Le Masque de la Force
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A bord du Furtivo, qui a enfin pénétré l'espace dubrillionais, à quelques centaines de kilomètres des affrontements…

- Oui, vous avez parfaitement entendu, monsieur, une motion de censure. Un groupe de 38 sénateurs propose la dissolution du gouvernement actuel. Monsieur Velt va soumettre le vote au Sénat dans quelques heures, le temps d’organiser l’assemblée exceptionnelle.

Le Sénateur Fylesan marche d’un pas vif à côté d’une chargée de mission qui s’empresse de lui expliquer la situation. La jeune femme est professionnelle, les cheveux courts et bruns, un tailleur impeccable et une voix qu’elle maîtrise parfaitement. Trop parfaitement ? L’alsakanien ne l’a jamais vue avant, elle ne travaille donc pas pour sa délégation.

- Pourquoi venez-vous m’informer de cela, plutôt que de vous entretenir directement avec le gouvernement ? interroge-t-il tandis qu’ils parviennent devant une double-porte gardée par une Jedi – une jeune cathar qui fait la moue.

La chargée de mission pose une main sur le bras du Sénateur, l’empêchant d’entrer trop vite.

- Sénateur Fylesan, vous êtes le seul représentant du Sénat qui ne soit pas du gouvernement, voilà pourquoi.

Echanges de regards intrigués.

- Le Sénat souhaite que vous portiez sa voix. Et que vous fassiez pression sur le gouvernement pour faire cesser cette attaque et ramener la paix au plus vite. Les mondes frontaliers craignent l’Empire, on ne peut pas prendre ce risque !

Le Sénateur Fylesan ne répond rien. Il fera ce qu’il pense être juste. Il se dégage de l’étreinte pour pouvoir entrer après avoir présenté son autorisation spéciale à la padawan, qui lui ouvre les portes. La chargée de mission, elle n’a pas le droit d’entrer, et la jeune Loreline n’a plus très envie de plaisanter : elle restera dehors.

A l’intérieur, Voyl Clawbck ronge son frein en attendant de pouvoir rencontrer un représentant du gouvernement. Il a eu des nouvelles de Klark, et pas exactement celles qu’il attendait. Une nouvelle vidéo a été envoyée à la famille du Sénateur de Muunilist : on y voit le Muun attaché dans une minuscule cellule, le haut du corps dénudé et le visage tordu par la peur. Il hurle tandis qu’un droïde, un vieil astromech visiblement détourné de son usage initial depuis longtemps, lui inflige à intervalles réguliers des décharges électriques. Une voix off annonce, avec sarcasme, que seule le retrait des troupes républicaines de la zone impériale pourra sauver le Sénateur…
Et la famille, bien sûr, a une nouvelle fois diffusé ces vidéos. La population de Muunilist relaye les images choquantes. L’inquiétude enfle : est-ce le sort réservé par l’Empire aux habitants de leur planète dès que le sort de Dubrillion sera réglé et que la guerre se déversera sur les mondes frontaliers de la République ?

Dalla, à quelques mètres à peine, se fait toute petite devant les trois écrans qui la surplombent. Quelques minutes plus tôt, Leto Vorkosigan s’était tenu là, coordonnant les différentes énergies Jedi pour venir au mieux en aide à l’armée républicaine. Puis tout s’est enchaîné très vite : de nouvelles équipes Jedi sont arrivées depuis Artorias et les mondes neutres pour prêter main forte, prenant le contrôle des différentes flottes de la République autour de Dubrillion à cause des craintes liées aux Sith et à leur capacité de contrôle des esprits ; la Chancelière est montée à bord d’une frégate et circule au beau milieu de la bataille, où elle risque la mort, ou pire, la capture ! Et la situation sur le sol dubrillionais évolue rapidement, les impériaux se défendant si farouchement qu’ils menacent la population civile de la planète !
C’est ainsi que le Maître Jedi a dû abandonner son poste pour aller prendre les choses en main. C’est lui qui a positionné Dalla ici, avec des ordres qu’il espère être assez simples pour elle : informer le gouvernement, à savoir sa représentante à bord, Ress Laz’ziark, de l’évolution des missions des Jedi, afin que celle-ci puisse prendre les meilleures décisions possibles : elle n’aura qu’à alerter tout ce qu’elle trouve important : les petites victoires ici et là, les grandes décisions des stratèges Jedi qui mènent les flottes républicaines… Bref, un travail de documentation et de tri de l’information, le tout sous le stress de la situation. Une grosse responsabilité pour de si petites épaules, mais plus aucun Jedi n’est disponible pour le faire. Mais la Ministre de la Justice compte sur elle, il va falloir se montrer à la hauteur !

La balosar, justement, arrive en trombe par une autre double-porte, et vient se positionner, le pas vif autour de la table stratégique où s’affiche l’évolution des différentes flottes autour de Dubrillion. Monsieur Clawback et Monsieur Fylesan la rejoignent sans attendre : ils vont pouvoir traiter la question du Sénat. La Chancelière devrait être celle chargée de cela mais… On ne sait pas même si elle va survivre à la folle opération dans laquelle elle s’est lancée.
Motion de censure, vote pour une dissolution du gouvernement, sénateur muun torturé, arrivée de flottes éparses et désorganisées provenant des mondes neutres et compliquant les combats, délégation sénatoriale en danger sur Nar Shaddaa, chancelière perdue au milieu de la bataille… Madame Laz’ziark va s’arracher cette fois la peau du crâne avec les antennes : faut-il ramener la paix coûte que coûte, alors qu’une victoire est possible ? Comment rassurer le Sénat ? Messieurs Clawback et Fylesan vont-ils apporter leur soutien, ou lui mettre des bâtons dans les roues ?

Une chose est sûre, c’est ici qu’il sera décidé que l’attaque de Dubrillion était une catastrophe ou un coup de maître…


Seuls les joueurs Ress Laz’ziark, Voyl Clawback, Dalla Tellura et Jeresen Fylesan peuvent intervenir dans ce sujet. S’agissant d’un RP de stratégie, vous serez départagés sur la qualité d’écriture de votre RP, la pertinence, l’originalité et le réalisme de votre argumentation et de vos propositions ainsi que votre fair-play vis-à-vis de vos adversaires.
Ordre de post : Ress – Voyl – Jeresen - Dalla.
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Le pouvoir des ténèbres affrontait les ténèbres du pouvoir. Dans le secteur de Dubrillion, planète insignifiante de la Bordure extérieure devenue par la grâce de l’ambition le centre momentané de l’avenir galactique, l’Empire se défendait contre la République, et au sein de cette dernière, les alcôves de la politique bruissaient de la peur des petites gens qui regardaient leurs semblables brûler et de l’horreur de ceux qui, pour courageux qu’ils fussent dans leurs discours, n’en trouvait pas une once au moment de voir leurs rodomontades réalisées avec fracas.

Le Sénat avait voulu la guerre, fut un temps. Il l’avait eu. Ou plus exactement, il allait l’avoir. Mais pas selon ses conditions. Pas parce qu’il l’avait décidé. Et ce simple fait l’enrageait. Peu importait à tous ces dirigeants finalement, le sort de Dubrillion, de la Bordure. A leurs oreilles résonnaient soudain le chant amer de la brutale vérité : une guerre ne se faisait pas à coup de belles déclarations dans la Rotonde, mais dans l’incertitude de voir d’autres la mener, dans la terreur pour ses proches, dans le sacrifice de ceux qu’on ne pouvait sauver, tout en le voulant. Tout conflit armé n’était que la demeure sordide de l’impuissance, la réalisation de sa propre incompétence, de ses limites. Il fallait accorder sa confiance à des êtres inconnus, militaires ou jedis, avec tout ce que cela impliquait. Voilà où le bât avait blessé d’emblée, en agissant comme Emalia Kira l’avait fait. Cette confiance indispensable avait manqué cruellement, et désormais, les conséquences de son absence se manifestaient dans toute leur dramatique intensité, au moment où Ress Laz’ziark traversait aussi vite que sa mauvaise jambe le lui permettait les coursives bondées du Furtivo, la tête pleine de ces pensées désordonnées, alors que ses antennes virevoltaient en tous sens, désorientées par les multiples signaux qu’elles captaient chaque seconde résultant de l’activité bourdonnante du lourd croiseur.

Pourtant, en toute honnêteté et égocentrisme, la balosar estimait avoir réparé comme elle le pouvait l’erreur initiale de sa supérieure, du moins à la hauteur des maigres possibilités qui se trouvaient à sa disposition. Au moins, suite à ses efforts conjugués à ceux de Leto Vorkosigan, jedis et soldats républicains collaboraient enfin efficacement. Obtenir ce résultat avait été long et fastidieux, et elle pouvait affirmer crânement avoir payé de sa personne pour l’obtenir. La douleur latente à la base de son occiput était là pour en témoigner, cette dernière continuant par à-coup de lui vriller les tempes, malgré les soins prodigués. Comme depuis le début de cette interminable journée, la sénatrice en ferait fi. Avec le temps et l’adrénaline, elle parvenait même à s’y habituer, à l’oublier, à la transformer en un fond latent qui l’aiguillait par instant, lui rappelant les risques d’une dispersion, fouettant son ardeur à résoudre au plus vite la crise qui empirait.

Qu’elle avait été sotte de croire que coordonner l’Ordre jedi et l’Armée républicaine suffirait à temporiser la situation ! Oh, cela aurait pu être le cas. Mais il avait fallu que la Chancelière saute dans une pauvre frégate pour se balader au milieu d’un champ de bataille spatial, histoire de lui faciliter un peu plus la tâche. Elle avait tellement besoin de ça. Que Muunilinst soit en émoi, que le Sénat reparte au quart de tour, poussé par des irresponsables auxquels elle aurait volontiers arraché les yeux en une Côme Janos parfaite, n’eut été ses quarante centimètres manquants et les dizaines de millions de parsecs la séparant de ses cibles. En bref, ces menus détails empêchaient clairement la mise en place de ses projets d’énucléation en chaîne, aussi elle se contentait, en un triste pis-aller, de maudire entre ses dents les inconscients qui lui forçaient la main, ainsi que son aventurière de dirigeante à l’aide des insultes les plus fleuries répertoriées dans la langue balosur. Inutile de préciser qu’au vu du peuple la pratiquant, il y en avait un nombre plus que conséquent, suffisant en tout cas pour lui tenir compagnie tout au long de sa marche forcée jusqu’à la salle choisie pour une réunion qui s’annonçait comme un exercice de haute-voltige. Une nouvelle fois, l’avocate sentait qu’elle allait devoir louvoyer sur la corde raide de la loyauté et du pragmatisme, des convictions et de la conciliation.

Concrètement, dès qu’elle avait su, grâce aux relais de communication, que la Chancelière s’était perdue dans l’espace à baguenauder joyeusement avec des croiseurs impériaux, Ress avait convoqué l’officier en charge du Furtivo pour voir avec lui ce qu’il pensait de l’évolution de la situation. Il avait donc été décidé de s’avancer dans le secteur ravagé par les combats, légèrement en retrait des escarmouches principales pour pouvoir se positionner afin d’accentuer la coordination entre les groupes engagés … Tout en surveillant de près l’avancée du front Kira, si on pouvait l’appeler ainsi. Alors que le Maître Vorkosigan partait subitement sur le terrain pour prêter main-forte à leurs troupes, Ress avait rapidement compris qu’il lui faudrait contacter de l’aide en urgence pour organiser une riposte aussi bien militaire que politique. Alors que le Sénat s’affolait sous l’afflux d’informations plus ou moins vérifiées, la balosar avait donc décidé d’envoyer un message au Gardien du Tionese pour appeler Jeresen Fylesan. A vrai dire, la balosar était prête à parier ses antennes qu’elle n’avait pas dû être la seule à tenter de joindre le représentant d’Alsakan, et doutait un peu que ce soit uniquement sa supplique qui l’avait décidé à se présenter sur le pont de son propre croiseur. Qu’importe. Il était là. C’était l’essentiel, le seul élément à retenir.

Certes, la syndicaliste n’était pas naïve au point d’imaginer qu’un tel homme, chargé de porter la voix d’un tel monde, puisse approuver le dérouler des événements actuels. Néanmoins, il était présent sur place, ce qui lui octroyait tout de même le bénéfice du doute en ce qui concernait sa volonté de ne pas nuire aux opérations en cours. Le reste lui était totalement égal. Sa propre déclaration devant le Sénat en était la preuve vibrante. Ress l’appréciait sincèrement, fait suffisamment rare pour être souligné quand il venait de sa personne relativement peu prompte à des élans de sympathie, pour ne pas dire franchement revêche. Un instant, le souvenir de leur temps commun sur Bilbringi lui revint avec vigueur en mémoire, des images qu’elle avait refoulé depuis plusieurs mois s’insinuant dans les recoins de son esprit et lui arrachant l’espace d’un quart de seconde un micro-sourire involontaire, de ceux qui surprennent car ourlant les lèvres inconsciemment comme leur empreinte recouvre d’un voile délicat leur contenu auquel on n’ose croire, de peur de s’y brûler les souvenirs pour y avoir pensé à nouveau. Puis, tandis que ses antennes se perdaient en circonvolutions, elle chassa ces réminiscences parasites et se recomposa la façade neutre qui lui servait d’expression faussement naturelle pour les occasions similaires. Songer à l’autre visage qui l’attendait acheva de faire fleurir sur son profil taillé à la serpe la moue peu amène qui avait fait sa légende au sein de la Rotonde.

Une vibration sonore la tira de ses réflexions et la balosar baissa la tête vers le datapad qu’elle tenait fermement dans sa main que tout humain normal aurait cru appartenir à une fillette. Désormais résignée à la multiplication des coups de théâtre, elle avait demandé à l’officier supérieur du Furtivo au cours de leur entretien de lui transmettre autant que faire se peut les évolutions militaires les plus importantes, le reste devant, si elle avait bien compris les explications pressées de Leto Vorkosigan, transiter par une jeune padawan que le Falleen avait préposé à cette lourde tâche. Pour être parfaitement franche, Ress trouvait l’idée de confier une responsabilité aussi pesante à une gamine, une apprentie assez farfelue, pour ne pas dire grotesque et dangereuse. Néanmoins, le maître jedi avait été jusqu’à présent un soutien fiable et sans faille, aussi la balosar avait décidé de se fier à son jugement, non sans une pointe d’appréhension. Enfin, de toute manière, elle n’avait guère le choix. La délégation avait ses affres, comme le pouvoir en somme, dont elle était un corollaire aussi douloureux que nécessaire. Sinon … Il suffisait de voir les conséquences en présence d’une trop grande concentration décisionnelle entre les mains d’une seule personne pour percevoir toute l’importance de la collégialité, de la confiance réciproque entre les organes d’un gouvernement sain et éclairé. Une fois encore, elle en revenait à cette donnée fondamentale, dans un véritable cercle vicieux.

Les mots qui s’inscrivaient sur l’écran bleuâtre lui arrachèrent une exclamation de stupéfaction. Il devait y avoir une erreur. Ce n’était pas … Si, apparemment, c’était possible. C’était même en train de se passer. Les neutres attaquaient. Les … Pouvait-on encore les appeler réellement neutres, après une telle prise de position ? Les planètes jusque-là non alignées, du moins une partie d’entre elles se joignaient à la bataille, offrant un renfort inespéré à la République. Plus exactement, cela aurait dû être le cas, mais là encore, la situation ne se passait pas aussi bien que prévu initialement. A force, Ress commençait à sentir ce genre d’ennuis venir avant même d’en avoir la confirmation. Elle allait finir par croire à la loi de Murphy de l’espace, du nom d’un vénérable théoricien d’Aldérande qui, selon les racontars, avait fini complètement fou et isolé dans un recoin de la grande bibliothèque universitaire.

En effet, la neutralité conservée farouchement, envers et contre tout et tous impliquait une capacité particulièrement accrue au désordre et au refus de collaborer, soit tout ce qui était rédhibitoire sur un champ de bataille. Ress n’avait pas besoin d’avoir étudié à l’Académie de Carida pour le savoir : des armées ne se concertant risquaient plus de se tirer des lasers dans les flancs qu’autre chose. Apparemment, certaines flottes suivaient les jedis, mais d’autres … Allaient à un enthousiasme certain un commandement pour le moins aléatoire, si elle en jugeait par la brève qui lui avait été communiquée. Formidable. Il ne manquait plus que ça pour parfaire sa mauvaise humeur. Quoique. Comme frappée par la foudre, la balosar s’immobilisa subitement, la porte de la salle qu’elle devait rejoindre à quelques mètres d’elle, comme pour lui rappeler qu’il devenait urgent de se presser. Mais à cet instant, elle n’en avait cure. Une idée venait de germer dans son esprit, une ride de concentration apparaissant bientôt sur son front. Si cela avait été possible, nul doute que de la fumée lui serait sortie par les antennes, tant les rouages de son cerveau tournaient désormais à plein régime, ses neurones au bord de l’asphyxie et elle-même de la migraine tant elle tentait de combiner ses hypothèses et projets aussi vite que possible pour former un ensemble à peu près cohérent et exploitable avant de se jeter dans la gueule du sarlacc. Lentement, ses pieds se remirent en marche, ses chaussures sombres claquant sur le sol poli du Furtivo. Elle était prête. D’un pas vif, l’avocate entra.

Jeresen Fylesan était déjà présent, de même qu’une silhouette longiligne que la balosar n’eut aucun mal à reconnaître. Voyl Clawback la dominait de plusieurs têtes, de plusieurs Ress en fait, si tant est qu’elle puisse être prise pour unité de mesure. De quoi l’agacer d’emblée, quand bien même de ce point de vue, le malheureux muun n’y était vraiment pour rien. Depuis quand la syndicaliste était-elle équilibrée dans ses jugements à l’emporte-pièce ? Autant ne pas changer ses mauvaises habitudes, d’autant que le personnage en lui-même suffisait pour lui arracher ordinairement une expression à mi-chemin entre le mépris et le dégoût. Un banquier, là par la force de sa naissance ultra-favorisée, affiliée à un parti qu’elle exécrait quand il aurait dû, de son point de vue, s’en tenir à un strict devoir de réserve … Difficile de faire plus opposés que ces deux-là, surtout que la quadragénaire était à peu près sûre que l’alien en avait autant à son service. Néanmoins, elle lui reconnaissait une qualité : son exceptionnelle intelligence. Pour certains, cela aurait pu sembler bien peu, mais pour une femme aussi cérébrale que l’irascible râleuse, c’était au contraire un moyen de s’assurer, à défaut de son amitié, au moins de son respect non feint. Comme elle avait coutume de le répéter, elle pouvait détester des individus et apprécier ce qu’ils étaient capables de réaliser. Les deux n’étaient pas incompatibles. Elle espérait simplement que cet intellect calculateur serait en mesure de percevoir où se trouvait son intérêt et à agir non pas en dépit du bon sens, mais bel et bien en accord avec ce dernier. Quant aux deux petits lekkus bleus qui traînaient non loin de là, comme écrasés par les trois écrans géants au-dessus d’eux, ils paraissaient, ainsi que leur propriétaire, assez incongrus au milieu de ces trois fauves politiques, tels une touche de douceur au milieu de la rudesse d’adultes roués dont exhalaient le pouvoir et ses travers.

