Viqi Donos
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Viqi avait débarquée sur Ondéron tôt dans la matinée avec la première navette de la journée, il s’agissait du vol avec le prix du billet le plus bas. La jeune femme n’était pas du genre à avoir des économies ou un compte en banque lui permettant de faire fructifier son capital. Elle était plutôt du genre à vivre au jour le jour avec les sous qu’elle avait en poche et qu’elle avait durement acquis via ses petits boulots pas très réguliers et dont la légalité était plutôt douteuse. De plus, elle n’était pas économe, cela n’aidait pas pour se créer un petit pécule à partir duquel elle pourrait se payer des vacances ou un endroit où vivre. Non, c’était une bohémienne qui vivait d’amour et d’eau fraîche…ou plutôt d’alcool et de bons plans. Elle arrivait toujours à s’en sortir, alors elle continuait de forcer le destin. Et aujourd’hui, elle allait tentée quelque chose de très particulier et qui était particulièrement osé. Il s’agissait d’une idée qu’elle avait mûrement étudié autour d’un verre avant de se réveiller dans la navette de transport en direction d’Ondéron avec la gueule de bois. Au moins, le fait d’être soûle lui avait permis de trouver le courage, ou l’insouciance, de prendre une décision concernant un sujet qu’elle ruminait depuis un certain temps : son retour au temple jedi.

Il ne fallait pas s’y méprendre, Viqi ne venait pas d’avoir une révélation lui demandant de retourner sur le droit, elle n’avait pas non plus était touchée par la Force. Non, elle agissait purement par intérêt personnel, il s’agissait d’une nécessité. Elle allait au temple jedi, là où elle avait été initiée et formée à la Force, afin d’obtenir des réponses à ses questions. Des questions qui étaient en lien avec la Force, cette connexion qu’elle possédait et qui lui permettait de maîtriser des pouvoirs qui étaient réservés qu’à une minorité. Ce lien s’amenuisait, il semblait tendre à disparaître et cela lui faisait peur, même si elle n’osait pas se l’avouer directement. Il s’agissait de quelque chose qu’elle possédait depuis longtemps, depuis toujours, et cela semblait disparaître. Elle n’aimait pas la Force, elle accablait cette entité mystique pour laquelle on avait créé deux grands ordres et qui était la source de ses tourments personnels, mais aussi ceux de la galaxie. Néanmoins, elle ne pouvait pas accepter la perte de cette faculté. C’était comme perdre un membre, perdre une partie de soi. C’était signé sa fin à elle, car au fond si elle n’avait plus ses dons, à quoi servait-elle ? Qu’est-ce qu’elle pourrait faire ? Comment pourrait-elle survivre ? Oui, c’était de la survie. Malgré son comportement autodestructeur, elle n’avait pas encore décidé d’en finir.

Elle était descendue de la navette et traversait l’astroport, elle n’avait aucune valise, aucun sac. Elle regardait les alentours alors qu’elle se dirigeait vers la sortie de l’astroport. Elle n’avait pas remis les pieds sur la planète depuis son départ de l’Ordre jedi. Elle avait filé en courant jusqu’à la première navette qui quittait la planète sans connaître la destination. Non, pas elle, mais elles. Elles étaient deux, mais elle ne préférait pas se rappeler de ça. Elle voulait oublier cette époque, comme tout le reste de sa vie, même si cela était impossible. Elle se trouvait désormais au centre d’Iziz, la capitale de la planète, et rien ne semblait avoir changé. Il y avait de la vie et de l’animation dans ses rues, cela semblait lui faire plaisir de voir autant d’animation. Ce devait-être une sensation nostalgique qu’elle avait à ses dépens. Elle continuait sa marche dans la ville tout en profitant de la belle journée pour faire quelques détours et revoir certains lieux, à moins que cela n’était qu’un moyen détourné pour retarder l’inévitable. Elle appréhendait le moment où elle allait se retrouver au temple et la manière dont elle allait être accueilli. Avec de la chance, personne n’allait se souvenir d’elle et il n’y aurait aucun problème. Dans le cas inverse, on allait sûrement lui demander de rendre des comptes, ce qui allait compliquer la situation. Elle avait la sensation de se jeter dans la gueule du Sarlacc.

Le moment tant redouté arrivait, elle se trouvait sur le chemin qui menait droit au temple jedi et celui-ci semblait beaucoup plus long que dans ses souvenirs. Plus elle s’approchait du temple et plus l’édifice semblait immense avec son immense tour dans laquelle, à son sommet, résidait le haut conseil. Cette tour donnait l’impression de l’écraser, elle avait la sensation que tous les membres du conseil la toisaient depuis le sommet de cette tour. Ou bien était-ce sa culpabilité qui lui donnait cette impression ? Elle s’était arrêtée soudainement, elle avait fait les trois quarts du chemin et ne semblait pas vouloir continuer. Elle voyait devant elle, encadrant les grandes portes d’entrée, les gardes du temple. Elle hésitait sur sa démarche et se posait la question si elle ne faisait pas une erreur. Elle commença à reculer d’un premier pas, puis d’un deuxième et enfin d’un troisième. Elle entama un demi-tour pour rebrousser chemin. Après quelques pas, elle s’était arrêtée une nouvelle fois. Elle n’avait pas fait tout ce chemin pour se dégonfler si près du but, elle ne pouvait pas repartir d’Ondéron de cette manière. Elle savait pertinemment que si elle partait maintenant, elle ne reviendrait plus jamais. Elle ne savait pas comment les choses allaient se dérouler, mais il était certain qu’elle ne pouvait trouver ses réponses qu’à cet endroit précis et seuls les jedis du temple pouvaient l’aider. S’ils ne le faisaient pas ou s’ils ne le pouvaient pas, alors personne ne le pouvait et il n’y aurait plus rien à faire pour elle. Elle ferma les yeux, respira tranquillement et compta jusqu’à trois. Elle pouvait le faire !

Une nouvelle fois, elle faisait demi-tour, mais cette fois pour faire face au temple jedi. Elle n’allait plus reculer désormais. Il était vrai qu’elle n’avait pas mis toutes les chances de son côté. Sa tenue laissait à désirer. Sa bure était sale, sentait mauvais et avait des trous à différents endroits. Ses bottes noires perdaient de leur éclat et n’étaient pas entretenues depuis des années. Le reste de ses vêtements, plus basiques, sombres, étaient tâchés et dégageaient une odeur qui était un mélange de tabac froid, d’alcool et de friture. Alors qu’elle s’approchait du temple, elle avait décidé de fermer sa bure et de mettre sa capuche, cela permettrait de cacher la misère de sa tenue et ses cheveux rêches tout en gardant le reste de son visage visible. Les manches étaient assez larges et longues pour lui permettre de cacher ses mains dedans, notamment ses doigts avec des ongles noirs. Malgré ces astuces pour se rendre « présentable », elle n’avait rien pour cacher son haleine. Mais pour ça, il lui suffisait de rester à bonne distance de son ou ses interlocuteurs. Elle n’avait vraiment pas préparé son coup. La seule chose « positive » était le fait qu’elle n’avait pas abusé de drogue récemment, elle n’avait donc pas les pupilles dilatées ou les yeux rouges. Il fallait voir cela comme une charge en moins contre elle.

Elle avait fini par atteindre les marches de l’entrée du temple et commençait leur ascension. Les gardes, qui l’avaient repéré de loin, commençaient à s’approcher d’elle pour l’accueillir. Elle s’était arrêtée une fois qu’elle avait atteint le haut des marches et faisait face aux deux gardes. Ces deux derniers la regardaient sans rien dire, ils attendaient tranquillement à ce que cette inconnue se présente à eux pour déterminer la marche à suivre.


- Euh…Bonjour.

La voix de Viqi était tremblante. Elle était hésitante, bien plus qu’elle ne l’aurait crue. Elle se racla sa gorge afin de s’éclaircir la voix avant de reprendre la parole d’une manière plus assurée.

- Bonjour. Je m’appelle Viqi Donos et je souhaite consulter les archives jedi afin de…euh…mener mes recherches…s’il vous plaît…
- Auriez-vous, madame, une autorisation pour cela ? Avez-vous pu communiquer avec le conseil ou avec un membre de l’Ordre pour obtenir l’accès ?
- Euh…Non.
- Connaissez-vous quelqu’un en particulier que nous pourrions contacter au sein de l’Ordre et présent au temple ? Quelqu’un qui pourrait vous venir en aide ?
- Euh…Non.
- Vous n’êtes quand même pas venue comme ça, au hasard, avec l’espoir qu’on vous ouvre les portes aussi facilement ?
- Bah…

Après réflexion, elle se rendait compte du ridicule de sa démarche. Elle était venue sur Ondéron et avait foncé directement au temple sans chercher à prévenir de son arrivée ou chercher un moyen de demander un accès. Elle n’avait même pas franchi les portes qu’elle se faisait déjà refoulée à l’entrée.

- Patientez un instant, je vous prie.

L’un des deux gardes avait lâché un gros soupire, la situation semblait l’exaspérait au plus haut point. Il avait regardé Viqi de la tête au pied et il avait, semblait-il, cédé à la demande la jeune femme. Elle ne savait pas s’il agissait par gentillesse ou par pitié. Néanmoins, il avait pris le temps de contacter une personne via son comlink afin de prévenir un maître jedi de venir à l’entrée afin de régler la situation. La réponse qu’il avait reçue semblait positive et semblait le soulager.

- Un maître jedi va venir nous rejoindre et pourra répondre à votre requête.
- Oh…euh…merci.

Viqi avait du mal avec la politesse. À force de fréquenter la racaille des bas-fonds, on en oubliait rapidement les bonnes manières. En tout cas, elle était contente, une personne allait venir et pouvoir s’occuper d’elle. Elle voulait être positive, elle espérait que sa demande aboutirait dans le bon sens. Il fallait désormais prier pour que ce maître jedi ne soit pas une personne capable de la reconnaître. De toute façon, il ne devait plus rester personne qui se souvenait d’elle. Il restait à patienter…

- Sinon…c’est une bonne situation garde du temple ?
Saï Don
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- La Force peut être utilisée tant pour déplacer sans toucher… expliquait le vieil homme en faisant léviter un bâton devant lui.
- Ooooooh, faisaient la ribambelle de petites têtes concentrées assises en tailleur en face de lui dans le parc.
- … que pour manipuler à distance, ajouta-t-il, et le bâton en lévitation fut brisé dans un craquement.
- Aaaaaah.
- Mais encore, pour faire varier les températures, voire même, déclencher des phénomènes physiques, termina-t-il tandis que le bâton s’enflammait soudain sous leurs yeux ébahis.
- Ooooooh !

Le bâton s’effrita en cendres devant le vieil homme, lui aussi assis en tailleur dans l’herbe. Son visage était illuminé, paisible.

- Alors, donnez-moi un exemple : en quoi est-ce que cela peut donner un avantage pour un Jedi en mission spéciale ?

Trois mains se levèrent aussitôt dans le groupe : une bleue, une poilue, et une verte avec des griffes. Maître Don fit signe au jeune wookie de s’exprimer.

- Ça permet de gagner du temps. Par exemple, Maître Marja, elle tire la chasse à distance, comme ça, elle n’a pas besoin d’aller se laver les mains. Puisqu’elle n’a touché à rien !

Le vieil homme resta de marbre tandis que les enfants se mettaient à rire bruyamment.

- Allons allons, Grouuiiik, ce n’est pas une jolie histoire.
- C’est pas une histoire, maître ! C’est le chevalier Torr qui l’a dit au réfectoire, et…
- Oui bon, il plaisantait, sûrement. Ah tiens, en parlant de réfectoire, c’est l’heure ! Pour demain matin, je veux que chacun de vous réfléchisse à un vrai exemple, tiré de véritables comptes-rendus de missions, que vous pouvez consulter aux archives. Pas venant de ragots, hein ! Allez filez, bande de chenapans !

Moins de dix secondes plus tard, la classe déguerpissait en courant dans tous les sens et en criant. Le vieil homme n’était même pas encore debout quand les gamins s’étaient engouffrés sous le porche.

- … et gardez-moi une place, cria-t-il, mais aucun d’eux ne l’entendit. Ah, ces gamins d’aujourd’hui ! De mon temps…

Ses ruminations se perdirent dans sa barbe. Le vieil homme s’aida de sa canne pour se remettre debout. Légèrement penché en avant, il se mit à marteler le sol de petits pas déterminés.

- Maître Don ?

Quoi, encore ?

- Oui, chevalier Gorzk ? fit-il aimablement au jeune zabrak qui l’abordait.
- On a essayé de joindre le Conseil, mais V17 dit qu’il n’y a personne de permanence à la Chambre…
- Ah, non.
- Et alors, il y a une jeune femme à l’entrée et nous aurions besoin d’une autorisation du Conseil pour qu’elle accède aux archives…
- Ah, demandez donc à Maître Deenia.
- Elle n’a pas répondu.
- Ah bon ? Maître Jeseladai, alors.
- En mission diplomatique.
- Maître Blankuna ?
- Au centre médical. Maître Geivlta est en voyage avec l’explocorps, Maître Sodervall est parti dans la jungle avec un groupe d’initiés, Maître Waray n’est pas au Temple pour une mission confidentielle, Maître Ae…
- Ça va ça va j’ai compris, c’est pour moi. Allons-y.

Sur le chemin qui conduisait à l’entrée du Temple, Maître Don regardait avec une légère déception les padawans et chevaliers s’acheminer vivement en sens inverse, vers la cantine. En haut des marches flanqué des deux piliers qui soutenaient les épaisses portes du Temple, un garde échangeait avec une bure défraîchie – il y avait sûrement quelqu’un dedans, mais il vérifierait plus tard : Maître Don était un sage vieillard qui ne tirait pas de conclusion hâtive.

- … Parce que quand on a le goût de la chose, disait le garde, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ce n'est pas mon cas, comme je le disais là, puisque moi au contraire, j'ai pu ; et je dis merci à la vie, je lui dis merci…
- Oui-oui, merci chevalier Otis, je vais prendre la suite à partir de maintenant.
- Oh, bon, très bien.

Les deux gardes s’en retournèrent à leurs occupations, tandis le vieil homme appuyé sur sa canne se mit à vérifier qu’il y avait bien un visage sous cette capuche : bingo ! Un nez, une bouche, deux yeux, le tout ressemblait à une humaine… Et pas n’importe laquelle : Saï était physionomiste.

- Tiens tiens, il me semble que vous m’êtes familière, fit-il.

Le vieil homme s’approcha un peu plus, rapprocha son visage de la capuche, yeux plissés. Oui, il en était certain, il avait déjà vu ses traits là, c’était sûr ! C’était il y a longtemps, mais, on ne le trompait pas aisément. Il pointa soudain un doigt vers la poitrine de la jeune femme.

- Vous êtes la vendeuse de won-won en face du Sénat, sur Coruscant ! A l’angle de la passerelle du parc, à côté de la pharmacie corellienne !

Viqi Donos
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Viqi ne savait pas que cela était possible de parler autant. Aussitôt qu’elle avait posé sa question, elle le regrettait. Mais au moment où ce jedi avait débuté sa réponse, Viqi commençait à prendre en compte l’ampleur de son erreur. Alors que le garde répondait avec franchise, la jeune femme le regardait avec des yeux vitreux et semblait partir loin dans ses pensées. Le fait de se trouver à l’entrée du temple jedi lui ravivait des souvenirs qui lui paraissaient si lointains. Cela lui rappelait les retours de voyages qu’elle avait effectué avec son maître, lorsqu’ils rentraient de mission ou bien de visite sur une planète lointaine afin de parfaire l’enseignement de Viqi. C’était toujours un sentiment agréable que de parcourir ce chemin qui ramenait…à la maison. Oui, c’était ça ! C’était comme rentrer à la maison, du moins c’était le sentiment qu’elle ressentait quand elle était encore apprentie. Aujourd’hui, cette sensation avait disparu, sa maison n’était plus et elle ne faisait plus partie de cette famille qu’était l’Ordre jedi. Elle avait du mal à se souvenir comment cela était arrivé, comment en était-elle arrivé à ne plus croire à leurs préceptes ? Que s’était-il passé ? Son maître avait toujours été si bon avec elle, elle n’avait rien à lui reprocher. Il y avait bien eu quelques personnes avec qui le courant n’était pas passé, mais pas au point de vouloir s’enfuir de cette manière. Non, la raison était simple et tenait en un seul nom : Alijunson. Cette femme lui avait fait tourner la tête et lui avait permis de voir clairement au-delà des œillères qu’on lui avait imposées. Elle se souvenait désormais de toute la frustration qu’elle avait ressentie quand elle était au temple. Toutes ses règles imposées, tout ce cloisonnement d’esprit. Toutes ces choses qu’elle n’avait jamais acceptées et que cette femme lui avait permis de découvrir et de profiter. Elle avait offert à Viqi les armes pour déchirer le voile qui était tendu face à elle par cet Ordre soi-disant bienveillant.

