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Le petit cours d’eau qui se tortillait dans le parc du Temple s’écoulait vivement, laissant pleuvoir son contenu le long des roches de la cascade perdue au cœur de la végétation, laquelle laissait rayonner toute sa présence dans la Force, dont le flux semblait s’étendre en une infinité de directions et de sens, tel une toile d’araignée si gigantesque que ses filaments se chevauchaient. Le calme du parc, vaste terrain de jeu et d’entrainement pour les initiés comme pour les padawans venait s’écraser contre les échos violents, bruyants de l’eau s’écrasant contre la roche, avant de s’étaler en remous dans le petit gouffre qui précédait la fuite du cours d’eau vers d’autres horizons. Coincé entre arbres et buissons, le lieu semblait être une parfaite reconstitution de la végétation qui poussait et encerclait le Temple. Un petit bout de la jungle d’Ondéron, épuré de tous ses dangers pour n’en garder que la quiétude et la sérénité de sa végétation. Un calme parfois bafoué par les quelques cris et rires des initiés qui couraient et jouaient dans ses alentours, parfois sans même connaître l’existence de ce voisinage. Je l’avais moi-même découvert par hasard alors que je n’avais que neuf ans, lors d’une course d’orientation où je m’étais malencontreusement égaré. Depuis ce jour, ce lieu paisible était devenu un de mes refuges préférés où je pouvais méditer et m’exercer en paix loin des salles prévues à cet effet. C’était aussi le lieu parfait pour s’ouvrir à la Force Vivante et ne faire qu’un avec l’environnement -Difficile de réitérer cet exploit entre quatre murs dénué de toute vie. J’aimais tout particulièrement ce lieu car, et même si le Code affirmait qu’il n’y avait pas d’émotions, il rappelait des souvenirs qui avaient orienté ma voie dans la Force. Je me rappelais encore de cet entrainement avec Hopeful, où j’avais fais connaissance avec son enfance obscure passée au fin fond d’une arène, tel un chien de combat devant massacrer pour survivre. Pour être sincère, je n’avais jamais vraiment compris Hopeful, et ce n’était pas mon passage sur l’Atramentar qui m’avait permis de combler mes lacunes. Bien au contraire, mon expérience chez les Sith n’avait fait que renforcer ma méfiance envers ceux qui avaient choisi de quitter l’obscurité pour se tourner vers la lumière.

Après toutes ces atrocités, étaient-ils réellement fiables ? Pouvant-on leur faire confiance ?

C’est dans des lieux comme celui-ci que j’essayais souvent de trouver les réponses à toutes ces questions. C’était aussi dans ce genre d’environnement que je préférais développer mes compétences, tant martiales que mystiques. L’eau était l’élément parfait pour s’exercer, un fluide fuyant et pourtant consistant. J’avais découvert toutes ses caractéristiques avec Hopeful, justement, lorsqu’il m’avait fait la démonstration de sa télékinésie. Depuis ce jour, je m’exerçais de la même manière en enveloppant la nappe, en la soulevant et en la contorsionnant dans un spectacle que j’avais moi-même qualifié de surprenant, pour ne pas dire spectaculaire. Mais ma maitrise de la télékinésie n’était pas parfaite pour autant, et il m’arrivait parfois de recevoir tout le volume sur la figure. Les risques de l’entrainement, dirons-nous.

Combien de fois avais-je médité sur la Force, assis sur l’un des multiples rochers qui émergeaient de la surface de l’eau ?

L’un de mes exercices favoris consistait à escalader les rochers qui longeaient la cascade, pour venir me glisser derrière la chute d’eau, à l’abri du liquide mais à l’écoute des échos de son chahut. C’était là encore un endroit parfais pour méditer. Un peu exigu cependant, mais parfait pour s’ouvrir à la Force et se libérer des contraintes physiques. J’appréciais également l’endroit pour une autre raison : sa cascade, dont l’eau pouvait vous submerger si vous vous en approchiez trop.

C’était un exercice parfait, auquel j’aimais bien me soumettre après une courte méditation. Ouvrant les yeux, mes mains glissaient le long de ma tunique légèrement froissée mais lisse. Apposant ma paume sur le rocher, je venais ressentir sa froideur pour y prendre appui et me redresser. Ma dextre venait, elle, prendre appui sur le plafond incurvé alors que je m’avançais vers la pointe rocheuse qui transperçait la cascade. Ouvert à la Force, je ressentais sa puissance. Je l’évaluais pour mieux m’en protéger, alors que se dessinais déjà autour de moi la bulle protectrice, ce bouclier issu de la Force que j’avais tant utilisé pour me protéger des mes ennemis autant que des éléments. Comme je l’avais fais dans les égouts avec Kara et Zélonion, je venais protéger mon enveloppe physique tout en m’avançant sous la cascade. L’eau venait s’écraser en chute libre contre l’enveloppe de mon bouclier, rebondissant et s’écoulant sur son pourtour alors que, les yeux clos, je m’abandonnais de nouveau à la Force, et donc à mon environnement. Je venais ressentir la pression qui s’exerçait, de sorte à transformer ma bulle de protection en bouclier défensif plus localisé, de sorte à en concentrer la puissance là où l’effort se faisait le plus important.

J’avais appris à transformer mon bouclier généralisé en une défense localisée il y a de ça quelques années, lorsque j’avais pris le temps de pratiquer intensivement cette technique, avant d’en faire l’usage inné lors de cette fameuse fugue dans les égouts, le jour de l’Équinoxe d’Ondéron. A présent, je cherchais à perfectionner la technique, de sorte que je n’ai plus à passer par le premier stade pour obtenir une protection localisée, mais aussi pour renforcer la puissance de ce même bouclier qui finissait par s’user avec le temps, au point de m’épuiser et de me forcer à y renoncer. Certains m’avaient fait la remarque comme quoi il était préférable de s’entrainer face aux sondes d’exercices, et donc de se protéger contre des décharges énergétiques devant simuler des tirs de blasters. Pour ma part, je trouvais que l’usage de l’eau comme « assaillant » permettait d’exercer une pression constante, et donc de connaître plus aisément ses limites.

Et le fait était que les miennes étaient assez rapidement atteintes lorsque je devais me concentrer de la sorte, car c’était tout de même une méthode moins innée que de générer une protection tout autour de sa personne. Rajouté à cela une légère ondulation dans ma connexion avec mon environnement et je me retirais après seulement quelques instants, voir quelques minutes. ; je n’étais certain du temps, car c’était quelque chose qui devenait très relatif pour moi une fois que j’étais connecté à la Force.
Je me retirais donc, pour éviter de finir trempé, voir de chuter en avant pour faire un grand plongeon. J’ouvrais les yeux, mon regard coulant instinctivement de côté, dans l’espoir que je puisse discerner l’origine de cette onde, de ce remous qui m’avait déstabilisé. Une chose impossible en l’état, et je quittais donc mon repaire, passant au-delà de la cascade pour redescendre sur les berges du cours d’eau.

Intrigué, je laissais mon esprit se plonger dans la toile qu’était la Force, à la recherche de ce filament qui avait m’avait ébranlé. L’avantage d’être au Temple était que la plupart des auras étaient « pures », parfaitement lumineuses. Il était donc aisé de ressentir les perturbations, d’autant plus lorsque celles-ci étaient très proches de vous et accompagnées par une aura que vous reconnaîtriez entre mille : Maitre Saï Don.
De fait, et en faisant appel à mes souvenirs, il était facile de déduire l’identité détentrice de la seconde aura ; ce Padawan qui, avant de rejoindre le Temple, fut au service des Sith. Comme Hopeful l’avait été avant lui.
Je comprenais mieux pourquoi l’aura m’avait perturbé, pourquoi ma curiosité était piquée à vif. En plus de sa condition spécifique, j’avais pu ressentir son ouverture caractéristique à la Force. Une ouverture similaire à celle que je venais de pratiquer. Un bouclier de Force.

Mon regard glissa doucement vers les feuillages, alors que je ressentais passivement le départ de Maitre Don. La raison de son départ, elle, m’était inconnue. En soi, cette raison ne me regardait pas, et mon esprit s’ouvra plus indiscrètement vers l’aura restante, vers celle de son Padawan. L’occasion était parfaite pour s’introduire, et surtout pour satisfaire ma curiosité. C’était l’occasion d’avoir des réponses à des questions qui trottinaient dans mon esprit depuis trop longtemps. Depuis l’Atramentar. Des questions qui, à l’époque, avaient remit en question ma vision de cette catégorie de personnes ; des rescapés de l’obscurité.

Je m’étais avancé à travers les quelques buissons de manière presque instinctive et sans la moindre discrétion. Si bien que lorsque j’émergeais de l’autre côté, l’Épicanthix était toujours là. Je ne lui avais jamais adressé la parole auparavant- en avais-je seulement eu l’occasion ?, mais il était temps de briser-du moins je l’espérais, les doutes que je pouvais avoir sur sa personnalité.

Je faisais quelques pas de plus, histoire de quitter l’orée des buissons pour m’avancer doucement vers lui :

« Besoin d’aide ? »

C’était peut-être le meilleur moyen d’entamer la conversation que de lui proposer mon aide sur un sujet que je maîtrisais correctement, sans pour autant faire preuve d’excellence.
Je souriais doucement, bien qu’il me fût difficile de masquer ma crispation. Après tout, ma rencontre avec Hopeful s’était tout de même terminée à l’infirmerie !

« Je ne voulais pas te surprendre, j’ai seulement l’habitude de m’exercer au bord de l’eau, là, de l’autre côté. J’ai ressenti ta connexion, ton bouclier de Force. »

Bon, ok. Je n’étais pas à l’aise du tout. Mais bon, on ne fait comme on peut, pas vrai ?

Espérons juste qu’il ne détale pas comme un lapin ! Qu’est-ce que je dirais à Maitre Don, moi, après ça ?

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« Décidément, je n’y arrive qu’une fois sur deux … »

Frustré, Yun ne put empêcher une moue agacée de se peindre sur son visage, qui s’effaça bien vite pour laisser place à une aura de pure concentration tandis qu’il fermait les yeux une fois de plus et se liait à la Force, laissant son esprit être porté par sa douceur ondoyante, sentiment si particulier pour un être dont le cerveau était ordinairement fermé à sa présence. Il y avait un sentiment étrange à faire cela pour un épicanthix, comme s’il tordait la nature même de son espèce pour avoir une connexion qui n’était pas prévue. Sans compter l’aspect ésotérique particulier de la chose, ici, dans le parc du Temple d’Ondéron, lieu baigné d’énergie lumineuse et véritable puit de jouvence pour le jeune homme qui avait côtoyé l’obscur et se gorgeait de cette puissance éclatante qui le faisait sortir de ses doutes, l’illuminait, l’inspirait pour aller de l’avant et continuer à croître sous l’égide de son maître.

Une fois encore, ce dernier avait été mis à rude épreuve. Parfois, Yun craignait que le voir être ainsi au premier rang de tous les combats ne signifie sa perte prochaine. Maître Don n’était plus tout jeune, et sans qu’il ne le dise, le colosse avait la sensation que le vieillard sentait parfois le poids des ans peser plus que nécessaire. Parfois il se souvenait des attentions de son précédent padawan, Luke Kayan, comme cette fois où, pour leur première mission, il lui avait confié une écharpe chaude à remettre à leur aîné. A l’époque, une telle marque d’affection l’avait un peu déstabilisé. Naïvement, et hâtivement, il l’avait jugée presque contraire aux idéaux de détachement prônés par l’Ordre. Aujourd’hui … Il comprenait les raisons de son geste, mû lui-même par une profonde affection à l’égard de son professeur et mentor. Peut-être que s’il avait un successeur, il ferait de même, et regarderait de loin son maître discuter avec ce nouvel et jeune esprit qui prendrait sa place, comme le voulait la loi du temps qui passe.

Quelque part, Yun aurait voulu assurer à son maître qu’il était prêt pour le suivre, la prochaine fois qu’une mission aussi dangereuse l’attendait. Qu’il désirait l’aider, le protéger. Il n’osait pas, convaincu de ne pas être encore suffisamment entraîné, de ne pas avoir la force nécessaire pour résister s’ils croisaient le chemin d’un ennemi trop imposant. Le souvenir de ses imprudences coupables sur Lorrd le tenaillait encore, malgré les années passées. Lorrd … A ce mot, son estomac se contracta. Des voix murmuraient que Maître Don et Maître Manteer venaient du secteur Kantz, quand ils avaient surgi dans l’atmosphère de Dubrillion. Est-ce que l’Empire, les siths étaient au courant ? Si oui, que feraient-il ? Se vengeraient-ils sur la population innocente de la planète glacée ? Cette perspective l’horrifiait. Déjà, toutes les vies sacrifiées quelques jours auparavant le rendaient malade. Bien sûr, c’était pour une noble cause. Mais tout de même … Quel coût. Il y avait en lui un profond sentiment de tristesse.

