Luke Kayan
Luke Kayan
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La tête basse, Luke écoutait la conversation sans mot dire, en bon... Soumis? Si c'était le rôle que lui assignait son caractère, pourquoi s'insurger? Il avait toujours été docile, peut-être parce que sa mère l'avait dressée de la sorte, ou parce qu'il était né ainsi. Après avoir rangé son datapad, le protocole enfin rempli, il suivit les deux protagonistes principaux et s'assit dans l'herbe, rassuré par le contact satiné de cette dernière. Le silence de Karm lui avait fait mal, toutefois, il ne le prenait pas personnellement, saisissant que celui-ci avait besoin de se préserver. Lorsque le temps des aveux arriva, il releva brièvement la tête, avant de la rebaisser, elle était tout à coup si lourde. Le rouge avait envahi son visage depuis les premières échanges entre Ekkt et son ami. La réaction de ce dernier l'avait d'ailleurs déstabilisé. Pour sa part, s'il n'avait pas apprécié que Karm soit mis en danger de mort si peu de temps après l'avoir frôlé, il comprenait le choix du Trandoshan, du moins en ce qui le concernait. Chevalier Jedi, Luke s'estimait en devoir d'accomplir des tâches, quitte à ce que ces dernières surpassent celles connues jusque là. Le Hapien était prêt à donner sa vie pour l'Ordre, il avait peur mais son souffle ne lui appartenait pas vraiment. Il aurait dû réussir, surtout si un maître dans sa sagesse l'en jugeait apte. La seule erreur du reptile avait été de ne pas prendre en compte les récentes épreuves de Karm, lesquelles l'avaient fragilisé.

Cependant, l'artefact avait-il révélé des failles déjà existantes? Ou les avaient-elles inventées de toute part? Selon les aveux de Karm, il se posait réellement des questions sur leur relation. Luke eut envie de hurler de tout arrêter aux deux interlocuteurs, mais il n'était pas un adolescent civil, ni même un adulte inexpérimenté, en droit d'exprimer ses sentiments de façon chaotique. Encore une fois, et contrairement à Karm, il ignorait ce qu'était l'insolence et continuait à subir une discussion sur un sujet qui le mettait plus que mal à l'aise: Leur intimité offerte sur un plateau.

Les prédateurs, les dominateurs, les sensuels... Et les dociles? Luke ne se retrouvait pas là-dedans. Cette conversation presque hérétique avait le don de le rassurer -au moins Ekkt n'écrirait pas de rapport négatif sur eux, révélant et dénonçant leur relation.- mais aussi de le confondre. Il n'aimait pas que cette discussion ait lieu avec un presque-inconnu, cela dit, aurait-il été capable, lui, de la faire ressortir? Si cela pouvait aider Karm, il supporterait, faisant taire tout un pilier de son éducation.

- Antara aurait donc pu s'aider de l'artefact pour étendre ses dons, afin de dominer les prisonniers. Jusqu'à quel point aurait-elle pu leur rendre la conscience? Croyez-vous que certains de ces criminels feignent l'endormissement? S'ils sont dans une moindre mesure aptes à continuer de l'aider, y compris en servant juste de messagers ou eux-même de catalyseurs.

Ou de passages? Qui sait, Noctis et les siens n'en avaient peut-être pas fini avec la prison. Incapable de participer au dialogue franc qu'avaient eu Karm et l'Ombre, Luke s'en était détaché pour simplement considérer la mission. Il avait été secoué par les événements, par ailleurs, ses dons continuaient de crépiter de façon un peu instable quoique non dangereuses. Il ne voulait pas penser à tout cela, aux conséquences que cela impliquait. Il préférait s'en tenir au protocoles, aux faits. Le silence de Karm suite à sa première onde n'avait pas été forcément mal prise, cependant, le message avait été renforcé : ne te mêle pas de ça, j'ai besoin de solitude. Luke avait juste brièvement soutenu le Chevalier en laissant courir un onde légère rassurante. Non il n'était pas en colère, ni déçu, ni quoique ce soit, juste incapable de tenir ce type de discussion, c'était trop pour lui, cela choquait complètement avec son éducation stricte au sein du Temple.

- Je pourrais négocier pour avoir l'autorisation de me renseigner sur les criminels en stase. Bien sûr, ce serait juste une enquête préliminaire, il faudrait des mois pour monter un dossier, et nous ne pourrons pas nous en servir comme preuve, mais cela pourrait nous donner des indices sur la route qu'a pris cette Sith et l’acolyte. Si elle a éveillé leur mémoire, il se peut que l'empreinte de leur passage y soit resté, voir de leurs pensées. En ce qui concerne ce dernier point, je pense qu'il est préférable qu'un Jedi expérimenté le tente, sauf s'il y a le moindre risque de contamination.- Ses yeux avaient beau ne plus fonctionner, ils se posèrent avec exactitude dans les prunelles reptiliennes du plus âgé du trio. Luke ne voulait pas déplorer la chute, ou la mort de l'Ombre. Connaissant la frénésie de ces derniers lors d'une mission aussi passionnante que dangereuse, il préférait y intégrer subtilement son grain de -presque- sage Consulaire.- Je crois que je peux m'occuper des preuves plus matérielles... Empreintes, nouvelles voies à explorer. Je... Peux redescendre.

Il frissonna et hésita, s'entendant vaciller au niveau de la voix, mais il était hors de question d'abandonner un travail que l'Ordre lui avait confié. Remis sur pieds, et surtout attentif au discours du lézard humanoïde-quoiqu'on puisse en penser.- Luke estimait simplement devoir réorganiser le statut de chacun, surtout le sien, afin de pallier à ses faiblesses et servir à quelque chose.

- Si l'on trouve le point de fuite d'Antara, nous pourrions la pister, mais ce serait encore plus judicieux de commencer par Antonieta. Sans la sous-estimer, elle ne dispose pas de la Force, et nous savons surtout où elle se trouve. C'est en remontant patiemment les petites rivières que l'on arrive à l'océan. Karm, tu es le meilleur pour ça.

Alors que le Jedi lançait une onde précisant sa confiance à son compagnon, tout en la dosant car craintif de recevoir un rejet ou un silence, il se rendit compte de sa prépondérance. Pourquoi avait-il tout à coup pris les devants? Ce n'était pas lui l'aîné, et bien que ses suggestions n'avaient rien d'ordre, il se sentait mal de diriger la mission. L'essor lui était probablement venu de son désir d'éviter de s'étendre plus sur la conversation, dont il avait soigneusement attendu la fin. La réponse de Karm lui manquait, il était préoccupé par son état d'esprit et espérait ne pas s'être attiré les foudres de ce dernier en ne réagissant guère aux paroles d'Ekkt. Cacher leur relation ne servait à rien, il ne le faisait pas, mais restait toutefois si discret. Comment lui en vouloir, c'était bien difficile pour lui de parler de ces choses, concrètement LA chose, sur laquelle il n'avait jamais eu de serment, ni envie de les recevoir. C'était enfoui en lui, bien qu'il accepte grâce à Atalan, de transmettre aux adolescentes les risques d'ébats sans protection. La dernière fois, face à une jeune fille désormais aux abonnés absents, ayant une relation avec un garçon bien suspect en-dehors des murs du Temple, il avait cru en mourir de honte.

Une onde interrogative traversa à nouveau son esprit, il fut incapable de la contrôler et elle se dirigea, cette fois entièrement vers Karm. Oui, il avait peur de sa réaction, peur de décevoir, de contrevenir à ses ... désirs? Non pas vraiment, juste qu'il ne voulait pas que ce dernier décide que leur relation devenait trop complexe, ou que ce que lui avait murmuré l'artefact lui semble suffisamment insurmontable pour le protéger contre son gré. Au moins, le Hapien transmettait ses propres conclusions silencieuses à l'Ark-Ni. Il ne le pensait ni chaotique, ni désordonné, quant bien même ses noirs désirs avaient été un peu préoccupants, mais c'était bien pour cela qu'ils étaient noirs, comme le paysage qui l'entourait.

- Je pense surtout que chacun va devoir se reposer, mais comme nous n'avons pas le temps de faire plus de visites, je propose d'enquêter chacun de notre côté, à notre rythme. Moi je partirai par là, fouillez comme bon vous semble. Chevalier Torr, n'oubliez pas, vous êtes un leader, un dirigeant et un protecteur. Servez-vous en.


De toutes ses dents, à nouveau, l'Ombre peu déstabilisée par cette discussion ouverte, sourit. Ce couple n'était ni le premier ni le dernier qu'il voyait. Ni exceptionnel ni mauvais en son genre, il les trouvait complémentaires. Luke avait beau être gêné, il ne s'était visiblement pas senti vexé dans son rôle d'infra. Leurs positions pendant la nuit l'intéressaient guère, à vrai dire, il préférait même bloquer son imagination à ce niveau, mais de l'extérieur, leur relation semblait fonctionner. Le Hapien n'était pas sûr, il proposait des idées à une personne de confiance qui le validait ou non. Tandis que ce dernier pour sa part, se laissait refréner par le plus calme. Désirant voir ce que cela donnerait, mais aussi les inciter à une conversation à coeur ouvert, le reptile se leva et salua.

- Des questions?

Demanda-t-il sur le ton d'un guide qui se sentait "forcé" d'ajouter cette interrogation tout en ayant hâte de partir. Oui, Ekkt voulait savoir ce qu'il allait advenir des deux Jedis, et pour ça, il fallait les laisser agir, les observer, tout en fouinant aussi de son côté pour faire avancer la passionnante enquête. Il avait envie d'attraper Noctis et n'en démordait pas, bien qu'il ne le mentionne guère aux Chevaliers afin de ne pas attiser la colère de l'un et la crainte de l'autre. Espérant voir le duo commencer à se débrouiller lors de cette "seconde opportunité", le lézard les regarda vaguement, les encourageant plus à partir de leur côté qu'à l'interroger bien qu'il répondrait si nécessaire. Luke, irrémédiablement intimidé par ce Maître se tut, attendant docilement l'ordre implicite d'exécuter son travail.
Karm Torr
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— Non.

C’était le seul mot que l’Ark-Ni avait murmuré, pendant tout le discours de Luke, pendant les recommandations d’Ekkt. Les yeux fixés sur quelques insectes qui maniaient laborieusement des brindilles minuscules perdues entre les brins d’herbe, l’explorateur avait ruminé les événements récents, sans parvenir à se détacher de l’impression que l’Ordre l’avait laissé, pendant toutes ces années, incapable de se confronter à ce qu’il était réellement et au vaste monde dans lequel il allait devoir évoluer.

Il s’était souvent raccroché à sa culture ark-ni, vagues souvenirs d’enfance et études de seconde main, pour se donner un semblant d’identité, mais l’artefact lui avait laissé voir que malgré toute son obstination à jouer le jeu de la Flotte, il en était un étranger. Il n’était pas un homme de vaisseaux, il était un homme de planètes, il n’était pas un homme de paix, il était un guerrier, et il avait beau prôner la relative indifférence des sexes et des genres, il se comportait comme un mâle, entreprenant, décidé, frondeur.

— Bien, trancha Ekkt, bien forcé de constater que ses propos rassurants n’avaient pas eu tout l’effet escompté sur Karm, comme je l’ai déjà dit, je doute que nous ayons beaucoup à trouver du côté de la Tombe. Antara n’a probablement jamais mis les pieds hors de sa cellule, nul ne connaît l’identité des criminels enfermés depuis des siècles, à cause de la dégradation de la mémoire des droïdes rakkata et leurs esprits statiques ne nous en diront rien de plus. Belsavis nous a probablement livré presque tout ce qu’elle avait à livrer. Je vais me pencher sur le cas d’Antonieta, reconstituer le fil de son histoire, l’interroger elle-même. Retrouvons-nous sur Coruscant dans deux semaines pour faire le point.

Et sur ces indications somme toute un peu vagues, le Trandoshan les abandonna à leur sort. Karm ne réagit pas tout de suite à son départ, comme il n’avait pas réagi aux ondes de Luke. Le jeune homme s’était refermé sur lui-même.

— Naboo, finit-il par lâcher, en relevant lentement les yeux de l’intéressant spectacle entomologique qui avait paru jusque là retenir toute son attention. Savoir comment les mercenaires on fait pour s’infiltrer dans la société pharmaceutique. C’est la meilleure piste, non…?

Ce « non », ce n’était pas grand-chose, mais c’était au moins une interaction avec Luke. Les yeux fixés sur son ami, Karm se remémora les désirs ravageurs que l’artefact avait suscités en lui. Peut-être qu’Ekkt avait raison. Peut-être que c’était déjà une sacrée victoire d’y avoir résisté. Il essaya de se raccrocher à cette idée, sur le chemin du retour, alors qu’ils regagnaient leur chambre d’hôtel pour plier bagages et prendre le premier vaisseau en direction de Coruscant, pour une correspondance vers Naboo.

Dans la chambre, Karm attrapa doucement le poignet de Luke, l’attira vers lui et déposa un baiser chaste sur sa joue.

— J’t’aime.

D’ailleurs, ses bras se refermèrent autour du Hapien.

— J’te ferai pas de mal. Promis.

Pendant quelques minutes, il s’autorisa à rester là, avec Luke dans ses bras, une main au creux des reins du Hapien, l’autre perdue dans ses cheveux, avant de le libérer de cette étreinte dont la tendresse salvatrice contrasta heureusement pour lui avec le tumulte de ses émotions. Leurs sacs remplis, ils prirent la direction de l’astroport et, bientôt, à bord d’un vol commercial, ils sautaient dans l’hyperespace en direction de Coruscant. Le trajet ne durait que quelques heures et, ainsi, ils n’avaient pas de cabines : ils avaient pris place sur l’une des rangées de siège qui remplissaient le navire, à côté d’une femme d’affaire qui consultait des chiffres à n’en plus finir sur son datapad. Derrière eux, une famille. Devant eux, un vieux couple.

L’entourage ne se prêtait guère à la discussion, alors Karm appuya sa tête contre son siège, ferma les yeux et se plongea dans la Force. De temps en temps, pendant cette longue méditation, une vague de tendresse gagnait Luke, comme une caresse de l’âme, et lorsque le vaisseau sortit de l’hyperespace pour entamer son approche vers l’un des immenses spatioports du monde-capital et que Karm rouvrit les yeux, il était considérablement apaisé.

Bientôt, ce fut la cohue des grands halls d’embarquement, les voyageurs stressés et pressés, les douanier suspicieux, toutes les espèces de la Galaxie qui se bousculaient là. Karm resta tout près de Luke pour pouvoir conduire l’aveugle en toute sécurité vers leur prochain vol et ce fut à nouveau les rangées de sièges, à nouveau les heures de méditation, jusqu’à ce que, enfin, ils émergent, un peu hébétés, de l’astroport central de Naboo, sous l’éclat lunaire du soir tombé. Tout, ici, était beaucoup plus calme.

— J’crois qu’si j’avais dû rester assis une heure de plus dans un de ces sièges, j’aurais perdu l’usage de mes jambes. Çà va que j’suis compact, quoi, j’aimerais pas faire deux mètres vingt dans un vaisseau pareil. Hmm… Par là.

Le petit hôtel que les Jedis utilisaient ordinairement sur Naboo était un établissement simple mais charmant, dont la propreté était le principal luxe. Après avoir réglé trois nuitées en avance, les deux Chevaliers gagnèrent leur chambre, où deux lits simples étaient séparés par un double chevet. Karm laissa tomber son sac au sol et réprima tant bien que mal à un bâillement, d’ennui à cause du voyage, plutôt que de fatigue.

— Bon, c’est exclu d’aller poser des questions à Harmonia à cette heure-ci, idem pour les administrations et tout. Par contre, fureter un peu dans les bars un peu louches de Naboo pour savoir ce qu’il s’en dit, ça paraît possible, pas vrai ? ‘Fin, le truc, c’est juste que… S’il faut prétendre être des criminels et tout, faut que je te prévienne que jouer la comédie et mentir, c’est pas exactement mon point fort...

Mais alors vraiment, vraiment, vraiment pas.
Luke Kayan
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Il y a 13 ans, Hôpital L'espoir, centre-ville de Coruscant
Cinq jours après l'hémorragie interne de Luke, suite aux mauvais traitement infligés par sa mère.
Trois jours après son réveil suite à un coma induit par le médecin en chef qui voulait éviter l'extension des dégâts.
Six jours après avoir été retiré de cette dernière.

- Bonjour Luke, c'est Carole, l'infirmière. Comment te sens-tu?
- ...
- Tu ne vas pas parler non plus aujourd'hui?
- ...
- Dis-moi pourquoi tu ne veux pas, je te laisserai tranquille.
- Papa dit qu'on ne doit pas parler aux inconnus. Il faut obéir à papa. Sinon il va me renvoyer chez elle.
- Chez ta maman?
- Chez elle.
- Non mon chéri, tu ne retourneras pas là-bas, c'est promis. Alors comment te sens-tu?
- ...
- Encore ce silence ? Pourquoi cette fois?
- Il n'y a rien à dire.
- D'accord, essaye de manger un peu, cet après-midi ton papa et ta belle-maman viendront te voir avec le docteur.

***

Hôpital L'espoir, centre-ville de Coruscant, chambre 25.
10 jours après l'hémorragie interne

- Bonjour! Je t'apporte ton plateau-repas!
- Il est tard. On doit dormir, pour ne pas être puni.
- Il n'est que 14h00 Luke.
- Alors ouvrez les volets, s'il vous plaît.
- Il sont ouverts mon coeur.
- ... Quand est-ce que je sortirai de l'hôpital?
- Quand le docteur le dira, tu as été sérieusement blessé.
- Bah, ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.

***

Hôpital L'espoir, centre-ville de Coruscant, bureau de la psychologue, Missi Carlson
25 jours après l'hémorragie interne.

- Bonjour Luke, je m'appelle Missi, je suis une psychologue, sais-tu ce qu'est une psychologue?
- Bonjour. Non, je ne sais pas.
- C'est une personne qui aide les gens à se sentir mieux.
-- Pourquoi est-ce que vous êtes venu me voir?
- Parce que tu dois te sentir mal après tout ça, non?
- C'est interdit.
- Non bien sûr.
- ...
- Et bien?
- Vous mentez.
- Pourquoi dis-tu cela?
- Parce que c'était interdit, à la maison. C'était même très interdit.

***
Hôpital L'espoir, centre-ville de Coruscant, bureau de la psychologue, Missi Carlson
27 jours après l'hémorragie interne.
2 jours après la dernière session avec Missi Carlson

- Alors, comment vas-tu aujourd'hui?
- Bien. Aujourd'hui, j'ai appris 5 lettres.
- Oh c'est fantastique. Écris-les moi s'il te plaît.
- Pourquoi? Vous ne connaissez pas le braille, non?
- Non, c'est vrai.
- Ça ne va pas vous servir.
- J'aime apprendre.
- D'accord.
- Est-ce que tu vas mieux, alors?
- Oui, ça va.
- Est-ce que tu as compris ce dont on a parlé avant-hier?
- Oui.
- A-t-on le droit de te faire du mal ?
- Non.
- Même si tu as fait une bêtise.
- Même si j'ai fait une bêtise, même si je comprends lentement, si je me trompe ou si je n'ai pas envie de faire quelque chose.
- Personne ne peut t'insulter ou te faire du mal, Luke. Dès le premier signal, tu dois parler avec un adulte. Jamais, ne laisse jamais qui que ce soit le faire, même si c'est juste une fois.
- Oui.

****

- Je te crois. Moi aussi je t'aime

Les yeux de Luke papillonnèrent, il poussa un petit soupir et accepta la main contre ses reins. Il sourit faiblement mais sincèrement et hocha la tête. Naboo, c'était une bonne idée. Le voyage fut pénible et le Hapien recourut à la technique un peu lâche mais ô combien efficace de déplier sa canne pour la poster entre ses jambes. Certains sans-gêne continuaient de bousculer leurs sièges pour aller aux toilettes ou acheter des sucreries dans les machines du vaisseau, voir étirer leurs jambes ou passer le temps, cependant, la majorité faisaient attention. Luke se sentait heureux de savoir que quelques idiots l'évitaient en décrivant un très large cercle autour de sa personne- on lui avait un jour décrit la méthode.- par peur d'être contaminés. Dans l'astroport bondé, il usa de la même technique, se laissant en plus guider par Karm avec un soulagement non dissimulé. Le contrecoup de l'artefact pesait encore suffisamment pour qu'il évince sa honte de se servir ainsi de son ami comme d'une seconde canne. D'autre part, inconsciemment, c'était sans doute aussi, une façon de resserrer leur lien, ou de s'assurer qu'il était toujours solide. D'offrir à Karm un rôle valorisant de guide, tout en se sentant chouchouté. Des fois, cela faisait du bien, surtout quand son compagnon et lui-même avaient failli se faire tuer.

À l'hôtel, Luke apprécia l'odeur du propre. Il posa son propre sac et s'assit sur le lit, lui aussi se sentait groggy, d'autant plus qu'il n'avait pas vraiment dormi, plutôt somnolé, assailli par des souvenirs disparates- heureusement traversés par des ondes douces et chaleureuses émanant de Karm, parfois- remontant à sa prime enfance sans qu'il ne sache pourquoi. Toutefois suffisamment remis, le Chevalier avait bien l'intention de continuer à mener l'enquête, et contrairement à Karm, il s'était découvert une certaine capacité pour jouer depuis que par hasard, tout comme la médecine, il avait été emmené à infiltrer.

- Ne t'inquiète pas, ça, c'est mon rôle.