Elle se souvenait de la dernière fois qu’elle avait emprunté ce chemin, ce dernier instant où elle avait franchi les portes du temple afin de le quitter. Avec du recul, elle avait l’impression que cela était plus une fuite qu’un simple départ. Elle était partie au crépuscule et elle n’avait pris qu’un sac avec elle, un pauvre baluchon avec quelques affaires. Elle avait laissé un simple message d’adieu à l’intention de son maître sans aucune explication. Viqi soudainement conscience du mal qu’elle avait pu faire à son ancien mentor par ses actes. Comment aurait-elle réagi face à un départ sans aucune explication ? Se serait-elle sentie coupable ? Aurait-elle rejeté la faute sur l’autre ? Il n’était pas si surprenant qu’elle soit tombée si bas quand on y réfléchissait. C’était-là tout ce qu’elle méritait après tout. Après tout, Heleor, son maître, avait tout donné pour elle et en retour elle lui avait craché au visage. Elle ne méritait rien de plus…STOP !

Viqi ferma les yeux et pris une grande respiration. Son pouls s’était accéléré et un sentiment avait commencé à l’envahir. Une colère dirigeait vers elle-même. Elle s’était perdue dans ses pensées, elle avait cherché à se souvenir et elle avait fini, comme d’habitude, par se rappeler uniquement du mauvais. Il ne fallait plus penser, elle se devait d’oublier tout ça. Aujourd’hui, elle revenait au temple jedi…non, ce devait être un nouveau départ ! Elle découvrait le temple jedi. Cette pensée semblait l’apaisait, son pouls diminuait pour reprendre une cadence normale, tout comme le rythme de sa respiration. Viqi tentait de revenir à la réalité et entendait de nouveau la voix du garde du temple, ce dernier continuait de parler et il semblait avoir beaucoup de choses à dire. Cela était sans compter sur cette voix venue d’ailleurs qui, mêlant courtoisie et autorité, avait arrêté le flot intarissable de paroles C’était un soulagement pour les oreilles ! Et Viqi ouvrait les yeux afin de voir son nouvel interlocuteur.

Merde ! Pour le coup c’était inattendu ! Le maître jedi qu’ils avaient réussi à dégoter pour régler la situation n’était autre le plus ancien d’entre eux. Viqi le reconnaissait parfaitement, un visage comme celui-ci ne pouvait pas être oublié. Elle qui essayait de faire disparaître les souvenirs de sa jeunesse, voilà qu’elle retombait sur celui avait participé à son intronisation au rang de chevalier. C’était donc cela ce qu’on appelait l’ironie du sort. Quel âge avait-il désormais ? 1200 ans ? Il ne semblait pas avoir changé en tout cas. Et voilà qu’il s’approchait d’elle !


- Tiens tiens, il me semble que vous m’êtes familière.
- Non !

Sa réponse, rapide, forte, sèche, brandit comme une défense était accompagné par un geste de recul. Peut-être que si elle reculait assez, il n’arriverait pas à la discerner correctement. Puis comment pouvait-il faire ? Il y avait tant de jedi ! Des apprentis, des padawans, des chevaliers, des maîtres ! Alors elle, elle ne comptait pas ! Et il continuait de se rapprocher d’elle tout en plissant les yeux. A ce rythme-là, il allait poser son nez directement sur elle. Mais c’était un doigt qu’il avait fini par pointer. Un autre réflexe de Viqi fut de donner une légère tape sur ce doigt tendu, qui semblait accusateur, afin de l’éloigner d’elle.

- Vous êtes la vendeuse de won-won en face du Sénat, sur Coruscant ! À l’angle de la passerelle du parc, à côté de la pharmacie corellienne !
- Hein ? Quoi ?!

Il n’était quand même devenu sénile depuis tout ce temps ? Les autres maîtres du conseil se seraient aperçus de quelque chose ! En même temps, cela aurait pu être un élément d’explication sur la situation galactique et la position de l’Ordre jedi.

- Je…

Que pouvait-elle répondre ? Elle pouvait être honnête, lui dire qu’il se trompait et qu’elle était une ancienne jedi qui s’était perdue depuis bien longtemps et qui cherchait des éléments de réponse, mais on lui aurait interdit le passage. Ou bien, elle entrait dans le jeu du vieillard en se faisant passer pour une vendeuse de limace et ainsi gagner sa sympathie, ainsi elle avait une chance de pénétrer dans le temple, mais il fallait trouver une raison pour s’être déplacé d’aussi loin. Non, cette seconde solution était mauvaise et ne tenait pas la route. Elle devait jouer cartes sur table.

- En effet ! C’est moi ! Je suis bien contente que vous vous souveniez de moi !

En même temps, Viqi était un peu lâche et n’osait pas affronté les problèmes de manière frontale. Si cette image de vendeuse bien sympathique lui faisait plaisir, il n’y avait donc aucun mal à continuer de jouer le jeu. Elle n’essayait pas de lui extorquer des sous. D’ailleurs…non, mauvaise idée ! Il fallait continuer de jouer le jeu de la vendeuse sympathique. Enfin, comment pouvait-elle savoir que cette vendeuse avait été gentille avec lui ? Mince ! Elle y pensait désormais, mais autant leur rencontre s’était mal passée. Dans ce cas-là, tout son plan tombait à l’eau !

- J’espère que vous gardez un bon souvenir de moi ! Et du won-won que je vous ai vendu ! D’ailleurs, j’ai pu vous paraître un peu sèche et directe cette fois-là, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. À moins que ce soit avec un autre client ? Oh, veuillez me pardonner, je vois tellement de personnes toute la journée !

C’était d’un ridicule ! Personne n’allait tomber dans le panneau, même Saï Don n’allait pas être dupe. Sauf s’il devenait réellement sénile et cela représentait une superbe occasion pour Viqi d’obtenir son passe-droit. Oui, cela revenait à sombrer dans la facilité, mais c’était bien ce qu’elle faisait ces dernières années. Vol, arnaque et mensonges. Les coups en traites et les ruses de lâche. Tout ce qui lui permettait d’obtenir ce qu’elle souhaitait sans jamais se fatiguer ou se mettre en danger. C’était une question de survie. Et aujourd’hui, la raison qui l’avait amené jusqu’ici concernant également sa survie.

- Il faut que je vous raconte, j’ai changé d’endroit désormais. Je suis de l’autre côté du sénat, près de la station de monorail. Il y a plus de personnes qui passent, donc plus de clients. Mais promis, je vous garde un won-won de côté !

Plus elle s’enfonçait dans la peau de son personnage, plus elle trouvait que cela était une mauvaise idée. Mais en même temps, elle essayait de se convaincre que cela était possible. Il fallait que cela fonctionne. Après tout, cela faisait plus de dix ans qu’elle avait quitté le temple et elle avait changé physiquement, ses excès étaient visibles même sur son visage. Visage sur lequel se trouvait un grand sourire qui n’était absolument pas naturel.

- Je parle, je parle, mais je ne demande même pas de vos nouvelles. Je suis si surprise de vous voir ! Parlez-moi un peu de vous ! Comment allez-vous ? Car vous m’avez l’air d’avoir une petite mine. Est-ce que vous mangez assez ?

C’était confirmé. Avec cette dernière phrase, Viqi n’avait plus aucun espoir d’y arriver. Elle en faisait trop. Même elle n’y croyait plus du tout. Désormais la seule question qu’elle se posait était de connaître l’horaire de la prochaine navette pour quitter cette planète.
Saï Don
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Le vieil homme replia son doigt sauvagement chassé, mais n’eut pas l’air d’en tenir rigueur à la jeune femme. Ses yeux azur étaient vissés sur l’intérieur de la capuche et son visage s’éclaira subitement lorsqu’enfin la dame voulut bien admettre qu’elle était bien la vendeuse de won-wons de Coruscant. Rien qu’à y penser – et son estomac était justement dans une bonne prédisposition – il en avait l’eau à la bouche. Mais par ailleurs, c’était bien heureux de revoir une vieille amie comme elle. Enfin, une amie de longue date ; le vieux dans l’histoire, c’était lui.

- Ah ! Comment aurais-je pu oublier ! Vous étiez mon repaire préféré à une époque où Coruscant était tout autant un refuge qu’une base ennemie. Oh, c’était il y a si longtemps déjà…

… Le temps où le vieil homme était un ennemi de la République était révolu, mais il ne gardait pas un si mauvais souvenir de son année de vagabond. Et les marchands de bonnes choses pour ses papilles l’avaient grandement aidé dans cette expérience. Il leur en était profondément reconnaissant.

- Entrez, entrez donc ! L’invita-t-il avec enthousiasme pour qu’ils s’engageassent tous les deux dans le hall du Temple.

Ils passèrent lentement entre les hautes statues qui les toisaient de leur air apaisé ou menaçant, selon votre humeur du jour. Pour Maître Don, elles lui paraissaient toujours goguenardes, il n’aurait su dire pourquoi exactement. A la moitié du jour, en tout cas, le hall entier était baigné d’une lumière dorée qui rendait majestueuse la simple balade qui consistait à longer cette étrange haie d’honneur.

- Mais non mais non, vous étiez toujours adorable, enfin… Oh, la station de monorail, vraiment ? Oui, je vois…

Comme c’était agréable de discuter avec une personne simple et généreuse comme cette jeune personne. Cela lui changeait des vieux grincheux du Conseil, des chevaliers qui pensaient être le nouvel Elu et des padawans rebelles quand on leur disait de faire correctement leur méditation !

- Vous êtes surprise de me voir ici ? Oh, vous savez, un maître Jedi, c’est souvent dans un Temple Jedi, quand même. Surtout moi.

La pauvre femme n’avait pas fait l’université d’Alderaan. En même temps, elle vendait des won-wons, le lien entre lui et le Temple Jedi n’était donc peut-être pas si clair pour elle, et Maître Don était bien déterminé à être bienveillant jusqu’au bout.

- Je vais très bien, je vous remercie. Tout est calme ici – oh, les petites affaires de la galaxie, vous savez comment c’est… Il y a dix ans, c’était déjà pareil : on dit à la République de se méfier des Sith, puis ils vous rient au nez, puis finalement ils mettent les planètes à feu et à sang. Ah, je vais vous dire, ma chère amie, il n’y a rien de plus éternel que les querelles des grands de ce monde. Mais ce qui reste important, voyez-vous, ce sont bien les êtres pensants. C’est pour ça que je suis toujours resté dans l’Ordre, même quand la République me pourchassait : parce que la vie n’a pas de sens si vous ne contribuez pas à la survie, sinon au bien-être, de gens simples comme vous et moi. Oh, bien sûr, on peut critiquer l’Ordre pour tout un tas de raisons. Je le sais bien : je le fais moi-même. Mais finalement, nous essayons de faire quelque chose, et c’est cela qui compte. Tout comme vous, en illuminant la journée d’un gourmand comme moi une fois de temps.

Les arches du hall s’ouvraient maintenant sur la verdure du parc. A quelques mètres devant eux, d’autres portes donnaient vers l’intérieur de l’édifice. Ils croisèrent deux padawans adolescents, mais aussi, une vieille togruta en bure qu’ils saluèrent en silence. Maître Don souriait aux rayons de soleil qui caressait son visage.

- Ah ! reprit-il tout en faisant cliqueter sa canne sur le sol de marbre. Je vous bassine déjà à radoter mes histoires de vieux Jedi aigri. Si vous avez le temps, je serai très heureux de radoter encore un peu en vous invitant à déjeuner. Mais parlons plutôt de vous, Anna.

Maître Don interrompit sa marche à l’intersection pour se tourner vers la jeune femme, dont le visage était toujours curieusement dissimulé dans sa capuche. Craignait-elle d’être reconnue ? Par qui ? Cherchait-elle de l’aide ? Il était quand même étrange qu’une vendeuse de won-won fasse tout un périple, si ce n’était pour trouver un refuge. A ce jeu-là, il lui devait une de toute façon de longue date.

- Dites-moi donc, ma chère amie, qu’est-ce qu’une vendeuse de won-wons vient donc chercher dans les archives d’un Temple Jedi ?!

Surtout qu’il n’était même pas sûr qu’elle sache lire autre chose que le basic. Sans présumer bien sûr des capacités et ambitions d’une battante comme elle : s’installer près de la station de monorail, ça n’avait pas dû être une mince affaire.
Viqi Donos
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Contre toute attente, cela semblait fonctionné. Le vieux maître jedi était tombé dans le panneau. Son lien avec la Force était peut-être fort, mais sa vue avait, semblait-il, diminué fortement au point de la confondre avec une autre. Du moins, c’était l’impression qu’il donnait, mais Viqi ne voulait pas se relâcher et devait faire attention. Rien ne démontrait qu’il ne s’agissait pas d’une ruse de filou que Saï Don tentait de mettre en place afin l’amener à faire un faux pas et la confondre par ses mensonges. Rien n’était encore gagné. Elle faisait d’ailleurs aux propos que tenait le vieil homme, car s’il semblait divulguer des informations sur son passé et le lien qu’il entretenait avec cette vendeuse, de faux éléments avaient pu être glissés. Viqi de se restait vague, voir même chercher à détourner la conversation vers d’autres éléments si besoin.

Saï lui avait proposé d’entrer dans le temple et elle l’avait suivi. La traversée du hall du temple jedi la rendait mal à l’aise. Ce n’était pas le mensonge qui la gênait plus que ça, c’était de se retrouver précisément en ce lieu. Les statues semblaient découvrir son jeu et la dénoncer, leur air menaçant paraissait présager une attaque imminente sur sa personne. Elle se devait de rester concentrer sur les gestes et les paroles du maître jedi, elle ne devait pas laisser son esprit divaguer. Il se mettait à parler des aléas de la vie au temple, des mauvaises décisions de la République, le sens de la vie et de la survie, l’intérêt de nos actes. Chaque parole, chaque propos…tout le discours semblait être une accusation déguisée. Cela résonnait en elle et elle avait l’impression qu’elle était directement visée. Ou alors, elle devenait parano et cela était à prendre simplement au premier degré. Elle avait d’ailleurs fait un geste attendri envers Saï au moment où ce dernier lui dévoilait qu’elle illuminait sa journée.


- Vous êtes toujours aussi flatteur !

* Non, ma grande, tu t’emballes ! Fait attention ! *

Ce n’était qu’après coup qu’elle avait fait attention au mot « toujours » de sa phrase, il était de trop. Cela pouvait être vrai, il n’y avait pas de raison pour que ce gentil maître jedi n’ait pas cherché à être aimable avec cette vendeuse à l’époque de leur rencontre. Mais si cela n’était pas le cas, s’il n’avait jamais eu l’occasion de lui faire de compliment, alors il s’agissait de son premier faux pas. Ils arrivaient vers le parc, Viqi pouvait voir toute cette verdure qui était baignée de lumière. Elle avait d’ailleurs marqué un temps d’arrêt, elle avait oublié à quel point cela pouvait être beau. Elle avait pris conscience de son geste et reprenait sa marche auprès du vieil homme.

- Veuillez me pardonner. Cet endroit est…très beau.

