Lyrae O'Sil
Lyrae O'Sil
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Lyrae passa une main tremblante dans ses cheveux blancs comme la neige. La décision qu'il devait prendre ce jour, sans aucun doute, était la plus difficile à laquelle il avait été confrontée. Et pourtant, il savait que s'il voulait se donner une chance de pouvoir se regarder dans la glace de nouveau, d'être le digne père d'un futur Jedi et que ce fusse lui qui permît à Kolin de devenir un Chevalier, alors il devait prendre cette décision ce jour, et s'y tenir à jamais.

Il avait bien pensé en parler à Luuna, mais il avait peur de sa réaction. Elle n'était pas une oreille objective – et cela il l'avait bien mérité. Qui alors ? Misha était peu au Temple, active comme elle était. Et en dehors d'eux... Et bien, il n'avait pas vraiment grand monde à qui il pensait pouvoir se confier. De toute manière, il savait que cette décision lui revenait. Il était un adulte, désormais. Un véritable adulte qui avait atteint l'âge de raison à défaut de celui de la sagesse ; il devait désormais prendre ses responsabilités.

Cela n'impliquait cependant pas que ce fût facile, bien au contraire. Dans l'ascenseur qui s'élevait en silence vers la plus haute tour du Temple Jedi, il sentait une perle de sueur s'écouler le long de sa tempe. Il était encore temps de faire demi-tour. Il était déjà monté deux fois, et redescendu aussitôt. Il fallait pourtant choisir l'une des deux voies avant la fin du jour. Mais chaque fois qu'il prenait le chemin du Conseil, il lui semblait faire la pire erreur de sa vie. Et chaque fois qu'il s'en éloignait en songeant qu'il enterrerait dans le silence ses récents déboires, alors il lui semblait faire preuve de lâcheté et de malhonnêteté.

L'ascenseur s'ouvrit sur un hall baigné d'une douce lumière. Une espèce de large corridor, majestueux et flanqué de statues d'anciens héros Jedi, qui conduisaient jusqu'aux portes de la Chambre du Conseil, fermées à l'heure actuelle. Ce lieu qui avait toujours semblé noble et bienveillant au Chevalier lui paraissait ce jour être un couloir vers une mort symbolique. Ses yeux se posèrent sur le panneau électronique qui pouvait renvoyer l'ascenseur et lui-même au pied de la tour, mais il se retint. Il avait encore le courage de faire quelques pas, ce qu'il fit lentement. Ses bottes résonnaient dans le silence et les statues paraissaient le toiser hostilement, de toute leur hauteur. Mais ce n'était probablement rien en comparaison de la façon dont il serait scruté par les Maîtres Jedi, comme Maître Manteer... Le retour du Dragon, disait-on, n'allait pas s'accompagner d'un adoucissement des mœurs au Temple. Il savait qu'il en serait un exemple.

Il s'immobilisa après quelques mètres, surpris de découvrir une silhouette étroite non loin des portes. Un padawan ou un chevalier qui attendait son audience au Conseil ? Bon, hé bien, ce serait l'occasion de savoir si le Conseil était fort occupé ou non, présuma-t-il. Il allait juste s'en informer et au besoin, il pourrait toujours faire demi-tour et rejoindre ses quartiers, n'est-ce pas ?

- Bonjour, fit-il à voix basse en arrivant près du Jedi pour ne pas perturber le calme de l'endroit. Oh, Luke !

C'était bien le Chevalier Kayan qui s'était tourné vers lui lorsqu'il lui avait adressé la parole ; il ne l'avait pas reconnu immédiatement. Ce qu'il avait changé ! Lyrae se souvenait du gosse lorsqu'il était gamin ; un cas particulier qui faisait parler de lui. D'aucuns avait parié qu'il serait très vite relégué à un corps Jedi... Et voilà qu'il avait été formé par un Maître du Conseil en personne. Cela avait l'air de lui avoir réussi... Le genre de chance dont Kolin n'avait pas vraiment bénéficié. Lyrae grimaça, mais toutefois Luke ne pouvait pas lire l'expression de son visage. Il se demanda ce qu'il était capable de lire dans son aura pour compenser ce sens qui ne lui était pas permis.

- Ca fait un bail... Comment vas-tu ?

Bon, il avait moyennement la tête à prendre des nouvelles, en réalité, c'était plus une forme de politesse. Il ne connaissait pas très bien Luke ; comme beaucoup d'autres Jedi, la proximité des dortoirs pendant leur jeunesse avait juste permis une promiscuité relationnelle habituelle.

- Hum... Dis-moi, j'en profite pour te demander : le Conseil est réuni, là maintenant ? Ils sont occupés ? Pas que je veuille entrer maintenant, hein ! C'est juste pour savoir...

Pour le côté spontané et naturel, on repassera.
Luke Kayan
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- Maître Don m'a chargé de te dire qu'il ne sera pas disponible. Il a du partir pendant la réunion pour une requête urgente en-dehors du Temple.

- Je comprends. Je vous remercie.

Les portes se referment doucement tandis que le concerné demeure avec ses questions. La brise crée momentanément fait esquisser une ondulation légère à ses cheveux qui s'immobilisent presque aussitôt. Le Hapien est habitué et ne se bat plus contre ses inquiétudes. Il les laisse glisser le long de ses épaules, faire frissonner son échine, puis se résigne. L'adrénaline doit être tendrement bercée jusqu'à ce qu'il trouve une autre occupation, l'oublie. Luke le sait, il a beau être un des anciens Padawans les plus proches de Saï, il n'aura pas de réponse. La voix du Jedi qui a clos la porte sur les secrets de la Rosace était compatissante mais sans appel, comme à chaque fois.

