L’Adminimestre Générale Shino lui a annoncé la venue de Darth Nesanto, émissaire de l’Empire, rien de moins. L’Onyxienne Priss lui a révélé sa réputation de guerrier d’exception, rien de plus. De loin en loin des zones d’ombre, des mystères, des rapports lapidaires, un homme environné de secrets et qui semble les cultiver. Et cet art du sabre, véritable brio ou bluff ? Rien de tangible chez le réseau de Priss. Le roi Nero est ravi de l’accueillir, vraiment enthousiaste. Et même si ces deux femmes déconseillent d’une même voix l’accueil que leur Seigneur veut réserver à cet autre Seigneur, Nero regarde déjà ailleurs, souriant.

Le jour est arrivé. Aztlann est en liesse et les tambours et les cuivres le font savoir. On danse on rit on mange on boit on s’embrasse on se bat, on vit pleinement pour célébrer cette sainte journée. Des familles entières se mêlent à celles et ceux qui jamais n’auront le sentiment d’appartenir à une quelconque famille, sauf peut-être aujourd’hui. Les guerriers royaux Vanquish sont là en nombre mais ne détonnent pas. Les armes et les cuirasses font toujours partie de la fête sur Belkadan, ici tout le monde porte une lame et un blaster, ici les libertés des uns ont tout loisir d’empiéter sur celles des autres, il s’agit d’être plus fort, plus malin ou plus beau. Cette planète verte est le foyer d’un magnifique chaos organisé. Tout le monde peut librement exprimer sa nature, pleinement, et si elle ne séduit pas tant pis, il s’agit alors généralement de trouver un arrangement avec la mort.

Lorsque le vaisseau léger atterrit, tous les instruments font silence à l’exception des tambours dont les percussions s’espaces et s’alourdissent. Les regards et les esprits belkadiens sont magnétisés vers cet appareil qui pénètre l’astroport bâti dans un bois aux reflets d’or. A l’intérieur, le comité d’accueil découvre ce grand homme au terrible masque. Le courant de Force qui le précède somme à tous ceux qui sont réunis ici de s’agenouiller. Le culte Forcien l’exige, mais plus encore ce que dégage l’invité de roi. Seul un Zeltron, debout au fond du couloir humain, tarde à ployer. Il est vêtu d’une robe dévotique et son sceptre indique son statut d’Archonte. Il observe Darth Nesanto approcher, l’œil rivé à ce masque angulaire. Etrangement, l’Archonte enfile son propre casque avant de poser le genou à terre et de baisser la tête. Lorsque l’hôte royal arrive à distance de voix, il se redresse, lui et seulement lui.


Dieu forcien, Darth Nesanto, le royaume de Belkadan est honoré par ta présence. Que la Force qui filtre à travers toi nous éclaire et comble nos vides.

Il incline respectueusement sa tête casqué.

Suis-moi, le roi t’attend au Pantagrondo.

Lorsque le soleil de Belkadan frappe son manteau dans l’artère principale, l’émissaire goûte à l’admiration non feinte de milliers de personnes. Jamais autant de regards de son posés de concert sur ce visage aux cents gravures. Des gens se sont mis entonner des chants aux accents tribaux par-dessus le rythme toujours aussi pesant des tambours. Beaucoup d’entre-eux portent des tenues légères avec des empiècements de fourrure. Le cuir est largement représenté. Darth Nesanto peut ressentir toute la ferveur guerrière déployée par cette foule, qui se met à danser sans cesser de chanter. Il y a quelque chose de rituel et il constate même du défi au fond des yeux de certains qui ont des tripes à revendre. L’Archonte a un regard vers lui et l’invite à marcher à ses côtés. Devant eux, les armures vertes d’une cohorte entière de Vanquish. Même chose derrière eux. L’idée d’être prisonnier d’une mise en scène le conduisant vers un piège mortel peut effleurer Nesanto un instant. Et soudain sur son flanc gauche, un homme aussi grand que lui, encapuchonné de pourpre, le torse nu et ambré. Sa bouche est un bec, un Tailleur de Sang aussi élancé que l’épée Krath qu’il porte à senestre. Il se présente sans tarder, marchant tranquillement à ses côté. Une grande noblesse se dégage de toute sa personne, sa voix est sereine et il regarde loin devant eux.


Mon nom est Garuda, Grand Mestre de Belkadan. Le tutoiement est de rigueur sur notre monde mais je ne suis jamais parvenu à me l’imposer. Ce sera d’ailleurs peut-être plus commode pour vous.

Ils progressent dans l’artère principale. Toutes et tous veulent voir Le Masque et un Vanquish frappent durement à la tête une femme à la peau écarlate, hystérique, qui a cru bon de s’élancer vers les trois représentants de marque. La foule rit, le sang de la zeltronne se répand sur le pavé et on rit de bon cœur. On la redresse finalement, elle est sonnée et les cheveux trempés d’hémoglobine mais elle a un vague sourire sur les lèvres. Darth Nesanto envisage alors l’envergure de l’édifice qui conclue la large allée qu’ils ont emprunté. Un gigantesque amphithéâtre se dresse là-bas, fait de bois et de pierre agencés avec grâce. Un monument. Il entend d’ici la clameur dont il est l’écrin. Il est attendu pour un combat et les gradins sont pleins à craquer. Le roi lui offre un combat.