Il fallait espérer que cette excuse fût suffisante pour justifier son geste. Après tout, cette vendeuse n’était jamais venue au temple, elle n’était pas censée connaître ces lieux ni savoir à quoi ils ressemblaient. Elle n’avait d’ailleurs eu l’occasion de faire attention lorsque leur route croisa celles de jedi, elle les salua avec hésitation. Elle aurait voulu avoir le temps d’enfouir son visage plus profondément dans sa capuche, mais cela n’avait pas semblé nécessaire. Elle était une illustre inconnue pour tout le monde. Mais tout cela n’était qu’un prélude, elle arrivait à l’instant décisif ou tout pouvait basculer. Maître Don s’était arrêté et cherchait une explication. De plus, il lui avait dévoilé le prénom de cette vendeuse. Il restait à savoir si cet élément était véridique ou non. Viqi avait profité de l’arrêt du vieil homme pour un pas supplémentaire, juste de quoi être devant lui de profil et continuer à lui cacher son visage. Cela lui permettait de gagner un peu de temps.

- Oui, en effet, cela doit vous paraître étrange.

Elle se devait de trouver une excuse crédible. Qu’est-ce qu’une vendeuse à la sauvette pouvait bien venir chercher à l’autre bout de la galaxie dans un temple jedi ? Est-ce qu’il pouvait exister une raison valable à cette situation ? Elle n’en voyait pas. Son regard scrutait les environs et les solutions qui s’offraient à elle.

- Je vous dois la vérité, mon ami…

En première option, elle avait la fuite. Ils étaient vers l’entrée du temple et elle n’avait rien fait de mal, ni récupérait la moindre information. Il n’y avait aucune raison pour qu’on lui donne la chasse. Mais cela bloquait toutes ses chances de revenir un jour.

- J’ai appris que vos archives contiennent des informations capitales…

En deuxième option, elle pouvait foncer dans le tas. Elle pouvait faire dix, vingt, voir trente mètres avec un peu de chance avant d’être stoppée sauvagement par les nombreux jedi qui étaient présents. Elle ne faisait pas le poids. Cette solution n’était pas envisageable non plus.

- Sur les recettes de cuisine quo sont utilisées ici !

Viqi avait terminé sa boutade en se tournant complètement vers Saï avec un grand sourire, sa tête était légèrement penchée sur le côté afin de lui donner un air plus attendrissant. Elle voulait jouer la carte de la sympathie au maximum, être la plus simple possible. C’était ce que le vieux maître appréciait. La simplicité et la tendresse. Alors, il ne lui restait plus que sa troisième et dernière option : tenter le coup de bluff. Son sourire diminuait pour laisser place à un visage triste, cette fois elle regardait sur le sol, honteuse. Elle n’avait pas de mal à apparaître cette honte sur ce visage, c’était ce qu’elle ressentait au fond d’elle.

- La vérité, maître Don, est que je viens pour une affaire personnelle. Je n’ai jamais osée vous en parler, vous aviez tant à faire. Mais mon fils, mon fils unique, a été pris dès son plus jeune âge pour être formé au temple. Je n’ai jamais eu de nouvelle de lui.

Elle releva la tête et saisit la main du vieil homme, elle le regarda droit dans les yeux d’un air suppliant. Elle désirait se montrer à bout de force, impuissante, face à la dureté de la vie.

- Je ne demande pas à ce qu’on me guide, ni qu’on m’accompagne dans cette recherche. Je veux juste voir son nom et ce qu’il lui est arrivé. Je ne suis pas comme vous, je n’ai pas de pouvoir, mais je sais qu’un malheur est arrivé. Je…je le sens, c’est ma sensation de mère ! Je veux qu’on me le dise.

Si cela s’était passé dans d’autres conditions, Viqi aurait pu être fière d’elle. Elle avait trouvé une excuse valable, elle avait même le nom de ce soi-disant fils disparu et elle était presque certaine que cela pouvait passer. Elle se fit la remarque qu’elle aurait pu être une bonne actrice, elle était passée à côté d’une superbe carrière. Mais dans les conditions présentes, elle avait honte. Seule l’idée de pouvoir accéder aux archives et de trouver une réponse pour sa survie lui permettait d’avancer et de continuer.

- Si vous ne pouvez pas, je le comprends. Sachez néanmoins que j’accepte avec grand plaisir votre invitation à déjeuner avec vous. Je serai même honorée si vous permettiez de préparer le plat. Ce ne sera pas du won-won, mais je vous rassure que ce sera tout aussi bon.

Et le tour était joué. Elle avait tout mis dans son jeu. Un brin d’humour pour permettre l’introduction, de l’émotion et un peu de honte pour jouer sur la bienveillance d’un vieux maître jedi, le tout sur une touche finale de femme fière et forte. Cela ne pouvait que fonctionner !

Saï Don
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- Oui, magnifique, n’est-ce pas ? Avec l’habitude, nous Jedi oublions à quel point cet endroit est un havre de paix dont nous devrions être reconnaissants.

Le vieillard tendit l’oreille et se tourna à son tour vers la verdure accompagnant le geste à la parole. Des oiseaux chantaient, quelques cris d’enfants joyeux se faisaient entendre au loin, et l’on entendait en bruit de fond un ruisseau qui se précipitait entre les cailloux recouverts de mousse. Une brise fraîche agita les feuillages, puis s’engouffra dans le hall en secouant légèrement les pans de leurs bures.
Maître Don se désintéressa de la vue pour reporter de nouveau son attention sur sa vieille amie. Il eut une mine surprise avant de se mettre à rire.

- Ah, vous m’avez bien eu ! J’ai cru un instant que vous étiez sérieuse. Il y a bien des livres de cuisine dans nos archives mais… Je crains que nous ne soyons guère un haut lieu de la gastronomie. Quoiqu’en y réfléchissant, il y a cette spécialité d’Iziz, le steak de tee-muss braisé, que notre chef fait de façon exquise. Je ne crois pas que ce soit au menu aujourd’hui malheureusement. Sinon, j’aurais demandé à ce que l’on vous fasse goûter.

Mais la révélation transforma le visage jovial du vieil homme en un masque de gravité. Il se laissa prendre la main avec une légère surprise. Cela ne lui arrivait pas souvent qu’on lui prenne la main ainsi. Ses sourcils broussailleux se soulevèrent exprimant la peine qu’il ressentait.

- Ma chère amie, commença-t-il avec une petite hésitation, comme s’il cherchait ses mots. Quelle surprise, vous auriez dû m’en parler.

Il eut un bref soupir, et serra la main de la jeune femme en réponse à sa sollicitation, comme pour la rassurer.

- Nous répondrons sans peine à votre requête. Cependant, je suis un vieil homme qui passe sa vie à encadrer ces sauvages, je veux dire, ces adorables petites créatures que sont nos padawans. Aussi n’avez-vous pas besoin d’aller consulter nos archives, il suffit de me donner son nom et son prénom, et il y a de bonnes chances que je puisse vous dire immédiatement ce qu’il est devenu.

Maître Don la regardait cette fois plus intensément. Quel âge aurait pu avoir le fils de cette personne ? 5, 10… 15 ans ? Il y avait une probabilité réelle qu’un garçon de cet âge fût mort dans l’attaque du Temple, mais il l’estimait faible. Après l’évènement, toutefois, il avait reçu beaucoup de demandes de parents qui souhaitaient des nouvelles de leur enfant. Le cœur du vieillard était encore empli de la peine de cette période difficile, où il avait dû annoncer le décès de ces jeunes innocents aux personnes qui avaient tant compté sur l’Ordre en leur confiant les prunelles de leurs yeux. C’était un fardeau qu’il porterait jusqu’à sa mort. Et au-delà, certainement.
Toutefois, les probabilités étaient plutôt de leur côté : il y avait beaucoup plus de chances qu’un tel jeune garçon fut quelque part dans un corps Jedi, ou même encore au Temple d’Ondéron.
Comme la jeune femme ne répondait pas tout de suite, Maître Don lui serra de nouveau la main. Ses yeux s’étaient agrandis comme s’il avait eu soudain une idée cruciale.

- Venez avec moi ! dit-il avec urgence.

Et sans attendre, il se mit à marcher rudement rapidement – pour un vieillard qui avait habituellement besoin d’une canne, en tout cas – emmenant son invitée par la main. Ils déambulèrent dans un couloir sombre et frais, où ils ne croisèrent personne. Cette aile semblait beaucoup moins fréquentée que le hall d’entrée : de la poussière s’était déposée sur les rebords des fenêtres. Deux fois, ils durent descendre une volée de marches – et Maître Don paraissait toujours autant empressé. Le couloir s’étrécit, jusqu’à ne plus pouvoir laisser qu’une personne circuler à la fois. Des toiles d’araignées pendaient maintenant à quelques centimètres au-dessus de leur tête.
Enfin, le couloir s’ouvrit sur une zone reculée du parc : c’était une pièce composée de seulement trois murs de pierre brute, à demie recouverts de lierre, sans toit, et s’ouvrant sur un beau paysage de nature. Des broussailles s’élevaient jusqu’à leurs genoux, mais un petit chemin de terre, qu’on devinait peu emprunté, permettait de longer les murs.

Le vieil homme n’avait toujours pas lâché la main de son amie. Il la conduisit près du premier mur, puis tendit sa main libre sur celui-ci. Sa peau parcheminée caressa les motifs sur le mur : c’étaient des lettres.
Plus précisément, des noms. Le vieil homme resta silencieux quelques minutes. Ses yeux s’attardaient sur chacun d’entre eux, selon un rituel maintes fois réalisé dont lui seul avait le secret.

- Voilà, fit-il comme cela suffisait à tout expliquer. Ce sont les noms de chaque initié, padawan, chevalier ou maître… qui a rejoint la Force lors de l’attaque du Temple.

Il lui fallut encore quelques secondes pour s’intéresser à la colonne de noms suivantes. Puis il consentit à cesser ce manège, et se retourna en faisant un geste circulaire de son bras libre, pour désigner les deux autres murs. Eux aussi, du sol jusqu’à leur sommet, étaient recouverts de noms gravés dans la pierre.

- Ils sont tous là, ajouta-t-il. Si votre fils y a perdu la vie… Son nom sera ici.

Le vieil homme lâcha enfin la main de la jeune femme, afin qu’elle pût par elle-même consulter chacun des noms. Lui-même s'en retourna à l'endroit où il s'était arrêté sur la première liste. Il passait doucement ses doigts tremblants sur chaque lettre.

- Je viens souvent ici, confessa-t-il de dos, d’une voix fatiguée, comme si cela avait une importance.

Il avait l’air usé.
Viqi Donos
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La chance semblait lui sourire ! À peine lui avait-elle fait son numéro de mère en détresse que Saï Don lui serra la main répondant favorablement à sa requête. Elle avait réussi à duper le grand maître jedi ! Celui qui était à la tête de l’Ordre jedi, le plus ancien et le plus sage, il avait été trompé le plus simplement du monde et cela avec une totale improvisation. Ne s’agissait-il pas d’une preuve formelle de la décadence et du déclin de cette secte religieuse millénaire ? Les jedi n’étaient-ils pas arrivés à bout de souffle ? Ou alors, il s’agissait d’un stratagème pour la piéger ? Non, ce ne pouvait pas être cette dernière option, le vieillard y mettait beaucoup de cœur et son soupir était une preuve qui ne trahissait pas. Par contre, si son plan inventé sur le tas fonctionnait parfaitement, elle semblait néanmoins en perdre le contrôle. Il était prêt à l’aider, mais il n’y avait pas besoin de consulter les archives jedi, il pensait détenir la réponse. Cela la dérangeait et pouvait déclencher une fin prématurée de sa tentative d’entrer dans le temple. Elle devait reprendre le contrôle de la situation.

Viqi n’avait pas eu l’occasion de tenter quoi que ce soit, sans crier gare le vieux maître jedi l’entraînait avec lui. Il avait eu ce regard, ses yeux s’étaient agrandis, son visage changeait d’expression comme s’il détenait la réponse à un grand mystère. Il lui avait prit la main et ne la lâchait plus. Il avait une grande vigueur pour son âge, cela surprit la jeune femme qui ne s’était pas attendu à cela. Sa poigne était ferme, loin de lui faire mal, mais elle n’était pas certaine s’en défaire facilement si elle le souhaitait. Ses pas étaient rapides et déterminés, alors qu’il l’avait accueilli avec une canne quelques minutes plus tôt. Cet homme avait de nombreuses ressources cachées. Où arrivait-il à les puiser ?


- Mais où allons-nous, maître Don ?

Pas de réponses. Le ton de Viqi était désormais hésitant. Saï continua d’entrainer la jeune femme dans les couloirs du temple, ils se retrouvèrent dans un couloir qui semblait désert et peu entretenu. Elle n’arrivait pas à se situer dans le temple, elle ne se rappelait pas être déjà venue dans cette aile du temple. Cela l’inquiétait ! Elle était certaine que le vieil homme n’était pas un violent, mais voilà qu’il l’amenait à l’écart de tous et elle était dans l’impossibilité de se défendre face à lui. Si le vieil homme arrivait à puiser assez d’énergie pour la trainait à bout de bras, il n’allait avoir aucun mal à la maîtriser en cas de duel. Quand la situation se compliquait, Viqi envisageait toujours une conclusion avec un affrontement, la violence semblait être devenu la réponse à toutes les situations dans lesquelles elle se trouvait.

- Maître Don, faites attention je vous prie !

Le vieillard ne l’entendait plus, il était concentré sur son idée et voulait aller jusqu’au bout. Viqi tenta de se rassurer. Le vieux jedi était peut-être gâteux, ce qui expliquait comment elle s’était retrouvée dans cette situation. Elle se demandait une nouvelle fois si les membres du conseil étaient au courant de son état de santé ? Peut-être le gardait-il uniquement comme symbole et rassurer tout le monde ? Cela aurait été un comportement plutôt tordu, mais elle avait déjà eu l’occasion de voir ce à quoi les gens étaient prêts quand il s’agissait de maintenir leur pouvoir. Il en était peut-être de même pour l’Ordre jedi. Alors que Viqi se perdait dans ses pensées, le couloir devenait de plus en plus étroit au point de se retrouver derrière Saï Don et d’être tracté par lui. Elle tentait vainement d’éviter les toiles d’araignées en bougeant sa tête dans tous les sens, sa capuche finit par tomber dévoilant ainsi son visage entièrement. Avec toute cette agitation, elle ne l’avait pas remarqué.

Ils arrivèrent enfin à destination. L’endroit était calme, reculé et beau. Il y avait quelque chose de serein ici, elle le ressentait. Mais il y avait aussi de l’émotion, une sensation de lourdeur, de pesante, de tristesse. Elle le percevait également. Elle n’était jamais venue ici, elle ne connaissait pas cet endroit. Personne d’autre que Saï Don ne semblait le connaître, il avait l’air d’être abandonné. C’était avec le visage ébahi que son regard faisait le tour de l’endroit, ses pupilles mirent quelques secondes à se réadapter à la lumière après la traversée des couloirs sombres. En s’approchant du premier mur, sa surprise fut encore plus grande en constatant que des noms étaient gravés, mais elle avait eu une réponse rapide de la part du vieux maître jedi alors qu’elle n’avait encore rien demandé. Celui-ci consentit à relâcher, enfin, la main de la jeune femme après son explication. Elle était encore sous le choc de la découverte. Elle ne tarda pas à faire le tour en essayant de lire les noms.

Les murs étaient hauts et ils avaient été édifiés que pour pouvoir recevoir le nom des personnes ayant perdu la vie dans une attaque qui avait eu lieu au temple jedi. Combien y avait-il de noms ? Bien trop. Des maîtres et des chevaliers, mais également des apprentis et des padawans. Des enfants qui se sentaient en sécurité en ces lieux, des mômes qui se sentaient chez eux en présence de leur famille. Tous avaient été tués, massacrés. Pour quel motif ? Plus de pouvoir, plus de ressources ou juste pour une question d’appréciation religieuse sur ce qui était bien ou mal ? Sans comprendre pourquoi, elle avait de la colère. De la colère envers l’Ordre qui n’avait pas su protéger les siens, notamment ses plus jeunes. Des enfants qu’on avait arrachés à leur famille afin de les enrôler de force afin de les transformer en chair à canon. Alors que sa main caressait les murs, elle ressentait encore plus de colère car ce lieu était oublié. Était-il donc si facile d’oublier le passé ? Alors pourquoi n’y arrivait-elle pas ?