Bien que ce soit un peu tardif, les deux Jedis purent réaliser quelques achats, rien de bien fou, un tee-shirt lâche, un jean simple, et du maquillage. Luke se transforma à nouveau en Lou, le jeune drogué et dealer, voyou de bas étage qu'il avait déjà incarné. Sans se cacher de sa canne, bien au contraire, il s'apprêta à sortir de la petite ruelle tranquille qui lui avait servi de loge pour se changer. Sans chercher à viser trop haut, Luke abordait la mine d'un adolescent sur le mauvais chemin, au moins, l'avantage étant que son aspect androgyne trouvait son explication dans l'âge du personnage incarné, tout comme sa minceur démontrait qu'il appréciait un peu trop les drogues. Le maquillage faisait le reste.

- Je ne connais pas du tout Naboo, sur Coruscant j'avais effectué des repérages pendant des semaines, et appris les plans par coeur. Ici, j'y vais littéralement à l'aveugle, alors j'aurai besoin de toi. Si tu ne te sens pas apte à trop jouer le rôle, ne t'inquiète pas, contente-toi d'avoir constamment l'air fâché, et escorte-moi. Ta présence est justifiée, après tout.

Certes, Karm n'avait pas l'attitude d'un garde du corps que les gros bras du coin avaient l'habitude d'embaucher, mais en y regardant de plus près, n'importe qui pourrait voir la stature athlétique de ce dernier, la même silhouette que Luke abordait quoique plus discrètement, héritée d'un entraînement assidu. En son âme et conscience, le jeune homme soupçonnait les fameux loubards marqués de tatouages qu'ils ne tiendraient pas deux minutes face au Jedi qui l'accompagnait, autant pour enquêter que le guider et jouer un rôle.

- Bon, supposons que nous sommes des paumés qui ont débarqué dans le premier cargo venu parce qu'ils cherchent du boulot, et qu'ils ont entendu dire que certains laboratoires ne sont pas trop regardants sur les cobayes qu'ils recrutent pour tester un nouveau vaccin, le nom d'Harmonia pourrait finir par tomber. Dans le meilleur des cas, ils sont aussi plongés dans le trafic de drogue, via médicaments, pour financer leurs recherches, aussi bien pour créer des virus que des vaccins... Même si ça m'étonnerais car ils ont l'air assez subtils, en plus de tenir à leur réputation. Cela dit, on ne perd rien à essayer, et de toutes manières, en creusant vraiment du côté "recrutement de cobayes prêts à tester n'importe quoi sans demander de dédommagements pour une somme modique" on pourra au moins trouver une piste. Tu es prêt? Des questions?

Lança le blond en imitant plutôt bien le Trandoshan dans son attitude "posez-mois des questions si besoin mais pas trop", si on ne prenait pas en compte la voix lourde du reptile. Le Jedi eut un petit sourire d'encouragement pour Karm. Il savait que ce dernier n'était pas à l'aise dans ce milieu, lui non plus, seulement les bas-fonds devaient regorger d'informations intéressantes.
Karm Torr
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Autour de l’astroport de Naboo, plusieurs tavernes peu fréquentables attiraient la population interlope de la capitale. Même le quartier le plus famé de la ville échouait cependant à susciter le quart du sentiment de danger qui étreignait les visiteurs infortunés de certains recoins sombres de Coruscant, et plus encore de l’Empire Hutt. Même les planètes calmes et prospères avaient leurs criminels, mais cette criminalité-là avait quelque chose de moins menaçant que les habitants des bouges les moins reluisants de la Galaxie.

A défaut de pouvoir adopter une mine patibulaire, Karm s’était paré d’un air froid et distant, une attitude que son physionomie ark-ni et son flegme naturel lui offraient facilement. Comme il n’avait pas l’air de trop s’inquiéter d’être mêlé aux malfrats de la ville, chacun en déduisait qu’il avait de bonnes raisons d’être tranquille. La plupart des bandits de la Galaxie apprenaient à ne pas se fier aux apparences : la vie était pleine de surprise et nul n’avait besoin d’être un Wookie de deux mètres pour vous caler un vibrolame empoisonné au creux des reins.

Les deux Jedis avaient parcouru les rues à la recherche d’un établissement qui leur parût prometteur, après que Karm eut approuvé le plan de Luke. Il avait un peu l’impression que cela revenait à chercher une solution au petit bonheur la chance mais il faisait confiance au Hapien pour adopter la stratégie la plus adaptée et il était en quelque sorte soulagé de se voir reléguer au rang d’un tout relatif M. Muscle.

— Ici, murmura-t-il soudainement, poussé par une intuition inexplicable.

En bon mystique, Karm croyait aux intuitions plus encore qu’à l’exercice de la seule raison. L’Ordre Jedi était du reste peut-être la seule organisation où « j’y suis allé au feeling » constituait une explication acceptable. La Force est une guide précieuse et si tous les Jedis n’acceptaient pas de s’en remettre à ces impressions fugitives avec une foi aveugle, ce genre de ferveurs demeurait parfaitement admis au sein de l’Ordre. Sans hésiter, Karm franchit la porte de l’établissement.

— Ah.

Une musique entêtante montait d’une petite estrade dans un coin.

— Oh.

Karm toussota nerveusement et souffla tout bas à l’intention de Luke :

— C’est, euh. Un bar à strip tease. J’avais compris, précisa-t-il à tout hasard, au cas où son compagnon s’imaginait qu’il avait choisi sciemment l’endroit pour pouvoir admirer les sculpturales jeunes femmes toutes dévêtues qui se déhanchaient avec une sensualité il est vrai fort captivantes sur des estrades régulièrement espacées.

Karm, qui n’avait rien d’un pudique, peinait néanmoins à comprendre l’intérêt d’un tel endroit. Le désir pour lui n’était pas une affaire de chorégraphie : il devait naître dans des circonstances naturelles. Tout progressiste et sensuel qu’il fût, la logique qui consistait à orchestrer la sexualité, du strip-tease à la pornographie, si elle ne lui paraissait pas dans l’absolu strictement condamnable, lui semblait néanmoins aboutir à des résultats beaucoup trop artificiels pour être utiles.

Les deux garçons s’installèrent au bar. Une Nautolane qui avait dû passer au fil des années de l’estrade au service prit leur commande. Et maintenant ? Qu’étaient-ils censés faire ? Attendre ?

— Qu’est-ce que ça fout dans un bar un gonzesse, un aveugle, hein ?

Au moins, on s’intéressait à eux.
C’était positif.
Sans doute.

Soucieux de tenir son rôle, Karm répliqua aussitôt :

— Tu lui parles encore comme ça, je te racle le crâne avec tes dents de devant.

En réalité, s’il s’agissait d’être cassant et un peu impressionnant, la répartie ark-ni pouvait bien suffire. Le jeune homme posa un regard glacial sur leur interlocuteur, un type d’une trentaine d’années avec un beau sourire d’arnaqueur. L’autre leva les mains en signe d’apaisement et enchaîna :

— Du calme, du calme, je posais la question par pure curiosité. Faut pas démarrer au quart de tour. C’est quoi ton petit nom ?
— Ard.

Un peu paniqué, Karm s’était contenté de mélanger les sonorités de ses différents prénoms, au moment d’en donner un faux, sans se rendre compte du sens que celui-ci revêtait.

— Hard, hein ? C’est prometteur, dis moi.
— Hein?
— Si tu cherches ce genre de boulot, j’pense que je peux te mettre en contact avec des gens. T’es venu au bon endroit. Tu fais tout ? Meufs, mecs, hermas ? Top et bottom ? Interespèces ? Gungan, ça te branche ou pas ?

Karm n’avait aucune idée de ce qu’on pouvait bien être en train de lui raconter, alors il se contenta d’un regard hostile, en espérant de tout son cœur que Luke volerait à sa rescousse.
Luke Kayan
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Lui-même n'avait pas compris la moitié des types de prostitutions proposés par le recruteur mais connaître l'activité avait suffit à Luke qui réagit aussitôt, d'un air tranquille, presque amusé tout en restant très clair.

- Hey calme ta joie, j'prête pas son petit cul.

Une fois n'est pas coutume, Luke avait décidé de jouer de leur relation en l'affichant. Il savait qu'un aveugle engageant une "gonzesse" en guise de garde du corps n'était pas très crédible, en plus de le faire franchement passer pour un sans-le-sou. Au moins, le barman les imaginaient unis par l'amour... Ou plutôt la drogue et des affaires louches vu le quartier. Ils avaient un soutien, n'étaient pas seuls. Et il était plus difficile de corrompre un petit ami qu'un garde du corps plus volubile. D'un air possessif Luke porta sa main au joli "cul" victime de son succès, accompagnant le tout d'une onde d'excuse qui traversa ses doigts pour effleurer l'esprit de son ami. Le recruteur abandonna d'un haussement d'épaules. Il n'essayait jamais de convaincre une moitié... Du moins, lorsque l'autre moitié était encore présente. Ce serait pour plus tard, éventuellement. Au lieu de ça, il se saisit d'un verre déjà sale pour mieux le resalir avec un chiffon qui aurait déjà dû avoir le droit à sa retraite.

- Tu ferais mieux de pas chanter ça mon p'tit, tout le monde n'accepte pas.

- Justement, je sais qu'ici, ce n'est pas tout le monde.- Voyant qu'il avait piqué la curiosité de l'autre, également "touché" par le compliment à peine voilé, Luke s'empressa de continuer.- [color=#ffff00]J'explique: on a débarqué de Coruscant et on vient tâter le terrain. Parce qu'il y a des affaires juteuses à se faire ici et l'herbe est bonne- Le blond fit mine de s'amuser de sa propre blague, sachant que la nature de Naboo était reconnu dans la Galaxie entière. Des familles, souvent aisées, venaient tenter leur chance ici, afin de vivre le rêve de Naboo.- On débute, ok, mais j'ai de l'argent, un cerveau, une gueule d'ange et.- Dans un petit "cling" la canne d'aveugle repliée du Hapien connut son heure de gloire sur le comptoir étonnamment brillant. Le jeune homme fit rouler un doigt dessus, comme s'il caressait quelque chose de particulièrement précieux.- et les ailes qui vont avec.

Ñaki- qui devait son surnom à cause de son amour immodéré pour la nourriture exotique- fixa les deux étrangers, de plus en plus intrigué. Le jeunot utilisait les armes contraires aux loubards de Naboo. D'abord en affichant clairement sa relation avec son aîné, ensuite en avouant débuter dans le business, puis en brandissant son handicap comme un avantage. Il ne ressemblait pas au drogué qui justement, ne voyait pas plus loin que le bout de son bâton. Comme le trentenaire flottait entre deux eaux, hésitant à informer l'inconnu, ce dernier sorti une liasse de billets, pas trop importante -leur interlocuteur restait un barman et ils ne devaient pas avoir l'air désespérés.- mais suffisante pour faire saliver celui qu'on n'avait jamais soudoyé. Ce genre de propositions était normalement réservé à ses supérieurs, cependant, aligné sur ses habitudes, le Hapien visait le bas du panier, jugeant que les "petites gens" avaient des choses plus intéressantes à lâcher que les gros requins déjà bouffis de nourriture. Ñaki pour sa part s'était enfin détendu, quittant son air glacial pour adopter une lueur amusée. Il ne savait pas si ces deux-là perceraient ou se feraient tuer le soir-même et le dénouement de l'intrigue semblait avoir fait baisser ses armes, du moins en partie. Un gamin qui confessait ses faiblesses n'avait pas de raison de mentir, il devait avoir effectivement pas mal d'argent. Sans doute un de ces gosses de riche à la vie trop facile qui avait décidé de se rebeller contre papa et maman.

- Y'a du nouveau ouais. Une pastille faite avec des médocs tombés du vaisseau, un nouveau labo super en vogue en ce moment, ils ont sauvé toute une ville, peut-être même la planète. Tu parles, du charabia, mais qu'importe. Les Raffineurs ont découvert que leurs médocs délivrés sans recette peuvent être détourné. J'peux te dire que c'est puissant. 'Fin j'ai juste testé une fois ou deux.- Se rétracta l'homme après avoir démontré un -trop- bel enthousiasme. Il voulait clairement se différencier de ces drogués sans dignité. Lui contrôlait, il prenait des pastilles pour le plaisir, non par dépendance.- Les raffineurs en avaient ras-le-bol du monopole des bâtons de la mort de Coruscant- sans offense les mecs.- donc ils ont crée local.

L'homme eut un petit sourire satisfait. Il aurait aimé quitter ce bouge rempli de retraités richards qui étendaient leurs villas sur les flancs de la campagne de Naboo, mais ne pouvant se permettre ce voyage, il se contentait de mépriser leur concurrence totalement déloyale. Coruscant avec ses immenses allées, ses différents niveaux était le royaume des hors-la-lois. Ici, le bar de streaptise avait beau être un point central de la pègre de Naboo, il était très "soft" en comparaison avec ceux vraiment mal famés de l'immense métropole.

- Y'a un boulot intéressant pour commencer?

- Le circuit de revente est complètement fermé, crois-moi. Et n'essaye même pas de poser la question.

- Outre ça, naturellement.

- Bah, le bâton marche encore mais il est saturé quoi, n'importe qui fait ça... Même les ados de 13 ans dans le coin, donc un étranger a aucune chance. Sinon on peut reparler de ma proposition. Toi aussi tu pourrais en regardant de prêt.


Le maquillage le trompa un peu, mais Ñaki songea que malgré sa minceur, le jeune homme n'était pas si mal, il avait même du potentiel.

- Hors de question, on ne trempe pas dans ça.

L'homme jeta un regard déçu à l'Ark-Ni, qui était toujours sa proie favorite avec ses yeux et cheveux exotiques, sans parler de son corps athlétique malgré une finesse androgyne. Un éclat de dédain passa dans ses prunelles et pulsa dans la Force. Tous les drogués refusaient dans un premier temps la prostitution, mais bientôt le blondinet supplierait son "petit cul garde du corps" de monter sur la scène pour remuer ce dernier. C'était le schéma classique.

Ñaki serra les mâchoires et ne lâcha plus rien. Luke commanda un cocktail puis le paya après avoir fait mine de le boire. Ce soir, ils n'obtiendraient rien de plus.

- Demain nous reviendrons.

Souffla-t-il à son ami, et ainsi agirent-ils. Malgré lui, Ñaki se déridait avec l'étrange couple qui venait l'occuper. Ils consommaient peu mais lui parlaient de Coruscant, bien que Luke mentait sur certains points. Il se servit de sa première infiltration pour lui raconter son aventure dans les bas-fonds, évitant bien sûr le côté Jedi de l'affaire. La planète-lumière était un vrai projet pour Ñaki qui confia même avoir songé se ranger, faire des études une fois son billet payé pour aller dans la meilleure école d'hôtellerie qui existe.

- Hey les gars, j'sais que vous consommez peu, et j'vous aime bien, mais le patron commence à s'irriter.

- Justement, j'suis à sec, allez Ñaki, file-moi un piston.

Luke sentait que l'homme était sur le point de craquer, mais si cela n'arrivait pas au bout du troisième jour, Karm et lui devraient disparaître et tout recommencer ailleurs, ce qui ennuierait fortement le Chevalier, évidemment. Par chance, le trentenaire décida de se confier à ces deux amis faits si rapidement, autour d'un verre.

- Bon si tu peux pas la revente, ni la prostitution, y'a encore un moyen. Tu te rappelles du labo victime de détournement?

- Oui.

- Bon, ils cherchent constamment des paumés pour leurs essais cliniques. Des désespérés. C'est pas payé cher, c'est risqué et en plus c'est légal. J'veux dire, qu'ils prennent tes données et font ça assez bien... Donc gaffe.

- Papiers, j'ai. C'est quoi le nom de cet endroit?

- J'pensais que vous l'auriez découvert depuis le temps que vous traînez par là. Harmonia. J'pense que tu peux tenter, t'as l'air en... Bonne santé?

Luke hocha la tête, un sourire de prédateur se dessina sur les lèvres de Ñaki. Amitié? Que nenni, il avait fait moussé le couple le temps de trouver une combine, le bon contact. Pour envoyer l'un d'eux, voir les deux au laboratoire, on le payerait grassement. Et dire que le blond croyait lui avoir enfin tiré les vers du nez.

- J'connais un gars. Revenez demain.

Le jeune homme remercia le trentenaire puis quitta le bar en compagnie du Chevalier Turquoise, il était soulagé de retrouver l'air frais. Le lendemain, il était posté au point de rendez-vous, à côté de poubelles malodorantes. Finalement, il avait été décidé que seul lui se rendrait au laboratoire, car Ñaki ne voulait pas prendre de risque avec ce couple décidément uni. Qui savait s'ils allaient monter un raid pour voler des médicaments directement à la source ou autre. L'aveugle lui inspirait davantage confiance que l'homme aux cheveux bleus dont les premières paroles -une histoire de dents raclant le sol- raisonnaient encore inconsciemment dans son esprit.

- Je vais infiltrer le laboratoire, sans doute une minuscule filière, pas de quoi trouver grand chose mais c'est mieux que rien. Demain on m'emmènera là-bas, probablement avec un bandeau sur les yeux -si tu vois ce que je veux dire.- et lorsque je reviendrai, j'aurai l'adresse. Toi, fouine pour en savoir plus sur la "locale" - la drogue s'appelait communément ainsi.- Si le laboratoire était finalement mêlé à cela, on les tiendrait au moins par ce bout avant d'élucider le reste. Essaye d'en apprendre plus sur sa composition, les prix et ce qu'Harmonia fait à ce sujet.

Luke était conscient de diriger en grande partie cette enquête, seulement, c'était lui qui connaissait davantage le milieu, plus que ce qu'il ne l'aurait pensé. De fait, les réflexes acquis pendant des mois de préparation à coups de conseils d'acteurs, de documentaires et de leçons sur les drogues à Coruscant, lui étaient revenus assez rapidement. Lou était un personnage avec diverses variantes, y compris sur Artorias, en tant que voyou débutant puni par papa et maman, il faisait partie de sa vie quelque part. Aujourd'hui, avoir Karm à ses côtés le rassurait toutefois, et le poussait aussi à se surpasser.

- Deux dernières choses: que la Force soit avec toi, et je t'aime.


***

Par ce même matin froid, la grande brute, peu maligne, se jugea fine en ajoutant, par mesure de précautions, un bandeau puant sur les yeux de Luke. "au cas où si tu flein... Frein... Bref qu'tu ferais semblant mec". Docilement installé dans la navette, le Hapien attendit simplement d'arriver à destination. Il était attendu pour faire un bilan sanguin et quelques tests, afin de confirmer sa capacité à participer aux essais cliniques. Le blond fut aussi surpris que déçu de remarquer que le laboratoire respectait le protocole, lui demandant ses papiers- faux mais bien faits.- et exigeant une prise de sang. Luke essaya de plaider sa cause en rabaissant le prix, et en proposant de ne laisser aucune trace de son passage, ce qui signifiait qu'il ne pourrait rien réclamer en cas de problèmes, cependant la filière fut intraitable, on lui retira du sang. Luke fouilla dès qu'on le laissa seul, son handicap aidait à faire baisser la garde mais il le limitait aussi en ce qui concernait d'éventuels papiers compromettant. L'ordinateur en tout cas ne révéla rien et ce fut bredouille que Luke fut ramené à son point de départ. Avec une joie dissimulée à grande peine, le Jedi retrouva son collègue et compagnon quelques heures plus tard. Il le salua tout en l'entraînant dans une ruelle peu courue.

- Une bonne nouvelle et une mauvaise: La première, je sais où c'est: Deux chansons, "Rock in the star's" et "la Twi''Lek et son bantha", on pourra trouver la durée de ces œuvres d'art sur Holonet. Un virage à droite, à la moitié de la première, puis deux à gauche au cours de la seconde. La navette s'est pile arrêté sur les dernières notes. C'est tout prêt, 5 ou 6 minutes tout au plus. Il n'y avait pas de circulation et nous avons dû descendre du véhicule avant, j'imagine une ruelle étroite, car les échos se transmettaient particulièrement bien. Deux marches pour entrer, une porte étroite, beaucoup de courant d'airs donc on cherche une maison plus qu'un appartement, sans compter que j'ai senti des produits chimiques venant d'en haut. Je pense une vieille baraque réhabilité, le sol craquait, et il y avait une odeur de peinture neuve. Donc rénové depuis peu.

Tout cela n'étaient que des suppositions évidemment, mais Luke était, comme tout aveugle attentif, doué pour ce genre de choses, sans oublier qu'il avait été entraîné par des Jedis, et que la grosse brute avait finalement, par pure flemme, évité de faire les habituelles rondes servant à étourdir les futurs cobayes. Moins de précautions pour une personne capable de se diriger sans voir, c'était une aubaine.

- La seconde nouvelle: Ils m'ont fait une prise de sang et risquent d'y trouver un taux de midichloriens assez élevé pour soulever des soupçons-d'autant plus que son propre pourcentage était justement très haut. Ces fameux petits êtres pullulaient littéralement dans le sang du Hapien. Inutile de faire croire a une personne inconsciente de ses pouvoir ou pas repérée.- Alors on va devoir se dépêcher avant qu'ils ne l'analysent. Toi, tu as pu trouver quelque chose?
Karm Torr
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Il tentait de ne pas le laisser paraître, mais Karm aimait bien Lou. Ou plutôt que Lou, il aimait bien sentir la confiance entreprenante qui libérait Luke, quand ce dernier interprétait son caractère. L’entendre défendre son « petit cul », et sentir la main possessive qui s’accaparait la priorité, avait éveillé chez l’Ark-Ni une excitation qui ne manquait pas de le perturber un peu. Au fil des jours, quand il pensait à ce que Naki devait s’imaginer de leur relation, à lui le garde du corps muet et soumis, et à Luke, le beau parleur brillant et sûr de lui, il se prenait à imaginer un Luke qui conquérant, qui une fois de retour à l’hôtel, l’aurait jeté sur le lit pour donner libre cours à ses instincts prédateurs.