Ress vint se positionner en face de la table stratégique non sans avoir adressé un signe de tête aux deux hommes en guise de salut et observa quelques secondes les hologrammes des diverses flottes en présence, avant de prendre une grande inspiration. Foin de politesses, les déclarations d’usage allaient être réduites à leur plus strict minimum, cette fois-ci. De toute manière, elle doutait que ses invités soient là pour échanger des banalités et siroter une tasse de thé inexistante. Autant rentrer immédiatement dans le vif du sujet, tout en évitant de les froisser d’entrée de jeu. Elle aurait tôt fait d’y parvenir sans cela, de toute manière, au vu de son caractère emporté. Mieux valait conserver un semblant de civilité pendant encore quelques minutes.

« Sénateur Fylesan, c’est un plaisir de vous avoir à bord du Furtivo. J’espère seulement que votre présence a pu être permise par la stabilisation du front, et non par un danger imminent sur nos troupes et votre personne nécessitant une évacuation. Dans tous les cas, je vous remercie d’être présent autour de cette table. Vos compétences ont été précieuses au cours des heures précédentes, et ne vont pas manquer de continuer à l’être. »

Ses antennes se tournèrent vers le muun :

« Représentant Clawback, je suis navrée pour l’attente que vous avez dû subir. Je n’ai été prévenue que tardivement de votre présence, et les événements en cours me forçaient de toute manière à régler certaines affaires particulièrement urgentes pour tenter de nous assurer d’une situation la plus optimale possible, du moins autant que faire se peut, pour nos soldats engagés sur le front et ceux ayant décidé de leur prêter main-forte. »

Sa main pointa vers Dalla Tellura, afin d’expliquer sa présence et de la saluer également. La jeune fille méritait également son attention et ses encouragements pour ce qu’elle devrait accomplir :

« La jeune demoiselle qui se trouve avec nous a été chargée de nous transmettre les informations qui arriveront au poste de commandement pendant que nous discuterons.

Nous comptons sur vous, jeune fille. »


Peut-être qu’elle risquait de lui mettre la pression inutilement. Cependant, c’était aussi, à ses yeux, une manière de l’impliquer, de lui montrer qu’elle aussi avait de l’importance pour la rendre moins timide et l’encourager à ne pas hésiter s’il fallait les interrompre. Chaque nouvelle pouvait changer la donne de ce qui suivrait. Si elle l’avait pu, Ress aurait compilé elle-même les données, sauf qu’elle ne pouvait entamer des négociations stratégiques tout en effectuant un tel travail, qui requérait une attention et une minutie nécessitant la pleine attention de la personne préposée à son accomplissement. Les mondanités avaient été faites, brèves comme elle l’avait souhaité. S’excuser auprès de Clawback avait été nécessaire, quand bien même imaginer le représentant du Clan Bancaire Intergalactique suspendu à un mot de sa part aurait, dans d’autres circonstances, été la source d’un plaisir légèrement sadique. Au moins, elle ne manquait pas d’honnêteté et reconnaissait volontiers ses tares. Cependant, ce genre d’amusement perfide n’avait pas sa place à ce moment présent. A vrai dire, elle pestait même contre le fait de n’avoir pas été mise au courant plus tôt, car ce qu’elle désirait accomplir aurait été nettement plus simple si l’homme fort de Muunilinst avait été dans de meilleures dispositions. Enfin, il faudrait faire avec, inverser la tendance, si elle le pouvait, ou composer. Quant à Fylesan, elle espérait obtenir des nouvelles du front, ou tout simplement lui rappeler son estime. Elle n’était pas l’ennemie. Enfin, elle ne souhaitait pas l’être, plus exactement.

« Je crois que nous avons tous suffisamment conscience de la gravité de la situation présente pour ne pas nous perdre en sous-entendus et politesses plus longtemps. Je vais être directe, si vous le permettez. »

Rarement Ress avait eu l’air aussi sérieuse, aussi solenelle qu’en disant ses mots. Malgré sa taille et son physique singulier, peut-être était-il possible d’entrevoir dans ce visage fermé, cette posture droite et cette voix inhabituellement maîtrisée l’ombre d’une femme d’Etat qui se révélait, et non plus le faciès ordinaire de l’agitatrice qui préférait hurler plutôt que de prendre ses responsabilités. Le pouvoir avait fait son œuvre. La balosar avait conscience de ce qui reposait sur elle, de cette chappe de plomb qui lui enserrait le cœur et calmait ses ardeurs si destructrices. Elle avait recommandé tantôt au Sénat dignité et sérénité. Il ne serait pas dit qu’elle soit la première à déroger à son mot d’ordre. Désormais, il convenait de changer de stature. De devenir plus que ce qu’elle était. De se transcender. D’incarner, pour un temps, cette République forte et unie qu’elle allait appeler de ses vœux :

« Nos forces tiennent bon, remportent même quelques victoires, et l’appui des jedis, que j’ai coordonné avec le Maître Vorkosigan porte ses fruits comme vous pouvez le constater devant vous. »

Çà et là, des miniatures portant la marque des alliés traditionnels de la République flottaient, dans des formations dont la marque trahissait une organisation réelle et une coordination efficace avec les vaisseaux militaires de l’Etat fédéral.

« Manifestement, des flottes de l’espace neutre se sont joints à nos forces, j’attends de plus amples confirmations sur leur composition, mais il semblerait qu’elles nous offrent un renfort qui pourrait s’avérer décisif et faire basculer la situation définitivement en notre faveur. Cet engagement prouve, j’en suis convaincue, que frapper l’Empire a permis à ces mondes, qui subissent son oppression insidieuse depuis des mois, à voir ses croiseurs fouler au pied, ou plutôt aux propulseurs, leur espace spatial. En tirer des conséquences s’impose. »

La balosar se tourna vers Voyl Clawback, avant de dire, avec une voix dont les intonations trahissaient sans mal sa résolution mêlée de compassion :

« Votre monde, comme ceux de la Bordure républicaine, a peur. Il tremble devant les informations qui lui parviennent. Et je le comprends. Chaque famille doit contempler ses enfants en se demandant ce qu’il va leur arriver si nous échouons. Je le sais. Vous n’aurez aucun mal à m’en convaincre. Je suis mère de famille. Ce qu’ils ressentent fait écho à ce que je peux imaginer depuis le début de cet assaut. Croyez-le bien. »

Un sourire légèrement amer se dessina sur son visage soudainement fatigué, avant qu’une expression plus douce prenne sa place, vision singulière qui animait d’une lueur nouvelle, presque déplacée, cette face aux traits si durs :

« Mon fils est avec l’Ordre jedi. Rien de ce que vous pourrez dire ne pourra me faire appréhender avec plus d’acuité le danger, l’inquiétude ressentie par vos concitoyens. J’en ai une conscience aigüe. Et c’est précisément parce que je suis dans cette même situation que je peux affirmer ceci. »

Cette fois, Ress reprit sa face ordinaire, celle de la résolution forcenée, de la volonté implacable, qui ne souffrait aucune contestation. Il y avait une force insoupçonnée en un être si minuscule quand elle tonna avec toute la conviction dont elle était capable :

« La République ne peut pas perdre. La République ne doit pas perdre. Et tous, nous devons tout mettre en œuvre pour que cela n’advienne pas, pour que nos soldats, nos alliés, meurent pour la liberté et non la défaite, pour que nos enfants ne soient pas soumis au joug d’un Empire conforté dans son bon droit.

Si les planètes neutres ont pris un tel risque, c’est parce qu’elles ont été pressées, humiliées, soumises à une tyrannie doucereuse. Leur geste montre ce qu’il advient des planètes que l’Empire menace. Elles sont prêtes à tout pour sauvegarder leur spécificité. Nous devons honorer leur engagement, et y voir ce qui doit guider nos actions.

Vous pourriez me dire, chacun d’entre vous, que c’est précisément à cause de cela que nous devons cesser cette folie. Je dis que c’est tout le contraire. Que croyez-vous qu’il arrivera si nous nous retirons ? Si nous donnons raison à l’Empire ? Si nous abandonnons ces gens qui viennent nous prêter main-forte, au péril de leur vie et de leur indépendance si chèrement acquise, si durement défendue, que des êtres si farouchement attachés à la force de leur planète comme nous tous ici présents ne peuvent qu’admirer et saluer ? Et surtout, pensez-vous qu’en retirant nos forces, qu’en les déstabilisant, nous allons protéger les nôtres ?

Je peux prédire ceci : si nous agissons ainsi, si la lâcheté, car je n’ai pas d’autre terme pour qualifier cela, nous domine … Alors nous courrons à un nouveau traité d’Artorias. Nous risquons de voir des alliés nous tourner le dos, notre position se ternir, se flétrir, ce qui mettra en péril tous les fondements de la puissance républicaine, y compris commerciale et économique. Qui voudra traiter avec ceux qui ne sont même pas capables de soutenir les forces qui leur viennent en aide, sans rien espérer en retour ? Qui respectera tant de pusillanimité ? Personne. »


Elle les regarda à tour de rôle, reprenant son souffle, essayant de savoir si ses arguments avaient percé, s’ils comprenaient où elle voulait en venir précisément.

« Je ferais tout pour que la République survive. Pour qu’elle sorte de cette épreuve indemne. Pour qu’aucune part de son territoire ne soit sacrifié. Le temps de la politique viendra. Et je soutiendrais toute action pour que le calme revienne au Sénat, pour que le peuple obtienne des réponses. Mais pour le moment, le temps est à nous assurer que le peuple, justement, puisse obtenir quelque chose, pour qu’il ne soit pas soumis à l’arbitraire et au chaos. »

Son regard se fit plus lourd, tandis qu’elle lâcha :

« La Chancelière a quitté son croiseur. D’après nos renseignements, elle est à bord d’une frégate sans escorte, au milieu du champ de bataille. A l’heure actuelle, je ne suis pas en mesure de vous dire si Emalia Kira est vivante … Ou morte. »

Elle laissa un moment pour que chacun ait bien en tête les conséquences d’un tel fait, avant de reprendre avec une vigueur renouvelée :

« Soyons francs. Si la Vice-Chancelière est mise en minorité, personne à l’heure actuelle ne sera aux commandes de la République … Hormis l’Etat-Major et la Ministre de la Défense. Autant dire que la protection des populations et des ressortissants de la Bordure risque d’être le cadet de leurs soucis. Le Sénat risque d’entrer en conflit direct avec l’armée. Une telle situation serait destructrice. La paix serait impossible, puisque nous n’aurions aucun interlocuteur valable à présenter. »

Nouvelle pause. Nouvelle inspiration.

« Je ne vous demande pas de soutenir le gouvernement. Je ne vous demande pas de soutenir sa politique, ses mesures. Je vous conjure de soutenir la République et d’aider vos ressortissants. Pour cela, nous devons collaborer, et aller au-delà de ce qui ordinairement nous divise.
Si nous n’avons pas les mêmes idées, j’ose espérer que nous avons le même but, à savoir la protection des citoyens de la République. C’est à cela que je désire œuvrer, non à la défense de décisions qui ne m’ont pas appartenues. »


Pour la première fois, un mince sourire apparut sur son visage, et un brin d’espoir :

« Voilà ce que je peux vous proposer en premier lieu. »

Alea jacta est.

« Vaincre est vital. Et pour cela, il est impératif de raffermir la cohésion des armées en présence. Or, pour cela, entrer en contact avec les chefs des flottes neutres et obtenir un accord de coordination est un pas décisif. C’est pour cela que je vous ai demandé de venir, Sénateur Fylesan.

Vous êtes un militaire de haut-rang, et nul doute que les dirigeants de la Bordure ont entendu parler de vos actions lors de la crise de Makem Te. Vous avez aussi l’avantage de ne pas appartenir au commandement républicain, et vos liens avec la région de la Perlemienne vous prédisposent à être un interlocuteur plus facilement acceptable que le chef d’Etat-Major de la République, ou moi-même qui ne suis qu’une civile … Ainsi qu’aux yeux des dirigeants de nos propres troupes, puisque vous en avez fait partie.

Etre notre porte-voix, notre ambassadeur vous permettrait de maintenir nos efforts et, je n’en doute pas, d’apporter une pierre considérable à l’édifice de la victoire. »


Oui, Ress lui offrait l’occasion d’étendre considérablement le rayonnement d’Alsakan, ni plus ni moins. Qu’il réussisse, et Jeresen Fylesan deviendrait l’interlocuteur privilégié de plusieurs dizaines de mondes. En échange, elle attendait qu’il s’engage pour la victoire de la République … Et engage son monde.

« Pour afficher clairement notre soutien aux mondes neutres, il me semblerait judicieux, si c’est possible et non déjà fait, puisque je n’ai évidemment pas accès au déploiement de vos armées, de déplacer vers la Bordure une partie des flottes de votre planète et de celles qui vous sont ordinairement … attachées idéologiquement au Sénat.

Cela permettrait de rehausser nos lignes de défense d’un cran et d’afficher un barrage considérable à la frontière. Ainsi, les populations de cette dernière seront protégées davantage encore au cas où nos efforts ne seraient pas couronnés de succès, ce qui, je pense, ne manquera pas de ravir Monsieur Clawback, ses compatriotes de Muunilinst, et l’ensemble des populations des secteurs concernés. »


Se tournant vers ce dernier, elle conclut :

« Il me semble que l’important est d’abord de rassurer Muunilinst. Ceci y pourvoira. Puis, nous pourrons prendre des mesures plus spécifiques.

Mais tout d’abord, il me paraît indispensable de conforter les positions républicaines. Avant de frapper une nouvelle fois, nous devons nous assurer que tout soit mis en œuvre pour que le chaos cesse.

J’y veillerais. »


Restait un ultime conseil à donner.

« Au passage, si ce n’est déjà fait, j’exhorte votre gouvernement à mobiliser ses propres forces de défense. Je crois que voir Muunilinst prête à défendre les siens sera un signal fort pour la population. »

Fini les approximations, les attaques sans concertation, le secret. Ress croyait à l’efficacité de l’unité et du dialogue. Alors, maintenant qu’elle était, par la force des événements, contraintes de prendre des décisions qui ne manqueraient pas d’affecter toute la République … Elle n’allait pas déroger à ses principes, à sa tactique, à ce qu’elle pensait être le mieux. Bien sûr, elle savait que ce ne serait pas sans contrepartie. Mais elle les mesurait, et estimait que le soutien et la sauvegarde de la République les valait. En un sens, elle n’oubliait pas que si d’autres auraient la gloire, le mérite de celle qui avait agi pour aider tous les citoyens, pour réparer les erreurs qu’elle désapprouvait lui reviendrait. Et ce n’était pas négligeable. Pas négligeable du tout.

A eux de se décider. De la rejoindre, ou de se lancer tête baissée dans l’opposition stérile. Mais alors, on ne viendrait pas dire qu’elle n’avait pas essayé. On ne viendrait pas dire qu’elle avait échoué. Ce serait les autres qui causeraient la perte de la victoire de l’Empire. Sa conception binaire ne pouvait souffrir une autre vision que celle-là.

La première carte de son jeu de sabacc avait été abattue. Que les autres joueurs dévoilent leurs combinaisons. Et qu’elles se coordonnent ou s’entrechoquent comme des vaisseaux en perdition, comme les armées qui se faisaient face et luisaient doucement sous leurs yeux.

Spoiler:
Voyl Clawback
Voyl Clawback
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[Hrp : Reprise à partir de la réponse de Dalla lors du précédent sujet]

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Tandis que le débat qui n'en était pas un tournait à plein régime, la timide petite alien avait pris de l'assurance et, après avoir entendu le contenu de l'enregistrement, avait fini par demander à Clawback :

" Le sénateur a parlé d'une… Dania…. Qui est-ce ? "

La petite voix intriguée de la jedi parvint à attirer son attention et surtout, à la détourner de Loreline. Il répondit de but en blanc, sans même réfléchir.

" Dania est l'épouse de Klark. "

Par dessus le marché, elle était aussi chargée de communication du gouvernement de Muunilinst. Le problème était d'ailleurs que, contrairement à son mari et à la majorité des siens, Dania se révélait assez émotive. Avait-elle participé à la diffusion des informations ? On pouvait légitimement le penser. Comme cela pouvait aussi s'avérer faux. De là où il était, Voyl ne pouvait rien en savoir et ne pouvait pas agir directement.

" Avez-vous tenté de recontacter les ravisseurs ? Voulez-vous que nous les contactions, pour leur dire, en tant que représentantes de l'Ordre Jedi, que nous voulons avoir plus de renseignements sur leurs motivations et leurs revendications, avant, de réfléchir à la possibilité d'un cessez-le-feu ? "

Le représentant haussa les épaules, rapatriant négligemment ses deux mains dans son dos.

" Nous ne possédons pas les codes de communication impériaux : nous pouvons, au mieux, collaborer avec les services secrets pour casser un crytage. Klark a eu l'autorisation d'utiliser son comlink, mais il semble qu'il soit désactivé, à présent. Ce qui n'est pas vraiment surprenant... Si l'Ordre jedi possède la capacité de le faire, je ne vois aucune raison de m'y opposer. "

Ce qui surprenait le plus Clawback c'était précisément qu'ils aient laissé le muun appeler. Bien sûr, ils ne lui avaient pas vraiment laissé une véritable liberté. Mais tout ça ressemblait de plus en plus à une mise en scène sadique destinée à les déstabiliser qu'à une prise d'otage. Précisément car rien ne leur était demandé.

" Je conçois que les solutions pacifistes soient les meilleures à vos yeux, mais malheureusement, tout n'est jamais si simple. "

--

Les couloirs, Clawback ne faisaient qu’y passer, et en règle générale, plutôt au pas de course. Aujourd’hui faisait partie des rares exceptions : on aurait pu calculer très exactement le temps qu’il venait de passer devant cette porte, à savoir quarante et une minutes passées de trois secondes, quand, à la surprise générale, les battants s’étaient ouverts, non pas de leur côté mais de l’autre.