Concerter un déjeuner avec Saï n'est jamais simple, et le plan peut changer au dernier instant comme aujourd'hui. Luke ne se sent, de fait, satisfait, que lorsque le vieil homme sort du Conseil et pose une main sur son épaule. Là, il a une chance de le retrouver, même si on peut appeler le vieillard n'importe quand. En plus d'être déçu de ne pas profiter d'un déjeuner entre amis, Luke est toujours plus préoccupé par la santé précaire de son aîné. Certes, il y a un peu de subjectivité dans son jugement, chaque pas un peu plus lourd qui fait craquer le plancher a naturellement tendance à enclencher ses alarmes, chaque toux lui fait lever les yeux vers la Silhouette de son Maître... Cependant, son esprit et son coeur s'accordent d'avantage chaque jour sur une idée: il serait temps que le chef du Conseil se repose. Luke craint ce jour d'ailleurs, car bien que de nombreux Jedis soient justes, fidèles au Temple, aucun à ses yeux n'égale la patience, la douceur et surtout l'honnêteté du facétieux Jedi. Charismatique, Saï parvient à maintenir l'équilibre au sein de l'Ordre mais aussi en-dehors. Il est apprécié, même si le Sénat aurait tendance à tourner le dos au moindre problème. Tous le savent, la preuve étant que le vieil humain avait déjà été accusé de meurtre, puis poursuivi sans que sa prétendue gloire ne le protège de l'infamie. Cela ne fait que justifier les arguments du jeune Chevalier. Saï doit commencer à se retirer de plusieurs responsabilités, à défaut de cesser d'être Jedi, car le Hapien a fini par comprendre qu'à son instar, jamais le Maître cesserait d'en être un.

Par respect pour ce dernier toutefois, le blond ne révèle guère ses pensées. Il l'épaule de loin, de son mieux, veille à ce qu'il ne prenne pas froid en lui faisant passer une écharpe, s'enquiert des avancées de Yun, son Padawan et essaye de bien s'entendre avec ce dernier. Suite à leur mission, le Hapien a appris à apprécier le colosse, le sachant désormais bel et bien lumineux, fidèle à leur dogme. Cependant, il sait aussi que le pauvre brûlé contribue fatalement à épuiser Saï. Ses anciens tourments, son énergie, sa puissance sont difficiles à développer pour un homme de l'âge de Luke. Lui-même avait demandé moins d'efforts de ce côté-là, destiné à la voie consulaire, quant à ses propres moments de fougue, signe distinctif d'une adolescence en pleine forme, ils s'étaient exprimés à travers la Force, un domaine que le sage vétéran dominait largement. Les cabrioles à exécuté pour aider un futur bretteur à se former, c'était autre chose.

Luke poussa un léger soupir, déçu par les circonstances et par sa propre personne. Inflexible comme toujours, il se reproche mentalement son égoïsme car le fait est qu'il aurait énormément apprécié de prendre cette pause avec son ancien Maître. Pour l'événement somme toute anodin d'ailleurs, le Hapien s'était inconsciemment bien préparé. Toge et tunique soigneusement repassés, cheveux fleurant bon le shampoing et queue de cheval mieux nouée que d'habitude-seule une mèche folle était parvenue à s'échapper de sa prison élastique, glissant le long de sa joue.-

* Tant pis, je vais manger en révisant le mémoire.*

Les effets de l'absence de la Force est le second mémoire que le jeune Jedi envisage d'écrire. Il a déjà réuni une trentaine de pages brouillonnes sur la question, a effectué quelques voyages et recueilli certains témoignages, notamment celui d'Aarona Klova, une citoyenne pas comme les autres, puisqu'elle c'est une célèbre danseuse. Ce serait le second versant de son premier livre qui pourrait bien sortir des étagères de la bibliothèque puisqu'une maison d'édition se montrait intéressée.

Un bip sonore prévint Luke de l'arrivée d'un message sur son datapad. Il le lit grâce à une nouvelle application qui fait vibrer chaque lettre sous ses doigts, une sorte d'imitation du braille version digitale. Le Jedi se félicite d'autant plus de l'avoir téléchargé qu'il comprend vite ne pas être seul planté devant les portes du Conseil. Une aura vaguement connue parvient à ses sens. Ce n'est guère étonnant que Luke ressente ce léger courant d'avertissement. Ici, il connaît beaucoup de collègues "vaguement" pour les avoir croisé dans les dortoirs ou avoir discuté avec, même si cette présence là semble plus familière. Il a du avoir un débat passionné sur la Force ou s'être entraîné avec.

La réponse ne se fait pas attendre car le Jedi ne fait pas que passer, il croise son chemin ainsi que son aura, imposant gentiment sa présence au Chevalier qui s'attendait à un simple passage. Petit, cette rencontre anodine l'aurait fait paniquer, mais aujourd'hui, Luke est -presque- normal, il contrôle mieux ses soucis de socialisation, cette crainte primaire enfouie en lui dès qu'on s'intéresse à lui. Ancien "autiste", Luke s'en est plutôt pas mal sorti, au point de devenir diplomate. C'est donc d'une voix douce qu'il répond, plus douce qu'il ne l'aurait sans doute imaginé, en réponse à cette étrange phrase, entrecoupée d'une inquiétude visible, y compris pour un aveugle, surtout pour un aveugle. Se faisant, il ferme le message à demi-lu et range son datapad dans sa poche.

