Karm Torr
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Machinalement, Karm examina leur chambre du regard, comme s’il s’attendait à trouver, cachée dans un recoin, une bombe ou un assassin. Mais rien. Naboo resterait une voie sans issue, jusqu’au bout. Le jeune homme laissa échapper un soupir. Au moins, quand on était explorateur, de planète en planète, il n’y avait jamais de mauvaise destination. Mais les étendues monotones constituaient une information précieuse. Dans les enquêtes, la réalité était bien différente. Beaucoup plus frustrante.

Au moins y avait-il la conversation pour se consoler.

— Oh, tu sais, une religion, ce n’est pas nécessairement un théisme. Ou un culte. C’est tout aussi bien simplement quelques préceptes, un engagement spirituel et la foi. Mais je ne crois pas qu’il y a de spiritualité sans religion. La spiritualité est un rapport à la transcendance et, par définition, la transcendance n’est accessible que par la foi. Pour moi, la religion est la forme actualisée que l’on donne à sa foi. Mais enfin, bon, tout ça, ce sont des affaires de… Pas juste de vocabulaire mais, tu sais, de théories, de systèmes. Ce qui compte, c’est la pratique.

Karm avait commencé à se déshabiller. Il ne pensait pas que ces considérations théoriques étaient inutiles. A la différence de bien des Gardiens, l’Ark-Ni n’était pas du genre à mépriser les méditations philosophiques ou théologiques : c’était bien elles qui lui avaient permis, au fil des années, de donner du sens et de la profondeur à un entraînement rigoureux qui, réduit à sa pure technicité, aurait indubitablement brisé son moral. Mais il était prêt à admettre que ces considérations demeuraient souvent vagues pour ceux qui n’y étaient pas habitués.

Alors qu’il repliait ses vêtements, il poursuivit.

— Pour moi, l’engagement dans la famille, et de manière plus générale dans les communautés extérieures au Temple, c’est pas un compromis ou une solution de facilité. De confort. A mon avis, c’est la situation actuelle qu’est une solution de facilité. La retraite, la coupure monacale, c’est une manière de pas avoir à gérer bien des problèmes du monde, justement, de ne vivre que partiellement, de ne pas participer à tout ce que la Force peut avoir de problématique. C’est… J’allais dire une forme de lâcheté, ce serait sans doute un peu dur, mais une fuite, ça, oui, certainement une fuite. Faut quand même songer que y a un super paradoxe, là.

Son dernier vêtement tombé au sol, il vint s’asseoir nu près de Luke.

— A la douche.

Ce disant, il retira les chaussures et les chaussettes de son ami et entreprit de lui masser les pieds.

— C’que j’veux dire, c’est que les Jedis sont engagés pour la Force. La sensibilité à la Force vient des midichloriens. Les Jedis en ont plein. Mais ils refusent de se reproduire. Ils refusent de participer à la vie de famille. Ils veulent protéger les communautés. Mais toujours de l’extérieur. Ils veulent donner des conseils. Mais sans vivre les expériences au premier chef. C’est trop facile. C’est même… Hypocrite, dans une certaine mesure. Oui, la vie de famille c’est compliqué. Oui, la vie amoureuse, c’est beaucoup d’émotions. Mais on progresse pas en fuyant les problèmes. Parfois…

Le massage fut interrompu pour ouvrir le pantalon de Luke et l’en débarrasser. Bientôt suivi par le haut du jeune Chevalier.

— Parfois, j’me dis que l’Ordre prône une vision très simpliste de la Force, très partielle. Et je dis même pas par rapport au Côté Obscur ou quoi. J’m’en fiche du Côté Obscur. Mais le Côté Lumineux est infiniment plus riche et plus complexe que ce qu’on peut appréhender en se coupant du monde. Et c’est pas en fuyant les problèmes qu’on va progresser dans notre connaissance. Mets sur le ventre.

Et voilà que Karm chevauchait un Luke en sous-vêtement, pour pouvoir lui masser les épaules.

— J’trouve que l’Ordre perd peu à peu de sa force positive. C’est devenu comme un parti politique qui est juste anti-quelque chose. T’sais, t’as les partis anti-républicains, anti-galactiques, anti-ceci ou cela. Ben l’Ordre, il est anti-Côté Obscur et comme toujours dans ces situations, le Côté Obscur, c’est un parapluie sous lequel on va caser beaucoup de choses qu’ont rien à voir. Et après, qu’est-ce qu’on propose de positif ? De constructif ? Qu’est-ce qu’il y a d’attirant dans le Côté Lumineux, si c’est une privation de tout et une coupure radicale du monde ? Moi, j’suis pas masochiste, j’aime le Côté Lumineux, parce qu’il renferme toute la richesse de la vie et de ses expériences.

