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Le voyage se passa rapidement, et Yana réfléchit à la manière dont elle allait conduire le rendez vous qui arrivait. Elle avait tout d’abord choisi ce qui semblait être le plus simple pour elle, une réunion avec le Ministre des Affaires Etrangères. Elle préférait largement cela au Chef de l’Etat Major, car pour ce qui était de la politique étrangère, l’Empire n’aurait pas énormément de demandes pour l’instant. Cela changerait à l’avenir, lorsqu’Argazda serait pleinement intégrée à l’Empire, mais ils étaient encore loin de ce moment.

Le bâtiment qu’ils approchaient était bien plus moderne que l’architecture aux alentours, et laissait apparaitre l’influence de la République sur la planète. Cela lui rappela un point important. Il était… évident que la République serait au courant tôt ou tard de notre présence sur Argazda. Il n’y avait aucun doute à ce sujet. Au vu des ressemblances avec l’ancien régime esclavagiste et le régime de l’Empire, les républicains devaient se douter qu’il y aurait des tentatives de rapprochement entre les deux puissances. Et il faudrait composer là-dessus lors des négociations pour éviter de très mauvaises surprises à l’avenir. Encore d’autres détails à penser. La Zeltronne soupira avant de fermer les yeux et de se détendre, rentrant en transe en quelques secondes. Cela devenait de plus en plus simple au fur et à mesures qu’elle se laissait aller à la Force, mais déjà elle pouvait sentir quelques différences mineures dans sa manière de penser, une confiance plus élevée dans le côté obscur, une confiance anormale au vu de sa manière de penser précédente. Elle n’était pas habituée à s’ouvrir à la Force, et inviter ainsi le côté obscur avait ses risques, elle le savait intellectuellement, mais laisser ces pensées se faisaient de moins en moins présentes en elle.

Il faudrait qu’elle analyse plus en détail les changements, et qu’elle fasse en sorte qu’ils soient strictement sous contrôle. Elle était Yana Silvasi, pas une poupée esclave de la Force, puissance supérieure ou non. Elle supposait que c’était une des grandes différences qu’elle et Noctis avaient. Même si les deux Sith donnaient l’impression de fonctionner de manière similaire, ce n’était évidemment pas le cas.

En tout cas, sa transe n’avait pas indiqué de danger particulier, ou d’évènement qu’elle n’attendrait pas. En tout cas la Force était calme, si on pouvait vraiment dire ça pour le côté obscur, donc elle sortit de sa transe lentement. Encore une fois, elle resterait sur ses gardes. Inutile de porter une confiance trop élevée vu ce qu’elle avait observé sur Korriban. Plus tard peut-être, lorsqu’elle aurait plus d’expérience.

La navette atterrit, et elle fut accueillie avec les honneurs, chose qui confirmait son idée principale que leurs négociations ne passeraient pas inaperçues. Il était impensable qu’il n’y ait pas des sympathisants ou des espions de la République dans le bâtiment. Ou alors ça laisserait présager d’une incompétence de leur par qui était tout bonnement criminelle. Leur négociation ne pouvait qu’en être rendue plus complexe.

L’intérieur du bâtiment était tout aussi sobre et fonctionnel, et Yana fut conduite dans une petite sale de réunion qui aux premiers abords semblait plus être une salle de relaxation. Une argazdane dans la fleur de l’âge lui faisait face, habillée de manière très moderne contrairement à certains autres ministres rencontrés la veille. Ça promettait ! Ses émotions, de ce qu’elle pouvait ressentir, étaient plutôt neutres pour l’instant, avec une pointe non négligeable de méfiance et de doute. Elle avait sans doute eu vent des récentes acquisitions de l’Empire, et ne pensait pas que ces négociations en seraient vraiment. A elle de faire le travail afin de la convaincre réellement donc.

S’avançant, un sourire agréable sur les lèvres, la jeune Zeltronne s’inclina légèrement pour la saluer et montrer son respect. Pas trop afin de ne pas se montrer comme subordonnée, mais assez pour montrer son respect. Ce n’était pas vraiment la culture de l’Empire voire même la culture ancienne Argazdanne, mais c’était la culture de la République, et cette femme semblait influencée par celle-ci.

« Madame la ministre, c’est un plaisir de vous rencontrer. Je m’appelle Yana Silvasi et suis l’envoyée de l’Empire pour les négociations. »

Inutile de parler de Noctis ici, elle était de toute manière au courant de sa présence ailleurs.

« Tout le plaisir est pour moi, Aramia, Ministre des Affaires Étrangères. Installez-vous. Est-ce que vous souhaitez des rafraîchissements avant que l’on commence ? »

La jeune Sith pensa secouer de la tête poliment, elle avait petit déjeuné il y a peu, et une boisson était inutile. Cependant, elle se ravisa.

« Oui, simplement de l’eau s’il vous plait, je ne voudrais pas avoir la gorge sèche lors de nos discussions. »

Ce n’était pas tant une tentative d’humour qu’une manière d’éviter de vexer. Un refus aurait pu être mal interprété. En acceptant et demandant de l’eau, ce problème fut réglé avant même d’apparaitre.

Un petit message dans un intercom et les deux femmes commencèrent à discuter de ce qui les amenait ici aujourd’hui, la politique étrangère d’Argazda en cas de rapprochement avec l’Empire.

« Avant toute chose, je souhaiterais que l’on se mette d’accord sur un point. Ces négociations que l’on va entamer ne sont pour l’instant que des hypothèses et ne seront sans doute pas implémentées avant des années pour certaines idées. »

Yana hocha de la tête, un petit sourire sur le visage.

« Je suis parfaitement consciente de ce fait madame la ministre. Même si je peux vous apparaître comme une jeune femme inexpérimentée, je suis parfaitement au fait de la manière de conduire de telles négociations. L’Empire ne vous aurait pas fait l’affront d’envoyer de parfaits novices. »

C’était à la fois la vérité et un mensonge. Après tout, elle était novice en diplomatie. Elle s’était néanmoins bien renseignée afin de ne commettre aucune bourde et que tout se passe dans les meilleures conditions possibles.

« Je vois, je vous prie de m’excuser. »

Un simple geste de la main et un hochement de la tête lui répondit. Ça avait été gauche, mais encore une fois le manque d’expérience des argazdans dans les matières de diplomatie était un point connu et attendu. Elle n’allait pas se vexer pour si peu.

« Il n’y a rien à excuser. Avant toute discussion, je souhaite néanmoins vous poser une question. D’après vous, quelles sont les chances que la République apprenne que des envoyés de l’Empire ont rencontré votre gouvernement ? »

Ses yeux s’écarquillèrent légèrement et elle sembla vouloir nier ça mais Yana continua.

« Ceci n’est pas une accusation de tricherie ou de quoi que ce soit du genre madame. Simplement une question. Au vu de votre arrivée relativement tardive dans le giron de la République ainsi que les événements qui y ont conduit, il semble presque évident qu’il y ait des agents sur place pour garder un œil et vérifier que tout se passe dans les meilleures conditions possibles. »

La ministre fronça légèrement des sourcils comme pour réfléchir avant de hocher de la tête, intérieurement résignée et légèrement embarrassée.

« En effet, même si nous n’avons pas connaissance de la présence de tels agents, il serait… déraisonnable de penser qu’ils ne soient pas au courant, ou ne le deviendront pas bientôt. Malgré ce qui nous a été fait, que ce soit politiquement, militairement ou bien même culturellement, il y en a parmi notre peuple qui se félicitent du changement et voient la République d’un bon œil et notre passé d’un mauvais. »

Ses propos étaient assez contradictoires avec la tenue qu’elle portait, et Yana ne manqua pas d’exprimer son étonnement.

« Bien que j’admire votre candeur à ce sujet, je ne m’attendais pas à de tels propos de la part de quelqu’un… »

Le regard porté sur la tenue de la femme ne passa pas inaperçu, et cette dernière laissa s’échapper un petit rire jaune.

« Une contrainte de la part de la République. L’ancienne tenue de ceux qui officiaient à mon rôle était celle des maîtres esclavagistes. Elle a bien entendu été supprimée de toutes les fonctions publiques et remplacée par des tenues plus politiquement acceptables. »

La rancœur était audible, à la fois dans ses propos et dans ses émotions. Bien, les négociations seraient donc de bonne foi.