" Désolé de vous interrompre, déclara le militaire, visiblement d'une humeur aussi mauvaise que le muun, Monsieur Clawback ? On vous demande. Mademoiselle Tellura est elle aussi demandée de toute urgence. Le Maître jedi Vorkosigan demande à ce que vous preniez la suite de la garde, compléta-t-il pour Loreline, avec un regard lourd de reproche. "

Bizarrement, le gradé n'avait pas l'air de trouver cette décision si étrange. La surprise fut de courte durée. Sans un mot à l'égard de la jeune cathar, Voyl dépassa les jedi en deux pas, immédiatement suivi par ceux qui étaient prudemment restés en retrait. La victoire avait un parfum de revanche, mais Clawback n’avait absolument pas le temps de s’y attarder, et l’ordinateur de sa raison s’empressa de passer à la ligne de programme suivante : le cockpit. Ils étaient rentrés à présent, laissant Loreline garder la porte seule. Ce qu'elle pouvait penser, il s'en fichait éperdument : elle leur avait fait perdre un temps précieux - même si sa jeune amie twi'lek n'avait pas été en reste. Laquelle s'était elle aussi empressée de passer le seuil fatidique. Il profita du court trajet qui les menait au centre de l'immense pièce pour la détailler davantage, presque inconsciemment. Même s’il ne se l’avouait qu’à moitié, ce petit bout de twi’lek, qui marchait avec la dignité et la retenue d’un monarque, avait un air familier. Clawback et les twi’lek bleues, une histoire comptant sans doute plus d’un bon millier d’épisode… Il lui accorda un regard indéchiffrable. Elle ressemblait à Wed’lek… enfant. A quelques détails près, comme le fait qu'elle n'avait ni les yeux dorés, ni de longs tatouages sur les lekkus. C'était étrange, et avait la vertu de détourner un peu le vice directeur de ses sujets de réflexion.

" Je vous remercie pour votre coopération, lui confia-t-il avec un sourire en coin, nous allons pouvoir envisager de régler cette affaire du mieux possible. J'aurais aimé savoir si... "

Une mélodie claironnante le coupa dans son élan : son comlink réclamait son attention. Un appel urgent, en provenance de l'appareil de Fynn Lesser. Ce pouvait être une bonne comme une très mauvaise nouvelle, et Voyl penchait naturellement vers la seconde option.

" Je vous reçois, Fynn. Des nouvelles ?

-Je vais faire vite et court ! Je vous envoie le nouvel appel reçu depuis le comlink de Klark ! Nous venons de le reçevoir à l'instant ! Je vous laisse en juger par vous-même... "

Au vu de la tête tirée par le muun, Voyl activa la lecture avec une certaine appréhension. L'hologramme qui se matérialisa fut d'abord si flou et parasité qu'il valut à Voyl de plisser les yeux. Puis, après quelques secondes d'un bruit de fond terrible, l'image devint si nette que le muun se demanda s'il n'avait pas une hallucination. Il eut un mal fou à reconnaître Klark tant le sénateur semblait . Son vêtement avait été copieusement maltraité, et plus encore sa peau, violacée et noire par endroits. Un humain n'aurait pas été en bon état après un tel passage à tabac, alors un muun, dont la constitution physique était à peu près deux fois moindre ! La caméra s'était attardée sur cette image d'un autre monde, puis, une autre silhouette, très différente, était entrée dans le champ et avait déclamée d'une fois parfaitement calme, presque enjouée :

" Salutations. La République, se croyant tout permis, y compris en violant allègrement ses propres traités, va se voir octroyé une chance de ne pas aggraver son cas. Ce représentant au Sénat galactique sait très précisément ce qu'il coûte de ne pas prendre nos avertissements au sérieux. Si la République ne retire pas immédiatement ses petites troupes de notre territoire, je me charge personnellement d'envoyer la tête de ce sénateur à ses petits copains de Muunilinst. Avec un joli ruban en cadeau. "

L'homme encapuchonné se rapproche de l'objectif, et l'on put voir une mâchoire à moitié bionique aux dents de guingois ricaner à l'objectif :

" Et si ça ne suffit pas, eh bien... on pourra réitérer l'opération ? Autant de fois qu'il le faudra. Avec toute notre affection... Vous avez deux heures. "

L'inconnu sortit du champ aussi brusquement qu'il n'y était rentré. La seconde suivante, une lueur bleue atteignit la silhouette recroquevillée de Klark, qui se cabra sous le choc. Le micro fut saturé d'un hurlement déchirant. Horrifié, Clawback abrégea la lecture de l'enregistrement d'un geste précipité et gauche. Il aurait volontiers épargné cette vision à la jeune jedi, mais le haut juge n'avait pas connaissance de sa présence à ses côtés, et semblait prompt à ajouter davantage de pression sur ses épaules.

" M-merci de votre réactivité, Fynn. Je peux vous assurer que le message est passé.

-Raison de plus pour ne pas perdre une minute de plus ! Reshord m'a dit que vous aviez été retenu ? Par le Trésor, on avait vraiment pas besoin de ça ! Il faut absolument faire intervenir l'armée !

Et que suggérez-vous exactement ?! Personne n'est en mesure de parler ni au nom du gouvernement, ni en celui de l'armée ici !! Je me bats depuis près d'une heure pour pouvoir accéder au commandement ! "

La silhouette de Fynn se brouilla.

" Vous pensez parvenir à quelque chose ?! On aurait bien besoin de vous ici ! Le ministère des réseaux planétaires a reçu des milliers de plaintes de nos concitoyens. Quelqu'un s'amuse visiblement à diffuser ces enregistrements en utilisant notre propre réseau à notre insu.

- C'est impossible ! ragea Clawback, furieux,

-Eh bien ça l'est, d'une manière ou d'une autre ! J'espère simplement que ce n'est pas par négligence ou panique. Je me verrais mal mettre en accusation un citoyen pour un motif aussi futile ! Même si les conséquences sont en effet dramatiques...

-Hors de question de lâcher l'affaire, bon sang, ! Trouvez l'origine des diffusions, ou bloquez le réseau ! Tenez-moi au courant de toute nouvelle avancée dans l'affaire, je me charge de connecter les systèmes du Furtivo à ceux de la frégate. Nous aurons ainsi un relais sûr et direct. Je vous recontacte dès que possible. Terminé ! "

Pour cela, il lui fallait d'abord parler aux officiers en charge des modules émetteurs présents ici. Mais quand il atteignit la table centrale, où s'agitaient des centaines de points matérialisant les vaisseaux, il doutait d'en avoir la possibilité immédiate.

" Vraiment navré, fit-il à l'adresse de la petite twi'lek bleue, vous n'auriez pas dû assister à ça. "

Il le pensait tout à fait. Mais le mal était fait, et ils devaient agir au plus vite.

Dans la pièce se trouvait déjà une personne dont la tenue indiquait un statut élevé malgré son relatif jeune âge - du moins s'il était humain, ce que Voyl n'aurait su dire. Le visage lui était vaguement familier. Il se souvint alors d'une séance retransmise depuis le Sénat, où le visage du concerné était apparu sur les écrans géants, en gros plan. Jeresen Fylesan, sénateur d’Alsakan – et accessoirement militaire à ses temps perdus. A peine l'eut-il salué que les portes s'ouvrirent de nouveau, laissant débouler une minuscule silhouette montée sur ressort. Laquelle s'empressa de leur foncer dessus. Pour les questions, il faudrait attendre.

" Sénateur Fylesan, c’est un plaisir de vous avoir à bord du Furtivo. J’espère seulement que votre présence a pu être permise par la stabilisation du front, et non par un danger imminent sur nos troupes et votre personne nécessitant une évacuation. Dans tous les cas, je vous remercie d’être présent autour de cette table. Vos compétences ont été précieuses au cours des heures précédentes, et ne vont pas manquer de continuer à l’être. "

La première phrase de la ministre n'aurait rien eu de très surprenant si elle ne s'était pas accompagnée d'un sourire beaucoup trop aimable. Surtout lorsqu'on savait que les sourires n'étaient pas plus son fort que celui de Voyl devant une peinture rupestre tusken. Voyl feignit d'ignorer autant de chaleur, incapable d'en donner le sens et ne souhaitant pas lui en donner.

" Représentant Clawback, je suis navrée pour l’attente que vous avez dû subir. Je n’ai été prévenue que tardivement de votre présence, et les événements en cours me forçaient de toute manière à régler certaines affaires particulièrement urgentes pour tenter de nous assurer d’une situation la plus optimale possible, du moins autant que faire se peut, pour nos soldats engagés sur le front et ceux ayant décidé de leur prêter main-forte. "

Clawback s'inclina brièvement en guise de salut, surpris même que l'on fasse preuve d'autant de contrition à son égard. Il n'allait cependant pas s'en plaindre, après avoir manquer de manger son chapeau à passer une simple porte.

" Merci, madame la Ministre. Nous n'avions pas l'intention d'entraver la marche de l'armée, mais au contraire de quérir son aide. C'est la raison prioritaire qui nous a amené ici. "

Les balosars étaient des êtres curieux. Rien ne les différenciait des humains, si ce n’était leur petite taille… et une paire d’antennes. D’habitudes, ils ne les montraient pas, rarement, ou à des gens de confiance. Ress Laz’ziark, elle, avait décidé d’en faire une sorte de bannière, ou d’oriflamme. Un signe distinctif qu’elle arborait avec une fierté parfois ridicule, comme pour bien faire sentir à quel point elle n’était pas une humaine naine. Voyl ne savait pas grand-chose de ces antennes-là, mais il les trouvait étranges. La seule fois où il lui avait été donné de voir quelque chose de semblable, c’était sur l’une des revues peu recommandables de Ben Doyle, qui traînait négligemment sur son bureau… Des femmes humaines déguisées, portant cette petite paire d’antennes pour - il ne voulait pas savoir.

La personne de la ministre respirait la raideur et l’implacabilité, et ce détail détonnant venait détruire tout l’édifice patiemment élevé. Heureusement, il y avait bien peu d’espèces aussi peu enclines à la rigolade et à la moquerie que les muuns, et Clawback n’éprouva rien d’autre qu’une curiosité surprise, vite remise à sa place : au fond du couloir, à droite, dans le troisième tiroir de la quatrième étagère du meuble d’angle.

« Je crois que nous avons tous suffisamment conscience de la gravité de la situation présente pour ne pas nous perdre en sous-entendus et politesses plus longtemps. Je vais être directe, si vous le permettez. "

Il aurait été compliqué d’affirmer « non, nous ne le permettons pas », qui plus était dans de telles circonstances. La formule était purement rhétorique, mais bien représentative du personnage. La franchise et la concision étaient des qualités que Voyl appréciaient à leur justes valeurs, mais qui faisaient très souvent défaut aux politiques. Une réflexion tout à fait silencieuse, durant laquelle le regard de Clawback passa alternativement de la balosar à l'humain, à la petite twi'lek, puis à la carte holographique, pour recommencer dans le même ordre. Drôle de conseil de guerre, mais à circonstances exceptionnelles, solutions exceptionnelles. A l'aide sur le terrain de l'oralité, Laz'ziark ne leur laissa pas le temps de demander une tasse d'eau chaude et coupa dans le vif du sujet. Il n'était pas bien compliqué de comprendre qu'elle avait mis les pieds dans le plat depuis des heures, pour pouvoir embrayer aussi facilement. Silencieux, Clawback écouta, comme à son habitude, ne soulevant qu'une arcade vaguement dubitative à certains passages. Sans rien objecter.

" Votre monde, comme ceux de la Bordure républicaine, a peur. Il tremble devant les informations qui lui parviennent. Et je le comprends. Chaque famille doit contempler ses enfants en se demandant ce qu’il va leur arriver si nous échouons. Je le sais. Vous n’aurez aucun mal à m’en convaincre. Je suis mère de famille. Ce qu’ils ressentent fait écho à ce que je peux imaginer depuis le début de cet assaut. Croyez-le bien. "

Famille ? Enfant ? Un instant, Voyl tiqua. Il s'était attendu à devoir aborder des terrains glissants, mais pas vraiment à rentrer dans une sphère aussi privée. Si l'Empire attaquait, là, maintenant : qu'adviendrait-il de Shiney ? De l'enfant qu'elle portait ? Il n'arrivait toujours pas à réaliser ce qu'impliquait le statut de père de famille. Il ne savait pas non plus ce qui lui faisait le plus peur : être père ou savoir que ce même fait allait les laisser plus vulnérables encore face au conflit qui arrivait. Son regard erra une seconde dans le vide, interdit. Pourquoi me dit-elle cela ? pensa-t-il ensuite, légèrement paniqué, qu'essaye-t-elle de faire ? Il ne pouvait décemment pas imaginer qu'elle n'essaye pas de le manipuler. Mais il était trop tard, l'image d'une apocalypse aussi bien galactique que personnelle s'était imposée à lui et lui faisait ressentir toute la morsure du remord de celui qui n'a pas su défendre les siens.

" Mon fils est avec l’Ordre jedi. Rien de ce que vous pourrez dire ne pourra me faire appréhender avec plus d’acuité le danger, l’inquiétude ressentie par vos concitoyens. J’en ai une conscience aigüe. Et c’est précisément parce que je suis dans cette même situation que je peux affirmer ceci. "

Cette révélation acheva de fendre son masque d'indifférence. Le fils de Ress Laz'ziark était jedi ! Il était donc sensible à la force, et de la même trempe que cette jeune Dalla. Instinctivement, son regard dévia vers la susnommée, toujours à côté d'eux et de la table holographique. Une foule d'interrogations plus ou moins teintées d'animosité, qui le firent blêmir.

" Je ne vous dirais rien et n'essaierai certainement pas de vous apprendre ce que vous savez mieux que moi, dit-il d'une voix un peu trop abrupte pour ne pas révéler qu'elle l'avait profondément ébranlé malgré son flegme, je suis mandaté par mon gouvernement pour cela, et tant que je serais debout, je lutterai pas à pas contre cette peur qu'ils essaient de nous inoculer comme un poison. "

Il sera les poings dans son dos, jusqu'à ce que ses ongles lui meurtrissent les paumes. Muunilinst ne tremblera pas.

Une syndicaliste revancharde et un financier avare, tous deux ayant un caractère que l'on qualifierait communément d'imbuvable - avec un militaire et une jedi de chaque côté pour couronner le tout - qui en venait à plancher sur le même problème au même instant, et trouvaient le moyen de parler famille. C'était officiel : la galaxie venait d'entrer dans une toute nouvelle ère, et n'en ressortirait pas indemne !

" C'est très précisément ce qu'ils souhaitent. Que nous tremblions. Nous ne leur ferons pas ce plaisir !"

Il en était persuadé, à présent. Mais cela changeait-il quoi que ce soit à leur problème ? Non, pas du tout. Seulement, cela lui donnait à lui, peut-être aussi aux autres, des pistes à explorer plutôt que d'autres. Autrement dit, on réduisait les inconnues de l'équation à résoudre, et Clawback se sentait de nouveau remonté comme une pendule muun. Il avait réussi à passer une porte gardée par des jedi ! Certes, deux enfants encore en apprentissage, mais des jedi malgré tout ! Impossible de s'arrêter ici, impossible de faire demi-tour : il allait sortir Klark du sombre merdier dans lequel il était allé se fourrer et tout mettre en œuvre pour barrer la route à l'Empire. Il allait reprendre en main ce que Kira avait manquer de faire exploser dans sa précipitation.

" Quel qu'ait été l'objectif d'Emalia Kira, l'effet de surprise ne sera pas suffisant pour nous assurer de garder le contrôle des frontières, je le crains. "

S'ils perdaient, il n'y aura pas de lendemain pour leur permettre de le regretter, de toute manière. On n'envisageait pas de réinsertion professionnelle pour les républicains capturés par les impériaux. Au mieux, une exécution rapide, pour l'exemple. Au pire, quelque chose de beaucoup plus long, du même goût que ce qu'endurait Klark en ce moment même. De quoi refroidir même le plus ardent des hargneux de la Rotonde.

" Si les planètes neutres ont pris un tel risque, c’est parce qu’elles ont été pressées, humiliées, soumises à une tyrannie doucereuse. Leur geste montre ce qu’il advient des planètes que l’Empire menace. Elles sont prêtes à tout pour sauvegarder leur spécificité. Nous devons honorer leur engagement, et y voir ce qui doit guider nos actions. "

Si les planètes neutres ont attaqué, pensa Clawback en regardant les points bleus évoluer sur le quadrillage tridimensionnel, c'est surtout qu'ils n'ont aucun intérêt à trahir une république qui les aide en sous-main. Mais il se contenta de le penser et garda le silence. Tout ceci était resté secret, et devrait le rester. S'ils parvenaient à renverser l'hyperpropulsion et à repousser l'Empire, ils seraient gagnant sur tous les tableaux. Quant à lui-même, Kira en cavale au beau milieu de nulle part avec le Sénat à ses trousses, il se retrouverait seul à négocier avec les mondes neutres. Rien n'était joué, rien n'était néanmoins perdu, pour l'instant. Car par engagement, Voyl entendait bien aussi entendement financier. Ce qui valait bien de supporter une ou deux Ress Laz'ziark le temps d'une réunion, malgré tout ce qu'elle avait pu sortir sur leur compte depuis ses tribunes. Si elle était assez fine pour voir tout le potentiel que leur équipe de bras cassés pouvait avoir dans un tel bazar, il ne serait pas assez stupide pour faire échouer ce pourquoi il était venu. Il y avait beaucoup trop en jeu, à commencer par tout son propre travail en collaboration avec les ambassadeurs des mondes neutres, qui n'avaient pas hésité à défendre leurs biftecks.

La petite proche-humaine sortait ses accents de politicienne avec brio, et Clawback devait bien reconnaître là le talent des orateurs de la Rotonde. Ils avaient le pouvoir d'emmener les esprits par la force du langage. Seulement, lui-même avait toujours été assez hermétique aux discours, pour les raisons qu'il n'était qu'homme de chiffres et non de lettre, et que les muuns n'étaient pas franchement très sensibles aux envolées lyriques de nature. Les envolées des cours de la bourse coruscanti parlait déjà plus à leurs coeurs. Mais d'un même élan, il voyait aussi la négociation habile de la ministre se plaçant comme une sauveuse courageuse et pleine d'assurance. Kira mise hors jeu, ses suivants seraient mis au banc avec elle. Ceux ayant désobéi et pris l'avantage, en revanche, aurait champ libre pour combler les cases de la matrice laissées vides. Il sourit intérieurement. Pas folle la guêpe - car il fallait bien l'avouer, il y avait un vague air de famille, avec ces antennes... Qui bougeaient d'ailleurs au rythme de ses propos.

