suis mis en tenue de combat.
Je tente de récapituler encore quelques points flous du briefing lorsque personne m’interpelle. Je me retourne. Un technicien du Refractor. Dans mon armure intégrale je mesure un bon deux mètres vingt. A côté, il parait minuscule.
« Ouais ? Y’a un souci ?! »
Parait que je suis pas un type c’est social. C’est vrai.
« Je… Caporal… Storm a validé votre demande de… d’équipement spécial supplémentaire. »
Enfin une putain de bonne nouvelle ! Il traine derrière lui un chariot répulseur sur lequelle trône une énorme gatling « minigun » laser : huit canons longs d’un bon mètre, capable de cracher plus de deux milles lasers à la minute. J’en aurais presque la gaule. Derrière moi, y’en a un autre qui fait des bonds. C’est Matt’ :
« Enfoiré ! T’en a pas pris une autre pour moi ?! Tu me la prête ?! »
J’empoigne l’arme, la soulève et la pose sur mon épaule. Elle pèse ses vingt kilos. Heureusement que mon armure est équipée de servomoteurs décuplant ma force… Puis, sans même un merci, je me détourne du technicien pour planter un index accusateur sur la poitrine du mécano de l’escouade :
« Toi, tu peux toujours crever. Estime toi déjà heureux que je ne te la fourre pas dans le fion. Après toutes tes conneries, tu le mériterais bien. »
« Mais… »
Soudain, les haut-parleurs du croiseur crachent un compte à rebours. On sort d’hyperespace dans moins de dix secondes. Le retour au sérieux de l’escouade est immédiat. De l’extérieur, on peut sembler un peu con, mais en vrai on est des pros. Jett’, en armure souple mais résistance, se jette sur les commandes de la navette, tandis que Matt’ moi montons à son bord. Mac et Mad arrivent au pas de course, eux aussi équipés d’armures bien plus légères que les nôtres. Chacun son rôle dans l’équipe. Matt’ et moi on est les gros bourrins de première ligne. Mad, en bon sniper, nous couvre les miches. Mac’, lui, son truc c’est l’infiltration. Quant à Jett’ : môôsieur est un dingue de pilotage. Faut dire, avec ses quatre bras, il arrive à manœuvrer seul des appareils requérant un co-pilote.
Une fois tout le monde à bord, j’entreprends d’installer ma gatling sur le trépied prévu à cet effet, sur le côté de l’appareil.
« Tout le monde est paré ? »
Quatre réponses affirmatives. Les Typhons sont prêts. Mais par acquis de conscience, je lance :
« Matt’ ? Rassure-moi. Entre deux conneries, t’as checké bien la procédure de désactivation des droïdes ?! »
« La quoi ?! Ah oui, cette connerie. Non. Mais t’inquiète. J’assure. »
Je vais avoir une migraine avant même de commencer… Je lâche un soupire, baisse la visière de mon casque, et passer sur la fréquence de la troisième compagnie.
« Typhons parés au lancement. En attente d’instructions. »
Elle n’a pas changé. Toujours aussi directe. Malgré moi je laisse échapper un sourire. J’aime cette franchise, cette manière de dire les choses sans tourner autour du pot. Si y’avait plus d’officiers de sa trempe dans la l’armée, ça tortillerait moins du cul pour chier droit. Mais direct, elle me jette un regard assassin. Elle me découpe littéralement en rondelles d’une phrase cinglante :
« Vous trouvez que ce je viens de dire est drôle caporal-chef ?! »
« Négatif, m’dame ! »
« Alors arrêtez de sourire comme un imbécile ! »
« Oui, m’dame ! »
Sacrée bonne femme. La première fois que je l’ai croisé, c’était à l’hôpital militaire sur Coruscant, après le bordel sur Byss. On avait partagé la même chambre pendant plusieurs jours… Elle m’avait complètement rendu chèvre… Quel caractère merdique… Le personnel soignant en a pris pour son grade. Mais bon. Entre nous y’a un truc. Même si on ne se l’avouera jamais. Un peu comme ces vétérans de guerre qui se retrouve après s’être perdu de vue. Sur Byss, elle y a laissé un œil et une jambe. Moi mon avant-bras gauche, tranché net par un enfoiré de Sith.
« Je vous ferai un rapport complet, m’dame. »
« Bien ! Rompez ! Il ne vous reste plus que dix-neufs minutes pour vous préparer ! »
Salut militaire. Je pivote, raide comme si j’avais un balai dans le fion. Puis, sans un mot de plus je quitte la pièce. Elle coulisse derrière moi, sifflement pneumatique caractéristique. Et je laisse échapper un soupir. Je secoue la tête. Je déteste ça : ces petits secrets. Elle me demande de garder un œil sur le sergent Ular’Iim. Je dois lui faire part de mes impressions après la mission. J’en sais pas plus, et je ne veux surtout pas en savoir plus. Il est surement dans le collimateur d’une personne haute placée. Pour une bonne ou une mauvaise raison. Une bonne j’espère, vu que j’ai été affecté sous son commandement pour l’opération.
Bref. Ça sert à rien de se poser des questions qu’on sait que les réponses nous échappent. Un principe que j’applique au quotidien pour garder la tête froide. Je baisse les yeux sur ma montre, solidement fixée sur mon avant-bras cybernétique. Faut que je me grouille. D’un pas rapide, je dévale l’étroite coursive, descends deux séries d’escaliers. Puis je me jette littéralement à l’intérieur d’un turbolift avant que le porte ne se referme. Je fais semblant de ne pas remarquer deux petites enseignes qui me mate l’arrière train. Intérieurement ça me fait sourire, mais j’en laisse rien paraitre. Dès que la porte s’ouvre, je fonce. Direction : le vestiaire. Celui que Strom nous a attribué.
Faire partie de l’élite de la République, ça a ses avantages et ses inconvénients. Les inconvénients, c’est qu’on se retrouve toujours fourrés dans les pires bourbiers de la galaxie, dont on ne ressort que le corps couvert de crasse et de blessures. Le bon coté, c’est que… Ça ouvre certains petits privilèges : comme le fait d’avoir notre coin à nous sur ce foutu rafiot. Pas besoin de se mélanger avec la bleusaille… Parce qu’il faut être franc : la mission du jour est loin d’être du calibre de celles qu’on effectue habituellement. Storm a un putain de bras long pour nous avoir eu. Désactiver une bande de droides qui pète les plombs, c’est typiquement le genre de truc qu’on confie aux Blue bytes pour les aguerrir un peu.
Je presse la commande. La porte coulisse, disparait dans le mur. Sur les bancs, entre les casiers ouverts, il ne reste plus que Mac’ et Mad’. Ils lèvent les yeux, lance un petit salut tout ce qu’il y a de moins réglementaire. Mais j’en ai rien à foutre, j’ai jamais été à cheval sur l’étiquette. Direct je lâche :
« Matt’ et Jett’ sont déjà prêts ?! »
Ça m’étonne. D’hab, Matt’ est toujours le dernier en armure de combat, après s’être maté sous toutes les coutures dans le miroir pendant de longues minutes. Ça c’est quand il ne passe pas un quart d’heure à nous raconter ses ébats sexuels de la veille, à grand renfort de détails. C’est Mad’ qui me répond, l’air absent, alors qu’il démonte et remonte pour la cinquantième fois aujourd’hui son fusil à lunette haute précision. C’est un vrai toc chez lui.
« Ouep. Jett’ voulait jeter un coup d’œil à la navette… Tu sais comment il est… Et Matt’, j’sais pas. Il a sauté dans son armure, et s’est tiré en nous sortant qu’il avait un truc important à faire avant le départ. »
Les « trucs importants » de Matt’ ça sent toujours la bonne grosse connerie. Je peste en secouant la tête. Mac’ lui, comme d’hab, est silencieux. Déjà que le Cathar n’était pas causant… Mais depuis qu’il a perdu ses deux jambes sur Gravelex Med l’année dernière, il faut vraiment que la vie de quelqu’un soit en danger pour lui arracher le moindre mot. En silence donc, il continue d’astiquer le métal chromé de ses prothèses. Bref, le temps presse. Je me détourne du duo de choc pour me rapprocher de mon armure de combat ultra-lourde. Ça aussi c’est un petit bijou de technologie.
- Spoiler:
- [Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
Elle est reliée par une dizaine de câbles à une console technique. Tous les voyants sont au vert. Nickel. Je presse sur l’écran tactile. Les extrémités des câbles se détachent de l’armure, tombent lourdement au sol. La plaque de blindage pectorale coulisse, tandis que le casque pivote vers le haut, révélant un intérieur capitonné confortable et antichoc. On pourrait presque qualifier ça de lieu de travail, héhé. Bref. Je dégrafe mon uniforme réglementaire, balance la veste et le pantalon sur le banc le plus proche. Et c’est donc en marcel et en slip que je me glisse à l’intérieur de l’armure. Aussitôt elle se reverrouille. La visière jusqu’alors opaque devient translucide, incrustées de diverses informations tactiques. Une voix me saute aux oreilles :
« Bonjour Capora… »
« Mute !! »
Putain, je ne me ferai jamais à ces interfaces vocales. Et puis c’est quoi cette saloperie de voix ?! Dès que je l’entends, j’imagine un énorme black juste derrière moi, façon tu vas prendre cher si tu serres pas de suite les fesses… Raaaah. A cet instant, je loue un véritable culte à l’inventeur du mode silencieux… Bref. Une fois l’armure reverrouillée, j’entreprends quelques mouvements simples. Les servomoteurs compensent son poids, me permettant de bouger pratiquement aussi naturellement que si j’étais en slip. Ce qui est le cas techniquement quand on y pense. J’ouvre le compartiment de la cuisse gauche. Le fusil-blaster est sagement rangé à l’intérieur, lui aussi prêt à l’usage. Tout est OK en somme.
« Bon. Je vais voir ce que fou Matt’. On se retrouve à la navette pour le départ. »
Notre vestiaire se trouve à quelques deux couloirs du hangar principal. Les portes sont grandes ouvertes, l’activité est digne d’une fourmilière géonosienne. Un nombre incalculable de navettes sont alignées les unes à coté des autres, parées au départ. Y’a des soldats un peu partout. Certains rangés en rangs d’oignon, attendant le signal pour monter à bord. D’autres, portant des uniformes de techniciens, courant comme des dératés, tractant des chariots répulseurs blindés de matos. En moins de trente secondes j’ai repéré notre taxi. Facile… Matt’, lui aussi bardé de son armure de combat ultra-lourde, mais seulement armé d’une bombe de peinture aérosol, est en train de taguer la carlingue de l’emblème de l’escouade.
- Spoiler:
- [Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]
C’est ça son truc super important ? Le con. Mais faut reconnaitre qu’il a le coup de main… Je m’approche, lui balance direct après avoir ouvert la visière de mon casque :
« Dégradation volontaire de matériel militaire… ça frise la cour martial… »
Il se retourne, sourire aux lèvres.