- Bonjour Lyrae. La réunion qui devait s'achever d'ici risque de s'étirer considérablement et vu certaines nouveautés de dernière minute la concernant, Maître Don a du sortir. Je crains qu'ils en aient encore pour longtemps... C'est donc une chance que tu ne souhaitais pas entrer.

Ce n'est pas bien méchant, mais Luke pique quand même, probablement pour encourager le père à parler. Présent pour soutenir Luuna et son compagnon lors de l'accouchement polémique de cette dernière, le Hapien se rappelle avoir accueilli l'enfant avec joie. Aujourd'hui de ce qu'il sait, toujours de manière vague, ce dernier habité par la Force va bien, et ses parents font mentir les sceptiques, toujours axés sur leur devoir de Jedi. C'est une chose admirable que Luke aurait commenté à Lyrae s'il le connaissait plus que ça. Pour le moment ceci dit, le jeune homme semble plus inquiété qu'autre chose, et cela concerne évidemment le Conseil. Si c'était une urgence professionnelle, il n'aurait pas ajouté cet absurde "c'est juste pour savoir" à la façon des enfants fautifs qui reculent l'heure de la punition.

- Que se passe-t-il ?

Luke n'a pas répondu à la première question de son camarade Jedi. Oui, il va bien, enfin si on exclu que le message précédemment reçu concernait l'enquête concernant son ex. Le Hapien avait terriblement souffert à l'époque, mais fidèle à sa promesse implicite lors de son adoubement, il avait fini par dénoncer Jason du à ses soupçons de plus en plus avérés. Éloigné de l'investigation à cause de sa relation proche avec le suspect, Luke est toutefois maintenu en partie informé, et surtout viendrait un jour où on l’appellerait à la barre en guise de témoin. Cette fois, tout le monde saurait, non seulement pour ses préférences sexuelles, mais surtout-et c'était le plus grave- pour son incapacité à respecter les traditions Jedi. Cela avait beau être permis, c'était une honte aux yeux de Luke qui ne voulait pas salir la réputation de Saï et de l'Ordre.

Enfin, Lyrae ne semble pas en état d'écouter des inquiétudes que Luke n'est de toutes manières pas envieux de partager. Il sourit, encourageant. Ses yeux se posent à peu près correctement sur la silhouette de son interlocuteur, touchant les lèvres de ce dernier. S'il le connaissait mieux, le Hapien aurait pu atteindre le nez ou les pupilles de son aîné, semblant réellement le regarder.

Peut-être que pour les mêmes raisons-le fait qu'ils se respectaient mais demeuraient étrangers.- Lyrae choisirait de se taire. Luke choisit déjà par anticipation de ne pas insister, sans toutefois exclure de s'en ouvrir à Saï, du moins si les préoccupations du trentenaire semblent réellement graves. De ce qu'il capte pour l'instant, cela parait l'affecter de manière assez intense, mais l'intensité est subjective. Déjà, l'art du diplomate s'active, il veut aider l'autre chevalier, sa curiosité et son inquiétude attisés par les phrases étranges bercées par des remous de Force agités.
Lyrae O'Sil
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Le soulagement le disputa à la déception. Non, Lyrae ne serait pas sitôt délivré de ses tourments. Le Jedi baissa les yeux et soupira silencieusement, posant sur ses hanches ses deux mains fébriles dans une posture d’attente.

- Merci, Luke, s’entendit-il répondre machinalement.

Avait-il rêvé ou y avait-il une pointe d’ironie dans la réponse du jeune Chevalier ? Lyrae le scrutait curieusement. Luke avait bien plus changé qu’il ne l’avait estimé initialement : en plus d’être devenu grand, il s’exprimait de façon sage et énigmatique. Perspicace, même. Il n’était plus l’enfant naïf prêt à tomber dans le premier piège tendu. Il était devenu un vrai Chevalier Jedi, en somme… Pas de ces bêtes égarées dans son genre. Décidément, Lyrae trouvait partout les preuves de sa culpabilité.
Détournant son regard du hapien, il fit deux pas vers l’arche la plus proche ; celle-ci s’ouvrait élégamment sur le parc en contrebas et d’elle provenait un rai de lumière qui réchauffait la peau. Des rires lui parvint – deux padawans s’amusaient en-dessous en se courant après dans l’insouciance la plus enviable. Quel cadre idyllique. Aurait-il à le quitter ?

La question le tira de ses rêveries. Luke était toujours là ; lui aussi semblait prendre son mal en patience. Lyrae haussa les épaules avant d’afficher un sourire pour le rassurer – certes, le Jedi ne le verrait pas mais il l’entendrait probablement dans le timbre de sa voix.

- Rien d’urgent, ne t’en fais pas. Je ne veux pas les perturber s’ils sont en plein débat sur la conduite de la guerre.

Ah oui, la guerre. Ecrasante de gravité, qui faisait passer ses déboires pour des soucis puérils. Pourquoi alors ne s’inquitait-il pas davantage de cet Empire qui menaçait de les engloutir ? Il se sentit égoïste, tout obnubilé qu’il était à vouloir sauver son mariage et l’avenir de Kolin… Et son image, aussi, un peu. A moins qu’en ne venant ici avec le projet de tout dévoiler, il avait déjà abandonné sa réputation ?
Le hapien sourit lui aussi. Mais ses yeux qui situaient approximativement son interlocuteur lui donnaient toujours cet air étrange, qui pouvait mettre mal à l’aise. Pouvait-il s’ouvrir à un Chevalier ? Luke n’était certainement pas du genre à répéter des secrets, mais il n’en restait pas moins qu’il ne savait s’il était capable de dévoiler calmement ce qu’il était venu dire au Conseil. Il préféra prendre un détour, tout en reportant son attention sur le paysage magnifique. Dommage que Luke ne pût profiter de la vue.