Peu de gens auraient pu croire que l’Ark-Ni d’ordinaire si placide pouvait se montrer si passionné. D’ailleurs, Karm lui-même eut un rire nerveux et remarqua :

— ‘Tain, j’crois que j’ai genre, jamais autant parlé de ma vie. Si demain je suis aphone, ce sera ta faute, faudra pas s’étonner.
Luke Kayan
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- Dans ce sens, je tendrais à dire oui.

Lança prudemment Luke qui tâtait encore le chemin, de la même manière qu'il procédait dans un endroit inconnu. C'était littéralement ça en réalité, disposer ses doigts en avant, bras tendu, avec la chance de tomber sur un trésor ou un objet tranchant: un peu le résumé de sa vie, bien que le Hapien soit curieusement très précautionneux dans le domaine des mots. S'il s'aventurait à courir en ligne droite, dépassant son appréhension naturelle, il peinait à sortir de ses principes idéologiques calqués sur ceux de l'Ordre. Concéder ce "oui" timide était déjà une belle victoire pour Karm.

En revanche, le jeune homme continuait de se montrer très sceptique en ce qui concernait la vie de couple, davantage si elle impliquait un civil. Qu'on le reconnaisse ou non, les Jedis étaient des bombes à retardement, bien plus forts physiquement et psychologiquement que des personnes lambda, parce qu'ils avaient reçu une éducation quasi militaire pour ne pas dire, complètement guerrière. Si leurs beaux principes, eux aussi enseignés au temple, volaient en éclats suite à une dispute, une de ces histoires de famille, que se passerait-il? Que les assiettes volent dans tous les sens serait le moindre des maux. De la même façon, Luke voyait peu le civil s'adapter au rythme si prenant des Jedis. Karm et lui avaient déjà du mal à se retrouver alors qu'ils faisaient ensemble certaines missions, partageaient les mêmes croyances et un rythme de travail similaire. Comment la ménagère lambda vivrait-elle cela? Et que dire s'il y avait des enfants en jeu. Non, on ne ferait pas changer le Hapien d'avis sur la question, que les Jedis transmettent leurs midichloriens partout et qu'un Corrompu ou un être externe vienne ensuite récupéré ces fruits souvent délaissés- travail du père oblige.- était trop dangereux. L'un des piliers de l'Ordre étant aussi l'austérité, il était difficile d'imaginer le père entrer par la porte d'un appartement plus ou moins luxueux, sabre-laser à la ceinture et salaire dans la poche. Cette idée était belle en théorie mais Luke trouvait les ramifications beaucoup trop lourdes de conséquences, sous de tels fruits, l'arbre pouvait céder, se rompre, mourir en contaminant d'autres.

- Le but n'est pas toujours de se confronter aux difficultés. Si j'ai le choix, ne crois-tu pas qu'il est plus raisonnable pour moi de prendre l’ascenseur au lieu des escaliers? Et certainement plus productif, plus pratique d'utiliser ma canne au milieu d'une foule, alors qu'en théorie je pourrais m'en passer. Notre vie est déjà remplie de tentations, d'appels à la corruption, pourquoi en rajouter? Et je ne vois décidément pas un couple mixte -entends Jedi et non- Jedi- organiser une vie à deux, avoir des enfants. Pour vivre dignement dans le monde civil, il faut un salaire, et que pourrait faire le Temple si le père Jedi cohabite avec une femme? À part mettre en place justement, un système de gain d'argent. Acheter des meubles, acquérir de quoi vêtir les enfants, faire plaisir à Madame avec des bijoux ou des voitures ou je ne sais quoi signifierait lentement mais sûrement s'éloigner de notre mode de vie supposément austère et surtout, surtout, complètement tourné vers notre travail. Toi et moi comprenons ce que signifie être Jedis et être ensemble... Notre mission compte avant tout, mais je ne vais pas te mentir, lorsque tu... - Il reprit sa respiration, démontrant combien le fait d'en parler, seulement, lui coûtait des efforts.- As failli partir, j'ai eu tellement de mal à me lever de cette chaise pour organiser la suite des opérations. C'était un moment critique pourtant, et j'ai fonctionné au ralenti. Heureusement j'étais bien secondé, mais je ne suis pas du tout certain que j'aurais réussi à me détacher de ton lit une deuxième fois. Nous restons faibles, mortels. Avec des enfants en jeu ce serait pire. Imagine une prise d'otages...