Quelques camarades padawans avaient également péri, notamment de jeunes apprentis au service de l’Explocorps et qui vaquaient à une mission dans la Bordure avec un instructeur. A bord de leurs chasseurs, ils avaient courageusement défendu leur vie … Mais avaient péri. Pour avoir fréquenté un temps ce corps en raison des renseignements qu’il pouvait apporter au vu de son passé, le colosse avait été durement touché par la nouvelle. Son idéalisme révélait des failles. La pureté commandait de condamner. Le but noble à atteindre de cautionner. Que faire ? Que décider ? Désormais, le garçon comprenait mieux les précautions de son maître, ses mises en garde sur ce que ses désirs d’absolu pouvaient engendrer comme conflits. Alors, pour continuer à croire sans voir ses illusions se briser, Yun s’en remettait à la Justice, cette force immanente à laquelle il se sentait consacré, vers laquelle il dérivait chaque jour un peu plus.

Depuis leur dernier entraînement, les occasions se faisant rares puisque son maître était accaparé, eu égard à la situation, par les réunions du Conseil, récemment reformé qui plus est, l’épicanthix se concentrait pleinement sur sa capacité à percevoir la Force comme il l’avait fait sur Lorrd et au moment de tisser le Bouclier de Force le protégeant des assauts de l’humain ridé. C’était une façon particulière, difficile, mais quand il y parvenait, il se sentait en harmonie avec cette dernière, comme habitée par la seule certitude de l’immensité de l’espace et du temps, de l’inéluctabilité de sa volonté. Seulement, la contrepartie était un apprentissage lent, hasardeux, délicat, qui mettait à rude épreuve sa maîtrise seulement correcte des arts consulaires.

Lentement, pourtant, une énergie se forma, tremblotante, puis plus forte. Yun se focalisa sur son envie de rendre justice, hommage à l’âme de ses camarades de l’Explocorps disparus, et bientôt, le Bouclier se fit plus solide, plus profond, plus lisse. Peu à peu il gommait les aspérités … Mais le vol d’un papillon qui le frôlait le déconcentra brutalement, et le fit relâcher sa pression. Comme un ballon de baudruche percé, le Bouclier disparut, percé, laminé. Quant à son maître, après quelques conseils et encouragements, il le laissa à ses entraînements, devant sans plus tarder rejoindre ses pairs.

Resté seul, le jeune homme poussa un léger soupir avant de repartir à l’assaut de la Force, déterminé. A nouveau, le Bouclier tremblotant réapparut, sans que le garçon ne lâche prise, prêt à réussir l’exercice qu’il s’était assigné. Il y était presque parvenu quand une voix masculine inconnue retentit. Surpris, il se retourna, relâchant sa concentration. Son interlocuteur n’était pas une figure inconnue au Temple. Malgré leur écart d’âge mineur, le Chevalier Draayi était déjà adoubé depuis plusieurs années, et avait participé à moult événements ces derniers temps. On disait qu’il avait épaulé le Maître El’Dor contre une sith redoutable sur Dubrillion. Bref, c’était un être qui méritait son respect, autant par protocole que par reconnaissance pour ses faits d’armes. Aussi il s’inclina immédiatement devant lui, comme le voulait la coutume :

« Mes respects, Chevalier. Je m’entraînais à son usage, en effet. A une manière de le faire apparaître que j’ai découvert avec mon maître, plus exactement. »

L’air embêté, le padawan finit par confier :

« Mais je n’obtiens pas … Les résultats escomptés. Du moins, pas totalement. »

Ce qui était pour le moins contrariant, il fallait bien l’admettre.

« Je ne voudrais pas vous monopoliser la matinée, cependant. Vous avez sûrement vos propres entraînements à mener. Ou envie de profiter du parc sans ma présence. »

Il regarda l’homme.

« Je peux le comprendre aisément. »

Il n’était pas obligé de supporter la présence d’un ancien sith.
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Première bonne nouvelle, je ne lui avais pas fait peur ! La dernière chose que je voulais, c’était de le voir prendre ses jambes à con cou. Fort heureusement, je ne ressemblais pas à l’un de ces méchants d’holofilms d’horreur, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça aide quand même pas mal. Je me demande d’ailleurs comment certains Sith pouvaient faire pour ne pas effrayer tout le monde rien qu’à la vue de leur visage. Oh, les Sith n’étaient pas les seuls dans cette situation, mais tout de même, la question se pose, non ? Je ne me qualifierais pas de beau gosse pour autant, hein, parce qu’avec cette bure i faut admettre que l’on n’a pas tout le temps la classe. Enfin, Darel m’a bien soufflé que j’étais plutôt pas mal. Mais bon, ça reste Darel ! Je ne suis pas dupe et je me doute bien que je n’étais pas le premier et je ne serais pas le dernier à visiter sa soute. Bien que penser à cette idée ne soit guère plaisant, je préférais tout de même être réaliste que de me voiler la face ! Enfin bref, je m’égare ! Ce n’était pas de ça dont je voulais parler avec l’Épicanthix.- Encore heureux me direz-vous.

Je m’inclinais presque immédiatement pour lui rendre ses salutations dans le pure respect des traditions, avant de venir écouter avec une certaine attention ce qu’il venait me dire, mais il était frustrant de ne pas pouvoir ressentir mentalement ce qui venait tracasser l’ancien Sith. La Force permettait en effet de développer son empathie, mais c’était bien inutile face à un Épicanthix. Il m’était impossible de franchir la moindre barrière, et donc de comprendre plus en détail le tracas, la frustration ou encore l’incompréhension qu’il pouvait ressentir face à l’échec. Tout devenait si facile lorsque vous pouviez aller au-delà de la barrière des mots pour comprendre les bloqueurs et les supprimer, et c’est dans ce genre d’exceptions que je me rendais compte que j’étais avant tout un simple individu, un homme parmi les autres, et que ma connexion à la Force n’était bien qu’un don.

Alors évidemment, la Force régnait en chaque être vivant, si bien que chacun pouvait la ressentir voir même la toucher quand bien même il n’avait pas été dépisté comme « sensible ». Ce terme était là pour désigner ceux qui étaient capable de s’en servir, c'est-à-dire ceux disposant d’une affinité si forte qu’il pouvait faire plus que la toucher. Pourtant, cela n’empêchait pas les autres de venir l’atteindre, ou du moins de la contempler. Il y avait une raison pour laquelle les Jedi méditaient régulièrement, voire constamment. La méditation profonde et régulière était le moyen de réveiller les sens et d’activer ce que l’on appelait les midichloriens. En méditant régulièrement, pendant de très longues périodes, tout individu devenait capable de ressentir le flux mystique qui le transcende. Alors évidemment, les « non-sensibles » pouvaient méditer autant qu’ils le voulaient, ils ne parviendraient pas à s’en servir comme nous en étions capable. Le gouffre à franchir était bien trop grand.

Mais Yun n’était pas dans cette catégorie, auquel cas il n’aurait pas été là. Au fur et à mesure qu’il explicitait son problème, j’en venais à me demander si ce que je faisais était réellement judicieux. Quand bien même Maitre Don l’ait prit comme Padawan, il restait avant tout un ancien Sith. Rien que le fait d’y penser faisait ressurgir en moi un certain malaise et me rappelait le froid qui régnait en leur présence. Un froid et un vide sinistre qui vous glaçait le sang. Yun ne s’en rendait peut-être pas compte, et sans doute malgré tout ses efforts, mais ses origines raciales faisaient ressurgir ces impressions au cœur de mon être. Alors évidemment, ce n’était pas aussi puissant et la sensation était tout de même différente, mais la sensation de vide était bien là. C’était sans parler de l’appréhension et la méfiance que j’avais à l’encontre des Sith. Je les avaient vus agir à de nombreuses reprises, et j’avais même été leur prisonnier. Ce que j’avais vécu en leur présence ne faisaient qu’alimenter le scepticisme que j’avais à leur égard. J’en étais même venu à me demander s’ils méritaient le droit à une seconde chance, le droit d’être sauvés de leur déviance après tout ce que leur Ordre avait fait contre la galaxie. Faire face à l’un de ces rescapés était clairement déroutant, et je ne pouvais cacher la méfiance que j’avais à son égard, quand bien même il avait été approuvé par le Conseil et choisit par Maitre Don. C’était là de la méfiance qui alimentait mes doutes et faisait remonter mes craintes. C’était là des pensées à abattre, à faucher avant qu’elles ne puissent prendre racines dans mon esprit. Léonard m’avait appris à le faire, et l’une des méthodes consistait à prendre le risque de faire confiance, à prendre le risque d’y faire face. La manière de le faire variait beaucoup, car les scénarios, les raisons étaient infiniment différentes. Mais au final, parvenir à éliminer ces pensées, ces craintes, revenait d’une certaine manière à passer ce que l’on appelait communément chez les Jedi l’Épreuve de l’Esprit.

« Je vois. »

Du moins, je voyais partiellement ce dont il voulait parler. J’hésitais encore à l’aider, surtout qu’il m’offrait l’opportunité de décliner. Mais refuser ne ferait pas avancer les choses, de son côté comme du miens. Prenant en considération la chose un instant, je finissais par avancer dans sa direction. Je devais faire céder cette barrière une bonne fois pour toute. J’avais besoin d’être rassuré dans les croyances et les principes que j’avais profondément fait miens. Je voulais être certain que je pouvais faire confiance à un ancien ennemi, comme j’avais finis par faire confiance à Gruu il y a plus de dix ans.

« J’ai un briefing pour une mission dans deux heures. Je ne faisais que passer le temps, alors autant le faire utilement.

Je peux peut-être t’aider. »


Il afficha un léger sourire, avant de se positionner à côté de Yun. Premièrement, il lui fallait comprendre quel était le problème. Il avait lui-même appris à manier le bouclier de Force, mais il l’avait appris à ses dépends, pour sauver sa vie. Puis, il avait travaillé la chose sur la cascade, avec un but précis. Depuis, il maîtrisait la méthode, le principe. Pour Yun, la chose était peut-être différente.

« Commençons par le commencement… Hum…

En quoi consistait ta manière de faire, à l’instant où tu es parvenu à le faire apparaître ? »


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La Force tourbillonna brièvement autour du chevalier jedi une fois que Yun eut prononcé sa dernière phrase, comme s’il hésitait légèrement, ou comme si la perspective le mettait légèrement mal à l’aise. A force de sentir cette réaction à son approche dans le Temple, l’épicanthix la reconnaissait sans mal, d’autant plus que sa capacité à détecter les remous de l’entité mystique les plus fins s’était considérablement améliorée depuis ses débuts dans l’Ordre jedi. On aurait pu croire qu’un géant comme lui aurait axé tout son entraînement sur les aptitudes physiques et au sabre. Certains l’y avaient poussé, d’ailleurs. Lui-même avait manqué s’y résigner. Et pourtant … Les résultats étaient tout autres. Lentement mais sûrement, il améliorait sa connexion, ses pouvoirs grandissaient, se diversifiaient … Parfois vers des extrémités auxquelles il avait cru renoncer, et qu’il avait transformé en une nouvelle énergie lumineuse auprès de son maître. Lorrd avait été en cela un déclic, le principal tournant de son existence avec Arkania, où il avait appris à mettre de côté sa réserve. Quelques années auparavant, jamais il n’aurait osé parler de son entraînement à un chevalier qu’il ne connaissait, à jouer à l’importun de cette manière. Depuis, il avait progressé aussi dans le domaine des relations sociales, encore qu’il fallût l’admettre, ce ne serait jamais son fort.