" Au passage, si ce n’est déjà fait, j’exhorte votre gouvernement à mobiliser ses propres forces de défense. Je crois que voir Muunilinst prête à défendre les siens sera un signal fort pour la population. "

" La majorité de nos vaisseaux lourds sont affrétés aux transports de fond. Ceux stationnés dans le secteur de Mygeeto sont d'ores et déjà en route. Quant à nos forces planétaire, elles sont exclusivement défensives. Notre marge de manœuvre est courte en terme de déplacement spatiaux. "

Il avait énoncé ces faits autant pour confirmer le fait qu'ils n'avaient pas attendu que la sirène hurle pour mettre le moteur en route, que pour informer leur militaire de service de ce dont ils disposaient de ce côté-ci. Résonner en terme de chiffres, mais en terme de vaisseaux et de manœuvre... il n'avait jamais goûté à la stratégie militaire. Même si le mathématicien qu'il était avait une forte tendance à n'y voir qu'un gigantesque jeu de sabacc spatial.

" Si nous passons à l'offensive, s'en est définitivement fini de Klark. "

Il parlait autant pour les autres que pour lui-même, sa machine mentale lancée à plein régime, poussée par une colère froide et un sentiment aigu d'être manipulé. Il rabattit son regard améthyste sur le visage fermé de la balosar.

" Même si je suis convaincu qu'en définitive votre alternative est la seule valable à long terme, agir maintenant et à découvert va directement à l'encontre des conditions émises par les ravisseurs impériaux de K'aaris Klark. Je ne peux pas sciemment donner mon accord dans de telles circonstances, sans avoir d'abord exploré d'autres pistes. Cela reviendrait à signer de ma main l'arrêt de mort de notre sénateur devant l'entièreté de ma planète. Inutile de vous faire un dessin de la situation dans laquelle je me mettrais alors, moi, et vous tous par la même occasion. "

S'il fallait sacrifier Klark, Clawback le ferait - oui. Une vie contre la sécurité d'une planète, ce n'était pas un risque à prendre, mais une nécessité à ses yeux. D'autant plus qu'il avait parfaitement conscience que tous, à sa place, n'aurait pas hésité à faire de même avec lui si les rôles avaient été inversés. On ne pouvait pas reprocher aux muuns un manque de pragmatisme. Mais pas avant d'être certain de ne pas pouvoir réussir un coup d’esbroufe, pas s'il devait passer pour un bourreau auprès de milliards de ses concitoyens. Aucune carrière ne pouvait souffrir ce genre de décision, même si l'on était pas soi-même homme politique.

" Nous pouvons localiser le comlink de Klark tant qu'il n'a pas été détruit. Si les impériaux sont assez négligents ou sûrs d'eux pour penser en avoir encore besoin pour négocier, nous avons une chance élevée de parvenir à nous servir de cette communication pour convertir l'émetteur en récepteur et ainsi obtenir un accès aux coordonnées exactes de Klark. Ce qui nous permettrait d'envoyer une mission de secours sur place. Pour cela, une diversion serait nécessaire de notre côté, pour gagner du temps et leur laisser penser qu'effectivement, nous avons accepter les conditions et que nous allons nous retirer. Une feinte assez habile pour ne pas désorganiser nos positions tout en laissant croire à une manœuvre de retrait. Une fois Klark hors de danger, je ne vous cache pas que Muunilinst vous laissera champ libre pour repousser définitivement cette armée de fous furieux hors de nos frontières."

Dans son regard, à bien y voir, ce serait même eux qui tireraient les premiers. Il se tourna alors vers l'humain en uniforme, à côté de Laz'ziark.

" Pensez-vous qu'une telle manœuvre puisse être envisagée en l'état ? "

En définitive, seul Jeresen Fylesan pouvait jauger de la faisabilité d'un tel coup de poker.
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La passerelle du navire tremblait de sous son être, déstabilisant les mouvements de l’équipage qui peinait à se déplacer sans perdre l’équilibre. Les échanges de tirs s’étaient intensifiés depuis que Jeresen avait ordonné à ses navires de fondre sur l’ennemi. Le résultat était prévisible, et les secousses ressenties étaient normales. Rapprocher les deux flottes avaient permit de faire feu de tout bord, mais aussi d’encaisser plus de tirs, avec une précision plus grande, mettant ainsi les écrans déflecteurs à rude épreuve. Mais l’Alsakani connaissait le bâtiment qu’il commandait pour l’avoir déjà mené à la bataille contre l’Empire à Makem Te. Il tiendrait bon. Cependant, la certitude qu’il avait concernant le Gardien du Tionese ne pouvait pas être répliquer pour le reste de sa flotte, plus vieillissante et moins performante. La première escadre avait subi de lourdes pertes, et il n’était toujours pas certain de pouvoir remporter cet affrontement. Les souvenirs de Makem Te lui rappelait ô combien les choses ne se passaient pas bien sur Dubrillion, du fait qu’il avait perdu l’initiative dès l’ouverture des hostilités. Ce qui aurait dû être une attaque surprise avait de grands risques de tourner au fiasco, et il serait en partie responsable. Il repensait à cette incursion de l’Impératrice dans son esprit, et aux images qu’elle y avait projetées. Sa défaite, son humiliation, et la destruction de toute sa flotte, éparpillée en une masse difforme d’énormes débris dérivant dans l’orbite. Et si cette planète qu’il avait vue dans cette vision n’était pas Makem Te mais Dubrillion ? Et si cette soi-disant Force dont il ne reniait pas l’existence avait voulu l’avertir du danger futur qui le guettait ? Jeresen ne connaissait rien aux dogmes des Jedi, et encore moins ceux des Sith. Peut-être que ce genre de choses était possibles.

Une nouvelle secousse, plus violente, le sortit de ses pensées. S’agrippant in-extremis aux rebords de la table de commandement, il s’empêchait une glissade sur la moitié du pont alors que le vaisseau était prit dans une embardée légère causée par les puissants tirs d’un des navires adverses. Il avait fermé les yeux par instinct protecteur et s’était même préparé à chuter, mais sa prise solide l’avait maintenu sur ses jambes et il reprenait son souffle avant de découvrir l’étendue des dégâts causés par cette salve encaissée directement par le Gardien du Tionese

« Tirs directs au travers des écrans latéraux ! Les déflecteurs ne sont plus qu’à trente-cinq pourcents, en chute constante, capitaine ! »

Il n’y eut qu’un grognement en réponse, ce qui alerta Jeresen, lequel détourna son regard vers sa droite. Je’styylir n’était plus là, mais avait chuté et glissé sur quelques mètres pour finalement s’échouer contre la rambarde de protection de la fosse. L’Alsakani se porta immédiatement à son aide, alors que le capitaine se grattait encore le crâne. D’une main tendue et d’une poigne ferme, le sénateur redressait son second avant de lui offrir une tape amicale dans le dos.

« Ne me lâchez pas tout de suite, capitaine. J’ai encore besoin de votre aide pour remporter cette victoire au nez et à la barbe des Impériaux. » Il attendit qu’il ait finit de se ressaisir. « C’est bon, tout est en ordre ? »

« Tout est en ordre, oui. » Je’styylir sembla regarder de biais les relevés du navire qui leur parvenait sur la console de commandement, et il se tourna vers l’enseigne qui avait tenté de l’interpeller. « Déroutez l’énergie auxiliaire vers les déflecteurs latéraux, enseigne ! Il faut manœuvrer pour réduire la pression sur les écrans affaiblis. »

C’était la meilleure chose à faire, et cela ne regardait pas vraiment l’Alsakani. Non pas qu’il n’avait rien à faire de l’état du vaisseau dans lequel il se trouvait, mais ce genre de problèmes étaient de la responsabilité du capitaine. Lui, devait s’assurer que la flotte allait sortir victorieuse de cet affrontement. Et il n’en était pas encore certain.

Comment allait réagir Alsakan si cela échouait, si cette offensive se stoppait juste après la sécurisation de Dubrillion ? Si la guerre n’avait pas lieu et que la Chancelière avait déclenché ce plan en secret juste pour satisfaire ses intérêts personnels ? Que se passerait-il s’il avait effectivement raison sur toute la ligne ? Ce serait catastrophique pour lui, mais aussi pour son monde. Il devait faire quelque chose, tout en espérant s’être trompé sur le compte d’Emalia Kira. Pourtant, tout semblait concorder pour désigner cette opération comme une vulgaire insulte envers toute la République. Il avait reçu des ordres concernant du Dubrillion et uniquement elle. C’était comme si la suite des opérations n’avaient pas été prévue, comme si la Chancelière et l’État Major voulait négocier après avoir placé l’Empire devant le fait accompli. C’était une véritable insulte à tous ces hommes qui se battaient, et un grave danger pour la stabilité de la chaîne de commandement. Sans ordre, un militaire ne peut compter que sur deux choses : son intuition, et donc prendre des décisions par lui-même, ou alors ne rien faire et attendre son sort. La première pouvait mener à des initiatives dangereuses, voir catastrophiques. La seconde était plus dangereuse encore, car elle mettait à mal la discipline et menait généralement à la déroute. Sans plan détaillé, sans prévision du mouvement global des forces, tout désignait cette attaque comme une simple violation de la frontière basée sur l’espoir que les Impériaux accepteraient la fait accompli. Un espoir sans doute vain, car la défaite était généralement mal vue dans les états autoritaire ou despotique. Elle vous place en porte-à-faux entre la pression des ennemis extérieurs et intérieurs. De fait, il fallait s’attendre à une véritable contre-attaque. Or, à part l’ordre d’attendre patiemment, les amiraux et capitaines des autres flottes disposées sur toute la frontière Impériale n’avait rien reçu. Que feraient-ils, si les Impériaux décidaient de contre-attaquer à cet endroit, là où les forces défensives avaient été réduites pour renforcer cette maigre portion du front ? Si les Impériaux décidaient de passer en force, pas grand-chose. Ne pas avoir informé les mondes puissants de la République était une deuxième erreur, car ils ne réagiraient qu’avec du retard là où ils auraient pu fournir un véritable appui à la République. Mais non, la Chancelière avait décidé d’agir seule. Sans le Sénat.

Mais si elle perdait, elle ne serait pas la seule. Elle risquait d’emmener toute la République avec elle.

« Amiral Fylesan, une communication depuis Coruscant. C’est pour vous. »

Jeresen soupira. Il avait déjà à sa battre sur un front, et il n’avait certainement pas envie d’avoir à traiter les problèmes internes à la République alors qu’il était déjà bien occupé avec l’Empire. Il avait un assistant sénatorial pour ce genre d’occasion. Jonn devait sans doute avoir beaucoup à faire au sein de la Rotonde. Sans parler des pressions qu’il devait recevoir de l’Archaïad et des Conseils du Roi Fird.

« Le Sénat ? »

« Ce n’est pas une transmission en provenance des canaux de communication officiels. C’est privé. Délégation Sénatoriale d’Alsakan. »

Le sénateur s’immobilisa, prenant note de l’information et des éventuelles conséquences qu’elle pouvait avoir. Que pouvait bien lui vouloir Jonn, alors qu’il lui avait dit d’assumer son rôle à sa place pendant son absence ? A part des nouvelles d’Alsakan, il ne cernait pas très bien la raison de cette communication. Si la situation fut été différente, que l’attaque se déroulait bien, peut-être aurait-il ignoré la communication. Sauf que la situation n’était pas excellente, et qu’un échec était encore possible.

« Passez-les-moi en salle de réunion. Je’styylir, vous avez le commandement. »

Il cessa de s’appuyer sur la table de commandement, se redressant pour pivoter et se diriger vers un des angles de la vaste passerelle. Il avait confiance en son second, il l’avait déjà exprimé dans ses précédents rapports. C’était quelqu’un de compétent et qui savait lire et prévoir les mouvements de l’adversaire. Arrivant dans l’angle, il appuyait sur l’interrupteur de la porte, laquelle coulissa, lui offrant accès à la petite salle de réunion normalement utilisée pour discuter entre amiraux des plans de bataille à venir. Une pièce bien inutile, en cet instant, puisque rien n’était à prévoir. L’Alsakani verrouilla la porte derrière lui, par sécurité, et fit désactiver les dispositifs d’enregistrements. Les discussions entre lui et sa délégation se devaient de rester confidentielles, en tout instant.

« Ici Fylesan, j’écoute. »

Jeresen activa les émetteurs et récepteurs holographiques, de sorte à pouvoir discerner son interlocuteur tout en apparaissant à lui, et ainsi rendre la discussion plus directe que par écrans ou microphones interposés. L’image de Jonn ne tarda pas à surgir, une partie du décor de la pièce où il se trouvait apparaissant en bordure de la projection. Le pauvre semblait épuisé, sans doute par une réunion exceptionnelle du Sénat et les multiples échanges avec le gouvernement de son monde.

« Ah, nous sommes finalement parvenu à vous joindre. Nous savons que vous êtes sur le front. Il y a des rumeurs qui circulent, comme quoi les combats ne se dérouleraient pas très bien. Quoiqu’il en soit, la Rotonde semble s’outrager de ne pas avoir été prévenu. »

« Rien de bien étonnant. Les choses n’auraient pas dû se dérouler ainsi. La Chancelière Kira a outrepassé ses responsabilités. »

Il y eut un hochement de tête entendu, suivit d’une certaine gêne de la part de Jonn.

« En effet. A ce sujet, il y a des bruits qui circulent comme quoi certaines délégations se seraient réunis pour rédiger une motion de censure à l’encontre de la Chancelière et de son gouvernement. Mais rien de sérieux pour l’instant. La situation semble néanmoins s’enflammer d’heure en heure. »

« Ne faites rien pour l’instant. Contentez-vous d’observer et d’écouter. Il ne faut surtout pas déstabiliser la chaine de commandement, et donc le gouvernement Kira tant que la situation n’aura pas évolué vers un dénouement clair. Et sur Alsakan, quelle est la position du Roi à ce sujet ? »

C’était une inconnue importante dans la résolution de l’équation. Il était impossible d’aller contre la décision du Roi, mais il y avait toujours moyen d’influencer cette dernière avant qu’elle ne finisse actée. Alsakan avait un véritable rôle à jouer dans cette affaire, et Jeresen ne devait surtout pas laisser passer l’occasion pour son monde, mais aussi pour lui. En ayant agi avec Emalia Kira, il s’était mis en péril auprès de son propre gouvernement.

« Entendu. Son Altesse a ordonné le retour de tous nos bâtiments croisant au-delà de notre sphère d’influence pour protester contre la décision de la Chancellerie. Certaines personnes exigent que la flotte soit redirigée sur les points clés de la Perlemienne et de l’Hydienne, pour forcer l’état fédéral à revenir sur ses décisions, quitte à placer Coruscant sous pression. Mais ce serait catastrophique. »

« Cela ne doit surtout pas arriver, Jonn ! Nous n’avons pas besoin d’une guerre civile au moment où l’Empire peut se permettre de frapper la République. Vous devez contacter les modérés de l’Archaïad. Contactez Vondar Fylesan, il vous appuiera pour les convaincre de ce qui est juste de faire, à savoir rendre la flotte opérationnelle pour intervenir rapidement aux frontières des anciennes dépendances du Nord si nécessaire. »

« Vous êtes sûr ? Ils refuseront d’aller aux côtés du gouvernement dans une affaire que le reste de la République refuse. »

Jeresen laissa échapper une légère grimace. Il était parfaitement au fait de cela. Lui-même avait l’impression de se brûler les doigts à aider ainsi une femme qui se permettait faire n’importe quoi pour servir des intérêts qui n’étaient pas ceux de la République. Sauf qu’en réalité, son aide ne lui était pas destiné personnellement.

« Il n’est pas question d’aller aux côtés de qui que ce soit, mais d’agir pour la République, ses intérêts et les nôtres. Imaginez que les Impériaux décident de profiter de cette immense erreur stratégique pour attaquer le long de l’Hydienne ou de la Perlemienne ? Nous devons agir. Rapidement. »

Le vaisseau fut prit d’une nouvelle secousse et la projection holographique vacilla. Jeresen dû compenser pour que la liaison « vidéo » ne se coupe pas. Pourtant, il allait bien falloir, car tout sembla bien vite tomber sur la tête du pauvre sénateur d’Alsakan.

« Sénateur Fylesan ? Nous venons de recevoir un message du Sénat. C’est une communication officielle. On vous demande à bord du Furtivo. »

Il s’immobilisa, considérant un instant Jonn qui patientait. Quelque chose devait s’être produit alors qu’ils discutaient. Peut-être que la rumeur était bien réelle, que certaines délégations avaient effectivement remis en cause le gouvernement de la Chancelière Kira. Ou bien était-ce une toute autre chose.

« Entendu. » Il se tourna vers la projection holographique. « Je pense que vous avez des choses à faire Jonn. Nous comptons sur vous. »

La communication s’interrompit et Jeresen effaça les données de la transmission. Il avait évoqué des sujets importants, voir confidentiels, qui ne devaient pas tomber entre de mauvaises mains. Certains le pensaient paranoïaque mais faire preuve d’une pareille méfiance était dans sa nature, sa condition. Il avait été formé à ne rien laisser passer. Il ne sortit de la pièce que lorsqu’il fut certain que rien ne pouvait être récupéré de son côté. Jonn aura fait le nécessaire du sien, il le savait ; il l’avait choisi pour cela.

Son isolement temporaire lui avait fait manquer bien des éléments concernant la bataille acharnée qui se livrait au dehors. Plusieurs flottes supplémentaires étaient sorties de vitesse-lumière pour se ranger du côté des Républicains, sans oublier ces quelques vaisseaux grimés, ressemblant plus à de vieilles épaves qu’à des navires stellaires. L’Alsakani prenait note de l’évolution de la situation, de ses avantages mais aussi de ses inconvénients. Hélas, il n’allait pas pouvoir les traiter de lui-même. Il avait d’autres choses à régler. Sa présence était requise ailleurs.