Etait-ce l’artefact du Côté Obscur qui avait aussi réveillé en lui ce désir étrange de s’offrir ? L’excuse était facile mais Karm avait un peu honte. Il avait peur que ces envies ne suggèrent qu’il était incapable de se satisfaire de Luke tel qu’il était dans la vraie vie, effacé et timide. Peur aussi d’être un pervers, une idée qui ne l’avait jamais effleuré et qui commençait désormais à faire son chemin dans son esprit. Si la sexualité était la porte empruntée par le Côté Obscur pour tenter de le séduire, ne devait-il pas nécessairement en déduire que la sienne était déjà corrompue en quelque manière ?

L’enquête avait ceci de salvateur qu’elle lui permettait de se distraire de ces questions épineuses. Il n’avait pas le sentiment d’y apporter une contribution vraiment considérable mais, la journée, il consultait scrupuleusement les documents que Luke avait identifiés comme dignes d’intérêt et, la nuit, il remplissait finalement à merveille le rôle simple du protecteur taciturne. Les regards prédateurs que Naki posaient sur lui ne lui disaient rien de bon et il commençait à se demander combien de jeunes gens imprudents le barman avait expédiés dans les obscurs bordels volants, ces croisières des plaisirs interdits qui offraient dans l’espace où personne ne vous entend crier des divertissements sordides à quelques riches clients peu regardants.

Adossé désormais au mur d’une ruelle, après avoir remué de fond en comble la capitale pour en apprendre plus sur la fameuse grande, Karm attendait son compagnon, la tête pleine d’hypothèses à demi-formées. Ils étaient engagés dans cette phase si frustrante des enquêtes, où les pistes paraissaient interminables et incertaines, au point que l’on en oubliait presque ce qu’on était venus faire là. Les affaires s’imbriquaient les unes dans les autres. Ils avaient découverts des petits trafics, sans savoir lesquels seraient essentiels ou accessoires. Le Gardien espérait qu’Ekkt avait plus de chance de son côté.

Quand Luke fit son apparition, Karm le suivit dans une autre ruelle et écouta attentivement le rapport de son compagnon.

— Hmm. Ca a l’air classique. Apparemment, les labos testent en toute discrétion, parce que les cobayes se font rares et qu’ils veulent éviter de se les faire piquer par la concurrence. J’ai croisé quelques junkies qui ont l’habitude de faire la tourner des bancs d’essais, mais qui se font bouler à chaque fois. Plus le temps passe, plus les labos durcissent les critères d’acceptation, pour éviter que le gouvernement se penche de lui-même sur la question et se mette à vouloir tout contrôler. C’t’une sorte d’équilibre délicat.

C’était là un monde fort éloigné du sien, lui qui jurait d’abord par les herbes médicinales et ensuite par la Force. Au Temple, on n’employait les médicaments qu’avec une grande parcimonie et, d’ailleurs, les Guérisseurs fabriquaient eux-mêmes l’immense majorité de ce qui était nécessaire à l’Ordre. Plus il en découvrait sur le fonctionnement de l’industrie pharmaceutique de Naboo, plus Karm jugeait que c’était une excellente chose.

— Il paraît que la Locale est fabriquée par d’anciens employés d’un peu tous les groupes du coin, qui ont jugé qu’il y avait plus à se faire dans l’économie parallèle. Donc plutôt des employés mécontents que des agents des labos. Mais on sait jamais, autant aller voir du côté de ton site de test, avant que ça se bouche de ce côté-ci pour nous.

Ils sortirent donc du dédale de ce quartier ainsi pour retrouver leur speeder de location, un engin qui n’avait pas fière allure mais qui suffisait amplement à leurs trajets urbains. Une fois à bord, avant de démarrer, Karm posa une main sur la cuisse de Luke, la caressa doucement du pouce à travers le pantalon, communiquant aussi son affection à son ami à travers la Force.

— Content que t’aies pas fini injecté à l’impromptu avec on sait pas trop quelle substance.

La main s’envola pour regagner le guidon et il alluma les réacteurs. L’ordinateur de bord eut tôt fait de retrouver les deux chansons identifiées par Luke et, en suivant scrupuleusement les indications de l’Hapien, Karm navigua dans les rues de la ville. Ils rejoignirent rapidement un quartier historique, qui avait connu des jours meilleurs, mais où des travaux de rénovation battaient leur plein. Différentes entreprises s’installaient là, du moins pour des locaux secondaires, tandis que des particuliers sautaient aussi sur l’occasion, avant que la seconde vie du quartier ne fasse à grimper les prix en flèche.

Lorsque Karm coupa le moteur, rien n’indiquait que la maison banale devant eux abritait un site de test. Toutes légales que fussent les activités qui s’y déroulaient, la discrétion semblait bien de mise. Mais il suffisait de considérer les gens très différents qui en sortaient régulièrement, avec leurs accoutrements trop modestes pour appartenir à des riverains de ce coin-là de la ville, pour déduire qu’ils étaient arrivés à bon port.

Karm sauta du speeder. Puisque l’infiltration de Luke n’avait rien donné de plus que l’adresse elle-même et que le sang du Consulaire finirait bientôt par les trahir, si ce n’était déjà fait, le plus simple était encore d’y aller franchement et par la grande porte. Si Harmonia ne conduisait vraiment que des entreprises légales, il n’y aurait pas de raison de se soustraire à une investigation jedi et, dans le cas contraire, l’embarras des employés serait une indication suffisante.

Les deux Jedis gravirent donc les quelques marches du perron et pénétrèrent dans la maison. De l’autre côté, dans un petit accueil typique des cabinets médicaux, ils tombèrent sur une secrétaire qui ne fit plus aucune difficulté, une fois qu’ils eurent exhibés leurs papiers d’identité, les vrais.
Luke Kayan
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Luke haussa les épaules, confiant envers ses capacités régénératrices: les Midichloriens allaient le trahir, mais en contrepartie, ils étaient actifs et le poison avait moins de prise sur lui qu'avant, comme ce jour où la drogue pris par accident l'avait directement mis à terre. S'il l'avait fallu, le Hapien se serait laissé injecter un produit pour essai clinique, il n'en serait pas mort, pas plus que n'importe quel pauvre hère dépourvu, prêt à vendre son corps. Le véritable danger résidait dans les essais répétés supposait-il. Cela dit, le blond apprécia l'inquiétude de Karm, et il le lui fit savoir via une onde douce.

- Au moins, on pourra faire dévier l'enquête que la Locale qui semble prendre de l'ampleur.

À défaut de mieux se retint-il de répliquer, sentant la frustration monter en lui. Il savait par expérience que la descente à visage découvert risquait de ne rien donner, mais il avait déjà décidé de ne pas apprécier Harmonia et cela l'énervait de ne pas mettre la main dessus. Leur piège sur Belsavis semblait si grossier, si évident, qu'il avait espérer tomber sur un laboratoire bouffi d'orgueil, semant des indices à foison, comme ce virus soudain auquel on avait offert un remède, lui aussi sorti de nulle part, ou plutôt... Du même endroit soupçonnait Luke.

Les deux Jedis entrèrent donc par la grande porte, si étroite fut-elle physiquement. La secrétaire qui les reçut se renfrogna en reconnaissant le blondinet qui semblait bien plus mal en point ce matin. Elle n'appréciait pas le fait qu'il leur ait fait perdre du temps en se faisant passer pour un possible intéressé par les essais. Sans doute songeait-elle ce processus fourbe, et l'infirmière devait penser pareil. Relativement douce il y a quelques heures, elle offrit à Luke un visage austère, et un regard qu'il pouvait sentir perçant malgré sa cécité. Sans céder d'un pouce, le Hapien se contenta d'expliquer d'un ton sévère que "c'était le protocole en cas de suspicion, et qu'Harmonia répondait à des critères élevés, que non, les preuves ne pouvaient être dévoilées, étant confidentielles et appartenant à un dossier en cours.". Rien ne laissait paraître qu'il bluffait, disposant en réalité de peu d'éléments.

- Nous avons eu vent d'une nouvelle drogue, appelée la Locale, et certains de vos employés seraient impliqués dans sa fabrication.

La mâchoire carrée de la dévouée Denaïa se contracta, touchée. Elle abhorrait le détournement des médicaments du laboratoire qu'elle servait fidèlement, et, au final, la conscience tranquille, abandonna un peu de son antipathie envers le Jedi, juste un peu.

- Je les soupçonne de prélever la fleur de Milla, nos médicaments en contiennent un pourcentage faible, totalement légal, mais ils achètent plusieurs comprimés pour extraire cette plante reconnue pour son utilisation à double tranchant. Rien de nouveau en somme. Beaucoup de drogues naissent ainsi et les laboratoires n'y sont pour rien. Quant aux coupables, si des employés rattachés à Harmonia sont impliqués, ils seront licenciés puis poursuivis sur le champ. Vous êtes là pour les trouver, c'est votre travail, n'est-ce pas, Chevalier?

Luke hocha brièvement de la tête, il ne se laissait pas démonter par cette femme haute, que l'on devinait musclée malgré des rondeurs apparentes, dû à un goût prononcé pour la bonne chair.

- Oui. Et pour se faire je compte sur votre entière collaboration. J'aurais besoin de voir divers papiers.


Plus discrètement, Luke se tourna ensuite vers Karm.

- Je m'occupe de la paperasse et toi, de la visite des lieux.

Un petit sourire encourageant effleura les lèvres du Chevalier. Lui-même ne croyait guère en la réussite de cette descente, il n'avait aucun moyen de vérifier si le laboratoire était honnête avec sa fidèle employée, ou si cette dernière le serait avec eux. Celle qui s'était révélée être plus qu'une simple infirmière, dirigeant, de fait, ce petit laboratoire fit tomber une pile de dossiers devant le visage du Hapien, si lourdement que ce dernier sursauta légèrement. Officiellement en mission, il activa un minuscule système qui passait un rayon bleuté sur les documents, les scannant, les enregistrant mais aussi les traduisant. Écouteurs aux oreilles, le chevalier écoutait la voix morne qui lui récitait une liste interminable de noms d'employés, d'âges, de situations et d'adresses. Naturellement, Luke était prédisposé à ce travail fastidieux, tandis qu'il laissait à l'explorateur, le rôle de l'explorateur. Il soupira, soupçonnant la "douce" Denaïa de lui avoir fourni absolument tous les dossiers du laboratoire, déjà nombreux malgré son ouverture récente. Ah il voulait fouiner le petit Jedi, et bien il allait avoir de quoi faire.

Luke prit le nom de plusieurs clients des essais acceptés et nota les adresses, afin de se rendre chez eux par la suite, pour prendre leur témoignage. Il savait que ceux-ci prétexteraient que tout était bien fait, y compris si ce n'était pas le cas, cependant le protocole était ce qu'il était et Luke, s'il l'imposait à tous, s'y astreignait lui-même. Ne restait plus qu'à espérer que l'un des concernés soit un mauvais menteur et que les deux enquêteurs puissent grappiller quelques miettes, sans parler de la mission "fleur de milla" qui venait de s'ajouter. Elle servait de prétexte, mais Luke avait envie de creuser là-dessous aussi, quitte à dévier un peu de leurs premières intentions. Ils avaient encore le temps, et le souci restait préoccupant. Deux heures après, le jeune homme pris congé de Denaïa pour une pause, enjoignant Karm à aller dans une cafétéria.

- Je suppose que tu n'as rien trouvé de particulier?... Humpf, je crains que Maître Ekkt va être bien déçu

Commença-t-il d'un ton légèrement timide, retrouvant sa personnalité habituelle. Le jeune Jedi n'aimait pas décevoir ses aînés, et pourtant, la piste se perdait. Il soupira, découragé. Enquêter sur la fleur de milla dérobée aux médicaments apparemment légaux d'Harmonia servait de bien maigre consolation, Luke avait une mauvaise sensation à propos de ce laboratoire et ne pas mettre la main dessus l'agaçait profondément. Il aurait aussi, inconsciemment, aimé mener Karm vers une victoire "éclatante", tout comme ce dernier avait pu le faire avec lui, lors de la découverte de cette planète désertique et finalement habitable. Aujourd'hui, le Hapien se frottait à un mur, et il avait entraîné le Chevalier Turquoise avec lui. Rien, aucune trace. Harmonia était-il vraiment au-delà de tout soupçon ou était-ce lui qui n'était pas assez doué pour trouver ce qui ne collait pas.

- Et je pense qu'il va moyennement apprécier que mon sang se retrouve dans leurs banques de données. J'avais vraiment pensé que ça valait le coup, que cette infiltration mènerait à du sérieux. Mais mis à part quelques témoignages pour la forme, il ne reste guère de pistes.


Luke commanda un café d'un ton morne au serveur qui venait prendre commande. Lui qui était habituellement neutre avait tendance, du coup, à s'obséder un peu avec les rares thèmes ou personnes qu'il jugeait négativement. Harmonia, depuis le début ou presque lui semblait suspect, il n'en démordait pas, et ce qu'il considérait comme un échec le frustrait d'autant plus. Là où le Jedi se serait félicité de trouver un peu de bonté réelle dans cette galaxie, de constater qu'un laboratoire était honnête, amoureux des citoyens et de leur bien-être, il se sentait aujourd'hui totalement insatisfait du résultat prometteur pour une société apparemment pas entre les mains de criminels.
Karm Torr
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— Non, c’est clean, autant que je puisse en juger, confirma Karm, en s’installant en face de Luke dans la petite cafétéria fréquentée en coups de vent par des employés pressés, et même banal, au bout du compte. Exactement ce à quoi on pourrait s’attendre, t’sais. Du matos médical, des sous-sols avec du matos médical. Tout est sur l’inventaire, tout est déclaré. Ils font des tests, ils ont une comité d’éthique, des personnalités extérieures qui vérifient les résultats, les accréditations de Naboo et de la République, bref, c’est super classique.

S’il y avait anguille sous roche, Karm était bien incapable de l’extirper. Réaliser pleinement l’audit d’un laboratoire ou même de l’une de ses unités était évidemment hors de sa portée mais il avait assez de bon sens pour juger si une piste était prometteuse ou non. En l’occurrence, force était de constater que rien n’offrait de prise en Harmonia. D’ailleurs, l’infirmière qui les avait reçus, en ayant appris qu’on soupçonnait certains des employés de son entreprise de tremper dans le trafic de Locale, avait promptement diligenter sa propre enquête, par le service de sécurité interne.

— Mais on est d’accord que y a quelque chose de… J’sais pas. Comment une impression, quoi.

Était-ce qu’il voulait trop croire en la perspicacité de Luke et que, face au mur, il refusait obstinément d’admettre que son compagnon s’était trompé en les entraînant à la poursuite de ce fameux laboratoire ou bien la Force leur soufflait-elle à tous les deux une vérité dissimulée, que leurs efforts rationnels et méthodiques ne parvenaient pas à découvrir ?

— Mais t’inquiètes pas, si y a quelque chose à découvrir, on le découvrira. Faut pas que ça te mine. C’est pas toi qui me dis tout le temps qu’une enquête est faite d’abord de frustration et ensuite de succès ? C’t’aprem, on fait un tour au QG de l’entreprise et on voit ce que ça donne. Allez, souris moi, t’es beaucoup trop mignon pour déprimer.

Et après cet argument imparable, le déjeuner fut rapidement expédié, pour permettre aux deux Jedis de se rendre au QG d’Harmonia, où leur arrivée avait été anticipée par les services de sécurité. Le siège administratif du laboratoire était situé dans l’un de ces gratte-ciels élégants qui formaient le centre-ville de la plupart des capitales planétaires des mondes prospères de la République. Sur quinze étages, les comptables le succédaient aux commerciaux, les commerciaux aux publicitaires et les publicitaires aux acheteurs. La plupart n’avait probablement jamais mis les pieds dans un laboratoire à proprement parler et ils administraient le commerce de médicaments comme ils l’auraient fait de chaussettes ou de bananes.

Un homme d’une quarantaine d’années, puissamment bâti, dont l’attitude suggérait assez l’ancien militaire, les attendait dans le grand hall du gratte-ciel. Il les salua d’une poigne de main vigoureuse qui inspirait confiance.

— Marval Santorin, chef de la sécurité. Je me suis penché un peu sur le cas ce matin.

En voilà un qui ne perdait pas son temps ni celui des autres. Tout en les guidant à travers les différents détecteurs qui servaient à la sécurité du bâtiment, Santorin poursuivit :

— Mes hommes et moi, on a passé en revue les employés mais c’est une grosse machine, même en éliminant tous ceux qui n’ont pas un accès direct et facile aux médicaments. On commence par isoler parmi les restants ceux qui ne sont pas là depuis très longtemps et mes gars procèdent à des entretiens, là.
— Vous connaissez bien les employés de l’entreprise, non ? Vous devez bien avoir une intuition, pas vrai ?
— Le truc, c’est que je suis pas là depuis longtemps, dit-il en leur ouvrant une porte de service qui conduisait sur un long couloir moins décoré que les parties plus publiques de l’immeuble, je remplace l’ancien chef de la sécurité, qu’a été limogé par les nouveaux propriétaires, après les attentats.
— Ah oui, on a entendu parler de ça. Comme quoi, v’z’avez été victimes de sabotage et tout.
— Ouais, une sombre histoire, du sabotage industriel de la part de la concurrence. C’est pas courant sur Naboo mais qu’est-ce que vous voulez, la compétition est rude et parfois, les autres sont désespérés. Ça a sacrément secoué l’entreprise qu’a perdu beaucoup de confiance chez les actionnaires. Pour ça qu’elle a été rachetée, et vous pensez bien que les nouveaux proprios ont cherché à faire le ménage.

Santorin ne révélait rien de secret : l’affaire avait été discutée par les journaux d’affaires qui s’occupaient des questions de Naboo.

— C’est qui, les nouveaux proprios ?
— Alors ça, pour être honnête, ça m’échappe un peu. Vous savez, c’est des histoires de finances. Holding de machin-chose, fonds d’investissement de ceci, société d’intérêts composée pour l’occasion. Je suis un type un peu plus terre-à-terre, si vous voyez ce que je veux dire. En tout cas, c’est pas mal apprécié, dans le coin, parce qu’ils ont pas parachuté un de leurs mecs venus d’ailleurs mais ils ont promu la nouvelle PDG, qui travaillait là depuis une vingtaine d’années. Ils ont pas faits non plus dans le remaniement de personnel sauvage, alors l’un dans l’autre, ça s’est plutôt passé tranquillement.

Santorin ouvrit la porte de son bureau, assez grand et bardé d’écran de surveillance. Au-dessus de son fauteuil, ses médailles militaires, au sein de l’Armée Républicaine, témoignaient de quelques hauts faits, dans l’infanterie.

— Bref. Asseyez-vous. C’est pas encore très clair pour moi ce que vous cherchez. C’est la Locale qui vous amène ou c’est juste une partie du problème ?
Luke Kayan
Luke Kayan
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- Je ne sais pas encore si je déteste quand tu reprends mes propres mots ou si j'apprécie.

Un faible sourire éclaira en effet le visage de Luke qui rougit également un peu, à cause du compliment à peine voilé de son ami.

Je suis en tout cas content que tu ressentes aussi que quelque chose ne va pas. Je ne voudrais pas m'obséder en vain parce que j'ai décidé, pauvre homme partial que je suis, de ne pas apprécier ce laboratoire.

Confessa le Jedi qui se leva pour amener son plateau au comptoir. Il y peina mais guidé par Karm, et tenant à un certain degré d'autonomie, il s'attacha à le faire seul. Cette mission serait probablement comme le chemin qui menait à la barre de cette cafétéria, semé d'embûches, inconnu, mais peut-être pas si loin. Si cela se trouvait, Karm et lui touchaient au but, mais ils tournaient en rond entre le poivre et le sel sans parvenir à mettre la main sur le bon serveur. Un soupir plus tard, et quelques heures plus loin, les deux Jedis se dirigeaient vers le siège de l'entreprise. Luke apprécia la voix profonde et sûre de leur nouvel interlocuteur, un certain Marval Santorin. Ce dernier les emmena dans un lieu calme et les fit s’asseoir. Insensible à la décoration, le Hapien entendit toutefois le discret "roûroû" d'un ordinateur ronflant ou d'une machine quelconque qui sommeillait sur ce qui devait être un bureau. Ses doigts ne s'aventurèrent pas loin mais ils ne rencontrèrent aucun obstacle, aucun dossier qui traînait, penchant sur un coin de la table lisse, Marval devait être un homme organisé.

- J'aimerais parler à la nouvelle PDG plus tard, ainsi qu'à l'ancien chef de sécurité s'il vous plaît.

- Pour la première ce sera difficile, elle est très occupée et pour le second davantage encore, nous avons perdu sa piste. C'est dans le cadre de l'enquête privée que nous nous sommes intéressés à son lieu de résidence ou à ses données. En fait, avant c'était un peu le bazar si vous me permettez l'expression. Une autre raison pour laquelle les employés sont en général content de la nouvelle direction. Pour l'instant, impossible de mettre la main dessus. Toutefois j'essayerai d'organiser ça.

- Merci.

Luke sortit un petit calepin ainsi qu'une petite pointe en alliage terni, il perça sa feuille pour noter les rendez-vous prévus, déconcentrant Marval quelques secondes, comme cela arrivait souvent quand on le voyait faire des trous avec une distance précise et des reliefs parfaitement maîtrisés.

- Hum, bref. Je disais donc la Locale?

- Oui, c'est un de nos objectifs, mais je dois avouer que c'est un objectif arrivé sur le tard.- décida de confier le jeune homme, jugeant que pour recevoir, il devait donner, du moins jusqu'à un certain point.- Nous voulions voir si le sabotage avait quelque chose à voir avec l'extension d'un virus artificiel sur Belsavis. Cependant, remarquant que vos laboratoires répondent parfaitement aux normes, en plus d'avoir répondu présent lors de l'épidémie que vous avez permis d'enrayer en un temps records, nous avons décidé de nous pencher sur le souci de la Locale en plus. La première enquête, semble-t-il, est sur le point de conclure.