Pour autant, Yun avait d’autres motifs de satisfaction. Sa sensibilité avait considérablement forci, et lui qui n’avait jamais été doué avec la Force, obtenait maintenant de biens meilleurs résultats pour la manipuler, le faisant de plus en plus réfléchir vis-à-vis de son orientation future. Il n’en avait pas encore parlé à son maître, attendant simplement le moment où ce dernier le jugerait prêt, cependant, il savait que sa quête du cristal finirait fatalement par arriver. Cela faisait plus de trois ans qu’il était le padawan de Maître Don, et il savait que viendrait le moment où il devrait réfléchir plus amplement à son avenir, à ce à quoi il voulait réellement consacrer son existence. Enfin, cela, il le savait : défendre les plus faibles. Lutter contre toute forme d’oppression. Etre un vecteur d’annihilation de l’obscur. Devenir le bras armé de la lumière. Néanmoins, diverses voies s’offraient à lui pour le faire, et s’il avait au départ naïvement pensé que ses capacités physiques le destinaient à la carrière de gardien … Les derniers événements le faisaient douter. Sa philosophie s’affinait, de même que sa maîtrise de la corde raide entre l’ombre et la clarté. Il avait conscience qu’autre chose était possible. Il craignait simplement de ne pas en être capable. Il lui répugnait d’abandonner ses idéaux premiers, finalement, ce pour quoi il était entré dans l’Ordre, à savoir la purgation de ses maux, et de ceux de la galaxie par une voie balisée, éclairée par d’autres avant lui. Le reste le condamnait à la solitude, au danger de n’être que son propre guide, d’être confronté à un monde extérieur qu’il ne cessait d’exécrer … Et de renoncer à ce qu’il aurait tant voulu obtenir des années auparavant. Le constat était amer, le choix douloureux. Son incapacité à produire un bouclier de Force, emblème des gardiens et du côté lumineux n’en était que plus frustrante, que plus obsédante. Il avait besoin de se prouver qu’en avançant sur un terrain nouveau, dangereux, il n’avait pas abandonné ce qu’il considérait comme indispensable : continuer à avancer sur la voie des jedis, sur cette pente telle qu’il l’avait toujours conçue : absolue. Vraie. Forte. Profonde.

La question du chevalier le replongea dans l’expectative. Il douta soudain de sa proposition, très gêné par cette interrogation pourtant simple et légitime, regrettant presque de s’être fait surprendre, quand bien même un peu d’aide ne lui ferait clairement pas de mal. En effet, il n’était pas sûr que révéler sa nouvelle méthode pour manipuler la Force soit … disons, du meilleur effet pour un nouveau venu qui ne savait de lui qu’une seule chose, hormis qu’il était l’apprenti de Maître Don, comme le reste du Temple : il était un ancien sith. Et voilà qu’il devait dire qu’il ne manipulait plus la Force selon les canons exacts de ce qu’il considérait être l’orthodoxie jedi. Son front se plissa imperceptiblement, tandis que son cerveau était au supplice à force d’imaginer des moyens de contourner le problème. Un bref instant, il envisagea même le mensonge, avant d’en écarter la possibilité avec dégoût. Il n’en était pas encore là, tout de même. Après tout, il avait reçu l’aval de son maître, c’était même ce dernier qui l’avait encouragé ! Aussi commença-t-il prudemment :

« C’est … une façon de manipuler la Force que j’ai expérimenté récemment avec Maître Don. Peut-être un brin … originale. Par rapport aux méthodes traditionnelles. Si l’on peut dire. »

Maintenant … L’explication proprement dite. Le moment délicat, en somme :

« Je me plonge dans la Force et je … dérive en elle. Je ne saurais comment expliquer, mais je m’immerge dans un temps qui n’est pas le nôtre. Et je vois le passé, le présent, des futurs d’une même scène que j’invoque au nom de la justice. J'accepte que je ne peux pas forcément changer ce qui est, ce qui doit être. Je le ressens pleinement. Je sais que je ne suis que poussière dans une éternité. Mais j'essaye humblement de proposer une tentative plus ... équilibrée à la Force.

Tout se concentre autour de cette notion. Je lui demande de m’épauler pour rendre le monde autour de moi plus … juste. Et elle m’a répondu, auparavant. La Force, je veux dire. Pour ce pouvoir … Et d’autres. Mais en ce moment … Je n’y arrive pas. Plus. »


Fuyant son regard, Yun se gratta la tête, mal à l’aise :

« Je ne sais pas si je suis très clair. »

Ce qui pour un jedi, était tout de même un comble …
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Je l’écoutais attentivement. Ses propos n’étaient pas très clairs, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il parvienne à me décrire avec exactitude ce qu’il cherchait à reproduire. Plus il parlait, et plus j’avais l’impression que ses propos devenaient confus. Pourtant, l’explication était bien là, et je ne parvenais pas encore à la cerner. Mais d’une certaine manière, ce n’était pas non plus très étonnant. Je n’étais Chevalier que depuis quelques années et mon expérience de la Force encore bien limitée. D’ailleurs, je savais par expérience que c’était bien souvent lorsque l’on pensait enfin comprendre la Force que l’on se rendait compte que l’on ignorait tout d’elle.

C’était l’impression que je ressentais à cet instant précis, alors que lui semblait perturbé et gêné de m’exposer sa vision des choses. En réalité, la scène était assez ironique car j’étais moi-même quelque peu embarrassé. Je n’avais jamais pu parler de la sorte avec ce qu’une partie des membres de l’Ordre considéreraient comme un repenti et je ne savais pas trop si je pouvais me permettre d’être franc et direct.

Mais bon, il fallait bien que je réponde quelque chose, et que je me lance plus précisément dans l’analyse de son problème. Car si je ne répondais pas, je passerais un peu pour un imbécile.

Je me raclais donc la gorge, avant de m’exprimer :

« Hum… je dois bien admettre que ton explication est assez évasive, mais ce n’est pas forcément surprenant. Après tout, la Force est perçue différemment par chacun d’entre-nous, et il serait idiot de ma part de considérer le contraire. »

C’était là une évidence. Déjà, deux courants principaux de pensée cohabitaient au sein de l’Ordre Jedi : La Force Vivante et la Force Unificatrice. La première est considérée comme présente en chaque être vivant, les entourant et les pénétrants, rendant chacun de ces êtres connectés à elle, et donc entre eux. Elle est considérée comme ancrée tant dans le Côté Obscur que dans le Côté Lumineux, ce qui force les adeptes, qui se basent sur l’instant présent, à être attentifs à leur action et leur connexion à la Force. Pour ma part, j’appréhendais la Force Vivante comme une immense toile, dont les filaments venaient me relier aux autres entités présentes. De son côté, la Force Unificatrice est considérée comme hors du concept manichéen de la Lumière et de l’Obscur, et permet d’avoir des visions de l’avenir. Elle est considérée comme unifiant l’intégralité de l’Univers, et non uniquement la vie. Je mettais plongé dans ce concept de la Force lors de ma quête pour retrouver Zélonion, et c’est elle qui m’avait fait entrevoir la voie menant à Tython et au Nexus de Force que recherchais l’Initié. Pour autant, je m’étais aussi rendu compte des dangers qui découlaient des visions d’un futur incertain. Car qui peut affirmer que le futur que je pouvais percevoir, et que je voulais influencer, n’était pas ce futur que j’allais justement créer en intervenant ?

Ces courants n’étaient pas les seuls, mais ils avaient surtout des façons différentes de se manifester. J’avais déjà entretenu une discussion sur le sujet de la Force Vivante avec Johun, qui voyait la Force Vivante non pas comme une toile mais comme une gigantesque pastelle dont les nuances de couleur permettaient de distinguer les différentes catégories de formes de vies, et les individus entre eux.

De fait, avant de pouvoir effectuer une analyse pertinente, je devais d’abord comprendre quelle était la vision de Yun. D’après ce qu’il m’avait dit, il me donnait l’impression de se plonger plus dans une Force à vocation Unificatrice, et non dans son aspect Vivant. C’était là une première différence entre-nous, à condition que j’ai bien interprété ses propos que je trouvais quelque peu confus.

De fait, j’allais avancer à tâtons :

« De ce que je comprends, et n’hésites pas à me contredire si je me trompe, tu décris ta dérive dans le flot unificateur de la Force, en considérant que tu fais partie d’un ensemble qui te dépasse. Tu cherches à choisir un futur tout en restant dans le présent, au nom du concept de Justice. C’est ça ? »

Je guettais sa réaction, alors que des idées et théories venaient fuser dans mon esprit, sans pour autant lui laisser le temps de réellement interrompre mon raisonnement :

« Ainsi, en acceptant l’idée que tu n’as aucun contrôle sur l’écoulement du temps, sur le passé, le présent et l’avenir, tu acceptes peut-être implicitement que tu t’en remets uniquement à la volonté de cet aspect de la Force, et ce malgré les suggestions que tu lui fais au nom de la Justice. »

C’était peut-être une pensée absurde de ma part, dû au préjugé que j’avais sur le passé de l’Epicanthix, mais je ne connaissais pas assez Yun pour me permettre d’écarter ce genre d’hypothèses. Et puis, il était tout à fait inutile de chercher à gratter la surface de son esprit puisque je n’en n’obtiendrais que du vide. De fait, je ne pouvais que supposer, et donc conclure :

« Peut-être, du coup, que la Force ne vient pas t’assister parce que tu n’es pas dans une situation propice à obtenir son aide ? Peut-être estime-t-elle que la volonté de Justice que tu essayes de lui faire passer n’est pas conforme à la situation ? »

Etais-je seulement clair dans mes propos ? Comprendrait-il qu’il n’était peut-être pas dans la bonne configuration ? Qu’il n’y avait pas de raison à ce que sa volonté de Justice suffise à obtenir l’assistance de la Force ? Sans doute avais-je plus de facilitées à faire usage de ce que l’on appelait couramment le Bouclier de Force parce que j’avais une approche différente…

« Est-ce de cette façon que les Sith procèdent généralement ? »

Je me mordais presque immédiatement la langue, la question s’étant échapper de mes lèvres avant que je ne puisse la refouler. Je m’en voulais, et mon malaise se laissa transparaître au travers d’une grimace sur mon visage.

« Désolé, je ne voulais pas… Enfin… Je sais bien que tu as quitté cette voie… » lâchais-je d’abord pour tenter de m’excuser.

Mais mon manque de mots, d’inspiration, ne laissa qu’un blanc qui n’arrangeait rien à mon sentiment. Je déglutissais, cherchant à retrouver mon aplomb, avant de revenir tout simplement au sujet initial en espérant ne pas avoir brusqué l’Epicanthix :

« Pour ma part, je me laisse plutôt dériver dans l’aspect Vivant de la Force, et je laisse influer ma volonté d’aider la Vie, de la protéger. C’est une méthode que j’ai appris il y a bien longtemps, et qui est devenue presque instinctive. »

J’avais développé ma capacité de génération du Bouclier de Force au cours de mon Initiation et de mes premières années en qualité de Padawan. Et mon appréciation de la Force Vivante, elle, s’était bien développée aux côtés de Léonard Tianesli. Le résultat était une bonne maîtrise de la technique, si bien que je pouvais désormais le projeter efficacement sur d’autres personnes, et, à force de progresser et de pratiquer, je devrais bientôt développer une maîtrise bien meilleure encore.

M’enfin, ça n’allait pas beaucoup aider l’Epicanthix si je nous n’étions pas sur la même longueur d’onde…

« Enfin, je n’ai peut-être pas bien cerné ton problème. »

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Impassible, concentré, Yun écoutait les réflexions de son vis-à-vis sur ce qu’il venait de lui révéler, essayant de comprendre où il voulait en venir. Le jedi devait avouer que le chevalier avait compris ce qu’il désirait faire passer comme message … Du moins partiellement. Néanmoins, il était peut-être un peu tôt pour pointer ses approximations, aussi il le laissa dévider son raisonnement, jusqu’au point d’achoppement fatidique, celui qui ébranlerait sa résolution et le renverrait une nouvelle fois à ce passé honni, comme tant de fois depuis son arrivée au Temple. Impie qui avait cru en être débarrassé, qui pensait que le temps finirait pas faire son œuvre ! Sith tu avais été, sith tu resterais aux yeux de tous, même des mieux intentionnés, et la plaie fermée avec moult difficulté se rouvrit, béante, déversant son flot de doute et d’amertume pour quelques mots prononcés à la hâte, sans réfléchir, par quelqu’un qui voulait bien faire et comprit rapidement son erreur, peut-être à cause de la douleur qui passa brièvement sur le visage ordinairement si flasque de l’épicanthix, comme s’il venait de recevoir la claque la plus magistrale.

Certes, le jeune homme avait l’habitude de ce type de réflexion. Ordinairement, elle ne lui faisait ni chaud ni froid. Cependant, leur répétition s’était faite moins grande ces derniers temps, comme si, voyant qu’il ne trahissait pas, qu’il conservait son assiduité et la confiance de Maître Don, les jedis comme leurs initiés commençaient à l’accepter dans leur entourage, ou plus exactement à tolérer sans persifler dans son dos cette large ombre silencieuse qui ne demandait qu’à se fondre dans la masse, oubliant comme il le pouvait sa spécificité marquée au fer rouge sur son morne faciès brûlé, qui n’en finissait plus de se gondoler sous le tissu cicatriciel.