Seigneur, le roi Nero m’envoie pour vous instruire de l’accueil qu’il vous a préparé.

Il inspire et expire profondément, rappelant à lui les mots du monarque.

Votre frère vous offre un duel. Les belkadiens ont besoin de revoir les sabres des dieux se croiser avec éclat. Vous êtes un bretteur d’exception dit-on dans vos sphères, et Nero souhaite confronter votre Art. Il s’excuse par avance de ses façons mais est certain que vous comprendrez, si vous êtes bel et bien le guerrier qu’il imagine. Si vous ne l’êtes pas, ne vous formalisez pas, la Grande Démonstration aura tout de même lieu, son Apprenti enfilera un casque et croisera le laser à votre place. N’y voyez aucune insulte ou manque de respect seigneur Nesanto, notre culture est guerrière et il n’y pas plus grand honneur que d’affronter le roi-puma en duel au cœur du Pantagrondo.

Ils ne sont maintenant plus qu’à une centaine de mètre de l’arène et les tambours sont tellement plus nombreux, leur rythme tellement plus démoniaque.

Je ne veux pas laisser planer le moindre doute chez votre esprit divin. Comme de juste, il ne s’agit en aucun cas d’un duel à mort.

Alors qu’ils franchissent l’immense arche sous les hurlements d’un peuple passionné jusqu’à la déraison, le visage de Garuda pivote vers celui qu’il salut.

Amusez-vous bien Seigneur.

Il fait quelque pas en arrière et volte avec amplitude, rejoignant une allée gardée. Lorsque les pas de l’Archontes prennent contact avec la terre battu, il se stoppe et son sceptre frappe le sol. Et alors le silence, le peuples et ses tambours muets. Face à eux, au centre de l’immense ovale de sable qui se situe à une certaine distance, un colosse est en train d’exécuter une drôle de danse qui hésite entre les exercices d’échauffement et une sauvage chorégraphie aux origines obscures. Il s’immobilise tout à coup et son œil oblique.

La voix de l’Archonte va aux oreilles de l’émissaire.

Il n’attend que vous.

Le corps musculeux et arcbouté de Nero se relâche alors tout à fait. Il est vêtu d’un simple pantalon de toile ample et vert olive, le torse et les pieds nus. Les mains sur les hanches, tout à fait détendu, Darth Nero découvre son visiteur qui approche sans une once d’hésitation ou réserve. A mesure que son vis-à-vis gagne du terrain, le regard iceberg du roi s’intensifie et son sourire s’élargit. La satisfaction est entière sur son visage, Darth Nesanto est d’une envergure qu’il n’espérait plus trouver chez les siens. Les nombreuses cicatrices et la balafre qui sillonnent le torse du roi se font plus visibles, comme si elles étaient tout à coup la source d’une lumière qui leur appartient.

 
Le Seigneur de fer face à celui de chair ? Quelle affiche !

Et Nero rit de bon cœur et ses mains quittent ses hanches. Ses doigts se referment lentement pour former deux poings, s’ouvrent aussi lentement puis se referment de nouveau. Les phalanges blanches, il ouvre la bouche.

Garuda n’omet jamais rien. Rien à ajouter donc.

Ses lèvres pleines forment une moue rieuse et son visage pivote vivement, mécaniquement pour darder un regard oblique vers son frère. Il allonge une main, désignant son hôte et embrassant la foule du regard. Sa voix de stentor s’élève alors dans l’amphithéâtre.

DARTH NESANTO. HONORONS-LE !

Une vague puissante déferle immédiatement dans l’arène, le silence est fracassé par les gorges des belkadiens qui hurlent leur joie et déchaînent leurs corps dans les gradins. Nero clôt les paupières une seconde et son attention revient toute entière à Nesanto. Il marche maintenant autour de lui, mobilisé, et ses mains passent dans son dos. Une seconde vague, cette fois de Force, souffle au visage masqué. Nero décroise les mains et ce sont deux sabres laser aux nuances azurées qui viennent éclairer son buste et se révéler au masque de fer. A dextre, le rayon est d’un bleu si profond qu’il apparait noir. A senestre, il a une teinte royale et produit beaucoup plus de lumière. L’intensité des énergies qui circulent autours de Nero est telle que la terre semble onduler à ses pieds. Ses appuis au sol sont d’une fermeté absolue.

En garde mon frère !

La poussière est soulevée et le roi est sur lui en moins de rien, massif et véloce. La puissance de son bras est délivrée par un sabre rageur, une frappe circulaire balayant l’idée d’un prélude où s’agirait de se ménager. L’arc électrique généré par la rencontre de leurs sabres se reflète dans tous les regards, des regards habité d’un feu sauvage et bleu.