« Je suis désolée de l’apprendre. Qui sait, une possible association future entre nous pourrait mettre fin à ces pratiques barbares de meurtre culturel. Dans tous les cas, nous devrions mettre en place un plan de route qui tiendrait compte du fait que la République est au courant que nous négocions avec vous. »

Un hochement de tête lui répondit, et la jeune Zeltronne continua.

« J’avais comme idée de commencer simplement. Comme vous l’avez dit au début, une alliance réelle entre nos nations n’est pas envisageable sur le très court terme. Il y a cependant des choses que vous pouvez faire qui serviraient nos intérêts sans être susceptibles d’attirer la méfiance de la République, et ce grâce à votre position. »

La ministre des Affaires Etrangères regarda la jeune apprentie quelques instants avant de hocher de la tête.

« Je vois ce que vous voulez dire, et je suis d’accord. Vous parler de nous abstenir ou de voter contre toute loi au sénat visant à agir contre l’Empire. Le fait que vous avec conquis Lorrd sous peu vous met à nos portes, et on pourrait simplement plaider cette présence rapprochée et la peur d’attirer votre œil pour prendre une position plus modérée au sénat galactique. »

Yana hocha de la tête avec un sourire, avant de lui répondre.

« C’est en effet une des manières dont nous souhaiterions que vous agissiez avant que vous ne soyez pleinement alliés avec nous. Le premier acte que je pense que vous devez accomplir néanmoins pour parvenir à vos fins, est de communiquer officiellement avec la République après notre visite pour annoncer le fait que nous ayons souhaité discuter avec vous pour un accord futur entre nos nations. »

La tête que faisait la ministre valait vraiment le détour…
Absalom Thorn
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Le Grand Questeur avait croisé les mains devant ses lèvres, pour trouver la manière la plus appropriée d’exposer une situation délicate à son interlocuteur. À son humble avis, l’alliance avec l’Empire était une nécessité de première ordre, non tant sur le plan idéologique, que sur le plan économique. L’Empire était une puissance en pleine expansion et, même s’il devait un jour arrêter ses conquêtes, les innombrables reconstructions qui viendraient plus tard offriraient des opportunités considérables à des planètes demeurées relativement épargnées et dont la main d’œuvre ne demandait qu’à être employée. La République, en revanche, s’était toujours montré réticente à leur laisser prendre une part active dans les grands chantiers.

Ainsi, pour le Questeur, il s’agit plutôt de séduire Noctis que de se laisser séduire par lui et il voulait présenter les obstacles éventuels avec le plus de diplomatie possible, pour ne pas décourager son interlocuteur. Finalement, il reprit la parole :

— Voyez-vous, il y a une vingtaine d’années, un groupe d’historiens, épaulés par des archéologues jedis, ont publié ici une série d’études concernant l’économie esclavagiste. Pendant longtemps, la République avait adopté une approche pour ainsi dire émotionnelle : des livrets de sensibilisation, des discours moralistes, ce genre de choses. Mais ce livre, c’était une toute autre affaire : une description dépassionnée, fastidieuse presque, de l’esclavagisme argazdan. Un coup de génie, si vous voulez mon avis.

En tant qu’ancien diplomate jedi, Noctis était bien placé pour estimer l’habileté de celles et ceux qui avaient été ses proches collaborateurs.

— Or, ce livre mettait en évidence, de façon tout à fait irréfutable, avec d’innombrables preuves, le caractère très concentré de l’esclavagisme. Vous voyez ce que je veux dire, n’est-ce pas ?
— Que seul un petit nombre de familles d’élite possédaient véritablement des esclaves, en tout cas un nombre significatif d’entre eux, et que pour la majorité des habitants, l’esclavage était un privilège de riches.
— Exactement. Or, la possession d’esclaves dissuadait les plus riches de rechercher à attirer une main d’œuvre nouvelle en valorisant les salaires, si bien que la classe moyenne, sans parler des pauvres, était non seulement privée du luxe de l’esclavagisme mais paupérisé par son existence même. C’est ce que ces historiens ont appelé les deux échelons de l’esclavage : celui des esclaves de fait et de droit, possédés par l’élite, et celui des esclaves de fait, le sous-prolétariat, exploité par l’élite. Depuis, ces théories se sont répandues au sein de la population, notamment avec l’aide du clergé des Réformateurs.
— Néanmoins, un retour à l’esclavage placerait désormais Argazda dans une situation très différente. L’accès au marché élargi de l’Empire, plutôt qu’aux opérations restreintes d’une économie de secteur, permettrait à l’économie planétaire de se tourner vers une demande quasiment illimitée, qui offrirait la possibilité d’une productivité sans cesse accrue et imposerait par conséquent la valorisation salariale.
— Théorie libérale fort séduisante j’en conviens mais, dites-moi, Seigneur Noctis, la pauvreté est-elle éradiquée de la sorte dans tous les mondes de l’Empire ?

Silence. Le Questeur était un homme pénétrant qui, pour avoir été limité à sa planète, n’en avait pas moins développé des idées à la fois vastes et précises. En réalité, sous une façade d’amateurisme diplomatique, le gouvernement d’Argazda se révélait composé d’hommes et de femmes au tempérament calme et méthodique, tous jusqu’à présent fort habiles dans l’examen des implications d’un revirement de loyauté.

— Et quand bien même l’observation empirique suivrait la théorie qu’il serait difficile de faire percevoir ces raisonnements complexes à la population dans son ensemble. Une population qui risque de voir dans le retour de l’esclavage, le retour de la paupérisation.
— Mais l’élite ne saurait envisager d’union avec l’Empire sans la garantie que la culture esclavagiste serait explicitement soutenue.
— Exactement.

Noctis hocha lentement la tête. Les yeux mi-clos, il laissa son esprit dériver pendant quelques secondes sur les ondes de la Force, à la recherche du conseil informulé qui le guiderait dans ce moment délicat. Puis il rouvrit les yeux et suggéra :

— Il est possible de lier la question à celle des prêts de développement. Les prêts de développement reviendraient à considérer Argazda comme un territoire spécifique, semblable, et je suis navré de la comparaison, aux planètes dévastées par la guerre ou qui rencontrent des difficultés d’industrialisation.

Le Questeur balaya les excuses de Noctis d’un geste de la main. Homme pragmatique, il ne s’embarrassait pas de fierté mal placée.

— Or, ces planètes bénéficient d’un protectionnisme qui les préserve des rouages du marché libéral impérial, jusqu’à ce qu’ils parviennent à maturité et puisque l’intégration dans une situation de concurrence saine. Les taux préférentiels des prêts de développement sont l’une de ces formes de protectionnisme, au regard de nos pratiques bancaires ordinaires. Un quota sur l’importation par Argazda d’esclaves et une contrainte sur l’utilisation de ces esclaves dans le cas exclusif des contrats destinés au marché extérieur sont tout à fait envisageables.

Focalisé sur la situation politique, le Questeur ne parut pas se rendre compte qu’une pareille disposition obligerait mécaniquement les élites à investir dans l’économie impériale au sens large, à lier leurs intérêts à ceux de l’Empire de manière indissociable et à être, de la sorte, indirectement soumis à l’autorité des Siths. Tout ce qu’il voyait, c’était une solution relativement élégante à un problème interne.

— Oui, finit-il par murmurer surtout pour lui-même, oui, ce pourrait être tout à fait prometteur.
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La ministre sembla choquée pendant quelques seconde, son visage affichant une surprise totale, avant qu’elle ne se reprenne, pensive. C’était ce que Yana attendait d’elle. De la surprise, avant qu’elle ne se mette à réfléchir et à comprendre son point de vue. Cette proposition était culottée, et risquée, mais promettait de nouvelles opportunités à la fois pour la République et pour l’Empire. Des discussions diplomatiques entre l’Empire et des planètes républicaines était quelque chose de relativement nouveau, et il était possible que le sénat ne sache pas vraiment comment agir. Amplifier les sanctions, c’était risquer de pousser Argazda directement dans les mains de l’Empire. Les diminuer, c’était le risque de se voir joué comme un pigeon si les Argazdans souhaitaient vraiment rejoindre l’Empire.