« Haha, ça ne serait pas la première fois. T’en pense quoi ? J’suis plutôt fier du résultat… »
« Mouais… »
« Arrête… Pour une fois qu’on n’est pas largué en plein territoire impérial, et qu’on peut porter fièrement nos couleurs… »
Le pire : c’est qu’il n’a pas tort. Même si je suis déjà en train d’imaginer le savon que va me passer Storm que cette petite… Entorse… Au règlement. Avec un peu de bol, on sera déjà loin lorsqu’elle s’en rendra compte. Je regarde à gauche, à droite. Aucune trace de Jett’. Pourtant l’énorme Besalisk n’est pas du genre à passer inaperçue.
« Et Jett’ ? Il est pas avec toi ?! »
« Heu… Si, si… Mais bon… Si t’es déjà en rogne pour la peinture tu ne vas pas… »
« Mais putain, qu’est-ce que vous foutez encore ?! »
Merde ! Pire que des gosses ! Il frappe un grand coup sur la carlingue. Aussitôt, le gros Besalisk ressors de dessous la navette, où il était allongé. Son torse, sa gueule dégueulasse, et ses quatre membres antérieurs sont couverts de cambouis… Je n’ai même pas le temps d’ouvrir la bouche, qu’il se redresse d’un bond, au garde à vous, clé à molette encore en main.
« Chef ! On procède à quelques optimisations… Chef ! »
« Des quoi ?! »
« Oui, j’ai démonté l’adresseur de flux, pour le relier directement au compresseur synergique, conformément aux instructions de Matt’. La post combustion en sera décuplée… »
Je fusille Matt’ du regard. Il lève les mains, genre : ça pas ma faute et répond :
« Le petit voulait apprendre deux trois trucs en mécanique, tu vois… Et puis, merde, faut le reconnaitre… L’Empire nous surclasse de dix ans sur les technologies de post-combustion. Là on va tester un truc que j’ai noté la dernière fois qu’on a dépecé une navette impériale… »
Je suis à deux doigts de faire volte-face, de foncer dans le bureau de Storm, pour les dénoncer et les mettre au trou pour le reste de l’opération. Mais je prends sur moi. Matt’ est loin d’être aussi débile qu’il aime le faire croire. Je lui fais confiance pour tout ce qui est bidouille.
« Ca va pas exploser en plein vol au moins ? »
« Heu… Non. Pourquoi tu veux que ça explose ?! C’est sans danger ! »
« C’est ça oui… »
Bon. L’heure tourne. Mac’ et Mad’ sont sur le point d’arriver. Matt’ est en combi, mais Jett’ est pratiquement à poil. Cette fois c’est à lui que j’adresse mon regard assassin. Il pige le message, sans que j’ai à ouvrir le bec. Il repose les outils dans une boite. C’est alors que je remarque la dizaine de machins qu’ils ont démontés et mis de cotés. Franchement, ils abusent. Si y’a le moindre problème technique, je leur pète moi-même la gueule. Jett’ disparait à l’intérieur de la navette, où il a certainement déposé ses affaires étant donné que son casier était déjà vide quand je me suis mis en tenue de combat.
Je tente de récapituler encore quelques points flous du briefing lorsque personne m’interpelle. Je me retourne. Un technicien du Refractor. Dans mon armure intégrale je mesure un bon deux mètres vingt. A côté, il parait minuscule.
« Ouais ? Y’a un souci ?! »
Parait que je suis pas un type c’est social. C’est vrai.
« Je… Caporal… Storm a validé votre demande de… d’équipement spécial supplémentaire. »
Enfin une putain de bonne nouvelle ! Il traine derrière lui un chariot répulseur sur lequelle trône une énorme gatling « minigun » laser : huit canons longs d’un bon mètre, capable de cracher plus de deux milles lasers à la minute. J’en aurais presque la gaule. Derrière moi, y’en a un autre qui fait des bonds. C’est Matt’ :
« Enfoiré ! T’en a pas pris une autre pour moi ?! Tu me la prête ?! »
J’empoigne l’arme, la soulève et la pose sur mon épaule. Elle pèse ses vingt kilos. Heureusement que mon armure est équipée de servomoteurs décuplant ma force… Puis, sans même un merci, je me détourne du technicien pour planter un index accusateur sur la poitrine du mécano de l’escouade :
« Toi, tu peux toujours crever. Estime toi déjà heureux que je ne te la fourre pas dans le fion. Après toutes tes conneries, tu le mériterais bien. »
« Mais… »
Soudain, les haut-parleurs du croiseur crachent un compte à rebours. On sort d’hyperespace dans moins de dix secondes. Le retour au sérieux de l’escouade est immédiat. De l’extérieur, on peut sembler un peu con, mais en vrai on est des pros. Jett’, en armure souple mais résistance, se jette sur les commandes de la navette, tandis que Matt’ moi montons à son bord. Mac et Mad arrivent au pas de course, eux aussi équipés d’armures bien plus légères que les nôtres. Chacun son rôle dans l’équipe. Matt’ et moi on est les gros bourrins de première ligne. Mad, en bon sniper, nous couvre les miches. Mac’, lui, son truc c’est l’infiltration. Quant à Jett’ : môôsieur est un dingue de pilotage. Faut dire, avec ses quatre bras, il arrive à manœuvrer seul des appareils requérant un co-pilote.
Une fois tout le monde à bord, j’entreprends d’installer ma gatling sur le trépied prévu à cet effet, sur le côté de l’appareil.
« Tout le monde est paré ? »
Quatre réponses affirmatives. Les Typhons sont prêts. Mais par acquis de conscience, je lance :
« Matt’ ? Rassure-moi. Entre deux conneries, t’as checké bien la procédure de désactivation des droïdes ?! »
« La quoi ?! Ah oui, cette connerie. Non. Mais t’inquiète. J’assure. »
Je vais avoir une migraine avant même de commencer… Je lâche un soupire, baisse la visière de mon casque, et passer sur la fréquence de la troisième compagnie.
« Typhons parés au lancement. En attente d’instructions. »
Zerath Ular'Iim
# Re: [Christophsis] Les petits soldats de plomb [Pv: Korgan] - Ven 6 Avr 2018 - 19:14
Le prélat avançait lentement vers les hangars du Refractor, pensif. Engoncé dans son épais manteau pourpre, reclus dans ses réflexions, l’hybride cybernétique progressait le long des couloirs d’acier, son sceptre d’os en main comme d’une canne pour avancer. Devant lui à quelques mètres à peine, un droïde souris glissait sur le sol en sifflant. Sa trajectoire oscillait le long des grilles de fer qui servaient de sol, mais le petit automate en forme de boîte rectangulaire noire poursuivait – vaillant - sa course folle à l’incroyable vitesse de trois kilomètres/heure. Les yeux du Kaleesh n’observaient qu’occasionnellement la minuscule machine, errant et détaillant les corridors autour de lui. Les murs étaient longés de tuyaux qui se séparaient régulièrement ; ils disparaissaient ou jaillissaient du plafond, suivant que l’on s’approcha de la salle des machines ou des ponts techniques ; parfois s’achevaient-ils abruptement en un anneau de fer clouté d’où jaillissait une brûlante vapeur, parfois laissaient-ils place à une trappe grillagée, d’où l’on distinguait le son d’une mécanique ventilation. Au plafond, des néons blancs servaient d’-unique- éclairage dans la zone. Nul hublot n’offrait de vue sur l’espace ici, aucune baie de verre blindé. Seulement une cage de duracier.
Malgré ses efforts, Zerath n’avait pas pu trouver beaucoup d’informations sur les profils qu’il allait avoir sous son commandement. Une vingtaine de minutes était une fenêtre d’action trop restreinte pour cela ; en outre il avait eu fort à faire, car plusieurs techniciens étaient venus le voir, pour établir un canal à partir de son propre transpondeur vers ceux des soldats, vers les autres commandants également, vers le Refractor enfin. La procédure avait été laborieuse : plusieurs fois l’ordinateur de bord avait rejeté le protocole, qui appartenait visiblement à une norme ancienne incompatible avec le matériel neuf. Un quart d’heure au total avait été « investi » dans cette glorieuse affaire, ne laissant que cinq maigres minutes au Kaleesh pour se préparer. Fort heureusement, il n’avait pas eu à chercher beaucoup de matériel. Il avait complété son attirail par une sacoche, cachée profondément sous son manteau, portée à la ceinture, qu’il avait remplie de rations militaires. Outre cela, il s’était également doté d’une paire de jumelles thermiques longue distance, que la lieutenante Storm lui avait gracieusement accordée, quoi qu’avec une moue de regret – sans doute comptait-elle s’en servir elle-même. Il emporterait avec lui les ouvrages si difficilement acquis, mais doutait d’avoir le temps de les lire une fois au sol. Les parcourir serait tout du moins instructif, il serait bon de les avoir à sa disposition. Sous son manteau, le cyborg avait passé une épaisse couche de vêtements ; ce n’était pas non plus un uniforme républicain, mais de la fourrure véritable de Tauntaun qui jaillissait à son col en une crinière grise et moelleuse, complétant sa tenue cérémoniale épaisse et lui donnant des airs d’étrange et bien alien monarque.
Enfin, ses pas l’amenèrent jusqu’à une porte rectangulaire noire ; un hublot blindé carré permettait d’apercevoir derrière elle le hangar. L’obstacle disparut dans le mur en un vrombissement mécanique tandis que le Kaleesh s’engageait vers sa destination. Le hangar était immense ! Huit navettes orbitales classe Ministre reposaient fièrement à chaque coin de la pièce – soit deux par coin - entourées d’une douzaine chasseurs Aurek. Curieux. La lieutenante avait fait mention d’une navette par compagnie pourtant...Peut-être avait-elle changé d’avis ? Le Kaleesh avait encore du mal à cerner la façon d’être des humains. Trop soupe au lait mais pourtant pas assez honnêtes sur leurs pensées directes. Qu’à cela ne tienne, cela ferait certainement plus de place pour les troupes. Deux navettes, en outre, cela constituerait une mobilité additionnelle, précieuse pour l’opération.
Les navettes étaient neuves, d’un blanc maculé, baignées dans la lumière vive et pure de forts halogènes qui éclairaient du plafond comme du sol la totalité de la pièce et menaient une chasse impie à toutes les ombres, pour les repousser jusqu’aux bords du hangar, aux grandes mâchoires d’acier qui servaient de sas, porte vers l’espace et l’obscurité. Zerath avait déjà utilisé des navettes républicaines dans son ancien commando. Heh, son ancien commando...Combien de ses hommes étaient encore opérationnels ? Avaient-ils été mutés dans une autre unité, ou agissaient-ils toujours au sein du même groupe, sans lui simplement ? Peut-être étaient-ils morts, ou à la retraite ? Futiles questions, aurait dit Cin, car les poser maintenant n’apporterait que distraction et non réponse. Suivant la sagesse de sa compagne, Zerath bannit ces stériles réflexions de son esprit.