«Je’styylir. Il faut que vous arriviez à vous coordonnez avec eux. Je ne peux hélas pas rester avec vous pour régler leur compte aux Impériaux. Vous avez le commandement de la flotte jusqu’à ce qu’une autorité compétente se présente. »

« Ce sera fait, vous pouvez compter sur nous. Une corvette vous attend dans le hangar sept. »

Jeresen acquiesça et se détourna, retirant d’ors-et-déjà son datapad de sa poche pour récupérer toutes les informations nécessaires à ce qui risquait de l’attendre à bord du Furtivo. Il marcha jusqu’au sas blindé qui s’ouvrait et il s’immobilisa un instant pour se retourner vers le pont qu’il quittait, interpellant son second une dernière fois.

« Je’styylir ? Bottez-leur l’arrière train, voulez-vous ? »

Ils échangèrent un sourire amusé, le premier depuis des heures. Leur complicité et leurs compétences avaient fait leur force à Makem Te. Jeresen n’aurait pas pu remporter la victoire sans son aide et sa largesse d’esprit. Il ferait le nécessaire, Jeresen en avait la certitude. Il accéléra le pas alors qu’il descendait vers le hangar sept, situé dans les ponts inférieurs du navire. Une corvette était nécessaire pour forcer le passage hors du combat t ainsi rejoindre le Furtivo, et c’était l’un des seuls hangars assez grands pour en réceptionner une. C’est dans un des couloirs qui menaient vers cette destination qu’il reçu l’appel de la Ministre Laz’ziark. Non pas sur un canal officiel, mais bien par l’intermédiaire d’une communication privée. Ce fait ne manqua pas de le surprendre, et s’il essayait de ne pas se remémorer leur proximité, il ne restait pas indifférent à cette manière de l’approcher. Elle était membre du gouvernement, et cette demande soudaine ne pouvait être mue que par la raison même qui avait demandé sa présence à bord du Furtivo : le Sénat. La chance était qu’elle se trouvait elle-même à bord de ce navire républicain, ce qui allait forcément faciliter les choses. D’où sa réponse, et le fait qu’il serait bientôt à bord pour discuter de cela directement avec elle.

Il se laissa guider par les lumières des couloirs, pour finalement arriver dans le hangar souhaité. Le vaisseau était déjà là, les mécaniciens du navire mère s’affairant à le préparer pour son départ imminent. Jeresen ne se laissa pas perturber par la fourmilière qui s’agitait et grimpa immédiatement à bord de son transport. Il devait partir rapidement. Avec de la chance, il pourrait résoudre la situation avec le Sénat avant que la bataille ne prenne un tournant inattendu, défavorable. Il ressentait déjà la situation lui glisser des mains. Il n’avait plus le choix des décisions, et le sort de tout ce qu’il se passait n’était plus de son ressort. Il se sentait presque nu, à présent.

Accueillit par l’équipage, il les laissa rapidement vaquer à leurs occupations. La corvette ne tarda pas à décoller, alors qu’il s’installait dans une des salles communes du navire. Seul. Il avait besoin de calme pour rédiger une missive, avec son père pour destinataire. Il allait avoir besoin de Vondar Fylesan, ancien sénateur d’Alsakan et désormais porteur de la voix de sa famille à l’Archaïad. Jonn devait normalement s’occuper de le convaincre d’agir, mais cette lettre devrait finir de le persuader de le faire rapidement. Son avantage résidait également dans le fait que sa sœur était désormais lié par le sang à l’héritier de l’Hégémonie, et que sa famille ne s’était pas retrouvé aussi puissante sur Alsakan depuis des siècles. Son père serait écouté, surtout s’il s’appuyait sur les contreparties que lui proposait son fils. Des contreparties qu’il allait falloir négocier, mais ça, c’était de son ressort.

Pour Jeresen, Alsakan ne devait pas bouger. Le temps n’était pas encore venu pour son monde de montrer au créneau. Oh, il ne se berçait pas d’illusions pour autant. Ce moment arriverait bien vite, peut-être dans les heures qui venaient, mais il voulait être certain de faire le bon choix. Pour lui ; son monde ; la République. Or, cela ne passait pas par l’intervention militaire contre Coruscant et la guerre civile, mais au contraire par une importante implication dans les affaires de l’état fédéral. La Chancellerie devait comprendre qu’elle ne pouvait plus agir sans l’accord des puissants et influents mondes souverains que sont Alsakan, Coruscant et Corellia.

Son vaisseau finit par s’extirper de la bataille spatiale, fonçant alors à travers l’espace vide pour venir se réfugier dans l’une des antres du Furtivo. C’est à peine si Jeresen avait eu le temps d’envoyer ses deux missives, à destination de sa famille. Il allait devoir attendre les réponses, ainsi que les comptes-rendus de situation sur Alsakan et son gouvernement. C’est en descendant de la rampe pour fouler le sol du navire de guerre qu’il fit la rencontre de cette femme, qui se présenta comme une chargée de mission. Il la jugea un instant du regard, intrigué par cette manœuvre trop directe. Une chargée de mission, d’accord. Mais de qui ? Il ne l’avait jamais vu auparavant. Elle n’était pas de sa délégation. Il la suivit pourtant le long des couloirs menant à la salle de réunion, réceptionnant ses propos avec une certaine surprise. Il s’en était douté, Jonn lui en avait parlé, mais il ne s’était pas résolu à y croire. Pourquoi poser maintenant une motion de censure, alors que la république se trouvait dans une pénible situation ? Pour faire pression, bien évidemment.

« Pourquoi venez-vous m’informer de cela, plutôt que de vous entretenir directement avec le gouvernement ? »

La question était légitime, et il espérait avoir une véritable réponse. La situation était trop instable pour pouvoir se contenter de vagues insinuations. En plus de cela, le claquement régulier des talons de la jeune femme sur le sol d’acier du navire l’agaçait. Sans parler de cette prise sur son bras, particulièrement oppressante. Tout ceci était bien trop étrange pour être vrai, et la réponse manqua le faire exploser dans un rire jaune. Lui ? Le seul membre hors gouvernement présent ici ? C’était peut-être vrai, mais Jeresen était mouillé jusqu’au cou dans cette affaire. Prendre le rôle de porte-parole du Sénat contre cette intervention relevait plus que d’une simple hypocrisie. C’était une véritable insulte, une énorme farce. Et pourtant, il accepta d’endosser cette responsabilité pour la simple et bonne raison qu’elle lui offrait l’opportunité qu’il avait espérée en venant à bord.

Jeresen avisa une dernière fois du regard cette femme qui s’éloignait à présent, puis la jeune Jedi qui gardait l’entrée de la porte. Puis il se jeta finalement dans l’arène, franchissant la porte qui le séparait de l’inconnu.

Il était visiblement le premier. Il savait qu’il allait devoir discuter avec Ress, et il espérait de tout son être qu’il n’allait devoir rompre cette amitié, cette confiance qui avait finit par se tisser entre eux. Il se souvenait encore parfaitement de leur rencontre inattendue à l’Opéra, graine de leur entente, mais surtout de leur mission conjointe sur Bilbringi .Les moments passés là-bas en sa compagnie s’étaient révélés bien plus agréables qu’attendu. Devait-il mettre un terme à tout cela, pour donner raison au Sénat ? Devait-il faire volte-face, et s’opposer à cette intervention illégitime ? Sur ce sujet, il savait déjà qu’il allait décevoir le Sénat, ou du moins doucher temporairement ses ardeurs. Le regard rivé sur la projection sous ses yeux, il suivait l’évolution de la bataille avec une certaine anxiété, son regard déviant de lui-même vers l’amoncellement de formes géométriques représentant la flotte qu’il avait délaissé pour venir ici. Je’styylir allait-il pouvoir surmonter le challenge auquel il faisait face ? Avait-il eu raison de se reposer sur ses épaules ?

Jeresen secoua doucement la tête, déglutissant. Oui, il l’avait fait. Il avait toute sa confiance. Il réussirait.

Il ne fut bientôt plus le seul dans la salle, la porte s’ouvrant à nouveau pour faire entrer l’une des Jedi qui gardait l’entrée, ainsi qu’un individu dont la taille et la finesse de son corps trahissait immédiatement ses origines. Un Muun, à coup sûr. Lorsque son corps sortit de l’ombre et que l’Alsakani put enfin voir son visage, ce dernier reconnu presque immédiatement l’individu qui le saluait. Il l’imita, refoulant ses pensées quand à son affiliation avec le mouvement du sénateur S’Orn. Il n’était pas là pour débattre de ce sujet. Pas encore, tout du moins. Cependant, la question de la raison de sa présence se posa dans son esprit. Pourquoi un financier se trouvait-il à ses côtés, dans cette salle ? A vrai dire, Jeresen n’était au courant de ce qu’il se déroulait concernant le sénateur de Muunilinst, et il n’allait pas tarder à être surpris.

L’arrivée de Ress Laz’ziark repoussa son questionnement dans un coin de son esprit, le simple fait de la voir se présenter face à lui arrachant au sénateur un léger sourire discret. Après toutes ces semaines, il était tout de même heureux de la revoir en dehors de la Rotonde et de son ambiance quelque peu malsaine. Pourtant, il n’était pas question d’une discussion de courtoisie, et ce n’était pas la Balosar qui se présentait à lui mais bien la ministre de la Justice. Vu ce que Jeresen avait désormais sur le cœur à propos du gouvernement Kira, les discussions risquaient donc d’être houleuses.

« Le plaisir est partagé, Madame la Ministre. N’ayez crainte, la situation n’en est pas encore à ce stade. Mais nous n’avons encore rien stabilisé pour autant. »

Autant être franc d’entrée de jeu. Inutile d’enrober la pilule, la situation n’était pas bonne et leur navire se trouvait à seulement quelques encablures de la menace, de toute évidence sous-estimée par les renseignements Républicains. Comment pouvait-on se tromper autant sur les capacités de l’ennemi ? Cette situation était digne d’un holofilm.

Son regard dévia vers la petite Twi’lek, alors que la Balosar expliquait le rôle de la jeune Jedi ici présente. Tout aussi sincèrement, Jeresen ne comprenait pas ce qu’elle faisait là. Elle était trop jeune, et il ne voyait en quoi elle pouvait leur être utile. Les informations venant du front, il en avait déjà une bonne partie. Il en venait. Après, il n’était pas nécessairement contre une surprise de plus, mais il préférait largement se concentrer sur les propos de la ministre au sujet de Muunilinst et sur les réactions de leur représentant. Quelle aide pouvait-il bien demander comme aide, alors que son monde était normalement protégé par les frontières républicaines ?

Jeresen n’était pas au courant de l’enlèvement du sénateur Klark, et il ne pouvait de toute manière rien y faire personnellement pour le faire libérer. Surtout s’il n’avait aucune information à ce sujet.

En revanche, oui, les mondes de la bordure pouvaient avoir peur de l’Empire, car la République agissait n’importe comment, tout simplement. Là encore, il pouvait aisément remettre sur le tapis l’imbécilité stratégique de ce plan, et du fait qu’il risquait de tous les mener à la catastrophe. En commençant par le monde de Voyl Clawback, visiblement. Étant donné ses propos et ceux de Ress Laz’ziark, la situation n’était vraiment pas bonne sur Muunilinst. Mais dans ce cas, pourquoi ne l’avait-on pas prévenu, lui, que quelque chose n’allait pas là-bas aussi ?

Cependant, Jeresen ne comprit pas bien le lien avec la famille de la Balosar, et encore moins le fait que son fils soit un Jedi. Cela, en réalité, ne le concernait pas. Voilà tout. Du moins, pas directement. Évidemment, le destin de Muunilinst était important, mais il devait ronger son frein pour ne pas exploser et demander se qu’il se passait réellement avec le monde de Monsieur Clawback.


Enfin bref.


Jeresen porta son regard vers la projection, et ce que voulait exprimer la Sénatrice et Ministre. Rien qu’il ne savait déjà, au sujet des combats. Si ce n’est le fait important que les flottes neutres venaient au secours de la République sans réellement l’aider. Il n’y avait qu’à regarder le mouvement de chaque bloc pour comprendre qu’ils ne se coordonnaient pas. Or, la discipline était la chose la plus importante dans ce genre de configuration, lorsque divers acteurs agissent contre un ennemi commun. Or, là, rien. Le néant. En voulant les aider, les neutres étaient peut-être en train de leur faire perdre la bataille. Alors oui, la République ne devait pas perdre, mais la situation n’était pas de bon augure. Ress Laz’ziark pouvait argumenter autant qu’elle le souhaitait, les faits étaient là, devant eux.

« La question n’est pas de savoir si nous devons nous retirer ou non, Madame la Ministre. Veuillez nous pardonner cette offense, mais nous sommes –nous l’espérons tout du moins-, parfaitement conscient de la situation des mondes neutres, et de ce que leur fait subir l’Empire chaque jour. Sauf que, comment stopper une folie lorsque cette dernière nous a propulser dans une situation dont l’issue sera la même, que nous réussissions ou non ? Nous avons attaquer les Impériaux, et ils ne feront pas la paix sans avoir remporter une victoire, pour la simple et bonne raison que la défaite ne ferait que jeter le doute sur les compétences de leurs têtes pensantes. »

Il avait dit ça sans la moindre animosité à l’encontre de la Balosar, cette dernière étant particulièrement tournée vers l’Était-Major, la Ministre de la Défense et la Chancelière Kira.

« Que dire des nôtres, d’ailleurs, lorsque l’on constate les conséquences de leur incompétence. Comme l’a dit Monsieur Clawback, l’effet de surprise ne suffira pas à garder nos frontières sûres. Mais encore faut-il que nous ayons eu le moindre effet de surprise. Le fait est que l’Empire nous attendait. Nous avons immédiatement été prit à partie par une force bien plus que conséquente, tout simplement parce que cette attaque, à cette endroit, était si évidente qu’elle n’aurait jamais dû être validée en l’état. »

Les faits parlaient d’eux-mêmes : deux flottes sur trois étaient en grande difficulté, avec des escadres en piteux états alors que les Impériaux massaient tranquillement des forces sur Artorias pour se préparer à contre-attaquer.

« Peut-être que la raison de cette attaque ne vous intéresse pas, mais nous sommes au contraire fort intrigué. Lorsque l’on annonce une guerre, lorsque l’on prépare une guerre, il est nécessaire de prévoir des scénarios sur le long terme, des grandes offensives. On n’attaque pas qu’à un seul point, en y concentrant nos forces, pour reprendre un seul système solaire. Au contraire, on frappe large, pour forcer l’adversaire à étendre son front, pour ensuite le frapper là où ça fait mal. Or, qu’avons-nous reçu comme instruction, si ce n’est d’attaquer et de saisir Dubrillion ? Absolument rien. Ce qui signifie que cette attaque n’est qu’un prétexte pour servir les intérêts de la Chancelière Kira, et non une véritable déclaration de guerre. »

Il se tourna vers Ress, comme pour asséner une évidence.

« Vous ne voulez pas d’un nouveau traité d’Artorias, mais c’est pourtant exactement ce que semble vouloir nous imposer la Chancelière. Une guerre contre l’Empire ne se gagne pas en un mois. »

La référence était voulue. Oui, la Chancelière pouvait déclencher une opération militaire sans l’accord du Sénat, lorsque cette opération ne durait pas dans le temps. Elle pouvait certes demander de continuer la guerre ensuite, mais le Sénat refuserait certainement, maintenant qu’elle l’avait profondément insulté.

Toute cette historie n’était qu’une succession de farces toutes plus grandes les unes que les autres. Jeresen était pour la guerre, pour la destruction de l’Empire. Mais encore fallait-il que l’on ne le prenne pas pour une truffe. Alors lorsque Ress Laz’ziark explicita la situation de la Chancelière, perdue à bord d’une frégate au milieu du champ de bataille, Jeresen n’eut qu’une seule envie : se fracasser la tête contre le mur. Mais au lieu de ça, il ne put retenir ce qu’il avait sur le cœur :

« Quand nous vous disions que ce n’était qu’une abrutie… »

Il s’excusa presque aussitôt. Il avait d’autres choses à faire que de tacler celle en qui il avait cru, celle qu’il pensait capable de mener la République vers une situation meilleure. Il s’était trompé, et il devait désormais réparer les pots cassés, soutenir la République alors que même son monde s’interrogeait sur la marche à suivre.

Alors oui, vaincre était vital. Mais ensuite ? Il n’y avait rien de prévu, et c’était bien là tout le problème ! Jeresen n’avait rien contre l’idée de faire retarder cette motion de censure qui ne tombait pas au bon moment. Oui, il ne soutenait en rien les demandes du Sénat, ces demandes qu’il devait normalement défendre.

Oui, il allait agir pour la République et pour tout ces gens opprimés par l’Empire. Et à ce sujet, l’offre de Ress Laz’ziark était alléchante. Elle lui offrait ni plus ni moins que de retirer toute la gloire de cette affaire, de ramener Alsakan sur le devant de la scène géopolitique. Mais il n’était pas dupe pour autant. La Balosar savait comment le flatter, et il allait l’aider. En partie, tout du moins.

« Nous sommet prêt à vous aider sur ce point. Nous devons absolument remporter cette bataille, car nous retirer plomberais tout le prestige de la République. Il est nécessaire de coordonner nos efforts avec les mondes neutres, de parvenir à former un bloc contre l’Empire. Mais je ne serais pas le porte-parole de votre gouvernement. Pas tant qu’Emalia Kira sera Chancelière. Nous n’avons rien contre le fait d’être votre porte-voix, comme vous dîtes, mais nous ne voulons en rien être assimilé de près ou de loin à votre gouvernement. »

L’occasion d’engager son monde était là, mais il ne pouvait strictement rien faire seul à ce sujet. Il avait besoin de convaincre l’Archaïad, de convaincre le Roi Fird. Il comptait beaucoup sur son père, sa sœur et sur Jonn pour arriver à mobiliser Alsakan. Mais il avait besoin de contrepartie, d’un poids suffisamment fort pour sortir son monde de sa léthargie, et lui faire renoncer à toutes ses velléités belliciste à l’égard de la République. C’était à lui de jouer, donc.