Luke sentit le soulagement mâtiné d'un brin de fierté de l'homme intègre qu'était Santorin, ou du moins qu'il semblait être, car le jeune Jedi jugeait qu'il était trop tôt pour écarter qui que ce soit des soupçons, contrairement à ses propos précédents, flirtant, certes, avec un petit mensonge. Seulement, il voulait enquêter tranquillement, au sein d'un laboratoire apparemment doué pour cacher ses vices, s'il en avait.

- Le problème de la Locale sert de trampoline à ceux qui accusaient déjà Harmonia d'avoir planifié son propre sabotage, dans les hautes sphères, afin de toucher des subventions selon certains, pour détourner l'attention des autorités à propos d'un fait incriminant selon d'autres.

Là non plus, Santorin ne confessait aucun secret, il facilitait seulement aux Jedis, l'information précisément locale des journaux de Naboo qui s'étaient emparée de l'affaire digne d'un holofilm sulfureux. Ne manquait plus que la fille du propriétaire du laboratoire avec son amoureux des bas-fonds dont la mère était décédée après avoir pris des médicaments du dit-laboratoire, décidés à faire tomber le nouvel empire. Le tout dans une ambiance glauque de ruelles sales, parsemées de seringues et de visages contusionnés par l'addiction, dans lesquelles tous les bonnes gens qui aimaient ces holofilms morbides n'iraient jamais.

- La Locale est confectionnée à partir des fleurs de Milla d'après ce que je sais, je ne suis pas expert en composition de médicaments, je laisse ça aux scientifiques, mais c'est un composant que l'on trouve dans de nombreuses pastilles, que ce soit pour une simple douleur passagère ou des maladies plus graves. Ainsi, toutes les marques en possèdent, et je pense que les dealers ont choisi de détourner le médicament d'Harmonia car ils sont moins chers, accessibles à tous.

Ainsi, Harmonia surfait sur la vague populaire, promettant de soigner ceux qui n'avait même pas de quoi se payer la sécurité sociale. Atypique d'un laboratoire, mais si on savait qu'ils piochaient leurs cobayes dans les bas-fonds, désespérés, ils pouvaient se le permettre.

- Je ne connais pas le processus, mais ils parviennent à séparer la fleur de Milla du médicament l'Harmoniose, pour un sommeil réparateur, fait à base de plantes et donc naturels. Ce n'est pas un somnifère, plutôt quelque chose pour calmer les nerfs, d'où sa vente sans ordonnance, c'est léger.

- Et vous ne pourriez pas en arrêter la vente un moment? Puisque ce n'est pas si indispensable.

- Je me doutais que vous me poseriez la question, j'ai fait la même aux supérieurs, mais force est de constater que la Fleur de Milla se trouve facilement comme je l'ai dit, de nombreux laboratoires l'utilisent, donc les raffineurs chercheraient une alternative. Mieux vaut les laisser faire et suivre le filon. Malheureusement je n'ai aucun membre spécialisé dans l'infiltration, et nous, nous protégeons les murs, nous n'arrêtons personne. La police, elle, est débordée, ce qui est plutôt rare sur Naboo, donc ils n'ont pas l'habitude.

Hormis la garde royale, Luke avait effectivement entendu parler que de nombreux agents demandaient leur transfert sur Naboo, une planète dont les bas-fonds avaient des proportions modestes comparés à des endroits comme Coruscant. La Locale, problème relativement normal sur Coruscant était l'événement indignant du siècle- ou presque- sur la verdoyante planète.

- Je dois m'entretenir avec mon collègue s'il vous plaît.

Marval eut un temps d'hésitation, mais il accepta malgré un léger agacement. Il savait que la Locale aurait pu être la mission de sa carrière, s'il avait été policier, certes. Désormais écarté, le quadragénaire accepta la pause avec un élégant sourire quoique contrarié. Luke voulut lui envoyer une onde consolatrice mais cette dernière mourut dans le vide, sans réponse évidemment, ni même réception. Du coup il se contenta de hocher brièvement la tête sans laisser paraître de réelles émotions. Communiquer en-dehors de la Force devenait plus difficile au fur et à mesure que le temps sans voir passait, et il avait fait un "bond" en arrière depuis qu'il était avec Karm, nécessitant beaucoup moins d'efforts avec lui pour faire passer ses sentiments.

- Ce serait une infiltration assez longue, mais nous pourrions aussi en sortir quelque chose, nous avons encore le temps et nous n'avons rien de mieux. Je suggère de demander l'autorisation à Maître Ekkt qui nous supervise, d'en profiter pour lui demander son avis et lui expliquer où nous sommes rendus.- Cette fois une mimique gênée s'échappa de son visage habituellement assez neutre, ils n'avaient rien trouvé malgré le respect du protocole, peut-être Luke s'était-il découvert trop tôt et n'avait-il pas assez lutté pour empêcher que son sang soit prélevé dans le laboratoire. En tout cas le jeune homme n'était pas à l'aise à l'idée d'avouer tout cela à l'Ombre mais il tenait fermement à la sincérité. Les mensonges étaient réservés à son travail d'infiltration.- Qu'en penses-tu? Jusque là me suivre n'a pas mené à grand chose, donc je m'en remets à toi.

Proposa-t-il, sur un ton légèrement désolé bien que sans animosité. Luke n'avait jamais été très compétitif mais certains collègues l'avaient déjà piqué et il lui était arrivé comme tout le monde de se lancer dans un genre de duel, dont il était probablement le seul instigateur souvent. Avec Karm c'était différent, jamais le Jedi craignait d'être en-dessous de lui ou d'attribuer les mérites à ce dernier. Il pouvait se sentir chagriné de ne pas être à la hauteur mais dans tous les cas, fiers de son compagnon lorsqu'il permettait de débloquer une situation comme son intuition excellente sur l'origine du virus. À partir de cette idée, tout s'était déroulé très vite pour en arriver sur Naboo, sans vrais résultats mais avec bien moins de victimes et plus de pistes prévus aussi. Luke en était persuadé. À sa manière, moins conventionnelle, Karm était en train de devenir un vrai enquêteur.
Karm Torr
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— Eeeuh...

Timidement, Karm avoua :

— J’en pense pas grand-chose. J’veux dire, Ekkt, il sait sans doute mieux ce qu’on doit faire, non ? C’est un professionnel de la criminalité et tout ça.

Tout enquêteur qu’il était en train de devenir, Karm se sentait malgré tout en terrain inconnu. Il lui semblait qu’ils auraient dû se concentrer sur la mission et laisser la Locale si bien nommée aux forces de police de Naboo ou bien, à défaut, à des sentinelles du Temple qui avaient toutes les ressources et l’expérience pour gérer ce genre de situations. Du reste, la perspective de se livrer pendant des semaines à un fastidieux travail de terrain qui n’avait que peu de rapport avec ses centres d’intérêt ou le motif premier de leur visite n’avait rien d’engageante.

— Rentrons à l’hôtel pour le contacter et on verra bien ce qu’il nous dit.

Le soir était ainsi en train de tomber sur Naboo quand, après avoir salué Marval, les deux Jedis purent enfin regagner leur chambre et connecter le projecteur holographique qui ne tarda pas à afficher le visage inquiétant du Trandoshan, dont Karm avait cependant appris à comprendre les expressions cordiales. Toujours sur Coruscant, Ekkt, qui avait poursuivi un temps ses enquêtes sur Belsavis, s’était plongé dans les archives du Temple concernant Darth Noctis et, dans une moindre mesure, Antara.

— Alors, quelles nouvelles ?
— On a fait chou blanc, déclara Karm sans détour, on est sur Naboo, on voulait enquêter sur Harmonia, trouver comment les mercenaires s’étaient accrochés à leur vaisseau et tout, voir si y avait pas anguille sous roche, mais la société est super clean. Luke et moi, on sent qu’il y a quelque chose qui cloche mais impossible de mettre le doigt dessus.
— Hmm, répondit l’Ombre, d’abord pensif. Quoi d’autre ?
— Y a un genre de drogue… Euh, dérivé à partir du médicament. ‘Fin, Luke expliquera ça mieux que moi.

Le jeune homme laissa à son compagnon le soin d’éclairer la lanterne du Maître sur le problème de la Locale et la question de leur implication future dans une affaire de ce genre. Ekkt conserva un moment un silence pensif, le temps de bien peser le pour et le contre, avant de répondre :

— Cette affaire doit être traitée par la police. Les Jedis n’ont pas vocation à se substituer constamment aux forces de l’ordre, surtout pour des questions aussi traditionnelles. Sans cela, ce serait maintenir sous perfusion des systèmes qui doivent trouver leur fonctionnement propre et leur indépendance. Nous ne sommes pas des inspecteurs itinérants.

Ce n’était pas un reproche mais une explication patiente, sur le même ton calme et bienveillant auquel le Trandoshan les avait habitués. Karm était prêt à parier que tous les membres de l’Ordre ne partageaient pas la même perspective que leur mentor du moment mais, pour sa part, il la comprenait fort bien. C’était en somme la même logique qui poussaient certains Consulaires à ne préconiser qu’une implication minimale dans les affaires des planètes. Ne rien faire était parfois plus difficile que d’intervenir.

— Si le chef de la sécurité n’a pas pu vous renseigner alors même qu’il surveille de près la société, il est probable que les mercenaires aient été des employés en sous-traitance. Il est rare que les grandes entreprises, même quand elles ont leur propre cargo, entretiennent à plein temps leurs équipages. Il s’agit probablement d’une société annexe, qui fournit du personnel navigant. C’est de ce côté-là qu’il faut chercher. Pour ma part, je commence à mieux cerner la personnalité de notre adversaire et je vais faire un petit tour dans la Bordure, pour interroger certains de ses contacts diplomatiques. Gardons l’habitude d’une discussion quotidienne.

L’image du reptile se mit à clignoter avant de disparaître tout à fait, une fois la communication rompue. Karm avait déjà sortie son datapad, pour consulter les fichiers auxquels Marval leur avait laissé accès. Ils contenaient les informations sur Harmonia qui n’étaient pas publiques mais pas non plus soumises au secret de fabrique. Il ne lui fallut pas longtemps pour exhumer le dossier concernant le cargo dont ils avaient croisé la route sur Belsavis.

— Il a raison, ‘videmment. Le cargo appartient à Harmonia mais ils sous-traitent à VC Medical Transports, une société de Coruscant spécialisée dans… Ben tout est dans le nom. Ils fournissent l’équipement complémentaire, du personnel spécialisé, tu confies la cargaison, c’est même assuré et tout. Apparemment, Harmonia bossait avec eux depuis un moment, mais je suppose que VC, c’est le genre à embaucher des gens en interim. Avec des références un peu bidon, les mercenaires ont dû passer tranquille. J’envoie ça à Ekkt.

Toutes ces sociétés, ces imbrications administratives et économiques, ces pistes et ces faux-pistes commençaient à s’embrouiller dans l’esprit de l’Ark-Ni. Une fois les données transmis à leur mentor, il se laissa tomber à la renverse sur son lit et poussa un long soupir.

— J’dois avouer que là, j’ai qu’une envie, c’est un long entraînement au sabre laser… J’ai l’impression que cette affaire est tellement labyrinthique que j’arrive même plus à comprendre par quel bout on est censés la prendre. J’imagine que c’est un peu comme les gens qui sont dans le bâtiment et qui, au début, se retrouvent juste devant un gros trou, et doivent imaginer comment à partir de là ils arriveront à un super building. Vu du début, ça fait un peu mission impossible, quoi. Définitivement pas pour moi.
Luke Kayan
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- Et nous, qu'est-ce qu'on fait?

Intervint Luke, une fois la communication coupée, jusque là il était soigneusement resté à l'écart, ne parlant que lorsqu'on lui avait demandé d'exposer le souci de la Locale. Plutôt intimidé par le reptile et déçu par ses résultats, il en avait aussi rapidement qu'honnêtement fait part à ce dernier, puis, avait un peu lâchement -avouons-le- laissé Karm discuter avec. À ce propos, s'étant immédiatement et sagement rangé de l'avis de Maître Ekkt, le Hapien se sentait toutefois un peu dépossédé maintenant. La mission traînait. davantage encore que son adage qui prônait la patience. En fait, l'attente était un moindre mal, le problème résidait dans les issues: toutes bouchées.

- Même moi j'en aurais envie

Compatit Luke, signalant de façon indirecte qu'il était vraiment fatigué de cette mission. Lui qui n'aimait pas le sabre-laser trouvait soudain intéressante la proposition, sans compter qu'il n'avait pas encore touché à celui de Karm depuis le don. Ce serait l'occasion de l'essayer, avec en plus l'orfèvre à portée de main.

- Ne resterait plus qu'à trouver la salle d'entraînement.

Fit-il en plaisantant à moitié. Après avoir entendu le "pouf" d'une masse -et donc, dans ce cas, un corps.- s'étalant sur un lit simple mais agréable, le Hapien se laissa tenter, puis se glissa sur ce lieu de promesses de rêves. Avec un petit soupir, il étendit l'un de ses bras et fit rouler doucement le muscle de celui de droite sous sa paume afin de le décontracter. Si cette dernière partie de mission avait été beaucoup moins physique que la première aux odeurs terreuses, le Consulaireavait l'impression d'être davantage fatigué encore. Du tout début, cette rencontre intéressante mais "anodine" avec les Soeurs de l'Infinie Consolation en passant par les salutations d'usage avec la mort pour terminer par côtoyer des criminels à demi dans le coma semblait rocambolesque. Sur le coup, Luke avait préféré leur naufrage sur la lune de Vonghaï, les victimes du vaisseau en moins, évidemment.

D'un geste méthodique, le blond extirpa le sabre-laser de Karm de sa ceinture, qu'il avait revêtu lorsqu'ils avaient décidé, de façon un peu prématurée de retrouver leur identité de Jedis. Du bout du doigt il caressa les courbes, bien différentes de celles de son sabre, pour ainsi dire inexistantes. Très simple, son manche était d'une belle qualité mais simple, ennuyeux à mourir. S'il n'avait pas été un peu plus raffiné en soi et été recouvert d'argent terni, on le prendrait pour une arme d'entraînement. Celui du Chevalier Turquoise était en revanche si différent. Non pas que Luke ait touché beaucoup de sabre-lasers ni ne se soit intéressé à leur histoire à vrai dire, mais pour lui, cette arme était bien particulière.

- Il paraît que l'on peut connaître un Jedi rien qu'en voyant et en touchant son sabre.

Fit le jeune homme en changeant de côté au sabre qu'il explorait près de la sortie de lame désormais.

- Mais je n'ai jamais été doué à ce jeu, j'admets. Les si fameuses épées de lumière des gardiens de la paix ne m'ont jamais parlé. Je me demande pourquoi.

Ajouta-t-il, autant pour lui que pour Karm, continuant son expédition sur les montagnes du pommeau de l'objet. Il aurait aimé prêter à ces virages la singularité de son ami, mais pour un manche droit, il aurait aussi été capable de lui donner une symbolique comme sa droiture d'esprit. Non décidément, ce n'était pas son domaine. Le blond essaya aussi de se représenter la lame qu'il savait bleue, parce que c'était celle des gardiens. Malheureusement, cette couleur échappait à sa capacité d'imaginer, ou du moins, si elle existait, s'éloignait de manière inquiétante de sa représentation authentique. Le jeune homme choisissait, dans ces cas, des caractéristiques palpables aux teintes. L'azur des cieux, lui avait-on enseigné- était une immense surface douce et tempérée, comme un tissu en soie que l'on étendait sur les jambes un soir frisquet d'été. La sensation à l'instar du "gris-nuage" des cheveux de Karm lui plaisait, comme le vert de sa propre lame sentant l'herbe et raisonnant tel le chant gai d'un petit oiseau.

- Tu étais sérieux en parlant d'entraînement au sabre?


Fit-il, un brin provocateur, autant pour la forme que par curiosité et par réel désir, malgré son appréhension de toujours. Il voulait bien voir comment en plein dans un hôtel, son camarade organiserait un combat amical, ou même un entrainement aux katas à deux. Sur le terrain de sport de l'établissement, ce serait probablement interdit, mais l'idée, si décalée, presque ridicule l'amusa.

- Mais avant, parle-moi de lui. Raconte-moi l'histoire de sa conception.

Pourquoi ces courbes? Puisque lui-même était incapable de leur offrir un passé ou des sentiments via une observation de détails dont certains bretteurs avaient le secret. Lui, l'amant des mots, devait simplement demander à Karm de lui raconter. Sans doute était-ce mieux dans le fond, et plus modeste, de laisser son forgeron parler, donner sa version et le présenter au sabre.

Un forgeron dont les doigts vinrent frôler celui de l'acquéreur de l'oeuvre d'art mortelle sur les draps, juste une seconde. Par pur hasard.
Karm Torr
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— Tu sais, je peux m’entraîner parfois dix heures par jour, alors ma proposition était très sérieuse. Qu’est-ce que tu crois, ce corps de rêve que monsieur aime parcourir de ses doigts ne s’obtient pas tout seul.

Et Karm, si peu porté à la vantardise, qui ne se l’autorisait que par ironie, se laissa aller à un rire léger, mais il était vrai que pour un Ark-Ni, il était plutôt très bien bâti. Pour un humain ordinaire, en revanche, on ne pouvait pas dire qu’il en imposait. Ses doigts effleurèrent ceux de Luke puis il suggéra :

— Redresse toi, j’vais t’guider.

Les mains posées sur celles de son compagnon, il imprima un parcours à ses doigts.

— C’est Tavaï qu’a un peu tout décidé, pour être honnête. Et d’un certain côté, j’me plains pas, c’est vraiment le sabre qui me convient, et j’sais pas, j’me sens bien avec. Mais je veux changer pour tourner la page, quand même. Enfin bref. C’est un sabre super technique, pas vraiment le genre pour usage standard, mais tu devrais arriver à le manier, tant que tu tiens là, à la partie droite. La partie courbe, c’est pour… Obtenir des angles spéciaux, inattendus, et même relativement incontrôlés. Comment dire...

Ces explications, il les avait imaginés bien des fois, et il en avait même couché certaines par écrit, dans ce livre qu’il essayait péniblement de rédiger, sur les arts martiaux jedis, même si le combat au sabre n’y occupait qu’une place marginale, parce que les ouvrages sur la question étaient déjà nombreux dans les vastes bibliothèques des temples. L’exercice, néanmoins, demeurait délicat.

— J’imagine que tu sais que y a différents styles de combat. ‘Fin, ouais, évidemment, tu sais. Bon. Y a les Formes, bien sûr, mais aussi disons un style personnel, quoi. On est plus ou moins porté sur la vigueur physique, ou l’agilité, ou la vitesse. Même si un bon combattant fait un peu tout. Donc. Moi, mon style, il est spécial parce que… Déjà, il est hyper-technique, mais ça, au bout du compte, c’est courant chez les Gardiens et encore plus chez ceux qui sont petits. Beaucoup d’acrobaties, beaucoup d’enchaînement rapides. Traditionnellement, ça exige une lame plus courte, pour que l’effet gyroscopique soit moindre. Qu’elle soit plus stable.

Ses mains s’étaient refermées sur celles de Luke et elles tenaient le sabre entre elles, avec lui.

— Ensuite, mon style est imprévisible. Et de prime abord, quand t’es pas habitué, du coup, il a l’air désordonné. C’est pas les enchaînements de kata classes et élégants qui en jettent. On dirait que ça part dans tous les sens. Parce que je privilégie l’effet de surprise. Mais c’est aussi… C’est une philosophie, en même temps ? Une allégorie. Ou une métaphore, je sais pas. C’que j’veux dire, c’est que quand on est un Gardien spécialisé dans le combat, on est tenté d’en imposer avec son style, de faire des trucs classieux parce que ça impressionne facilement et puis c’est populaire au sein de l’Ordre. Adopter un style chaotique, que les autres peuvent mépriser s’ils s’y connaissent peu, c’est aussi s’imposer une forme d’humilité et de détachement à l’égard de son propre prestige.

Naturellement, cette humilité était somme toute très théorique puisque, au-delà des démonstrations armes à la main, les états de service parlaient d’eux-mêmes et chacun savait, dans l’Ordre, qui s’était illustré dans quelle bataille. Karm aurait eu beaucoup de mal à faire croire qu’il n’était qu’un sombre incompétent, tout étrange que fussent ses choix techniques.

— Et l’imprévisibilité, c’est aussi une manière de reconnaître la fluidité de l’existence, la complexité d’un monde, avec son adversité, qui peut pas se réduire à la seule théorie en chambre. La Force est pas de ces harmonies géométriques qui se livrent d’elles-mêmes. Elle est un chaos primordial dans lequel on doit trouver sa place. Et combattre comme je le fais, c’est apprendre à danser avec le chaos. A trouver son équilibre dans le tourbillon universel. Enfin voilà, pour en revenir au pragmatique, la partie incurvée, là, souvent c’est décoratif, mais moi, je m’en sers pour créer des situations inattendues. Faut avoir sacrément confiance en son sabre, parce que c’est pas… Tu le fais tourner comme un lasso, j’sais pas si tu te représentes. Tu contrôles pas tout dans ces moments-là. T’acceptes de mettre ton destin dans les mains de la Force.

Karm avait déjà évoqué à Luke, à demi-mot, le sens mystique et profondément existentiel qu’il conférait au combat, à ses techniques et à ses entraînements. La méditation à travers les arts martiaux était une discipline que l’Ark-Ni prenait très au sérieux et, en conséquence, il était toujours enthousiaste à l’idée d’en partager la pratique avec Luke, comme ils le faisaient déjà lors des entraînements au combat à mains nues.