- Est-ce que tu as déjà fait quelque chose, Luke, que tu sais être contraire aux mœurs des Jedi ?


Sa question resta suspendue dans le silence où se muraient les statues du hall. Lyrae reprit rapidement, pour dissiper tout doute.

- Je ne veux pas te questionner. C’est juste… Que je me demandais ce qu’il conviendrait de faire dans une telle situation. Admettons… Que j’aie fait quelque chose que les Jedi ne sont pas censés faire. Je veux dire, encore autre chose qu’avoir une relation amoureuse et des enfants…

Il soupira. Ça y était, il s’embrouillait. Il fallait aller à l’essentiel avant de devenir ridicule.

- Est-ce que tu crois qu’il faille toujours informer le Conseil de tous les torts que nous commettons ?

Voilà, c’était cela qu’il devait demander. Luke avait l’air sage – plus sage que lui malgré son âge et peut-être sa luminosité contagieuse permettrait-elle à Lyrae d’y voir plus clair sur le comportement à adopter.
La question ne portait pas tant, en réalité, sur le fait d’informer le Conseil sur des éléments qu’il lui faudrait prendre en compte pour, par exemple, gérer une guerre ou une relation diplomatique. Ses méfaits n’avaient eu et n’auraient de conséquence que pour lui-même… Pour le moment. Il ne s’agissait donc que d’une question d’honnêteté absolue ou relative. Mais la mise en balance était compliquée : il n’y avait pas de conséquences de ses actes pour l’heure, mais s’il les révélait au Conseil, alors… Il y en aurait peut-être. Pour lui, mais surtout pour Laïkin, pour Luuna, pour Kolin.

Il lui semblait qu'un seul argument, qu'un seul grain de sable pouvait faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Finalement, ce serait peut-être Luke qui aurait raison de ses incertitudes.
Luke Kayan
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Quelque chose dans ce merci, ou peut-être dans ce silence indique à Luke que cette conversation n'est pas terminée. Il est possible que son interlocuteur la laisse toutefois en suspens et s'en aille, le Hapien ne ferait rien pour le retenir, cela dit, l'impression demeurerait. Quelque chose d'autre que l'attente de la disponibilité du Conseil les unit, eux qui se sont croisés sans réellement se parler. Le blond a toujours considéré Lyrae comme une personne extrêmement mature, apte à cloisonner sa vie privée avec sa vie professionnelle, il ne le pensait pas remplis de doutes à ce point, surtout que sa relation avec Luuna quoique controversée était finalement acceptée. La question du Chevalier surprend donc le Consulaire qui réfléchit longuement avant de répondre. Lui qui ne voulait pas partager sa honte décide finalement de le faire, espérant aider un confrère en agissant de la sorte. Luke n'est pas ami avec son aîné mais sa détresse l'interpelle, ou du moins ce que ses paroles lui laissent entendre. Moins rigide qu'avant, le blond n'ira pas courir au centre de la rosace pour trahir le secret, comme il avait pu le faire en ce qui concernait Ferus-cela dit, dans le cas de ce Padawan déséquilibré, c'était une question de sécurité.- et il ne s'offense pas par anticipation. Le Conseil a eu raison de le laisser souffrir, de le laisser voir combien il était en tort pour éviter une rébellion d'adolescent à retardement. Le Hapien a appris la leçon, et il sait que cette dernière dispose de plusieurs branches. Il y a bien la leçon en soit, celle qui dit que la vie de nombreux Jedis trop faibles est incompatible avec la tolérance nouvelle de l'Ordre, mais aussi celle qui indique que c'est facile de juger ceux qui tombent sans avoir chuté soi-même. Lui l'a fait, avant que les moeurs ne se libèrent, quand il n'y avait pas encore prescription des anciennes interdictions. Il ne peut que plaider coupable.

- Oui.

Avoue-t-il simplement, dévoilant que le mythe du parfait petit Jedi ennuyeux à mourir est ce qu'il est... Un mythe. Même le sage Luke a pêché et quand il l'a fait ce n'était pas dans la demi-mesure. Être prisonnier de son amour pour les siens, de sa peur de décevoir ne l'a pas empêché d'être attiré par le matériel, ce qui lui avait ramené à sa place d'humble fautif, de réceptacle risible de la Force, la seule capable de s'élever au-dessus de tout cela.

- J'ai payé deux fois les conséquences de mes actes. Premièrement en avouant tout lors de mon adoubement qui aurait pu m'être refusé... Puis en confessant, il y a peu, à mon maître que je m'étais trompé sur cette personne que j'ai aimé. J'ai dû choisir de la trahir, décider que ce n'est pas quelqu'un de bien et changer sa vie, en prenant la décision de le dénoncer aux autorités et d'aider dans l'enquête.

Admet le jeune chevalier non sans un tremblement chagrin dans la voix. Tout n'était pas aussi noir et blanc que ses étranges relations avec la Force le suggéraient. Il ne peut aujourd'hui, renier les excellents moments passés avec le trentenaire, ni son aide dans bien des domaines. Il a grandi et s'est amélioré grâce à cet homme qu'il remerciait aujourd'hui en le vendant aux autorités. C'est donc à lui d'assumer son rôle de robot cruel, dénué de gratitude. C'est la loi, il ne peut pas passer outre. Ses sentiments ne comptent pas, il n'y a personne pour couvrir ses larmes de compassion, Luke avait prétendu connaître les risques à l'époque, il avait promis la rupture immédiate si le Conseil le souhaitait. Ces entorses nombreuses aux règles que le jeune Jedi aimait tant avaient été le signal implicite, l'ordre donné par un Conseil pourtant ignorant de tous ces faits de déclencher sa souffrance personnelle au nom du bien commun. Dans ce genre de situation, il y avait toujours des pertes, et le Chevalier qui avait toujours essayé de sauvegarder tout le monde avait fini par l'apprendre. Épargner au possible deux partis si différents était condamner les victimes comme les coupables, si l'on peut par ailleurs se permettre cette désignation manichéenne primaire, si dangereuse.

