Elle m’avait atteinte, et je venais de lui rendre la pareille. Pourtant, je n’étais pas du tout sereine. J’étais éprise d’un très mauvais pressentiment depuis le début de ce tournoi, et je me demandais vraiment à présent ce que je faisais là. Je n’avais plus rien à prouver depuis que j’avais tué un membre du Conseil Noir sur Byss. Alors pourquoi m’entêtais-je à vouloir participer à cette compétition alors que je pouvais très bien en rester à l’écart, et continuer mon train-train quotidien ? Peut-être était-ce parce que, justement, je n’étais pas totalement satisfaite de ce quotidien là, et que j’avais besoin de m’évaluer, de connaitre mon niveau, et de constater le retard immense que j’avais pris du fait du manque d’intérêt d’Isobel. Ou bien était-ce sa paranoïa, sa crainte de me voir un jour devenir trop puissante ? De fait, peut-être me bridait-elle ?

J’avais l’impression d’être devenue plus lente, moins agile, et surtout incapable de parer le moindre coup de sabre-laser ! Preuve en était la contre-attaque d’Ysanne, que j’aurais pu anticiper grâce aux avertissements que me lançais la Force depuis le début de cet affrontement. Pourtant, je n’en était pas capable. Du mois, pas parfaitement ! Je n’offrais qu’une prestation pitoyable dans une finale d’un tournoi où je n’avais été que moyenne, voir plutôt mauvaise. Pour une première édition, le Seigneur Laduim devait sans doute être déçu de cette facette du résultat. L’autre, évidemment, était plus intéressante : il aurait beaucoup de cobayes à envoyer dans l’armée Sith.

Retombant sur mes pieds, je voyais la lame d’Ysanne me revenir en pleine figure. Ce n’est que grâce à un réflexe soudain que je parvenais à limiter la casse –à ne pas me faire décapiter, en fait-, ma lame venant dévier celle jaune d’Ysanne. La douleur n’en fut que plus grande lorsqu’elle vînt frapper ma chair, mais au moins n’étais-je pas morte, ou gravement blessée. Quoique, désormais, les marques commençaient à s’accumuler. A ce rythme, j’allais finir par ramper au milieu de tout ce sable !

« Je suis satisfaite de constater tes progrès Ysanne. Tu ne m’as pas déçue. »

Titubant en arrière tout en retenant un nouveau cri de douleur, je réalisais ô combien j’étais devenue faible, voir même pathétique. Comment était-ce possible ? Comment pouvais-je être aussi incompétente ?

« Mais à présent, que veux-tu faire ? Me tuer ?! »

Peu importait, je ne pouvais pas me rendre. Je ne pouvais pas maltraiter Ysanne non plus. Je la respectais trop. Peut-être était-ce là mon problème, d’ailleurs. Peut-être que je me retenais, que je n’osais pas frapper par crainte de lui faire du mal, et de mettre brutalement un terme à ce qui nous unit…

Preuve en était ma riposte, vaine tentative de frappe courbée pour atteindre son épaule ! J’avais fais un pas en avant, feinté une frappe basse pour ramener mon frappe vers les hauteurs. Mais même là, je me sentais épuisée… Ces combats, presque constants, éprouvaient les limites de mon corps, mais aussi de mon esprit…

J’étais éreintée. Je ressentais la fatigue qui prenait possession de mes muscles. Je ressentais les membres de mon corps se fossiliser sous la douleur. J’encaissais, et j’étais incapable d rendre les coups à mon adversaire. Je ressemblais à un simple animal qui cherchait à se défendre contre une meute, alors que cette même meute n’était en réalité qu’une simple personne. Les derniers combats m’avaient grandement affecté, et c’était sans parler des lacunes qui étaient apparues avec le temps. Non, le fait était que je n’étais pas aussi puissante que je ne l’avais pensé. Mon égo m’avait aveuglé, et j’en payais le prix cher face à une amie dont l’éloignement m’avait fait la sous-estimer alors que j’étais pourtant consciente de son véritable potentiel.

Comment avais-je pu être aussi bête ? Aussi aveugle ? Aussi absurde ? Je titubais, clignant doucement des yeux tout en portant une main à ma blessure. Je n’étais pas en forme. A vrai dire, je ne m’étais pas retrouvé dans pareille situation depuis…. Le Temple. J’avais toujours su me sortir des problèmes avant qu’ils ne deviennent trop graves, mais je ne voyais aucune échappatoire à celui-ci, si ce n’est la promesse que venait de me faire Ysanne. Mais pouvais-je encore lui faire confiance, à elle et à sa Maitresse ? Que ferait-elle, si elle exigeait d’elle qu’elle me tue ? Reviendrait-elle sur sa promesse pour plus de pouvoirs ? Ou bien Ysanne agirait-elle comme Zora l’avait fait à sa place, à savoir fuir ?

