Loin, très loin du conflit armé qui oppose l’Empire et la République, une navette de contrebande profite des derniers rayons des deux soleils de Tatooïne pour s’orienter dans le désert de la planète brûlante. A plusieurs centaines de kilomètres à l’ouest d’Anachore, ils ne survolent que des petits villages où la vie discrète bat son plein – profitant du répit offert : à cette heure, les températures chutent et un vent léger rend la vie plus supportable. C’est un beau soir d’été pour Tatooïne ; aucune tempête de sable n’est prévue. Le ciel est clair comme un lac embrasé.

La navette, noire de suie et couverte d’anciens impacts, se pose sur un versant sombre et escarpé, à la faveur d’un petit plateau naturel. La passerelle est dépressurisée et ses occupants se glissent à l’extérieur en silence. Même de loin, à travers les jumelles infrarouges dont se sert l’homme masqué, il est aisé de reconnaître les capes virevoltantes des Jedi.

Deux humanoïdes mâles, trois humanoïdes femelles… Et la silhouette trapue d’un Drall qui ferme la marche. Un commando de six Jedi. Exactement comme prévu. A cette distance, cependant, il est impossible d’entendre ce qui se dit entre eux. Laissant leur navette derrière eux, ils disparaissent rapidement dans les sinuosités du paysage. Des voiles de Force, très certainement…
L’homme masqué range ses jumelles, et fait signe à ceux qui l’accompagnent de disparaître à leur tour. Le petit groupe s’exécute en silence. Après quelques minutes à se plonger à son tour dans la Force, l’homme masqué quitte sa cachette et s’élance à la suite du groupe de Jedi.

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- Attendez ! J’en ai une autre ! s’exclame Podran, légèrement éméché, à la table de la salle commune. Quel est le comble pour un présentateur de météo sur Bothawui ?

Autour de lui, une ribambelle de mercenaires, armes sous le coude, jouent de leurs chopes qu’ils vident d’une traite et reposent bruyamment sur la surface poisseuse auquel le zeltron est accoudé, les yeux un peu vitreux.

- Qu’il fasse bothan !

Regards ahuris, froncements de sourcils. Et puis les rires se déclenchent, gras.

- Elle était nulle !
- Et comment on appelle un wookie qui parle ?
- Je la connais celle-là, un talkie-wookie !

Nouveaux éclats de rire. La soirée promet d’être tranquille : la plupart de ces mercenaires sans histoire sont grassement payés pour… Pourquoi, déjà ? Ah oui, ne laisser entrer personne de louche. En même temps, qui viendrait s’intéresser à ce palais perdu de Tatooïne ? Personne ne sait que Borenga est là. Le gros Hutt est juste devenu parano. D’ailleurs, c’est pour cela que cette bande de joyeux lurons peut s’amuser sans trop se faire de bile : celui qui les paye occupe des appartements sous terre, sous leurs pieds même, où il peut rester enfermé pendant des mois. Il a de quoi survivre, en cas d’attaque. Y’a pas à dire, la limace s’est enfermée comme dans un coffre-fort. Personne ne viendra le chercher ici…

- A moi, à moi ! Comment on appelle un padawan qui atteint un niveau supérieur ?
- Un chevalier !
- Mais nan, ça c’est pas drôle…
- Ca devient un…

Une chaise crisse avec violence, perturbant la conversation. La Twi’lek qui occupait la table voisine s’est levée avec brutalité, les yeux rivés sur la porte.

- Qu’est-ce qui t’arrive, ma puce, tu as la réponse ? demande, goguenard, le zeltron.
- Fermez-la ! Des gens essaient de s’introduire dans le palais.

L’annonce dépose un coup de froid dans la petite assemblée éméchée.

- Comment qu’tu l’sais ?

Pour toute réponse, Myir Alshain s’élance hors de la pièce. Après une brève hésitation, d’autres mercenaires empoignent leurs blasters et leurs vibrolames.

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- Les Jedi sont déjà en train de s’infiltrer, murmure le Drall, accroupi sur un balcon du palais.

La silhouette masquée l’a rejointe il y a quelques minutes. Les deux se toisent avec un brin de méfiance. Etiam se souvient parfaitement du message que le Conseil Jedi lui a montré…

Dans son souvenir, l’holo montrait une forme masquée.