Autour de six des navettes, les rangs bien ordonnés des hommes prêts à intervenir. Le Kaleesh remarqua près de la première l’autoritaire – quoi que réduite – figure de la lieutenante Storm, qui distribuait ses ordres à ses hommes d’une voix sèche et aussi inflexible que le pont sur lequel elle se tenait. Le second lieutenant Timber dirigeait également déjà son groupe restreint. L’ultime navette – celle qui attendait Zerath – n’était donc pas compliquée à déterminer. C’était une étrange ironie maintenant qu’il y pensait : lui qui n’était connu de personne à bord du Refractor se trouvait à diriger l’escouade Typhon, dont la notoriété n’était plus à faire dans l’équipage. Ce qu’il savait, c’est qu’il avait très exactement dix sept hommes à commander. Ce n’était pas énorme, car sur Kalee il avait autrefois mené bien plus des siens, mais cela ne facilitait pas pour autant la tâche : il ignorait tout de ses subordonnés, et eux de lui. Soudain, le compte à rebours pour la sortie de l’hyperespace. Dans le hangar, les troupes se mobilisèrent, disparaissant vers leurs navettes, une à une. Celle du Kaleesh n’était plus très loin. Il pressa le pas.
Sur les pistes de décollage, on s’activait comme un essaim de guêpes énervées. Les hommes au petit trot disparaissaient dans leurs navettes – pas militaire et synchronisé, les moteurs des navettes s’allumaient – hurlement des propulseurs à ions, les énormes verrous qui scellaient les grandes portes du hangar se déverrouillaient – grincement de pistons et de titane. La gueule du mastodonte serait bientôt ouverte pour permettre aux troupes de s’élancer vers l’objectif. Les opérateurs beuglaient, pour synchroniser les pilotes et dégager les pistes. Quelques droïdes Glonk s’affairaient aux ultimes approvisionnements en carburant des vaisseaux, les techniciens rangeaient leurs outils d’entretien, torches à plasma, tournevis magnétiques, flanqués sur de gros chariots. Soudain les navettes se mirent à vrombir ; certaines commençaient déjà à décoller, prêtes à s’envoler, quelques mètres au-dessus du sol, projetant des jets d’air chauds qui vinrent faire voler furieusement le manteau du Kaleesh. Cramponné de sa main gauche sur son sceptre cérémonial, le prélat rattrapa de la droite un pan de sa tenue devenue fugueuse pour l’empêcher de filer librement au gré des vents - qui apparaissaient des miasmes tièdes et rouges à sa perception alien, pareils à des djinns espiègles et joueurs qui venaient pourlécher ses mains de fer glacées, s’échouer contre la fourrure de son col, soulever les pans de son habit. Le long manteau claqua avec la vigueur d’un fouet dans l’air tiède du hangar. Les yeux reptiliens de Zerath aperçurent enfin son objectif. Une navette n’avait pas encore décollé ; ses phares étaient déjà allumés, jetant deux grands disques blancs au sol, et un humain en tenue d’intervention tactique attendait à l’entrée arrière du véhicule. Les autres bâtiments quittèrent définitivement le sol. Dix secondes avant la sortie de l’hyperespace. Le soldat tendit sa main droite à Zerath pour l’aider à monter la plate-forme vers l’intérieur de la navette, que le prélat prit sans hésiter. Huit secondes avant décollage. La porte arrière de la navette se scella, alors que le sas pressurisait le vaisseau entier. Pshhhhhh firent les dispositifs de compression.
« - Vous arrivez à point mon sergent ! » fit le soldat en se mettant au garde-à vous. Le Kaleesh l’observa. C’était un homme à sa voix et sa carrure, sensiblement plus petit que le cyborg cependant, qui le dominait de ses deux mètres de haut, courbé comme un vieillard pourtant. La tenue de combat qu’il portait était celle des commandos républicains : bleue ciel, renforcée de pièces en plasto blindage au torse, aux épaules, aux articulations, à l’abdomen, l’uniforme des troupes spéciales, conçu pour la bataille, conçu pour faire face aux lasers mortels. Cependant l’habit était doté d’une couche polaire supplémentaire, et les gants et bottes du soldat étaient doublés de fourrure. Sous son aisselle gauche, l’homme tenait un casque noir renforcé, pareil à ceux des pilotes de pod des bas fonds de Coruscant. La différence, bien sûr, c’est que cet homme n’était pas formé pour participer à une course illégale dans une rue mal famée, mais pour neutraliser tout ce qui pouvait représenter une menace pour la République dans son ensemble. Ça, et il portait un fusil de précision dans son dos.
Dans l’habitacle arrière, on avait ménagé des bancs sur les côtés. Les hommes se tenaient tous assis là, en bon ordre et attachés par des ceintures en croix qui s’arrimaient entre elles au niveau du plexus solaire. Sans se lever ils firent le garde-à-vous à l’entrée du cyborg, sous l’éclairage faible d’un seul halogène. « Repos. » dit le Kaleesh de sa voix aux accents chromés et tribaux, et les soldats reprirent une posture plus neutre sur leurs sièges communs. Des caisses rectangulaires de fer avaient été empilées près de la porte qui menait au cockpit, maintenues solidement en place par un champ magnétique localisé, qui apparaissait en une toile bleutée ondulante, cylindrique et spectrale autour de cette cargaison toute militaire. Zerath jeta un œil au soldat qui l’avait aidé à monter ; ce dernier tenait une liste entre ses mains, pour faire l’appel.
« - Manque-t-il quelqu’un à l’appel ? »
« - Négatif mon sergent. L’escouade Typhon est également en attente d’instructions. Tous les soldats sont prêts et parés au décollage. »
« - Excellent. Et votre nom ? »
« - Sous-caporal Flinch, mon sergent. »
« - Prenez place avec vos hommes, sous-caporal Flinch. » Dit tranquillement le Kaleesh. Puis il s’en fut, droit au cockpit, tandis que son subordonné prenait place.
L’intérieur du cockpit était occupé par deux pilotes. De façon assez étrange, c’étaient deux humaines. Étrange, car Zerath avait l’impression de ne croiser que des humains ces derniers temps. Il n’avait rien contre ces mammifères sans fourrure, mais il aurait simplement apprécié un peu plus de diversité, tout spécialement dans une armée ; car les humains n’étaient pas les plus brillants seigneurs de guerre selon l’humble avis du Kaleesh. Trop portés sur le devoir, pas assez sur l’agir. Enfin qu’importe. Il n’était pas parmi les siens, c’était un fait, il ferait avec. La co-pilote se tourna depuis son siège pour accueillir du regard le sergent. Elles étaient toutes deux assises face à des écrans sommaires rectangulaires, mais surtout des tableaux de boutons rectangulaires gris et d’interrupteurs. La large baie vitrée du cockpit donnait directement sur le hangar ; les escouades décollaient pour se jeter droit dans les ténèbres spatiales, guidées par les opérateurs et leurs bâtons lumineux.
« - Initiez la procédure de décollage. Contactez l’escouade Typhon pour qu’ils suivent votre trajectoire. Avez vous un canal direct avec notre deuxième navette ? »
Sans un mot, la première humaine, une blonde aux iris verts, pressa quelques boutons sur le tableau de bord. Sa camarade, la pilote principale, fit rugir les moteurs. Le sol trembla. Zerath posa sa main droite contre le mur le plus proche, tentant tant bien que mal de garder l’équilibre.
« - Canal de la deuxième compagnie ouvert mon sergent. » indiqua la copilote. Elle tendit à son supérieur un lourd microphone, pareil à ceux utilisés dans les tours HoloNet pour diffuser les programmes du soir sur Coruscant. C’était un dispositif que l’Ular’Iim n’utilisait que depuis qu’il avait quitté Kalee, en vérité, une pièce de technologie singulière quoi que confortable, il fallait l’avouer. Après avoir appuyé sur le gros interrupteur rouge pour entamer la diffusion, Zerath entama le dialogue unilatéral avec ses subordonnés, de sa voix lourde d’acier, artificielle mais cependant guère agressive, compassée et lente. Il articulait chaque mot avec lenteur, comme récitant une prière - une prière d'acier, cybernétique et grave :
« - Bonsoir mes soldats. Je suis le sergent Ular’Iim, votre supérieur pour cette intervention. La raison de votre présence sur Christophsis vous connaissez déjà, de la voix de ma supérieure, la lieutenante Storm. Pourtant, les informations transmises ne sont pas l’image exacte du tableau, trop floues, inexactes – car nos trois compagnies ne sont mobilisées que sur le même monde et pas aux mêmes coordonnées. La première et seconde compagnies ont pour rôle d’encadrer le complexe principal de recherche de la colonie et les quartiers résidentiels, respectivement. Ils sont aussi distants que vastes, mais guère l’épicentre du danger ; la lieutenante Storm et le sous-lieutenant Timber devront tenir leurs positions et protéger les colons pendant que vous, mes soldats, mènerez le coeur de l’intervention. C’était un déploiement que le Kaleesh ne trouvait pas particulièrement ingénieux ; ils n’avaient pas connaissance des forces exactes auxquelles ils devaient faire face, et pourtant Storm avait décidé de déployer les unités comme si cela avait été le cas. Zerath s’était abstenu d’objecter, car l’humaine ne semblait guère prêter l’oreille à la critique et avait exposé son plan comme une vérité établie et non une hypothèse changeante et modifiable. Une variable avec laquelle il devrait composer. Nous intervenons sur le complexe minier de Christophsis. Ce point capital est la source d’où transitent les précieux matériaux nécessaires à la conception de toute la colonie, ici également est localisée la centrale énergétique principale qui alimente la majorité des installations, aussi bien minières que civiles. Il semble que les droïdes défaillants soient principalement localisés dans les mines, où se sont produits les premiers incidents. Passées les premières attaques, les automates sont tombés dans le silence ; et la lieutenante songe que l’absence de victimes visibles, d’humains directement accessibles est la cause de leur immobilisme, qu’ils sont ainsi guidés par une pensée férale et primaire d’agressivité. Pertinent, car privés de proies à pourchasser ils n’ont point de raison de bouger, étonnante anomalie cependant. Aussi vous dis-je mes soldats : certes nous plongerons dans les profondeurs des mines, mais n’attendez pas des cibles figées. Cette intervention semble d’une simplicité extrême, pourtant augure-t-elle un étrange présage. Et certainement la conviction de notre lieutenante et des colons, si logique soit-elle, est à considérer avec recul ; tous les droïdes du monde ne remplaceront pas vos vies, aussi n’avancez pas dans la hâte. Suivez les enseignements de vos maîtres et suivez mes ordres, car nous descendrons bientôt dans l’abîme.