Néanmoins, son analyse était juste. La crainte d’avoir Isobel sur le dos était une bonne justification. Mais Isobel ferait elle front pour moi ? Le ferait-elle seulement ? Je l’espérais sincèrement. J’étais convaincue d’avoir une réelle importance aux yeux de la Zeltronne. Mais je pouvais me tromper, tout comme je m’étais tromper sur l’évaluation que j’avais fais d’Ysanne à la veille de notre affrontement. Ysanne avait changé. Vraiment changé.

« Si tu le dis, Ysanne… Mais en est-il de même de ta Maitresse ? »

La voyant charger de nouveau, je me préparais à une nouvelle feinte. Sa frappe d’estoc ressemblait plus à un coup désespéré que quelque chose de murement réfléchit, et elle ne dévia pourtant pas de sa trajectoire ! Je me redressais, prête à me protéger, mais mes muscles étaient trop faibles. Trop endoloris. Au moment de venir en opposition, j’entendis les lames claquer dans une gerbe d’étincelles, avant de laisser échapper un puissant gémissement de douleur alors que la lame d’Ysanne venait frapper mon corps. Je chutais en arrière sous l’impact, et je tentais malgré-moi une riposte vaine et aveugle. Mais ma frappe fut trop imprécise. J’entendis les sabres claquer de nouveau alors que je chutais sur le sol, mon dos s’affaissant dans le sable du terrain.

Je clignais des yeux, me redressant pour me trainer comme je le pouvais à l’écart d’Ysanne, ma lame en opposition. J’étais pitoyable. Oui, pitoyable.

« … Viens m’achever si tu l’oses, Ysanne… VIENS ! »

« Ynnitach et moi avons un secret commun, Ysanne… Tune peux pas comprendre… » murmurais-je tout bas, pour n’être entendue que d’elle.

Ta maitresse… Qu’est-ce que tu en sais, Ysanne ? Comment peux-tu tu dire connaître les pensées d’Ynnitach ? Je t’en prie, Ysanne, ne prend pas le risque de prononcer des paroles, des promesses qui ne sont pas de ton ressort. Tu n’es qu’une apprentie, comme moi. Tu es remplaçable ! Isobel attendait beaucoup de moi pendant ce tournoi, mais qu’avais-je fais ? A part patauger dans le sable, à combattre des adversaires qui me surpassaient pour la plupart, rien du tout ! J’avais perdu en finale, certes, mais je savais que mes performances étaient pitoyables. Ridicules. Comment pouvais-je envisager, à mon âge, de chercher à m’approprier le titre de Guerrière alors que je n’avais tout simplement pas le niveau d’un apprenti correct de l’Académie ? Je n’étais sortit du lot que par la ruse, je m’étais fais une réputation par la manipulation. J’avais tué un membre du Conseil Noir en le poignardant dans le dos. Qui avait-il de glorieux à cela, si ce n’est de la débrouillardise ? Je n’étais qu’une piètre combattante, voilà la réalité, et Ysanne l’avait dévoilé aux yeux de tous. A présent, mon futur sur Korriban était incertain. Jusqu’à cet instant, j’étais confortablement installée, indétrônable. Désormais, ma position serait remise en question. Les tentatives pour me tuer reprendront, quand bien même le meurtre soit désormais interdit en ce lieu. Mais quid du reste ? La galaxie était bien vaste. Tout les coups étaient permis en dehors de Korriban.

Et Isobel ? N’allait-elle pas chercher à se débarrasser de moi ? Sa demande, pour que je vienne rechercher des talents prometteurs, ne visait-elle pas tout simplement à me remplacer ? Après tout, ce serait bien logique après tout ce spectacle ! Maintenant que j’étais discréditée, elle pouvait me balayer sans le moindre remords ! – a condition qu’elle puisse en avoir…

Ysanne ne semblait pas comprendre qu’à présent, je venais de quitter l’espèce des prédateurs pour rejoindre celle des proies. Elle pouvait s’approcher et déverser ses phéromones pour me convaincre, ma conviction était inébranlable.

« Nous verrons, Ysanne… Mais ne tente pas de m’amadouer. Fais ce que tu as à faire. Fais-le maintenant ! »

Tu crois vraiment que je n’ai pas lu à travers ton jeu, Ysanne ? J’ai déjà jouer cette scène auparavant, j’ai déjà été à ta place ! Je sais très bien ce que tu as prévu de faire, alors frappe. Frappe pour m’achever. Je la vois qui ne tarde pas à agir, et je me prépare à me protéger, à faire front. Je ne sais pas ce qui lui traverse réellement l’esprit. Ou alors peut-être que je me voile la face, qu’elle est réellement sincère. Mais dans ce cas, pourquoi chercher à m’achever ? Pourquoi avoir planté une énième fois sa lame dans mon corps ?

Cette fois, je ne criais même pas. Je ne faisais même pas la différence. J’étais juste épuisée. Je voulais juste me reposer…