Plus de contrôle peut-être ? Il y avait néanmoins des moyens pour l’Empire d’aider Argazda sans pour autant mettre la puce à l’oreille des Républicains. Les Sith savaient parfois faire dans la subtilité. Parfois. Avec le Seigneur Noctis et le seigneur Odium se chargeant de tout ça, elle avait confiance en leur capacité à mettre cette planète dans leur poche.

« Je vois, un pari risqué. Prendre en considération le fait que la République apprendra que nous avons été contactés par l’Empire, et prendre leurs attentes à contrepied en les prévenant de ce fait avant même que leurs espions ne le fassent. Notre position diplomatique modérée, voire pro Empire pourrait être ensuite justifiée par une peur d’une invasion et nous n’avons pas grand-chose à y perdre à part peut être une surveillance plus appuyée. Rien que vous ne pourriez pas contourner. S’ils sont trop méfiants et établissent une surveillance trop poussée, ils risquent de nous aliéner et de nous pousser directement dans votre giron. J’aime l’idée. »

L’empathie de l’apprentie était constamment en action, et ce fut sans surprise qu’elle ressentit une augmentation de la confiance de son interlocutrice et… était-ce du respect ? Elle ne pouvait pas trop le savoir, ce genre d’émotions complexes étaient assez difficile à discerner avec son empathie, mais elle appréciait de ressentir ceci chez la ministre. Cela promettait de belles choses pour l’avenir.

« Vous avez l’esprit vif ministre, c’est exactement le but de cette proposition. Cela risque de compliquer légèrement les choses sur le plan économique, mais soyons honnêtes, si ce que je crains s’avère révélé, ces problèmes arriveront de toute manière. Être proactif dans ce genre de situations est exactement ce qu’il nous faut afin de garder une longueur d’avance sur l’adversaire. »

Un léger sourire et un hochement de tête approbateur lui répondirent.

« En effet. »

Pas de remarque sur le fait que Yana avait appelé la République l’adversaire et non l’ennemi ? Ou cette distinction n’avait pas vraiment été repérée par la ministre ? La jeune apprentie ne le savait pas, mais au final cela n’avait que peu d’importance. L’accord était réalisé, du moins officieusement. Il était bien trop tôt pour poser quoi que ce soit à l’écrit de manière officielle, mais cela resterait dans les esprits des deux gouvernements.

Les deux jeunes femmes continuèrent à parler de quelques sujets de moindre importance, mais il était clair pour elle que le plus gros dans ce premier contact avait été fait. Après une petite demi-heure de discussions, la Sith prit congé de la ministre et fut accompagnée pour son prochain rendez-vous, avec le Chef de l’Etat-major. Il s’agissait là de la visite qui semblait pour Yana la plus complexe. Elle ne savait pas encore comment elle allait aborder la chose. Oh, elle avait quelques idées, bien entendu et encore heureux, mais tout dépendrait vraiment du tempérament de son interlocuteur, et des attentes qu’il avait.

Alors qu’elle fut à nouveau conduite vers sa navette, elle se demandait comment les discussions se déroulaient pour Noctis. Sans doute sans grand problème, il avait l’air terriblement compétent et à l’aise dans ce genre de situations.

Spoiler:
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Le Primat vianiste avait dix-sept ans.

Après son entretien avec le Grand Questeur, on avait conduit Noctis en speeder jusqu’à la Haute Basilique de la capitale, l’édifice religieux principal de la planète, que la République avait veillé à préserver à grands renforts de subvention. La religion avait toujours occupé une place particulière dans la culture locale et, avec des réformes patientes et bien comprises, les Jedis avaient été rapidement persuadés qu’elle allait devenir le véhicule principal des transformations sociales qu’ils souhaitent insuffler. L’actualité semblait du reste leur donner raison.

Les dernières réflexions économiques quittèrent l’esprit du Hapien quand il pénétra sous les arcades augustes de ce vaste édifice qui imposait le respect. La décoration sobre permettait de donner toute son importance au principal ornement des lieux : les jeux de lumière que les rayons du soleil, en tombant dans des fentes prismatiques, réfléchis par différents vitraux, créaient dans les travées d’ogives.

Le Primat attendait Noctis au pied du maître autel, où une représentation de la déesse couvrait de son regard bienveillant les fidèles au moment des célébrations. Un coup d’oeil avait suffi au Sith pour deviner le rôle que jouait le Primat. Avec ses traits angéliques, selon les standards de son espèce, sa jeunesse qui annonçait nécessairement l’inexpérience, l’adolescent était de toute évidence un homme de paille qu’on avait mis là pour servir de devanture médiatique à une religion que les Réformateurs maniaient sur le terrain. Noctis supposa que le petit peuple avait pour le Primat une vénération sincère, sans se rendre compte que son pouvoir était limité et que les responsabilités qui pesaient sur ses épaules encore beaucoup trop jeunes dépassaient de loin l’étendue d’un esprit encore en formation.

D’ailleurs, il était profondément intimidé. Une certaine habitude de la représentation lui permettait de conserver à son visage l’air de patience candide qui était sa marque de fabrique mais le Sith sentait sans peine la peur monter en lui. Rencontrer un Sith, un politicien que l’on disait expert, un intellectuel, c’était beaucoup tout à la fois pour lui. Ainsi, si Noctis s’inclinait avec respect en face du Primat, le Primat, lui, était à deux doigts de la crise de panique.

— Votre Sainteté.
— Seigneur, répondit-il d’une voix qui n’avait pas tout à fait fini de muer, j’ai été surpris d’apprendre que dans une visite diplomatique que j’imagine pleine de discussions pragmatiques et sérieuses, vous ayez témoigné un intérêt sincère pour les affaires religieuses.
— Les affaires religieuses ne sont-elles pas les plus sérieuses des affaires ? Celles qui, pour le salut de notre âme, devraient retenir constamment notre entière attention ?

Le regard si troublant de l’Hapien se plongea dans celui de son jeune interlocuteur.

— Je… j’ignorais que les Siths fussent religieux.
— Profondément.

Le Primat se mit à guider Noctis, à pas lents, à travers la Basilique. Quelques mètres derrière eux, deux gardes présidentiels les suivaient, les sens en alerte, une précaution qui n’avait pas été prise avec le Questeur. Noctis en déduisit à bon droit que l’importance du Primat était symbolique. Ainsi, petit à petit, son esprit s’insinua dans celui, si malléable, de ce jeune habitué à se plier aux volontés des autres.

— En réalité, il existe entre nos croyances des similitudes frappantes. Je crois que bien des peuples partagent des intuitions fondamentales, qui s’expriment ensuite de manière différente, selon les différents contextes culturels, l’environnement, ce que la planète offre à l’imagination de concret et d’immédiat, susceptible de représenter les vérités les plus élevées mais aussi les plus difficiles à concevoir pour elles-mêmes. Certainement, l’influence des Jedis sur la Réforme vianiste est une preuve qu’il y a des syncrétismes possibles.
— Il est vrai, commença le Primat d’un ton prudent, que les archivistes jedis nous ont aidé à mettre en lumière des textes parfois oubliés ou mal compris de la tradition, qui ont su donner un second souffle à notre religion.
— Je n’en doute pas. Mais, si j’ai bien compris, l’infaillibilité du primat est un concept qui date de bien avant cette salutaire intervention.
— Hmm hmm.

C’était une manière à peine détournée de suggérer que la religion du passé aurait offert au Primat un pouvoir incomparable à celui qui était le sien dans cet équilibre délicat que les Jedis avaient recréé, en répandant l’idée d’un apostolat pour ainsi dire universel.

— Il est vrai en tout cas que la voie des Siths est plus profondément hiérarchisées. L’élection spirituelle offre une autorité incontestable qui permet, je le crois, de guider plus efficacement ceux qui en ont besoin. C’est en cela un point d’accord avec l’Ordre Jedi, à vrai dire. Si l’Ordre prône à l’extérieur la démocratie et le participatif, ses pratiques ecclésiologiques ont toujours été marquées par une forte verticalité, à l’instar de celles des Siths. Nous avons simplement tendance de notre côté à faire coïncider notre morale et notre politique avec nos actions et nos préceptes.
— Seriez-vous en train de traiter les Jedis d’hypocrites ?