- Êtes-vous donc le seul à venir, maître Don ?

Même s’il s’agissait d’une simple question, le ton était dur. Beaucoup plus que ce Viqi aurait voulu qu’il soit. Mais cela lui faisait mal de voir l’état des lieux, cela était tout simplement inconcevable.

- Il s’agit d’un lieu de recueil, d’hommage. Ce lieu ne devrait-il avoir plus d’importance ? Chacun devrait lire ces noms au moins une fois.

Était-elle en train de faire la morale au vieux maître ? Elle ne s’en rendait pas compte. Elle avait oublié son rôle de la petite vendeuse de won-won. Elle continuait de faire le tour des lieux avant de s’arrêter, un nom l’avait interpellé. Hiris Whelk. Pourquoi ce nom lui disait quelque chose ? Elle s’en souvenait désormais ! Il s’agissait d’une jeune sullustaine qui était arrivée au temple jedi peu de temps avant l’attaque. Au moment de l’attaque, Viqi devait avoir quinze ou seize ans, elle n’était pas présente au temple. Elle était sur Aldéraan avec son maître. Mais elle avait croisé la jeune Hiris un peu avant d’embarquer pour son voyage. La sullustaine avait eu peur à son arrivée, c’était un nouveau monde pour elle, un nouveau mode de vie. Et la jeune femme avait tenté de la rassurer comme elle avait pu. Y était-elle arrivée ? Elle n’arrivait plus à se souvenir, mais il y…Assez ! Cela ne servait à rien de se rappeler tout cela, cela la faisait souffrir.

Alors que ses doigts caressaient le nom gravé de Hiris Whelk, décollant la poussière qui s’y était incrusté, elle colla sa tête sur le mur. Elle n’était qu’une hypocrite. Qui était-elle pour juger ? Après tout, elle n’était jamais venue ici alors qu’elle avait vécu dans ce temple. Elle faisait toujours parti de l’Ordre lorsque ces murs avaient été érigés. Quelle excuse avait-elle ? Aucune. Comment pouvait-elle se permettre de donner le moindre conseil ou d’émettre la moindre remarque ? Hypocrite était un euphémisme dans son cas. Elle était prête à faire la morale sur le devoir de mémoire alors qu’elle-même cherchait à enterrer son passé pour de bon. Il était facile de critiquer et cracher à la face d’autrui quand on ne menait aucun combat, quand on n’avait rien à défendre.

Puis soudain, ce fut la révélation…et un petit sourire se dessina sur le visage de Viqi. Elle n’avait rien vu venir. Cela avait été réalisé de manière magistrale.


- Veuillez me pardonner, je me suis emportée.Je ne suis pas la mieux placée pour vous faire la leçon. Je devrais plutôt en prendre.

Elle s’éloigna du mur et se retourna. Le vieux maître jedi était de l’autre côté de la pièce et faisait toujours face à son mur. Elle se dirigea vers lui avec un pas lent tout en prenant le soin de faire le tour des hautes herbes et d’emprunter le chemin de terre.

- Vous m’avez bien eue, je ne m’attendais pas à cela. Je dois avouer, veuillez m’en excuser, avoir affaire à une personne n’ayant plus toute sa tête, mais j’ai été bien naïve. Voir un poil présomptueuse.

Viqi se retrouva proche de Saï Don et le regardait directement lui. Sa bure, sale et odorante, était désormais ouverte. On distinguait désormais la tenue basique et fortement usée qui se cachait en dessous, mais également le sabre laser de Viqi qui était accroché à sa ceinture. Elle n’avait désormais plus rien à cacher. Elle pensait mener le jeu depuis le début, mais en vérité c’était le vieux maître jedi qui dirigeait la danse.

- C’est étrange venant de ma part, mais cela me rassure que quelqu’un ne les oublie pas…

…Surtout les plus jeunes. Mais Viqi ne termina sa phrase que dans sa tête, juste pour elle. C’était rassurant, au fond d’elle une nouvelle pensée venait de germer. Qu’importait la personne que l’on soit ou ce qu’on le faisait, il y avait toujours une personne pour penser à vous et qui continuait de faire vivre votre souvenir. Cette idée avait quelque chose de rassurant.

La jeune femme, à son tour, fit face aux côtés de Saï Don et contemplait la liste de noms. Elle approcha sa main de celle du maître jedi, elle hésita un instant ne sachant pas si son geste était correct, puis elle décida de se lancer. Elle attrapa la main du vieil homme et la serra. Elle n’arrivait pas à savoir si cela était plus pour le soutenir lui ou plutôt pour se rassurer elle-même. Peut-être un mélange des deux.


- Vous auriez pu faire installer un banc, cela aurait été plus agréable.

Saï Don ne l’avait pas amené ici par hasard. Viqi y voyait une manière implicite, subtile, de mettre un terme au jeu dans lequel ils s’étaient lancés initialement tout en lui montrant qu’il ne l’avait pas oublié.
Saï Don
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La main du vieillard effleura les noms en retombant le long de son corps. La voix de la jeune femme qui vibrait de colère se répercuta sur les murs. Elle s’y écrasait comme mille fois le vieil homme en avait été témoin : mille fois ces murs avaient reçu des invectives, des cris de chagrin ou de colère, et ils étaient toujours restés stoïques, silencieux, sans la moindre réponse sous l’écume de l’émotion des vivants.
Saï Don continuait à contempler les noms, attendant patiemment que la vague s’estompât. Il restait comme les murs : impassible, paisible.

Au bout d’un certain temps, la jeune femme retira sa capuche et se révéla, physiquement comme dans les mots. Cette fois, le visage baigné de lumière était différent. Le vieux Maître inclina la tête sur le côté pour la regarder. Il baissa les yeux sur le sabre laser.

- Je me disais bien que vous n’aviez pas tant l’air de vous y connaître en cuisine de Kashyyyk, remarqua-t-il avec une pointe de déception.

Toutefois, il n’eut pas l’air de vouloir particulièrement changer le ton qui avait été le sien jusqu’ici. Il se tourna de nouveau vers les noms, ses iris couleur azur reflétait la lumière du soleil. Le jour était trop lumineux pour la tristesse de cet endroit. La lumière qui s’écoulait pourtant enjolivait chacune des lettres.

- Comment pourrais-je les oublier ? interrogea le vieillard comme s’il parlait autant à ces âmes perdues qu’à la visiteuse. C’étaient des enfants dont j’ai guidé les gestes, dont j’ai récompensé les efforts, à qui j’ai promis une vie d’aventure et de paix chèrement gagnée.

Tout cela pour quoi ? Les voir assassinés parce qu’ils n’étaient pas suffisamment bien protégés, ici, au Temple. Un Temple sous sa responsabilité.

- Les Sith n’auraient pas pu faire plus de mal à l’Ordre, l’auraient-ils voulu.

Il aurait préféré être mort à leur place. Mais cela, en tant que Maître du Conseil, il ne pouvait bien sûr le confier à personne. A la tête d’un navire, nul n’est autorisé à dévoiler ses faiblesses. Il était toutefois doux de repasser sur ses eaux troubles avec une compagnie amicale.
Le vieillard détacha de nouveau son regard des gravures et regarda Viqi comme s’il la découvrait réellement pour la première fois. Son visage s’éclaira.

- En voilà une bonne idée ! Je vais faire ça. Et ne vous en faites pas trop : cela fait longtemps que tout le monde pense que je n’ai plus toute ma tête.

Il sourit comme si ses vieux souvenirs ne le hantaient plus depuis longtemps. Des oiseaux se mirent à chanter à proximité, comme si la nature faisait écho à l’éveil de sa conscience.

- J’y amène du monde, régulièrement. Mais chaque être est différent et suit son propre chemin. Certains préfèrent oublier cet aspect de notre histoire, je peux les comprendre. D’autres n’ont pas besoin de venir ici pour s’en souvenir. L’important est qu’ils habitent notre mémoire collective. Je suis heureux que vous soyez là, afin qu’ils habitent la vôtre aussi, chevalier Donos.

Son nom lui était réapparu comme dans un éclair de mémoire. Une cérémonie d’adoubement était toujours un moment d’émotion, et Maître Don participait à la majorité d’entre elles en tant que Maître du Conseil depuis plus de quinze ans. Sa main parcheminée se posa doucement sur le bras de la jeune femme. Son visage était grave, mais paisible.

- Ces enfants ont leur place aux côtés de Maître Sylius. Puissions-nous tous deux faire vivre leur souvenir le plus longtemps possible.

Maître Don laissa là Viqi pour faire le tour du lieu, et ainsi donner un peu d’attention aux autres murs et leurs listes de noms, tandis que la jeune femme, peut-être, avait une pensée pour celui qu’ils avaient tous deux connu. Saï ne dit rien : honorer la mémoire de Maître Sylius, il l’avait fait deux ans auparavant. Si quelqu’un avait besoin de parler pour faire son deuil, ce n’était pas lui. Il s’occupa plutôt de repousser du lierre pour que celui-ci ne vint cacher aucune lettre de ses ramilles invasives. Un petit travail qu’il devait faire souvent, car la végétation d’Ondéron était du genre entreprenante.

Au bout d’un moment, il se retourna.

- Oh ! fit-il comme s’il venait de se souvenir de quelque chose. Au fait, ma proposition de déjeuner tient toujours.

Il reprit sa canne et, soudain fort décidé à suivre l’appel de son estomac exigeant, se mit à rebrousser chemin vers l’intérieur du Temple de ses petits pas déterminés.

Viqi avait peut-être besoin d’être seule un moment ? Ou peut-être ne souhaitait-elle plus partager ce repas. Dans tous les cas, Maître Don ne s’inquiétait guère : elle pourrait le rattraper si elle le désirait. Ce n’était pas comme si elle avait pu oublier où se trouvait le réfectoire…
Viqi Donos
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Le vieux maître était resté le même malgré les attaques verbales de Viqi ou bien quand elle se révéla à lui, il semblait rester imperméable à ce qui se passait autour de lui. Pas qu’il était dénué de tous sentiments, loin de là, il avait juste appris à les maîtriser. Après tout c’était bien l’une des choses qu’elle avait toujours reproché à l’enseignement des Jedi, ce besoin de se maîtriser et de ne pas montrer ses émotions. Saï Don lui parla de ces enfants qu’il avait guidé personnellement et du mal que les Sith avaient causé à l’Ordre, mais là encore le vieux maître gardait son ton qui était le sien. Viqi voulait soudainement secouer ce vieillard qui se tenait à côté d’elle, elle voulait entendre des mots et des sons qui reflétaient ce qu’il ressentait intérieurement. On pouvait sentir une pointe de mélancolie, mais surtout de retenue. Pourquoi ? Était-ce si mal que d’avouer ses sentiments ? Mais elle connaissait la réponse : qu’est-ce que cela aurait pu apporter ? Rien si ce n’était qu’une perte de temps. Mais cela faisait du bien, parfois, de lâcher tout ce qu’on avait sur le cœur.

Soudain, un sourire se dessinait sur le visage du vieux Maître Jedi, un nouvel élan de vie et de jovialité. Mais surtout de sérénité. Tout comme le rire pouvait être contagieux, la sérénité l’était tout autant. Viqi sentait au fond d’elle une chaleur qui l’envahissait. Était-ce un tour du vieil homme ? Ou simplement le plaisir de discuter avec lui ? Ou encore ce rayon de soleil qui lui tapait sur le coin du visage ? Au fond, cela n’avait pas d’importance, elle avait envie de se laisser aller, de s’ouvrir entièrement et de ressentir ce bien-être. Cela semblait être une sensation nouvelle. Non, c’était la redécouverte d’une sensation connue, une expérience qu’elle n’avait plus vécue depuis bien longtemps. Saï Don lui parlait de ce lieu, de l’acceptation des uns et du refus des autres, ceux qui avaient envie de venir et ceux qui se souvenaient même sans avoir besoin d’un lieu de commémoration. Cela ne pouvait que faire écho dans l’esprit de Viqi.

Les mots du Maître Jedi étaient simples, mais efficace. Elle semblait toucher cette sensation de paix, sans alcool et sans drogues. Juste des mots et une bonne compagnie, de la douceur et de la bienveillance. Puis il y avait eu l’intention de trop, le « Chevalier Donos ». À ce moment-là, Viqi tiqua et son sentiment de béatitude sembla s’évaporer pour laisser place à un autre sentiment. Face aux propos tenus, Viqi figea son regard dans le vide. Saï Don enchaîna en citant le nom de son défunt maître. Elle ne savait pas s’il s’agissait d’une action volontaire de sa part, mais elle avait la sensation d’être attaquée. Il avait trouvé une faille et l’avait exploité.

Maître Sylius…son nom…cela faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas entendu dans la bouche d’un autre. Oui, il méritait qu’on se souvienne de lui, il méritait d’avoir son nom sur un mur commémoratif pour le bien qu’il avait fait. Mais aujourd’hui il n’y avait plus personne pour se souvenir de lui, il n’y avait plus personne pour rendre hommage à sa mémoire et transmettre son savoir. Il s’agissait de son rôle à elle, elle était « sa meilleure disciple » selon les paroles de son maître disparu. Elle avait échoué, elle n’était même plus une Jedi. Adieu le titre de Chevalier, adieu le sentiment d’appartenance à une famille. Elle n’était qu’une moins que rien.


- Pardon, maître…

Ses paroles n’étaient que murmures. Une larme coula sur sa joue, elle n’avait pas pu se retenir. Au fond d’elle, c’était un torrent qui ne demandait qu’à sortir. Elle déposa sa main délicatement sur le mur, comme si au travers de ce mur elle pouvait toucher son maître lui-même.

- Oh ! Au fait, ma proposition de déjeuner tient toujours.

Les paroles du vieux Maître Jedi sortirent Viqi de sa torpeur. Elle n’avait pas fait attention au fait que Saï Don s’était éloigné d’elle. Elle décolla sa main du mur et s’essuya la joue avant de faire face à son interlocuteur. Son visage affichait un sourire, léger, timide, mais présent et sincère.

- À la bonne heure ! Je commence à avoir faim également.

Sans plus attendre, elle se hâta de rattraper le vieil homme, chose peu complexe dans le cas présent.

- Par contre, je vous préviens, ma proposition de préparer le repas ne tient plus. Et je dis cela pour notre bien à tous les deux.

Le ton était léger, enfantin. Elle avait oublié ce que c’était que de se comporter ainsi. Se prendre pour une enfant. Ils firent le chemin inverse qu’à l’aller avant d’emprunter de nouveaux couloirs pour les mener au réfectoire, le tout en silence. Alors qu’elle déambulait aux côtés de Saï Don, elle avait cette sensation de redevenir cet enfant, apprentie, aux côtés des grands maîtres.

- Maître Don, j’ai une question, s’il vous plaît. Je ne sais pas comment la formuler correctement. Comment faites-vous ?

Viqi cherchait ses mots, elle n’arrivait pas à les trouver. Elle ne savait pas réellement ce qu’elle cherchait, cela relevait plus de la sensation, du ressenti.

- Vous vous souvenez de ces enfants, vous vous souvenez des membres de l’Ordre, actuels et anciens. Qu’ils aient chuté ou disparu, qu’ils soient en vie ou non. Vous vous rappelez d’eux, mais aussi des évènements.

Son regard était dirigé vers le sol comme si elle pouvait trouver ses mots dessus. Elle avait le regard hagard, de loin cela donnait l’impression que le vieux maître accompagnait une jeune femme quelque peu limité.

- Ne vous arrive-t-il jamais d’oublier ? De vouloir oublier ? Enfin, je veux dire qu’il y a des choses que vous regrettez ou qui vous font mal. Ne désirez-vous pas faire en sorte que cela disparaisse ?