« Non. Ils ne procèdent pas ainsi. »

La réplique avait claqué, sèche, plus qu’il ne l’aurait voulu. Mais voilà, il n’y pouvait rien, et n’avait pas cherché à contrôler la dureté ordinaire de son ton, toisant le Chevalier de toute sa hauteur, la mâchoire contractée. Se calmer … Oui, c’était ce qu’il devait faire. Lentement, il prit une profonde inspiration, s’ouvrant à la Force pour en appréhender la douceur, le flux délicat, harmonieux, pour se rasséréner, et il se sentit soudain apaisé, soumis entièrement à sa volonté. C’était toujours un plaisir sans cesse renouvelé de ne faire qu’un avec l’entité mystique, de la chérir, de l’honorer, de l’accueillir en soi. Finalement, il laissa échapper un soupir, puis son regard se perdit dans le lointain des jardins, se baignant dans leur verdure chatoyante, avant de finir par dire :

« Les siths ne cherchent pas l’accord de la Force. Ils lui imposent leur volonté. Ils la manipulent comme un outil, une entité qu’ils peuvent respecter, mais qui sera toujours in fine soumise à leurs buts … Et ce sont des buts qui leur sont propre.

Ils ne cherchent pas à accepter le cours des choses. Au contraire. L’essentiel de leur philosophie, c’est de se forger leur propre destin.

Ce n’est pas ce que je fais. »


La nuance pouvait être subtile … Mais elle était de taille. Et il était essentiel que Joclad la comprenne, s’il désirait continuer à l’aider. Yun se battrait avec virulence pour affirmer haut et fort que sa méthode n’avait rien d’obscure. Elle était différente de l’orthodoxie sur le maniement lumineux de la Force, certes … Mais elle n’avait rien de répréhensible. Et pour cause : lui savait parfaitement ce que cela faisait de s’approcher de l’abîme, de se laisser tenter. Il connaissait la morsure de l’ombre, ses tentations et dérélictions. Il avait eu une intimité particulière avec l’art sith … Et en s’en détachant, il avait juré de ne plus jamais reproduire ce savoir qu’il jugeait impie, tout simplement, contraire à l’ordre naturel des choses, à la vie, contraire finalement à toute la philosophie qu’il s’était bâti depuis plusieurs années, qu’il avait librement et en conscience choisie, pour radicale qu’elle fut, et que son maître essayait peu à peu d’assouplir pour lui ôter son manichéisme assumé.

Voyant que le Chevalier détournait la conversation sur un autre sujet, Yun hocha simplement, reconnaissant avec un mince amusement, malgré lui, une de ses propres techniques pour éviter de s’apesantir sur une bourde qu’il n’avait guère voulu commettre. Combien de fois avait-il eu peur de heurter son auditoire et avait-il préféré botter en touche de la sorte, évitant de se jeter dans la gueule du loup et de creuser sa propre tombe ? Mieux valait que ce grand timide aux manières brusques ne les compte pas. Aussi accepta-t-il de se plier à cette règle élémentaire de politesse et de répondre à la tentative de son aîné.

« La Force Vivante … J’ai croisé plusieurs jedis qui l’utilisent régulièrement … Mais ce n’est pas mon cas. Cet aspect … ne m’est pas familier. Ne me parle pas. Et pour être franc …

Cette façon d’envisager la Force contient un danger permanent de glissement que je ne tiens pas à assumer. Mieux vaut … se tenir très loin de cette tentation, surtout dans mon cas. La Force Unificatrice est certes plus délicate à appréhender … Mais j’y trouve une simplicité que le reste ne m’apporte pas. C’est pour cela que j’ai basé l’essentiel de mon apprentissage sur cette dernière, parce qu’elle m’est plus accessible.

Sauf que … Il semblerait que je sois arrivé au bout de ce que je peux faire avec mes connaissances pour le moment. Et c’est frustrant. »

Un mince sourire éclaira son visage, et il soupira :

« Peut-être donc qu’en réalité, vous avez parfaitement cerné le problème, Chevalier Draayi. »
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Ma remarque ne lui avait pas plu, et je m’étais senti tout petit lorsqu’il m’avait toisé de toute sa hauteur. A cela s’était ajouter la gêne, ainsi qu’une certaine inquiétude. La manière dont il avait lâché ses mots avait manqué de me brusquer. Je m’en voulais vraiment d’avoir laissé échapper ces mots, mais la bourde était faite et Yun assez intelligent pour ne pas se braquer. C’était là une réaction honorable, et qui venait conforter l’idée qu’il avait bel et bien changé. Qu’il n’était pas un danger pour le Temple, et donc pour moi.

Il montrait qu’il était digne de porter le titre de Jedi, même comme Padawan.

Je restais concentré, le regard rivé dans le sol et l’herbe du parc. J’écoutais ses derniers propos sans conviction. Il me parlait de la facette Unificatrice de la Force, et j’avais de mon côté évoqué celle Vivante. Pour autant, son problème ne pouvait pas se cloisonner à ce simple raisonnement, et ce pour plusieurs raisons.

Sur le sujet, j’avais mes propres convictions.

« Je ne pense pas, non. Pas totalement. »

La conclusion était trop hâtive, et j’étais bien trop curieux pour me contenter de ce genre de réponses. J’avais envie de savoir. Je voulais comprendre comment, avec l’aide de la Force Unificatrice, il avait pu réussir à dresser un bouclier de Force. Et surtout, ses dernières remarques ouvraient une discussion que je ne voulais surtout pas clore. J’avais l’occasion de converser calmement avec un individu originaire du camp d’en face. Qui y avait vécu pleinement.

Je me souvenais des propos de mon second mentor qui, une fois assemblés bout à bout, explicitaient ses convictions. Je me souvenais d’avoir longtemps débattu avec lui sur ce sujet, et il était assez intriguant de faire le lien avec la situation de l’Epicanthix :

« La Force Vivante est une chose, la Force Unificatrice une autre. Deux courants de pensées différentes qui, dans le fond, nous servent uniquement à concevoir la Force.

J’ai étudié avec un Maitre qui défendait le principe d’unicité de la Force, nécessaire à la cohésion de toute chose. Il considérait que la force fournissait un arbre du possible unique, et que les recherches dans les différentes écoles ne sont, en vérité, que l’exploration de différentes branches d’un même arbre. Dès lors, qu’on en explore les racines les plus ténues et les plus grandes, ou qu’on essaie de s’intéresser aux profondeurs et fondement de l’arbre, sans en oublier les racines, on parle bien d’un même spécimen : la Force.

Ainsi, tu es peut-être arrivé au terme d’une de ces branches, mais rien n’empêche l’apparition d’un nouveau bourgeon. Il te faut simplement le provoquer. »


L’influence qu’à eut Léonard Tianesli sur mon apprentissage et ma compréhension de la Force était importante, et c’était seulement avec les années que je m’en rendais compte. Je n’aurais jamais pu prononcer pareil discours avant notre rencontre, et mon périple dans le Noyau Profond avait accentué ma recherche d’un équilibre entre lumière et obscurité ; une unicité dans la Force.

Délicatement, j’hochais les épaules pour les faire glisser hors de ma bure, que je réceptionnais d’une main pour finalement la lâcher à côté, sur le sol.
J’avais une idée de la méthode à appliquer pour faire naître cette nouvelle branche. Branche sur laquelle Yun Silthar pourrait de nouveau naviguer et marcher pour mettre un point final à sa quête du bouclier de Force. Pour autant, j’étais que mon action seule ne donnerait pas l’impulsion suffisante, et l’Epicanthix allait devoir travailler pour réussir.

« Tu m’as dis que c’est lors d’un entrainement avec Maitre Don que ta faculté d’apparition du bouclier s’est distingué. Au nom de la Justice. Peut-être que la meilleure manière de provoquer la naissance de ce bourgeon est de recréer les raisons de l’apparition du précédent… »

Mon regard glissa de nouveau dans le sien, à la recherche d’une approbation tacite, d’un accord commun pour la suite. Son léger hochement de tête me confirma qu’il avait bien suivit mon raisonnement, et qu’il était volontaire pour poursuivre sa quête à ma manière.

J’ouvrais les doigts de ma main, laissant mon corps se glisser dans la Force. L’arme quitta ma ceinture, atterrissant dans ma paume. Puis, raffermissant ma prise autour de la garde, j’avertissais l’Epicanthix :

« En garde, Padawan ! »

Le dernier mot s’était échappé avec une certaine légèreté, signe que je ne considérais pas l’Epicanthix de la même manière que les élèves traditionnels. Yun avait presque mon page, et sans doute une expérience équivalente, voire plus grande. Quoi qu’il en soit, j’estimais son apprentissage plus avancé que les autres. A lui de me prouver que je ne me trompais pas.

« Écoutes la Force, fie toi à ton instinct. Et s’il le faut, inspire-toi. »

La Force se concentra autour de moi, alors que je cherchais à la matérialiser. Tout d’abord sous la forme d’une bulle, dans sa forme protectrice la plus basique. Puis de façon plus centrée, précise. L’idée était de lui proposer un exemple de ce qu’il était censé rechercher, et ce en suivant son propre chemin.

Ma lame ne tarda pas à jaillir, concentré de plasma d’un bleu à tendance cyan hérité des terres gelées d’Ilum. Elle ne tarda pas à s’abattre vers l’Epicanthix suite à un mouvement vers l’avant qu’il para sans le moindre mal. Mon but n’était pas de le vaincre dans un duel au sabre, mais bien de lui dispensé un enseignement pratique du bouclier.

Une nouvelle passe d’arme s’enchaina, les lames craquant à chaque impact. Mon regard ne le quittait pas, alors que me revenait en tête la phrase déplacée que je lui avais précédemment lancé, suivit par sa réponse sèche et agacée. Je savais qu’il avait raison. Je l’avait vu de mes propres yeux.

Ramenant mon sabre dans une frappe aérienne verticale, je brisais le silence qui s’était installé. Ce n’était pas parce que nous croisions le plasma que nous ne pouvions pas discuter.

« Je regrette la remarque que je t’ai faite, au sujet des Sith. Tu ne la mérite pas. C’est hélas mon héritage. Des moments de douleur, de tristesse et de désespoir ignorés et enfouis au plus profond de mon être, créé et noyauté par les Sith dans une cellule de l’Atramentar.

Je ne pardonnerais jamais aux Sith les exactions qu’ils ont pu commettre sous mon regard, dans l’espoir vain de me voir plier enfin. »


Je ne communiquais que très peu sur cette expérience particulièrement déplaisante qui avait manqué de me faire basculer dans la noirceur et l’obscurité. Quand bien même je n’avais pas de problème à en parler lorsque le sujet était évoqué, cela n’arrivait pas souvent. Mais le contexte actuel, j’estimais que ce court moment de mon existence méritais d’être exposé tant il se révélait philosophiquement d’actualité.

Nos sabres frappèrent à nouveau, échange visuel et sonore des plus fracassants. Du coin du regard, je voyais certains initiés se glisser en observateurs. Et lorsque notre échange se conclu et que je me décalais, je venais pousser plus loin ma réflexion :

« Face à la mort. Face à la tentation. Ce n’est pas la Force Vivante seule qui m’a donné la résistance nécessaire pour ne pas succomber à la colère et à la haine qui étouffaient ma conscience, mais bien sa liaison étroite, son unicité avec la Force Unificatrice. »

Je pouvais encore me remémorer Zora décapitant des enfants sous mes yeux, cherchant à faire surgir en moi une puissante pulsion, une vague d’émotions. Dans cette situation, me réfugier dans la philosophie vivante de la Force ne m’aurait pas aidé. Elle aurait agit comme le catalyseur que Shaar-là espérait. La Force Unificatrice m’avait offert la protection nécessaire pour survivre, quand bien même mon lien avec le flux avait été fortement restreint par le masque de torture. En ce jour, j’avais découvert ce que Léonard avait alors jusque là tenté de m’expliquer : l’unicité.

J’inspirais profondément.

Nouvel échange, nouveau mouvement de côté.

« J’ai connu une autre personne qui, comme toi, a tourné de le dos à l’obscurité. Quand bien même mes mots aient pu te toucher, t’offenser ou même te blesser, je ne peux qu’admirer ton courage et ta persévérance. Là où cette personne à échoué à se maintenir à flot, tu es toujours là à tenir ton cap.