Les complexes miniers, loin sous la surface cristalline de Christophsis, sont un lieu glacé. Là réside la raison de vos tenues plus chaudes que vos confrères, plus épaisses que les autres compagnies ; en surface le climat est tempéré et doux comme un printemps sur Corellia, pourtant sous la surface, entre les pierres précieuses aux facettes multiples un hiver aussi rude que Hoth ; cependant nous ne profiterons du couvert des navettes qu’un court instant, je le crains ; nous les abandonnerons à la surface, à la porte vers notre enfer de glace, pour ne pas alerter notre adversaire droïde. Nous nous regrouperons tous, pour évaluer notre matériel et assurer l’amorçage de l’opération. Ensuite débuterons nous notre descente. Préparez déjà vos provisions, et qu’il ne vous manque ni torche ni crampons. Car les automates enragés ne seront pas le seul danger. »
Et là-dessus s’interrompit son abjuration solennelle. Le Kaleesh reposa le micro, puis s’installa au dernier siège libre du cockpit, tirant de sous son manteau l’ouvrage intitulé « Guerre et mécanisation : la machine comme ennemi. ». Il avait de la lecture à faire avant l’atterrissage.
Malgré ses efforts, Zerath n’avait pas pu trouver beaucoup d’informations sur les profils qu’il allait avoir sous son commandement. Une vingtaine de minutes était une fenêtre d’action trop restreinte pour cela ; en outre il avait eu fort à faire, car plusieurs techniciens étaient venus le voir, pour établir un canal à partir de son propre transpondeur vers ceux des soldats, vers les autres commandants également, vers le Refractor enfin. La procédure avait été laborieuse : plusieurs fois l’ordinateur de bord avait rejeté le protocole, qui appartenait visiblement à une norme ancienne incompatible avec le matériel neuf. Un quart d’heure au total avait été « investi » dans cette glorieuse affaire, ne laissant que cinq maigres minutes au Kaleesh pour se préparer. Fort heureusement, il n’avait pas eu à chercher beaucoup de matériel. Il avait complété son attirail par une sacoche, cachée profondément sous son manteau, portée à la ceinture, qu’il avait remplie de rations militaires. Outre cela, il s’était également doté d’une paire de jumelles thermiques longue distance, que la lieutenante Storm lui avait gracieusement accordée, quoi qu’avec une moue de regret – sans doute comptait-elle s’en servir elle-même. Il emporterait avec lui les ouvrages si difficilement acquis, mais doutait d’avoir le temps de les lire une fois au sol. Les parcourir serait tout du moins instructif, il serait bon de les avoir à sa disposition. Sous son manteau, le cyborg avait passé une épaisse couche de vêtements ; ce n’était pas non plus un uniforme républicain, mais de la fourrure véritable de Tauntaun qui jaillissait à son col en une crinière grise et moelleuse, complétant sa tenue cérémoniale épaisse et lui donnant des airs d’étrange et bien alien monarque.
Enfin, ses pas l’amenèrent jusqu’à une porte rectangulaire noire ; un hublot blindé carré permettait d’apercevoir derrière elle le hangar. L’obstacle disparut dans le mur en un vrombissement mécanique tandis que le Kaleesh s’engageait vers sa destination. Le hangar était immense ! Huit navettes orbitales classe Ministre reposaient fièrement à chaque coin de la pièce – soit deux par coin - entourées d’une douzaine chasseurs Aurek. Curieux. La lieutenante avait fait mention d’une navette par compagnie pourtant...Peut-être avait-elle changé d’avis ? Le Kaleesh avait encore du mal à cerner la façon d’être des humains. Trop soupe au lait mais pourtant pas assez honnêtes sur leurs pensées directes. Qu’à cela ne tienne, cela ferait certainement plus de place pour les troupes. Deux navettes, en outre, cela constituerait une mobilité additionnelle, précieuse pour l’opération.
Les navettes étaient neuves, d’un blanc maculé, baignées dans la lumière vive et pure de forts halogènes qui éclairaient du plafond comme du sol la totalité de la pièce et menaient une chasse impie à toutes les ombres, pour les repousser jusqu’aux bords du hangar, aux grandes mâchoires d’acier qui servaient de sas, porte vers l’espace et l’obscurité. Zerath avait déjà utilisé des navettes républicaines dans son ancien commando. Heh, son ancien commando...Combien de ses hommes étaient encore opérationnels ? Avaient-ils été mutés dans une autre unité, ou agissaient-ils toujours au sein du même groupe, sans lui simplement ? Peut-être étaient-ils morts, ou à la retraite ? Futiles questions, aurait dit Cin, car les poser maintenant n’apporterait que distraction et non réponse. Suivant la sagesse de sa compagne, Zerath bannit ces stériles réflexions de son esprit.
Autour de six des navettes, les rangs bien ordonnés des hommes prêts à intervenir. Le Kaleesh remarqua près de la première l’autoritaire – quoi que réduite – figure de la lieutenante Storm, qui distribuait ses ordres à ses hommes d’une voix sèche et aussi inflexible que le pont sur lequel elle se tenait. Le second lieutenant Timber dirigeait également déjà son groupe restreint. L’ultime navette – celle qui attendait Zerath – n’était donc pas compliquée à déterminer. C’était une étrange ironie maintenant qu’il y pensait : lui qui n’était connu de personne à bord du Refractor se trouvait à diriger l’escouade Typhon, dont la notoriété n’était plus à faire dans l’équipage. Ce qu’il savait, c’est qu’il avait très exactement dix sept hommes à commander. Ce n’était pas énorme, car sur Kalee il avait autrefois mené bien plus des siens, mais cela ne facilitait pas pour autant la tâche : il ignorait tout de ses subordonnés, et eux de lui. Soudain, le compte à rebours pour la sortie de l’hyperespace. Dans le hangar, les troupes se mobilisèrent, disparaissant vers leurs navettes, une à une. Celle du Kaleesh n’était plus très loin. Il pressa le pas.
Sur les pistes de décollage, on s’activait comme un essaim de guêpes énervées. Les hommes au petit trot disparaissaient dans leurs navettes – pas militaire et synchronisé, les moteurs des navettes s’allumaient – hurlement des propulseurs à ions, les énormes verrous qui scellaient les grandes portes du hangar se déverrouillaient – grincement de pistons et de titane. La gueule du mastodonte serait bientôt ouverte pour permettre aux troupes de s’élancer vers l’objectif. Les opérateurs beuglaient, pour synchroniser les pilotes et dégager les pistes. Quelques droïdes Glonk s’affairaient aux ultimes approvisionnements en carburant des vaisseaux, les techniciens rangeaient leurs outils d’entretien, torches à plasma, tournevis magnétiques, flanqués sur de gros chariots. Soudain les navettes se mirent à vrombir ; certaines commençaient déjà à décoller, prêtes à s’envoler, quelques mètres au-dessus du sol, projetant des jets d’air chauds qui vinrent faire voler furieusement le manteau du Kaleesh. Cramponné de sa main gauche sur son sceptre cérémonial, le prélat rattrapa de la droite un pan de sa tenue devenue fugueuse pour l’empêcher de filer librement au gré des vents - qui apparaissaient des miasmes tièdes et rouges à sa perception alien, pareils à des djinns espiègles et joueurs qui venaient pourlécher ses mains de fer glacées, s’échouer contre la fourrure de son col, soulever les pans de son habit. Le long manteau claqua avec la vigueur d’un fouet dans l’air tiède du hangar. Les yeux reptiliens de Zerath aperçurent enfin son objectif. Une navette n’avait pas encore décollé ; ses phares étaient déjà allumés, jetant deux grands disques blancs au sol, et un humain en tenue d’intervention tactique attendait à l’entrée arrière du véhicule. Les autres bâtiments quittèrent définitivement le sol. Dix secondes avant la sortie de l’hyperespace. Le soldat tendit sa main droite à Zerath pour l’aider à monter la plate-forme vers l’intérieur de la navette, que le prélat prit sans hésiter. Huit secondes avant décollage. La porte arrière de la navette se scella, alors que le sas pressurisait le vaisseau entier. Pshhhhhh firent les dispositifs de compression.
« - Vous arrivez à point mon sergent ! » fit le soldat en se mettant au garde-à vous. Le Kaleesh l’observa. C’était un homme à sa voix et sa carrure, sensiblement plus petit que le cyborg cependant, qui le dominait de ses deux mètres de haut, courbé comme un vieillard pourtant. La tenue de combat qu’il portait était celle des commandos républicains : bleue ciel, renforcée de pièces en plasto blindage au torse, aux épaules, aux articulations, à l’abdomen, l’uniforme des troupes spéciales, conçu pour la bataille, conçu pour faire face aux lasers mortels. Cependant l’habit était doté d’une couche polaire supplémentaire, et les gants et bottes du soldat étaient doublés de fourrure. Sous son aisselle gauche, l’homme tenait un casque noir renforcé, pareil à ceux des pilotes de pod des bas fonds de Coruscant. La différence, bien sûr, c’est que cet homme n’était pas formé pour participer à une course illégale dans une rue mal famée, mais pour neutraliser tout ce qui pouvait représenter une menace pour la République dans son ensemble. Ça, et il portait un fusil de précision dans son dos.
Dans l’habitacle arrière, on avait ménagé des bancs sur les côtés. Les hommes se tenaient tous assis là, en bon ordre et attachés par des ceintures en croix qui s’arrimaient entre elles au niveau du plexus solaire. Sans se lever ils firent le garde-à-vous à l’entrée du cyborg, sous l’éclairage faible d’un seul halogène. « Repos. » dit le Kaleesh de sa voix aux accents chromés et tribaux, et les soldats reprirent une posture plus neutre sur leurs sièges communs. Des caisses rectangulaires de fer avaient été empilées près de la porte qui menait au cockpit, maintenues solidement en place par un champ magnétique localisé, qui apparaissait en une toile bleutée ondulante, cylindrique et spectrale autour de cette cargaison toute militaire. Zerath jeta un œil au soldat qui l’avait aidé à monter ; ce dernier tenait une liste entre ses mains, pour faire l’appel.
« - Manque-t-il quelqu’un à l’appel ? »
« - Négatif mon sergent. L’escouade Typhon est également en attente d’instructions. Tous les soldats sont prêts et parés au décollage. »
« - Excellent. Et votre nom ? »
« - Sous-caporal Flinch, mon sergent. »
« - Prenez place avec vos hommes, sous-caporal Flinch. » Dit tranquillement le Kaleesh. Puis il s’en fut, droit au cockpit, tandis que son subordonné prenait place.
L’intérieur du cockpit était occupé par deux pilotes. De façon assez étrange, c’étaient deux humaines. Étrange, car Zerath avait l’impression de ne croiser que des humains ces derniers temps. Il n’avait rien contre ces mammifères sans fourrure, mais il aurait simplement apprécié un peu plus de diversité, tout spécialement dans une armée ; car les humains n’étaient pas les plus brillants seigneurs de guerre selon l’humble avis du Kaleesh. Trop portés sur le devoir, pas assez sur l’agir. Enfin qu’importe. Il n’était pas parmi les siens, c’était un fait, il ferait avec. La co-pilote se tourna depuis son siège pour accueillir du regard le sergent. Elles étaient toutes deux assises face à des écrans sommaires rectangulaires, mais surtout des tableaux de boutons rectangulaires gris et d’interrupteurs. La large baie vitrée du cockpit donnait directement sur le hangar ; les escouades décollaient pour se jeter droit dans les ténèbres spatiales, guidées par les opérateurs et leurs bâtons lumineux.