Le jeune homme se pencha pour déposer un baiser au coin des lèvres de son ami, avant de se relever et de déclarer :

— Viens, on va se trouver un entrepôt désaffecté dans une zone industrielle et ce sera parfait pour s’entraîner.

Et quelques minutes plus tard, ils sillonnaient la ville en speeder. Il leur fallut un moment pour s’éloigner du centre-ville dont le prestige historique se prêtait mal aux industries lourdes et d’ailleurs, Naboo n’était pas vraiment réputée pour ses hauts fourneaux. Ils parvinrent néanmoins à pénétrer dans le quartier des usines et, en cherchant du côté de sa partie la plus ancienne, là où les bâtiments étaient moins grands et les rues les plus étroites, ils purent enfin se poser dans une fiche industrielle.

Après avoir traversé un terrain vague, ils gagnèrent une usine à moitié délabrée, qui n’avait pas encore su attirer la convoitise des promoteurs immobiliers. Karm activa le sabre de Luke et la lame verte trancha quelques planches qui barraient le chemin. A l’intérieur, des chaînes de montage pour l’essentiel désossé ne suffisaient pas à se faire une idée de ce qu’on avait pu construire là. L’endroit était plongé dans la pénombre. Au moins, les deux Jedis seraient à égalité sur ce plan là.

— OK. Alors. Dis moi. C’est quoi ton approche du sabre laser ? Qu’est-ce tu sais, c’est quoi ta zone de confort ? Après, si tu veux juste te défouler, ça me va aussi, c’est important parfois d’épuiser son corps pour se libérer l’esprit.
Luke Kayan
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- Oh mais je le sais bien, pour avoir le même, de corps de rêve à entretenir.

Répondit Luke bravache, bien qu'il sache pertinemment que des deux, Karm était le mieux bâti. Si la silhouette du premier était athlétique à force d'entêtement et d'exercices à partir de 6h00 du matin, elle restait plus menue que celle de l'Ark-Ni. Sans doute de part leur voie qui les conditionnait un peu: avec ses enquêtes, ses négociations, le Hapien se penchait certainement moins sur ses capacités physiques. De plus, ayant manqué de tout, enfant, l'avait condamné à une certaine fragilité, sans oublier son habitude à manger peu et surtout jamais gras, ni salé, ni sucré, ni saucé ne l'aidait pas. Le jeune homme possédait donc le corps d'une personne très active, d'un marcheur-presque- infatigable, mais il manquait de résistance ou de coordination pour manier le sabre-laser. Son style à lui était bien plus ennuyeux, conventionnel, simple et défensif que celui que Karm décrivait, et que le Jedi désormais debout imaginait avec difficultés. Guidé par son ami, il laissa son corps se fondre entre ces mains habiles, lui qui, encore aujourd'hui peinait à accepter qu'on ne le touche ou qu'on l'approche de trop. Maniaque ou blessé, en tout cas cette règle ne semblait plus s'appliquer au chevalier turquoise qui avait su s'approprier sa confiance.

- Je vois surtout une tête décapitée avec cette technique. Désolé.- Avoua franchement le pauvre Consulaire qui peinait vraiment à ne pas s'inquiéter en dessinant à sa façon, son ami en train de brandir la dangereuse épée de lumière autour de sa chevelure courte mais dense.- Mais j'ai bien envie de m'entraîner.

Mentit-il à moitié, partagé entre le désir de s'améliorer et la crainte de vraiment décevoir l'Ark-Ni. Si le jeune homme s'améliorait en ce qui concernait la prise de conscience du corps lors de combats rapprochés, il était un élève beaucoup plus récalcitrant en ce qui concernait le sabre-laser. Avoir gagné en agilité mais aussi en capacité de résistance -malgré ses lacunes encore présentes, évidemment.- ne le rendaient guère plus propice à la voie des Gardiens. Sans doute que son ami était incapable d'imaginer à quel point il était une catastrophe sur pattes dans ce domaine. Une vraie honte.

C'était ce à quoi pensait le Hapien, silencieux, sur le speeder. Plus jeune, il adorait et avait peur à la fois de cette sensation de vitesse. Les pieds décollés du sol, le Jedi perdait ses repères habituels, il voguait, flottait au milieu de la circulation sans réellement savoir quand s'attendre à un virage. Du moins jusqu'à ce qu'il ne s'habitue au corps ferreux du vieux speeder et commence à deviner les intentions de Karm selon le vrombissement du moteur ou les frissons qui parcouraient l'appareil, plus lents lorsque ce dernier se préparait à tourner, plus vifs en ligne droite.

Arrivés sur place, le Chevalier explora les lieux par le biais d'une onde de Force. L'absence de vie lui parut un peu déstabilisant mais parfait. S'il ne se serait pas risqué seul à sortir son arme dans un endroit civil- aussi désert soit-il- il se sentait un peu moins vulnérable avec Karm, au point d'oublier son si strict et si cher règlement.

- J'utilise surtout la... Et j'en suis désolé- si ennuyeuse forme 3. La défensive. On va dire que ma zone de confort est déjà presque franchie quand j'allume mon sabre-laser, encore désolé. Plus jeune, je fuyais dès qu'on me glissait un manche dans la main, alors. Depuis, j'ai réussi à faire quelques progrès, et je me défends, on va dire, correctement, mais ça reste moyen... Un genre de danse du chaos, mais pas du tout celle que tu as évoqué si tu vois ce que je veux dire.

Le jeune homme décida d'y mettre du sien et s'éprouva avec un kata. La lame courte et donc plus légère de Karm le déstabilisait un peu, lui l'aveugle cherchait justement à conserver une zone de sécurité entre lui et son adversaire; son sabre vert avait donc une longueur conventionnelle. La seule qu'il eût jamais utilisée et probablement l'unique avec laquelle Luke se sentirait plus ou moins à l'aise. Son Kata au moins avait le mérite d'être parfaitement réalisé question technique. Ses récentes améliorations niveau physique- qu'il devait à l'explorateur qui l'avait fait gambadé deci-delà.- lui permettaient même d'y ajouter une certaine fluidité. Luke était rapide, précis dans ses gestes, aussi précis que lorsqu'il cherchait à appliquer une loi, fouinait au sein d'un règlement pour trouver LE paragraphe qui lui servirait pour tourner la situation juridique à son avantage. C'était donc... Prévisible, parfaitement exécuté mais récité par coeur et manquant d'âme malgré son intention d'y mettre du sien.

- Tout ce que tu m'as dit à l'hôtel, c'est loin d'être stupide... C'est même innovant, enrichissant et je suis sûr que de nombreux bretteurs seraient intéressés. Tu n'as jamais pensé à faire un mémoire sur les techniques de combat?

Certes, cela s'éloignait de la convention, et de loin, mais l'Ordre tout entier semblait être en plein renouvellement ces derniers temps -dans la pénombre, le Chevalier rougit légèrement en songeant à sa relation avec Karm.- je ne les vois pas rejeter une proposition aussi complète et complexe. Est-ce que tu penses que Soruan pourrait adopter ton style, est-elle à l'aise au sabre?

Malgré une gêne intense, le jeune homme avait confiance en Karm pour que ce dernier n'explose pas de rire en observant ce qu'il songeait être un spectacle calamiteux. N'empêche que son coeur battait fort, et dans cet environnement mort, ce signe de vie précipité, emballé comme un eopie rendu fou, ne faisait que résonner davantage.
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Le sabre bleu avait tracé dans l’ancienne usine des cercles de lumière suivant un ordre mille et mille fois répétés, par tant et tant de Jedis, au fil de l’histoire, dans les temples de la Galaxie. Karm avait suivi avec attention l’exécution de Luke et, comme souvent lors de l’entraînement, il songeait que son ami avait plus de talents en la matière qu’il ne voulait bien le dire ou, tout du moins, l’admettre pour lui-même. La cécité était un obstacle, sans doute, mais l’histoire de l’Ordre était plein d’exemples qui prouvaient qu’il ne saurait été insurmontable.

— J’suis en train, répondit finalement le jeune homme, avec une pointe de timidité. En vrai, ça fait un moment, même. Mais bon, tu me connais, au début, c’était un sacré bordel. Les idées sont bien claires dans ma tête, mais une fois sur l’écran, ça donne plus du tout la même chose.

Il s’approcha de Luke et le contourna pour se placer dans son dos.

— J’m’améliore grâce à nos rapports conjoints et tout, mais c’est pas encore ça. J’sais pas si je veux que ce soit un seul bouquin sur les arts martiaux en général, ou bien deux bouquins, un sur le combat à mains nues, un sur le sabre, ou alors toute une série. J’sais pas à quel point je veux que ce soit technique et concret, ou alors plutôt philosophique et mystique. Pour moi, tout vient tout le temps ensemble, alors j’ai du mal à séparer et à distinguer.

Le problème de l’Ark-Ni n’avait jamais été l’esprit de synthèse mais, bien au contraire, la patience de délayer son propos et d’expliquer non tout en même temps, mais une seule chose à la fois.

— T’as peur d’improviser avec le sabre, parce que tu le vois pas, pas vrai ? Mais t’as pas besoin de le voir pour savoir où il est. En fait, l’entraînement à l’aveugle fait partie de ce que je préconise. Viens là.

Les bras de Karm se refermèrent autour de la taille de Luke, pour entraîner le dos de son ami contre son torse. Puis ses mains se posèrent sur les avant-bras de Luke et se glissèrent jusqu’à celles de l’Hapien, refermées autour du sabre. Karm déposa un baiser sur la nuque de son compagnon avant de murmurer :

— Un, il s’entend. Avant de faire des katas et tout, moi, j’te dis, jouer avec le sabre, écoute-le, et comprends petit à petit quel son correspond à quel mouvement, à quelle résistance, à quelle résonance. Comme si t’accordais un instrument. Pas besoin de technique. T’écoutes, juste.

Ses mains guidèrent celles de Luke pour bouger le sabre un peu au hasard. Les yeux fermés, il tendait lui aussi l’oreille aux vrombissements de la lame. Petit à petit, il se mit à identifier les sons spécifiques, et il murmurait les indications au creux de l’oreille de Luke :

— Latérale gauche… droite… Haut… Bas… Rapide… Percée… Fente… Tu écoutes ça chez les autres, tu entendras la même chose. Tu sauras ce qu’ils font. C’est un coup à prendre. Comme la danse.

La musique, c’était l’une des grandes spécialités secrètes de l’Ark-Ni, dont on aurait pu croire qu’elle était un simple loisir, une passion inavouée. En réalité, elle structurait les métaphores qu’il utilisait pour se représenter la Force, elle le guidait dans les combats au sabre et, surtout, avait-il découvert depuis quelques années, elle constituait souvent un moyen irremplaçable d’entrer en communication avec des peuplades traditionnelles, découvertes sur des planètes isolées, et avec lesquelles on ne partageait aucune langue.

— Ensuite… Y a l’effet gyroscopique. Le fait que la lame tend à dévier et qu’elle est retenue par le champ de force du sabre. Normalement, on tente de le minimiser en construisant le sabre, parce que ça le rend plus difficile à manier, parce qu’il faut utiliser de l’énergie musculaire à le retenir, mais dans ton cas, ça te permet de le sentir. De le comprendre. De savoir ce que tu fais. Relâche un peu tes poignets. Résiste pas. Laisse le… Dévier. Laisse toi… Tituber.

« Tituber », ce n’était pas exactement le conseil que l’on donnait aux jeunes Novices quand on leur confiait un sabre laser pour la première fois. Toujours dans la même position, Karm accompagna Luke dans ses mouvements, abandonnant la direction des opérations aux mouvements naturels du sabre. C’était une drôle de danse d’hommes ivres à laquelle il se livrait.

— Maintenant, résiste, mais juste un peu. Pour le sentir… Vivre. Dans ta main.

Le caractère phallique du sabre et les double sens constants de leur entraînement n’échappaient pas à Karm et nul doute qu’ils jouaient un rôle dans le sensualisme mystique, et finalement souvent érotique, qui guidait l’Ark-Ni. D’ailleurs, alors que ses mains guidaient Luke dans le maniement du sabre qu’il lui avait confié, il déposait parfois encore des baisers dans le cou du Hapien.

— Faut que tu le vois moins comme un exercice que… Comme un art. Les katas, tu les maîtrises, c’est bien. C’est pas ça qu’il te faut. C’est apprivoiser la bête. C’est l’intuition. Ouvre les mains. Fais le voler. Lentement. La Force, c’est le sabre, le sabre, c’est la Force.
Luke Kayan
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- Je pense que tu devrais essayer d'écrire intuitivement, puis corriger ensuite. Souvent, la manière de présenter le mémoire survient en dernier ou change du tout au tout alors qu'on était persuadé d'avoir parfaitement organisé l'ensemble au début.

L'encouragea Luke qui savait ce que signifiait rédiger un tel travail. Il avait perdu beaucoup de temps sur son premier mémoire, à chercher un plan solide comme il les aimait, dès le début. Après plusieurs semaines, le chevalier s'était résolu à débuter la rédaction en se basant sur un fil conducteur bien mince, trop à son goût. Au fur et à mesure, le plan plus précis s'était dessiné dans sa tête avant qu'il ne gomme le tout à la fin, s'offrant quelques mois de plus, rien que cela, pour réécrire des conclusions, revoir les connecteurs, les paragraphes qui permettaient de passer d'une partie à l'autre, avant de s'attaquer aux parties en soi. C'était un travail harassant et surtout décourageant, même pour lui qui appréciait ce type de tâche, puis qu’après s'être mis en tête de toucher le but, il fallait finalement revenir en arrière. Pour autant, Luke reconnaissait que dans ce travail qui semblait pourtant horriblement millimétré, il fallait savoir lâcher prise, laisser couler [HJ: Oui pour ce mot que je connaissais en Espagnol (fluir), j'ai été forcé d'aller dans un traducteur, car je ne le retrouvais plus en français... C'est grave docteur?] . Oui enfin pas trop quand même.

- Karm, laisse-moi me concentrer, enfin!

Ah ces leçons entrecoupées de baisers étaient bien peu sérieuses, même si Luke avait réprimandé le contrevenant de manière trop douce à ses yeux. En effet, sa voix avait légèrement tremblé et son ton se rapprochait davantage de la caresse que du sévère rappel à l'ordre.

- Le laisser m'entraîner? Mais c'est contraire à...


Cette fois, c'était la surprise qui avait émané des lèvres du Hapien, lequel doutait évidemment à abandonner les enseignements conventionnels, surtout ceux de Saï qui avait tenté de pallier au mieux à son sérieux handicap au sabre. Pour se faire, il avait logiquement promu la forme défensive, en exigeant de son élève une application parfaite des règles, incluant celles de sécurité. Luke connaissait donc la théorie sur le bout des doigts et même sur le bout de ses longs cils fins qui ombrageaient son regard inutile. Il savait où placer chaque coup, l'enlacer avec le rythme de ses battements de paupières et soupeser l'arme. Le blond connaissait son arme pour avoir médité avec de longues heures -un peu à contrecoeurs- il n'ignorait aucune mensuration de cette dernière, mais c'est vrai, s'il connaissait le corps de cette épée de lumière, il ignorait tout de son âme. Le chemin de Karm était tentant, poétique, mais l'instinct bien dressé du jeune Jedi peinait à le laisser commettre ce qu'il songeait être une folie. Avec difficultés donc, Luke laissa ses mains se décrocher légèrement, offrant une certaine liberté au manche de son ami. La lame se mit à vrombir davantage, forçant naturellement les poignets du manieur à s'incliner vers le sol. Lorsque ce dernier sentit la torsion, il voulut redresser ses bras, mais Karm le maintenait, lui montrant à la fois doucement et fermement la route.

- Je ne sais pas danser.

Admis le jeune homme, les lèvres pincées. S'il avait gagné en agilité, il n'avait jamais usé de son corps pour cet art magnifique qui lui échappait. Bien que sachant apprécier -en complet amateur- la musique, sans en connaître les termes, les nuances ou la frontière entre le passe-temps et l'extrême maîtrise, Luke n'avait jamais aimé offrir sa silhouette au regard d'autrui... Pas même celui de son miroir. Longtemps honteux d'un corps fragile, androgyne dont il avait entendu parfois des critiques, il l'avait caché sous sa tenue ample de Jedi, cette tunique lui offrant une légitimité, son véritable corps. Catherine avait bien confié, étonnée par ailleurs, que le Hapien chantait admirablement - en entrant sans aviser dans sa chambre car elle le cherchait en urgence, et en l'entendant depuis la douche.- mais Luke était peu versé dans les arts, quoique plus jeune il avait écrit des textes, poésies touchantes d'un enfant doué pour les mots mais avare, ou plutôt timide quant au partage.

Au moins, avec Karm, le Jedi se sentait rassuré, persuadé que ce dernier saurait intervenir si la lame de ses cauchemars venait à devenir incontrôlable. C'était sans doute une peur ridicule, puisque la puissance était réglée sur le minimum, mais l'effet psychologique demeurait. Saï avait déjà permis de transformer la terreur pure de son apprenti en aversion, c'était un miracle, Karm saurait-il muer cette dernière en neutralité? Plein de bonne volonté, aidé par les baisers indisciplinés de son ami- bien qu'il n'ai aucunement conscience de la portée érotique de l'exercice pour sa part.-, le jeune homme lâcha l'arme qui demeura en stase, vrombissant d'un ton presque interrogateur, comme si elle hésitait à chuter, sans main pour la retenir, mais faisait des efforts pour se maintenir. L'instant s'étira, puis Luke décida de reprendre le manche, sans doute un peu trop vite, car son doigt atteignit les rebords. La brûlure rappela le Chevalier-Padawan à l'ordre, il referma son autre main sur le sabre, l'emprisonnant fermement tel un animal de compagnie à qui on avait donné trop de liberté et qui s'était mal comporté. Par pur réflexe, il porta son doigt brûlé à sa bouche et le lécha, comme un enfant persuadé que la salive est curative. C'était un geste enfantin assez amusant, décalé probablement pour un Consulaire ayant des connaissances en soins. Le rouge au joue, le jeune homme retira son doigt du pansement inutile pour appliquer une onde de Force dessus. Cette fois le processus fut bien plus efficace et guérit en partie l'organe blessé. Désormais Luke ne ressentait plus qu'un picotement endormi, et sur sa peau fine, une rayure plus sombre apparaissait, discrète et lisse, la marque disparaîtrait sans doute dans quelques jours.

- Il est curieux de constater que ton style si actif, si "chaotique" comme tu le décris, pour ne pas dire agressif provienne d'un entraînement qui prône tant de douceur. Je veux dire, ton éducation fut réellement guerrière, pour ne pas dire... Pardon de le rappeler: violente. J'ai du mal à imaginer que ce soit Tavaï qui t'ait enseigné à manier le sabre de la sorte. Est-ce toi qui a développé cette façon de l'apprivoiser comme tu le dis si bien?

Luke appréciait que son ami soit aussi tendre avec son sabre-laser, bien qu'il trouve extrêmement dangereux de se livrer à des expériences si déviantes des formes de combat habituelles. Il ne pouvait qu'être admiratif devant la maturité de son compagnon, et savoir que ses coups "imprévus" en apparence découlaient d'une si grande douceur le rassuraient. S'il avait décidé de faire confiance à l'Ark-Ni depuis son accusation de complicité avec son ancienne maître, le Jedi savait que ses fantômes dormaient en son être, ronronnant plus ou moins forts selon ses états d'âme ou la situation. Karm était une personne avec de bonnes intentions, contrairement à Jason, clairement, il y avait pourtant parfois, dans son comportements, des changements soudain qui l'inquiétaient un peu, un genre d'impatience ou d'incapacité à saisir ses propos ou actes. Serait-ce lui qui s'expliquait mal? Ou un vrai souci de "violence"? Luke aimait penser que non, et de toutes manières, en cet instant précis il se sentait bien, en phase avec le Gardiens. Il n'avait pas envie de creuser, se contentant de savourer doublement l'entraînement: il était avec Karm et parvenait à apprécier de manier le sabre-laser.

- Il est rare de trouver des Chevaliers comme toi, aussi complets, maniant à l'égal la Force et le Sabre-laser, sans compter ton bon lien naturel avec elle. Tu ne dois pas autant douter de toi Karm, ton petit problème d'éloquence qui s'est déjà nettement réduit est secondaire.

Acheva-t-il, reconnaissant, soudain, qu'un aussi bon Jedi ait posé son regard sur lui, bien que ses inquiétudes quant au respect strict du code, les habitudes anti-conventionnelles de Karm continuent de le hanter. Mais aujourd'hui ou du moins là, tout de suite, les fantômes dormaient sans ronfler.
Karm Torr
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Un silence pensif avait suivi la question de Luke sur Tavaï. C’était la première fois depuis un moment que l’on évoquait en la présence de Karm son ancienne Maître, fugitive désormais, honnie par l’Ordre, recherchée par la République. Karm se rendait bien compte que les actes de Tavaï l’avaient éclaboussé et que sa propre réputation d’intégrité ne suffisait pas à écarter tous les soupçons que l’on tournait contre lui. Tel Maître, tel Padawan, assurait la sagesse populaire des Jedis, et, même innocenté lors de l’enquête des Sentinelles, l’Ark-Ni demeurait un coupable en puissance pour beaucoup de ses compagnons d’arme. Son peu d’attachement aux protocoles jedis ne l’aidait en rien en la matière.

Alors, pour ses proches, Tavaï relevait souvent du sujet tabou. On craignait de remuer le couteau dans la plaie ou d’attirer l’attention sur un passé regrettable, dont Karm s’était de toute évidence relevé.