Elle releva enfin les yeux vers Saï Don. Elle n’avait pas la sensation que ses propos étaient clairs et compréhensibles. Tout cela était confus, même pour elle.

- Veuillez me pardonner…oubliez cela, ma question est stupide.

De toute façon, elle n’était pas venue pour cela, mais pour pouvoir accéder aux archives du Temple. Leur petit jeu fini et l’émotion du lieu commémoratif passé, elle reprenait ses esprits et se rappelait enfin l’objet de sa visite. Il n’y avait plus d’astuces, d’entourloupe ou de manigance subtiles. Elle devait aller droit au but. Mais cela était avant sa nouvelle épreuve.

Ils arrivèrent devant la porte menant au réfectoire, un sas tout en largeur avec ses grandes portes grises. Lorsqu’ils furent assez proche, le sas s’ouvrit de manière automatique laissant place à l’endroit où venait se restaurer tous les membres présents au sein du Temple. Devant elle, se dressaient d’innombrables tables avec une foule énorme de Jedi. La vérité était quelque peu différente, il y avait du monde, mais ils n’étaient pas non plus à l’hippodrome de Malastare pour assister à une course de Pods. Face à ce qui lui semblait être un flot gargantuesque d’individus sensible à la Force, elle se retrouva avec une drôle d’impression, celui de ne pas être à sa place. Il y avait la sensation de piège. Son cœur se mit à battre de plus en plus vite. Un jeune apprenti la bouscula involontairement en cherchant à rentrer rapidement au réfectoire pour ne pas perdre sa place, Viqi n’avait même pas fait attention à ce détail ni si le jeune enfant s’était excusé ou non. Sa poitrine se comprima. Elle continuait de marcher, mais son pas était ralenti, Saï Don venait de la dépasser. Elle respira par la bouche, elle avait besoin d’air. Un air qui ne semblait pas arriver jusqu’à ses poumons. Elle commença à avoir le tournis. Que se passait-il ?

Merde ! Elle faisait une crise d’angoisse. Et ça, en plein milieu du réfectoire.
Saï Don
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Le vieil homme eut un bref éclat de rire tandis que tous deux remontaient le long du petit couloir peu usité, Maître Don agissant toujours comme s’il s’agissait de sa vieille amie Anna, qui devait toujours vendre ses won-wons, en face du Sénat ou bien plus loin, près de la station de monorail – il n’était plus très sûr. Il marchait d’un pas enthousiaste, sa canne cliquetant sur le marbre retrouvé de l’intérieur du Temple.
Ils émergeaient de nouveau dans le hall lorsque la jeune femme brisa leur silence emprunt de bonhomie. Le vieillard s’arrêta pour se retourner et faire face à Viqi, ses sourcils broussailleux légèrement froncés indiquant qu’il ne comprenait pas très bien la question. Il la regarda baisser les yeux, comme si la question était gênante. Elle ne l’était pas du tout pour le vieil homme. Mais les mots ne vinrent pas. Il resta silencieux – de toute façon la jeune femme faisait machine arrière. Ils reprirent leur marche dans un silence plus gêné que d’ordinaire. Le vieux Maître était profondément plongé dans ses pensées. Ses souvenirs, sa philosophie. Tout cela pouvait-il, à son âge, permettre de répondre enfin à une telle question ?

Ils étaient parvenus dans le réfectoire. Une foule de jedi, surtout de jeunes initiés et des padawans, emplissaient la salle de leurs discussions enthousiastes et du cliquetis de leurs couverts. Une dizaine d’entre eux étaient alignés, plateau à la main, attendant leur tour pour être servis. Maître Don allait se mettre en bout de file mais il s’arrêta pour se retourner : Viqi était restée en arrière, comme figée. Ils échangèrent un regard neutre… Mais celui du vieil homme pétillait déjà. Il avait plus d’un tour dans sa bure. Il se retourna vers le jeune chevalier devant lui, et lui tapota l’épaule. Le grand twi’lek très jeune bien qu’il dépassait d’au moins deux têtes le vieillard, se retourna et dut baisser les yeux pour s’apercevoir de qui l’avait interpelé.

- Maître Don ?! Heu…
- Chevalier Kinal, qu’y-a-t-il au menu aujourd’hui ?
- Oh, de la soupe ou de la purée de racines avec des croûtons… Mais je suis le Chevalier Linak, maître Don… Maître Don, ça va ??

Le vieil homme s’était courbé sur sa canne avec une petite grimace.

- Ah, oui. Ne vous en faites pas, mes genoux, vous savez… Oh, ne voudriez-vous pas me rendre un service et m’apporter deux plateaux sur la terrasse ?
- Bien sûr, Maître ! Allez vous asseoir, ne faites pas la queue, tout de même, je vais vous les apporter.
- Vous êtes très serviable, Chevalier Lanik.
- … Linak. Vous voulez que je vous aide à vous y installer ?
- Ça ira, je peux marcher tout de même, je ne suis pas si vieux, voyons !

Et ce fut ainsi que Maître Don s’accrocha au bras d’une Viqi un peu rigide pour longer le mur du réfectoire - on ne savait pas très bien si elle soutenait Maître Don ou si c'était lui qui la traînait dans cette voie ; direction la terrasse que l’on laissait en général libre, par courtoisie, aux invités, aux convalescents qui avaient besoin d’air et de soleil et aux vieilles branches telles que lui. Ils échappèrent au brouhaha de la salle principal pour se retrouver sous le chant des oiseaux. Les tables étaient vides, sauf une à l’écart, où Maître Deenia, kaminoan de son état et les yeux fermés, semblait effectuer une prière dont elle seule avait le secret avant de se mettre à manger. Ils la laissèrent à sa tranquillité pour s’asseoir l’un en face de l’autre pour attendre gentiment leurs plateaux.

Le vieillard laissa échapper un soupir de soulagement une fois qu’ils furent assis, puis plongea son regard amusé dans celui de Viqi.

- Oh, ne me jugez donc pas si vite, tout le monde sait très bien ici que j’aime beaucoup jouer la comédie.

D’ailleurs, il fallait admettre que l’on se posait souvent la question, dans les rangs de l’Ordre, de l’état physique et mental du vieux maître du Conseil. Les mauvaises langues disaient qu’il était bon à sucrer les fraises, tandis que d’autres, ne faisant pas moins preuve de discernement, pensaient qu’il s’agissait d’une stratégie habile conçue depuis des années. Maître Don se moquait des uns comme des autres. Les jeunes prenaient tellement la vie au sérieux !
Néanmoins, son sourire s’effaça. Il y avait des choses sérieuses à considérer, et le vieil homme avait eu le temps d’y consacrer quelques réflexions ces dernières minutes. Il ne savait pas si Viqi réussissait à surmonter l’angoisse qui était la sienne, mais lui était bien déterminé à lui expliquer le fil de sa pensée avant que son cerveau ne lui joue encore un tour et que ses idées se fassent la malle encore une fois.

- Je viens de calculer, reprit-il donc sérieusement. Quarante-neuf ans. J’ai passé quarante-neuf ans à essayer d’oublier. C’est le temps qu’il m’a fallu pour me rendre compte que ma mémoire ne me laisserait pas en paix.

Il avait pris le ton de la confidence, dans un murmure, alors même que Maître Deenia était trop loin pour les entendre.

- Oh, bien sûr, ça n’a pas été quarante-neuf années d’oubli égal. J’ai plutôt passé quinze ans à fuir en faisant comme si rien ne s’était passé, puis trente-cinq ans à faire comme si je ne fuyais plus, puisque je pouvais de nouveau penser à mon défunt frère sans sombrer dans le désespoir. Pourtant, pendant cette période que je croyais sereine, j’étais toujours par monts et par vaux et incapable de rester en place dans un Temple pendant plus d’une semaine.

Le vieil homme détourna le regard. Ses yeux se perdirent dans les hautes cimes qui les entouraient. Il parut ne pas se rendre compte, pendant plusieurs minutes, qu’il s’était absorbé dans ses souvenirs. Puis, comme si soudain il se rappelait de la présence de Viqi, et surtout de sa question, il revint à elle en la regardant intensément.

- J’ai appris qu’oublier ne change rien à ce qui s’est produit. Pourtant, si on oublie, on oublie ceux que l’on a chéri. Les oublier ne les rendra pas moins morts. S’en souvenir, par contre, les rend plus vivants. En quelque sorte, dans le souvenir, ils sont éternels. Vous comprenez ?

Il eut un regard peiné. Il n’était pas sûr que ses mots aient aucun sens pour quelqu’un d’aussi jeune qu’elle. Pourtant, il sentait qu’ils avaient une expérience en commun : celle d’avoir connu la mort, et la culpabilité. Il baissa les yeux, poursuivant son explication dans sa barbe, comme s’il se parlait à lui-même.

- J’ai perdu du temps, beaucoup de temps, avant de comprendre que c’était à moi de les faire vivre. Et que pour cela, il fallait que je vive moi-même. Afin que d’autres aient un exemple solide pour vivre à leur tour.

Ses yeux se déportèrent vers l’intérieur de la salle. Les arches vitrées laissaient apercevoir une grande tablée de jeunes enfants dont les rires leur parvenaient jusqu’ici. Ces mêmes rires qui l’agaçaient parfois parce qu’ils faisaient trop de bruit dans la bibliothèque étaient toute la raison de sa présence ici.

- Les morts n’empêchent pas la vie de se poursuivre : ce serait de les oublier qui nous empêcherait de chérir ceux qui sont encore en vie.

Il désigna d’un bref signe de tête les enfants de l’autre côté de la vitre.

- C’est pour ne pas oublier ces enfants-là, que je n’oublie aucune des vies qui a rejoint la Force.

Il y eut un nouveau moment de silence. Le vieil homme aperçut le Chevalier... Lanik ? Linak ? Peu importait ; le chevalier fort et serviable arriver avec un plateau dans chaque main. Il rayonnait visiblement de son action de bravoure. Le vieillard sourit avec malice.

- Je ne dis pas que les autres donnent toujours du sens à votre vie. Mais que même dans les situations les plus douloureuses, il ne faut pas oublier que les autres ont une vie à qui vous pouvez donner du sens, vous comprenez ?

A moins que tout ceci ne fut un ramassis de pensées enchevêtrées et incohérentes venant d'un vieillard un peu sénile et solitaire, à qui Anna, ou Viqi, peu importait, accordaient un peu de temps par compassion.
Viqi Donos
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La jeune femme semblait perdue au milieu de ce réfectoire, elle ne savait plus ni quoi faire ni où se mettre, elle se sentait seule et oppressée. Son idée de se rendre ainsi au Temple Jedi était véritablement mauvaise. Une de plus au compteur. Elle inspira puis expira par la bouche, elle tentait de se calmer. Elle ne faisait pas attention au vieil homme et à la discussion qu’il entretenait avec le Twi’lek. Puis sans prévenir, Saï Don lui prit le bras afin de l’embarquer avec lui et de longer les murs en direction de la terrasse. Viqi tentait d’expirer son air comme elle pouvait, par petites saccades. Ce vieux maître semblait apprécier lui prendre le bras afin de l’amener dans les différents recoins les moins fréquentés du Temple Jedi. Elle avait intérêt de ne pas être encore avec lui pour sa sieste sous peine de se retrouver dans la même couche. L’idée la fit rigoler intérieurement. Inconsciemment, cela lui permit de se détendre un peu plus alors que les rayons du soleil faisaient une nouvelle apparition sur le visage de l’ancienne Jedi. La terrasse vide, hormis le grand kaminoan, rassura l’humaine qui appréciait ce changement, sans pour autant la détendre complètement.

Ils s’étaient assis l’un en face de l’autre. Saï Don semblait détendu, heureux même de se trouver dans cette nouvelle position. Viqi continuait d’être rigide, assise sans être collée sur le dossier de son siège, ses mains tenaient fermement la table comme si cette dernière pouvait céder à tout instant. Son angoisse n’était pas totalement passée, une sensation étrange au fond d’elle la tiraillait, l’attaquait, l’opprimait. Elle cherchait à comprendre ce que cela pouvait être, sans succès. Ce fut avec un sourire crispé qu’elle accueillit la remarque du vieux maître Jedi sur le fait qu’il aimait jouer la comédie. En temps normal, elle aurait apprécié la boutade et même surenchérie, mais elle n’était pas dans son état normal. Et alors qu’elle gardait son air tourmenté, Saï Don répondit à sa question précédente, sans préambule, sans transition.

Son ton et son regard, parfois absent et parfois dans la réflexion, démontraient le sérieux des propos. Cela ressemblait à une confidence qu’il aurait pu faire à une amie, mais en était-ce réellement une ? Elle n’imaginait pas cet homme, même à son âge, se livrer de cette manière à la première personne venue. Certaine qu’il s’agissait d’un discours que le maître Jedi tenait à ses disciples et aux jeunes apprentis, cela ne retira pas l’envie à Viqi d’écouter attentivement. Voir même de l’apprécier tout particulièrement. Ainsi, même le Grand Maître de l’Ordre Jedi, depuis le haut de son piédestal reconnaissait sa fragilité et le fait d’avoir tenté de fuir une partie de son passé. Mais malgré tous ses éléments, malgré toute la sagesse des propos de Saï Don, cela ne parvenait pas à satisfaire Viqi. Rien ne pouvait la satisfaire, la réponse tant attendue n’existait pas.


- Il me semble que…

À peine débuta-t-elle sa phrase, qu’elle s’arrêta aussitôt. Le Twi’lek de tout à l’heure arrivait avec les deux plateaux, heureux de rendre service. Par réflexe, Viqi avait détourné son visage tout en mettant sa main pour aider à se cacher la figure. Se cacher de quoi ? Il l’avait déjà aperçu quelques minutes plus tôt, son comportement était ridicule. Elle tenta de faire semblant de se recoiffer avec sa main en l’air afin de se rattraper. Elle regarda le chevalier Jedi à qui elle fit un signe de remerciement de la tête. Ce dernier repartit de son côté une fois sa bonne action accomplie.

- Veuillez me pardonner. Pour vous répondre, il me semble comprendre ce que vous voulez dire.

En reprenant le cours de la conversation, Viqi dirigea ses yeux vers le plat. Purée de racines avec des croûtons. Ce n’était pas le meilleur plat de la galaxie, mais il s’agissait d’un repas gastronomique par rapport à tout ce qu’elle avait ingurgité ces dernières semaines. Elle planta sa fourchette et entama son assiette. Son regard croisa celui de Saï Don et elle comprit son erreur. Elle reposa sa fourchette, elle ne tenta pas de mâcher et avala aussitôt la substance dans sa bouche, cela fit lui mal à la trachée.

- Désolé…Merci pour ce repas. Je…euh…bon appétit…

Mal à l’aise, la jeune femme n’osait plus toucher à son plat dans l’immédiat. Elle allait le finir, cela ne faisait aucun doute, mais elle préférait laisser au vieux maître une longueur d’avance afin de paraître plus polie. Cela lui permettait d’avoir le temps d’étayer sa réponse à l’oral.

- Pour vous, vivre c’est, en quelque sorte, respecter la mort des êtres qui vous ont été proches. Il s’agit du respect de la mémoire des défunts. La mort n’est pas une fin, il faut se réjouir pour eux et continuer d’avancer en continuant de chérir leur souvenir. De cette manière, vous vous érigez en symbole et partagez cette expérience avec la prétention d’aider les plus jeunes. Ainsi, vous pouvez créer cette fameuse mémoire collective, dont vous aviez fait mention quand nous étions au mausolée, tout en gardant le sourire.

Son regard se perdit sur le sol de la terrasse, il était accompagné d’un soupir las.

- Au risque de vous paraître insolente, ne me confondez pas avec une padawan, maître Don. Même si je n’ai jamais fait la demande de manière officielle, je ne suis plus une Jedi. Inutile de chercher à me convaincre.