Ainsi, le Primat n’était pas aussi inoffensif qu’il n’en avait l’air. Noctis esquissa un sourire tout en innocence.

— Oh non, loin de moi cette idée. Je ne veux que décrire le factuel. Je suppose que de toute façon, cela saute aux yeux.
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Le trajet jusqu’au palais du chef de l’état-major fut rapide, et Yana eut le temps de réfléchir à ce qui était possible de négocier, ou bien même d’envisager de parler au vu de la situation dans laquelle se trouvaient les deux nations. Les options qui s’ouvraient à eux étaient limitées, d’une part de par la situation politico-économique des argazdans, mais également par leur appartenance à la République actuellement et par leur culture refusant la soumission face à une quelconque autorité autre que la leur. Le racisme était présent, et leur arrogance proche de celle des Sith rendait toute discussion difficile et périlleuse. Elle se débrouillerait néanmoins. Les militaires avaient moins tendance à s’offusquer à part si on insultait leur honneur ou leur puissance.

Ses pensées continuèrent à tourner autour du sujet alors que la jeune femme fut amenée dans le bureau du chef des armées pour leur discussion sur l’avenir militaire d’Argazda. Tournures de phrases à utiliser où à laisser de côté, une légère transe pour essayer de déterminer s’il y avait des détails qu’elle avait oublié ou qu’elle avait ignoré sans se rendre compte de leur utilité. Si son apparence extérieure laissait afficher un sourire confortable et placide, son esprit était en ébullition et surchargé par le poids de la responsabilité qu’elle portait sur ses épaules.

Puis elle franchit une porte, entra dans la pièce où l’attendait l’homme, et son esprit se vida, ne laissant que le froid calcul des décisions à prendre et des mots à prononcer comme seule trace du marasme précédent. Un sourire poli se dessina sur son visage alors que l’apprentie s’avança pour saluer le ministre.

« Bonjour à vous Ministre Om-Sato. »

Un hochement de la tête poli, mais légèrement distant lui répondit, accompagnée de la voix grave de l’homme qui devait approcher la cinquantaine.

« Bonjour à vous aussi Dame Silvasi. J’espère que nos discussions seront fructueuses. »

Ah, le doux bruit d’un politicien le dos au mur, rien n’était plus agréable à entendre dans ce genre de situations. Cela voulait dire que sa propre marge de manœuvre s’en retrouvait plus large, plus confortable.

« Certainement, c’est ce pour quoi nous sommes présents sur votre monde après tout. Faire en sorte que la coopération future entre votre nation et la nôtre soit la plus agréable et bénéficiable possible. »

Et avec de très jolis mots, rien ne fut dit une fois de plus. D’un geste de la main, l’homme désigna un siège ayant l’air tout à fait confortable avant de s’installer en face d’elle dans un fauteuil similaire.

« Installez-vous, je vous en prie. »

Après qu’elle l’eut fait, l’homme continua sur sa lancée.

« Je ne vais pas mâcher mes mots, j’ai discuté avec mon homologue des affaires étrangères durant votre trajet et ai appris votre… plan. Même si je suis d’accord sur la nécessité d’une telle action vu combien la République et ses agents gangrène notre nation, je crains ne pas voir comment une coopération militaire serait possible entre nos nations. »

Il n’avait pas totalement tort, la supervision augmentée par les agences Républicaines dû à cette visite limitait grandement les possibilités d’expansion de la flotte Argazdienne dans un avenir proche. D’un autre côté, il n’était pas réaliste de parler de flotte Argazdienne alors même que l’économie de leur nation se trouvait dans un si piètre état. Même s’ils étaient libres de se développer, cela prendrait des années, voire des décennies.

« Je comprends votre inquiétude, et je suis d’accord sur le fait qu’une coopération directe ne sera pas possible. Et pas seulement parce que la République vous surveille. Nous n’avions pas beaucoup d’information, mais nous avons néanmoins réussi à savoir que la République a muselé votre industrie militaire, au point où même si vous le souhaitiez, vous ne seriez pas capable de produire une flotte suffisante pour ne serait-ce qu’exister à l’échelon local. »

Son expression laissait afficher la fureur qu’il ressentait en entendant ces mots. Elle avait choisi un terrain miné comme première approche, et venait de toucher un point sensible. Ce n’était pas pour autant néanmoins que ce n’était pas voulu, et elle pouvait sentir que cette fureur n’était que très légèrement tourné vers elle. Ne souhaitant pas le laisser exploser, elle continua.

« Cet état de fait est aberrant, et une abomination. Pour toutes leurs belles idées et paroles, ils n’ont pas été loin de vous réduire en esclavage. Cette même décision de prévenir la République peut être un premier pas vers un meilleur avenir pour vous. En leur indiquant que nous nous intéressons à vous, chose confirmée par leurs agents sur place, la République pourra difficilement vous nier le droit d’établir des défenses, et donc de développer à nouveau votre infrastructure militaire. »

Hochant de la tête lentement, une de ses mains agrippant toujours le côté de sa chaise, le ministre sembla réfléchir à cette idée avant de grimacer.

« Vous n’avez pas tort, mais je dois avouer que je pensais pouvoir obtenir une coopération plus… explicite entre nos nations. Une simple aide indirecte serait… décevante. »

Yana hocha de la tête, un petit sourire satisfait sur son visage.

« En effet, vous avez parfaitement raison, et l’Empire ne saurait être aussi peu généreux envers un futur allié. Bien entendu, tout ce que je propose n’est pour l’instant qu’une idée, et d’autres sauront négocier les détails avec bien plus de précision, mais vu qu’une coopération directe de nos forces navales est impossible dans un avenir proche, je proposerais plutôt un échange d’officiers. »

Les sourcils de l’homme se haussèrent alors qu’il considérait les ramifications d’une telle décision.

« Je… vois. Un siècle sous le joug de la République nous a fait perdre une grande partie de notre savoir militaire. Nous n’avons plus de vétérans, ou même d’officiers confirmés. Un échange entre nos armées permettrait à un groupe de volontaires d’apprendre afin d’être à même de pouvoir diriger au mieux la puissance d’Argazda contre nos ennemis. J’aime cette idée. »

Un sourire brutal s’était affiché sur le visage du ministre, possiblement à l’idée de faire payer à leurs voisins et à la République l’humiliation qu’ils avaient dû subir pendant si longtemps. Voyant le sourire et sentant les émotions du ministre, Yana laissa apparaitre sur son visage un sourire satisfait, elle l’avait dans la poche. Et il ne se rendait même pas compte à quel point cela avantageait l’Empire à l’avenir. Il ne voyait que les progrès que feraient sa nation, et son renouveau militaire en tant que puissance. Soit il ne comprenait pas, soit il se moquait du fait que cela voulait dire que l’armée de son peuple serait imprégnée de la culture et des méthodes militaires Impériales. Un endoctrinement lent pourrait se faire afin de diriger lentement mais sûrement Argazda plus profondément dans le giron de l’Empire, son armée, son orgueil, les premiers.

Ce qui s’ensuivit fut une discussion plus générale sur la suite possible et le contexte géopolitique de la région, mais le pied était dans la porte désormais, et elle avait négocié du mieux qu’elle le pouvait selon elle.
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Le Primat avait adopté depuis plusieurs secondes un silence pensif que Noctis n’était pas tout à fait certain de savoir interpréter. On avait élevé ce jeune homme à jouer son rôle de fantoche et c’était une prison dorée qui s’était refermée sur lui quand il avait accédé à des fonctions si glorieuses dont le pouvoir était si vain. Il n’avait jamais été destiné à autre chose qu’à l’apparat mais l’inlassable activité des Réformateurs avait été à double tranchant : elle l’avait conduit, lui aussi, à s’intéresser à l’histoire d’une religion dont le passé lui offrait l’exemple d’un rôle bien différent de celui qu’on lui proposait d’exercer.