Parce que tu as connu les Sith, parce que tu as connu l’obscurité, ton comportement est sans doute l’un des plus respectueux de notre Code. »


Plus j’observais Yun, et plus il me faisait pensé à Hopeful, à ce qu’il aurait pu devenir s’il ne s’était pas laissé emporter par la noirceur qui habitait alors encore son cœur. Padawan à l’époque, je n’avais rien su faire pour l’aider. Les Maitres non plus, d’ailleurs…
Mais cette histoire appartenait au passé. J’avais l’occasion d’aider l’Epicanthix, et j’allais le faire de la meilleure des manières. Ou plus exactement, du mieux que je le pouvais. Et tant qu’à faire, au temps commencer par changer le contexte de cet exercice amical, sans pour autant perdre de vue le côté sympathique et cordial.

A la manière du dulon, peut-être qu’il était possible que nous nous transportions.

« A présent, imagine-toi que la personne qui se tient devant toi n’est pas ce qu’il prétend être. Que tu fais face à l’incarnation des principes que tu as renié pour te tourner vers la lumière.

Imagine-toi que je sois un Sith, et que mes actions sont tout sauf justice. »


Et ma lame virevolta à nouveau, quittant sa posture verticale, feintant une frappe directe à l’épaule pour réellement s’abattre dans un mouvement d’ouverture puis de fermeture vers l’horizontale vers le bas.

Un mouvement de tranche visant ses jambes.


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Contrairement à l’un des rares autres épicanthix connu du Temple, Yun était une calamité en jardinage, aussi les métaphores du Chevalier Draayi le laissèrent perplexe quelques secondes, le temps qu’il assimile ce dont il voulait parler et qu’il parvienne à en tirer quelque chose qui faisait à peu près sens, quand bien même ces histoires de bourgeons lui paraissaient terriblement absconses. Etait-ce une marque des jedis plus avancés que lui de parler par énigme ? Par moment, il ne pouvait s’empêcher de se le demander. Il ne pouvait cependant s’empêcher d’être légèrement dubitatif sur le fait de parvenir à faire éclore quoi que ce soit, même si cela venait de son irrémédiable manque de confiance en lui. A force, il aurait dû parvenir à surmonter ce sentiment, pourtant, malgré les années, il se sentait toujours aussi faible, incapable de venir à bout de ses démons et frustré de ne jamais réussir aussi bien qu’il l’aurait voulu. Longtemps, il avait cru que la Force se refusait à lui car il l’utilisait selon des modalités qui le révulsaient. Maintenant que ce n’était plus le cas, et qu’il continuait à être cet élève tâtonnant, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il n’était peut-être tout simplement pas fait pour son maniement, qu’elle l’estimait indigne de ses faveurs. A moins qu’il n’ait fait fausse route depuis le début dans ses croyances. Après tout, il avait tenté des années durant de repousser l’usage de Juyo, persuadé que cette forme de combat était impure et impropre pour un jedi, et voilà que son propre maître l’encourageait dans cette voie dangereuse, et qu’il s’y révélait étonnamment doué. Etait-ce là son destin, que de se renier constamment ? Par moment, il était tenté de le penser.

Alors qu’il cherchait que répondre, le Chevalier ne lui en laissa pas le temps, le prenant d’ailleurs totalement au dépourvu. Décidément, toutes ses discussions et tous ses entretiens pour des conseils finissaient invariablement de la même manière, ces derniers temps : sabre en main. A croire qu’il n’y avait finalement qu’à travers la force brute que le colosse était à même de saisir les subtilités qui l’accablaient, de s’extirper de ses doutes. Quelle ironie, pour un être qui avait juré en devenant jedi de renoncer autant que faire se peut aux arts martiaux. Mais ces dernières semaines, ces derniers mois étaient ceux de la remise en question, de l’évolution vers un but qu’il avait du mal à distinguer, et qui pourtant paraissait se rapprocher inexorablement, comme s’il arrivait en effet à la fin d’un chemin, et qu’il tentait de créer une nouvelle route, peut-être aux abords plus sinueux. Etait-ce cela, que Joclad voulait expliquer ? Brusquement, sa métaphore lui parut plus claire. Délicatement, il se débarrassa du lourd manteau qui emprisonnait ses membres, révélant sa silhouette musculeuse dans toute sa splendeur, encore qu’il fût plutôt longiligne comparé à certains membres de sa race. Bon, certes, pour n’importe quel humain, il était un géant massif. Solidement planté dans le sol, les bras puissamment développés par ses entraînements de plus en plus exigeants, il avait en outre hérité d’une complexion avantageuse. Ce qui avait été en germe dès son enfance trouvait à présent sa quasi-plénitude : Yun était, à bien des égards, une force de la nature.

Silencieusement, il se mit en garde, s’inclinant brièvement face à son opposant, autant par respect que pour le remercier de prendre ainsi du temps pour tenter de l’aider, puis il attendit la suite, curieux de voir où le jedi en face de lui voulait en venir. Les premières attaques ne tardèrent pas, semblable à un échauffement, aussi il n’eut guère de difficulté à les parer, arrimé au sol dans un pur exercice de la forme III, sa stance de combat préférée. Le colosse n’aimait pas engager les hostilités, préférant laisser venir l’adversaire à lui pour mieux le contrer, étudier ses méthodes et le fatiguer avant de prendre lentement le dessus par des coups précis, économisant ainsi ses réserves non-négligeables pour mettre un terme au combat de la façon la plus épurée, douce qui soit. Il aimait revenir à ces bases chéries, car malgré ses dons en la matière, l’usage du Juyo continuait de le mettre mal à l’aise après coup, même s’il admettait que ce style lui permettait de disposer d’un avantage offensif potentiellement destructeur. Après tout, il avait défait une Chevalière et tenu tête à son propre maître avant que celui-ci n’use de la Force pour émousser ses défenses. Peu de padawans pouvaient en dire autant.

Le fait que le Chevalier veuille continuer à converser le surprit. Le contenu acheva de l’étonner autant que de le mettre mal à l’aise. Il avait espéré que Joclad mette de côté ce moment désagréable pour avancer. Le pire ? Son mal-être s’accentua quand il révéla pourquoi il éprouvait une telle répulsion à l’égard des siths, parce que Yun comprit avec horreur qu’il méritait bel et bien une défiance pareille. C’était quelque chose qu’il n’arrivait pas encore à taire, malgré ses efforts : toujours, il éprouvait du remords face à ceux qui avaient eu à subir les exactions des siths, et plus encore quand il avait pu y contribuer. Certes, il n’avait pas directement torturé le Chevalier Draayi, tout comme il n’était pas responsable des avanies arrivées à la famille du petit Alam sur Artorias. Mais comme il avait fait partie de ceux ayant dévasté la planète du padawan, il lui était arrivé de jouer les exécuteurs pour son ancien maître ou pour les seigneurs de Korriban. Oui, il avait contribué à briser des esprits, il avait commis d’abominables exactions malgré son dégoût, parce qu’il était lâche, et faible. Il s’était détesté pour cela, et chaque aveu de la sorte le renvoyait à son passé honni, à ses actes immondes, à ses failles béantes. Les louanges qui suivirent ne firent qu’accentuer l’envie de vomir qui l’assaillait, et il dut faire un effort colossal pour se retenir, quand bien même il se sentait pâlir, ses mains devenant moites tandis qu’elles se resserraient obstinément autour de la garde de son sabre.

« Peut-être que je le mérite … »

Il avait soufflé ces mots avec une amertume intense, douloureuse, comme si émettre cet alignement de sons en soi était insoutenable.

« Peut-être que j’ai été de ces tortionnaires. Peut-être que j’ai fait bien pire. Vous ne pouvez pas le savoir. »

Ecartant une nouvelle fois la lame bleue, Yun sentit sa gorge se nouer, et il acheva d’une voix rauque :

« Peut-être que je ne peux qu’espérer racheter mes fautes. C’est ce que m’offre l’Ordre. Je n’aurais jamais … la pureté de ceux qui ont toujours résisté, même dans des conditions extrêmes. Moi … J’ai plié le genou.

Jusqu’à ce que je n’en puisse plus. »


Pour lui, il n’y avait pas plus honorable que le comportement d’un être comme le Chevalier Draayi, qui lui rappelait un peu le Chevalier Kayan. Tous deux avaient souffert sous le joug des siths à un moment de leur jeune vie, mais ils avaient été à même de résister. Lui-même ne pouvait pas en dire autant. Oh, il savait ce que tous pensaient, ce que Maître Don avait essayé de lui expliquer : il n’avait pas eu le choix. Certes. Cela ne l’exonérait pas de tout le mal qu’il avait commis. S’excuser, se dédouaner aurait été retomber dans des travers dont il avait vu les ravages chez ceux qui basculaient vers l’obscurité, car il était aisé d’accuser les autres plutôt que de voir ses propres fautes. Peut-être était-ce en cela qu’il observait le code jedi avec une pureté presque ascétique : Yun avait une haute conscience de ses propres failles, et continuait à porter ses erreurs en étendard, la lame rouge de son sabre demeurant pour rappeler qui il était, qui il avait été.

« C’est pour ça que je garde mon cap : parce que je sais qui je suis. Passé, présent, et futur. Je n’ai aucune illusion sur ce que je suis, Chevalier. Je veux simplement … réparer mes torts. D’une façon ou d’une autre.

Je ne connais pas cette personne dont vous parlez. Je croyais … enfin, rares sont ceux qui sont comme moi, j’ai l’impression. Mais j’en suis désolé. »


Lentement, il plongea son regard d’acier dans les billes chocolat du jeune homme qui lui faisait face, et soupira :

« Je n’ai qu’à penser à moi. »

Instinctivement, Yun changea sa position, adoptant maintenant l’approche déliée et volontairement ouverte du Juyo. S’ouvrant à la Force, il y puisa, sentant cette dernière s’abreuver de sa volonté puissante, profonde, douloureuse. Et il vit. Alors, d’un bond puissant, l’épicanthix s’arracha au sol, évitant le sabre du Chevalier. Cependant, au lieu de s’arrêter là comme précédemment, le colosse atterrit souplement au côté du brun et abattit vicieusement sa lame, déployant toute sa science, martelant l’arme adverse d’une pluie de coups qui semblait ne pas vouloir s’arrêter, avant que son regard se rétrécisse encore. D’une main ferme, il plongea soudain, mettant tout son corps en avant, et au moment où le plasma bleuté allait le toucher, il se jeta presque sur le Chevalier … et un bouclier explosa entre eux, bloquant la lame. Presque nez à nez, il contempla son vis-à-vis, avant de dire doucement :

« Je ne sais pas pourquoi … Mais combattre ainsi est plus facile que n’importe quel exercice. »
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D’ordinaire je cessais de converser une fois lancé dans l’affrontement. Je préférais me focaliser pleinement sur le mouvement du sabre de l’adversaire et ses actions dans la Force plutôt que de me laisser aller à une déconcentration qui pourrait m’être fatale. Mais l’affrontement du jour n’était qu’un entrainement, et ne pouvant percer l’esprit de l’Epicanthix, j’avais besoin de tester ses réactions autrement. J’avais estimé nécessaire qu’il sache qu’il n’était pas le premier repenti que je rencontrais, mais qu’il était bien le premier à avoir réussi à franchir le cap entre la lumière et l’obscurité, à savoir la tentation de celle-ci et la facilité à y succomber. Je ne pensais pas que ma petite explication entraînerait cette réaction, à savoir la surprise dans un premier temps. Surprise de me voir poursuivre la conversation. Puis une certaine amertume. Amertume due, sans doute, à ce qu’il pensait être. A vrai dire, j’ignorais réellement ce qu’il avait pu faire lorsqu’il était au service des Sith, et je ne pouvais que me convaincre moi-même qu’il n’avait pas participé à mon interrogatoire, ou même à mon emprisonnement.

J’ignorais d’ailleurs les raisons qui avaient fait de lui un serviteur de l’obscur, et j’ignorais même les raisons qui l’avaient poussé à rompre avec eux. Mais qu’importe, ce n’était pas cela l’important. Ce qui était réellement important, c’est qu’il puisse être réellement convaincu qu’il avait réellement changé, et que le passé ne devait en aucun cas continuer à le hanter. J’avais personnellement durement vécu plusieurs années de ma vie à vivre dans le passé, à me conforter dans l’idée que la mort de mon maitre était un échec, que mon inexpérience avait été la cause primaire de sa disparition.