- Honorables Maitres du Conseil, je me présente : El Masaari, bras armé du Seigneur de Guerre Borenga. Mais je suis certain que vous me connaissez déjà. J’apparais devant vous aujourd’hui pour vous faire part d’une information qui, j’en suis sûr, retiendra toute votre attention : le Hutt que vous recherchez activement depuis de longs mois maintenant se cache, et je peux vous dire où. Et même vous aider à parvenir à vos fins.
Pour cela, je ne demanderai que deux conditions : la première : je veux que seul un nombre restreint de Jedi participe à l’opération. Vous comprendrez que je ne veuille pas entacher ma réputation en m’associant ouvertement avec l’Ordre. La seconde : que nous parvenions à un accord pour que mes hommes et moi-même soyons laissés libres, sains et saufs, si nous collaborons avec un commando jedi. Et ce même en cas d’échec de l’opération. Je ne doute pas de l’honneur engagé des Jedi.

Etait-ce une menace à peine voilée pour rappeler aux vertueux Jedi l’importance de leur code d’honneur ?

- Evidemment, vous devez vous douter que Borenga a déployé tous les moyens nécessaires – et même plus – pour assurer sa sécurité. Pour vous introduire auprès de lui, vous aurez besoin de mon aide. Et croyez-moi quand je dis ces mots, vous n’y parviendriez pas sans moi, même si tout l’Ordre décidait de passer à l’action ! Seuls nos meilleurs éléments auront une chance face à lui.

Son ton était dur, sec. Mais il ne fallait pas prendre à la légère les forces de défense du Hutt. El le savait parfaitement, les Jedi aussi depuis Nar Shaddaa.

- Enfin, dernier point à aborder avec vous mes chers Maitres : faites ce que bon vous semblera de Borenga. Mort ou vif, l’Espace Hutt a besoin d’en être débarrassé coûte que coûte.

Une pause grave, un soupir, puis la voix étouffée par le masque reprit d’un ton sans détour. Il semblait aimer la théâtralité de l’instant.

- Borenga est sur Tatooïne.

Voilà. La vérité était tombée. Le Conseil savait maintenant ce qu’il lui restait à faire. Un pas avait été franchi, un autre devait l’être à présent.

- Vous avez mes coordonnées. J’attends votre contact. Avec impatience.

Et la communication s’était coupée là.

A l’époque et suite à son entretien avec Maître Tianesli, Maître Don avait fait appel au Drall pour consulter ses connaissances au sujet de Borenga, après quoi le Conseil avait décidé ensemble de venir en aide à ce mystérieux homme sans lui porter atteinte… En exigeant toutefois qu’ils puissent obtenir de prendre Borenga vivant, officiellement pour le traduire en justice auprès d’une cour galactique pour crime contre les êtres de conscience. Officieusement, Etiam avait compris que le Conseil espérait pouvoir tirer de Borenga des informations sur la fameuse Darth Synia avant de l’offrir à la République…

Et maintenant, le mystérieux homme masqué se tient devant lui. Jusqu’ici, tout s’est passé comme prévu : El Masaari leur a donné des coordonnées et des informations justes, et Etiam est venu avec un commando discret. Les Chevaliers Draayi, Wonlos, Ferea et les padawan Azulis et Hungae'Nasra forment, avec lui-même, l’équipe de choc qui va s’introduire dans le palais du Hutt et le neutraliser.

- Pas de modifications du plan ? s’enquiert l’homme masqué.
- Non. Notre commando va se charger d’effrayer Borenga, tandis que nous et moi allons nous efforcer de nettoyer les lieux. Dès que nous donnerons le signal et que toute défense extérieure sera neutralisée, une deuxième navette viendra se poser pour cueillir la cible, explique professionnellement le Drall. Où est votre équipe ?
- Déjà infiltrée parmi les mercenaires, répond El sur un ton apaisant. Tout va donc fonctionner comme sur un chariot répulseur…

- Tu crois qu’on devrait y aller ? demande le Chevalier Bloom à son comparse, qui hausse les épaules dans sa combinaison de pilote.
- Non, tant qu’on n’a pas de nouvelles, on attend les ordres…

Tous deux sont à bord de la navette en orbite de Tatooïne. Ils attendent là depuis plusieurs heures, à attendre le signal d’Etiam Benhult pour descendre cueillir le dangereux baron du crime. Mais sur leurs radars, ils détectent ce petit point luminescent qui n’est autre qu’un palais qui s’embrase.

L’édifice de Borenga, si discret qu’il est ordinairement, niché dans les roches de la planète et se fondant dans son paysage nocturne pourpre, est en effet visible comme un phare au milieu de la mer de sable : l’incendie qui s’empare du hangar ne cesse de croître, enserrant dans ses griffes implacables le métal et la pierre. Des explosions retentissent au milieu d’un tintamarre d’alarmes et des mercenaires commencent à s’enfuir sans plus chercher à accomplir leur contrat, désireux de sauver leur peau tant qu’il en est encore temps. En effet, le feu menace de se propager au reste du bâtiment et qui sait si Borenga n’a pas prévu une auto-destruction en cas d’attaque trop importante ?