Malgré son ton changeant, quelque peu dur, un soupçon de froideur, Viqi n’en restait pas moins crispée. Elle se tenait toujours droite, son visage cachait maladroitement une angoisse présente et qui ne semblait pas vouloir disparaître.

- Je ne doute pas de la sincérité de votre discours, mais il s’agit du même message qu’on nous martèle quand nous sommes apprentis, au détail près qu’il me soit adapté. Vous vous infligez, seul, le fardeau de retenir tous les noms des membres de l’Ordre avec l’intime espoir que cela vous permet de donner un sens à tout ce qui vous entoure. Mais est-ce suffisant pour vivre avec vos regrets ? Cela donne-t-il du sens à vos erreurs ? D’une certaine manière, contre l’oubli vous proposez une vie par procuration à travers le regard de ceux qui ne peuvent plus la vivre. Une solution de facilité dans les deux cas.

Ce ne fut qu’à la fin de sa phrase que la jeune femme remarqua la dureté avec laquelle elle s’adressait à Saï Don. Ce dernier acceptait de lui accorder du temps pour le passer avec elle, le tout avec bienveillance alors que des affaires plus urgentes devaient requérir son attention. En réponse à cette gentillesse, Viqi s’énervait et expulsait sa colère contre l’Ordre – était-ce véritablement contre l’Ordre ? – au visage du vieil homme. Certes, elle n’était pas à l’aise, elle ne s’était pas attendue à être aussi angoissée et à se retrouver avec autant de Jedi autour d’elle, mais cela n’était pas une raison suffisante pour expliquer son comportement discourtois. Elle était irrespectueuse envers le maître Jedi, mais également envers le kaminoen présent sur la terrasse. Elle avait quelque peu élevé la voix, cela pouvait potentiellement troubler la prière ou la méditation de ce dernier. L’humaine se calma quelques secondes avant de reprendre la parole d’une voix plus calme et plus douce.

- Comme je vous l’ai dit, il m’a semblé comprendre vos propos. Peut-être ai-je mal interprété ce que vous tentiez de me dire. À vrai dire, j’aurais aimé une autre réponse…quelque chose de plus simple, une solution permettant juste d’oublier. Mais je ne suis qu’une idiote.

Sans chercher à croiser le regard de Saï Don, Viqi attrapa sa fourchette pour attraper une nouvelle portion de son repas. Elle l’amena à sa bouche et le mâcha très rapidement sans prendre le temps de savourer son plat. De toute façon son palais était trop détérioré, à cause de toutes ces substances trop fortes qu’elle ingurgitait, pour apprécier la moindre saveur. Cela ne l’empêcha pas de ressentir un goût amer au fond de sa gorge sans que cela ait le moindre lien avec le repas. Elle regrettait de s’être lancé dans une telle discussion, sur un tel sujet elle était certaine de ne pas avoir le dernier mot. Elle connaissait déjà la fin d’un tel débat s’il devait continuer : elle serait très vite à court d’arguments, alors dans la panique elle passerait aux reproches avant de se lancer dans les insultes. Après tout, dans le milieu dans lequel elle évoluait, on ne lui demandait pas de débattre, juste de faire ce pour quoi on la payait. De toute façon qui était-elle pour pouvoir se permettre le moindre jugement ? Elle n’était qu’une fille paumée de plus dans toute cet univers, le Grand Maître de l’ordre religieux le plus puissant de cette galaxie n’allait certainement pas s’arrêter à la moindre remarque désagréable.

Il était nécessaire de revenir à l’essentiel. Saï Don pouvait partir à tout moment, l’abandonnant à cette table ou dans un endroit quelconque du Temple, sans avoir pu lui répondre à la question qui faisait l’objet de sa présence. Ce fut qu’après une troisième bouchée rapide que la jeune femme releva son visage.


- Je ne veux pas abuser de votre temps inutilement, maître Don. Je comprendrai parfaitement que vous ne puisiez pas rester plus longtemps avec moi que la durée de ce repas. De plus, je sens les regards de plus en insistants – j’ajouterai même de plus en plus irritants – de tous les apprentis présents derrière cette vitre se demandant qui est cette femme sale discutant avec vous. Ma requête est la même qu’initialement : l’accès aux archives Jedi. Cela est-il possible ?
Saï Don
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Le vieil homme la regardait curieusement. Il se désintéressa d’elle seulement lorsque les deux plateaux furent déposés devant eux.

- Merci, Chevalier Lanik ! fit-il chaleureusement, et le twi’lek se retira aussi vite qu’il était arrivé, laissant à Viqi le loisir de reprendre la conversation. Bon appétit.

Sur leur plateau, il y avait un bol de soupe translucide qui fumait et une purée d’un rose fuschia parsemée d’herbes fraîches. Un morceau de pain et un verre d’eau complétait le repas frugal. Malgré leur apparence peu ragoûtante, les plats dégageaient une douce odeur d’épices. Le vieillard se pencha sur son assiette avec grand intérêt, bien qu’il ne fît aucun doute que ses oreilles étaient toutes ouïes de ce qu’avait à dire cette jeune chevalier sortie de nulle part.
Elle résumait, avec une pointe de lassitude semblait-il, les propos de maître Don. Bien qu’il pensât que son opinion ne pouvait être résumée si simplement – pouvait-on résumer son rapport individuel et collectif à la mort, qui ne pouvait qu’être complexe ? – il s’abstint de tout commentaire. Après tout, ils n’étaient pas là pour lui, mais pour elle. Quoique…

Maître Don souleva les sourcils. Il ne souriait pas, mais écoutait attentivement, en sirotant de temps à autre son bol de soupe. Quand Viqi eut terminé ses explications, un silence s’installa, seulement troublé par le tintement de leurs couverts dans leurs assiettes. Maître Don semblait réfléchir. Ou rêvasser. Au bout d’un moment, il haussa les épaules.

- Pour être tout à fait transparent, non. Je ne parle que très peu de la mort de ces enfants aux padawans. Et encore moins du frère que j’ai tué, je peux vous l’assurer.

Il avait dit sur le ton de la banalité. Finalement, quand on connaissait son histoire, c’en était une. Quand on connaissait personnellement le vieil homme, on savait cependant que ce n’était pas un sujet sur lequel il radotait, loin de là. Mais après tout, Viqi n’était pas obligée de le croire sur paroles et finalement, ce n’était même pas ce qui comptait, au fond.

- Vous n’êtes plus chevalier Jedi, mmh ? Bon courage. Ce n’est pas le genre d’identité dont on se défait facilement.

De la même manière qu’on ne choisissait pas du jour au lendemain de ne plus être l’enfant de son père ou de sa mère, on n’oubliait pas des années d’éducation Jedi. L’expérience la plus proche de renonciation à l’Ordre que Maître Don avait fait n’était pas si vieille ; il avait été un fugitif quelques années plus tôt. Il ne s’était jamais senti aussi déplacé dans le monde qu’à cette époque-là. Ce fameux temps où il avait connu Anna, justement. Il concevait mal que l’on pût faire disparaître l’Ordre de ses souvenirs. Être un ancien Jedi, en revanche, en ayant accepté son passé et ce désir de changement, c’était davantage faisable. Mais il réfléchirait à cela plus tard, soucieux d’être d’abord attentif à la jeune femme en face de lui. Elle avait toujours l’air très tendue.

- Pour vous répondre très directement, non, ce n’est pas suffisant pour me complaire dans cette vie. Cela ne donne pas du sens à mes erreurs passées, mais à mes erreurs futures, celles que je n’ai pas encore commises et qu’il convient d’éviter. Beau sujet de méditation, n’est-ce pas ?

Au fond, il était sûr que Viqi savait bien qu’il n’y avait pas de réponse facile. Il ne pouvait lui reprocher d’en chercher, cependant. L’effort de réflexion qu’elle faisait était, pour lui, ce qu’il fallait chérir. Même si Viqi n’avait pas l’air de méditer souvent, c’était une forme de réflexion forcée que d’être ici, il en était conscient. La jeune femme avait certainement besoin de temps.

- Nous sommes tous idiots face à l’absurdité de la mort. Ce n’est pas quelque chose que nous sommes faits pour accepter facilement, commenta-t-il sur un ton égal. Et oui, bien sûr, vous avez mon autorisation pour consulter nos archives.

Après tout, elle y trouverait peut-être davantage de réponses que chez un vieil homme. Et surtout, un livre ne faisait pas un bruit désagréable en avalant de la purée de racines.
Le vieil homme avait presque terminé son assiette.

- Oh, non, je vais rester ici, profiter de la terrasse. Il me reste un peu de temps avant mon prochain cours, expliqua-t-il en désignant du regard les padawans agités derrière la vitre.

Plusieurs d’entre eux gloussaient, échangeaient à voix basse, leur jetaient des regards curieux. Maître Don fronça les yeux dans leur direction, les menaçant silencieusement, ce qui n’eut pas l’air de les impressionner beaucoup.

- Au fait, vous savez pourquoi ils vous regardent comme ça ?

Il indiqua à Viqi l’objet de son attention d’un mouvement bref du menton.

- Ils pensent qu’avec votre bure abîmée, vous revenez d’une mission particulièrement difficile à l’autre bout de la galaxie. Et qu’à l’heure actuelle, nous discutons de choses hautement secrètes, comme une attaque d’insectes géants ou pire – ils ont beaucoup d’imagination.

Aussi indiscrets fussent-ils, ce n’étaient pas des regards d’indignation, mais des regards d’admiration, ou au moins de curiosité.

- Mais bref, si vous êtes pressée dans vos recherches, ne vous gênez pas, allez-y tout de suite. Je ne m'offusquerai pas, je vous assure.


Viqi Donos
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Le vieil homme s’était donné du mal afin de trouver, ce qui lui semblait être, les bons mots pour répondre à Viqi. Il avait pris le temps de réflexion et le soin de se baser sur des évènements personnels. Il s’était ouvert, confié même, à cette jeune femme qui réclamait de l’aide sans pour autant le reconnaître. Mais de toute cette tirade, de toutes ces sages paroles, cette malotrue n’avait retenu qu’une seule chose : elle avait accès aux archives Jedi. Elle était venue pour ça, la mission était accomplie. En bonus, elle avait même eu un repas offert. Que pouvait-elle demander de plus ? Plein de choses, mais cela pouvait être considéré comme de l’abus venant de sa part. De plus, Saï Don semblait lassé de la compagnie de l’ancienne Jedi. Elle avait réussi à user sa patience, même à lui, Grand Chef de l’Ordre.

- Merci pour votre accord, maître Don. Ainsi que pour le repas.

Viqi attrapa le morceau de pain qui traînait sur son plateau – elle pensait le manger en chemin ou un peu plus tard dans la journée – et se redressa rapidement pour s’éloigner de la table. Oui, Viqi avait décidé de quitter la table, subitement, sans s’étaler plus longuement sur la discussion en cours ou sans le remercier plus pour l’accueil et le temps qu’il lui avait accordé. Il n’avait été qu’une étape dans sa quête de recherche de réponses, désormais elle passait à l’étape suivante. Elle fonctionnait ainsi, elle ne cherchait ni l’amitié ni l’attachement, les gens n’étaient qu’un moyen d’arriver à ses fins.

Elle n’avait fait que quelques pas avant de s’arrêter. Proche de la vitre donnant sur l’intérieur du réfectoire, elle tourna la tête avec un mouvement brusque pour regarder tous ces jeunes apprentis. Elle se donna l’air sévère, voire en colère, avec des sourcils rapprochés et dirigés vers le bas soulignant la dureté de son visage. Il y eut un mouvement de surprise chez les enfants, ces derniers décidèrent de détourner le regard afin de se concentrer de nouveau sur leur assiette. Cela n’était que temporaire, ils ne tarderaient pas à trouver un nouveau sujet d’intérêt, peut-être en la personne du maître Deenia toujours présent sur la terrasse. Cette situation fit intérieurement sourire Viqi, penser qu’elle impressionnait les plus jeunes se trouvait être une idée…amusante. Etrange, mais amusante. Mais cela ne dura qu’une fraction de seconde. Quelque chose attira l’œil de la jeune femme. Au-delà du mouvement des jeunes apprentis derrière la vitre, c’était le reflet qu’émettait le carreau qui la bloqua sur place. Le reflet était vague, diffus, sombre, mais suffisant pour comprendre qu’il s’agissait du sien. Elle se voyait avec sa bure de Chevalier Jedi, sans pour autant discerner avec précision les traits de son visage ou les caractéristiques de sa tenue, et quelque chose se passa dans son esprit, comme si un combat venait de se déclarer. Une lutte entre ce qu’elle avait été, ce qu’elle était et autre chose.


« Ce n’est pas le genre d’identité dont on se défait facilement. »

Les mots du vieil homme raisonnaient dans sa tête, ce dernier avait réussi à s’insinuer dans son esprit. Quel horrible personnage ! La vérité, Viqi la connaissait, mais elle n’osait pas y faire face. Ce n’était pas Saï Don réussissant un tour de force à l’aide de la Force, simplement elle qui prenait conscience, petit à petit, de ses besoins les plus profonds. Elle prit une grande inspiration avant d’expulser, lentement, toute cet air. Il ne s’agissait pas d’un signe d’exaspération ou d’agacement, cela avait un goût de renouveau, c’était une prise de dose de courage. Sa décision était actée.

Elle se retourna et se dirigea vers la table qu’elle avait quittée quelques secondes plus tôt, elle attrapa la chaise proche de Saï Don et s’y installa. Elle décidait de prendre cette place et de ne pas retourner à celle qui faisait face au vieux maître Jedi. Elle n’avait aucune raison rationnelle pour expliquer ce geste, il s’agissait plus d’une envie inconsciente d’être plus proche de lui et d’indiquer subtilement son changement. Elle ne prit pas la parole pour autant, ni son interlocuteur, ce dernier semblait plus intéressé par la beauté de la nature qui s’offrait à eux. Viqi croqua un morceau de son pain et le mâcha tranquillement avant de l’avaler.


- Je ne sais plus où se situe exactement la bibliothèque.

Il y avait mieux comme phrase pour rompre le silence, mais cela servait surtout de phrase d’excuses. Oui, Viqi venait de s’excuser auprès de Saï Don, mais à sa manière, avec ses propres mots. Restait à savoir si ce dernier savait manier ce langage dès plus complexe. Elle croqua un nouveau morceau de son pain, elle semblait moins tendue que précédemment.

- En fait, ma question initiale ne concerne pas l’acceptation de la mort d’un être cher – oui, je me permets de revenir sur la conversation. Non, c’est plutôt...comment dire…l’acceptation oui, mais…bon peut-être qu’il y a un peu de ça…bref, cela importe peu ! Ma question n’était pas claire du tout et c’est toujours le fouillis dans mon esprit.

Viqi attrapa une nouvelle bouchée de son morceau de pain avant de se pencher plus en avant, entrant avec intérêt dans la conversation. Son regard était dirigé vers celui qui se tenait près d’elle.

- Ce que je reproche à l’Ordre Jedi, c’est sa manière de faire. Vous débarquez à un endroit et vous retirez un enfant à ses parents en leur vendant un slogan sur la paix et la justice. Ensuite, vous le formez, vous le formatez même, en lui indiquant ce qu’il doit faire et penser. Vous le laissez croire à des choses fantasques, sans lui dire toute la vérité sur ce qui l’attend. Prenons ces enfants dont nous avons vu les noms avant notre repas…

Elle marqua une pause au milieu de sa phrase et profita de cet interlude pour avaler le dernier morceau de pain qu’elle tenait en main. Le ton de la jeune femme était calme et posé, cela dénotait avec son comportement précédent.

- …si leur mort – ne croyez pas que je ressasse ce sujet pour le simple plaisir de vous torturer – je disais, si leur mort n’est pas de votre responsabilité direct, il n’en reste pas moins que vous étiez responsable de leur vie. Pour être plus précise, vous étiez responsable de ce qu’ils ont connu de leur vivant, ou plutôt de ce qu’ils n’ont pas connu. L’insouciance de l’enfance, la joie de jouer avec leurs amis en toute innocence, grandir avec des parents. Toutes ces choses, vous les leur avez retirés. Je me permets de vous prendre de court, je ne doute pas de l’amour que vous leur portez personnellement ainsi que d’autres maîtres, mais nous ne grandissons pas dans une enfance normale entre les murs de ce Temple.