— Non, finit-il par répondre, Tavaï est plutôt une traditionaliste, spécialisé dans le Soresu et le Makashi. Elle m’a enseigné les aspects les plus classiques de mon style, et c’était assurément des fondations très solides. Beaucoup plus que des fondations, en fait. Mais le reste, je l’ai développé moi-même. Elle m’a pas empêché, cela dit. Tant que je me battais bien, j’suppose, c’était l’essentiel.

Et en cela, certainement, l’Amarane avait réussi. Il eût été bien difficile d’estimer si, sous la tutelle d’un autre Maître, Karm serait devenu le Jedi qu’il était désormais. Avec tous ses torts, Tavaï avait su deviner intuitivement le domaine dans lequel il excellerait, et la manière qui lui ouvrirait les portes de la Force. Au fond, quand il lui arrivait d’y réfléchir, Karm savait que pour rien au monde, il n’aurait échangé son passé contre un autre, moins douloureux sans doute, mais aussi moins fertile en enseignements précieux.

— Ah, monsieur est un flatteur, commenta Karm, alors qu’il incitait Luke à désactiver son sabre. Mais en vrai, t’sais, y a quand même pas que l’éloquence qui pêche, chez moi. J’dis pas que j’suis nul et inutile ou je sais pas quoi, juste que y a beaucoup qui laisse à désirer. La pédagogie, les enquêtes, la politique, la diplomatie. Et pas seulement parce que ça implique de parler, mais aussi pour des questions de, je sais pas, méthodes. Pure culture générale aussi.

L’une de ses mains s’était glissée sous le haut de Luke pour se poser sur la peau de son ventre.

— Inspire. Expire. Inspire. Expire.

Sa propre respiration guidait celle de Luke. Son autre main rejoignit la première, puis se glissa dans une lente caresse jusqu’au torse du jeune homme. Encore une fois, l’entraînement se mêlait à l’érotisme, sans qu’il y eût probablement pour Karm une frontière bien définie.

— Rallume-le. Ecoute la vibration de l’énergie. Respire au même rythme. Tu es dans la Force et le sabre aussi. Son cristal. Son laser. Il respire à sa manière. Il est organique. Une extension de toi-même. Tu dois respirer avec lui. Tu le considères comme un outil, mais c’est pas un outil. C’est un chemin dans la Force vivante.

C’était une conviction qu’il avait renforcée en visitant les grottes de cristal avec Wen, pour choisir ceux qui composeraient, peut-être, à l’avenir, ses shotos.

— Ouvre les mains. Fais le flotter. Tu le sentiras encore plus dans la Force.

Manier un sabre par télékinésie était un exercice d’une singulière difficulté, en tout cas quand il était allumé, à cause du mouvement naturel de l’arme, mais aussi de la Force qui se concentrait dans son cristal. Mais le faire flotter pendant quelques secondes, c’était à la portée d’un chevalier jedi bien entraîné.

— Voilà. Ramène le dans tes mains. Fais lui confiance. Fais toi confiance. Pas de brûlure, parce que tu cherches pas à le toucher. Tu cherches à l’avoir dans la Force. Voilà. Maintenant, éteins-le. Parfait.

Les mains de Karm, toujours sous le haut de l’Hapien, glissèrent à sa taille pour le retourner dans ses bras et lui faire face. L’Ark-Ni posa son front contre celui de son compagnon.

— L’entraînement au sabre, c’est pas que de la technique et du sport. C’est aussi un engagement spirituel. Moral. Surtout quand on est aussi sensible à la Force que toi. Tu peux pas réduire l’arme à un simple objet technique, et le combat à une simple compétence utilitaire. C’est plus que ça, c’est même plus qu’un art : le combat, c’est une prière.

Certains Jedis étaient réticents à utiliser un vocabulaire religieux, se rangeant prudemment derrière des considérations « philosophiques » ou plus généralement « spirituelles », mais pour Karm, il était évident que l’Ordre Jedi était un clergé et que leur Voie était une religion. Il se voyait comme un prêtre, avant toute chose, un prêtre pas très ordinaire, avec un style bien à lui, mais un prêtre tout de même, dont la vie était illuminée par la foi.

— En plus, t’es sacrément sexy quand tu as un sabre, alors franchement, faut pas s’priver.
Luke Kayan
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Le sabre-laser s’éteignit dans un petit bruit caractéristique, et le silence s’affaissa sur l’entrepôt désaffecté, chutant sur les épaules des deux Jedis, pour glisser jusqu’au sol. Luke écoutait, la gorge sèche de l’effort fourni pour ne pas répondre à son instinct : fuir. L’exercice lui coûtait, le dilemme empirait au fur et à mesure que le travail devenait plus précis, plus dangereux. Impossible pour lui de considérer cette Arme comme une prière, d’autant plus qu’il n’était pas croyant. Du moins, pas consciemment, puisqu’à ses yeux, la Force existait réellement, il y avait de multiples preuves et elle interagissait avec eux, ce n’était donc pas une de ces déesses hautaines refusant de se mêler aux affaires de mortels mais exigeant leur temps et leur foi. Il n’essayait pas non plus de prêcher la bonne parole, en tout cas pas comme avant, lorsqu’il essayait de reconduire les Siths sur le chemin de la lumière. Bien plus sceptique désormais, le jeune homme considérait les exemples comme des exceptions confirmant la règle, et encore, la moitié de ces miraculés faisaient semblants, à l’instar de cette apprentie qui avait réussi à lui faire croire en sa rédemption.

Sa gorge semblable à l’entrée des déserts de Tatooine l’empêcha toutefois de répliquer ou était-ce parce qu’il ne voulait pas découper la belle croyance de Karm au sabre-laser ? C’était beau de le voir enseigner son art, ou du moins essayer car si Luke était volontaire, il était toujours un peu effrayé. Ses gestes demeuraient mécaniques, un brin forcés malgré sa pleine confiance envers son compagnon dont la sensualité contribuait à assécher davantage sa bouche.

Luke faisait voler le manche sans trop de difficultés, habitué à ce type d’exercices, lorsqu’il commença à sentir les effets des assauts de son professeur.

-La pédagogie. Hum, c’est vrai qu’il y a des lacunes… Je n’ai jamais vu ta Padawan, est-ce que tu l’as mangé ? Et que dire du détournement…

Luke n’avait pas l’habitude de plaisanter sur ce sujet, après qu’un adolescent de 13 ans l’ait indirectement accusé, tremblant à son approche car il pensait son aîné intéressé. Sur le moment celui-ci avait ri et corrigé l’apprenti avec bonne humeur, le contrecoup était venu ensuite. Aujourd’hui cependant, l’attitude de Karm l’amusait, loin de l’offusquer comme cela arrivait parfois. Le fait d’être dans un endroit désertique, abandonné de tous devait l’aider à se détendre, ainsi que celui d’être confronté au sabre-laser qui l’angoissait davantage encore : la fameuse formule mathématique

« - + - = + ».

- La culture générale, cela s’arrange et c’est certainement plus simple que le sabre-laser. Un bon livre avant de se coucher, au chaud sous les draps en guise de prélude avant sa pleine étude le lendemain...

Le Chevalier avait toujours eu des loisirs un peu étranges, à mi-chemin entre le typique intello ennuyeux et le bon vieux papi. Mais comment le lui reprocher, toute son éducation se basait sur l’austérité, le sérieux, l’implication dans son travail. Chez les Jedis il n’y avait pas vraiment de frontière entre la vie professionnelle et personnelle, la seconde existant peu, développée par les plus indépendants, ceux qui étaient capables d’esprit critique. Ce dont manquait Luke, il fallait l’avouer. Ce n’était qu’à 24 ans qu’il s’éveillait, commençant à s’interroger sur le plaisir d’avoir des vacances, et encore, sachant que ces dernières lui serviraient à avancer dans son travail. Parfois le jeune homme craignait vraiment d’être ennuyeux pour le passionné qu’était Karm. Son domaine à lui incluait justement le dialogue, les enquêtes et les recherches sur un ordinateur ou l’introspection.

Luke inspira, le vrombissement de l’arme se calait entre ses respirations au début, et il avait beau ralentir ou accélérer le rythme, tous deux ne semblaient pas faits pour se comprendre, malgré la relative simplicité de l’exercice. Faire voler l’objet ? Le Chevalier y parvenait, mais en s’appuyant sur la Force pour pallier à son souci à l’épée, il avait instinctivement créé une frontière entre lui et elle afin de la soutenir sans risque. L’ouvrir fut plus compliqué que prévu, et même si rien ne laissait entrevoir la lutte de l’extérieur, Karm pouvait sentir la Force se tordre au risque de se rompre, mais elle finit par plier et accepter le sabre qui voletait désormais en parallèle avec le sol. La respiration de Luke s’était enfin harmonisée sur les mouvements imperceptibles du sabre, comme un instrument accompagnerait une voix. Ce n’était pas une de ces avancées qui brille, étonne et enthousiasme mais le Hapien savait qu’un minuscule pas venait d’être franchi, un de ces pas quasi invisibles mais nécessaire pour commencer le voyage.

Le front de son ami contre le sien l'apaisait tout en lui insufflant une énergie qui lui donnait envie de tout, sauf de rester en place. Que mettait l'Ark-Ni dans son cocktail pédagogique ? L'idée fit sourire l'élève bien que cela ne résolve toujours pas son souci: Karm avait un peu trop cherché il ne savait quoi sous sa tunique. En voilà des manières pour un enseignant! Décidé à lui faire comprendre sa faute, le Jedi feignit la plus grande indifférence, bien qu'en fouillant la Force, son ami découvrirait la supercherie.

- C'était très instructif, merci. Je te promets de pratiquer!

Acheva le jeune homme d'un ton sérieux, neutre et même professionnel, -presque- parfaitement maîtrisé. Son corps immobile, presque raide retrouva toutefois sa flexibilité lorsqu'il s'agit de pousser ses mains en avant puis son corps, pour user son -certes faible- poids et déséquilibrer l'Ark-Ni. Le pied de Luke frôlant précédemment l'endroit avait repéré un nid de planches enveloppée d'une grosse couche de mousse destinée à protéger le contenu. L'immense boîte, au couvercle simplement relevé suggérait un déménagement qui ne s'était finalement pas fait, une construction d'entreprise stoppée du jour au lendemain. Sans doute une interdiction de bâtir ou un quelconque problème administratif voire financier. Des entrepreneurs avaient égaré leur rêve dans cet entrepôt habité pour la première fois depuis longtemps.

Tandis qu'il usait de la Force pour faire chuter Karm, Luke se mit à rire, défoulant son trop plein d'angoisses et de fatigue dans son action. Les images, à sa manière, incompréhensibles pour quiconque sauf pour lui, défilaient dans sa tête, accompagnées de sons. Le plus aigu, persistant était le moniteur de son ami, lequel avait failli périr des suites du virus. Le Hapien chassa l'idée de sa tête, tous deux connaissaient les risques de leur métier, pas même payé. Au final, peut-être étaient-ils vraiment des missionnaires?

- Pour en revenir à la prière, crois-tu que les religions dérivent en réalité de manifestations de la Force, qu'elles sont inventées pour certaines ou...? Réelles? Qu'il y aurait autre chose que la Force?

L'histoire regorgeait d'exemples de personnages sensibles à la Force qui s'était fait passé pour des chamans, ou avaient été persuadé d'en être d'ailleurs. Les relevés biologiques démontraient que certains rois avaient également profité de pouvoirs non développés mais fort utiles: la télékinésie à petite échelle, une facilité à lire les intentions d'autrui, et une perspicacité dépassant l'entendement. Certains récits parlaient d'une tribu composée de guerriers incroyables, sans pitié, accompagnée par un dieu maléfique, lequel aurait donné des pouvoirs à chacun de ses membres. Le jeune homme n'avait jamais vraiment étudié cette branche, mais vu que ses recherches s'orientaient sur l'influence de la Force - ou de son absence.- sur son environnement, tantôt désert, tantôt surpeuplé, ce serait une étape à réviser.

Quoiqu'il en soit, accompagnant ses mots d'une onde traîtresse, il tâcha une bonne fois pour toute de renverser l'Ark-Ni, afin de lui faire saisir que le sabre ne faisait pas tout, et qu'il pouvait le faire tomber comme il le voulait. En tout bien tout honneur, c'était pour la science, bien sûr!

- Et je ne suis pas "sexy"!

Fit-il mine de dire en boudant, comme si c'eût été une insulte... Ou du moins faire croire qu'il essayait de charmer même en travaillant. Non, Luke n'était pas de ce bois là... Ou du moins jusqu'à maintenant. Qui sait si les enseignements de son professeur ne déteignaient pas un peu sur lui et qu'il ne commençait pas à en jouer en abordant cette fausse mine intimidée voire outrée.
Karm Torr
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C’était un progrès. Un petit progrès. Et Karm n’était pas spécialiste des petits progrès. L’Ark-Ni avait toujours avancé dans ses études par de grands sauts, en faisant l’économie de bien des étapes intermédiaires, au plus grand désespoir de ses professeurs, qui avaient bien du mal à le suivre. Doué parfois d’une avance incroyable, affecté d’autres fois de lacunes considérables qui stagnaient, Karm était à cet égard un surdoué typique, qui ne connaissait pas le juste milieu.

Et cette situation l’empêchait de bien comprendre la manière dont les autres pouvaient procéder. Il s’était presque attendu à ce que Luke, après quelques conseils et une petite démonstration, puisse faire voltiger le sabre dans les airs. Après tout, c’était facile, non ? Il suffisait de… De… Il n’aurait pas su dire précisément quoi, mais il le sentait clairement dans son esprit.

Fort heureusement, avec l’âge, et le contact répété avec les Padawans, l’aidaient petit à petit à adopter une perspective qui n’était pas la sienne. Alors il murmura :

— C’est bien. Tu gères. Avec un peu d’entraînement, je suis sûr que tu y arriverais impec.

Et en attendant, il fut jeté sur de la mousse d’emballage. Il n’était pas impossible qu’il se fût un peu laissé faire. Les bras désormais croisés sous la nuque, il réfléchit à la délicate question de Luke. Après un moment de silence pensif, il avoua :

— J’suis pas super fan du réductionnisme théologique. J’trouve que c’est une forme particulièrement perverse de néo-colonialisme dont l’Ordre Jedi a la spécialité. J’veux dire, la propension des Jedis à considérer qu’ils détiennent la vérité absolue, que leur formulation des phénomènes touche à la réalité nouménale, qu’elle est définitive et générale, elle me paraît déterminée socio-économiquement, plutôt que, genre, objectivement, ou même métaphysiquement.

Parler de religion à Karm, c’était s’exposer à se faire embarquer dans les plus complexes et les plus élaborés des raisonnements de l’Ark-Ni. Si le jeune Chevalier évoquait de temps à autre sa foi, il en exposait rarement les tenants et aboutissants. Il était ainsi facile d’ignorer l’intérêt qu’il portait à la question. Comme sa pratique de la musique, c’était l’un de ses secrets, qu’il ne cherchait pas à cacher à toute force, mais qui n’avaient que rarement l’occasion d’apparaître au grand jour.

— J’crois qu’j’me suis fait un peu mal, en tombant, s’interrompit-il cependant, avant de poursuivre d’une voix faussement innocente, à mon avis, faudrait que tu viennes m’ausculter de toute urgence.

Une importante mission médicale à laquelle une traction télékinésique invitait Luke avec une insistance croissante. Quelques secondes plus tard, l’Hapien était définitivement attiré dans les bras de son prétendu patient.

— J’admire ton zèle médical.

Les bras refermés autour de Luke, Karm reprit le fil de leur conversation.

— C’que j’veux dire, c’est que… C’est pas parce que la Force, c’t’une réalité objective, et qu’on sait que c’est une réalité objective, que c’est la seule chose qui existe, et puis que notre manière de l’appréhender, c’est forcément la bonne. Mais il se trouve que l’Ordre Jedi jouit d’une position super dominante. J’veux dire, dominante intellectuellement, et économiquement, et socialement. Et qu’on a tendance à utiliser cette domination, disons, matérielle, tu vois ? Pour exercer une domination théologique. Des fois, ça prend la forme d’une ingérence, des fois, ça consiste juste à mouliner dans nos archives les croyances des gens et à faire comme si c’était juste des primitifs qui sont pas capables d’accéder à notre vérité.

Il y avait d’ailleurs une division assez profonde au sein de l’ExploCorps, couverte par la courtoisie ordinaire et la fraternité cultivée par l’Ordre, qui permettaient le plus souvent de surmonter les différences, et qui séparait d’un côté ceux qui, comme Karm, croyaient à la possibilité de vérités multiples, ou en tout cas de parcours multiples vers la vérité, et ceux qui estimaient que les civilisations étaient toutes inscrites sur la même voie d’un même progrès, qu’il y en avait de plus et de moins évoluées, et que le rôle de l’Ordre, voire de la République, était de faire advenir un degré supérieur d’avancement.

— Moi, j’crois pas que croire, je sais pas, à une déesse à tentacules, ce soit nécessairement une façon plus stupide et moins appropriée d’accéder à l’élévation spirituelle que de croire à une puissance abstraite qu’on appelle la Force. Et franchement, souvent, j’me dis, si on demandait à chaque Jedi ce qu’il comprend précisément quand il pense à la Force, l’idée qu’il s’en fait et tout, on aboutirait à des réponses vraiment, vraiment très différentes, et le beau corps doctrinal et la belle orthodoxie de l’ordre voleraient en éclats.

Et, à son avis, ce ne serait pas plus mal.

— Genre moi, ma conception, elle est un peu… Théiste, ça, c’est sûr. Et un théisme immanent. J’crois que la Force est une divinité et que c’est une divinité qu’est présente dans la matière même du monde. Qu’on y accède par la matière, plutôt que par, genre, la privation, l’abstraction ascétique et tout ça. Et ça, ça me rend vachement plus proches des tribus qui font des rituels magiques que des Maîtres Jedis hyper républicains et rationalistes qui voient la Force comme un principe abstrait et un ensemble de processus psycho-mécaniques.

Dire que Luke aurait pu s’attendre à se faire éhontément tripoter sur la mousse et, qu’à la place, il se retrouvait embarqué dans une conversation sur la politique religieuse, la théologie et la philosophie spirituelle.
Luke Kayan
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- Vile flatteur! Ou aveugle, je ne sais pas trop comment te définir.

S'amusa Luke, bien conscient lui que ses progrès risquaient d'être encore plus lents dans ce domaine, sans parler de son seuil limite, ce dernier étant bas, le chevalier stagnerait d'ici peu. Heureusement il s'était enfin fait une raison et ne se frustrait plus tant à l'idée de ne jamais être LE Gardien sauvant des planètes entières à coup de savants moulinets du bras, accompagné par le bourdonnement de son sabre-laser, glorieusement illuminé par sa propre lame.

- Oui et d'ailleurs je confirme que tu n'es qu'un plaintif, il n'y a même pas un hématome. Ne serait-ce pas une tentative de fraude à la sécurité sociale? [HJ: on suppose que ça existe, non? xD] Allez debout!

Seulement, alors qu'il voulait se redresser pour obliger Karm à se redresser, Luke se retrouva aspiré dans les bras de son compagnon. Les joues rougies, le jeune homme se débattit légèrement, pour la forme -alors que c'était lui qui avait un peu instillé le jeu, mais voilà que ce dernier le prenait de court, animant son habituelle timidité à resurgir.- avant de se laisser totalement contre la poitrine chauffée par l'exercice.

- Je ne sais pas trop. J'ai du mal à voir la Force comme une divinité, je crois que c'est plutôt une sorte de créature? Un être vivant peut-être, doté de capacités extraordinaires de part sa propre nature.

Voilà, il était donc officiellement un chevalier Jedi rationaliste... Ou du moins plus que son compagnon. Les joues en feu mais plus par crainte de décevoir qu'à cause de leur position, le jeune homme poussa un léger soupir, tandis qu'il réfléchissait aux propos de son aîné. L'une de ses mains se posa sur le bras qui l'entourait fermement. Il essayait d'intégrer la théorie de son ami, tournant et retournant l'hypothèse dans sa tête. Au fur et à mesure, bien qu'il ne conçoive toujours pas d'être considéré comme un prêtre, Luke commençait à saisir comment et pourquoi Karm oui. Prudemment, le Consulaire essaya à son tour d'exposer ses pensées sur la fameuses déesse à tentacules.

- Je crois que les religions se basent sur un fait ou un ensemble de croyances, de principes, de valeurs qui, au fil du temps, trouvent un visage. Les voyants en ont souvent besoin, d'un visage à contempler, à qui se référer. Je pense que la déesse aux tentacules n'est pas stupide, y compris qu'elle existe car ceux qui suivent ses préceptes la font vivre, en respectant ce qui fut un jour dicté de la main d'un homme ou de... Peu importe ce que c'était, mais comme notre Ordre, une communauté vit à travers et grâce à ceux qu'elle unit. Au final est-ce si important que la fameuse divinité donne une preuve de son existence?

Le rationalisme de Luke se mêlait à quelque chose d'autre, peut-être un genre d'optimisme ou de foi en l'humanité qui lui laissait penser que les gens pouvaient incarner leur propre divinité en accomplissant ses volontés. Cela dit, il trouvait aussi un peu hypocrite de bien agir par crainte d'une punition de la part du dieu en question, mais ce serait probablement trop en demander aux gens de seulement croire en eux pour une guérison, une aide ou l'application de valeurs. Ils avaient besoin de s'en remettre à une personne plus forte, capable de tout, alors que c'était souvent eux qui se relevaient, eux qui avaient tout le mérite, couplé à un peu de chance, certes. D'où venait cette chance? Les divinités finalement, existaient-elles autrement que par le biais d'une métaphore désignant les leaders de mondes? Des exemples que l'on élevait au rang d'être supérieur? À vrai dire le Hapien s'était très peu de fois posé la question, il n'était donc pas érudit en ce sens, loin de là.