Déviant sa lame, je prenais de nouveau la parole avec une neutralité déstabilisante :

« Non, je ne le sais pas. Mais toi oui. Tes pensées, tes sentiments et tes émotions me sont interdites. Je ne peux te donner des réponses que j’ignore. »

Puis je venais frapper, et lui parait en écartant mon arme. Je pivotais donc, dans un mouvement épuré et gracieux de l’Ataru avant de revenir à la charge. J’encaissais ses paroles avec une relative tristesse, touché par la douleur de ses mots. Nous n’avions pas tous les convictions nécessaires pour résister aux perversités des Sith. Les situations furent sans doute d’ailleurs bien différentes. J’avais eu la chance que cette Seigneur Sith ait décidé de me libérer dans l’espoir de me transformer en bombe en retardement. Sans doute aurais-je moi-même finis par plier le genou si j’avais passé quelques jours de plus dans l’enfer de l’Atramentar. Nous sommes tous des êtres vivants, et de fait, nous sommes tous friables.

« La Force trace tes sentiers vers l’avenir, mais c’est toi qui forge ton destin, Padawan. Ce n’est pas en te flagellant que tu atteindras tes objectifs. »

Nouvelle frappe, nouvelle parade, nouvelle riposte. Je le laissais une nouvelle fois frapper sans parer, laissant la Force dévier sa lame au dessus de mon bras sans jamais m’atteindre. Ma maîtrise du bouclier n’était pas encore parfaite, mais mon savoir-faire restait tout de même éprouvé.

Je me laissais glisser à quelques pas de lui avant de m’immobiliser. Il ne pouvait pas connaitre Hopeful. Il était partit pour les Corps bien avant son arrivée dans l’Ordre Jedi. Ou s’il l’avait un jour rencontré, c’était peut-être dans une des arènes dont l’ancien initié m’avait parlé il y a bien longtemps. D’ailleurs, je n’avais plus jamais eu de nouvelle de lui depuis.

Je me repositionnais, paré à le repousser.

« Tu ne peux réparer tes torts. Ils appartiennent au passé. Ton passé. Mais celui-ci est désormais inatteignable. Tu dois accepter ce que tu as été, et accepter ce que tu es désormais. »

Mon regard se figea dans le sien, d’un gris similaire à celui des Tianesli. Ses propos ne faisaient que conforter mon désappointement. Il ne pouvait pas être celui qu’il devait affronter. Il ne l’était plus depuis qu’il avait fait ses premiers pas hors de l’obscurité. Ce qu’il était devenu importait plus que ce qu’il avait été. Ses maux étaient plus profond que ce qu’il ne semblait le penser, et peut-être était-il temps qu’il s’interrogeât sur sa propre personnalité.

Resserrant ma prise sur mon arme, je répondais à sa position déliée par la posture ferme et déterminée du Soresu. Je pivotais instinctivement en le voyant atterrir près de moi, me protégeant de ma lame sans chercher à riposter. Les coups de l’Epicanthix étaient précis et puissants, mais je laissais jouer mon jeu de jambes pour reculer suffisamment entre chaque frappe et ainsi garder l’équilibre.

« Ce que tu imagines ne peux être toi. Tu n’es pas un Sith, Yun. Tu as fais une croix sur ce passé, alors cesse de te le ressasser sans cesse. »

Mon regard se figea de nouveau dans le sien, alors que je ramenais mon sabre à l’horizontale au dessus de ma tête pour parer une nouvelle frappe et lâcher l’évidence :

« Tu es un Jedi. »

Il plongea en avant et je reculais tant bien que mal, le voyant fondre sur moi avec la détermination d’un rancor. Ma lame dévia la sienne de côté et je m’apprêtais à le repousser d’une contre-attaque mortelle lorsque ma lame s’écrasa avec fracas contre la paroi d’un bouclier. Les deux mains sur mon arme, je constatais la détermination et la force de la projection faite par l’Epicanthix et je souriais légèrement à sa remarque. Concentré, mes yeux semblaient pétiller et je transpirais.

« C’est simplement parce que tu agis naturellement, sans complexe. Il n’y a pas d’exercice plus difficile qu’un autre, ou instruction meilleure qu’une autre. Il y a juste des entraînements différents, plus ou moins adaptés à l’individu que tu es. »

Forcer ne servait à rien et je m’écartais d’un pas pour réduire à néant la tension faite sur la protection du padawan. Faisant tournoyer mon arme, je l’immobilisais garde baissée et lame dirigée vers le sol, sur mon côté.

« Seule ta foi en la Force, ta préparation et ta volonté d’atteindre ton but comptent dans le feu de l’action. »

Le reste n’était que pensées inutiles. Dans un affrontement, j’estimais que les trois quarts du nécessaire à la victoire provenaient de l’esprit lui-même, de sa structure, de sa solidité, de sa cohésion. Le reste, au final, ne comptait que pour un quart. C’était la préparation mentale, chose si importante pour un jedi et très fortement enseignée pendant la phase d’initiation qui faisait pour beaucoup dans la force d’un membre de l’Ordre. L’entrainement ne venait qu’après. Un Jedi avait beau être un expert dans le maniement du sabre-laser, si son esprit se révélait chaotique alors sa défaite était assurée, que ce soit par la main de l’adversaire ou les tentations de l’obscurité.

« Réfléchit à la manière, aux raisons qui t’ont fait dresser ce bouclier. Tu dis ne pas savoir pourquoi, mais ce bouclier n’est pas venu seul. »

Mon regard se fit une nouvelle fois plus dure, et mon appel à la Force soudain. J’avalais la distance qui nous séparait en un rien de temps et je venais le laisser me frapper sans chercher à la parer, laissant la Force me protéger tandis que je le frappais.

« On recommence ! »


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« J’accepte qui je suis. Et vous ? L’acceptez-vous réellement ? »

Cette question lui brûlait les lèvres depuis trop longtemps, au Temple. Yun ne comprenait pas pourquoi tous les jedis qu’il avait croisé lui expliquaient qu’il devait faire ses preuves, avant de l’absoudre de ses fautes. Il devait oublier, se souvenir … Parfois, il se demandait s’il n’était pas tout simplement plus facile pour beaucoup de faire abstraction de qui il était, et même par extension, de tout ce qu’ils avaient eu même fait, comme s’il était un souvenir désagréable que l’on chasse distraitement, pour ne plus avoir à songer à leurs propres erreurs, à ce qu’ils avaient vécu. Paradoxalement, pour le padawan, en s’ingéniant à nier ce qu’il avait été, les jedis renforçaient les non-dits et le malaise autour de lui, le précipitant même sur une pente douloureuse, surtout après avoir ressuscité ses anciens enseignements comme l’avait fait Maître Don. Il y avait là, une ironie cruelle, que de l’enjoindre à se servir de ses dons anciens tout en s’efforçant de ne pas penser à la manière dont il en avait obtenu la connaissance.

« Pardonnez-moi de dire les choses aussi crûment, Chevalier Draayi, mais j’ai parfois l’impression que certains jedis ont du mal à supporter l’énoncé brut de ce que j’ai pu être, et préfèrent me conseiller de l’oublier car ils estiment que cela n’apporte qu’un ancrage dangereux dans le passé. Alors qu’au contraire, ce serait avoir l’hubris d’oublier quel destin a été le mien qui pour moi est dangereux pour mon futur.

J’ai été un sith. Peut-être pas le plus … zélé, loin s’en faut, mais je sais ce que cela signifie. Au plus profond de moi. Dans ma chair. »


Il pointa du doigt son faciès hideux et tordu, avant d’ajouter :

« Et dans celle des autres. J’étais un excellent tortionnaire. Vraiment. Alors … Je préfère me rappeler de ce qui a été, oui. Pour éloigner toujours la tentation, pour ne jamais perdre de vue ce que je ne serais plus jamais. Et ainsi … Je reste dans la lumière. Je ne me perds pas dans des circonvolutions sur ma place en ce monde, sur l’iniquité ou non de mon destin, sur les démons qui pourraient m’habiter. Je ne les nie pas. Ils sont là, auprès de moi. Toujours.

Et je crois qu’en les acceptant aussi pleinement … Ils sont aussi mes anges gardiens.
Vous comprenez ? »


Après tant d’années de non-dits, de difficulté à exprimer ce qu’il avait sur le cœur, enfin, il arrivait à mettre des mots sur ses pensées. Soudain, il sentit une chappe de plomb quitter ses épaules, celle qui ne le quittait plus depuis qu’il avait blessé le chevalier Nae sans l’avoir vraiment voulu réellement durant leur entraînement, et que sa discussion avec Maître Don n’avait pas complètement levé. Il avait bien compris qu’il n’était plus un sith. Mais l’oublier lui semblait … Dangereux, difficile. Parviendrait-il à enfin exprimer son ressenti sans qu’on cherchât à le diminuer ? Etait-ce possible que quelqu’un dans le Temple réussisse à ressentir cette sensation qu’il avait de ne pouvoir aller de l’avant en coupant brutalement les racines qui le maintenait à son passé, tout simplement parce qu’ainsi, surtout avec sa situation actuelle, il s’exposait tôt ou tard à un retour de bâton aussi terrible que douloureux ?

« Parce que … Si Maître Don m’a conseillé d’utiliser la Force de cette façon … C’est qu’il m’a … enfin, il a suggéré que je m’en serve pour parvenir à user de certaines choses que j’ai apprises. Avant, je veux dire. Mais … De façon lumineuse.

Et du coup, si j’oublie vers quoi plier le genou peut mener … Je sais que je m’expose à un même destin que celui de votre ami. De ce que j’en devine, du moins. »


Un sourire un peu las apparut sur son visage, et il finit par murmurer doucement :

« Donc … J’affronte celui que j’ai été perpétuellement. Et chaque victoire du jedi en moi me conforte dans ce que je suis … et dans ce que je fais.

Je ne sais pas si c’est … compréhensible. »


Parler ainsi lui était difficile. Trop pour espérer combattre en même temps. Aussi il se laissa déborder et sa protection se fit fracasser par le jedi en face de lui, qui compensait son manque de force brute face à lui par une science du combat et du placement nettement plus éprouvée. Au moins, sur sa philosophie du combat, il était pleinement en accord avec le Chevalier Draayi. Quoique … Un éclair de malice passa dans ses yeux gris ternes tandis qu’il soufflait doucement :

« Et la chance, Chevalier Draayi. »

Tout combattant qui ignorait cet état de fait s’exposait à un retour de bâton plus que sévère, de son point de vue en tout cas. Il y avait toujours des impondérables, des événements imprévus … et la chance, bête et injuste, avait sauvé plus d’une vie en sacrifiant une autre tout aussi innocente. Pourquoi un obus tombait à un endroit et pas à un autre ? Pourquoi un éclat traversait le cœur de l’un et simplement l’abdomen de l’autre sans dommage ? Oui, il y avait la foi en la Force … C’était une manière de voir la chose, c’était vrai. Yun ne pensait pas que son instructeur du jour l’ait dit dans ce sens-là.

Tandis que son vis-à-vis se repositionnait et l’encourageait à recommencer, Yun l’observa attentivement. Et en faisant cela, il se vida la tête totalement, attentif aux moindres détails. Etrangement, depuis qu’il avait parlé, la tension en lui avait fait place à une sérénité encore plus profonde que celle à laquelle il accédait parfois en état de méditation. Lentement, il se plongea dans son esprit, atteignant un état de stabilité spirituelle extrême, et quand il battit des paupières, son regard avait changé, presque impersonnel, flottant. Lentement, il dérivait vers son moi antérieur, et le Yun du jour observait maintenant en face de lui le Yun de quatorze ans empli d’obscurité, de doutes. Le Yun lumineux posa la main sur le Yun obscur, aux tréfonds de sa conscience, et l’œil attentif aurait pu observer l’herbe voleter doucement autour du Yun physiquement présent, comme s’il exsudait littéralement la Force. Et doucement, un bouclier se forma autour de lui, à mesure qu’il enveloppait le Yun du passé dans ce cocon protecteur à l’intérieur de lui.

D’un bond largement soutenu par la Force, il se propulsa au-dessus du Chevalier Draayi, son salto s’achevant derrière lui et arqua son bras droit en arrière … Pour faire apparaître son sabre dans sa main gauche, de l’autre côté, et l’activer au moment le plus propice, là où la défense était naturellement déséquilibrée, avant d’enchaîner sur une violente rafale de coups, la méditation mobile le rendant plus alerte, plus précis dans ses bottes, la forme VII se gorgeant de cette rapidité pour commencer à donner la pleine mesure de sa puissance.
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« Plait-il ?! »

La remarque soudaine de l’Epicanthix, quelque peu brutale et guère subtile, me frappa. Je ne m’attendais pas à cela de sa part, à avoir l’impression d’être soudainement jugé. Pensait-il que j’étais du genre à émettre des idées et exposer une façon de penser et de concevoir les choses –et la Force- que je n’appliquerais pas à ma propre personne ? Pensait-il sincèrement que je me cachais la vérité, préférant la cécité à la clairvoyance ? C’était là un argument que plusieurs Sith n’avaient pas hésité à m’asséner avec conviction. Était-ce là la raison de sa question ? Je ne l’espérais pas, car ça prouverait que tout ce que j’avais cru avoir cerné de sa personnalité était faux. Cela voudrait dire que même Maitre Don se serait trompé sur son compte, que Yun n’était pas encore prêt à s’épanouir sans surveillance.