Viqi semblait impliquer sur ce sujet, bien plus qu’elle ne voulait le reconnaître. Elle n’était pas certaine de la cohérence de tous ses propos. Malgré le contrôle qu’elle gardait sur son comportement, elle sentait une irritation, une gêne, qui la gagnait peu à peu. Il s’agissait simplement des effets du manque qui se faisaient sentir. Manque d’alcool ? De drogue ? Les deux peut-être ? Sa main caressa furtivement la poche de son pantalon, elle sentit la capsule qui s’y trouvait. Elle était tentée de la prendre, là, maintenant, devant le vieil homme, mais elle s’abstint. Cela avait quand même eu pour effet de la rassurer.

- Tout ça, pour vous dire que vous n’apprenez pas de vos erreurs. Vous m’avez dit, il y a tout juste quelques minutes, à cette table, que ces évènements tragiques servent à donner un sens à vos erreurs futures et qui convient d’éviter. Malgré la tragédie liée à l’attaque du Temple, vous avez érigé un mémorial pour ne pas oublier, pour donner un sens à tous ses sacrifices et qu’ils ne disparaissent jamais de notre mémoire. Qu’ils puissent continuer à vivre. Mais cela reste qu’un symbole. Rien n’a été fait de manière concrète pour permettre la préservation de ces jeunes vies, leur permettre de vivre et profiter. Vous continuez à les priver de leur enfance pour les enrôler et les dogmatiser tant qu’ils sont jeunes. La mort peut, à tout moment, venir faucher ces jeunes apprentis qui sont présents dans ce réfectoire, comme ceux lors de l’attaque du Temple. Qu’adviendra-t-il d’eux ? Simplement des noms supplémentaires sur un mur ? Quel aura été le sens de tous ses sacrifices ?

La jeune femme recula son buste pour se coller au dossier de sa chaise, comme pour souligner la fin de son monologue. Elle souffla légèrement, elle se sentait désormais soulagé d’un poids, plus légère. Bizarrement, elle se sentait mieux.

- Voilà, maître Don, la raison de la froideur de ma réponse précédente. Le temps passe et l’Ordre ne change pas. Pourquoi tout cet acharnement de ma part ? Est-ce lié à une envie inconsciente de les protéger, une manière maladroite de vous faire comprendre les regrets de la jeune fille que j’étais ou bien les divagations d’une junkie ? Je vous laisse juge de le déterminer.
Saï Don
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Le vieil homme regarda Viqi s’éloigner. Qu’était venu chercher la jeune femme dans leurs archives ? Aucune idée. Était-ce un détail précis dont elle avait besoin pour mener à bien un projet, ou bien des réponses philosophiques à une question existentielle ? Il ne s’inquiétait guère ; elle était venue chercher quelque chose, il lui avait fourni quelque chose, même inconfortable. Ce n’était certainement pas ce qu’elle pensait chercher en arrivant au Temple, mais savait-elle réellement ce qu’elle venait chercher ? Cette visite aux archives n’était-elle pas un moyen inconscient d’essayer de résoudre un problème lancinant, comme une lame de fond nauséeuse, pour son esprit ? Si c’était le cas, Maître Don ne lui avait pas donné de réponses – elle seule pourrait construire les siennes – mais l’avait seulement aidé à faire émerger le problème à la surface de sa conscience. Si Viqi ne souhaitait pas faire la paix avec l’Ordre, le rôle du vieil homme s’arrêtait bien là, en effet. Et quand bien même il n’aimait pas manger son dessert tout seul, il acceptait que la conversation fut finie.

Mais la jeune femme, qui s’était immobilisée un peu plus loin, revenait sur ses pas.

Ah non, la conversation n’était pas finie.

- Je ne sais plus où se situe exactement la bibliothèque.
- Moi non plus ! fit-il avec de grands yeux écarquillés.

Puis il éclata du rire sec des personnes d'un certain âge. Pendant ce temps, Maître Deenia à quelques pas de là s’était levée de sa table et passait devant eux. Elle leva les yeux au ciel, faussement exaspérée de l’humour du vieil homme, puis elle disparut à l’intérieur. Sur son passage, les élèves se mirent à manger soigneusement et en silence – il fallait se tenir à carreau avec Maître Deenia.

Le vieil homme, lui, s’intéressait plus sérieusement aux propos de Viqi, qui n’avait visiblement pas le cœur à rire, mais plutôt à s’ouvrir. Malgré la pointe de frustration et de colère, n’était-ce pas une bonne chose ?
Maître Don la laissa terminer, patiemment.

- Vous avez parfaitement raison, dit-il simplement.

Puis un silence s’installa entre eux. Le vieillard repoussa son plateau, avant de la regarder de nouveau.

Le silence dura. Les feuilles des arbres jouaient entre elles et déversaient sur eux le bruit de leur doux chuintement dans la brise. A l’intérieur, le réfectoire commençait à se vider – d’ailleurs, le groupe de padawans se leva bruyamment et s’éloigna avec leurs plateaux presque vides. Maître Don les regarda partir. Seulement alors, après plusieurs minutes, il consentit à reprendre la parole.

- Il y aurait d’autres solutions, en effet. L’Ordre Jedi peut cesser de prendre ces enfants, et les laisser à leurs parents, quand ils en ont. Oublions ceux qui n’en ont pas, ceux qui naissent dans des familles violentes ou trop pauvres pour les nourrir, pour nous concentrer sur ceux qui auraient eu une enfance heureuse sans notre intervention. Ils sont sensibles à la Force. Ils découvriront eux-mêmes certaines de leurs aptitudes. Ils apprendront à s’en servir – oh, pas aussi bien qu’ici, bien sûr. Selon leur caractère, certains utiliseront leur don pour faire le bien, d’autres pour faire le mal. Laissons ces derniers faire ce que bon leur semble, et profiter de leur avantage sur le reste de la société. Parmi ceux qui voudront utiliser leur don pour faire le bien, ils finiront par croiser la route de personnes corrompues par la Force qui ne manqueront pas de les manipuler, se présentant comme un mentor pour mieux rendre le sensible à la Force, plein de bonne volonté initialement, succomber à la tentation d’utiliser ses émotions pour rendre ses dons plus efficaces, et se corrompre dans la colère, la tristesse et la peur. Mais ceux-là aussi, laissons-les à leur sort. Ceux qui auront voulu faire le bien avec leurs dons, mais qui auront eu la clairvoyance de ne pas être manipulés, certainement se retrouveront fort seuls. Mais oublions aussi celui qui deviendra un ermite isolé car il se sentira en marge de toute société saine. Concentrons-nous sur cet enfant qui a eu une enfance heureuse donc, qui utilisera ses dons pour faire le bien, qui ne sera pas manipulé, qui tissera autour de lui un lien social fort : avec de grands pouvoirs, vous le savez, viennent de lourdes responsabilités. Rapidement, il lui sera demandé d’agir pour sa communauté. Défendre le faible ne suffira longtemps ; bientôt, on lui demandera de prendre position militairement, ou politiquement. Que fera-t-il alors ? Notre ami qui voulait faire le bien aura deux choix : refuser, ou bien s’engager pour sa communauté, avec ses dons. Comme dans la tribune voisine, ou sur la planète la plus proche. Nous assisterons donc, très probablement à des conflits impliquant des utilisateurs de la Force : dévastateurs. Bon, alors ceux qui entre-tueront, laissons-les de côté.

Il reprit sa respiration.

- Intéressons-nous donc à l’enfant qui a eu une enfance heureuse donc, qui utilisera ses dons pour faire le bien, qui ne sera pas manipulé, qui tissera autour de lui un lien social fort mais simultanément ne prendra part à aucun conflit, faisant que ses dons soient utilisés uniquement pour un bien supérieur à celui de sa communauté. Celui-là, en effet, l’Ordre Jedi l’a lésé, afin d’empêcher tous les autres de faire plus de mal à la galaxie que ce qu’elle ne connaît déjà. Celui-là, dans notre système imparfait, nous l’avons retiré à sa famille pour une vie de sacrifices, afin que ceux qui n’ont pas de famille, ou qui naissent dans un environnement violent, malsain ou trop pauvre, ceux qui pourraient utiliser leurs dons pour leur profit personnel, ceux qui seront corrompus pas le côté obscur, ceux qui couperont tout lien social et ceux qui s’entretueront… Vivent une vie de paix.

Le vieil homme commença à se lever. Il récupéra sa canne. Il savait maintenant qu’il avait dit tout ce qu’il y avait à dire ; ou plutôt, que si Viqi ne voulait pas être convaincue, si elle désirait si ardemment rejeter une faute sur l’Ordre Jedi, il ne pourrait plus la convaincre. Parfois, les institutions sont porteuses d’une faute originelle aux yeux des gens, et n’importe quel argument rationnel est inutile, car celui qui écoute ne veut entendre que ce qui corrobore sa vision du monde.

Lorsqu’il fut debout, prenant son plateau d’une main, il lui sourit tristement.

- L’Ordre Jedi n’est pas plus parfait que n’importe quelle organisation au monde, n’importe quelle communauté, n’importe quel être d’ailleurs. Mais il fait de son mieux, imparfait dans une galaxie imparfaite. N’oublions jamais qu’une utopie ne peut être atteinte. L’Ordre Jedi essaie juste de fournir à ces enfants un endroit d’où l’on aperçoit mieux un idéal de paix qu’ailleurs. Mais si vous avez une meilleure solution, je pense que la galaxie entière l’attend depuis des siècles. En attendant, la réparation que nous offrons à cet enfant si spécial, cet être plein de philosophie et de justesse qui aurait été une bénédiction pour le monde si nous n'étions pas intervenu, c'est la possibilité de quitter l'Ordre, afin de reprendre le cours d'une vie pleine de sagesse et de félicité, compléta-t-il d'une voix paisible en la regardant plus intensément. C'est peut-être vous. Si c'est le cas, l'Ordre Jedi s'excuse profondément du tort qu'il a causé, mais continuera à récupérer les enfants sensibles, car il ne l'a pas fait contre vous, mais pour tous les autres qui n'auraient pas eu vos vertus.

Mais supprimer l’Ordre Jedi, ce serait jeter le bébé avec l’eau du bain. Maître Don était probablement plus conscient que quiconque des failles de son institution. Simplement, le progrès de celui-ci était une bataille personnelle qu’il menait dans le silence.




Viqi Donos
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- Vous avez parfaitement raison.

Il s’agissait de la réponse de Saï Don, le tout sur un ton simple et neutre. Quelques minutes suivirent, en silence, et elles laissèrent croire à Viqi qu’elle venait de mettre le doigt sur un sujet épineux pour lequel l’Ordre n’avait aucune réponse. Mais cela était mal connaître le vieil homme qui se tenait face à elle. Celui-ci semblait prendre un malin plaisir à démonter l’argumentaire de Viqi – qui en passant, était peut-être l’argumentaire le plus étoffé qu’elle avait fait jusqu’à maintenant, la plupart du temps ses arguments principaux se résumaient à des injures, une moue boudeuse ou bien des coups de sabre laser – petit à petit avec un exposé basé sur certaines hypothèses. Hypothèses qui menaient à une seule conclusion : si les enfants sensibles à la Force n’étaient pas suivi par l’Ordre, cela ne pouvait que déboucher sur une guerre impliquant des utilisateurs de la Force. Le vieil homme finit par se redresser, attrapant son plateau au passage, tout en concluant son éloge de l’Ordre qu’il représentait. Un mal pour un bien.

Néanmoins, Viqi devait admettre que cela n’était pas complètement dénué de sens, même si elle ne cautionnait pas cette manière de faire. Mais tout le discours de Saï Don, même s’il n’avait pas réussi à convaincre entièrement la jeune femme, l’avait fait réfléchir. Et si elle n’avait jamais été découverte, si elle était restée auprès de son père, que serait-elle devenu ? Elle avait beau haïr le jour qui la conduisit sur les chemins de la Force, elle n’avait jamais pris le temps réfléchir sur la situation inverse. Qu’aurait-elle pu devenir ?

Elle aurait été élevée par son père, veuf, sans présence féminine. Cela lui aurait-il suffi ? Elle n’en savait rien. Mais elle aurait grandi avec ses amis, dans un environnement sain, sans se soucier de l’avenir. Jusqu’au jour où, immanquablement, ses dons auraient fait surface. À ce moment-là, qui aurait pu répondre à ses questions ? Personne. Comment auraient réagi ses amis, s’ils avaient existé, face ce changement ? Et son père ? Aurait-elle été rejetée ? Non, il n’y avait pas de raison, elle avait grandi sur un monde civilisé et proche du noyau, cela n’aurait pas été surprenant. On aurait pu l’aiguiller vers l’Ordre Jedi afin d’avoir des réponses, peut-être même qu’elle y aurait été formée. Ainsi, elle en revenait à son point de départ. Même dans son imagination, elle revenait sur ses pas. Le voile se déchirait pour laisser place au vrai visage du mal qui la rongeait, mais qui rongeait également toute cette galaxie : la Force. Elle aurait tellement souhaité ne jamais avoir ce don. Mais toutes ces élucubrations ne servaient à rien, si ce n’était à se faire souffrir d’avantage et donner raison au maître Jedi. D’ailleurs, où était-il ?

La jeune femme vagabondait dans son esprit, elle n’avait plus fait attention à ce qui l’entourait. Le vieil homme avait dû croire qu’elle s’était mise à rêvasser et ne souhaitait pas attendre la fin de sa rêverie. Il avait débuté son chemin dans le sens retour, plateau en main afin de le déposer. À son tour, Viqi, attrapa son plateau en toute hâte et se dépêcha de le rejoindre. Dans sa précipitation, en se redressant, son siège bascula à la renverse. Elle venait de faire quelques pas et ne souhaitait pas faire marche arrière pour redresser son siège. Elle continua d’avancer et tenta de redresser le siège via l’utilisation de la Force, mais rien ne se passa. Elle s’arrêta, déposa son plateau sur la première table venue et retenta. Toujours rien. De loin, elle semblait agiter sa main dans les airs, comme pour chasser un insecte qui la dérangeait. Impatiente et énervée de voir qu’elle était dans l’incapacité d’utiliser la Force, elle retourna rapidement jusqu’à la table afin de redresser la chaise de ses propres mains avant de reprendre son chemin initial.

Saï Don avait déjà déposé son plateau et prenait le chemin pour quitter le réfectoire – Viqi se fit la remarque intérieure que ce vieil homme aimait faire courir les gens, ou les ralentir, quand cela l’arrangeait, une sorte de pervers narcissique de la marche – alors qu’elle pénétrait de nouveau à l’intérieur. Ce fut au pas de course qu’elle se dirigea vers l’endroit où elle pouvait déposer son plateau. Sur son chemin, elle tomba nez-à-nez sur le Jedi qu’ils avaient rencontré plus tôt, ce jeune Twi’lek qui aimait se rendre serviable. Sans s’annoncer ou dire quoi que ce soit, elle lui tendit – ou plutôt, elle lui jeta – le plateau dans les mains, objet qu’il rattrapa de justesse.


- Pouvez-vous, s’il vous plaît Chevalier Kinal, vous en occupez pour moi ? Je suis un peu pressée…une histoire urgente avec maître Don…un truc avec des insectes géants.
- Euh…oui, d’accord. Mais c’est Linak.
- Super ! Vous, vous êtes…un bon Jedi.

Viqi, suite à ce superbe compliment, ne s’attarda pas plus longtemps et se dirigea vers Saï Don le plus rapidement possible. Elle en était certaine, ce dernier avait dû courir pour quitter le réfectoire aussi vite, il ne pouvait pas en être autrement. Elle réussit à rattraper le vieil homme et marcha à ses côtés, au même rythme que lui.

- Je réfléchissais à ce que vous avez dit. Je trouve que votre discours est un peu simpliste pour décrire la raison de faire. Néanmoins, sans pour autant le cautionner…je comprends.