« - Initiez la procédure de décollage. Contactez l’escouade Typhon pour qu’ils suivent votre trajectoire. Avez vous un canal direct avec notre deuxième navette ? »
Sans un mot, la première humaine, une blonde aux iris verts, pressa quelques boutons sur le tableau de bord. Sa camarade, la pilote principale, fit rugir les moteurs. Le sol trembla. Zerath posa sa main droite contre le mur le plus proche, tentant tant bien que mal de garder l’équilibre.
« - Canal de la deuxième compagnie ouvert mon sergent. » indiqua la copilote. Elle tendit à son supérieur un lourd microphone, pareil à ceux utilisés dans les tours HoloNet pour diffuser les programmes du soir sur Coruscant. C’était un dispositif que l’Ular’Iim n’utilisait que depuis qu’il avait quitté Kalee, en vérité, une pièce de technologie singulière quoi que confortable, il fallait l’avouer. Après avoir appuyé sur le gros interrupteur rouge pour entamer la diffusion, Zerath entama le dialogue unilatéral avec ses subordonnés, de sa voix lourde d’acier, artificielle mais cependant guère agressive, compassée et lente. Il articulait chaque mot avec lenteur, comme récitant une prière - une prière d'acier, cybernétique et grave :
« - Bonsoir mes soldats. Je suis le sergent Ular’Iim, votre supérieur pour cette intervention. La raison de votre présence sur Christophsis vous connaissez déjà, de la voix de ma supérieure, la lieutenante Storm. Pourtant, les informations transmises ne sont pas l’image exacte du tableau, trop floues, inexactes – car nos trois compagnies ne sont mobilisées que sur le même monde et pas aux mêmes coordonnées. La première et seconde compagnies ont pour rôle d’encadrer le complexe principal de recherche de la colonie et les quartiers résidentiels, respectivement. Ils sont aussi distants que vastes, mais guère l’épicentre du danger ; la lieutenante Storm et le sous-lieutenant Timber devront tenir leurs positions et protéger les colons pendant que vous, mes soldats, mènerez le coeur de l’intervention. C’était un déploiement que le Kaleesh ne trouvait pas particulièrement ingénieux ; ils n’avaient pas connaissance des forces exactes auxquelles ils devaient faire face, et pourtant Storm avait décidé de déployer les unités comme si cela avait été le cas. Zerath s’était abstenu d’objecter, car l’humaine ne semblait guère prêter l’oreille à la critique et avait exposé son plan comme une vérité établie et non une hypothèse changeante et modifiable. Une variable avec laquelle il devrait composer. Nous intervenons sur le complexe minier de Christophsis. Ce point capital est la source d’où transitent les précieux matériaux nécessaires à la conception de toute la colonie, ici également est localisée la centrale énergétique principale qui alimente la majorité des installations, aussi bien minières que civiles. Il semble que les droïdes défaillants soient principalement localisés dans les mines, où se sont produits les premiers incidents. Passées les premières attaques, les automates sont tombés dans le silence ; et la lieutenante songe que l’absence de victimes visibles, d’humains directement accessibles est la cause de leur immobilisme, qu’ils sont ainsi guidés par une pensée férale et primaire d’agressivité. Pertinent, car privés de proies à pourchasser ils n’ont point de raison de bouger, étonnante anomalie cependant. Aussi vous dis-je mes soldats : certes nous plongerons dans les profondeurs des mines, mais n’attendez pas des cibles figées. Cette intervention semble d’une simplicité extrême, pourtant augure-t-elle un étrange présage. Et certainement la conviction de notre lieutenante et des colons, si logique soit-elle, est à considérer avec recul ; tous les droïdes du monde ne remplaceront pas vos vies, aussi n’avancez pas dans la hâte. Suivez les enseignements de vos maîtres et suivez mes ordres, car nous descendrons bientôt dans l’abîme.
Les complexes miniers, loin sous la surface cristalline de Christophsis, sont un lieu glacé. Là réside la raison de vos tenues plus chaudes que vos confrères, plus épaisses que les autres compagnies ; en surface le climat est tempéré et doux comme un printemps sur Corellia, pourtant sous la surface, entre les pierres précieuses aux facettes multiples un hiver aussi rude que Hoth ; cependant nous ne profiterons du couvert des navettes qu’un court instant, je le crains ; nous les abandonnerons à la surface, à la porte vers notre enfer de glace, pour ne pas alerter notre adversaire droïde. Nous nous regrouperons tous, pour évaluer notre matériel et assurer l’amorçage de l’opération. Ensuite débuterons nous notre descente. Préparez déjà vos provisions, et qu’il ne vous manque ni torche ni crampons. Car les automates enragés ne seront pas le seul danger. »
Et là-dessus s’interrompit son abjuration solennelle. Le Kaleesh reposa le micro, puis s’installa au dernier siège libre du cockpit, tirant de sous son manteau l’ouvrage intitulé « Guerre et mécanisation : la machine comme ennemi. ». Il avait de la lecture à faire avant l’atterrissage.
Korgan Kessel
# Re: [Christophsis] Les petits soldats de plomb [Pv: Korgan] - Mer 11 Avr 2018 - 23:37
« Putain, il est sérieux ?! »
Je tourne la tête, lève un sourcil interrogateur, yeux rivés sur Matt’. Sauf que derrière ma visière fumée, il ne doit rien voir de mon regard assassin, seulement en sentir le poids.
« Il a bien dit qu’on allait crapahuter dans des mines ? On n’est pas franchement équipés pour, toi et moi… »
Ses deux mains lourdement gantées désignent nos armures de combat volumineuses. Je hausse les épaules, et rétorque :
« Ce Ul machin peut pas être aussi con… Il a forcément un truc en tête. »
J’avoue que j’en sais trop rien. Mais je me dis qu’on nous aurait clairement dit de ne pas embarquer du matos aussi lourd et encombrant s’il allait nous handicaper une fois sur place… Matt’ n’est pas le seul à tirer une tronche de six parsec le long. Mad aussi. Faut dire : les espaces restreints c’est pas le terrain de prédilection des snipers. Mais, lui, au moins, évite de la ramener pour rien.
La navette quitte lentement le hangar. Contrairement à ce que la carrure de Jett’ pourrait laisser croire, le Besalisk dispose d’un doigté hors du commun. Sa voix rauque nous parvient depuis le cockpit. Il acquiesce, tire sur le manche pour suivre la trajectoire indiquée. Rapidement, les moteurs vrombissent, la petite navette d’abordage repeinte aux couleurs de l’escouade emboîte les pas de celle plus imposante, où le Sergent Ular’Iim et le reste des hommes de la troisième compagnie se trouvent. Cet Ular’Ilm… J’avoue que son aspect physique me laisse dubitatif. Tout comme sa manière de parler. D’où il sort celui-là ? Je secoue la tête, chasse ces pensées parasites. Rien à branler. Korgy, reste focus sur la mission Korgy… L’afficheur au-dessus du sas d’entrée du cockpit s’allume. Un compte à rebours. En lettre de sang, il indique trente minutes. Le temps estimé restant avant d'atteindre la zone d’atterrissage… Trente minutes… Je grimace… Une éternité. J’ai jamais été du genre patient, et je le suis encore moins lorsque j’ai rien d’autre à faire que d’observer les secondes s’égrainées une à une. Chiotte. Du coup, pour tuer le temps, je laisse mon regard dériver sur les autres membres de l’escouade qui à leur manière tente de tromper l’attente.
Mac, harnaché sur son siège, est impassible. Yeux clos, j’ignore s’il roupille ou s’il médite… Je tente l’espace d’un instant d’imaginer à quoi pense le Cathar. Ce mec est un robot. J’me dis qu’il est probablement en train de se remémorer tous les détails du briefing, ainsi que les giga-octets de données qu’il a lu sur Christophsis et les installations visées. Ou pas. En fait j’en sais rien, difficile de le cerner. Mad, est assis en face de lui, le regard dans le vague. Il mâchonne frénétiquement un chewing-gum, tout en tripotant la lunette de son fusil de précision. Matt et moi sommes encore debout. Faut dire : nos armures ne sont pas prévues pour poser nos miches quelque part. Mais avec les articulations verrouillées, ainsi que les semelles magnétiques solidement fixées au fuselage de l’appareil, on ne risque pas de s’éclater la tronche en cas de turbulences. Matt a les yeux rivés sur l’écran de son datapad. Connement, j’me dis qu’il va enfin prendre connaissance des données techniques qui lui ont été envoyées… Mais non. Il ouvre une application, un jeu vidéo. Il s’agite, peste, se parlant à lui-même :
« Putain, un enculé a niqué ma base pendant que je regardais pas ! Ce que je vais lui mettre ! Connard ! Fait chier ! »
Je secoue lentement la tête. Irrécupérable ce type. A croire qu’il ne prend jamais rien au sérieux… Même si faut avouer que la mission n’est jour n’est pas exactement du calibre de celles sur lesquels on nous déploie. Une première secousse me fait sursauter. Rapidement suivie par une seconde. Matt lève les deux mains, genre : c’est pas ma faute. J’lui fais :
« Si c’est à cause de tes bidouilles, je… »
Mais Jett me coupe. Il beugle depuis le cockpit :
« Rien à voir chef. Y’a pas mal de débris en orbite. La planète est régulièrement bombardée par des astéroïdes… Ceux qui ne pas assez dense pour atteindre le sol se brisent en haute atmosphère… Accrochez-vous, ça va secouer. »
Les secousses se succèdent, plus violentes les unes que les autres. Au moins cette connerie fait taire Matt’. Lui et moi on est pareil sur ce point : on déteste être enfermé dans une boite de conserve au plein milieu du vide spatial, genre on est impuissant, nos vies entre les mains du Besalisk. Les secondes défilent toujours sur l’écran. On passe sous la barre des vingt minutes… Après les morceaux de cailloux en orbite, la navette doit traverser à vive allure une masse nuageuse dense, opaque. La coque vibre, grince, chauffe sous l’effet des frottements de l'air. Le bouclier thermique, à l’extérieur, vire au rouge… Du moins c’est comme ça que je l’imagine. D’ici, impossible de savoir ce qui se passe dehors. Ces navettes sont prévues pour l’assaut, blindage et structure renforcés. Y’a pas de fenêtre ou de hublot pour jouer les touristes. Le seul qui voit ce qui se passe c’est Jett’. Et là, franchement, j’ai pas tellement envie de le déconcentrer. Il a deux mains serrées sur le manche, tandis que les deux autres virevoltent sur les commandes. Il vole en aveugle, uniquement à l’aide des appareils de bord, puisque le blindage thermique est déployé protégeant la verrière du cockpit des températures excessives qui risqueraient de la faire fondre.