- Cela dépend de notre personnalité je suppose, et des retombées de ces erreurs sur l'Ordre.S'il doit être entaché ou que la loi a été enfreint, je pense que oui, il faut tout avouer sans se préoccuper des conséquences sur notre petite personne. Nous appartenons à un tout, à quelque chose de bien plus grand que nous. L’égoïsme n'est pas permis. Si c'est simplement une faute personnelle, aussi grave soit-elle, il ne faut pas nécessairement en référer au Conseil je suppose. As-tu parlé de cette erreur avec la personne concernée ?

Avoue le Hapien qui connaît sa tendance à tout révéler, comme une femme fautive qui court à l'Église pour supplier le Père de l'Absoudre. Il a du apprendre que ça ne suffisait pas, même si ce besoin viscéral demeure, Luke comprend que d'autres n'ont pas le même processus de guérison, et surtout, que le sien peut se prêter à une erreur monumentale: celle de retourner pêcher après avoir été pardonné. Heureusement en ce sens, le jeune Jedi est un pur, il ne veut pas tromper ceux qui l'ont écouté et veille à suivre sa ligne de conduite bien que ce soit dur et que durant sa propre convalescence il chutera probablement, rouvrant ses plaies. C'est pourquoi aujourd'hui, il essaye d'être plus prudent, moins catégorique, proposant à Lyrae une autre alternative. En fait, tout dépend de la nature de la faute de ce dernier. Commencer à discuter avec la ou les autres personnes éventuellement concernées peut-être un bon début avant de se précipiter. Lui par exemple regrette parfois d'avoir directement dénoncé Jason... Peut-être aurait-il pu le convaincre de se rendre lui-même ? L'effet aurait été plus thérapeutique clairement, mais Luke n'a pas eu la force de l'accompagner, ni même de lui suggérer la rédemption. Il l'a quitté puis l'a condamné directement. Si le chevalier au cheveux blancs peut faire d'une autre façon plus douce, plus diplomatique, Luke se doit de l'encourager à bien réfléchir sans prendre en compte le poids pénible de sa faute. C'est la raison qui doit primer, la paix de l'esprit au moment de choisir. Une vertu que seul Saï Don est parvenu à vraiment développer aux yeux de Luke.

Demande le Hapien tout en se questionnant sur la nature de la faute. Lyrae a pourtant le droit d'avoir une relation, il peut même éduquer son fils au sein du Temple. Quelle est la nature de son erreur alors ? Luuna est-elle de nouveau enceinte ? A-t-il fait passer les intérêts de Laïkin avant ceux d'un autre Padawan car c'est son fils ?

Ce doit être le second cas puis qu’apparemment il ne s'agit pas "de faire des enfants". Alors dans cette situation extrêmement grave, prometteuse de nouvelles injustices futures incontrôlables, Lyrae devra probablement parler au Conseil. Évidemment l'esprit innocent du jeune Jedi ne lui permet pas d'imaginer quelque chose de pire encore... À moins qu'en sortant du champs lexical des relations, il s'agisse d'un meurtre ou d'une obstruction à la justice ? Les tentations sont si nombreuses que s'en était injuste. Comment peuvent-ils lutter, pauvres mortels, contre la brillante avarice, ou le séducteur égoïsme ?

- Tu dois savoir que tout révéler n'excuse pas la faute. On se sent hypocritement soulagé lorsque le Conseil nous absout après une mission totalement ratée, aux résultats honteux, mais c'est surtout ton deuil qui compte, les efforts fournis pour ne plus jamais réitérer cette erreur. L'Ordre ne nous force pas à être parfaits, sinon à s'approcher le plus possible de la perfection. C'est différent. La volonté, les essais sincères sont ce qui compte. Ne te lamente pas sur ton erreur si cela ne te permets pas d'avancer... Cherche la raison qui t'as poussé à la commettre et comment te le pardonner à toi-même.

Suggère le Hapien, sagement quoiqu'avec douleur. On n'apprend pas cette leçon sans souffrir soi-même, et Luke a connu une longue descente aux enfers. Cette fois pas de Siths pour le prendre en otage ni de mère pour le maltraiter. Le blond était prisonnier de lui-même, de sa déprime, de ses certitudes quant à son inutilité voir sa nuisance pour l'Ordre tant chéri. Il avait du patiemment reprendre tout du début, retourner en cours comme un petit Padawan, relire des conseils qu'il croyait connaître, des ouvrages pour débutants. Ensuite, il avait ré-apprit à méditer, puis à faire face à ses erreurs au lieu de se les cacher. Aujourd'hui le chevalier sévère est encore en plein processus. Il estime ne pas être guéri, tout juste aborder les croûtes qui empêchent les saignements et les infections. Comment pourrait-il croire être en accord avec lui-même si par pure habitude et commodité il continue de parler de "la personne aimée" ? Peut-être faudrait-il commencer par soigner cet adolescent mal à l'aise avec sa sexualité différente ? Aujourd'hui le Hapien continue de se cacher encore, sous prétexte que de toutes manières il est décidé à ne pas aimer, dès lors, quelle importance ?