Si les monstres n'avaient pas le père, apte à se défendre, ils pourraient attraper la femme ou les enfants et mener un Jedi à trahir l'Ordre pour les protéger. Les possibilités terrifiantes étaient si nombreuses que le Hapien en avait le tournis. Il ressentit les mains de Karm sur sa peau uniquement lorsque ce dernier entreprit de le chevaucher pour lui masser les épaules. Avec surprise, il sentit ses pieds nus ainsi que la peau de son ami dans un état encore plus naturel que le sien. Luke ferma doucement les yeux, appréciant le massage ainsi que la conversation bien qu'elle lui soit difficile, le forçant à sortir de sa torpeur facile. Il avait beau être contre, développer ses arguments n'en demeurait pas moins compliqué. Il lui fallait ordonner ses pensées, saisir pourquoi il suivait les principes de l'Ordre sur cette ligne et enfin le ressortir à l'Ark-Ni, qui, loin de se démonter, offrait une plaidoirie apte à mettre le Consulaire en difficulté.

- En ce qui concerne la richesse du côté Lumineux, il me semble que oui, l'Ordre est un peu limité. De ce que j'ai pu découvrir avec toi, je le pense surtout prudent... Nous pourrions faire quelque chose en ce sens, mais j'ai l'impression que naturellement cela change déjà, regarde le laxisme qu'il y a aujourd'hui en ce qui concerne les relations. Les maîtres ne sont pas dupes, je pense qu'ils s'en doutent pour nous. Avant, non seulement nous ne serions pas repartis en mission, mais en plus nous aurions dû défendre notre droit de conserver notre rang. Après pour les "propositions attirantes" qu'entends-tu? Nous ne sommes pas là pour recruter et faire de la publicité non plus.

Demanda le jeune homme intrigué qui se permit toutefois un petit rire pour accompagner celui de Karm lorsque ce dernier acheva ses propos par un aveu. Un aveu "déjà vu".

- Il me semble que tu me l'as déjà dit une autre fois, c'est vrai qu'à chaque fois en ma compagnie, tu augmentes ton temps de parole... Et la qualité aussi. Je te félicite. En ce qui concerne la possibilité de perdre ta voix, entre l'aveugle et le muet, ce n'est pas bien grave, nous ferons un très joli couple assorti.

Le Hapien s'amusa à imaginer Karm le guider, tandis que lui parlait avec les gens. Ils formeraient une paire peu banale qui terminerait de faire fuir leurs "clients" y compris les plus démunis, craignant de finir dans un pire état qu'ils ne l'étaient déjà. La cécité de Luke rebutait déjà certaines personnes dans le besoin, alors s'il se baladait au bras d'un muet, ils risquaient d'avoir un peu trop de temps devant eux, sans personne à sauver à part eux-même justement paumés au milieu de nulle part et dans l'incapacité de demander quoique ce soit à qui que ce soit.

Le Jedi se leva après le petit massage, arguant que si c'était là, la récompense qui l'attendait à chaque fin d'entraînement, il allait ressortir plus souvent sa lame. Rapidement et sans trop de gêne après avoir été habitué à l'exercice -et ce n'était pas gagné d'avance avec un pudique comme lui.- le Hapien s'était rapidement dévêtu, en même temps il ne lui restait que ses sous-vêtements. Il avait lentement déplacé sa toge et sa tunique sur une chaise qui lui convenait mieux afin de les retrouver pour les donner ensuite à un droïd de nettoyage pour ensuite fouiller la pièce et trouver la douche. Quand ce fut chose faire, le jeune homme pris dans son sac un shampoing soigneusement rangé dans la même pochette, à chaque voyage, depuis des années, sa brosse et son savon. Il se dirigea dans la salle de bains, pris ses repères, disposant lentement et méthodiquement ses affaires afin de les retrouver. Vivre avec un aveugle demandait beaucoup de patience.