Soudain, toutes les secousses cessent. D’un coup. Silence de mort. La tension se relâche. Jett’ presse encore le manche, puis tire dessus lentement pour stabiliser l’assiette de l’appareil. Il lâche un sifflement et fait :
« La vache, c’est beau… Vous devriez voir ça ! »
Progressivement, les compensateurs inertiels se désactivent, pour laisser le temps à nos corps de s’habituer à la gravité locale, légèrement au-dessus de la norme galactique, c’est-à-dire celle de Coruscant. Une fois ceux-ci totalement arrêtés, je pose ma grosse paluche gantée sur la poignée de la porte latérale. Je tire un grand coup. Elle s’ouvre en grinçant. Un air frais, et revigorant, s’engouffre à l’intérieur de l’appareil. Ca a le mérite de réveiller tout le monde, héhé… Mais là, tout de suite, c’est pas du tout ce à quoi je pense… Putain, ce paysage est complètement dingue… Partout à l’horizon ce bleu-vert indescriptible est omniprésent… Des centaines de milliers de cristaux hexagonaux se dressent un peu partout, comme des bites au garde à vous. Y’en a de toutes les tailles, les plus gros sont aussi hauts que des montagnes. C’est donc ça Christophsis… J’ai beau avoir lu deux trois trucs avant de décoller, rien ne m'avait préparé à cette vision surréaliste…
Mais visiblement, y’a un truc plus intéressant encore que le paysage. La navette de Ular’Iim vole à une trentaine de mètres de la nôtre, dans notre champ de vision. Jett’ prend un malin plaisir à rester son niveau, comme s’il faisait la course avec l’autre pilote. Mad, œil posé sur la lunette de son fusil de précision, sourire aux lèvres, s’esclaffe :
« Hé, mais c’est deux gonzesses qui pilotent… Elles sont vraiment pas mal en plus ! »
« T’es sérieux mec ? Putain, j’vois rien d’ici ! Jett’ ! Rapproche-toi ! »
Le Besalisk obtempère en ricanant. Moi je ferme ma gueule, laisse faire, tout aussi curieux. Il vire, rapidement, nos deux appareils se rapprochent. Une alarme de proximité se déclenche… Rapidement coupée d’une pression sur le tableau de bord.
« J’avoue, elles sont vraiment pas mal… Même si je préfère lorsqu’elles sont plus de poitrine, héhé… »
Matt' pouffe. Il désactive ses semelles magnétiques, se rapproche de ma position à proximité de l’ouverture latérale. Il lève la main, leur offre un salut militaire parfaitement executé. Mais les deux gonzesses ne semblent pas vraiment bien le prendre… Direct, elles baissent le blindage thermique, noirci par l’entrée atmosphérique, pour échapper à nos regards.
« Sérieux, elles abusent… C’est pour ça que je me tape jamais des militaires, elles n’ont pas le sens de l’humour… »
Bref. Ca fait jamais de mal de décompresser un bon coup avant de passer à l’action… Mais maintenant faudrait revenir aux choses sérieuses. J’me dis… Je pourrais tester un peu le Sergent, voir de quel métal il est fait. Certains commandants sont de vrais tyrans psychorigides, d’autres laissent plus de latitudes à leurs troupes. Du coup, je lance dans le comlink :
« Kessel à Sergent Ular’Iim. On va sécuriser la zone d’atterrissage. On se retrouve sur place. »
Et sans attendre la moindre réponse, je beugle, pour couvrir le hurlement des bourrasques :
« Jett ! Met la gomme ! C’est le moment de voir si vos bidouilles servent à quelque chose… Et reste bien sous la couverture radar ! »
« Chef, compris chef ! »
Le Besalisk pousse un grand coup sur le manche. Les moteurs crachotent, se coupent. Plusieurs alarmes assourdissantes se déclenchent. La navette tombe, comme un fer à repasser, perd rapidement de l’altitude. Merde ! Mais le coup de flippe ne dure qu’une poignée de secondes. Les moteurs se rallument, en hurlant. L’accélération est fulgurante. Tout ce qui n’est pas solidement accroché tombe au sol, s’éclate contre le sas de la soute arrière. Même le verrouillage magnétique de la porte latérale saute… Elle se referme d’un coup sec, claquant avec tant de force que plusieurs gerbes étincelles s’échappent de ses glissières. Putain la vache. Jett jubile. Matt lâche un « Yiiiihaaaa ». Tous les autres font une tronche qui veut dire : putain, on va y rester…
En moins de cinq minutes, on atteint l’objectif. Un beau record. On a scotché l’autre navette sur place.
« On y est boss. RAS, le site est calme. »
« Ok, on se pose… »
Jett amorce la décente. Le hurlement des moteurs ioniques est remplacé par le bourdonnement sourd des répulseurs. Tout est plié en moins de trente secondes. Une ultime secousse annonce que les trains touchent le sol. Direct, je tente d’ouvrir la porte latéral… Mais cette salope résiste. Merde. Elle est carrément encastrée dans la carlingue ! Je peste, file un, deux, trois coups d’épaule. Finalement, avec un grincement à vous en défriser les poils du fion, elle coulisse… Avant de carrément sortir de ses gonds. Elle s’éclate lourdement sur le sol cristallin, qu’elle brise à l’impact façon étoile sur un pare-brise de speeder percuté par un gros caillou. Je la mate sans rien dire. Merde. Storm me tuer sur place… Je me retourne, beugle :
« Matt’ ! Tu fais chier putain ! T’as intérêt à me réparer ça fissa, sinon tu va en prendre pour ton grade ! »
Cette fois j’ai vraiment les boules. J’enchaine :
« Mad, Jett, vous le filez un coup de main pour sortir la matos… Mac’, tu pars en reconnaiss… »
Au moment où je pose les yeux sur le Cathar, je me rends compte qu’il a disparu. Le siège est vide, harnais ouvert. La vache, ce mec est un vrai fantôme. Bref. Les ordres sont donnés. Je lève les yeux vers l’afficheur. Il reste un peu plus de huit minutes au chrono. On sera prêt bien avant l’arrivée du reste de la compagnie.
Je saute au sol, tombe lourdement. Rapidos, je fais le tour de l’appareil, gatling en main. Comme l’a annoncé Jett’ rien à signaler à l’horizon. Notre point d’arrivée se trouve au sommet d’un haut-plateau qui n’est autre qu’un cristal hexagonal aux proportions démesurées bouffé par l’érosion. Le sol est très dur, stable, quoi que glissant. Je m’approche du précipite, tout proche. Le soleil dans le dos, j’ai une vue plongeante sur une vallée de cette même couleur chelou bleu-vert. A une distance de deux bons kilomètres, je distingue des installations, creusée à flanc d’un autre cristal tout aussi titanesque. La centrale d’énergie dont nous a parlé Ular’Iim, accompagnée de son complexe minier. Je me retourne. Mad et Jett sont déjà en train de descendre une caisse. J’ignore ce qui s’y trouve exactement, ni même si c’est le Lieutenant Storm ou le Sergent Ular’Iim qui a ordonné qu’elles soient stockées là. Matt’ quant à lui, commence à réparer la porte latéral, torche à plasma en main. Rien que d’imaginer son sourire en coin satisfait sous la visière de son casque, j’ai les nerfs en boule.
En tout, le déchargement ne prends pas plus de trois minutes. Après quoi, toute l’escouade s’affaire pour déployer les filets de camouflages. Les fibres synthétiques changent rapidement de couleur, s’adaptant aux tons environnants afin de rendre la navette difficilement détectable depuis le ciel.
« Jett. Tu restes ici, à proximité de la navette. Code habituel. Au moindre pépin, tu fonces sur nous. »
Je ne sors jamais sans un plan de repli.
« Mad ? »
Je lui désigne du menton le précipite tout proche, et les installations dans le lointain.
« Tu peux nous couvrir d'ici ? »
Il déploie le trépied de son fusil, s'allonge au sol, cale la crosse dans le creux de son épaule. Yeux collés à la lunette, il fait :
« Ouais. Nickel. C'est dégagé. A cette distance… Je peux sans problème shooter un truc de la taille d’un paquet de cigarette… »[/color]
« Que de la gueule. »
Mad se redresse direct, fusille Matt’ du regard. Mais le commando-technicien ne se défile pas. Il annonce, d’un ton moqueur
« Un paquet de cigarette tu dis hein ? Tu prends le pari ? »
« Pari tenu enfoiré. C’est toi qui payera la prochaine tournée… »
« Héhé, n’en soit pas si sûr…. »
« Ca suffit. Mad. Tu restes dans le coin avec Jett’. Tu nous couvriras pendant notre progression dans la vallée… J’sais pas comment notre nouveau boss veut s’y prendre, mais lui faudra bien quelqu'un pour nous protéger les miches. Le terrain est trop dégagé à mon gout. D’ailleurs, tu vois quoi là bas ? »
Mad recale son œil sur la lunette. Ses mouvements sont imperceptibles, mais vu la distance, le moindre millimètre représente un déplacement de plusieurs mètres dans son viseur.
« C’est tranquille. Pas un seul mouvement, comme si tout le jus était coupé. Attend. Y’a des silhouettes… On dirait des… droïdes, oui des droïdes humanoïdes. Ils sont immobiles, en veille probablement. »
En bref, il confirme les infos des différents briefings. Au moins on ne nous a pas raconté de la merde.
« Attend, y’a du mouvement. A trois cents mètres… Putain, c’est Mac ! Comment il a fait pour descendre aussi vite ?! »
D’une pression de l’index sur le côté gauche de mon casque, j’active le comlink. Fréquence réservée à l’escouade à laquelle le Sergent Ular’Iim a très certainement accès également.
« Mac ? A quoi tu joues ?! »
« Y’a un chemin pour descendre rapidement dans la vallée, je te transmets les données tactiques. Je peux pas m’approcher plus sans risquer d’être repéré. Y’a plusieurs excroissances sur les installations qui me semblent être des positions de tir avancées. Je ne prends pas de risque, je vous attend ici. »
« Mad, tu confirmes ? »
« Affirmatif. On dirait des cavités creusées dans la roche mais fermées par un rideau métallique rétractable, il pourrait y avoir n’importe quoi derrière. »
Je grimace, sourcils froncés. Je cogite, repasse en revue ce que je sais des lieux.