- Mais j'admets m'être très peu aventuré sur le domaine, je reste donc ouvert.

D'autant plus qu'il n'avait pas visité de civilisations, lui, ni vraiment fait d'études sociologiques, ni approfondies ni même superficielles, perdu sur son morceau de roche dans un recoin de la Galaxie. Centré sur la Force et limité par son handicap, il avait focalisé ses recherches sur ce qu'il connaissait, encore trop peu à son goût, évidemment. Ah l'inaccessible Force, la divine Force. Quand il la suppliait de l'aider, le faisait-il par manque de confiance en lui, désir d'humilité pour ne pas se croire trop puissant, ou était-ce une prière à sa déesse?

- Si la Force est une divinité, comment crois-tu qu'elle choisit ses élus? Ceux qui y sont sensibles?

De ce côté, le Hapien avait une théorie purement scientifique: le hasard. La génétique aidait mais pas tant que cela puisque bon nombre de famille sans antécédents donnaient vie à des enfants sensibles, comme c'était son propre cas d'ailleurs. Bien sûr, des parents Jedis avaient une forte tendance à transmettre leurs capacités, mais pour les autres, qu'est-ce qui décidait la Force à les toucher de sa grâce? Les Siths étaient-ils des erreurs de jugement de sa part, ou une volonté propre d'équilibrer le monde?

Bien qu'il soit sceptique et ne connaisse pas grand chose dans le domaine, le blond se montrait très intéressé par Karm. Il aimait quand ce dernier lui exposait des sujets qui le passionnaient, d'ailleurs souvent différents des siens - la mécanique, le sabre-laser, la religion- il adorait écouter sa voix, comme par hasard beaucoup plus fluide, ses explications claires. Dans ces moments-là, il se dégageait de l'Ark-Ni une aura rassurante, un charisme spécial qui poussait Luke à se tenir sagement dans ses bras, plus désireux de rester gentiment coincé là, à l'écouter parler, expliquer, théoriser tout en répondant selon ses propres capacités, certes rendues faibles à cause du domaine qui n'était guère le sien. Mais qu'importe, à part une certaine peur d'avoir l'air d'être un de ces Jedis centristes, coincés, rationalistes, il avait passé le stade de la "jalousie" vis-à-vis du bon nombre de connaissances de son ami, ou encore sa capacité à faire des bons de géant dans un domaine. Quoique conscients que ses propres progrès étaient lents quant ceux de Karm fusaient à la vitesse de la lumière, pour peu que le domaine l’intéressât, il ne s’inquiétait plus autant d'ennuyer son ami ou d'être inutile. Petit à petit, lui aussi avançait et il apprenait à faire confiance à son compagnon. Il lui parlerait s'il y avait un problème, il n'y aurait pas de trahison cette fois, de colères injustifiées comme celles que piquait Jason. Ils parlaient de tout, et cela le rendait fier.
Karm Torr
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— Dis donc, c’est presque une réponse démagogue, ça, mon cher, s’amusa Karm, alors que Luke essayait de lui fourguer l’idée que les dieux vivaient dans les actes de leurs fidèles. C’est un truc des organisations oecuméniques que de botter en touche sur l’existence des divinités et de dire que ce qui compte, c’est les actes, mais les questions métaphysiques peuvent pas être écartées si facilement. Y a quand même pas mal de religion où la justification spirituelle est un produit de la foi et non des œuvres.

Et voilà.
Justification, œuvres, foi, métaphysique, l’Ark-Ni déployait d’un coup tout le vocabulaire de la théologie, enthousiasmé par une conversation que l’on n’avait pas souvent, au sein de l’Ordre. Certains Maîtres avaient à coeur d’exposer leurs préceptes spirituels mais, en général, il fallait attendre bien des années avant que quelqu’un ne vous juge digne de vous engager dans ce genre de discussions.

Karm pouvait compter sur les doigts d’une seule main les débats théologiques ou même pastoraux qu’il avait eus au cours de sa vie. Comme la musique, c’était jusque là pour lui une passion assez solitaire. Les Maîtres qui s’intéressaient le plus à ces questions exerçaient en général parmi les Sages, chez les Consulaires, et ils n’imaginaient pas spontanément que des Gardiens puissent avoir de semblables préoccupations.

— C’que j’veux dire, c’est que la religion, c’est pas qu’un phénomène social, c’est aussi un enjeu spirituel, et du point de vue spirituel, la question de l’existence objective ou non des divinités dont il est question, elle peut pas être accessoire, t’sais ? J’te raconte même pas quand les gens ont une sotériologie complexe qui repose sur une grâce inconnaissable et… Ouais, enfin, bref, peu importe.

Mieux valait ne pas venir à bout de la patience de Luke en s’engageant sur un terrain beaucoup trop technique. En parlant, Karm avait laissé l’une de ses mains se faufiler sous le haut du Hapien, pour caresser son dos, et la chute de ses reins. Parfois, des oiseaux se frayaient un chemin entre les verrières crevées de l’ancienne usine et se débattaient pendant quelques minutes dans le vieux bâtiment, avant de retrouver le chemin de la sortie. L’Ark-Ni les suivait du regard, pensif.

— En tout cas, j’pense pas tellement que y a des élus ou non. J’pense que chacun peut avoir sa façon d’appréhender la Force et que c’est pas nécessaire d’être… Non, c’que j’veux dire c’est que…

Le jeune homme laissa échapper un soupir, alors qu’à nouveau il s’embrouillait dans ses explications.
Se calmer.
Réfléchir.
Mettre en ordre ses idées.
Et se lancer.

— Nous, on dit : les Jedis sont sensibles à la Force. Parce qu’on a des pouvoirs. Mais à mon avis, c’t’une mauvaise manière de présenter les choses. Nos pouvoirs, c’est une manière d’utiliser la Force. C’est une forme de sensibilité. Mais le paysan très compétent, qui connaît bien la terre, qui connaît bien les plantes, et la météo, et tout ça, et qui cultive ses champs, qui participe au cycle de la vie, t’sais ? Ben lui aussi, il est sensible à la Force, en tant que la Force est l’ordre vivant du monde, et lui aussi, il a ses pouvoirs, même si c’est moins… Magique de prime abord. Ou plus répandu. Les Jedis et les Siths ont un peu tendance à s’arroger le monopole de cette sensibilité, et en le faisant, ils réduisent vachement la Force à… du mana, en quelque sorte.

Voilà qui expliquait sans doute l’affinité spontanée que Karm avait pour les Corps Auxiliaires de l’Ordre Jedi, là où les Padawans qu’on n’avait pas jugés dignes d’être Chevaliers poursuivaient leur carrière, dans la géologie, l’agriculture ou l’administration. Il était persuadé que c’était un rempart utile contre la dérive orgueilleuse de l’Ordre et l’un des supports les plus utiles à une possible réforme de leurs doctrines et de leur organisation.

— Le paysan talentueux, là, il est tout aussi élu que toi et moi. Les midichloriens, tout ça, c’est juste… C’est juste un talent, comme un autre, si tu veux. C’est un talent un peu exceptionnel, j’dis pas, comme le peintre précoce ou le mathématicien de génie, ils ont un talent exceptionnel, mais c’est un talent qui est sinon du même degré, du moins de même nature, du point de vue théologique, que le talent du paysan, ou du mec qui est super doué en cuisine. En ce sens-là, j’pense pas qu’il y ait des élus. Les dons sont répartis, p’têtre au hasard, mais en tout cas, sur tout le monde. Et chacun peut méditer sur la nature de la Force, et pratiquer la Force, soit en utilisant des pouvoirs de Jedi, soit en cultivant patiemment ses champs. C’qui compte, c’est pas l’aptitude en elle-même que le degré de conscience et d’intentionnalité qu’on met dans ses actes.

Encore un peu et il était mûr pour fonder son propre courant théologique au sein de l’Ordre.
Au sein de l’Ordre, mais sans doute très, très à la marge.
Luke Kayan
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- C'est surtout de la débrouille si tu me permets l'utilisation de ce mot passe-partout et vulgaire.- Confessa le jeune homme avec un sourire si léger qu'il restait difficile à détecter.- Parce que je n'y connais rien en religion.

De prime abord, cela pouvait paraître étrange qu'un Consulaire ignore tout de ce thème, s'il n'était pas central, tout de même important. Mais au fond, Luke n'était qu'un chercheur amateur qui avait publié et continuait d'écrire pour le plaisir. Ses fouilles demeuraient désespéramment sommaires à côté de celles d'un vrai explorateur comme l'Ark-Ni. Limité par son vrai rang-diplomate donc- au sein de l'Ordre aussi bien que son handicap, le jeune homme disposait d'une "vision" extrêmement théorique. Ses  découvertes lui prenaient du temps, étaient unilatérales et difficiles à vérifier sur le terrain. Ainsi, il n'avait pas eu de peuple croyant aux déesses tentaculaires à interroger, ni même de Jedis. Son travail de diplomate l'avait simplement et comme l'avait remarqué Karm, poussé à botter prudemment en touche sur un thème qu'il avait si peu abordé. Ce n'était pas inintéressant, mais Luke était clairement plus versé sur les réactions physiques et psychiques des êtres vivants en présence ou en absence de la Force. Malgré son plaisir à la manier, la sentir couler en lui, il ne s'était pas posé de question théologique, son domaine relevant plus exclusivement de la philosophie.

- J'aime beaucoup ta théorie.

Surpris d'apprécier une chose aussi différente que celle qu'on lui avait enseigné, le blond sentit à nouveau une onde de fierté l'envahir. Karm avait des idées dont il se méfiait parfois, en bon petit Jedi traditionnel bien dressé, mais pour lui, cette illustration de l'agriculteur possédant ses propres talents, sa propre Force, représentait parfaitement un des piliers de l'Ordre: l'humilité. Tout le monde était égal, et honnêtement, après l'exposition le Hapien se sentait plus à l'aise avec cette idée que celle de posséder des grands pouvoirs qui mettait les Jedis sur un pied destale.

- Changeons alors un peu la phrase: Le domaine où s'exercent nos "talents" implique la protection et la responsabilité de ceux qui en possèdent dans d'autres champs, ne leur permettant pas directement de se défendre.

L'art de tourner les mots. Sans en arriver à l'hypocrisie, commune aux politiciens, le Jedi avait bel et bien été éduqué pour savoir polir les surfaces abruptes, choisir des phrases qui n'offensaient pas et valorisaient. Adolescent, il s'était insurgé de cette délicatesse sonnant faux. Aujourd'hui, manier avec précision ces expressions lui semblait utile à défaut d'être vital, et parfois, les gens savaient être reconnaissants envers ceux qui servaient une vérité tempérée. Le style trop direct, actuellement à la mode qualifié "franchise" -lui aussi un euphémisme parfois.- n'étaient pas toujours nécessaires, d'autant plus que le blond était sincère dans ses propos. Il était donc heureux de réajuster sa formulation, de trouver le pont entre ses idées et celles de Karm. C'était différent mais compatible, tout allait bien, cela restait dans sa zone de confort.

En parlant du concept de confort, le jeune homme sentit son dos se arquer instinctivement sous la caresse aussi appréciée que redoutée. La naissance de sensations jusque là endormies étaient encore faibles, contrôlables, mais n'en annonçaient pas moins des prémisses jugés honteux au sein de l'Ordre. Un rose pâle colorant déjà ses joues, le Jedi évita de songer à ses idées les plus primaires, concentré sur les propos de Karm, regrettant d'ailleurs un peu son "enfin bref", car contrairement à ce que songeait celui-ci, Luke ne se fatiguait pas de l'entendre parler d'un sujet qui le passionnait. Certes, le blond était limité mais également intrigué, parfois fasciné par les expositions de son aîné.

- Je t'admets ne pas être convaincu par le point de vue de cet enjeu spirituel, mais pour ce que je vois.- Son sourire se fit un peu plus franc, devenant une mimique moqueuse qu'il s'adressait personnellement.- J'en sais si peu à ce sujet, en fait je m'étonne de ne m'être jamais posé de questions.

Était-ce mal? Le signe d'une manipulation de la part de l'Ordre? Peut-être, du moins pas intentionnelle, et Luke était de toutes manières à mille lieux d'imaginer une quelconque limitation. Pour lui, l'Ordre était ce qui se rapprochait le plus de la perfection. Cette ultime affirmation faisait-elle de lui un élitiste pompeux et auto-satisfait? Indirectement c'était possible, puisque le Temple, à défaut de posséder LA vérité, était une des organisations les plus productives et des plus justes pour lui, bien qu'il ne demeure pas fermé à d'autres révélations. C'était ce qui le différenciait probablement des plus vaniteux. Quoique bien dressé et partiellement aveugle dans le sens métaphorique du terme, le jeune Jedi était au moins capable d'ouvrir son esprit à de nouvelles améliorations ou des vérités qui feraient éclater la sienne en mille morceaux. Malgré le risque, malgré la chute.

- Tu sais quoi? Je suis tout à fait d'accord avec toi, pour attribuer le même mérite à tous, en fait j'irais même à en donner plus à la personne âgée qui fait 100 mètres qu'au jeune athlète qui refuse de marcher sur plus d'1 km.

Philosophie rapide, de comptoir, raccourcis et virages à 180 degrés que cette phrase. Mais pourquoi chercher plus d'arguments? Karm avait raison, au moins sur cette partie, et le Consulaire se sentait heureux que son ami soit finalement celui qui avait su mettre les mots sur des pensées l'ayant toujours accompagné. Puriste de base, le jeune Jedi avait toujours suivi à la lettre le concept d'austérité et d'humilité. Il l'appliquait donc sans mal, se réjouissant d'autre part qu'un guerrier résume proprement ses idéaux, parfois un peu éparpillés dans son langage compliqué, chamarré de trop longues métaphores. Les Consulaires comme lui oubliaient parfois les mots simples, les vrais, les phrases sans détour qui démontraient avec un seul sujet, un verbe, deux virgules et un point. Cependant, tous ces beaux constats sur la capacité de Karm à s'exprimer menaient à un constat que Luke s'empressa de partager:

- Je crains que notre collaboration ne doive bientôt s'arrêter, puisqu'en effet, votre formation est sur le point de s'achever.

Le Hapien eut une moue légèrement attristée bien qu'elle arriva un peu en décalé. Les années passant, même son travail au sein d'agences du maintien de la paix ne pouvaient empêcher ses expressions faciales de se flouer un peu. Il perdait l'habitude de parler avec ses lèvres, son regard ou ses traits en général. Pour autant, le blond était persuadé que Karm saisissait chaque jour, plus finement, les discrets changements de son visage, ceux qui ne se perdraient sans doute jamais, guidés par l'instinct, la nature propre à l'homme sincère, de parler sans mots.

Mais tandis qu'il se fondait dans les bras du Jedi à la chevelure d'argent, les yeux mi-clos, le corps sagement au repos, le jeune homme se redressa tout à coup de moitié. Cette fois, son expression était claire, tranchante, tandis que ses pupilles se posaient très exactement dans les teux de son ami dont il connaissait de mémoire, la position, la distance entre les deux, la forme et peut-être l'intensité.

- À ce propos, le Conseil commence vraiment à m'agacer -venant de lui c'était une affirmation des plus étranges, sans compter qu'elle était accompagné d'un air vraiment contrarié, lui aussi rare sur ses traits.- ils font pression pour que je prenne un Padawan. Je ne saisis pas, personne ne t'as obligé, non? Et pourtant tu es plus vieux, certes de deux ans, mais tout de même... Cette manie de m'encourager "fortement"...

C'est vrai que Luke n'en avait jusque là rien dit à Karm parce que la conversation demeurait une simple proposition aussi insistante soit-elle. Des mots glissés dans le Comlink, des allusions, bref, certains aînés ne perdaient pas une occasion, mais pas seulement du Conseil -qui avait autre chose à faire.- sinon en dehors, des chevaliers un peu plus âgés que lui, parfois plus jeunes qui s'étaient précipités dans l'enseignement. Non vraiment, Luke ne saisissait pas et s'il avait connu le parallèle, il l'aurait fait avec celui des femmes que l'on pousse à tomber enceinte dès le mariage. Mais les gens insistaient-ils vraiment autant ou était-il si hermétique que la moindre allusion lui semblait être une agression?

- Ce serait une catastrophe. Pauvre Padawan.

Et il sourit, pauvrement. Devait-il se moquer de sa propre incapacité ou se fâcher contre?
Karm Torr
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— Ah non, on se défile pas, m’sieur le prof. Je dois encore apprendre tous les rudiments de la diplomatie. Ma formation sera encore longue. Très longue.

Il se retint d’ajouter « et dure », mais l’idée était là. De seconde en seconde, il songeait que la conversation pouvait céder la place à un autre entraînement physique, du genre nudiste et collaboratif, mais la remarque de Luke sur le sujet on ne peut plus sérieux des Padawans calma un peu ses ardeurs. L’Ark-Ni esquissa une moue pensive.

— On m’a pas mis la pression. ‘Fin, j’sais pas, j’suis un peu hermétique à la pression, en vrai. C’est mon côté ark-ni, moi, les ordres, surtout quand ils sont voilés, ils ont tendance à me passer un peu au-dessus, si je les juge pas pertinents. Du coup, c’est bien possible qu’on m’ait fait des tas d’allusion que j’ai choisi d’ignorer, insolent que je suis.

La vérité de l’Ordre, c’était que les Jedis avaient toujours une masse considérable de Padawans, qui allait nécessairement croissant, à mesure que la démographie galactique continuait à développer les populations, alors même que les Chevaliers, eux, avaient tendance à être d’autant moins nombreux que les combats étaient ravageurs. Le Conseil se trouvait donc constamment dans la situation de faire coïncider une demande galopante de la part des Padawans à une offre raréfier de celle des Chevaliers.

— Après, t’sais, chez les civils, t’as toujours les parents qui font pression pour que tu te maries et que tu fasses des gosses, chez nous, c’est des vieux en robe de bure qui insistent pour que tu éduques un gamin qu’on sait jamais trop comment choisir. C’est dans l’ordre des choses. En fait, j’crois qu’il fait pas nécessairement attendre que le moment paraisse idéal, que tu te sentes complètement prêt, parce que c’est une perspective trop flippante, trop complexe, pour que tu en arrives jamais au point où tu te sentes à l’aise. A un moment, dans la vie, faut sauter le pas et espérer que tout se passe bien.

C’était à peu près ce qu’il avait fait de son côté, sans le regretter au demeurant. Parfois, il se demandait s’il n’avait pas pris Soruan sous son aile avec un intérêt purement utilitariste. Personne ne devenait Maître sans avoir formé au moins un Padawan et, s’il voulait poursuivre son projet d’intégrer les Conseils de l’Ordre pour y mener des réformes, c’était une case par laquelle il était obligatoire de passer. Mais après tout, en la matière, qu’importaient les raisons, tant que la formation qu’il prodiguait était adéquate ?

— Enfin bref, si tu dis non, tu dis non, ils vont pas te forcer complètement la main. Ou alors, ils sont vraiment en pleine dérive autoritaire, ce qui…

Ce qui ne l’aurait pas étonné. L’attitude de certains Maîtres devenaient pour lui de plus en plus préoccupantes. Entre ceux qui, comme Marja, s’engageaient dans la guerre avec une fureur qui rendait la différence avec les Siths quasi anecdotique dans bien des circonstances et ceux qui briguaient des postes politiques, jusqu’à la Chancellerie Suprême, Karm avait la nette impression que les hautes sphères du Conseil sombraient de plus en plus dans l’apostasie des valeurs les plus sacrées aux Jedis.

— Hmoui…

Karm préférait en général s’abstenir de critiquer trop ouvertement le Conseil devant Luke, parce qu’il craignait que ses désirs de réforme, qui étaient certes profonds et, à certains égards, pour le moins radicaux, ne fussent interprétés par son compagnon comme une franche hérésie.

— Donc, je pense pas qu’ils te forcent la main, mais n’empêche qu’à mon avis, tu devrais considérer la question. Tu pourrais faire un excellent maître. T’as plein de choses à transmettre, plein de domaines dans lequel tu es super compétent, t’es patient, savant et t’as pas mal de contact. Après, ouais, le combat, c’est pas encore trop ça, mais enfin, les Temples sont blindés de Maîtres d’Armes, d’une part, pour parfaire ses aptitudes, et d’autre part, ça veut dire que ton Padawan aura plus de responsabilité à cet égard et qu’il apprendra plus vite. N’importe comment, je crois pas que la situation soit aussi sombre que tu le dis.

Karm était bien placé pour savoir que l’on pouvait apprendre beaucoup, même dans les pires des circonstances.

— Réfléchis y posément. Essaie de t’imaginer la chose. De te dire quel genre de Padawan tu pourrais avoir. Ce que tu lui ferais fort. Pas sur des années, mais juste, genre, les premiers jours. Histoire de te familiariser avec l’idée. Et garde à l’esprit qu’un Padawan, c’est pas un pote, c’est pas un collègue, c’est un élève et un jeune en formation. Tu te trouves peut-être pas fun ou je sais pas quoi, mais en l’occurrence, on s’en fiche, c’est pas ce qui compte. Songe à tout ce que tu as à transmettre, et puis à tout ce que tu pourrais apprendre, toi, de ton côté.
Luke Kayan
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- Si vous étiez dans le privé vous ne diriez pas pareil. Ah mais des classes tout frais payées par le public, on n'est jamais pressé de passer au niveau supérieur.