C'est confus encore dans son esprit. Il ne sait pas si s'avouer à lui-même cette honte latente ou l'ignorer par crainte d'un narcissisme ponctuel le poussant à insister sur une introspection de détails inutiles. Cette fausse assurance, cette porte fermée à clé est bien la preuve qu'on peut encore lui arracher cette cicatrice jeune et fragile. Il doit être prudent, se refuser à l'arrogance, se fermer à ce droit octroyé par le Conseil. Lui n'est pas assez fort pour accéder à l'Amour, ça ne l'intéresse plus. Il veut s’offrir complètement à l'Ordre, sans commettre l'erreur de juger de haut ceux qui, à son instar, ont fauté et veulent retenter leur chance. Cela dépend probablement du caractère de chacun. En réalité Luke sait avoir tort, celui qui est réellement guéri est celui qui est capable de laisser la porte grande ouverte sur la tentation, de la regarder dans les yeux sans faillir, puis décider librement de la laisser gagner ou de s'en détourner. Enfin bon, lui pour ce qu'il sait de "regarder"... Pour l'instant, il se contente de naviguer entre deux eaux, d'apprendre sans se précipiter, de pallier au plus grave avec l'option la moins mauvaise, le pansement sur la plaie.

- Est-ce que tu souhaites m'en parler ?

Demande le Hapien, les yeux perdus dans une abysse matérielle qu'il ne peut contempler,
comme s'il cherche à voir au-delà ce l'abysse immatérielle rongeant Lyrae, et par extension,
tous les Jedis.

Lyrae O'Sil
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La réponse du Hapan surprit le Chevalier qui, pendu aux lèvres de son cadet, ne perdait pas une miette du récit mystérieux. Ainsi donc, le parfait Chevalier qu'était Luke avait lui aussi commis des infractions au Code, qui plus était dans le domaine charnel. Etait-ce alors le cas de tout un chacun ici ? Les Maîtres du Conseil même avaient-ils tous faits fi des règles Jedi un jour ou l'autre ? Si c'était le cas, l'ensemble de ces dogmes paraîtrait à Lyrae comme un ramassis d'hypocrisie ; cela aurait signifié qu'il aurait culpabilisé depuis des années sur des choses que les autres eux-mêmes pratiquaient aussi.
Mais sa raison le rappela à l'ordre : ce ne pouvait être le cas. Ce n'était qu'une coïncidence si Luke avait connu pareils déboires... Ou bien c'était la Force qui les avait rapprochés pour qu'ils en parlassent ensemble.

Les réflexions de son jeune confrère le firent réfléchir. Il se tourna de nouveau vers le soleil en marchant, comme si bouger pouvait aider son esprit à aller de l'avant, lui aussi.
Avait-il enfreint la loi ? Pas vraiment, puisque la prise de stupéfiants avait été accidentelle. En tout cas, sur les faits dont il se souvenait... Car c'était cela surtout qui l'inquiétait : avait-il oublié quelque chose qu'il aurait commis qui fût un crime ou un délit ? Même ivre, il ne pensait pas en avoir été capable. Et puis, la police, depuis le temps aurait retrouvé sa trace...
Avait-il alors commis des actes qui aient une conséquence sur l'Ordre ? Quelque peu, oui. Il avait délibérément pris des décisions et fait des déclarations publiques, et même si elles étaient faites en son nom propre, il n'en restait pas moins un Chevalier Jedi. A travers lui, l'Ordre s'exprimait.
Il soupira.

- J'ai adopté un enfant, laissa-t-il tomber à mi-voix. Un orphelin balosari non sensible à la Force. Il est toujours à l'orphelinat le temps que... Le temps qu'on lui trouve un foyer, ou bien que je parvienne à m'en occuper d'une manière ou d'une autre. Je l'ai fait parce que... parce que je n'étais pas dans mon état habituel et dans cet état-là, j'ai cru que ce serait une manière de sortir l'enfant de la misère.

Il semblait en réalité qu'il lui ait apporté de nouveaux ennuis, et pas des moindres.

- Et aussi, je me suis marié. Avec une inconnue. Je ne sais pas pourquoi, c'était une pure erreur. Parce qu'il fallait être marié pour avoir le droit d'adopter, peut-être, je ne sais plus.

Il espérait de tout son cœur que c'était la raison pour laquelle il s'était marié cette nuit-là. Sinon pourquoi ? Même sous l'emprise de l'alcool, de la drogue, dans ses cauchemars et ses rêves les plus fous, sous la torture ou l'opium : il adorait Luuna. Rien ne pouvait changer ça. Jamais Alys n'avait pu être une concurrente, même passagère. Elle s'était soit servi de lui, soit ils avaient eu ensemble cette idée farfelue pour sauver ce gosse.

- Je ne cherche pas être excusé, Luke, je suis impardonnable, poursuivit-il, la voix brisée. Mais je ne veux plus que mes fautes fassent du mal aux autres. Si je ne dis rien, j'abandonne ce petit balosari qui n'a rien demandé à personne. Si je préviens le Conseil, Luuna apprendra cette histoire et elle ne me pardonnera jamais une telle trahison. Si le Conseil en outre décide de me radier de l'Ordre... Kolin perd son maître, alors que pas grand monde ici ne lui fait confiance.

Ou peut-être que Kolin était à peu près rentré dans les rangs, et que le gosse serait content qu'on lui attribue un maître plus respectable que lui ? La possibilité lui fit encore plus mal.

- Quoique je fasse, je vais faire souffrir du monde... Et je ne pense pas, pourtant, que ça affecte globalement l'Ordre.