« Nous ne pouvons pas mobiliser les forces armées sans que Son Altesse n’en ait donné l’ordre. Et hélas, il ne le donnera pas sans avoir des garanties de la part de la République. Néanmoins, nous pourrions effectivement venir en appui des forces républicaines, en stationnant une partie de notre flotte sur Muunilinst, Dantooïne, Mygeeto, Yaga Minor, Ord Trasi, Ord Cantrell et Ketaris. De là, nous pourrons rapidement intercepter toute flotte Impériale qui tenterait de s’introduire dans nos frontières depuis la zone impériale comme depuis la zone neutre, et ainsi sécuriser toute la zone Nord de la République. Le reste de nos forces seront cantonnées à sécuriser l’Hydienne et la Perlemienne contre des incursions Impériales le long de ces axes, en se positionnant aux nœuds stratégiques pour harponner l’adversaire avant qu’il ne se répande comme une maladie au cœur de notre territoire. »

Ce serait un bon moyen de vérifier si les nouveaux navires, taillés pour affronter les vaisseaux Impériaux les plus lourds, étaient vraiment efficaces.

Quand aux conditions…

« Nous exigeons pour cela que des représentants militaires de Coruscant, d'Alsakan et de Corellia soit obligatoirement conviés aux réunions d’État-Major de la République, et soit consulté avant chaque décision militaire. Il est hors de question que nous nous laissions encore mener par le bout du nez par des incompétents, alors que nous avons le poids diplomatique et militaire pour peser sur le sujet. En retour, nous nous engagerons à faire bloc pour la poursuite de la guerre. A condition, évidemment, que ce soit bien la volonté première de cette attaque, et non une vulgaire manœuvre de prestige sans intérêt, visant à récupérer un monde qui n’est même pas Républicain. Alsakan ne saurait l’accepter.»

Quelque fut la décision de la Balosar, Jeresen ne pouvait avoir aucune garantie de la part de la République. Emalia Kira pourrait très bien balayer les bonnes volontés de sa ministre, comme elle avait déjà fait un pied de nez au Sénat. D’où le déploiement de force de sa marine, qui était suffisamment conséquente pour occuper le terrain en cas de retour sur les décisions qui pourraient être prises. Et c’était toujours mieux que de voir débarquer soudainement une flotte Alsakanie autour de Coruscant. Jeresen était en équilibre, tel un funambule, et sa proposition était un moyen fiable d’éviter les dérives d’une partie de la noblesse de son monde.

Les choses étaient dites, et il écoutait désormais Monsieur Clawback expliquer la véritable raison de sa venue. Ainsi, Jeresen comprenait mieux ce qu’il se passait, et enrageait d’autant plus de ne pas avoir été prévenu plus tôt de l’enlèvement et de la séquestration du Sénateur Klark. Il n’aurait rien pu y faire de toute manière, mais il n’aurait pas l’air d’un imbécile à tirer une grimace pleine de surprise face à cette soudaine révélation.

Il écouta de fait avec une attention toute retrouvée la proposition du Muun, analysant chaque élément, chaque indice pour tenter de comprendre ce qu’il avait en tête, et ce qu’il comptait faire. Sa proposition ne tarda pas à venir, et Jeresen ne l’aurait pas refusé en bloc si elle ne venait pas interférer avec les manœuvres en cours. Mais d’une certaine manière, il n’était pas surpris par les demandes des ravisseurs. Tout était intimement lié, et il allait falloir ruser plus que ça si le Muun voulait revoir son sénateur en vie.

« Nous comprenons votre position, Monsieur Clawback. Cependant, votre idée n’est pas applicable actuellement. La situation sur le front est incertaine, et retirer une partie des navires engagés ne ferait que nous affaiblir, et mettre un peu plus en danger votre monde. De plus, il est fort probable que les ravisseurs ne tuent le sénateur Klark en repérant votre mission de sauvetage. Sans parler du fait que l’on ne sache pas encore où il est détenu. Et si seulement nous arriverons, oui ou non, à trouver sa localisation. Néanmoins, il y a peut-être une solution alternative. A condition que l’on sache où chercher. »

Jeresen avait effectivement une idée, mais il ne savait pas si elle était réellement viable. Il avait déjà expérimenté cette approche lorsqu’il travaillait au sein des forces spéciales.

« Nous pourrions envoyer un commando à bord d’un vaisseau civil. Si le sénateur Klark se trouve à bord d’un navire, notre vaisseau pourrait se faire arraisonner. Le commando donnera l’assaut. S’il est sur une planète, notre commando devrait pouvoir s’y poser sans encombre et le libérer. C’est à cet instant que nous pourrons déployer un ou deux navires de guerre positionnés en réserve pour protéger la retraite de notre commando, et de son vaisseau, en engageant si nécessaire le combat contre l’adversaire. »

Il faudrait pour cela que les navires de guerre se tiennent à proximité de la cible, dans un système voisin, ou en plein espace hors de ses capteurs. Ces navires ne seraient évidemment pas retirer du combat, et devait donc se situer en réserve, ou en défense d’un des mondes Républicains. La chose pourrait être possible si Alsakan déployait effectivement ses navires, et donc à condition que la Chancelière accepte de cesser de se la jouer solo sur la scène galactique.

« La mission reste néanmoins très risquée pour votre sénateur. Et seul le commando pourra décider s’il pense pouvoir intervenir ou non. Qu’en pensez-vous ? »

Les dés étaient jetés. Jeresen aiderait Ress Laz’ziark et Voyl Clawback à résoudre leurs problèmes, mais pas pour des prunes.
Dalla Tellura
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Dalla se concentrait sur les réponses du muun, dans le chimérique espoir de trouver, seule et dans ce couloir, une solution au problème. Le représentant du Clan Bancaire ne semblait finalement pas si hostile au jedi, puisqu'il était prêt à accepter qu'ils s'en mêlent. Encore fallait-il trouver un jedi qui en ait le temps…

La porte qu'elle gardaient s'ouvrit soudain sur un officier républicain, faisant sursauter Dalla. La question du sénateur-otage lui avait presque fait oublier sa mission principale, qui semblait d'ailleurs maintenant complètement caduque.

-Désolé de vous interrompre, Monsieur Clawback ? On vous demande. Mademoiselle Tellura est elle aussi demandée de toute urgence.

Monsieur Clawback franchit enfin la porte, et Dalla jeta un coup d’œil interrogateur à Loreline, mais l'officier s’était déjà engagé dans le couloir, et Dalla lui emboîta vite le pas, de peur de se perdre dans les coursives. Heureusement qu'elle était plutôt grande pour ses douze ans, elle n'avait pas beaucoup plus de foulées à faire que l'officier, et put conserver une démarche relativement digne en marchant après lui jusqu'à une grande salle pleine d'écrans.

Un humain assez grand (par rapport à elle, bien sûr, pas par rapport au muun) était déjà là, que Dalla était sûre d'avoir déjà vu quelque part. Sans trop le fixer pour ne pas être impoli, elle l'examina, et finit par se rappeler où elle l'avait croisé. C'était à la cérémonie donnée par la!chancelière, il y avait près d'un an, pour les médailles de Félucia, Makem Te et tout ça. Il discutait avec Emalia Kira quand elle s'était approchée pour empêcher ce droïde de donner à la Chancellière les chaussures de Kolin. Elle n'avait rien compris à leur conversation. Même pas son nom…
Elle se contenta d'un bref signe se tête.

-Padawan Tellura ? interrogea un militaire, posté derrière une série d'écrans et d’appareils de projection holographique.

-C'est… c'est moi.

Il s'approcha d'un pas guindé, sans s'occuper des autres personnes présentes.

-Maître Vorkosigan a dû rejoindre de toute urgence le champ de bataille, c'est désormais à vous qu'il incombe de tenir le gouvernement informé de l’avancée de la situation.

-M…

Il ne lui laissa le temps ni de balbutier, ni d'interroger, ni de protester :

-Vous êtes en lien direct avec le haut commandement militaire et les jedi, vous aurez accès à toutes les informations qui pourront vous être nécessaires.

Il s'arrêta et la regarda, comme s'il venait à peine de remarquer son âge.

-Avez-vous… besoin d'explications sur ces appareils ?

-Euh… Je crois, oui…

Elle savait se servir d'un projecteur holographique et d'un écran en deux dimensions, mais ce qu'elle voyait sur ceux de la salle la dépassait clairement. Des graphiques, des lignes de chiffres, des points qui clignotaient…

Elle allait suivre le militaire à l'autre bout de la salle, quand le comlink de Monsieur Clawback projeta un nouvel hologramme du sénateur Klark et de ses ravisseurs. Elle regarda, médusée, les petites silhouettes bleutée.

Tous les padawans, tous les novices savaient que la torture existait. Ils en parlaient, étudiaient les régimes qui l'avaient pratiquée ou la pratiquaient encore, apprenaient à réfuter les arguments de défense de son utilité.
Mais en voir les résultats en vrai, sur une vraie personne, même en holo, c'était tout différent.
Surtout que, d'une certaine façon, elle avait joué un rôle dans cette histoire. Elle était un peu responsable de ce qui se passait…

Elle fut d'autant plus touchée des paroles de Monsieur Clawback qu'elle se sentait une part de responsabilité dans l'état du sénateur.
Elle aurait voulu lui répondre qu'elle aurait encore préféré que la scène n'ait pas eu lieu du tout, ou dire qu'il était bon, aussi, quand on prenait une décision ou une position tranchée, d'en voir les conséquences de ses yeux, mais elle se contenta de secouer doucement la tête et de murmurer :

-J'espère que les choses s'arrangeront. Pour Muunilinst, pour le Sénateur…

Et pour la République et la Galaxie… songea-t-elle en rejoignant l'officier qui semblait l'attendre avec agacement, mais ne devait pas avoir osé interférer avec le Muun.

Dalla eut un peu de mal à retenir ses larmes pendant qu'il lui expliquait le fonctionnement de tous les logiciels, interfaces de communications et représentations graphiques ou chiffrées des données. Ce flot d'informations eut l'avantage de réveiller son côté logique et de faire taire ses états d'âme, mais elle devait bien avouer qu'elle n'avait pas compris la moitié de ce qu'il lui avait expliqué.

-Vous avez tout compris ? interrogea l'officier, l'air un peu excédé d'avoir dû perdre son temps à expliquer des choses aussi simples à une gamine de douze ans, alors que la situation de la République état aussi critique.

-Oui, mentit Dalla d'une toute petite voix.

-Bien. Tous les codes d'identifications et d'accès sécurisés sont sur le datapad à votre droite. Remettez-le à la Ministre ou à un officier supérieur quand vous aurez fini de l'utiliser.

Elle avait déjà hâte d'y être. De rentrer au Temple et de dormir.

Le militaire fit un bref salut, puis quitta la pièce. Dalla s'effondra dans le fauteuil qui faisait face à tout cet imbroglio technologique et stratégique, et fixa désespérément les nodules clignotant en face d'elle. On lui avait aussi laissé une oreillette, pour pouvoir communiquer ou écouter des retransmissions sans gêner les discussions. En attendant l'arrivée de la Ministre et le début de la discussion, elle commença à tripatouiller les fenêtres, les onglets, les options d'affichage et les interfaces tactiques, pour essayer de se rappeler ce que lui avait dit le militaire.

Finalement, Ress Laz'ziark fit son apparition, petit concentré d'énergie dans la grande salle. Dalla se leva, s'inclina respectueusement comme on le lui avait appris.
Elle se réinstalla ensuite face aux écrans, en gardant un bout d'oreille attentif à ce qui se passait dans la salle. Dalla était habituée à faire plusieurs choses en même temps. En classe, quand le cours était trop lent, elle en profitait pour réviser sin vocabulaire de huttese et de bith, ou de compulser des atlas historiques, téléchargés au préalable sur son datapad.
Mais cette fois, les enjeux étaient tout différents. D'une façon ou d'une autre, la ministre avait besoin de savoir ce qui se passait, et c'était à elle de la tenir informée.

-Nous comptons sur vous, jeune fille.

Dalla aurait bien aimé se cacher derrière les écrans, mais ceux-ci étaient bien trop hauts pour cela. Elle se contenta de virer au violet et de se remettre au travail.

Mais pourquoi elle ? Elle n'avait que douze ans ! Elle n'avait même pas encore commencé les cours de galacto-stratégie militaire !
La seule jedi disponible, avait dit l'officier. Et Loreline, alors ? Elle était plus vieille, sûrement plus expérimentée ! Au moins, elles auraient pu s'y colles à deux…
Était-ce un test, pour voir ce dont elle était capable ? Le moment aurait été plutôt mal choisi…

Concentre toi, Tellura !

Oui, oui… donc… visiblement, la Chancelière était allée se fourrer en plein milieu du champ de bataille. Elle avait d'abord cru avoir mal compris le militaire quand il lui avait résumé la situation, mais les informations qu'elle avait sous les yeux le confirmait.

La grande carte holographique indiquait la position de tous les vaisseaux impliqués, mais Dalla n'y comprenait strictement rien. Il y avait plein de trucs partout, des vaisseaux qu'elle ne savait pas distinguer les uns des autres, faisant des manœuvres auxquelles elles ne comprenait rien, dans des formations qu'elle était incapable de reconnaître. Il allait falloir bluffer, comme en cours d'économie des mondes.

Elle avait vu quelque part des noms de vaisseau… voilà. Une liste des vaisseaux républicains avec plein de colonnes d'informations diverses. Elle n'en comprenait pas la moitié, mais quand elle en sélectionnait un, sa position sur la carte holographique était soulignée par un point rouge. Il fallait maintenant retrouver celui de la Chancelière.

-La République ne peut pas perdre. La République ne doit pas perdre. Et tous, nous devons tout mettre en œuvre pour que cela n’advienne pas, pour que nos soldats, nos alliés, meurent pour la liberté et non la défaite, pour que nos enfants ne soient pas soumis au joug d’un Empire conforté dans son bon droit.

De temps en temps, elle captait un bout de discussion qui venait lui rajouter un peu de pression, et lui enlever momentanément un peu de concentration. Ou alors, c'était parce que sa concentration faiblissait qu'elle entendait des bouts…
Bref.

Ggagna embarquée dans la frégate L'Attaque Frontale. OK. L'Attaque Frontale, l'Attaque Frontale, facile, liste par ordre aurebeshique, le voilà !

Un petit point rouge s'alluma au centre d'un petit vaisseau qui bougeait dans tous les sens au cœur de la mêlée. C'était courageux de la part de la Chancelière d'aller comme cela en première ligne. C'était pas une planquée, elle !
L'Attaque frontale passa au ras d'un gros vaisseau républicain, et plongea en dessous. Un truc à se faire exploser vivant si on se trompait de quelques centimètres. Ils auraient l'air malin si la Chancelière explosait…
Courageuse, peut-être, mais pas très prudente.

Bon, elle allait surveiller ce vaisseau.

Les manœuvres elles-mêmes, maintenant. Elle ne comprenait pas plus les schémas que la carte, alors elle se tourna vers la liste des postes de commandement. Si elle cliquait sur l'icône en forme de rond, elle entendait les communications, sur celle en forme de carré, elle pouvait les joindre.
Alors, quels étaient les chefs militaires… hum, il y avait beaucoup de jedi…
Dont deux membres du conseil !
Alors, chez Maître Don…
Elle coiffa l'oreillette… Et l'enleva tout de suite. Brouhaha indescriptible. Pas une bonne idée. Plein de gens parlaient en même temps, elle ne comprenait rien…
Elle essaya les autres postes de commandement, même chose. Tous les canaux devaient être rassemblés. Le militaire lui avait montré comment isoler des fréquences, mais elle avait oublié comment il fallait faire…

-Quel qu'ait été l'objectif d'Emalia Kira, l'effet de surprise ne sera pas suffisant pour nous assurer de garder le contrôle des frontières, je le crains.

Zut, songea Dalla. Ça veut dire qu'on est en mauvaise posture ?

Bon sang, c'était elle qui était censée les informer !

Allons, réfléchissons, s'il y avait des maîtres jedi au commandement, elle pourrait peut-être passer par une des interfaces de l'Ordre Jedi, auxquelles elle avait aussi accès.

Maître Don. Remplacé Sénateur Fylesan. Tiens, c'était bien celui qui était là, non. Oui, c'était bien comme cela que la ministre l'avait appelé. Il devait bien connaître les forces en présence. Qui étaient ? Escadres I, II et III. OK.

Finalement, l'exercice ressemblait assez à cette conférence à laquelle elle avait assistée, où une historienne leur avait montré, en direct, comment on pouvait reconstituer une bataille avec des sources diverses.
Bon, sauf que là, elle ne connaissait pas l'issue de la bataille, et elle n'avait pas les récits des survivants pour la guider…

Bon les Escadres I, II et III faisaient plein de trucs contre des méchants. Trois groupes aussi. Elle y reviendrait quand les choses auraient un peu bougé.

Maître Manteer, à bord du Conquérant

Une fenêtre s'ouvrit brusquement sur l'écran central, avec une petite icône représentant un point d'exclamation. Est-ce qu'elle avait appuyé sur un truc qu'il ne fallait p…

Dalla fixa la fenêtre, bouche bée. Il s'agissait d'un vidéo en deux dimension, prise vraisemblablement par une caméra embarquée par des troupes de la République, et qui montrait… un bâtiment monté sur pattes ?!

La vidéo avait aussi du son, elle sélectionna ce canal, et enfila l'oreillette. Le son était de très mauvaise qualité, cela grésillait, et de fréquentes explosions venaient polluer le rapport du cameraman.

-palais imp… Grzzzz… inexplic… BOUM…

Sur l'image, elle voyait de temps à autre de petits éclairs bleus et violets. Elle eut bientôt un semblant d'explication.

-Escouade en renf… bzz… aîtres Von et Vockl…

Encore des jedi sur le coup ! En gardant, la vidéo du palais impérial animé sur l'écran central, elle afficha la liste des jedi compliqués. Maître Von… La liste n'avait pas dû être mise à jour puisqu'elle n'indiquait pas « combat contre un gros tas de béton et d'acier pas content », mais « arrestation responsables impériaux ».

Dalla s'arracha à la contemplation de cette scène apocalyptique et en coupa le son, pour revenir à la liste des jedi. Elle y avait vu Maître Vorkosigan, dont la mission devait être importante…

Visiblement, il devait détruire un vaisseau impérial qui cherchait à s'emparer de la Chancelière…

Ah oui, la Chancelière !

Dalla mit quelques instants avant de retrouver l'Attaque Frontale sur la carte. Il avait réussi à s’éloigner un peu du champ de bataille, mais il ne pouvait pas fuir, vu où il était, coincé par un champ d'astéroïdes.

-On n’attaque pas qu’à un seul point, en y concentrant nos forces, pour reprendre un seul système solaire. Au contraire, on frappe large, pour forcer l’adversaire à étendre son front, pour ensuite le frapper là où ça fait mal. Or, qu’avons-nous reçu comme instruction, si ce n’est d’attaquer et de saisir Dubrillion ? Absolument rien. Ce qui signifie que cette attaque n’est qu’un prétexte pour servir les intérêts de la Chancelière Kira, et non une véritable déclaration de guerre.

