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Anonymous
Se rendre dans la chambre du Conseil était toujours une épreuve redoutée par tous les padawans. Se présenter devant les maîtres d’armes pour une session particulière dans la salle d’entraînement était un honneur terrifiant. Devoir faire face aux longs discours de Maître Ob’tu, une souffrance partagée. Pourtant, rien ne pouvait plus horrifier un novice du Temple jedi que de devoir déranger Maître Manteer dans une de ces périodes de boulimie jardinesque, comme certains fous aimaient les appeler à mots couverts … Mieux valait que le vieux Dragon n’entende pas de tels persiflages, encore qu’en s’approchant et en le voyant pester contre une roseraie apparemment peu disposée à se laisser couper sans résistance, Yun se demande l’espace d’un instant si ces derniers n’étaient pas légèrement véridiques sur les bords.

Prenant son courage à deux mains, l’épicanthix s’approcha doucement, sa grande taille projetant son ombre sur des tulipes à l’air mourantes, qui paraissaient le supplier de les tirer des mains de l’horticulteur du dimanche qui, manifestement, ne s’en laissaient pas compter, puisqu’il agitait son sécateur avec vivacité, au point que, l’espace d’une brève seconde, Yun eut peur qu’il se coupe sa longue barbe blanche dans le feu de l’action. Vraiment, le vieux Komodo avait quelque chose … d’original. Et dire que certains parlaient des absences de Maître Don … Maître Manteer avait deux fois son âge, et paraissait deux fois plus fou ! Y avait-il un aspect proportionnel dans la vieillesse des jedis ? Les invectives sur ces pauvres plantes vertes permettaient de se poser légitimement la question. Enfin … Quand faut y aller, faut y aller !

C’était la première fois qu’il avait affaire au vieil épicanthix, en vérité. Ce dernier était quasiment une légende au sein du Temple, et pas pour rien. En effet, outre ses vieux faits d’armes, que seuls les plus vénérables étaient en mesure de se rappeler, ainsi que les archivistes du Temple, le vieillard avait fait un retour spectaculaire plusieurs mois auparavant en menant les mondes neutres à s’investir pour arracher Dubrillion des griffes impériales, avant de défaire la flotte commandée par l’Impératrice dans ce qui serait, à n’en pas douter, une bataille qui resterait dans les annales galactiques. Certaines rumeurs voulaient même que le sage se soit mis l’Etat-Major Républicain à dos au cours de l’opération en lui expliquant par le menu toute l’étendue de son incompétence. Au vu des résultats de ce dernier ces dernières années, Yun n’était pas loin de penser que, si cela était vrai, son aîné n’avait vraiment pas eu tort.

C’était peu dire que le jeune homme était critique vis-à-vis de la République. Il avait du mal à comprendre l’attachement qu’éprouvaient certains de ses frères et sœurs d’armes pour cet édifice branlant, rongé par la corruption et l’avidité, n’ayant de démocratie que le nom. Quelle belle hypocrisie, quand il y pensait … Formidable, les sénateurs votent ! Magnifique, inouï ! La plupart ne sont pas élus et ne sont que des nervis de pouvoirs plénipotentiaires et despotiques, mais ils votent ! Réjouissons-nous ! Quelles fadaises. Et dire que certains y croyaient encore dur comme fer. Non, la République ne lui avait jamais présenté comme visage que l’incompétence et la soif de pouvoir, deux aspects qu’il exécrait et n’avait que trop connu chez les siths. Arkania avait contribué à solidifier cette vision sans concession. Yun ne s’était jamais battu pour la République. Yun se battait pour l’Ordre jedi, et ne se sentait aucunement liée à cette dernière. De toute manière, les trois-quarts des politiciens peuplant cette Rotonde qu’il exécrait passaient leur temps à dire que les jedis ne servaient à rien. Grand bien leur fasse ! Que l’Ordre coupe les liens avec la République, et cette dernière n’aurait que ses yeux pour pleurer au moment d’entrer en guerre, menée par ses généraux tous plus incompétents les uns que les autres. L’histoire récente parlait avec éloquence : tout ce que la République avait tenté, elle l’avait raté … Sauf quand un jedi était aux commandes, ironiquement. Oui, certes, Halussius Arnor avait failli. Mais il était accompagné par tout un Etat-Major qui n’avait jamais écouté les avertissements jedis sur la résurgence sith. A qui la faute, finalement ? A celui qui avait tenté de défendre un monde attaqué, ou à une bande de vieux croutons conservés dans du formol et dont la vision rétrograde et passéiste avait mené la République à un désastre sans précédent ? Quant aux dernières sorties républicaines, elles devaient leur succès très relatif à l’action des jedis … Amusant n’est-ce pas ? Alors clairement, la réputation de Maître Manteer sur ce point ne l’effrayait pas. Bien au contraire, même.

Pour le reste, hormis sa passion notoire pour l’horticulture et le fait qu’il était de la même race que lui, Yun ne savait rien de ce véritable pilier de l’Ordre jedi sorti de sa retraite en ces temps troublé. On le disait bougon, étrange, un peu sauvage. Mais on disait souvent beaucoup de choses au Temple, et le jeune homme connaissait trop bien le poids des rumeurs pour y accorder un quelconque intérêt. Néanmoins, la raison de sa convocation par le Dragon de Dubrillion demeurait un mystère. Pourquoi avoir voulu le voir en tête-à-tête ? Il l’ignorait, et depuis qu’il avait reçu le message de Maître Manteer, il se creusait désespérément la cervelle pour espérer trouver une réponse à cette question entêtante, tout en échouant lamentablement dans son entreprise. Non, décidément, il ne voyait pas, mais nul doute que cette entrevue allait finalement mettre un terme à ses interrogations.

« Maître Manteer ? »

Yun s’inclina respectueusement devant l’ancien, comme il le faisait toujours en présence de quelqu’un de plus avancé dans la hiérarchie de l’Ordre que lui, avant de souffler doucement :

« Vous avez demandé à me voir ? »
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