« Des positions de tirs ? C’est foutrement possible ouais. Cette centrale cryothermique canalise l’énergie générée par la différence de température entre la surface et les puits miniers. C’est de la technologie de pointe… J’imagine que ça attire des convoitises, tout comme les cristaux extraits des mines attenantes. Le site dispose en tout logique de moyen de défense contre les pillards et les pirates qui sévissent dans ces régions reculées de la bordure extérieure. J’me dis qu’on va vite savoir si ce sont juste les droïdes ou tout le système qui pété un plomb… »
Tout parait de plus en plus logique. Les Typhons n’ont pas été déployés seulement pour mater une révolte de droïdes dégénérés… Non. On est là pour servir de variable dans une équation dont les inconnues sont multiples. En fait, j’suis à présent certain que personne ne sait réellement ce qui se passe sur ce monde, peut-être que c’est toute la planète qui va se retourner contre nous, pas seulement une bande de d’ouvriers mécaniques. Je reprends, toujours sur la fréquence ce l’escouade :
« Sergent, vous entendez ? Mon éclaireur est sur site, il nous attend. Mon sniper est également en position. Le reste de mon escouade attend vos instructions. Terminé. »
Je me tourne vers Matt’, qui en a terminé avec ses réparations de fortune. Déjà à l’horizon, un point sombre grossis de seconde en seconde : la navette de la troisième compagnie.
« Toi, t’as intérêt à pas jouer au con. Tu suis les ordres. Si le Sergent dit cours, tu cours, s’il dit tire, tu tires. S’il dit va te faire foutre, tu vas te faire foutre, c’est clair ?! »
Je prends les devants. Parfois il peut être du genre ingérable, surtout sous le commandement de types avec lesquels il n’a pas servi. Par deux fois déjà, il est passé à deux doigts de la cour martiale dans ses précédentes affectations. Il hausse les épaules, sans dire un mot. Genre ça rentre par une oreille et ressort par l’autre. Je l’enchaîne :
« Et tu ferais mieux de lire les instructions envoyées sur ton datapad… Il te reste moins d’une minute. »
« Rah, ca va ! J’suis pas un gamin hein… Et puis je te dis que c’est des conneries ! Tu veux mon avis Korgan ? Ça va être loin d’être aussi simple cette histoire. J’le sens pas. Si les droïdes ont échappés à tout contrôle, rien ne nous dit qu’ils ne se sont pas auto-reprogrammés entre eux histoire justement d’échapper à toute tentative d’intrusions dans leurs systèmes. Y’a au moins sept chances sur dix pour que les instructions données par les gros cerveaux de la République ne fonctionnent pas. Alors je vais te dire… Moi je tire d’abord, et j’avise après. »
J’ouvre la bouche pour dire un truc mais la referme aussitôt. Dans le fond, il n’a pas vraiment tord… Bon. La navette d’Ular’Iim passe devant l’astre solaire déjà haut dans le ciel nuageux. Elle ralenti, amorce sa descente. J’ai pris quelques libertés, maintenant j’attends de voir les conséquences histoire de mieux cerner ce personnage pour le moins intriguant… Mais même en agissant de la sorte, je ne peux prendre plus d’initiatives… Moi j’suis pas payé pour réfléchir, seulement pour tirer dans le tas, héhé. Chacun son job.
Je tourne la tête, lève un sourcil interrogateur, yeux rivés sur Matt’. Sauf que derrière ma visière fumée, il ne doit rien voir de mon regard assassin, seulement en sentir le poids.
« Il a bien dit qu’on allait crapahuter dans des mines ? On n’est pas franchement équipés pour, toi et moi… »
Ses deux mains lourdement gantées désignent nos armures de combat volumineuses. Je hausse les épaules, et rétorque :
« Ce Ul machin peut pas être aussi con… Il a forcément un truc en tête. »
J’avoue que j’en sais trop rien. Mais je me dis qu’on nous aurait clairement dit de ne pas embarquer du matos aussi lourd et encombrant s’il allait nous handicaper une fois sur place… Matt’ n’est pas le seul à tirer une tronche de six parsec le long. Mad aussi. Faut dire : les espaces restreints c’est pas le terrain de prédilection des snipers. Mais, lui, au moins, évite de la ramener pour rien.
La navette quitte lentement le hangar. Contrairement à ce que la carrure de Jett’ pourrait laisser croire, le Besalisk dispose d’un doigté hors du commun. Sa voix rauque nous parvient depuis le cockpit. Il acquiesce, tire sur le manche pour suivre la trajectoire indiquée. Rapidement, les moteurs vrombissent, la petite navette d’abordage repeinte aux couleurs de l’escouade emboîte les pas de celle plus imposante, où le Sergent Ular’Iim et le reste des hommes de la troisième compagnie se trouvent. Cet Ular’Ilm… J’avoue que son aspect physique me laisse dubitatif. Tout comme sa manière de parler. D’où il sort celui-là ? Je secoue la tête, chasse ces pensées parasites. Rien à branler. Korgy, reste focus sur la mission Korgy… L’afficheur au-dessus du sas d’entrée du cockpit s’allume. Un compte à rebours. En lettre de sang, il indique trente minutes. Le temps estimé restant avant d'atteindre la zone d’atterrissage… Trente minutes… Je grimace… Une éternité. J’ai jamais été du genre patient, et je le suis encore moins lorsque j’ai rien d’autre à faire que d’observer les secondes s’égrainées une à une. Chiotte. Du coup, pour tuer le temps, je laisse mon regard dériver sur les autres membres de l’escouade qui à leur manière tente de tromper l’attente.
Mac, harnaché sur son siège, est impassible. Yeux clos, j’ignore s’il roupille ou s’il médite… Je tente l’espace d’un instant d’imaginer à quoi pense le Cathar. Ce mec est un robot. J’me dis qu’il est probablement en train de se remémorer tous les détails du briefing, ainsi que les giga-octets de données qu’il a lu sur Christophsis et les installations visées. Ou pas. En fait j’en sais rien, difficile de le cerner. Mad, est assis en face de lui, le regard dans le vague. Il mâchonne frénétiquement un chewing-gum, tout en tripotant la lunette de son fusil de précision. Matt et moi sommes encore debout. Faut dire : nos armures ne sont pas prévues pour poser nos miches quelque part. Mais avec les articulations verrouillées, ainsi que les semelles magnétiques solidement fixées au fuselage de l’appareil, on ne risque pas de s’éclater la tronche en cas de turbulences. Matt a les yeux rivés sur l’écran de son datapad. Connement, j’me dis qu’il va enfin prendre connaissance des données techniques qui lui ont été envoyées… Mais non. Il ouvre une application, un jeu vidéo. Il s’agite, peste, se parlant à lui-même :
« Putain, un enculé a niqué ma base pendant que je regardais pas ! Ce que je vais lui mettre ! Connard ! Fait chier ! »
Je secoue lentement la tête. Irrécupérable ce type. A croire qu’il ne prend jamais rien au sérieux… Même si faut avouer que la mission n’est jour n’est pas exactement du calibre de celles sur lesquels on nous déploie. Une première secousse me fait sursauter. Rapidement suivie par une seconde. Matt lève les deux mains, genre : c’est pas ma faute. J’lui fais :
« Si c’est à cause de tes bidouilles, je… »
Mais Jett me coupe. Il beugle depuis le cockpit :
« Rien à voir chef. Y’a pas mal de débris en orbite. La planète est régulièrement bombardée par des astéroïdes… Ceux qui ne pas assez dense pour atteindre le sol se brisent en haute atmosphère… Accrochez-vous, ça va secouer. »
Les secousses se succèdent, plus violentes les unes que les autres. Au moins cette connerie fait taire Matt’. Lui et moi on est pareil sur ce point : on déteste être enfermé dans une boite de conserve au plein milieu du vide spatial, genre on est impuissant, nos vies entre les mains du Besalisk. Les secondes défilent toujours sur l’écran. On passe sous la barre des vingt minutes… Après les morceaux de cailloux en orbite, la navette doit traverser à vive allure une masse nuageuse dense, opaque. La coque vibre, grince, chauffe sous l’effet des frottements de l'air. Le bouclier thermique, à l’extérieur, vire au rouge… Du moins c’est comme ça que je l’imagine. D’ici, impossible de savoir ce qui se passe dehors. Ces navettes sont prévues pour l’assaut, blindage et structure renforcés. Y’a pas de fenêtre ou de hublot pour jouer les touristes. Le seul qui voit ce qui se passe c’est Jett’. Et là, franchement, j’ai pas tellement envie de le déconcentrer. Il a deux mains serrées sur le manche, tandis que les deux autres virevoltent sur les commandes. Il vole en aveugle, uniquement à l’aide des appareils de bord, puisque le blindage thermique est déployé protégeant la verrière du cockpit des températures excessives qui risqueraient de la faire fondre.
Soudain, toutes les secousses cessent. D’un coup. Silence de mort. La tension se relâche. Jett’ presse encore le manche, puis tire dessus lentement pour stabiliser l’assiette de l’appareil. Il lâche un sifflement et fait :
« La vache, c’est beau… Vous devriez voir ça ! »
Progressivement, les compensateurs inertiels se désactivent, pour laisser le temps à nos corps de s’habituer à la gravité locale, légèrement au-dessus de la norme galactique, c’est-à-dire celle de Coruscant. Une fois ceux-ci totalement arrêtés, je pose ma grosse paluche gantée sur la poignée de la porte latérale. Je tire un grand coup. Elle s’ouvre en grinçant. Un air frais, et revigorant, s’engouffre à l’intérieur de l’appareil. Ca a le mérite de réveiller tout le monde, héhé… Mais là, tout de suite, c’est pas du tout ce à quoi je pense… Putain, ce paysage est complètement dingue… Partout à l’horizon ce bleu-vert indescriptible est omniprésent… Des centaines de milliers de cristaux hexagonaux se dressent un peu partout, comme des bites au garde à vous. Y’en a de toutes les tailles, les plus gros sont aussi hauts que des montagnes. C’est donc ça Christophsis… J’ai beau avoir lu deux trois trucs avant de décoller, rien ne m'avait préparé à cette vision surréaliste…
Mais visiblement, y’a un truc plus intéressant encore que le paysage. La navette de Ular’Iim vole à une trentaine de mètres de la nôtre, dans notre champ de vision. Jett’ prend un malin plaisir à rester son niveau, comme s’il faisait la course avec l’autre pilote. Mad, œil posé sur la lunette de son fusil de précision, sourire aux lèvres, s’esclaffe :
« Hé, mais c’est deux gonzesses qui pilotent… Elles sont vraiment pas mal en plus ! »
« T’es sérieux mec ? Putain, j’vois rien d’ici ! Jett’ ! Rapproche-toi ! »
Le Besalisk obtempère en ricanant. Moi je ferme ma gueule, laisse faire, tout aussi curieux. Il vire, rapidement, nos deux appareils se rapprochent. Une alarme de proximité se déclenche… Rapidement coupée d’une pression sur le tableau de bord.
« J’avoue, elles sont vraiment pas mal… Même si je préfère lorsqu’elles sont plus de poitrine, héhé… »
Matt' pouffe. Il désactive ses semelles magnétiques, se rapproche de ma position à proximité de l’ouverture latérale. Il lève la main, leur offre un salut militaire parfaitement executé. Mais les deux gonzesses ne semblent pas vraiment bien le prendre… Direct, elles baissent le blindage thermique, noirci par l’entrée atmosphérique, pour échapper à nos regards.