- Tu viens? - L'invitation fut timide, c'était la première fois qu'elle émanait des lèvres de Luke, quand bien même Karm était déjà implicitement convié sous l'eau. Le rouge aux joues, le Hapien se glissa d'abord sous le jet pour commencer à se laver. Il tendit son shampoing à son ami lorsque ce dernier se présenta puis décida de conclure son speech quoiqu'un peu sur le tard.- De toutes façons, tu ne me supporterais pas en mari, je suis sûr.

Le Jedi eut un petit rire, timide mais joyeux, prouvant son état d'esprit. Il était étonnamment détendu malgré la conversation plutôt complexe pour lui. Karm avait le don de le rendre plus tolérant et de le forcer à s'ouvrir.
Karm Torr
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— Hmoui mais ça, ça vaut pour les politiciens, pour les hommes d’affaires, pour les militaires, pour plein de gens. Y a plein de gens qui ont besoin de garder la tête froide, plein de gens qui ont un boulot prenant, plein de gens dont ce serait une catastrophe si les enfants étaient enlevés.

Et ils n’allaient pas tarder à le découvrir eux-mêmes, quand le Fantôme les mettrait sans le vouloir sur la trace d’un ingénieur brillant tombé aux mains d’une entreprise peu scrupuleuse.

— Et franchement, quand on voit l’attachement de bien des Maîtres à leurs Padawans, on peut difficilement dire que les Jedis ont pas déjà des enfants, en pratique, si c’est pas en génétique. L’Ordre peut bien faire tout ce qu’il veut, les familles se créent quand même. Des familles de coeur. Y a des Jedis qui plaqueraient tout pour sauver leur partenaire. Un autre Chevalier, un Padawan, un ami d’enfance. T’sais, au fond, j’essaie moins de révolutionnaire mon monde que de nous rendre plus lucides et plus honnêtes.

Pour l’heure, la lucidité passait par la douche. Tout en se shampouinant énergiquement, Karm laissait un regard dont la décence n’était pas la première des qualités courir sur le corps gracile de son compagnon.

— J’te supporte très bien, moi, t’sais. Fais voir.

L’Ark-Ni prit le pommeau de la douche pour rincer soigneusement les longs cheveux de Luke. Leurs corps se frôlaient. Le désir s’était emparé une nouvelle fois de Karm, et dans l’exiguïté de la cabine de douche, si proches l’un de l’autre, il aurait été difficile pour Luke de ne pas s’en rendre compte, mais le Gardien, comme souvent, paraissait tout aussi capable d’en faire abstraction que d’y céder.

— Avant d’nous coucher je réserverai notre vol pour Coruscant. On verra ce que Maître Ekkt pourra nous dire.

Karm reposa le pommeau de douche avant d’enlacer Luke.

— J’t’aime.

L’Ark-Ni n’avait pas l’air pressé de quitter la douche.

*

— Karm ! Karm !

Une volée de Novices, en visite à Coruscant, venait de se détacher de Luke pour accourir vers l’Ark-Ni, dont la silhouette était apparue dans l’encadrement de la porte. A leur arrivée au Temple du monde-capital, une Sentinelle chargée de l’instruction des jeunes gens avait profité de la présence de l’Hapien pour lui soutirer un peu de soutien dans la formation des jeunes autour des questions d’enquêtes administratives. Rien de bien compliqué, à cet âge-là. Une sensibilisation aux aspects les moins spectaculaires des investigations jedis. Karm avait faussé compagnie pour partir à la recherche d’Ekkt.

— Tu nous racontes l’histoire du lézard géant sur B-22-X-Delta ? Il paraît qu’il était énoooorme.
— Dix mètres de haut, à ce qu’on raconte.
— Et tu l’as domestiqué et tout !

Au fil des années, la popularité de l’explorateur allait croissant auprès des jeunes recrues, à mesure que les détails de ses aventures exotiques sur des mondes lointains et mystérieux circulaient parmi les jeunes gens et nourrissaient leurs rêves merveilleux.

— P’têtre plus tard, les p’tits monstres.
— On est pas des monstres !
— Hmouais. J’suis pas convaincu. Allez, filez, j’dois vous emprunter le Chevalier Kayan.

Les Padawans, sans doute peu enthousiastes à l’idée de se voir infliger un nouveau cours sur les formulaires fiscaux républicains, ne se le firent pas répéter. Les enfants bientôt dispersés, les deux Chevaliers se retrouvèrent en tête-à-tête dans la salle de classe.