Ces deux derniers mots eurent du mal à sortir de la bouche de la jeune femme, il y avait eu un temps de latence de plusieurs secondes avant qu’elle put les prononcer. C’était comme accepter un échec, sans pour autant vouloir le reconnaître.

- Je n’ai rien à vous répondre dans l’immédiat, je dois bien l’admettre, du moins pour aujourd’hui. Toutefois, je n’oublierai pas tout ce que vous m’avez dit et, qui sait, je tenterai peut-être de vous apporter une solution dans un avenir futur. D’ici-là…j’accepte vos excuses.

Si le début de sa phrase sonnait comme une promesse, qu’elle se faisait plus à elle-même que pour le vieux maître, la fin de sa phrase était plus ironique. Une fausse pointe d’humour qui lui permettait de cacher la réalité qui se dessinait face à elle. La solitude. Elle allait se retrouver seule, au milieu de ces murs imposants et froids du Temple. Saï Don avait un cours à donner, il ne pouvait pas rester éternellement auprès d’elle, surtout qu’elle n’avait plus rien à dire. Ou plutôt, elle avait énormément de choses à dire, mais elle n’osait aborder aucun de ces sujets, encore moins celui pour lequel elle s’était déplacée jusque sur Ondéron. Et pourtant…

- Permettez-moi de vous retenir encore un peu, juste le temps d’une dernière question.

Il s’agissait du bon moment. Après tout, elle avait voyagé pour trouver des réponses auprès des Jedi, il n’y avait pas de meilleur moyen d’en avoir que de poser la question à un maître. Et pourtant, les mots ne venaient pas, elle hésitait et cela se lisait sur son visage. Ce ne fut qu’au bout d’une longue et interminable minute que Viqi se décida de se lancer.

- Je…mes recherches vont sûrement durer quelques temps, il serait possible de loger ici ? Temporairement bien sûr, il ne s’agit que de quelques jours. Si ce n’est pas possible, ce n’est pas grave, j’irais directement en ville.

Il ne s’agissait pas de la question qui lui brulait les lèvres depuis son arrivée au sein du Temple, mais les mots ne se décidaient pas à venir, il lui était impossible de parler de ce sujet. Était-ce par fierté, par pudeur ou bien par peur, elle ne le savait pas. Néanmoins, cela lui permit de soulever le problème logistique du logement temporaire durant son séjour sur Ondéron. Si cela pouvait lui éviter de dormir dans les rues de la ville ou devant l’entrée du Temple, c’était toujours ça de gagné.
Saï Don
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Le vieil homme avait déposé son plateau, et avait repris tranquillement le chemin du parc, non sans remercier d’un clin d’œil le chevalier Linak de lui avoir accordé une faveur un petit peu plus tôt. Une partie de son esprit était toujours occupé à ressasser la conversation qu’il venait d’avoir avec la jeune Viqi. Il ne savait guère si ses arguments avaient fait mouche. A son âge, il savait mieux que personne qu’on ne donne pas d’eau à l’âne qui ne veut pas boire : si la jeune femme était déjà convaincue de l’absolue justesse de son point de vue, tout argument serait retourné contre lui. Le cerveau était ainsi fait : il cherchait des confirmations, pas des infirmations. Il cherchait à se rassurer. Il fallait beaucoup de sagesse pour prendre de la distance avec ses propres croyances. D’ailleurs, n’était-il lui-même pas convaincu de la bienfaisance de l’Ordre Jedi, et prompt à en défendre l’idéologie ?

Viqi réapparut à ses côtés. Peut-être ne l’avait-il pas convaincue, mais elle avait visiblement accepté d’entendre ses arguments, comme lui acceptait d’entendre les siens. Le vieil homme lui sourit paisiblement – il n’avait pas besoin de l’avoir convaincue, de toute manière. Les Jedi, même après une vie passée dans les murs du Temple, avait leur libre arbitre. Finalement, que certains padawans choisissent de quitter l’Ordre n’était-il pas, au fond, une preuve que celui-ci fonctionnait ? On pouvait s’en détacher et reprendre une vie de liberté, si c’était ce que l’on souhaitait… Et parfois même, certains revenaient.

- Voilà qui me ravit, répondit-il sur le même ton humoristique.

Aucun d’entre eux ne savait en réalité si Viqi aurait pu être cette enfant parfaite qu’ils avaient évoqué plus tôt. Maître Don doutait d’en rencontrer beaucoup, des comme cela. Mais il admettait que s’ils existaient, il devait réellement leur présenter ses excuses.

Le vieillard allait repartir, mais la jeune femme avait une nouvelle question. Une question qui tardait à venir, mais Maître Don gardait le silence. Puis elle formula une drôle de requête, celle de loger au Temple, quelques temps. Il ne put s’empêcher de sourire : c’était donc une jeune femme qui vous assurait ne plus être une Jedi, mais qui se baladait en bure et qui voulait dormir au Temple. Se mentait-elle à elle-même ?

- Faites donc, lui dit-il simplement. Signalez-vous auprès du chevalier Gorzk, le jeune zabrak que vous avez rencontré en arrivant, afin qu’il vous attribue une chambre.

Après tout, les visiteurs étaient nombreux au Temple Jedi : on y accueillit des chercheurs, des étudiants, parfois des personnalités politiques ou des réfugiés politiques. Une aile était consacrée à des logements temporaires, et les archives quant à elle ne nécessitait qu’une autorisation du Conseil, ce qui ne prenait en général que quelques jours. Le Temple n’était donc pas une bulle fermée au reste du monde, comme certains le croyaient, même s’il était malgré tout un cocon particulier pour ces jeunes enfants, car il n’y avait pas foule parmi ces visiteurs. De plus, les dossiers confidentiels ou sensibles n'étaient pas accessibles à tous – il eût été gênant que des enfants tombent sur des traités relatifs à l’usage du Côté Obscurs, par exemple. Ainsi, Maître Don ne s’inquiétait guère de ce que Viqi pouvait faire dans les archives. Lire les noms et les rapports d’anciens Jedi ? Des études sur la Force ou le rôle de l’Ordre dans la politique galactique ? A ses yeux de Consulaire, il n’y avait au contraire rien de tel qu’une bibliothèque lorsqu’on cherchait des réponses. Il ne pouvait qu’encourager Viqi dans cette voie.
Maître Don avait repris sa marche, reprenant l’un des couloirs qu’ils avaient emprunté à l’aller, non sans croiser quelques droïdes et quelques Jedi qui inclinèrent la tête en guise de salut sur leur passage. Maître Don répondait d’un même geste, tout en poursuivant sa conversation.

- Je suppose qu’il est inutile de vous rappeler que les droïdes d’assistance vous seront d’une grande aide, sur place. Certains padawans studieux seront aussi certainement enthousiastes pour vous donner un coup de main, si vous le désirez. Votre chambre sera certainement prête ce soir, et vous pourrez vous rendre au réfectoire pour les repas. Nous ne manquerons pas de nous y croiser ! Cependant…

Maître Don se tourna vers elle. Ils étaient désormais à une intersection et, s’il prenait le chemin du Conseil pour y consulter quelques dossiers avant de repartir enseigner, leurs chemins devraient se séparer ici. Le vieillard tendit une main devant lui, vers Viqi. Mais cette fois-ci, ce n’était pas pour prendre celle de la jeune femme.

- … Si vous n’êtes plus un chevalier Jedi, je vais vous demander de me donner votre sabre. Vous comprendrez certainement que nul étranger ne peut résider ici, parmi ces enfants, avec une arme. Lorsque vous repartirez, si vous le désirez, vous viendrez le chercher à la Chambre du Conseil. Il suffira de demander à K6-K6, notre droïde protocolaire.

Tout ceci, bien sûr, si et seulement si elle n’était pas des leurs…
Viqi Donos
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Saï Don accepta la demande de Viqi, cette dernière en fut ravie et quelque peu surprise. Elle ne s’était pas attendue à voir toutes ses demandes acceptées, elle hésita durant un instant à demander quelques avantages supplémentaires. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors que le vieil homme permit le séjour de la jeune femme au sein du temple, il lui procura également quelques conseils supplémentaires afin de faciliter ses recherches. L’ancienne en était heureuse, mais elle resta méfiante. Depuis son arrivée au sein du Temple Jedi, elle avait pu voir les talents du maître Jedi afin de retourner la situation, avec talent et diplomatie, à son avantage. Il savait user des demandes et besoins de son interlocutrice afin d’en tirer parti. Il n’agissait pas de manière malveillante ou avec une volonté de la léser, il cherchait à garantir sa sécurité et celles des personnes du Temple. Et le couperet finit par tomber.

- Cependant, si vous n’êtes plus un chevalier Jedi, je vais vous demander de me donner votre sabre. Vous comprendrez certainement…

Viqi n’écouta la suite que d’une oreille peu attentive. Son sourire venait de disparaître. À l’énoncé de cette phrase, elle recula d’un pas, la main sur sa bure appuyant à l’endroit où se situait l’arme en question.

- Non !

La réponse fut rapide, sèche. Saï Don avait à peine terminé sa phrase qu’elle lui balança cette cinglante réplique courte, mais en qui disait long. Il était hors de question pour elle de se désarmer, de se mettre à nue, durant toute cette période. Lui fournir son sabre laser revenait à lui confier sa vie, sans son arme elle n’avait plus de moyen de se défendre. Mais se défendre contre quoi ? Personne ici n’allait l’attaquer ou la menacer, elle non plus n’avait aucune intention d’agresser qui que ce soit. Chose qu’elle n’hésita pas à mettre en avant pour sa défense.

- Je suis venue en paix, vous le savez. Je ne suis pas venue dans l’optique de vous faire de mal, que ce soit vous ou les jeunes apprentis. Il n’y a aucune raison à ce que je vous confie mon sabre.

Le vieil homme continuait de tendre la main, silencieusement. La remarque, aussi sincère était-elle, ne suffisait pas à convaincre Saï Don de ne pas récupérer le sabre laser. « Si vous n’êtes plus un chevalier » avait-il dit, était-ce donc ça qui le tracassait ? Et si elle reconnaissait être une Jedi ? Après tout, ce n’était l’affaire que de quelques jours. Mais n’était-ce pas cela le piège ? Le reconnaître et se retrouver piégé dans cet endroit pour le reste de sa vie.

- Vous n’avez qu’à me considérer comme chevalière Jedi à mi-temps ou en période d’essai...genre je suis des vôtres juste le temps de trouver mes réponses et ensuite on fait une rupture de contrat à l’amiable. Cela ne vous convient pas ?

Silence. Aucune réponse de la part de Saï Don qui gardait la main tendue. Il n’avait aucune envie de négocier. Les choix restants pour Viqi étaient donc limités. Elle n’avait pas l’intention de partir, ni de reconnaître un statut qui n’était pas le sien. Il ne lui restait plus qu’une seule solution. Elle ouvrit sa bure et décrocha son sabre laser de sa ceinture. Durant un court instant, l’idée d’assommer le vieil homme lui traversa l’esprit, elle pouvait planquer le corps dans un coin et dire qu’elle n’avait rien vu. Si l’idée était plaisante, la jeune femme savait pertinemment que cela n’était absolument pas réalisable.

Elle continua son geste lentement. Sa main droite tenait fermement l’arme qu’elle approchait de celle du vieux maître. Elle réalisait ce geste à regret et elle ne s’en cacha pas. Elle finit par poser le sabre laser dans la main de Saï Don, qui l’attrapa, sans pour autant détacher la sienne du pommeau. Il lui était bien trop difficile de se séparer de ce seul bien qu’elle possédait et qui appartenait à une époque qu’elle cherchait pourtant à fuir.


- Vous ne me faites pas confiance. Avouez-le. Pourquoi devrais-je vous faire confiance en restant désarmée au milieu des vôtres ?

Elle insista sur le dernier terme. Elle ne savait pas trop si c’était plus pour elle, afin de se rassurer, ou pour le maître Jedi afin de souligner son détachement total de l’Ordre Jedi. Encore plus lentement que son geste précédent, elle détacha ses doigts un à un de son sabre laser avant d’éloigner complètement sa main. Elle recula en douceur du vieux maître, comme si ce dernier pouvait réagir brutalement au moindre geste brusque. Désormais, elle était désarmée, elle n’avait plus rien pour combattre ou se défendre.

- À moins que vous ne vouliez me dépouiller de ma tenue, il me ne reste plus qu’à aller voir la personne que vous m’avez désignée pour m’occuper de toutes les formalités nécessaires. Et ne vous en faites pas, je ferai en sorte de ne pas déranger les padawans, ni qui que ce soit d’ailleurs, durant ma présence ici.

Elle garda le reste des sarcasmes qu’elle avait en stock pour elle, il était inutile de se montrer plus pénible qu’elle ne l’était déjà. Au fond d’elle, la demande de Saï Don était raisonnable et il avait tout à fait raison de ne pas lui faire confiance. Elle avait simplement du mal avec cette séparation, c’était comme se séparer d’une part d’elle-même.
Saï Don
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Malgré le refus catégorique de la jeune femme, Maître Don tendit une main, paume levée vers le ciel, vers elle. S’ils n’avaient pas été dans un Temple Jedi vêtus de leurs bures, on n’aurait pu le prendre pour un mendiant quémandant quelques crédits à… une autre mendiante. Mais le Jedi ne se souciait guère des apparences et il resta planté là, un demi-sourire paisible accroché sur le visage, tandis que Viqi débitait des arguments, auquel il ne répondait pas. Le Temple ouvrait lui grand ses portes, était-ce tant pour Viqi que de donner à son tour un gage de bonne volonté ?

Mais enfin, elle consentit. Elle déposa son arme au creux de la main du vieillard, qui referma ses doits sur le pommeau. Il fallut encore un instant afin que le sabre soit totalement libre, avec la contrariété de la jeune femme.

- N’oublions pas qu’entre le lapin sans défense et un dragon krayt, celui qui a le plus de courage quand il s’agit de sortir de son refuge, ce n’est pas le dragon, dit Maître Don avec son habituel sourire malicieux.

Tandis qu’il allait lui souhaiter un bon séjour au sein du Temple, cependant, un cliquetis précipité se fit entendre derrière lui, et le vieillard se retourna, l’air interrogateur. Un droïde de protocole à la parure d’un métal luisant, s’activait en marchant précipitamment à sa rencontre.

- Maître Saï Don ! s’exclama la créature métallique, les yeux luisant de trouble.
- Que se passe-t-il, K6 ?
- Maître Sodervall cherche à vous contacter de toute urgence. Il dit que l’incident s’est encore produit.

Maître Don leva un sourcil tandis que le droïde cessait enfin sa course effrénée à proximité du duo improbable. Puis le vieillard finit par hausser les épaules.

- L’incident, dis-tu… ?


Il eut un regard interloqué à droite puis à gauche. En fait, non, il ne voyait pas du tout de quoi parlaient Maître Sodervall et K6-K6.

- OUI MAÎTRE. L’INCIDENT.
- Ah.

Le vieil homme échangea avec Viqi un air entendu de celui qui sait de quoi il en retourne (pas du tout) et certainement d’une affaire gravissime (ou pas).

- Transmets la communication dans la Chambre du Conseil et fais-le patienter, je viens immédiatement, dit-il avant de diriger son pas vers le droïde, mais son regard resta un moment accroché à la jeune femme. Il me semble qu’il est l’heure de nous quitter, on dirait. Si vous voulez que nous déjeunions de nouveau ensemble, ce sera avec plaisir, bien sûr.

Déjà K6-K6 repartait de son pas saccadé, les bras à demi soulevés comme si la situation était dramatique. Le vieil homme se retourna pour le suivre, mais avant cela, il se permit un dernier geste de la main vers la jeune femme, en guise de salut. Son autre main tenait toujours le sabre de l’ancienne Jedi.

- Amusez-vous bien. A bientôt Anna !


Et il disparut en accélérant le pas, sa canne tapant le sol comme les secondes sont égrenées sur une vieille horloge au tic-toc irrégulier.


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