Le militaire, dans son résumé, lui avait parlé d'une motion de censure contre la Chancelière. Visiblement, le sénateur Fyrele... non Fylesan, était plutôt pour.

Mais avec tout ça, elle n'avait pas fini de regarder la bataille

Et de nouveaux points étaient apparus sur les schémas tactiques. Des points impériaux. En cliquant sur ceux-ci, elle put voir qu'il s'agissait de bâtiments impériaux (il était marqué qu'il s'agissait vraisemblablement d'une escadre de la 7° Flotte), et de vaisseaux non identifiée pour l'instant. D'autres neutres ? Pour l'Empire cette fois ? Quel casse-tête cette bataille !
Les alliés de la République s'étaient visiblement divisés en deux groupes, l'un accompagnant le gros vaisseau un peu à l'écart à droite, pour attaquer des deux côtés le gros vaisseau impérial qui lui faisait face, l'autre fonçant dans le tas.

Il y avait aussi Maître Fyelën qui assurait le commandement de quelque chose, avec un certain amiral Phaun. Il n'avait que deux groupes (nommés 2 et 3, sans 1, allez savoir pourquoi) contre trois impériaux. Elle n'arrivait à rien y voir d'intéressant, à part qu'ils se tiraient dessus.

Où en était maître Don ? Oh, l'Escadre I était marquée en rouge maintenant. Est-ce que cela voulait dire…

Elle regarda les trois politiciens. Ils parlaient du sénateur Klark.

Dalla eut une fugitive pensée pour sa grand-mère, qui lui répétait souvent, quand elle avait dans les quatre ans, avant d'intégrer le Temple : « N'interromps pas les grandes personnes quand elles parlent Dalla. Tu es trop petite. »

Mais là, cela s'imposait.

-La mission reste néanmoins très risquée pour votre sénateur. Et seul le commando pourra décider s’il pense pouvoir intervenir ou non. Qu’en pensez-vous ?

Elle profita que la Ministre et Monsieur Clawback prenaient le temps de répondre à la question du sénateur, pour lancer d'une voix qu'elle espérait assez ferme :

-Excusez-moi, Madame la Ministre ! Il semblerait que Maître Don -c'est lui qui a repris votre commandement, sénateur. Il semblerait que l'Escadre I, qui était sous son commandement, ait été… éliminée. Des vaisseaux de la 7° Flotte impériale sont également arrivés en renfort

Cela semblait important. Et le sénateur saurait sûrement bien mieux qu'elle analyser tous ces changements dans l’équilibre des forces en présence.

-Nous avons aussi des nouvelles de la Chancelière. Elle a réussi à s'éloigner un peu de la bataille, mais son vaisseau ne peut pas passer en vitesse lumière à cause de tous les astéroïdes. Et Maître Vorkosigan a réussi à infiltrer le vaisseau impérial qui l'avait prise en chasse. Pris en chasse la Chancelière, je veux dire…

Qu'est-ce qu'elle avait oublié ? Ah oui !

-Et sur Dubrillon même, il semblerait que le palais impérial se soit soudain transformé en énorme machine à tuer. Elle a déjà fait d'énormes ravages dans la ville.

Dalla ré-afficha la vidéo, où les explosions et la fumée cachaient par moments le monstre.

Elle allait ajouter que les maîtres Von et Vocklan étaient sur le coup, quand un nouveau point d'exclamations s'afficha sur l'écran, et que de son oreillette, qu'elle avait gardée à l'oreille sortir des exclamations essoufflées :

-Ici Nar Shaddaa ! La tour du Conseil est minée ! Je répète : la tour du Conseil est minée ! Toujours pas de nouvelles de la délégation républicaine.

Quoi ? Quelle tour ? Quel Conseil ? Quelle délégation ? Il se passait aussi des trucs sur Nar Shaddaa ?

Elle regarda la ministre, le représentant du Clan Bancaire et le sénateur. Une délégation républicaine, cela devait les concerner. Mais elle ferait peut-être mieux de se renseigner un peu avant de leur en parler…

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Ress aurait dû réagir aux demandes du Muun, dont la voix reflétait aisément que son évocation des familles avait porté ses fruits. Elle aurait dû avoir envie de hurler en entendant le sénateur d’Alsakan tenter de profiter d’une situation de crise pour faire avancer la cause de sa planète, cédant donc enfin aux élans destructeurs d’une cause qui avait failli détruire la République plus d’une fois. Ce genre de demande, de comportement, l’avait toujours ulcéré. Les puissants, même quand toute la République était menacée, ne voyaient décidément pas plus loin que leur orbite planétaire. Même les plus capables. C’en était désespérant. La République perdrait toujours car elle ne savait pas s’unir. Ces dirigeants ne savaient qu’avancer leurs pions et se frotter les mains sans se soucier des conséquences pour les autres. Qu’un sénateur parti elle ne savait pourquoi soit menacé, et une planète hurlait. Qu’une autre soit mécontente de la tournure des événements, et elle tentait de tirer la couverture à elle en monnayant son soutien.

La balosar n’était rien. Sa planète n’avait jamais eu aucun poids. Elle-même, en tant que Ministre de la Justice perdue dans un conflit, n’était qu’un fétu de paille face à la volonté des uns et des autres. Et la rage aurait dû l’étouffer. Elle aurait dû tempêter, hurler, marquer férocement sa désapprobation, rappeler aux uns et aux autres que si personne ne mettait ses petits calculs politiciens de côté, ils sombreraient tous avec leur Chancelière malavisée. Elle aurait dû vitupérer, leur montrer leurs contradictions, les mettre enfin face à leur égoisme maladif, leur rappeler qu’au fond, elle n’avait pas besoin de leur accord, que la République pouvait saisir les bâtiments, oublier les revendications de toute façon sans objet d’une seule planète. Elle se serait perdue avec, bien sûr. Mais cela n’importait plus. Plus rien n’importait, de toute manière. Elle était seule face aux appétits de ceux contre qui elle ne pouvait rien faire, à cause d’une femme qui ne lui était rien, hormis l’expression âcre du ressentiment, qui, pire, l’avait utilisée sans qu’elle n’obtînt jamais rien, pour, à son tour, son ultime profit personnel. La République la dégoûtait. Ils la dégoûtaient tous. Elle se dégoûtait d’avoir cru que le changement serait possible. Oui, elle aurait dû leur dire à tous le fond de sa pensée. Mais elle ne le fit pas. Ses pensées avaient déserté la salle de commandement, son cœur avait failli, brisé en même temps que les paroles de la jeune padawan avaient résonné, dans un écho sinistre. Qu’était la République, face à un fils ?

L’escadre un avait été éliminée. Détruite. Anéantie. Annihilée. Elle savait ce que cela signifiait. C’était à cette flotte que Leto Vorkosigan avait assigné son garçon. Elle l’avait vu, alors qu’ils préparaient leur plan de bataille pour coordonner l’armée fédérale et les jedis. Elle n’avait rien dit, il n’avait pas fait mine de la consulter. Jamais elle n’aurait demandé un traitement de faveur pour son enfant. Son éthique et sa fierté le lui interdisaient. Et le maître jedi l’avait parfaitement compris. Maintenant … Maintenant, l’une des dernières choses qui lui restait de son mari n’était plus. Oh bien sûr, un esprit optimiste aurait pu se tempérer, penser que Zolten avait peut-être survécu, qu’il faisait partie des plus chanceux. Mais Ress Laz’ziark n’était pas un esprit optimiste. Ress Laz’ziark était un esprit mauvais, retors, vengeur, incendiaire, emporté, et surtout pessimiste. Elle avait perdu presque tous ceux à qui elle tenait. Il ne lui restait que ses deux enfants, dont un qu’elle n’avait même pas élevé, qui avait déjà, à seulement dix-sept ans, vécu une attaque destructrice sur le Temple qui l’avait accueilli. Pourquoi, cette fois, le destin aurait-il décidé de l’épargner. Il était mort. Elle le savait. Elle en était sûre. Et tout son être saignait à cette idée, tout son corps frêle tremblait presque involontairement, comme refusant physiquement d’entériner la terrible réalisation. Elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Et pourtant, elle refusait de prétendre n’avoir rien entendu. De se bercer de faux espoirs. La chair de sa chair avait été emportée dans ce tourbillon de folie. Lentement, ses jambes lâchèrent, et elle dût s’asseoir, ravalant les larmes qui ne devaient pas tomber, piétinant sa tristesse pour conserver son orgueil. Elle ne céderait pas. Elle ne ferait pas ce plaisir aux assassins de son aîné. Elle les maudissait tous. Que la Force, ou elle ne savait quels enfers les emporte tous ! L’Impératrice, l’Etat-Major, ses abrutis de collègues, ses interlocuteurs, les neutres, la République … Qu’ils crèvent tous. Et surtout, qu’Emalia Kira meure. Qu’elle connaisse la peur, la douleur. Qu’elle paye enfin le prix de ses erreurs. Qu’elle paye pour son fils. Pour ceux de toutes les mères qui bientôt connaîtraient le déchirement de savoir leur progéniture partie pour rien, hormis la folie et l’ambition.

La haine déferlait enfin en elle. Elle l’avait attendue, appelée, et finalement, elle se montrait, tel un tourbillon de feu incandescent qui ne laissait que des cendres sur son âme calcinée. Jamais Ress Laz’ziark n’avait honni un être à ce point, et pourtant, les objets de sa détestation avaient été nombreux. Ils voulaient tous l’ambition, le pouvoir ? Pourquoi s’en priver. Pourquoi céder à la raison d’Etat quand celui-ci s’écroulait. La Chancelière était perdue, en faillite. La Ministre de la Défense ? Par pitié, laissez-la rire. La Vice-Chancelière ? La femme qui aurait dû être à sa place et n’arrivait même pas à tenir ses troupes au Sénat ? Sans commentaires. Ils avaient tous cédé, ils avaient tous échoué, lui laissant la tâche de négocier leur survie. Emalia Kira avait remis son sort entre ses mains, sans le vouloir sans doute. Oh, elle n’allait pas dévier de sa trajectoire initiale. La République triompherait. Mais pour une fois, la balosar en avait assez d’être une variable d’ajustement, la seule qui se souciait un tant soit peu de maintenir l’équilibre. Ils voulaient des actes ? Des décisions ? Des avis ? Elle allait leur en donner. Ou plus exactement, elle allait leur donner le pouvoir de lui en faire prendre.

Ress avait pris sa décision. Elle agirait pour ce qu’elle croyait être le bien. Pour son fils. Pour la République. Pour sa vengeance contre celle qui ne l’avait pas écoutée, qui l’avait forcée à précipiter son enfant dans une bataille stupide et insensée. La perspective qu’elle avait choisie, elle l’avait envisagée depuis le départ. Elle l’avait repoussé, se demandant ce que ses interlocuteurs attendaient. Mais sans le vouloir, Dalla Tellura avait balayé toutes ses certitudes. Elle avait posé les termes du débat. Maintenant, il convenait de le résoudre. Et l’avocate allait choisir l’option la plus difficile. Peu importait les risques politiques. Peu importait son avenir. Elle s’en moquait éperdument. Le devoir la contraignait. La haine lui forçait la main. Sa raison première vacillait, dévoilant le démon noir de ses propres envies. La Dame de fer allait enfin réapparaître, après des années de silence relatif dans la Rotonde. Elle avait observé le bal des hypocrites, s’en délectant autant que s’en offensant. Et puis elle avait connu le pouvoir. Elle avait expérimenté le chagrin, sans la pitié pour le tempérer. Sa rage hurlait, réclamait qu’elle châtie les traîtres, qu’elle brandisse le sang filial en étendard de son action. Elle vaincrait.

« J’entends bien tout ce que vous me dites, messieurs … Et vos apports précieux, Mademoiselle Tellura. »

Non, pas vraiment. Enfin, si. Elle entendait. Elle n’avait pas écouté. Ses oreilles avaient enregistré les bruissements, son esprit avait refusé en bloc. Sa voix n’exprimait aucune émotion, insensible à la folie en elle, comme si cette dernière devait achever de la consumer pour se faire voir. Encore quelques minutes pour conserver les oripeaux de Ministre sage. Mais la rage se faisait sourde, impérieuse. Elle devait s’exprimer. Ress ne pourrait se contenir très lentement dans sa colère froide. Bientôt, elle exploserait. La République ferait-elle de même ?

« Néanmoins … Avant toute chose, toute tractation, toute pensée, je tiens à rappeler une chose. Actuellement, je ne suis que Ministre de la Justice. Je n’ai donc aucunement le pouvoir de changer la constitution de l’Etat-Major … Ou la Constitution elle-même, puisque c’est proprement ce que sous-entend votre demande, Sénateur. »

Se concentrer. Ne pas oublier sa cible. Ecarter les mauvaises pistes. Tracer sa route. Attendre encore un peu …

« J’ajouterais que rajouter une flopée de nouveaux interlocuteurs aux visées contradictoires, quand tous nos généraux n’ont pas l’idée d’avancer un plan de bataille cohérent, n’est pas forcément synonyme de l’efficacité que nous entendons tous.

J’entends bien vos arguments, mais je doute de leur applicabilité immédiate, surtout pour des mondes qui ont connu autant de désaccord. Et à titre personnel, j’admets que cette entorse à l’égalité républicaine au motif de l’urgence me laisse légèrement dubitative au niveau de l’image de favoritisme que cela pourrait renvoyer. Vos hommes vont mourir pour la République. Les miens aussi. Les compatriotes de Monsieur Clawback également. A partir de là … Soit nous avons tous une voix, car chaque vie sacrifiée pour la communauté compte, et c’est proprement ingérable. Soit certains sont plus égaux que d’autres. »


Puissants et faibles … Ils étaient tous mortels. Son fils, un balosar, un jedi, était mort. Sa voix devait compter, par celle de son peuple, ou de son Ordre. Tous les disparus devaient être représentés. Pas quelques-uns.

« Du reste, je ne suis pas sûre qu’à l’heure où la Bordure tremble, l’écarter pour trois mondes du Noyau ou des Colonies soit une idée judicieuse. Cela ne signifie pas que je ne comprends pas vos motivations. Mais la Constitution vous offre la possibilité d’exercer un contrôle. Le Président de la Commission de la Défense assiste aux réunions de l’Etat-Major. Il peut saisir la Cour Suprême, et donc remettre en cause publiquement tout acte qu’il juge contraire aux valeurs de la République. Manifestement, le détenteur de ce poste n’a rien fait. Je l’ai contraint à agir devant le Sénat, en le mettant devant sa propre forfaiture. Nul doute que ses collègues, face à un tel manque de principe, voteront sa démission. La place sera bientôt libre. Et je ne doute pas qu’une candidature de qualité, par un homme d’expérience, émerge rapidement. La candidature d’un homme sur laquelle tous puissent compter pour contrôler les velléités des uns et des autres. Qui n’aurait pas de mal à être soutenue par un certain nombre de sénateurs soucieux de voir la Constitution respectée. »

Ce n’était pas subtil. Peu lui importait là encore. Bien sûr qu’elle aurait pu accepter consciencieusement et parier sur le fait que tous refuseraient. Mais ce genre de manœuvre la débectait. Sa haine n’était pas encore au point de lui faire oublier ses idées, ce qu’elle avait toujours prônée : solidarité et unité. Peut-être qu’elle s’aliénait un allié. Un homme intègre, qu’elle appréciait. Peut-être qu’il se rangerait à ses côtés. Qu’il proposerait autre chose de plus acceptable à ses yeux. Seulement, Ress n’était plus dans le calcul. Elle marchait vers son objectif, chuterait si cela était nécessaire. Elle ne se fourvoierait pas encore une fois. Elle n’accepterait pas de s’abaisser pour espérer obtenir quelque chose en échange. Le pouvoir de changer, elle l’aurait … Ou personne ne l’aurait. Assez de faux-semblant. Assez de servitude. Il était temps que ses convictions resurgissent, qu’elles soient les vecteurs de sa rage, et non les catalyseurs de celle-ci.

« Ceci est une conviction de juriste, et vous me pardonnerez cette mauvaise habitude de mon métier mais … j’ai tendance à croire que nos lois tirent leur force de leur application. Et que bien souvent, la République ploît parce que nous aimons trop en inventer de nouvelles alors que se pencher sur les anciennes suffirait amplement. »

Ce qui l’amenait à se tourner vers le muun.

« Je vais vous dire ce que je peux faire actuellement, Monsieur Clawback. Comme l’a souligné le sénateur Fylesan, il est presque impossible militairement de parvenir à une telle manœuvre, surtout à l’heure où le fait ennemi se fait … pressant. Nous pourrions tout simplement signer l’arrêt non pas de Monsieur K’lark, mais de toutes nos flottes.

Néanmoins … Grâce aux réformes entreprises récemment, j’ai peut-être une solution à vous soumettre, qui synthétiserait efficacement tout ce que nous avons évoqué. »


Ah, quel bonheur d’être une avocate au service de la Justice … Au moins, elle connaissait toutes les règles sur le bout des doigts.

« Notre premier problème est simple : il faut localiser Monsieur K’lark. Seulement, tracer son communicateur ne sera pas forcément d’un grand secours. Il n’est pas dur de transmettre un message, puis de brouiller les pistes en le transférant sur un vaisseau tout disposé à faire un saut hyperspatial. Nous pourrions donc très bien avoir une localisation erronée … Et conduire un commando dans un piège mortel. Je n’exclus pas du tout cette hypothèse. Si cette attaque a prouvé une chose, c’est bien qu’il ne faut pas sous-estimer l’ingéniosité impériale. »

Parce que franchement, animer des palais, il fallait vraiment avoir l’esprit tordu pour y penser !

« Nous ne sommes cependant pas complètement démunis. La Loi patriote me permet, en cas d’acte terroriste sur un citoyen républicain de tout mettre en œuvre pour retrouver les coupables en tant que Ministre de la Justice. Un enlèvement et des actes supposés de torture me semblent remplir pleinement la définition d’acte terroriste, non ? »

Evidemment. Question rhétorique.

« Je peux donc dans un premier temps mobiliser nos services secrets pour qu’ils vérifient l’authenticité du message envoyé. Si le traître Janos nous a appris une chose, c’est que les siths sont des experts dans l’art de la distorsion des données … Et qu’ils en tirent un chaos morbide. »

Après tout, à l’origine de toute la sinistre affaire qui avait menacé d’ébranler complètement les fondations républicaines, il y avait une banale vidéo trafiquée. Et cela, Ress ne pouvait l’écarter.