« Sérieux, elles abusent… C’est pour ça que je me tape jamais des militaires, elles n’ont pas le sens de l’humour… »
Bref. Ca fait jamais de mal de décompresser un bon coup avant de passer à l’action… Mais maintenant faudrait revenir aux choses sérieuses. J’me dis… Je pourrais tester un peu le Sergent, voir de quel métal il est fait. Certains commandants sont de vrais tyrans psychorigides, d’autres laissent plus de latitudes à leurs troupes. Du coup, je lance dans le comlink :
« Kessel à Sergent Ular’Iim. On va sécuriser la zone d’atterrissage. On se retrouve sur place. »
Et sans attendre la moindre réponse, je beugle, pour couvrir le hurlement des bourrasques :
« Jett ! Met la gomme ! C’est le moment de voir si vos bidouilles servent à quelque chose… Et reste bien sous la couverture radar ! »
« Chef, compris chef ! »
Le Besalisk pousse un grand coup sur le manche. Les moteurs crachotent, se coupent. Plusieurs alarmes assourdissantes se déclenchent. La navette tombe, comme un fer à repasser, perd rapidement de l’altitude. Merde ! Mais le coup de flippe ne dure qu’une poignée de secondes. Les moteurs se rallument, en hurlant. L’accélération est fulgurante. Tout ce qui n’est pas solidement accroché tombe au sol, s’éclate contre le sas de la soute arrière. Même le verrouillage magnétique de la porte latérale saute… Elle se referme d’un coup sec, claquant avec tant de force que plusieurs gerbes étincelles s’échappent de ses glissières. Putain la vache. Jett jubile. Matt lâche un « Yiiiihaaaa ». Tous les autres font une tronche qui veut dire : putain, on va y rester…
En moins de cinq minutes, on atteint l’objectif. Un beau record. On a scotché l’autre navette sur place.
« On y est boss. RAS, le site est calme. »
« Ok, on se pose… »
Jett amorce la décente. Le hurlement des moteurs ioniques est remplacé par le bourdonnement sourd des répulseurs. Tout est plié en moins de trente secondes. Une ultime secousse annonce que les trains touchent le sol. Direct, je tente d’ouvrir la porte latéral… Mais cette salope résiste. Merde. Elle est carrément encastrée dans la carlingue ! Je peste, file un, deux, trois coups d’épaule. Finalement, avec un grincement à vous en défriser les poils du fion, elle coulisse… Avant de carrément sortir de ses gonds. Elle s’éclate lourdement sur le sol cristallin, qu’elle brise à l’impact façon étoile sur un pare-brise de speeder percuté par un gros caillou. Je la mate sans rien dire. Merde. Storm me tuer sur place… Je me retourne, beugle :
« Matt’ ! Tu fais chier putain ! T’as intérêt à me réparer ça fissa, sinon tu va en prendre pour ton grade ! »
Cette fois j’ai vraiment les boules. J’enchaine :
« Mad, Jett, vous le filez un coup de main pour sortir la matos… Mac’, tu pars en reconnaiss… »
Au moment où je pose les yeux sur le Cathar, je me rends compte qu’il a disparu. Le siège est vide, harnais ouvert. La vache, ce mec est un vrai fantôme. Bref. Les ordres sont donnés. Je lève les yeux vers l’afficheur. Il reste un peu plus de huit minutes au chrono. On sera prêt bien avant l’arrivée du reste de la compagnie.
Je saute au sol, tombe lourdement. Rapidos, je fais le tour de l’appareil, gatling en main. Comme l’a annoncé Jett’ rien à signaler à l’horizon. Notre point d’arrivée se trouve au sommet d’un haut-plateau qui n’est autre qu’un cristal hexagonal aux proportions démesurées bouffé par l’érosion. Le sol est très dur, stable, quoi que glissant. Je m’approche du précipite, tout proche. Le soleil dans le dos, j’ai une vue plongeante sur une vallée de cette même couleur chelou bleu-vert. A une distance de deux bons kilomètres, je distingue des installations, creusée à flanc d’un autre cristal tout aussi titanesque. La centrale d’énergie dont nous a parlé Ular’Iim, accompagnée de son complexe minier. Je me retourne. Mad et Jett sont déjà en train de descendre une caisse. J’ignore ce qui s’y trouve exactement, ni même si c’est le Lieutenant Storm ou le Sergent Ular’Iim qui a ordonné qu’elles soient stockées là. Matt’ quant à lui, commence à réparer la porte latéral, torche à plasma en main. Rien que d’imaginer son sourire en coin satisfait sous la visière de son casque, j’ai les nerfs en boule.
En tout, le déchargement ne prends pas plus de trois minutes. Après quoi, toute l’escouade s’affaire pour déployer les filets de camouflages. Les fibres synthétiques changent rapidement de couleur, s’adaptant aux tons environnants afin de rendre la navette difficilement détectable depuis le ciel.
« Jett. Tu restes ici, à proximité de la navette. Code habituel. Au moindre pépin, tu fonces sur nous. »
Je ne sors jamais sans un plan de repli.
« Mad ? »
Je lui désigne du menton le précipite tout proche, et les installations dans le lointain.
« Tu peux nous couvrir d'ici ? »
Il déploie le trépied de son fusil, s'allonge au sol, cale la crosse dans le creux de son épaule. Yeux collés à la lunette, il fait :
« Ouais. Nickel. C'est dégagé. A cette distance… Je peux sans problème shooter un truc de la taille d’un paquet de cigarette… »[/color]
« Que de la gueule. »
Mad se redresse direct, fusille Matt’ du regard. Mais le commando-technicien ne se défile pas. Il annonce, d’un ton moqueur
« Un paquet de cigarette tu dis hein ? Tu prends le pari ? »
« Pari tenu enfoiré. C’est toi qui payera la prochaine tournée… »
« Héhé, n’en soit pas si sûr…. »
« Ca suffit. Mad. Tu restes dans le coin avec Jett’. Tu nous couvriras pendant notre progression dans la vallée… J’sais pas comment notre nouveau boss veut s’y prendre, mais lui faudra bien quelqu'un pour nous protéger les miches. Le terrain est trop dégagé à mon gout. D’ailleurs, tu vois quoi là bas ? »
Mad recale son œil sur la lunette. Ses mouvements sont imperceptibles, mais vu la distance, le moindre millimètre représente un déplacement de plusieurs mètres dans son viseur.
« C’est tranquille. Pas un seul mouvement, comme si tout le jus était coupé. Attend. Y’a des silhouettes… On dirait des… droïdes, oui des droïdes humanoïdes. Ils sont immobiles, en veille probablement. »
En bref, il confirme les infos des différents briefings. Au moins on ne nous a pas raconté de la merde.
« Attend, y’a du mouvement. A trois cents mètres… Putain, c’est Mac ! Comment il a fait pour descendre aussi vite ?! »
D’une pression de l’index sur le côté gauche de mon casque, j’active le comlink. Fréquence réservée à l’escouade à laquelle le Sergent Ular’Iim a très certainement accès également.
« Mac ? A quoi tu joues ?! »
« Y’a un chemin pour descendre rapidement dans la vallée, je te transmets les données tactiques. Je peux pas m’approcher plus sans risquer d’être repéré. Y’a plusieurs excroissances sur les installations qui me semblent être des positions de tir avancées. Je ne prends pas de risque, je vous attend ici. »
« Mad, tu confirmes ? »
« Affirmatif. On dirait des cavités creusées dans la roche mais fermées par un rideau métallique rétractable, il pourrait y avoir n’importe quoi derrière. »
Je grimace, sourcils froncés. Je cogite, repasse en revue ce que je sais des lieux.
« Des positions de tirs ? C’est foutrement possible ouais. Cette centrale cryothermique canalise l’énergie générée par la différence de température entre la surface et les puits miniers. C’est de la technologie de pointe… J’imagine que ça attire des convoitises, tout comme les cristaux extraits des mines attenantes. Le site dispose en tout logique de moyen de défense contre les pillards et les pirates qui sévissent dans ces régions reculées de la bordure extérieure. J’me dis qu’on va vite savoir si ce sont juste les droïdes ou tout le système qui pété un plomb… »
Tout parait de plus en plus logique. Les Typhons n’ont pas été déployés seulement pour mater une révolte de droïdes dégénérés… Non. On est là pour servir de variable dans une équation dont les inconnues sont multiples. En fait, j’suis à présent certain que personne ne sait réellement ce qui se passe sur ce monde, peut-être que c’est toute la planète qui va se retourner contre nous, pas seulement une bande de d’ouvriers mécaniques. Je reprends, toujours sur la fréquence ce l’escouade :
« Sergent, vous entendez ? Mon éclaireur est sur site, il nous attend. Mon sniper est également en position. Le reste de mon escouade attend vos instructions. Terminé. »
Je me tourne vers Matt’, qui en a terminé avec ses réparations de fortune. Déjà à l’horizon, un point sombre grossis de seconde en seconde : la navette de la troisième compagnie.
« Toi, t’as intérêt à pas jouer au con. Tu suis les ordres. Si le Sergent dit cours, tu cours, s’il dit tire, tu tires. S’il dit va te faire foutre, tu vas te faire foutre, c’est clair ?! »
Je prends les devants. Parfois il peut être du genre ingérable, surtout sous le commandement de types avec lesquels il n’a pas servi. Par deux fois déjà, il est passé à deux doigts de la cour martiale dans ses précédentes affectations. Il hausse les épaules, sans dire un mot. Genre ça rentre par une oreille et ressort par l’autre. Je l’enchaîne :
« Et tu ferais mieux de lire les instructions envoyées sur ton datapad… Il te reste moins d’une minute. »
« Rah, ca va ! J’suis pas un gamin hein… Et puis je te dis que c’est des conneries ! Tu veux mon avis Korgan ? Ça va être loin d’être aussi simple cette histoire. J’le sens pas. Si les droïdes ont échappés à tout contrôle, rien ne nous dit qu’ils ne se sont pas auto-reprogrammés entre eux histoire justement d’échapper à toute tentative d’intrusions dans leurs systèmes. Y’a au moins sept chances sur dix pour que les instructions données par les gros cerveaux de la République ne fonctionnent pas. Alors je vais te dire… Moi je tire d’abord, et j’avise après. »
J’ouvre la bouche pour dire un truc mais la referme aussitôt. Dans le fond, il n’a pas vraiment tord… Bon. La navette d’Ular’Iim passe devant l’astre solaire déjà haut dans le ciel nuageux. Elle ralenti, amorce sa descente. J’ai pris quelques libertés, maintenant j’attends de voir les conséquences histoire de mieux cerner ce personnage pour le moins intriguant… Mais même en agissant de la sorte, je ne peux prendre plus d’initiatives… Moi j’suis pas payé pour réfléchir, seulement pour tirer dans le tas, héhé. Chacun son job.
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