— Ils sont choux, commenta Karm, en s’asseyant sur un coin de table. Ekkt est pas là. J’l’ai attendu deux heures, jamais venu. Il est sorti ce matin, on l’a plus revu depuis. On a essayé de le contacter, sans succès. Chez les Ombres, ils me disent que c’est normal, question de discrétion, et qu’il faut prendre son mal en patience.

*

— OK. J’ai plus de patience, décréta brusquement Karm, en émergeant de la douche, après un nouvel entraînement au sabre avec Luke. M’en fous de ce que disent les Ombres, on part à sa recherche. Il nous a donné rendez-vous, et puis il disparaît de la circulation, y a rien de normal dans tout ça. J’veux bien qu’ils aient leurs habitudes et tout, mais on va pas rester les bras croisés pendant qu’il lui est arrivé on sait pas trop quoi.

L’Ark-Ni fourra sa serviette dans la panière commune avant d’entreprendre de se rhabiller.

— Il a probablement pris un speeder s’il est sorti, on peut commencer par relever les données de localisation.
Luke Kayan
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- Sage. On doit se coucher tôt.

L'air sérieux de Luke était convainquant, son sourire amusé moins. Cependant il était fermement décidé. Karm et lui dormiraient directement après la douche. Le corps harassé et l'esprit plein des arguments de son ami, le jeune homme se rendit compte que l'Ark-Ni avait probablement raison. Il grommela pour lui-même, peu ravi de perdre la joute verbale, du moins jusqu'à ce qu'il soit entièrement sec et se glisse sous les couvertures.

- N'empêche que le Padawan sait à quoi s'en tenir, lui. Il est préparé.

Ou pas. L'avait-il été lorsque Saï avait été accusé de meurtre? Et quand il essayait sur Korriban, de le contacter tout en sachant qu'il ne devrait pas? L'âge était-il une excuse suffisante pour expliquer son geste de survie, son acte égoïste? Luke était encore tourmenté par cet épisode à cette heure, et il se demandait souvent ce qui se serait passé s'il avait réussi à maintenir sa promesse interne: demeurer fort, se faire passer pour mort afin que Saï ne vienne pas sur la planète et reste au Temple. Bien sûr le Padawan ignorait tout du piège du Seigneur Noir, mais il ne fallait pas être un génie pour saisir qu'une idée s'était dessinée dans l'esprit d'un être sans pitié qui avait décidé de lui laisser la vie plus ou moins sauve, ainsi que la possibilité d'essayer d'en appeler à ses pouvoirs. Le Hapien était complètement tombé dans le panneau, après plusieurs semaines de résistance, il avait été un "civil", un gamin hurlant au secours au sein de la Force.

Les idées se mêlaient dans sa tête, il ignorait si Karm avait réellement raison, mais pour l'instant c'était trop dur à accepter. Ce concept de Jedi vivant comme un policier, hors du Temple, rentrant tous les soirs à l'appartement salaire en poche lui paraissait vulgaire, ou du moins dangereux. C'était trop éloigné de la discipline qui lui avait sauvé la vie, avait permis de le recadrer, d'avancer, de sortir suffisamment de son autisme pour se mêler à la société. Une société restreinte, protégée, surveillée sans doute, mais une société quand même. Étant donné ses débuts désastreux, il n'était pas difficile de comprendre que Luke se satisfasse de cette routine exigeante, monotone malgré de périlleuses missions saupoudrées de voyages. C'était sa vie, et malgré cette entorse chaque fois plus régulière qu'il faisait au règlement avec Karm, le Chevalier avait encore besoin d'y croire. C'est confus mais aidé d'une fatigue sereine qu'il s'endormit, grognant un "merci" vaguement mélangé à un "bonne nui" et "je t'aime- zzzzz- au-zzzz-ssi" lorsque son ami avait signifié qu'il occuperait des billets.

***

- Évidemment, tu as le beau rôle.

Grogna le Hapien qui sortait du cours comme d'un entraînement au sabre-laser, les cheveux à demi-défait, une mèche chatouillant son nez sans vergogne et un air fatigué fiché sur ses traits. Sa classe avait beau avoir été parfaitement préparée -comme d'habitude il en avait trop fait, passant une heure à rédiger un sommaire, mettre au point une méthodologie et agrémenter le tout d'une solide biographie- personne ne s'y était vraiment intéressé. Luke ne comprenait pas, les formulaires fiscaux étaient un thème certes, peu passionnant, même pour lui, mais diablement pratique dans le domaine de la justice. Pourquoi les voyants ne voyaient-ils pas plus loin que le bout de leur stylo?