Mais qu’y pouvait-il, au fond ? Même si le Sith avait raison, même si les Jedis s’étaient montrés sélectifs dans leur vaste entreprise de patristique, que pouvait-il espérer, par ses seuls moyens ? Et le peuple avait-il la moindre chance d’être sensible à ces arguments d’érudition, à ces raisonnements théologiques, nécessairement faibles, quand ils étaient confrontés à la force rhétorique des discours démagogiques de prélats en contact constant avec la population ? D’ailleurs, se sentait-il lui-même infaillible ?

— On raconte que vous avez des pouvoirs, dit-il brusquement, en sortant de ses méditations.
— On a raison, répondit doucement Noctis, en considérant l’adolescent.

Il crut comprendre que celui-ci cherchait dans la manifestation d’une puissance la confirmation d’une sagesse. C’était une attitude de jeune homme que de vouloir que les vertus impalpables se fondissent sur quelque chose de concret. Les Jedis, Noctis le savait bien, se dérobaient souvent à des requêtes de ce genre. C’était réduire selon eux la Force à une ruse de prestidigitateur. Et l’Ordre n’était pas là pour donner des spectacles de magie.

Les Siths avaient en général une perspective sensiblement différent. Manifester sa puissance faisait partie du théâtre du pouvoir qui jouait un si grand rôle dans la vie politique des Siths. Noctis lui-même avait assis son statut au sein de l’Empire grâce à un rituel titanesque, qui ne l’avait pas préservé de toutes les suspicions mais qui, assurément, avait beaucoup contribué à construire sa légende personnelle.

Les yeux du sorcier se plongèrent dans ceux du Primat. De seconde en seconde, la grande basilique devint plus vague, plus inconsistante pour le jeune homme, jusqu’à ce que son esprit ne fût plus occupé que par la présence de Noctis et, à travers lui, la puissance de la Force que celui-ci lui donnait à sentir. L’impression d’une puissance incommensurable à tout ce qu’il avait été capable d’éprouver jusque là par ses propres moyens éveilla en lui des tremblements où le plaisir se mêlait à une crainte toute religieuse.

Noctis était là. Là partout, dans chaque recoin de sa pensée, battant grâce à la Force comme le sang dans les veines. Où qu’il tournât son esprit, il sentait la présence du Sith. C’était l’exaltation que les livres de religion lui décrivaient si souvent et que, malgré tous ses efforts, malgré sa dévotion acharnée et sincère, il n’avait jamais ressenti dans la prière. Sans s’en rendre compte il était tombé à genoux. Pas de faiblesse mais de dévotion.

Combien de sociétés avaient eu ainsi, jadis, l’imprudence de laisser leurs grands prêtres et leurs chamans, leurs sorciers et leurs pontifes, seul à seul avec un Seigneur Sith ? Combien de fois le Côté Obscur s’était-il engouffré dans un esprit que le zèle n’avait rendu que trop sensible à l’irruption d’un nouveau dieu ? C’était une erreur mille fois répétée dans l’histoire des mondes de la Galaxie.

L’esprit de Noctis libéra cependant petit à petit celui de l’Argazdan. C’était peut-être une attaque plus insidieuse encore. Après la découverte de la Force, il laissait le vide d’une existence à nouveau morne et terne. Le vide de la faiblesse.

— J’espère sincèrement que vous trouverez un moyen de restaurer votre Primauté.

Et sur ces dernières paroles, glissées comme un poison, Noctis se détourna pour regagner l’air libre et le speeder qui l’attendait. Il ne s’attendait pas à une révolution mais, il en était persuadé, l’expérience s’épanouirait dans l’esprit du prélat comme une fleur vénéneuse. Le véhicule s’éleva du sol et ils ne tardèrent pas à laisser derrière la silhouette imposante de la basilique vianiste. Le vaisseau fila à vive allure et, bientôt, Noctis pénétrait dans le salon qui servait de vaste antichambre commune aux appartements qu’on leur avait dévolus, à Yana et à lui.

La jeune femme venait apparemment de rentrer ses pourparlers avec le chef d’Etat-Major. Noctis s’installa dans un fauteuil et son regard se plongea dans celui de la Zeltronne.

— Alors ? Je ne doute pas que vous avez rempli votre mission avec brio. Je vois mal quel politicien résisterait à l’alliance d’un esprit aiguisé, d’une sagesse précoce et d’un charme aussi brûlant.

Les compliments lui venaient d’autant plus facilement qu’il était lui-même de fort bonne humeur. La corruption des jeunes religieux innocents était un plaisir que l’on sous-estimait à tort.
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L’arrivée au palais les accueillant fut rapide, et une fois à l’intérieur des appartements Yana put se détendre, défaire légèrement sa tenue et se relâcher. Elle ne se faisait pas encore au stress que ce genre de situation pouvait amener, mais cela viendrait avec l’expérience. Dans tous les cas, elle était exténuée. Utiliser la Force tel qu’elle l’avait fait jusqu’à présent était extrêmement fatiguant, et elle en avait fait une utilisation, sinon régulière, que l’on pouvait qualifier d’intensive. Il lui faudrait se détendre, manger un morceau. Malheureusement, il y aurait le repas protocolaire avec le gouvernement d’ici un peu plus d’une heure, donc il serait malavisé de demander de la nourriture immédiatement. Elle survivrait de toute manière, ce n’était pas comme s’il y aurait d’autres négociations avant le soir, et elle pouvait souffler et prendre son temps pour décompresser. Mais pas de suite.

D’abord et avant tout, elle comptait remplir son rapport pour le Seigneur Odium, indiquant son raisonnement et les propositions qu’elle avait fait pour que non seulement ces négociations se déroulent correctement, mais que par la suite, il soit possible lentement mais surement d’intégrer Argazda dans l’Empire. Cr serait un long rapport, mais nécessaire pour consigner ses pensées et mettre par écrit les promesses qu’elle avait fait à l’oral, ou plutôt les discussions qu’elle avait eues. Elle n’avait fait que formuler des hypothèses et discuter de possibilités et de plans, si ses interlocuteurs voyaient plus que cela, ce n’était clairement pas son problème à elle puisqu’elle les avait prévenus du caractère officieux des déclarations et propositions faites.

Elle avait commencé à taper ledit rapport lorsque le Seigneur Noctis arriva, très visiblement de bonne humeur. Du peu qu’elle savait de lui, elle en devinait qu’il avait non seulement réussi avec brio à imposer ses points de vue à ses interlocuteurs, mais avait possiblement également réussi à séduire quelque pauvre âme qui s’en retrouverait piégée dans ses filets. Il y avait pire sort, sans nul doute. Elle ne s’attendit pas aux compliments par contre, regardant son supérieur quelques secondes avant de laisser échapper un petit rire cristallin.

« Eh bien mon seigneur, vous m’avez l’air d’avoir passé une excellente matinée. Pour ce qui est de ma part, cela s’est également bien passé il me semble, j’ai réussi à faire comprendre à mes interlocuteurs l’intérêt de mes idées, et peut-être même posé les bases d’un possible assouplissement des restrictions Républicaines avant même que l’on s’allie pleinement à Argazda. »

Sachant qu’il poserait la question, il était inutile de tourner autour du pot, donc l’apprentie continua.

« Pour ce qui est du plan militaire, mon idée d’un échange d’officiers est passée sans souci, comme je l’espérais, mais c’est pour ce qui est de la politique extérieure que j’ai eu une idée qui pourrait fonctionner si je ne me trompe pas, ou du moins qui ne présente aucun risque pour l’Empire. Comme vous le savez, les frontières de l’Empire sont très proche de ce système, qui a un passé faisant de lui une cible de choix pour une alliance, ou une assimilation si on peut croire les mauvaises langues Républicaines. »

Elle ne savait pas si l’appartement avait été visité et ne nouveaux micros installés à nouveau, donc autant ne pas prendre de risque.

« Il semble donc logique que des agents Républicains gardent un œil sur la région, histoire de vérifier qu’on ne s’y intéresse pas trop. De plus, notre visite est loin d’être un secret bien gardé au vu du fait que l’ensemble du gouvernement nous a accueilli. De ce fait, si la République va apprendre de cette visite, autant faire jouer ça à notre avantage. J’ai proposé au Ministre des Affaires Étrangères de justement prévenir la République de notre venue afin de négocier. Pour nous, cela change rien, Argazda au vu de la situation de la planète ne pourra pas devenir un allié solide avant au minimum une décennie, mais Argazda peut justement prétexter notre intérêt pour eux afin de relâcher la pression Républicaine, voter en notre faveur au Sénat pour ‘éviter une invasion’ »

Elle utilisa ses doigts comme pour mettre cette expression entre guillemets.