Le Chevalier fit dos aux arches lumineuses pour se laisser choir, assis, sur le parapet en pierre qui protégeait de la chute les occupants du couloir. Il posa son menton entre ses mains avec un sourire et ferma les yeux.

Il n'y avait pas d'issue à ce dilemme. Les Maîtres du Conseil, alors, peut-être, sauraient quelle serait la conduite à tenir. Devait-il accepter, tout simplement, de remettre son sort entre leurs mains ? Au mépris de Luuna, Laïkin et Kolin ?
Luke Kayan
Luke Kayan
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Les yeux de Luke s’écarquillent, habités par une énergie vitale soudaine et surprenante. Il ouvre à demi la bouche quoiqu'aucun son ne sort, consécration de longues années passées à travailler la maîtrise de soi. Ne rien dire, juste assimiler puis réfléchir aux propos de Lyrae coûte au Jedi une bonne partie de sa formation et met à mal son caractère naturellement tranquille. Pour autant, Luke parvient à se taire, à redessiner dans son esprit les éléments pour faire ressortir des interrogations utiles, autrement plus en tout cas que la myriade de stupides questions sentimentalistes. Dans cette affaire, les pensées superficielles du Hapien quant aux agissements de son aîné ne comptent pas. Il ne doit pas juger de prime abord et se concentrer sur les indices. Lyrae bien sûr n'est pas fier de ses actes, donc ce n'est pas lui qui va se trouver une "excuse", et encore moins une explication plausible. Le blond lui doit chercher à rétablir la justice. L'humain a-t-il raison de s'auto-flageller ?

- Pas dans ton état normal ? Que veux-tu dire ?

Juste cette question, précise, qui peut apporter tant de réponses. Cette scène, il préfère l'analyser comme celle d'un crime. C'est plus simple que de croire que son aîné pondéré soit juste un sans-gêne. Luke a beau ne pas vraiment connaître Lyrae, il ne l'imagine pas comme un petit ami coureur de jupons, désintéressé de sa famille si durement acquise.

- Quel âge a le Balosari ? Est-il en âge de comprendre ce qu'implique une adoption ?

Les sens du jeune homme en alerte captent le froissement de la toge de Lyrae. Soit il bouge,
soit il se frotte contre quelque chose. Luke toujours appuyé contre la paroi ferme les yeux,
croise les bras, comme pour se protéger inconsciemment de la malédiction de l'autre chevalier.
Que la Force l'empêche de connaître cette situation un jour. Évidemment, l'affaire n'est pas sans lui rappeler la catastrophe de Coruscant, avec Zora. Luke s'était illustré en demandant une Sith en mariage, sous l'effet de la drogue. Comme quoi, demander en mariage des inconnues devient un fait fréquent chez les Jedis. Inquiétant.

- Je ne pense pas que l'Ordre te radie, enfin cela dépend des circonstances exactes... Et de toutes façons Kolin serait replacé. S'il est déjà Padawan, il est à parier qu'un Maître lui serait presque automatiquement attribué.- Explique Luke, sans ménagement. Oui, Lyrae serait remplacé, à l'instar de lui, s'il outrepasse les règles au point de non retour. L'Ordre a besoin de ses membres pour continuer, mais il doit aussi effectuer de temps en temps des opérations de... Nettoyage.
L'ivraie peut aussi bien détruire une communauté qu'un déficit d'adeptes.- Cela dit, je ne pense pas que les sages Maîtres s'en tiennent aux apparences... Clairement contre toi. Ils prendront la meilleure des décisions. Penses-tu pouvoir de toutes manières, continuer avec ce secret ? Lyrae,
bien que tu ne sois pas sanctionné et que Luuna reste à tes côtés, ignorante de cette... Aventure dirons-nous, tu ne seras plus toi. C'est pourquoi la vraie question devrait être "est-ce que je vais parler au Conseil ou à Luuna en premier ?"


Luke en sait quelque chose, il a eu très peur en parlant de son histoire avec Zora, puis en admettant sa relation avec Jason, surtout qu'être Jedi est son unique but dans la vie, sa raison de vivre. Il n'a pas de famille, pas d'enfants, un père sénateur extrêmement occupé qu'il ne connaît plus après tant d'années sans se voir. C'est la quasi-perte de son titre qui lui permet aujourd'hui d'avancer, de se rappeler de cette affaire comme une épine douloureuse mais non-venimeuse.

- Le Conseil est plus clément qu'on ne le pense... Que je le pensais en prenant cette même décision. Je suis encore ici aujourd'hui après tout. Quoique tu fasses, des gens souffriront comme toi actuellement, c'est vrai, et c'est sans doute pour cela qu'il est temps de faire cesser cet état de stase... Découvrir le dénouement qui pourrait être plus bénéfique tu ne le penses. Quitte à tourner la page, autant choisir la vérité, non ?

Tente d'encourager le blond d'une voix plus douce et plus personnelle. Quand il sort de son rôle de procédurier amoureux des règles, Luke est quelqu'un de compréhensif et d'empathique. Sa relation avec Jason l'a rendu moins étriqué, il sait que n'importe qui peut tomber dans LE piège et préfère en savoir plus avant de juger. En revanche, le jeune homme est fermement convaincu que pour redevenir lui-même, son aîné doit prendre le risque, mais c'est à ce dernier de décider.

- Pour ma part, je ne révélerai rien.