Yun se rattrapa néanmoins en précisant ses pensées et en décortiquant ses propos. Je comprenais qu’il puisse se sentir oppresser par le regard des autres Jedi, qui se méfiaient encore de lui ou qui dévisageaient l’épicanthix tel une montagne de curiosité. C’était souvent le cas chez les initiés et les jeunes padawans désireux d’en savoir un maximum sur l’ennemi juré des Jedi, et sur ce qui le caractérisait. Ce n’était plus mon cas depuis longtemps, mais j’avais bien été comme eux à leur âge. J’étais, d’une certaine manière, désolé pour Yun. Néanmoins, je n’avais pas de pitié à son égard. Il était ce qu’il était et je le respectais. Ce qu’il me racontait sur son passé ne faisait, au final, que relancer mes propres souvenirs de torture dans l’Atramentar.

« Je le comprends, oui. » lâchais-je d’un regard que j’espérais entendu.

Nos sabres s’étaient de nouveau croisés, et cela expliquer mon peu d’appétence pour des réponses détaillées. Yun semblait s’être déconcentré, comme si le fait de parler de lui, de son passé, était un problème. Une lourdeur. Un boulet. Penser de la sorte était une erreur, et j’en avais fais les frais a mes dépends pendant trop de temps, et à plusieurs reprises, avant de comprendre qu’il était bien plus bénéfique de les accepter.

Une nouvelle frappe fracassa ses défenses, me contraignant à ralentir mon rythme pour que l’affrontement amical puisse perdurer. C’était aussi l’occasion de répondre à ses interrogations comme à ses remarques. La dernière, d’ailleurs, m’arracha un sourire car souvent soumise à débat chez les Jedi. Je me souvenais de ces nombreuses discussions avec mes camarades de classe à ce sujet, au cours desquelles je m’étais forgé ma propre idée. Une idée qui, en réalité, était partagée par d’autres de mes confrères.

« La chance ne pourrait-elle pas… être une façon de concevoir la volonté de la Force, Padawan ? » rétorquais-je avec une certaine malice.

Ma curiosité reprenait le dessus, car j’étais désormais désireux de connaitre en détail son point de vue sur le sujet. Vouloir tout connaitre était un de mes grands péchés, et je me souvenais encore des fois où Léonard m’avertissais avant même que je n’ouvre la bouche pour poser mes questions. M’enfin, il y a des choses qui, même avec le temps, ne changent pas…

Faisant un pas de côté, je venais planter un instant mon regard dans le sien. Je lui avais proposé de recommencer notre exercice, et Yun s’était exécuté sans pour autant, à mon avis, s’y donner réellement. La faute à ce que j’avais relevé tout à l’heure, à savoir sa déconcentration. C’était un problème qu’il allait falloir corriger avant de continuer, et je ne doutais pas des capacités de l’épicanthix à le faire. Néanmoins, ces questions méritaient des réponses, et je n’avais que trop tardé à les lui donner :

« Tu sais, explication était très compréhensible, et tes questions méritent de meilleurs réponses que celles que j’ai pu te donner, et que je risque de te soumettre. »

C’était clair que ma vision des choses étaient parfois différentes de celle que pouvaient avoir els autres Jedi, mais je ne me privais pas pour autant de l’expliquer aux autres. C’était une source de débat intellectuel dans lesquels je n’étais pas forcément très à l’aise mais qui se révélaient souvent très instructifs.

« Tout d’abord, j’accepte qui j’ai été, qui je suis, et qui je serais. Tout comme toi, j’ai commis des actes que je regrette encore. J’ai tué des gens que j’aurais pu épargner, et j’ai causé la mort d’individus qui ne la méritait pas dans l’unique but de ne pas satisfaire les velléités d’une seule personne. J’ai vu on premier mentor mourir sous mes yeux, et j’ai passé des mois convaincus de ma culpabilité.
J’ai cherché à éviter ces questionnements, pour finalement me rendre compte que la fuite ne fait qu’accentuer un mal-être intérieur. »


J’avais perdu trop de temps à me morfondre en silence, et j’étais prêt à épargner cette épreuve extrêmement douloureuse et fatigante à tous ceux qui pouvaient y être un jour confronté. Ce pouvait être n’importe qui, je l’aiderais, et je serais prêt à entrer dans les détails de ma propre traversée du désert s’il le fallait.

« J’ai compris qu’il fallait que j’accepte ce que j’étais, et ce que je suis devenu. Maitre Don a raison de souhaiter que tu te bases sur les compétences que tu as déjà acquises, car chercher à t’en forger de nouvelles pour ignorer les anciennes est, en soi, une forme de fuite. Ce n’est pas parce qu’une de tes facultés semblent obscure qu’elle l’est totalement. »

C’est ce que j’avais essayé d’expliquer à Hopeful à une époque, et ce que je continuerais de vendre à quiconque viendrait me vendre le contraire. Ce n’était pas parce que l’on était un Gardien, ou même une Sentinelle –j’avais l’impression, avec le temps, de nager entre ces deux courants-, que l’on doit absolument se cloîtrer et ignorer une partie de la Force. Alors évidemment, il était hors de question de toucher au Côté Obscur, à ses idées et à ses velléités. Etudier une facette de la Force, comme les éclairs, le contrôle mental ou le dédoublement ne veut pas dire que l’on abandonner une partie de son être dans la noirceur. C’est leur usage, facile, quand font les Sith et les autres adeptes de ce penchant de la Force qui rendent ces compétences malsaines. Léonard avait prouvé le contraire en faisant usage d’un contrôle mental plus appuyé que la simple persuasion pour empêcher l’enlèvement de la princesse d’Ondéron. D’autres Jedi avaient utilisé la foudre émeraude pour neutraliser un individu sans le torturer, comme un Sith le ferait normalement avec les éclairs de force.

« Alors évidemment, elles ont leurs penchants naturels dans la Force. Mais c’est seulement leur source, la manière et le but dans lesquels tu les utilises qui détermine réellement si une faculté est bonne ou mauvaise. Les éclairs de force par exemple, ne sont en rien une manifestation du seul Côté Obscur. Ils peuvent être utilisés à d’autres fins. Certains des Jedi que tu as peut-être côtoyés s’en servent au contraire sous des formes moins dévastatrices. »

Notre fil de discussion dérivait lentement mais surement, mais ce n’était en rien dérangeant. Au contraire, cela montrait que bien des débats étaient souvent intrinsèques, et dévier de l’un à l’autre était tout à fait normal. Et même logique. Pour autant, je me devais de répondre à l’ensemble de ses questionnements, et c’est pourquoi je venais recentrer le sujet :

« Tout comme moi, il est normal et même nécessaire que tu n’oublies jamais qui tu as été, et quels ont été les causes et les conséquences de tes actes de sorte que plus jamais tu ne te laisses aller à ce genre de dérives. Je passe moi-même de très longs moments à méditer sur ces sujets pour surtout ne jamais les oublier.

Cependant, jamais tu ne dois laisser ces pensées t’influencer dans une situation dangereuse, car elles t’amèneront à douter. Tes mouvements, tes actions, se doivent de n’être que pure perfection, et être animés d’une volonté de fer, déterminée, à agir pour le bien commun. »


Sur ces mots, je l’observais qui continuait de se concentrer. Si je ne pouvais percevoir ce qui se tramait dans son esprit, j’étais en revanche parfaitement qualifié pour interpréter les mouvements de la Force autour de lui. Je ne savais pas si c’était mes propos qui l’avait convaincu d’agir de la sorte, ou si le fait de m’exposer ses pensées qui l’avait libéré de son boulet, mais le bouclier qui se dressait autour de lui était tout à fait évocateur du changement.

Sachant qu’il allait m’attaquer, je raffermissais à nouveau ma prise sur mon sabre et je me préparais à le voir venir. C’est ainsi que je l’avais observé bondir au-dessus de moi, mon regard suivant le mouvement de son corps. La Force m’avertissais déjà de la suite, et je déterminais au mieux son point de chute grâce aux facultés offertes par la méditation mobile. Je ressentis ses pieds toucher le sol alors que je pivotais un peu de côté de sorte à lui offrir une parade qui allait s’avérer déséquilibrée.

Ramenant mon sabre dans mon dos depuis mon flanc, je venais m’opposer fermement à sa lame. Le choc fit plier mon poignet et je pivotais de nouveau, en perte d’équilibre, pour m’écarter et lui faire face.

« C’est ce que tu dis faire, et effectivement ce que tu fais en ce moment. » lâchais-je alors à son égard tout en ramenant un pied devant moi.

De là, et avec cette position solide et stable, je venais encaisser les premiers coups de sa rafale typique du Juyo. Un pas derrière l’autre, je reculais lentement tout en imitant ses mouvements. Je ne cherchais pas à contre-attaquer par un mouvement aérien de la Forme IV, car il ne ferait que m’exposer ; Et lancer dans un tournoiement terrestre de la Voie du Chauve-Faucon m’était impossible du fait de la faible distance initiale entre-nous.

J’allais donc stopper la marche en avant de l’épicanthix en le surprenant, et cela passa par une riposte soudaine et brutale directement issue de la forme que Yun appliquait contre moi. C’est seulement à cet instant que je me retirais de sa proximité à l’aide d’un Su Ma maîtrisé qui allait le contraindre, à force, à galoper.

« Vous êtes sur la bonne voie, Padawan Silthar. »

C’était sincèrement mérité.


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Enfin, Yun avait obtenu des réponses. Quelque part, il était presque déçu : il avait toujours pensé que le salut viendrait d’un vieux maître fort sage, du sien peut-être plus particulièrement, mais finalement, un jeune homme d’une vingtaine d’années, guère plus âgé que lui avait trouvé les mots pour enterrer ses interrogations, pour y mettre un point final ou du moins, un point de suspension plus que conséquent. Désormais, l’épicanthix aurait l’esprit un peu plus clair, et comprenait mieux la philosophie de ceux dont il avait parfois douté. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher de conserver ce curieux amour du doute cartésien, comme si se poser sans cesse des questions était une manière de se remettre sans cesse en cause, de toujours cherche le savoir et de ne jamais se reposer sur ses acquis. Peut-être ainsi en cela qu’il correspondait à ce que décrivait le Chevalier Draayi : contrairement à d’autres, il avait tendance à extérioriser ses peurs et ses inquiétudes, à se poser longuement pour les disséquer. L’épicanthix était, et resterait un sceptique. Mais il ne tenait qu’à lui de transformer ce trait de caractère si particulier en une véritable force, en un cheminement intellectuel purement jedi.

Si le colosse tenait tant à préserver cette forme d’esprit, ce doute cartésien qui l’animait, c’était précisément parce qu’il avait conscience que seule cette manière de réfléchir l’avait tenu à l’écart du côté obscur, sous les ordres de Mantis puis sur Korriban. Yun aimait construire des hypothèses, les confronter, et par-dessus tout construire et déconstruire les schémas intellectuels justement préconçus pour en justifier la validité. C’était ainsi qu’il s’était aperçu que la doctrine sith ne lui convenait pas, et c’était paradoxalement de la même façon qu’il bâtissait son adhérence sans faille au Code jedi. En quelque sorte, et de façon ironique pour quelqu’un qui avait aussi peu d’appétence pour la joute verbale et le débat, l’épicanthix était loin d’être un penseur maladroit. A vrai dire, poussé dans cette direction, il aurait sans doute pu être un très bon théoricien de la Force. Ses raisonnements étaient souvent trop tranchés, trop implacables, trop colorés par ses expériences … Mais il possédait une intuition et une intelligence expérimentale, justement, dont il n’avait pas à rougir. Restait à l’expliquer une fois encore, et à complimenter son vis-à-vis.