« ce qui risque d’affaiblir le gouvernement militariste en place, et surtout, cela leur donne une raison de demander l’autorisation de créer une flotte afin de se défendre en cas d’attaque. Je ne sais pas si tout sera accepté, mais dans tous les cas de ce que je sais nous n’avons absolument aucune raison d’accomplir une action armée contre ce secteur, donc une vigilance Républicaine ne servirait qu’à affaiblir leurs autres fronts. Et lorsqu’Argazda s’alliera à nous, nous aurons moins à reconstruire leur industrie avec un peu de chance, ce qui nous fera faire des économies, et caressera leur patriotisme dans le sens du poil. »

Elle regardait bien entendu Noctis en disant tout cela, comme pour voir s’il approuvait ou non… et c’était ce qu’elle recherchait. Elle avait pleinement conscience qu’il était bien plus expérimenté qu’elle à ce genre de jeux, et souhaitait savoir si son plan, si sa pensée était correcte, ou si elle avait commis une erreur. Il y aurait encore un peu de temps pour y remédier si c’était le cas, mais elle avait confiance en son intellect et en son instinct.

Elle espérait juste que cette confiance serait justifiée.
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Un long silence suivi les explications de la Zeltronne mais il ne fut pas hostile. Les mains croisées devant lui, le regard perdu dans le vide, Noctis considérait soigneusement les implications du plan exposé par son apprentie du jour, tout en songeant au genre d’audace qu’il fallait avoir, à son âge, pour se lancer dans des calculs aussi compliqués et aussi risqués. Les secondes puis les minutes avaient fini par passer, jusqu’à ce qu’il murmure :

— Oui… Oui… C’est très bien…

Ce commentaire-là, il l’avait fait plus pour lui-même et, se tirant enfin de sa méditation, il leva les yeux vers Yana et lui adressa l’un de ces sourires ravageurs qui lui valait une égale réputation dans les clubs libertins et dans les salons de diplomates. D’aucuns diraient que la différence est anecdotique.

— Je crois que nous partageons vous et moi un diagnostic à la fois peu engageant et prometteur, à savoir que la situation d’Argazda ne permet pas d’espérer qu’une intégration immédiate ou même rapide à l’Empire soit ni profitable, ni même possible, mais que cette intégration à moyen terme est prometteuse et possiblement inéluctable, pourvu que nous prenions les bonnes décisions. L’attrait de la victoire éclatante et glorieuse est puissant, en politique comme à la guerre, mais la patience de mener des projets fastidieux est souvent beaucoup plus profitable.

Et Noctis avait la réputation de mettre dans la gestion des affaires un scrupule raisonnée et méticuleux inversement proportionnel à la fougue dont il pouvait témoigner quand il s’embarquait dans l’une de ses fameuses épopées sentimentales. Les projets du Seigneur Sith reposaient souvent sur une organisation tentaculaire, s’imbriquaient les uns dans les autres, multipliaient les complications de toute sorte, et leurs rouages tournaient avec toute la lenteur qui était implacablement nécessaire pour s’en assurer le succès.

— Votre idée est très bonne, même excellente. Brillante, s’exclama-t-il finalement avec enthousiasme, en se relevant, et je suis arrivé finalement, de mon côté, à des conclusions similaires. Pour l’économie, je crois qu’il sera opportun de commencer par une restructuration indirecte des hiérarchies quasi-féodales propres au capitalisme reposant sur la servitude et...

Noctis s’interrompit. Il avait été sur le point de se lancer dans un vaste exposé sur les effets complexes de la rencontre entre le libéralisme galactique et l’esclavagisme restauré, sur les conséquences socio-culturelles des mutations économiques et sur les vertus de la solution en demi-teinte qu’il avait proposée au Questeur. Mais c’était un sujet inutilement fastidieux. Depuis sa chambre où il s’était rendu, par la porte grande ouverte sur le salon commun, alors que, comme à son habitude, il se défaisait de ses vêtements sans la moindre pudeur, il conclut simplement :

— Disons simplement que j’ai proposé de consolider une classe de l’élite possédante plus sensible aux pratiques impériales. Il se trouve que la République a mené un travail de sape tant dans le domaine de l’économie que de la religion, en discréditant les idéaux esclavagistes. Classique de l’assimilation démocrate et pseudo-égalitariste.

De sa vie, il ne croyait pas avoir jamais vu de démocratie. La République en particulier était à ses yeux une immense technocratie où les bureaucrates cultivaient avec un soin pervers l’illusion de liberté et de représentativité, en asservissant les populations à travers les méandres inextricables du mille-feuille législatif. L’Empire était plus honnête. Plus direct. Et il offrait à tous les ambitieux capables la chance de s’élever. On pouvait partir de rien et devenir tout, quand on était exceptionnel, alors que les ascensions de ce genre étaient fort rares en République.

En luttant contre l’idéologie esclavagiste, la République avait vendu au petit peuple l’idée d’un monde plus égalitaire, où les chances seraient égales, une fois que la possibilité d’accumuler des esclaves aurait disparue. Mais la vérité, c’était que les pauvres étaient toujours pauvres et les riches toujours riches. La seule chose véritablement sapée, aux yeux de Noctis, était la culture et l’indépendance argazdiennes.

— Il faudrait manier un peu d’adresse la zone grise, contourner les embargos républicains, mais rien d’insurmontable, et en quelques années, la prospérité d’Argazda serait si inextricablement liée à celle de l’Empire que la couleur des drapeaux ne sera plus guère qu’un détail. S’agissant du Primat, ma foi, c’est un jeune homme fort intéressant, mais pour l’essentiel un fantoche, privé de tous ses pouvoirs par une réforme.

Désormais nu, Noctis se tourna vers Yana avec un sourire un brin prédateur.

— Mais il n’est pas impossible qu’il se soit trouvé aujourd’hui une idole nouvelle. Et nul doute que la nouvelle divinité lui sourira plus que l’ancienne.

Bonjour la modestie. Sur ces bonnes paroles, le Sith disparut dans sa salle de bain. Et Noctis prenait les salles de bain très au sérieux. Se préparer au dîner de réception qui devait clore leur ambassade était une affaire à ne pas prendre à la légère. L’heure avait presque sonné quand il émergea enfin, dans les vapeurs parfumées, auréolé de Côté Obscur, preuve supplémentaire, si toutefois il en fallait une, que sa beauté était considérablement soutenue par la Force.

La tenue qu’il choisit fut simple, chemise noire et pantalon noir, mais ses yeux n’en paraissaient que plus clairs et sa chevelure que plus dorée. Il attendit Yana dans le salon puis on vint les chercher pour les conduire à nouveau au speeder. Au moins, ce ballet continuel était sans surprise. Sur le chemin, Noctis fit remarquer tranquillement, tout en observant le paysage :

— S’il s’avérait que cette mission vous ait séduite, sachez que je cherche toujours à accueillir dans mon entourage des diplomates de talent. Espèce plus rare, on en conviendra, que les guerriers compétents. Vous êtes promise à une carrière brillante, pour peu que l’on vous offre les opportunités adéquates.

Et rejoindre le cercle du Seigneur Hapien était sans aucun doute un tremplin vers bien de nouveaux défis — encore fallait-il accepter d’évoluer dans un milieu à bien des égards très différents des habitudes siths.
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Le silence qui suivit son explication fut supporté avec calme par la jeune apprentie, qui se doutait qu’un homme tel que le seigneur Noctis n’allait pas répondre sans considérer avec attention les répercussions de ses idées. Elle pensait avoir mit le doigt sur la plupart d’entre elles, mais certaines avaient sans doute échappé à son attention. Le murmure qu’il prononça néanmoins n’échappa pas à son attention, et la zeltronne se fendit d’un sourire ravi en voyant le visage de l’hapien se fendre d’un sourire ravageur.