- AAAJIIIKAPOOOONA !

Mais aucun juron ne sera à la hauteur des pensées de Borenga pour son ex-bras droit, El Masaari, dont il a reconnu le masque sur les caméras de surveillance avant que celles-ci ne se coupent mystérieusement. Est-ce l’incendie qui a provoqué des courts-circuits ? Peu importe. A l’intérieur de son bunker hautement sécurisé, le Hutt active son énorme chariot répulseur vers le fond de la pièce de métal dans laquelle il a vécu depuis plusieurs mois – aucun humain ne pourrait y survivre tant l’odeur y est nauséabonde. Il fallait dire que le système d’aération ne pouvait en aucun cas compromettre sa sécurité, aussi a-t-il été restreint au maximum. Mais cette fois, il sait qu’il doit abandonner sa demeure.
L’énorme limace active un panneau coulissant et s’engouffre en glissant visqueusement dans le canal : il ne peut y emporter son chariot répulseur. Lé mécanisme est fait tel un ascenseur qui s’active instantanément, dès que le Hutt est installé sur la plate-forme dans la cavité. Alors son ascension commence, direction la plateforme de décollage…

… sur laquelle une navette atterrit sous les yeux de Darth Velvet, qui a pu garder l’endroit vierge de tout Jedi, ainsi qu’il le lui avait été demandé. L’appareil est imposant – un peu trop, aux yeux de la mirialan, qu’un mauvais pressentiment étreint. Derrière elle, au pas de course, accourt l’homme qui sourit derrière son masque… Et tous deux patientent quelques secondes à peine : sous leurs yeux attentifs, une large et circulaire pièce de métal au milieu de la plateforme se sépare en deux et laisse surgir dans un affreux grincement métallique l’énorme chose qu’est le hutt Borenga, qui n’a pas eu le temps de revêtir son armure. La créature hurle, injurie El en constatant que sa navette a… Disparu avec une partie de la plateforme.

- TRAIIITRE !

El lui prête à peine attention. Plutôt, il donne l’ordre rapide à Darth Velvet d’arrêter celui qui est en train de grimper les rejoindre sur la passerelle en contrebas : un Drall qui a bien servi… La mirialan s’exécute aussi et s’éloigne de la zone dangereuse. Borenga, lui, agite ses bras gluants et crache une bave venimeuse. Ses yeux sont exorbités par la haine et sans attendre, il braque sur le traître un fusil d’assaut à sa taille. Une telle arme trouerait aisément le corps d’un être tel que celui d’El…

… mais un fouet claque dans les airs avant de s’enrouler autour du fusil. L’instant d’après, le Hutt désarmé se retourne, ébahi, vers le porteur du fouet. Ou plutôt, la porteuse…

[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]

Les deux Jedi positionnés en orbite de Tatooïne n'en peuvent plus d'attendre des nouvelles : voilà deux fois qu'ils ont envoyé des messages aux membres de l'équipe commando, sans aucune nouvelle de leurs camarades opérant sur la planète. Quelque chose a mal tourné, c'est certain. Lorsqu'ils sont informés de l'incendie qui ravage le palais et qui est visible à des kilomètres à la ronde, ils demandent au Temple l'autorisation de changer les plans de la mission en se rendant sur les lieux pour tenter de comprendre ce qui s'est produit.

Le palais du Hutt Borenga, lui, s'est en partie effondré sur lui-même et l'incendie vient peu à peu à court de combustible pour poursuivre sa progression. Si plus aucun Jedi ne répond aux appels, c'est que ttrois sur les six membres du commando sont dans une situation terrible : ils sont ensevelis dans les ruines du palais encore fumantes, tandis que deux autres parcourent le lieu dans l'espoir de retrouver leurs compagnons en vie, bien qu'ils sont entravés par les fumées asphyxiantes qui s'envolent en nuages épais.

Au milieu de cette scène désastreuse, sur la plate-forme d'atterrisage désormais inaccessible autrement que par les airs, Borenga est encerclé du Jedi restant, de deux utilisateurs de la Force indépendants et, bien sûr, de Darth Ynnitach qui peut enfin régler ses compts avec le Hutt insolent pour réparer son honneur. Comme elle a habilement piégé les Jedi, avec l'aide de l'ambition dévorante de quelques individus qui se pensaient libres et indépendants des conflits intergalactiques... !

Et lorsque le jour se lèvera dans quelques heures, elle aura déjà laissé loin derrière elle les ruines de son palais, et peut-être même le cadavre encore fumant du Hutt.