S'amusa Luke qui avait appris cette notion en fouinant dans les comptes bancaires, les vies, les factures. Cela pouvait sembler simple de base, mais les Jedis et leur vie presque monastique ignoraient souvent les rouages du quotidien. De fait, le jeune homme se serait vite retrouvé enseveli d'incompréhension à l'heure de payer ses impôts. C'était une fois adulte, lorsqu'il avait commencé à enquêter qu'il s'était fait une idée de la vie des "gens", sans toutefois encore saisir leur notion de loisirs. Était-ce sa cécité qui l'avait maintenu en marge, son caractère ou le propre système qui contenait une faille? L'idée froissait ses convictions envers le magnifique, le parfait Ordre Jedi, mais il l'admettait tout de même, probablement une influence de Karm qui, lui, n'hésitait pas à critiquer, même s'il lui épargnait ses plus vives protestations, ce que Luke ignorait, évidemment, prenant ses hésitations pour l'habituelle difficulté d'expression de son ami. Ainsi, il ne se doutait pas jusqu'à quel point les idées du Chevalier Turquoise divergeaient de celles de l'Ordre, sur certains points en tout cas, les autres il les avaient assimilées et même adhéré à certaines. Finalement son esprit n'était pas si fermé, et Karm réussissait à ouvrir les yeux du blond là où Jason avait lamentablement échoué, n'ayant que des vulgarités à la bouche. Luke n'était pas simple à convaincre et malgré les apparences, il ne manquait pas de caractère. Seuls des arguments bien menés parvenaient à le faire changer, sans oublier l'amour qui aidait à faire passer un peu la pilule évidemment.

Bref, pour en revenir à critiquer leur communauté, le jeune homme avait déjà réussi à en formuler une part lui-même et s'en convaincre, encore restait-il à trouver le moment idéal pour l'exposer à Karm. L'Ordre devrait se renouveler, quitte à donner des cours de "vie quotidienne", afin de sensibiliser les Padawans à leur environnement, d'aider ceux qui ne deviendraient jamais chevalier-par manque de capacité ou par choix- à mieux se réintégrer. L'idée trottinait dans sa caboche depuis sa rencontre avec Galen, un ex-apprenti qui ne trouvait pas sa place parmi les Jedis. Celui-ci s'était finalement enfui du foyer que lui avait trouvé Luke, tout cela sans rien connaître de l'extérieur, ni avoir d'éducation, rien que des connaissances Jedis qui ne lui seraient pas utiles, ou du moins partiellement. Être professeur signifiait-il prendre le temps d'étudier les civils avec son élève ou la lui cacher par peur des tentations?

- J'ai tellement de doutes encore. Tu sais, depuis longtemps déjà, je me demande si l'Ordre devrait s'ouvrir à la vie du dehors, je veux dire... Même accepter que les Padawans sortent certains soirs.- L'idée frôlait l'hérésie et le Hapien suffoquait presque en l'évoquant.- parce que cette blague sur le domaine privé et public, en plus de certaines autres occasions me rappellent combien nos étudiants sont ignorants vis-à-vis du système économique et social. Je sais que nous avons des classes de ce genre, mais elles ne sont guère poussées. Et surtout trop générale. Moi je parle de faire face aux tentations pour mieux les éviter par la suite. Je me suis déjà retrouvé dans une discothèque, perdu et ignorant tous des codes de langages parlés et non parlés entre les civils. Même lors d'une couverture.

Se cherchait-il des excuses pour échapper à la case "enseignement" sans se sentir coupable de casser les rêves d'un des trop nombreux apprentis sans maîtres? Ou prenait-il réellement conscience des failles de l'éducation, sans pour autant oser s'éloigner des standards?

- C'est vraiment moi qui ait dit ça?...

Le jeune homme se releva à demi dans les bras de Karm, contrit de ses propos hautement hérétiques. Laisser sortir des élèves le soir, où avait-il été pioché ça? Leur permettre d'expérimenter sur le terrain? Non mais sérieusement...

- Enfin je suppose que tu as raison, je vais y réfléchir. Ce serait moi, je n'aurais jamais passé les épreuves de chevalerie car je ne me sentais pas du tout prêt. J'admets être très subjectif et souvent pessimiste en ce qui concerne l'évaluation de mes capacités. En plus, je suppose que nous serions suivis au début... Donc aidés et surveillés. - Il laissa un long moment passer, réfléchissant encore aux propos de Karm, acceptant quoique douloureusement de changer un peu son "non" catégorique.- Apprendre, je n'en doute nullement... Ce que j'espère, c'est de pouvoir apporter à un apprenti quelque chose. Je sais que je travaille dur pour être à jour dans mes domaines, cependant cela me semble un peu incomplet. Comme le serait un pur bretteur par exemple, lequel n'aurait vraiment aucune capacité de négocier ou de philosopher... Mais c'est vrai que je suis en train d'apprendre à me diversifier, et c'est une bonne idée... Envoyer l'éventuel Padawan à un Maître d'armes. Ça tombe bien! Je connais quelqu'un qui se débrouille parfaitement dans le domaine.

Un sourire vint se loger sur les lèvres du Hapien, tandis qu'il oubliait un peu sa précédente réflexion, ou du moins l'assimilait comme une vérité qui était sienne. C'était vraiment ce à quoi il croyait, de manière confuse encore, certes, mais l'Ordre était resté trop traditionnel dans certains cas, et ce n'était qu'un des soucis à relever.

- Plus sérieusement, Saï Don dirige encore ce Conseil et je suis bien placé pour savoir qu'on peut complètement se fier de lui... Dans ce cas, ils ne m'obligeront à rien. Ce doit être une pression "positive" j'imagine. À moi de voir ce que j'en fais, grâce au temps je suppose.

Et s'il laissait juste les choses faire pour une fois? Karm s'y prenait ainsi, et il y parvenait... Voyons voir si sa technique fonctionnait. Laisser couler librement et naturellement.

- En attendant, parle-moi d'autres réformes que tu penserais utile. Je suis particulièrement ouvert aujourd'hui.

L'encouragea-t-il finalement en caressant sa joue du bout d'un doigt. Bien sûr, Luke craignait les actes de grandiloquences de son ami qui serait parfois prêt à tout changer, mais il en avait surtout envie. Envie d'essayer de comprendre, d'écouter et peut-être même d'y adhérer, qui sait?
Karm Torr
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— Voilà. Dis toi que tu seras jamais tout seul, à le former, ce Padawan, et que tu auras du soutien de l’ensemble de la communauté. J’veux dire, au-delà de ses cours et tout, y a plein de gens à qui tu peux demander de l’aide et qui se feront un plaisir de t’assister. D’ailleurs, à mon avis, tous les Chevaliers devraient faire ça. C’est idéal pour montrer au Padawan la diversité de l’Ordre, pour lui faire rencontrer différents profils, et l’aider du coup à choisir la voie qu’il empruntera plus tard, en toute connaissance de cause. J’aurai préféré, largement.

Lui n’avait connu que les armes, les armes et encore les armes. C’était tout un monde, certainement, du sabre aux pistolets, des explosifs aux canons des vaisseaux spatiaux, mais un monde dont il avait été bien heureux de sortir, une fois libéré de l’influence de Tavaï. Parfois, il songeait à tout ce temps perdu. A ces disciplines qu’il avait découvertes sur le tard, la géologie, la botanique, l’ethnographie, et où, peut-être, il aurait pu exceller, comme il excellait au sabre, s’il y avait été initié plus tôt.

— Viens, on rentre à l’hôtel, il commence à faire vraiment nuit.

Il se releva et aida Luke à en faire de même, avant de reprendre le chemin de leur établissement. Le lendemain, ils décolleraient probablement pour Coruscant ou Ondéron, incertains de la suite que prendrait leur enquête sur les événements de Belsavis, faute d’avoir rien trouvé de très concluant sur Naboo. Peut-être que le Maître Trandoshian aurait finalement de son côté plus de chance.

En marchant, Karm poursuivit leur conversation.

— Je pense que… Hm. J’ai pas forcément tout réfléchi de manière systématique. J’veux dire, j’ai des idées, mais je dis pas que c’est des trucs qu’il faudrait forcément tous appliquer là maintenant. Y a probablement une gradation à respecter, des étapes à pas brûler, tout ça, tu sais ? Mais bon. Déjà, je pense que les Padawans devraient passer plus de temps avec les Corps Auxiliaires, pour que ceux qui ratent leurs épreuves de Chevalerie, ou bien les passent jamais, sachent qu’il y a des opportunités très intéressantes qui s’offrent encore à eux et pour qu’on vive moins avec l’idée qu’il y a une aristocratie de Maîtres et de Chevaliers et, en dessous, de petits exécutants techniciens pas assez doués pour l’intégrer.

Il grossissait le trait et aucun Jedi n’aurait été aussi explicite que cela mais le dichotomie était bien réelle et, pour la plupart des Padawans, ne pas devenir un Chevalier était un cuisant échec. Certains découvraient ensuite que les Corps Auxiliaires offraient des carrières captivantes et épanouissantes mais, pour bien d’autres, cette affectation relevait toujours d’une forme de punition et de déclassement.

— Ensuite, je pense que des gardes-fous plus sérieux devraient être instaurés entre l’Ordre Jedi et les institutions républicaines. Que des Jedis puissent devenir ministres et même chanceliers, ça me paraît profondément problématique. Pour tout dire, même, de mon point de vue, c’est de l’apostasie. On renie les principes fondamentaux de l’Ordre. Alors je dis pas que les gardes-fous devraient être des interdictions irrévocables. J’suis pas fan des interdits réglementaires, j’les trouve souvent peu productifs. Mais plutôt une insistance plus grande sur la philosophie, sur la formation spirituelle, sur la spécificité de l’Ordre, et un peu moins de violons patriotiques et de propagande républicaine.

Pour un Ark-Ni, la République était très loin d’être une démocratie idéale. Elle relevait plutôt de la dictature de la bureaucratie et de la tyrannie de la bourgeoise, où les technocrates et les grands possédants faisaient et défaisaient les lois suivant leurs intérêts. Karm la protégeait malgré tout, parce qu’elle était un moindre mal et que son existence, en face de l’Empire, était un rempart nécessaire à la progression d’une violence et d’une oppression généralisées.

— De manière générale, en fait, je serais plutôt favorable à… un retour du religieux, je suppose. J’imagine que ça fait peur dit comme ça, on s’imagine du fondamentalisme et tout, mais ce que je veux dire par là, c’est que parfois, notre formation ressemble à l’entraînement de super-techniciens, d’experts, c’t’une école polytechnique, quoi, pas tellement un ordre monastique. Je crois vraiment qu’on a besoin de restaurer notre spiritualité. De réfléchir parfois un peu moins à ce à quoi on sert et un peu plus à ce qu’on recherche, ce qu’on représente.

Quand il songeait à certains Maîtres, comme Marja, qui avaient parfois l’air de considérer les Padawans d’abord comme des instruments dans la guerre contre l’Empire, il jugeait que l’Ordre avait gravement dévié de ses principes fondamentaux.

— Ensuite, y a toutes les questions morales. Je crois que l’Ordre devrait être moins… Cloîtré. On est pas cloîtré, mais on est séparés de la vie du monde, et ça me paraît problématique, à la fois sur le plan pratique, sur le plan psychologique et sur le plan spirituel. Les Jedis devraient pouvoir se marier plus librement. On a le droit mais faut avouer que c’est vraiment pas encourager. Fonder des familles. Garder vraiment contact avec les leurs. Parce que… Parce qu’une religion qui cherche à se couper du monde, c’est une religion qui est pas bien sûr de ce qu’elle prêche. De la solidité de son système. Moi je veux quelque chose d’intégrer à la vie. D’intégrer à la Force. Pas de ces abstractions artificielles. J’ai foi en nous et en notre capacité à donner du sens et de la pertinence aux expériences de la vie quotidienne. Les ascètes détachés des réalités du monde, ça a vraiment pas beaucoup de valeur à mes yeux.
Luke Kayan
Luke Kayan
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- C'est vrai

Articula le jeune homme, la gorge rendu sèche par les souvenirs partiels offerts par Karm. Il ne pourrait pas faire pire que Tavaï, quoique le chemin menant au côté obscur était pavé de bonnes intentions comme le voulait l’adage. Au moins, la perspective d’être épaulé par son ami et l’Ordre le rassura un peu, suffisamment pour qu’il se lève sans trembler. Telle une métaphore prometteuse du futur, Karm l’aida à le faire et le conduisit vers l’hôtel. Il avait toujours pu compter sur le chevalier turquoise, dès le premier jour et c’était en partie ce qui l’avait charmé. Son compagnon avait beau râler sur l’Ordre, il ne le faisait pas sans raison et surtout sans l’idée d’enflammer le Temple. Il ne voulait que l’améliorer, pas le brûler. Karm aimait leur communauté, il ne serait jamais un dissident, et son propre futur apprenti potentiel ne tuerait personne en hurlant que son maître avait gâché sa vie. Tout allait bien. Luke respira, laissant filer dans la Force, une onde de bien-être encore sur la retenue mais chargé de reconnaissance pour cet homme et à travers lui, cet Ordre qui lui portaient une confiance que lui n’avait pas.

- Je suis tout à fait d’accord en ce qui concerne les Corps Auxiliaire, et si nous pouvions ménager du temps aux Padawans qui ont un maître pour y effectuer de courts séjours et briser ce mépris, ces préjugés, ce serait parfait.

Luke n’était auparavant pas très conscient de ce problème, ayant rencontré son maître avant de s’inquiéter d’en trouver un.  Il avait d’ailleurs inconsciemment craint de « finir dans le Corps Agricole » de peur de ne pas être digne et de rater sa formation alors que le dédain n’était pas du tout dans sa nature. C’était juste dans la norme de penser que se faire refouler au poste de Chevalier était un échec. De ce fait, si les Consulaires étaient parfois vu comme une catégorie de « planqués » ou de « somnifères frileux amoureux des palabres », les Corps étaient souvent dénigrés. Le jeune homme n’en avait pas fait son cheval de bataille mais il était décidé à agir si c’était dans ses possibilités afin de régler ce souci. Cette idée, il se sentirait prêt à la porter auprès du Conseil tant elle lui semblait juste, vitale. Fréquenter Karm et avoir été témoin de la détresse de Galen Jare, l’apprenti dégoûté de l’Ordre l’avaient poussé à prendre conscience, si seulement les Jedis s’en rendaient compte. Ils pourraient se pencher sur ce cas au lieu de dépenser de l’énergie dans la politique comme le suggérait le Gardien.  

-Tu le sais, je suis également d’accord en ce qui concerne la politique. J’ai été surpris lorsqu’Halussius fut nommé chevalier, j’étais adolescent à cette époque et je me souviens avoir longuement interrogé Maître Don. Bien que l’ex Chancelier Harnor se soit bien débrouillé, ce n’est pas la place d’un Jedi.

Ce n’était pas hypocrisie que Luke trouvait le laxisme sur les mœurs beaucoup plus acceptable que l’hérésie de l’engagement politique. La neutralité était un des piliers fondamentaux de l’Ordre : aider les démunis peu importe leur origine, leurs idées, leur système politique ou classe sociale. La politique impliquait finir par se ranger d’un côté et favoriser certains citoyens, à cause de convictions enfoncées dans le crâne au fur et à mesure ou simple prudence. Luke voulait pouvoir crier à l’injustice contre la République si elle agissait mal, choisir de participer ou non à un conflit au lieu d’y être envoyé comme un soldat sans prendre en compte ses idéologies de Jedis. C’était ce qui les guettait à force. Et puis des Jedis ministres n’avaient plus le temps d’accomplir leurs devoirs les plus modestes pour leur propre communauté ou les citoyens dans leur individualité. Ceux-ci ne devraient pas former une foule à convaincre, pas aux yeux des Jedis.

- J’ai entendu parler d’un apprenti Jedi qui s’en fut avec son Maître pour une mission. La planète était divisée en deux, et le Padawan se prit d’affection pour la cause des Rebelles, au point de rendre son sabre-laser pour rester à leur côté et lutter. Plus tard il revint supplier le pardon, et l’Ordre lui accorda une seconde chance, songeant qu’il avait compris la leçon. Mais quelle leçon pouvons-nous donner aux apprentis aujourd’hui avec un Chevalier et un Maître au rang de Chancelier ?

Luke songea aussi à l’Amour désormais plus ou moins toléré dans les couloirs du Temple. Il n’eut pas le cœur à soulever cette question terriblement subjective pour lui désormais. N’étant qu’un homme, il cédait à la facilité au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans sa relation, mieux valait simplement élider le problème. Lui n’avait plus la force de trancher, de se décider. Quel exemple donnaient-ils aux apprentis de ce côté ? Mais était-il vraiment mauvais, cet exemple ? Luke aimait croire que non vu ses progrès aux côtés de Karm, toutefois éduqué à voir les dangers sur le long terme, changer d’opinion était aussi simple que difficile. Ce serait bien commode en réalité, mais son apprentissage résistait ainsi que son sens de la justice. Parce que la politique ne l’attirait pas, c’était confortable de critiquer les Jedis qui devenaient Républicains -bien que lui-même croyait en ce système plus qu’en tout autre.-. Mais l’Amour, il y avait conflit d’intérêt.

Arrivé à l’hôtel, toujours pensif, le blond se laissa tomber sur le lit dans une attitude peu digne. Il était vidé de ses forces, plus à cause de ses réflexions tournant dans son crâne encore que par l’entraînement. Karm avait arraché des piliers et en avait planté d’autres. Ce n’était pas simple mais nécessaire, l’ancien « mouton » s’en rendait compte. Ouvrir les yeux coûtait de l’énergie mais au moins il commençait à se sentir plus en phase avec lui-même et paradoxalement avec sa formation prônant justement l’esprit critique -alors qu’elle lavait souvent le cerveau des jeunes, les poussant à obéir sans se poser de questions sur certains thèmes. - un peu comme dans une secte ? Le mot était fort, surtout que l’Ordre n’était pas considéré, du moins juridiquement, comme une institution religieuse. Dans l’esprit de certains, c’était le cas pourtant. Fallait-il faire ce pas et officialiser ce que de nombreux citoyens songeaient ?

Luke était beaucoup moins sûr de vouloir s’y engager. De fait il avait toujours eu le réflexe de corriger les gens qui, selon lui, se trompaient. Non ils n’étaient pas des prêtes. Cette appellation impliquait de nombreuses choses, dont l’adoration envers une unité sensée les guider, et donc justifier certains actes. Les dérives étaient trop probables pour que Luke ne s’y engage, de plus, il avait une vision -pour ce que la sienne valait- plus scientifique de la Force, voire affective dans le domaine du privé. Il aimait cette idée que le Courant Mystérieux qui les reconnaissait était une amie, raison pour laquelle les Jedis devaient la respecter tout en étant responsables de leurs propres actes.

- Mais Y-a-t-il vraiment besoin d'avoir recours à la religion pour en revenir à des principes de réflexion, de spiritualité et de méditation? Et comment gérerait-on les problèmes familiaux? Je veux dire que sur le principe je suis d'accord, je l'ai moi-même dit, l'Ordre est parfois trop fermé au monde extérieur, mais s'il y a des liens, je trouve cela peu réalisable. Ma mère était une source de problèmes continu, elle m'aurait dévié de mes études, enfin si elle n'avait pas eu une ordonnance de restriction me concernant, elle ne peut ni me contacter ni m'approcher... Par exemple, des politiciens voulant profiter de la position de leur fils apprenti au sein de l'Ordre, ou des gens pauvres réclamant personnellement de l'aide à leur Chevalier de fils? Des faveurs, du chantage affectif. Au final bien peu de familles sont équilibrées.

Quant au mariage...


- Si nous acceptions le mariage, il serait évidemment juste de laisser un Jedi s'unir à une ou un civil, mais alors où vivrait celui qui est sensible à la Force? Dans un appartement en-dehors du Temple, cela paraît peu probable, vu notre mode de vie qui demande une si grande implication: sauter du lit, partir en mission, ainsi que les tâches quotidiennes. Et que la compagne entre à l'intérieur aussi. Il y a des choses beaucoup trop sensibles ici. Sans parler des soucis d'influences, mariage avec un politicien etc...  

La tête lui tournait et le jeune homme s'allongea sur le lit. Au moins, il faisait des efforts pour trouver un compromis et réfléchissait ouvertement sans poser un simple refus. Ses paroles naissaient plus d'une réflexion que d'un pessimisme si commun aux Jedis traditionnels, dont lui en partie, mais il était vrai que Karm l'avait déjà beaucoup fait changé à ce propos. Parler de ce thème auparavant l'aurait rendu aussi muet qu'aveugle, ou alors il aurait suffoqué au premier mot.

- Tu crois vraiment que ce changement nous grandirait?

Luke s'était redressé sur ses coudes et posait désormais un regard interrogateur sur le chevalier, si intense qu'on aurait pu jurer qu'il voyait. Sa question transportait une tonalité indéfinissable, entre l'enfant qui rêvait d'y croire et l'adulte mature, le sage déjà bien trop rôdé à la réalité qui peinait à réaliser qu'ils envisageaient seulement cette solution. Le rouge marqua ses joues soudainement quand il repensa au "mariage", avec un peu de retard... Pourquoi Karm l'avait-il cité? Simple exemple ou désir à demi-voilé? Lui ne connaissait rien de cette cérémonie unissant d'ailleurs généralement et uniquement deux être de sexe différents, selon le système politique, les planètes voir les villes. Il avait juste entendu vaguement parler d'un engagement aussi fort que celui d'un chevalier nouvellement adoubé envers son Ordre. Si ce n'était que ça, on ne pouvait pas dire que l'idée fasse peur à Luke, il était déjà engagé corps et âme à l'Ark-Ni. Ça ne changerait pas grand chose, pourtant l'idée- même irréalisable- l'intimidait un peu. Étrange. Sans doute la connotation d'officialisation qui équivalait à hurler son appartenance à l'autre à la Galaxie entière.
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