Ses propos, la conclusion qu’il avait tiré de la situation, tout était en accord avec ses propres pensées, et elle ne put s’empêcher de ressentir une forte bouffée d’orgueil à l’idée qu’elle avait été efficace, qu’elle avait bien accompli son travail, qu’elle avait été à la hauteur des attentes, de la responsabilité qui reposait sur ses épaules. Et ce fut avec soulagement qu’elle continua à l’écouter sur la situation, hochant simplement de la tête lorsqu’il confirma sa vision des choses, laissant apparaitre un sourire amusé sur son visage lorsqu’il faillit s’emporter dans une explication économique qui l’aurait sans doute laissée perplexe de par sa complexité, et laissant s’échapper un petit rire amusé lorsqu’il parla de sa corruption du Primat.

Le fait qu’il s’était dévêtu une fois de plus sans la moindre modestie ne l’avait pas dérangée plus que ça néanmoins. Oui, il était séduisant, mais elle avait déjà été placée à ses pieds sous l’effet du terrible désir qu’il rayonnait, et n’avait aucun intérêt à recommencer l’expérience. Oui, elle le désirait. Cela ne changeait rien au fait qu’elle avait un rapport à taper. Elle relâcherait la pression une fois son travail terminé lorsqu’elle se préparerait pour le diner.

Cela lui prit une petite dizaine de minute pour finir de taper ses actes, propos et ses conclusions sur la situation, puis la jeune femme se rendit à la salle de bain pour se nettoyer et évacuer de sa peau les traces du stress qu’elle avait accumulé durant la matinée. Il s’agissait après tout d’un repas politique, il fallait qu’elle soit resplendissante pour ne serait-ce qu’attirer une fraction des regards qu’attirerait le seigneur Noctis. La jeune femme prit le temps de se laver, puis s’habilla avant de se coiffer et de se maquiller.

Ce fut une petite demi-heure plus tard qu’elle rejoignit le salon, une robe élégante d’un bleu saphir recouvrant son corps des épaules aux genoux. Lorsqu’elle avait choisi sa robe de soirée, elle avait hésité à la rendre ostentatoire mais avait choisi, après mure réflexion, quelque chose de plus sobre et raffiné. La robe soulignait sa féminité et ses courbes sans pour autant en faire trop, quelque chose d’appréciable pour une diplomate.

Noctis, lui, avait choisi une tenue sombre, chemise et pantalon noirs, qui contrastait délicieusement avec ses cheveux blonds. Si leurs hôtes n’étaient pas aussi racistes, elle se serait dit qu’ils allaient faire tourner des têtes. Dans tous les cas, ils ne passeraient pas inaperçus, et ne ressemblaient pas aux Sith qu’ils étaient. Elle supposait que c’était pour le mieux. Il fallait bien détendre l’atmosphère après les négociations de la matinée.

Ils n’eurent pas longtemps à attendre, et furent conduits vers un speeder lorsque Noctis lui fit sa proposition. Yana se figea l’espace d’un instant, son esprit tournant à toute vitesse. Il s’agissait d’une proposition inestimable pour quelqu’un comme elle, et pourtant elle hésitait. Pourquoi donc ? Parce qu’elle venait de lancer il y a peu son entreprise, et souhaitait s’en sortir seule, souhaitait accomplir ses rêves seule. Pour autant, elle ne souhaitait pas s’aliéner l’ensemble de l’Empire en faisant route à part et en rejetant toutes les offres lui étant offertes.

Les secondes passèrent, puis les minutes avant que la jeune femme ne réponde.

« Je ne sais pas trop quoi dire Seigneur Noctis. Votre offre me flatte énormément, et c’est un réel plaisir que de travailler avec un Sith aussi compétent. Pourtant… j’ai des plans, des idées, des actions qui ont été engagées qui demandent mon autonomie, la plupart de mon temps et beaucoup de mobilité, du moins pour le moment. Me retrouver au service d’un Seigneur, même si cela pouvait sans nul doute accélérer mes progrès et mon accession aux rangs supérieurs, risque de compromettre ces plans. Peut-être est-ce de l’arrogance de ma part, peut être de l’idiotie, mais je souhaite pour l’instant ne pas avoir de maitre. Bien entendu, je reste à votre disposition, et à celle de l’Empire si vous le souhaitez, et la diplomatie reste et restera sans doute mon domaine de prédilection. Je souhaite juste… je ne sais pas comment dire ça, mais me trouver moi-même, me construire moi-même. Que d’ici dix ans, je regarde ce que je suis devenue et que je sache que je me suis construite de mes propres mains, avec le soutien de l’Empire certes, mais que je sois la propre architecte de mon succès. »

Ce qu’elle ne disait pas, ce qu’elle n’osait pas dire, c’était qu’elle avait perçu l’état actuel de la politique dans l’Empire, et qu’elle savait que la situation ne pourrait pas durer, que c’était instable, et risquait d’imploser à tout moment. En tant que simple apprentie sans attache, elle était définitivement plus à l’aise et moins en danger qu’en étant sous les ordres d’un Seigneur Sith. Même si elle ne doutait pas que Noctis fut assez malin pour éviter toute répercussion trop désastreuse pour ses affaires, elle préférait ne pas prendre de risque.
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Cette fois-ci, le silence qui accueillit la réponse de Yana ne fut pas pensif : il fut glacial. En l’écoutant, le Seigneur Sith n’avait pas détaché son regard des immeubles qui défilaient au-delà des flancs du speeder, où se mêlaient la grandeur révolue et l’architecture sobre de la reconstruction. Il se contenta d’un laconique et peu engageant « fort bien » sans jeter un regard à Yana et le reste du trajet se déroula sans un mot de sa part. Il faisait plus chaud sur Hoth.

Le sourire et la parole ne lui revinrent que lorsque, le speeder s’étant posé, le Triumvirat vint à leur rencontre sur la plateforme monumentale du palais de l’assemblée. Le régime parlementaire d’Argzada leur avait paru jusque là bien théorique et ce n’était pas ce dîner qui changerait quoique ce soit, tant il était vrai que le palais de l’assemblée n’y jouait guère que le rôle de décor. Aucun député dans les parages, et seul le président du parlement avait été invité : si la réforme démocratique imposée par la République s’appliquait bien en théorie, en pratique, tout laissait deviner que les anciens oligarques, par la force des choses, avaient conservé encore beaucoup de son pouvoir.

Amabilités et badinages mondains furent la règle alors qu’on leur proposait une visite de pure forme des couloirs du bâtiment, qui n’étaient pas sans rappeler ceux du Sénat galactique mais où, non sans ironie, le gouvernement avait fait installer des tableaux et des statues rappelant les heures de la gloire de la planète, comme un pied de nez au nouvel ordre moral suggéré par la République. Le thème de l’esclavage y était soigneusement évité mais cet attachement manifeste à la geste nationale ne laissait que trop voir qu’après cent ans à peine, la transformation démocratique demeurait très superficielle.

C’était un signe encourageant et, en somme, Noctis avait recouvré sa belle humeur lorsqu’il s’assit à l’une des places d’honneur, dans l’interminable table qui occupait la vaste salle à manger. Le refus de Yana n’avait pas été oublié, ni pardonné d’ailleurs, et la réponse de la jeune femme, toute diplomatique qu’elle avait été, l’avait faite tomber de son piédestal aux yeux du Hapien, dont l’orgueil de Sith tolérait mal les refus, mais le dîner offrait assez de distractions pour reléguer cette contrariété au second plan.

L’heure n’était plus aux négociations mais la conversation pouvait ne pas en être moins délicate. Entre les jeux de mots, les anecdotes, les discussions apparemment indifférentes sur l’art, les planètes lointaines ou la gastronomie, c’était les goûts les plus personnels qui se confrontaient, et la recherche d’une sorte de communauté de personnes, préalable indispensable à tout accord politique vraiment durable, surtout quand il devait être informel. Il fallait saisir les inflexions de voix, les infimes moues du visage, pour deviner quel poisson on était censé préférer et savoir s’il fallait trouver des mérites ou des défauts aux nouveaux opéras à la mode.