Alors bien sûr lorsque Karm débarquait avec ses histoires de lézards ou de fleurs géantes- que lui aussi adorait mais il ne le reconnaîtrait jamais.- c'était à la fois le libérateur, le salvateur et le héros aux mille et une prouesses, dont la "une" consistait à soustraire les pauvres enfants à la torture imposée par le monstrueux chevalier Kayan. Y compris pour un homme peu coutumier de la jalousie, il y avait de quoi en ressentir une pointe. Heureusement le Hapien passa rapidement sur cette ébauche de sentiments infantile pour suivre Karm. Après tout, ce dernier était aussi son sauveur, puisqu'il lui évitait de davantage supporter les visages si contrits des gosses qu'il en devinait l'attitude sans les voir.

Soulagé par les paroles pleines de sagesse de l'Explorateur, Luke s'installa en bout de table, hochant la tête, un des derniers réflexes de voyant qui persistait chez lui. Oui, il fallait attendre.

***
- Non! Mais attends! Imagine qu'il travaille sous couverture... Oh et il faut faire part de nos doutes au Conseil, et il y a un formulaire à remplir... Le 4GB. Non mais on ne peut pas sauter le formulaire de recherche du 4GB... Surtout pas le 4GB. Il est import...

Le Hapien qui avait la mauvaise habitude de se comporter comme un voyant dans le sillage de Karm faillit tomber. Ses réflexes lui permirent de se rattraper de justesse au rideau de douche puis au lavabo. Frustré de ne pas pouvoir courir derrière Karm, il s'habilla au plus vite, conservant les cheveux trempés et surtout en bataille, démêlés à la va-vite. Finalement prêt, tandis que son ami semblait se calmer, suffisamment pour qu'il puisse le rejoindre en tout cas, le Hapien poussa un soupir. La réalité du terrain lui était souvent arrivée en pleine figure et présentement, il sentait que Karm avait raison. Une fois de plus. Le formulaire 4GB représentant une sorte de prémisses de rapports évoquant une suspicion de danger, d'enlèvement ou de fraude, selon le paragraphe mentionné n'était vraiment pas pratique. C'était avec le sang d'Ekkt que Luke risquait de l'écrire s'il perdait trop de temps à le faire.

- Humpf... D'accord. Je vais envoyer Bip au hangar se renseigner sur l'ordinateur, afin de connaître l'immatriculation du Speeder, et si Maître Ekkt l'a pris sans signaler, il saura discriminer lequel serait susceptible d'être entre ses mains en recoupant l'heure de rendez-vous prévu et les autres emprunts.


Le Hapien récupéra son comlink et appuya sur une touche spécifique. Son R2 jaune, laissé à Coruscant depuis sa dernière visite, arriva rapidement en bippant furieusement dès qu'il franchit la porte, et ce après un court laps de temps.

- Je sais je pars en mission sans toi, je te délaisse... Je saurais me faire pardonner, et puis justement, j'ai un travail pour toi! Si tu le réalises correctement il se pourrait qu'on t'emmène.

L'engin sembla oublier son grief, du moins contre Luke, car il évita soigneusement karm -le voleur de maître!- pour prendre note de son devoir avant de filer à toute allure. Le comlink de Luke sonna et une voix de femme monotone lut ce qui y était aussi inscrit:

- Speeder BN-1 846 JH. Sortie autorisée. Nom inaccessible. Sorti il y a 3 heures. Dernière localisation: beaux quartiers de Coruscant, rond-point de la Fortune. Taux de précision: 92, 6%. Dernière localisation: 1 heure. Il est possible que le GPS ait été endommagé ou que le conducteur se soit arrêté. Localisation actuelle inaccessible.

La machine cracha les coordonnées.

- Le GPS endommagé, oui. Ou déconnecté.

Et le vaisseau brûlé, le reptile cuit, mais Luke n'eut pas besoin de formuler son idée, Karm avait sûrement eu la même.

- Je suppose qu'on n'a pas le temps de remplir le formulaire ni de prévenir le Conseil. Hum?

Ils allaient encore agir contre le règlement, qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire...
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