Conclut le Jedi qui lève les yeux vers un plafond tout aussi noir que le reste. Il adopte une technique de détente aussi simple qu'efficace... Bouger. De ce fait, le jeune homme se retourne lentement et s'appuie contre le marbre, il s'autorise à croiser légèrement les jambes, signe inconscient qu'il "s'installe", prêt à laisser du temps à Lyrae. Non, son aîné n'a pas encore réussi à le dégoûter, à le détourner. Cela encouragera-il l'autre Chevalier à se confier ? Si Luke se montre ouvert, il y a des chances que le Conseil aussi. Quant à Luuna, le Hapien n'en a aucune idée, lui n'a pas pardonné à Jason ses manoeuvres illégales. Cela n'a pas grand chose à voir, mais Luke sait que la tolérance diminue forcément quand il y a des sentiments, fraternels ou amoureux.
Lyrae O'Sil
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Lyrae s'assit sur le bord du promontoir d'une statue, abattu par ses propres révélations. Il s'était imaginé que peut-être, révéler ses secrets les rendrait moins lourds, comme cela lui était arrivé enfant lorsqu'il avait une ou deux fois avoué une faute. Mais aujourd'hui, formuler ses erreurs les rendait plus absurdes encore, plus impardonnables. Il soupira. Il ne servait plus à rien désormais de se cacher derrière des prétextes

- Nous étions sous l'emprise d'une drogue. Non que j'ai voulu me droguer, en réalité. Nous sommes passés dans une soirée et quelqu'un a créé une espèce d'explosion et de la fumée emplie de substances contenues dans les bâtons de la mort nous a pris dans un nuage et... A partir de là, je n'ai plus aucun souvenir qui tienne la route.

Rien que d'y repenser, un mal de tête assaillait Lyrae. La migraine l'avait poursuivie des jours durant comme un cruel châtiment infligé par son propre corps. Il espérait seulement que sous l'emprise de ces substances, il n'avait pas eu la bonne idée de rajouter d'autres stupéfiants là-dessus. Comme il ne se souvenait de rien, il n'avait aucun moyen de le vérifier.

- Il a cinq ans,
poursuivit le Chevalier. Il est en âge de comprendre qu'il a failli avoir une famille et qu'à la place il a sur ses pieds d'identité le nom de ses tuteurs, deux adultes irresponsables qui ne sont pas prêts à l'aimer.

Le pire, c'était qu'il avait sûrement cru bien faire, au moment de l'adoption. Il se connaissait assez bien pour savoir qu'il n'avait pas pris cette décision à la légère : il avait certainement fondamentalement cru à une action bénéfique qu'il réalisait pour un orphelin. Il avait beau jouer les braves, il était toujours affecté par la vision d'enfants en difficulté. Cela devait probablement le renvoyer à sa propre enfance, durant laquelle il était plus ou moins destiné à devenir un voyou... Si son fou de grand-père n'avait pas laissé derrière lui un sabre laser à son intention.
Des souvenirs de jeunesse lui revenaient et lui étreignaient le cœur. Son grand-père n'était pas son grand-père, il l'avait toujours su. C'était juste un vieil homme qui s'était incrusté dans une famille étrangère, qui avait voulu adoucir ses vieux jours, et que le devoir avait rattrapé lorsqu'un enfant était né, sensible à la Force. Allait-il devenir lui aussi ce genre d'homme ? Ranger son sabre laser dans un coin, s'inventer une vie et attendre qu'une jeunesse plus prometteuse vînt relever le défi d'honorer ses pouvoirs ?

En entendant les propos de Luke, le cœur du Chevalier se déchirait un peu plus. Kolin replacé ! Ce n'était pas tant l'inquiétude qu'il ressentait alors, mais une tristesse profonde. Il n'avait pas envie qu'on lui enlevât le gamin. Le canaliser, le former, c'était la seule chose qu'il avait à peu près réussi ! En soupirant, il acquiesça en silence, oubliant que son interlocuteur ne pouvait capter ce geste d'assentiment.
Toutefois, les propos du Hapan faisaient sens : Luuna méritait de connaître la vérité, au moins, avant le Conseil. Ils s'étaient privilégiés l'un l'autre avant même l'Ordre. Quand bien même cela était contraire au Code, c'était leur façon de fonctionner ; leur accord tacite. Comprendrait-elle ? Oui, elle comprendrait, même si elle mettrait du temps. L'amour de Lyrae était sincère, elle devait le savoir. Savoir aussi que s'il avait commis tout cela, c'était parce qu'il n'était pas lui-même et que dans son délire, il n'avait que voulu faire le bien. Et même si elle le rejetait, même si Kolin ne voulait plus de lui, même si le Conseil lui retirait son sabre, il resterait toujours à proximité, quitte à s'installer dans la jungle pour veiller sur Laïkin, Luuna et Kolin, à sa manière. Sa vie n'avait jamais eu de sens jusqu'à ce qu'il les rencontrât. Pourquoi alors aurait-elle le moindre sens loin d'eux ?

Lyrae prit une longue inspiration en se relevant. Sa culpabilité était toujours là, toujours aussi douloureuse mais, désormais, il avait arrêter de se débattre. Il était prêt à accepter ses fautes, à expier pour elles, et à poursuivre son chemin malgré un passé qu'il ne pouvait désormais plus changer.

- Tu as raison, souffla-t-il. Je vais voir Luuna avant de tout avouer au Conseil. J'accepterai leurs décisions respectives, et une page sera tournée.

La seule inconnue, finalement, était le nombre de choses qu'il perdrait entre le chapitre qui se fermait et celui qui s'ouvrirait.
Lyrae commença à s'éloigner vers la sortie, tournant le dos à la porte du Conseil.

- Merci Luke, dit-il avant de se mettre à courir loin de ceux qui l'auraient certainement jugé trop tôt.
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