Au fil des conversations, Noctis crut peu à peu deviner un obstacle inattendu et qu’il n’avait pas lui-même envisagé — une lacune qu’il ne manqua pas de se reprocher aussitôt. A demi-mots, les convives autour de lui entreprenaient de lui faire comprendre qu’à leurs yeux, l’Empire manquait cruellement d’attrait culturel. Si la République offrait aux élites toute une Galaxie d’art, de culture et de divertissements, l’Empire leur apparaissait le plus souvent comme une machine militaire hostile et froide, repliée sur elle-même, où l’ordre régnait plutôt que la créativité.

Ce n’était pas rédhibitoire, sans doute, mais c’était peut-être problématique. C’était comme un grain de sable dans la machine de leurs négociations. Alors Noctis se mit à vanter l’architecture de la basilique, et les tapisseries du palais où on les avait logés, et l’élégance des bâtiments qui avaient survécu à la guerre contre la République. Bientôt, il demandait s’il était possible d’acquérir des œuvres d’art d’Argazda et, avant la fin du dîner, ses hôtes, bien conscients de leur infériorité économique, militaire et politique, eurent l’espoir, qui n’était peut-être qu’une illusion de l’emporter sur l’Empire au moins pour ce qui était de la culture et cette idée adoucissait beaucoup la rigueur de leur situation.

Après le dernier plat, la compagnie se leva pour gagner les jardins et y entreprendre une promenade que la fraîcheur du soir écourta. Plutôt que de s’éparpiller, Noctis eut soin de cultiver les mêmes convives : ces menus propos étaient le fondement des relations personnelles et les relations privilégiées étaient l’instrument principal de la diplomatie, particulièrement quand aucune alliance formelle, aucun traité fondé sur le droit, ne pouvait encore l’appuyer.

Il promit des services, de ces petites choses indifférentes et finalement sans grande conséquence qui servaient à entretenir les relations : là, ce sera un bon mot pour le fils d’untel, un chercheur qui voulait entrer en relation avec une compagnie d’Hapès, ici, ce serait une invitation à visiter quelques planètes exotiques sous la protection de l’Empire. Sa mémoire prodigieuse, entraînée dans son Padawanat à retenir les informations à première vue les plus inutiles mais en réalité les plus essentielles quand on cherchait à nouer des amitiés durables, classait soigneusement et à toute vitesse ces noms, ces requêtes, ces visages, qu’il consignerait ensuite, avec beaucoup de scrupule, dans des archives.
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Yana savait qu’avec son refus elle se placerait dans une position difficile auprès du Seigneur Noctis. Elle en avait pleinement conscience. Le silence glacial qui suivit n’était pas inattendu, et fut inconfortable, mais elle avait fait son choix, et il fallait vivre avec. Fermant les yeux, et essayant de ne pas penser au fait qu’elle avait compliqué son avenir sans une raison autre que son orgueil et un sentiment diffus qu’elle devait rester sans maitre, la zeltronne se laissa porter par la Force, sans la contrôler, sans la diriger, afin simplement de détendre son esprit.

Respirant calmement, elle se reprit lorsqu’ils arrivèrent et laissa apparaitre un sourire content sur son visage alors que son esprit sortait à peine de son émoi. Explorer les sentiments des hommes et femmes non loin d’elle pour en recueillir de la joie et l’assimiler par osmose était quelque chose qui était sinon aisé, du moins parfaitement possible avec un peu de concentration et de volonté, et elle ne manquait pas de cela en ce moment précis. Donc son sourire d’une joie empruntée, elle fut accueillie par le triumvirat gouvernant la planète. Le repas aurait lieu dans le palais de l’assemblée apparemment, bâtiment qu’ils n’avaient pas encore visité jusqu’à présent.

La visite et les discussions prévus se déroulèrent comme un rêve pour elle, sa façade de diplomate ne se fracturant pas une seule seconde alors que son esprit vadrouillait en considérations inutiles et en inquiétudes futures. Elle ne comprenait pas son choix, et même si intellectuellement elle l’approuvait, cela la rongeait. Elle savait que c’était inutile de cogiter sur des décisions passées, mais, alors que ses lèvres répondaient à quelque amabilité, elle sut qu’il faudrait qu’elle se force à penser à quelque chose d’autre pour que ces inquiétudes quittent enfin son esprit et cessent de le tourmenter.

Une fois la visite terminée, et le repas entamé, Yana s’intéressa assez aux conversations afin de chasser ses idées noires et se concentrer sur le moment présent. Elle était assise non loin du Seigneur Noctis sans pour autant être directement à ses côtés, fait dont elle ne pouvait être que reconnaissante. Elle n’avait pas besoin de se retrouver à côté d’un homme possédant un immense pouvoir pour elle et qu’elle venait de rejeter. La conversation dérivant sur les goûts culinaires et sur l’art, deux domaines qui étaient sinon la prédilection de la jeune apprentie, du moins un centre d’intérêt majeur pour elle, et dont elle se joignit à la conversation. Le jeu éminemment politique se mêlant à de telles conversation était… déplaisant pour la jeune femme, mais elle s’y prêta, avec certes moins de succès que le Seigneur Noctis, mais sans pour autant commettre d’erreur majeure. Du moins c’était ce qu’elle pensait, qui pouvait savoir quelles erreurs elle avait commis dans ces délicates discussions ?

Les sentiments néanmoins dans certains des esprits de leurs hôtes tournaient de plus en plus souvent vers l’inquiétude lorsque des sujets d’art étaient abordés, et rapidement Yana comprit le souci. Même si l’art Sith, et par extension l’art Impérial était très proche de celui des argazdans, il était loin d’être prépondérant, et ils se voyaient déjà alliés à une culture qui méprisait l’art qu’ils appréciaient tant. Dans un sens, ils n’avaient pas totalement tort, et l’apprentie resta silencieuse quelques instants avant de fouiller sa mémoire, tirant avec peine les souvenirs de ses conversations avec son ancien maitre, Darth Calliope sur l’art et son rôle dans la société impériale.

Son cœur se serra légèrement en se rappelant celle qui l’avait prise sous son aile avant de disparaitre sans laisser de trace, laissant une marque indélébile dans son âme. Ce n’était pas le temps néanmoins de se morfondre dans les peines et les peurs passées, et Yana mit à profit ces leçons afin de rentrer une fois de plus dans la discussion, assistant les efforts du Seigneur non loin d’elle afin de faire comprendre à leurs interlocuteurs que même si l’art n’était pas l’intérêt principal de l’Empire, ni même prépondérant, c’était loin d’être un domaine complètement abandonné comme inutile.

Que cela amène dans l’esprit des politiciens leur faisant face une certaine supériorité, une certaine croyance qu’ils étaient supérieurs à l’Empire dans le domaine culturel n’était qu’un agréable effet secondaire. Une telle arrogance ne pourrait que servir les desseins d’habiles dirigeants impériaux afin de faciliter l’intégration future de cette planète et de ses habitants dans le giron impérial.

Le repas terminé, et leurs discussions interrompues, l’ensemble des convives furent invités à rejoindre le jardin pour continuer les discussions. Yana dans ce domaine fut beaucoup moins à l’aise que son supérieur, son domaine d’influence étant bien plus restreint que le sien, mais elle fut capable de mettre à profit certains de ses contacts. Si Noctis avait choisi de discuter avec les mêmes interlocuteurs, elle avait décidé de faire l’inverse. Elle n’avait aucun intérêt commercial dans la région, donc elle se concentra pleinement sur la réussite de sa mission, discutant avec tous, et choisissant habilement ses mots afin que nul ne se sente lésé par le fait que le Sith ne vienne pas discuter avec eux. Il s’agit là d’un fragile équilibre, mais elle s’efforça de le maintenir du mieux qu’elle le pouvait.

Ce petit jeu continua tard dans la soirée, mais finit par se terminer, et la visite diplomatique par se conclure. Après les nombreuses salutations protocolaires et autres, les deux Sith furent reconduits jusqu’à la navette qui les ramènerait dans leur vaisseau, leurs effets personnels déjà chargés. Un court trajet les séparerait de l’Empire, mais déjà, alors que la navette quittait le sol et que la jeune femme avait récupéré son sabre auprès du soldat auquel elle l’avait confié, ses doutes et ses inquiétudes rejaillirent dans son esprit.

Avait-elle fait le bon choix ?
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