« Vos explications sont sans doute les meilleures que l’on m’ait données, Chevalier Draayi. Sincèrement. »

Et pour appuyer ses dires, le jeune homme adressa à l’humain un de ses traits rares sourires, découvrant des dents d’une blancheur immaculée et parfaitement alignée qui venait un peu plus jurer avec sa face simiesque et grotesque. Oui vraiment, parfois sous le coup de la joie ou de la reconnaissance, on pouvait deviner les contours de ce qui aurait dû être un visage avenant, voire même relativement séduisant. Yun avait des traits fins et réguliers, légèrement anguleux et ses yeux gris, quand ils s’illuminaient ainsi, laissaient transparaître une âme douce et tranquille. Quel gâchis, finalement. A la place de ce qu’il aurait pu être se tenait quelqu’un qui, peu importe ce que l’on pensait, ne serait jamais réellement beau, ou du moins, pas franchement concerné par les canons esthétiques normaux. Le pauvre le savait bien. Il voyait le dégoût dans les yeux des uns et des autres, la répulsion … Il était condamné à une vie de solitude par son physique, encore plus que par son statut de jedi. La perspective ne l’émouvait pas particulièrement. A vrai dire, et aussi curieux que ce soit pour un jeune garçon de vingt ans en pleine possession de ses moyens, elle l’indifférait profondément. Les tourments de certains de ses condisciples lui paraissaient futiles, leurs plaintes puériles. A n’en pas douter, les traumatismes de son adolescence sith avaient contribué à cette chasteté monacale aussi volontaire que contrainte. C’était, finalement, l’un des rares points sur lesquels il ne souffrait pas de l’inattention des autres. Pour autant, là n’était pas la question, et il était temps de se reconcentrer sur le fil de la conversation.

« Le doute et la concentration ne sont pas forcément antagonistes, du moins, tels que je les conçois. Il suffit de bien séquencer le moment où ils apparaissent. J’aime douter et me poser des questions, car c’est ainsi que j’ai rejeté le côté obscur. Douter sans cesse me permet … de confronter les idées reçues, les dogmes, de les accepter ou de les rejeter en toute connaissance de cause. En doutant … En quelque sorte, je me protège de moi-même. Vous voyez ? Un peu comme ce corellien qui parlait de doute fondamental, il y a plusieurs dizaines de milliers d’années. Je ne me souviens plus son nom. Et à côté, une fois que je suis pleinement sûr de ce que je pense … Alors je peux adhérer pleinement, entièrement, à ce que je fais, et ne plus me laisser envahir par de mauvaises pensées.

C’est juste que parfois … Le processus est difficile. Plus encore quand on est sur la corde raide entre la lumière et les ombres. Mais … Je ne sais pas si j’arrêterais un jour de m’interroger. »


Il eut comme un air d’excuse. Difficile de changer ce qu’il était au plus profond, de faire taire son scepticisme presque philosophique.

« Je crois qu’il me faut juste … du temps. Pour me convaincre de la justesse de ce que je suis en train de faire, alors que pendant des années, je me suis convaincu que c’était la mauvaise voie à emprunter. Sans doute que j’y arriverais avec le temps … et avec votre aide, Chevalier Draayi.
Vous êtes un excellent professeur. Vous ferez un grand maître un jour. J’en suis convaincu. »


Là encore, Yun était sincère. De toute façon, il avait toujours été mauvais pour le mensonge. Et il recevait les compliments du Chevalier Draayi avec une satisfaction certaine, même s’il en était un peu étonné, surtout que sa dernière attaque avait transpercé son bouclier. Sa défense de fer au Soresu perdait singulièrement de son efficacité tandis qu’il se donnait entièrement au Juyo. Il lui faudrait combiner un jour les deux formes s’il tenait réellement à progresser. Mais chaque chose en son temps. Pour le moment, déjà, il lui fallait parvenir à recréer un Bouclier de Force. L’effort lui arracha un soupir, car il commençait à puiser dans ses réserves. L’enveloppe se fit tremblotante autour de lui, mais après plusieurs minutes d’efforts, harassé, il finit par abdiquer. Manifestement, il n’obtiendrait pas mieux.

« Merci Chevalier Draayi. Je l’espère, en tout cas. Du moins … J’aime à tester ma chance. Ou la Force. Et vous ? »

Il lui adressa un somptueux sourire, se sentant comme envahi par une bonne humeur soudaine … Et de ses doigts inquisiteurs jaillirent une imposante gerbe d’éclairs verdâtres qui plongèrent vers l’humain.
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Anonymous


Je ne me considérais pas comme un grand savant, et encore moins comme un sage. Je ne pensais pas avoir développé un esprit aussi puissant que celui de Léonard, ou de Maître Don, et j’étais convaincu de ne pas arriver à leurs chevilles lorsqu’il me fallait expliquer quelque chose à quelqu’un d’autre. Si j’étais certain d’avoir les idées claires dans ma tête, j’avais l’impression de toujours me mélanger les pinceaux lorsque je tentais de les extérioriser. Je me voyais à chaque fois, trébuchant sur un obstacle invisible qui, peut-être, se trouvait à l’intérieur de mon être. J’ai toujours été un garçon timide étant plus jeune, et je gardais encore des traces de cette peur d’aller vers l’autre, et surtout de converser avec lui. Même lorsque je maîtrisais mon sujet, j’avais l’impression de bafouiller, ou de ne pas être assez clair. Étonnamment, cette impression disparaissait face à un adversaire, encore plus contre un Sith. Dans ces cas de figure, je n’avais aucun problème à me faire comprendre. Peut-être parce que je n’avais pas besoin de réfléchir, que les choses étaient innées. J’avais beau me remettre constamment en question pour ne jamais dévier de la voie que la Force me traçait, je n’avais que peu d’hésitations et beaucoup de certitudes. Ces dernières étaient tout de même plusieurs fois tombées, lorsque je fus confronté à des connaissances, ou à des individus très particuliers. Mais en général, lorsqu’il s’agissait de me lancer dans un affrontement inévitable, je n’étais rien de plus qu’un roc impénétrable. Je laissais de côté mes doutes et mes appréhensions pour me donner cœur et âme à ma tâche.

Ce n’était clairement pas la situation à laquelle j’étais confronté avec Yun, car le Padawan n’était pas mon ennemi. Je ne l’avais d’ailleurs jamais réellement côtoyé auparavant, et encore moins affronté lors d’un duel au sabre-laser, et pourtant mes propos n’avaient pas laissé le moindre doute quand à ma vision du contrôle de soi. Les compliments de l’Epicanthix sonnaient comme une confirmation, en plus de se révéler agréables. Peu de gens semblaient prêter attention à ma logique, ou même aux propos que je tenais. Seuls quelques Maitres, au Temple, prenaient le temps de m’écouter et reconnaissaient les progrès que j’avais fais en la matière depuis des années. A vrai dire, ils se comptaient sur les doigts de la main, et étaient souvent ceux qui m’avaient côtoyé, de près ou loin : Alyria Von, Léonard Tianesli et Inir’kilor Vulnik. Ma mère, aussi, évidemment. Les autres avaient laissé sous-entendre mes progrès ou restaient muets, et seulement quelques-uns m’avait vigoureusement remis en question. A vrai dire, je n’acceptais toujours pas les propos tenus par certains membres du Conseil à propos de mon orientation, et de ma capacité à développer des idées et des hypothèses. J’avais trouvé cette condescendance outrageante et particulièrement dégradante pour l’image que le Conseil était sensé donné aux membres de l’Ordre, et au-delà.

« Oh, je ne suis qu’un piètre professeur en comparaison de Maître Tianesli, ou même de Maître Don. Je fais de mon mieux pour t’aider, et je suis dans ce cas satisfait que mes explications te conviennent, Yun Silthar. »

Je ne pouvais cacher indéfiniment le frisson qui m’avait parcouru, et mes joues se couvrir légèrement de pourpre. Son compliment, parce qu’il venait presque d’un parfait inconnu, avait beaucoup de sens pour moi, et me confortais à accentuer mes efforts de vouloir exprimer plus souvent ma pensée, et ma vision du chemin que j’empruntais avec la Force comme alliée. Son sourire, en revanche, me sembla bien étrange tant il tranchait avec l’idée première que l’on pouvait avoir sur sa personne. Son visage défiguré et son attitude distante avait tendance à en effrayer plus d’un tout en maintenant à distance les autres, or l’Epicanthix semblait bien cacher son jeu, ou plutôt avait-il ignoré une grande part de lui-même après avoir suivit le dogme des Sith. Sur ce point, hélas, je ne pourrais pas lui être d’une grande aide. Au mieux pourrais-je l’aider à s’extérioriser, mais je ne pourrais jamais reconstituer le visage qui avait pu être le sien. C’était trop tard pour agir sur cet aspect de sa personne.

« Je comprends parfaitement ce que tu cherches à dire, et ce n’est pas incompatible avec ce que je t’ai expliqué. Je dois même admettre que, parfois, ta vision est la mienne. Se remettre en cause est une nécessité permanente, cela permet de ne pas s’oublier. Il faut aussi savoir écouter les évaluations des autres, tout en étant capable de discerner le sincère du mensonge. C’est là le but même d’une de tes futures épreuves, Padawan. L’esprit est très complexe, et tu dois connaître le tiens à la perfection. »

Se recentrer sur la conversation était nécessaire, et j’étais satisfait de voir que Yun ne s’était pas égaré malgré les claquements de sabre. J’adhérais à ses propos à défaut de ses pensées, réellement impénétrable. Le mur émotionnel inhérent à ses origines était exceptionnel, et lui conférait des avantages qu’il ne cessera de découvrir au fil de son apprentissage. Un apprentissage que je ne pouvais pas lui dicter, quand bien même il insistait une fois de plus pour me remercier et me flatter, car ses propos étaient à mon avis exagérés, ou plutôt prématurés. Léonard avait tenu le même discours à mon sujet, lorsque nous étions revenus de Ruusan tout les deux. Encore, par moment, la présence du Tianesli me manquait. Dans certaines situations, je me demandais encore ce qu’il aurait fait à ma place, et c’était dans ces instants là que je découvrais que, malgré nos différences, nous avions des points en communs. C’était également le cas en cet instant, avec Yun. Nos chemins étaient radicalement différents, même opposés. Et pourtant, nos pensées se rejoignaient.

« Ne vendons pas la peau du rancor avant de l’avoir tué. Je ne suis encore qu’un jeune chevalier, et notre apprentissage est sans fin. Il y a encore beaucoup de choses que j’ignore. De plus, mon apprentissage n’est pas celui que tu dois suivre à la lettre car je ne suis pas ton mentor.

Je ne dis pas là que tu dois ignorer tout ce que je t’ai dis, car je suis évidemment là pour t’aider, mais c’est à Maître Don que tu dois soumettre le résultat de la confrontation de nos idées, et peut-être lui te demandera-t-il de venir me voir plus régulièrement pour que nous continuions à en discuter. »


Et je me ferais alors un plaisir de l’aider dans sa quête. En attendant, j’étais plutôt occupé à le faire courir maintenant que sa défense était percée. Son bouclier avait finit par vaciller sous mes frappes, et quand bien même j’avais le dessus sur le jeune homme, il n’en restait pas moins un adversaire des plus coriaces. Son niveau était déjà très bon, et il ne lui manquait pas grand-chose pour pouvoir s’élever au-delà de ce que l’on pouvait attendre de lui en tant que Padawan, à savoir se comporter d’ors-et-déjà comme un Chevalier.

J’aimais beaucoup sa dernière question, car elle montrait un intérêt particulier pour la discussion, et plus particulièrement pour le débat. En revanche, ma réponse devrait attendre, car Yun Silthar avait visiblement décidé de se montrer joueur en élevant un peu plus le niveau de notre affrontement amical. S’il ne pouvait plus dresser son bouclier, il pouvait tout de même se reposer sur le reste de ses capacités, et notamment celles qu’il maîtrisait le mieux. Je fus tout de même étonné, mais agréablement surpris, amusé même, de le voir réagir avec une utilisation de la Force que j’avais plus tôt suggéré et qui me força à rompre avec mon actuelle tactique qui consistait à faire du pressing. C’est en m’immobilisant que je parvins à intercepter ses éclairs verdâtres qui me rappelaient beaucoup ce que Léonard avait cherché à développer lorsque j’étais encore son Padawan. Et c’est en maintenant ma lame entre son faisceau d’énergie et mon corps que je lui répondais, avec calme mais détermination :

« Je ne teste plus la Force depuis bien longtemps. Je connais son caractère quasi infini et je la respecte pour ce qu’elle est : mon alliée. Mais je n’ai rien contre un petit peu de hasard, quand bien même il n’existe pas. Je n’ai aucun problème à laisser la Force me guider là où elle veut me mener. Non sans prendre quelques précautions, bien évidemment.

Car en soi, s’ouvrir à la volonté de la Force, n’est-ce pas là une manière de se livrer à une forme de hasard ? »


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