« Dans le même temps, je peux ordonner à nos agences de renseignement de contacter nos espions dans l’espace impérial. Dire que nous en avons revient à révéler un secret de polichinelle, soyons francs. Un prisonnier d’importance, cela se sait dans les réseaux militaires. Nous pourrions également tenter un relais auprès de l’Ordre jedi. J’y ai mes relais. Je ne pense pas prendre grand-risque à affirmer qu’ils ont sans doute leur propre réseau, même si le nôtre devrait suffire. »

Son regard se fixa sur le muun :

« Vous me direz que cela va prendre du temps. Je vais vous répondre que oui. Mais c’est tout ce qui est en mon pouvoir pour l’instant. Sachant tout de même, que d’après mon expérience … Quand on a une carte unique, un otage, on ne l’exécute pas pour rien. C’est un mouvement risqué, presque désespéré. Il a la fois trop de valeur et pas assez. Un seul homme n’est pas suffisant pour faire pression sur tout un Etat. Les siths le savent, je le sais, vous le savez. Et en même temps, le tuer serait totalement contre-productif car plutôt que de propager le chaos, un tel acte risque de souder la population contre les siths. En clair … Je doute que Monsieur K’lark soit en danger de mort dans l’immédiat. Tout comme Halussius Arnor avant lui, il est trop précieux pour mourir … Pour le moment. Mais cela va nous permettre de gagner du temps … Et en gardant cela en tête, de vous offrir la possibilité de nous acheter les minutes qui vont épargner votre sénateur. »

Les négociations, pour un banquier comme une syndicaliste … C’était un art aisé. Presque une connivence. Ress n’avait aucun doute sur le fait que Voyl Clawback comprendrait immédiatement où elle voulait en venir.

« Il nous reste des prisonniers des précédents affrontements avec l’Empire. Ils n’ont aucune valeur. Bien sûr. Mais nous savons tous deux d’expérience que là n’est pas l’important. Contactez les ravisseurs. Mettez sur la table que nous sommes prêts à un échange. Cela, je peux vous l’offrir en tant que Ministre de la Justice. A discuter. Tenez-leur la jambe le plus longtemps possible.

Et contactez la famille pour acheter leur silence contre la promesse de négocier. Elle ne fait qu’alimenter la panique en se répandant de la sorte.

Pendant ce temps, nous agirons. Nous localiserons le signal, nous comparerons avec nos renseignements et mettrons sur pied une équipe, voir utiliserons nos agents présents sur le terrain. Si l’ouverture est là, nous suivrons le plan du Sénateur Fylesan. Sinon, nous aviserons en conséquence pour une extraction plus aboutie. »


Tout était dit. Tout était sur la table. Son devoir était accompli. La Ministre de la Justice avait parlé. Il était temps que celle-ci s’efface au profit de Ress Laz’ziark. Que la loyauté laisse la place à la haine. Que la déferlante commence. Elle n’avait que trop contenu sa hargne. Son visage s’était rigidifié, tant elle se brimait pour ne pas laisser éclater sa colère. Il était temps qu’elle brise ses chaînes.

« Honnêtement Messieurs, vous comme moi savez pertinemment que je ne peux pas faire plus. Et qu’au fond, vous ne pouvez pas faire plus non plus. Tous nos regrets, nos calculs politiques, nos haines n’y pourront rien. Après, nous tombons dans le vide des promesses infondées. Et je m’y refuse. Je crois que ce n’est pas une erreur, mais un gage de franchise. »

Tremble, Empire. Tremble Etat-Major. Tremble Kira. Tremblez tous. Un mètre quarante-sept de haine viscérale menaçait de s’abattre sur les bourreaux d’un gamin de dix-sept ans, dont la génitrice se trouvait en position de tout balayer.

« Vous, Monsieur Clawback, vous voulez que votre monde soit en sécurité. Que ce genre de manœuvre ne soit plus jetée au vent sans que vous ne puissiez prévenir vos concitoyens. Vous refusez de voir les muuns enchaînés au pied de l’Impératrice. »

Tour d’antenne de l’autre côté.

« Vous, Monsieur Fylesan, vous refusez également d’être pris par surprise. Vous voulez plus d’efficacité. Vous voulez une guerre qui ait du sens. Vous refusez de voir les alsakanis sous le joug de l’Impératrice et de la folie de quelques-uns. Ou quelques-unes, plus précisément. »

Antenne droite vers le muun, antenne gauche vers l’humain. Tout un symbole.

« Quant à moi … Je refuse que la République ait sacrifié autant de vies pour rien. Je refuse que nous soyons dos au mur pour des erreurs qui pèseront sur ceux qui ne peuvent que s’adapter. »

Je refuse que Zolten soit mort pour rien.

« Je REFUSE que la République soit la proie des ambitions de ceux qui n’osent pas envisager que nous sommes déjà en guerre. De ceux qui espèrent secrètement une défaite et une négociation discrète où nous devrons encore plus céder du terrain. Et je REFUSE de voir ces atermoiements s’éterniser. »

Avec fracas, son poing s’abattit sur la table.

« La Chancelière est au milieu de n’importe où. Pardon, coincée entre un champ d’astéroïdes et la marine impériale, apparemment. Beaucoup mieux n’est-ce pas ? Et à cause d’une sorcellerie sith qui semble avoir tellement terrifié l’Etat-Major qu’il a accepté sans broncher l’aide des jedis, un exploit en soi.

Halussius Arnor a été incapacité pour les mêmes raisons. Et cette fois, pas de retournements de dernières minutes qui conduisent à un traité signé par une personne n’ayant pas récupéré toutes ses facultés mentales.

Le Sénat veut se prémunir ? Faire tomber la Vice-Chancelière ne sert strictement à rien. Elle est déjà dépassée. Etait-elle seulement au courant ? La question se pose. En tout cas, face à la bronca, elle ne pourra pas tenir. Qu’une opposition naisse dans les rangs de la majorité, et elle sera contrainte à la démission pour ne pas affronter une motion de censure destructrice. Mais la Chancelière est un danger pour la République, du simple fait que son sort est entre les mains du destin. Et nous, nous ne pouvons rien tant qu’elle a légalement tous les pouvoirs.

Je vous propose de proposer la votation de l’incapacité de la Chancelière. La Ministre de la Défense étant écartée du fait de sa position au milieu des combats … Il faudra une autre personnalité pour mener une lutte que je définirais par quatre mots. »


Elle s’arrêta dans sa harangue pour reprendre son souffle, et lâcha :

« Solidarité. Justice. Inflexibilité. »

Un blanc.

« Victoire. »

Tout ou rien. La victoire ou la défaite. Pas question de reculer. De renoncer. Les dés étaient jetés. Son jeu était sur la table. Elle avait fait tapis, en joueuse de Sabacc qui n’a plus rien à perdre et qui se moque des conséquences. Il n’y avait pas besoin qu’elle dise à voix haute ce qu’elle voulait pour qu’ils comprennent. Ils étaient trop intelligents pour que ce ne soit pas le cas. Elle voulait le titre de Ministre Spécial d’Etat et le pouvoir, enfin de changer les choses. De mener la République plus haut que les vagues petites mesquineries qui l’ennuyaient tant.

« Je vous promets ce que vous désirez tous les deux. La sécurité. L’écoute de l’expérience et des peuples avant de les engager. Le refus de capituler. Je mettrais toutes mes forces dans la bataille pour que la République triomphe. Pour que Muunilinst continue à être un pôle brillant, et non le jeu des appétits étrangers. Toutes les forces spéciales de la République non mobilisées seront en alerte pour retrouver le Sénateur K’lark. Nous ne laisserons rien au hasard. Nous renforcerons la frontière pour en faire un rideau de fer impénétrable. »

La République ne laisserait pas tomber un des siens. Et clairement, avec un accès illimité à toutes les ressources possibles et mobilisables … Les chances de localiser K’lark ne pourraient jamais être aussi élevées. Mais il n’y avait pas que lui, qui était un enjeu.

« Pour qu’Alsakan soit entendue, aussi, parce que j’ai l’habitude de travailler avec vous, Sénateur Fylesan, mais qu’au-delà de ça, je crois sincèrement à l’union des forces vives de notre Etat commun. Et que vous pouvez être autre chose qu’un simple instrument dans les mains d’autrui. Se priver de vos conseils et de votre expérience face aux siths est une folie qu’il est impensable de voir se reproduire. Il est temps que vous soyez à une place autrement plus digne de vos capacités. »

Conseiller militaire spécial … Cela sonnait bien, n’est-ce pas ? Et puis, aucune chance d’agir sans l’aval d’Alsakan ainsi. Ress savait ce qui contrevenait à la Constitution. Elle ne savait aussi que trop bien s’en jouer. Mais déjà, elle reprenait.

« Si j’ai appris une chose au cours de ma vie de syndicaliste … C’est qu’il faut savoir s’unir pour triompher. Que la légalité est une arme, et non un jouet. Et que tous ici, même une jeune padawan, nous sommes à même de changer le cours des choses. De transformer une défaite stupide en la mobilisation de toutes nos ressources pour travailler en commun à notre survie. Songez qu’en ce lieu sont regroupés l’essence de l’économie, de la politique et de l’art militaire. Nous avons des avis divergents sur de nombreux sujets. Mais j’ai tiré de nos échanges précédents une certitude. »

Ress reprit son souffle, sa voix rauque d’avoir tant parlé, d’avoir tant plaidé, d’avoir tant donné.

« Nous refusons de nous abaisser devant l’Empire. Nous exécrons ce qu’il représente. Et nous sommes limités alors que nous pourrions réussir là où Emalia Kira a échoué.

Nous pouvons unir la République, et non l’asservir à des plans personnels. Nous pouvons représenter tout ce qu’elle compte de différences et de diversité. Nous pouvons être plus que trois êtres en train de compter les points et défendre nos maigres acquis sans savoir, finalement de quoi demain sera fait. »


Ultime respiration.

« Nous pouvons être la République. »
Voyl Clawback
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Écouter les réflexions de Fylesan devenait périlleux, avec en arrière-plan les bips et les alertes sonores du plan interactif d'une bataille qui faisait rage. Il notait mentalement toutes les informations, comme certains font une liste de course. Le jeune sénateur ne manque ni d’assurance ni d’audace. Ce qui est certainement dû à sa position privilégiée dans le conflit en cours : être à la fois en haut lieu chez les civils et les militaires lui donnait une marge de manœuvre que beaucoup devait lui envier. Rien d’étonnant à ce qu’Alsakan profite de sa position de force. Qui ne l’aurait pas fait ? Certainement pas lui ! Voyl n’était donc pas enclin à lui en faire le reproche, bien que la discussion qu’il partageait avec la balosar ait un arrière-goût de caprice du Prince. Il ne différait pas en substance de la majorité des sénateurs, et le Sénat était bien connu pour cela. Voyl n’avait pas grand-chose à objecter dans l’affaire, si ce n’était que les chiffres défilaient toujours sur son chronomètre. Et les bavardages ne lui plaisaient que s’ils étaient suivis d’une mise en action immédiate.

" Quand nous vous disions que ce n’était qu’une abrutie… "

Le mot lui donna presque le hoquet. Alors maintenant, même la noblesse d’Alsakan en venait à dire tout haut des grossièretés ? Il fallait vraiment que la galaxie soit mal en point ! Même si la saillie est immédiatement suivie d’un rétropédalage accéléré, elle a fait son effet.

Peut-être était-ce une sorte de catarsys, pour évacuer toute cette pression qui transformait le cockpit en sauna.

" Nous comprenons votre position, Monsieur Clawback. Cependant, votre idée n’est pas applicable actuellement. La situation sur le front est incertaine, et retirer une partie des navires engagés ne ferait que nous affaiblir, et mettre un peu plus en danger votre monde. De plus, il est fort probable que les ravisseurs ne tuent le sénateur Klark en repérant votre mission de sauvetage. Sans parler du fait que l’on ne sache pas encore où il est détenu. Et si seulement nous arriverons, oui ou non, à trouver sa localisation. Néanmoins, il y a peut-être une solution alternative. A condition que l’on sache où chercher.

-C’est certain oui, mais le problème n’est pas tant qu’il soit en danger immédiat… mais plutôt qu’il cède. En tant que sénateur, vous n’êtes pas sans savoir le nombre d’informations stratégiques qu’une telle personnalité peut détenir. Je ne peux pas blâmer monsieur K’aaris s’il tente de son côté de négocier avec les sith pour éviter je ne sais quel « traitement spécial », si vous voyez ce que je veux dire. Plus le temps passe, et plus le risque de voir des incidents se produire suite à ça est grand. Vous comprendrez dès lors mon empressement à trouver une solution pour mettre un terme à sa captivité et à cet odieux chantage. "

Le militaire avait l’air, sinon enthousiasmé, au moins dynamisé par le nouveau défi intellectuel. On lui posait une problématique, et professionnellement, il entreprenait d’y répondre. A côté, Ress était subitement devenue silencieuse, après s'être montrée particulièrement locace. Accaparés par leurs idées, les deux hommes l'en aurait presque oublié quelques minutes, tout comme Dalla, quelque part dans leur dos, penchée sur la table...

" Nous pourrions envoyer un commando à bord d’un vaisseau civil. Si le sénateur Klark se trouve à bord d’un navire, notre vaisseau pourrait se faire arraisonner. Le commando donnera l’assaut. S’il est sur une planète, notre commando devrait pouvoir s’y poser sans encombre et le libérer. C’est à cet instant que nous pourrons déployer un ou deux navires de guerre positionnés en réserve pour protéger la retraite de notre commando, et de son vaisseau, en engageant si nécessaire le combat contre l’adversaire. "

Il pensait tout en parlant, cela se lisait sur ses traits. De son côté, Clawback faisait de même, mais dans une attitude moins dynamique, la fatigue et l’âge commençant doucement à avoir raison de sa réactivité. Même s'il comptait les vaisseaux et les mouvement à l'image de la table holographique, à coup de grilles et de vecteurs de coordonnées X,Y,Z,T, le muun ne pouvait pas décemment prétendre s'y connaître en armement. Quel vaisseau pour quelle tâche ? Où positionner untel ? C'était une tâche de spécialiste, et le spécialiste, c'était Fylesan.

« La mission reste néanmoins très risquée pour votre sénateur. Et seul le commando pourra décider s’il pense pouvoir intervenir ou non. Qu’en pensez-vous ?

- Je me demandais seulement : avons-nous des renseignements sur les forces en présence dans la zone concernée ? Le but serait bien de ne se montrer qu’au dernier moment, de ne pas exposer la mission, voir de s’infiltrer… Mais je vous fais confiance pour la connaissance du terrain et la réalisation technique d’une telle opération. Je me range volontiers de votre avis, je n’ai jamais été à la tête d’autre chose qu’une frégate, et ce n’est pas vraiment un bâtiment fait pour les manœuvres agiles en terrain hostile. "

Ils continuaient d’envisager diverses solutions, quand une voix bien différente des leurs vint les interrompre à l’improviste :

" Excusez-moi, Madame la Ministre ! Il semblerait que Maître Don -c'est lui qui a repris votre commandement, sénateur. Il semblerait que l'Escadre I, qui était sous son commandement, ait été… éliminée. Des vaisseaux de la 7° Flotte impériale sont également arrivés en renfort ! "

Sans être militaire, on pouvait raisonnablement penser que le mot « renfort » était une bonne nouvelle. Clawback, qui s’était machinalement retourné vers Dalla en captant le son de sa voix, considéra son information avec un mélange d’apaisement et d’appréhension. Si même les forces jedi se mettaient à tomber, il n’était plus temps de sous-estimer l’adversaire.

Dubrillion à feu et à sang – cela ne faisait guère que la deuxième fois en une année galactique…- et une Chancelière qui se faisait courser par toute une flotte impériale. Voyl avait du mal à visualiser la scène, ou plutôt, avait du mal à mettre des rouages logiques derrière un tel enchaînement de situations catastrophiques. Sa rationalité refusait obstinément de croire qu'un bordel pareil puisse être la simple conséquence logique de leur situation précédente. C'était comme s'il leur manquait une case, au sens propre, dans le déroulement du film. Le représentant délaissait ses plans mentaux , quand de nouveau, son attention bifurqua vers une personne qui réapparut dans la course : une paire d’antennes qui passait pour venir se planter devant l’immense table luminescente.

" J’entends bien tout ce que vous me dites, messieurs … Et vos apports précieux, Mademoiselle Tellura. "

A voir son regard étrange, elle semblait pourtant émerger d’une sorte d’état de transe, ou de léthargie. On s’était attendu à la voir bondir et vitupérer, comme autant de fois où la caméra de la Rotonde l’avait filmée. Mais bizarrement, aujourd’hui, Laz’ziark semblait différente. Voyl imaginait sans peine que l’exercice du pouvoir pouvait changer les gens – c’était même ce qu’il faisait de manière automatique. Se voir mettre sur les épaules le poids d’une galaxie faisait prendre conscience de choses qui ne pouvaient pas se voir autrement.

" Néanmoins … Avant toute chose, toute tractation, toute pensée, je tiens à rappeler une chose. Actuellement, je ne suis que Ministre de la Justice. Je n’ai donc aucunement le pouvoir de changer la constitution de l’Etat-Major … Ou la Constitution elle-même, puisque c’est proprement ce que sous-entend votre demande, Sénateur. "

C’était donc à ça que l’avocate avait patiemment cogité quelques minutes : c’était ce que tout laissait à penser … car cette petite remarque, fait d’un ton relativement neutre, n’était que l’introduction à un véritable fleuve. Les conclusions, posées comme logiques et fatales, par la ministre, firent tiquer Voyl. Néanmoins, il se contenta de croiser les bras sans interrompre personne.

La scène n’était pas sans lui rappeler des dizaines d’autres, certaines très anciennes, d’autres très récentes. La lutte pour celui qui aurait le dernier mot, aurait au final l’ascendance sur l’autre, ne serait-ce que moralement. Conscient du jeu de la syndicaliste devenue ministre, Clawback se contenta de faire glisser son regard ombré vers Jeresen, guettant sa réaction. Allait-il maintenir le cap malgré la douce remontrance ? Ou négocier un virage plus ou moins serré ? Les politiques étaient vraiment d’étranges animaux : ils empruntaient volontiers le plumage des commerciaux, mais versaient parfois – souvent – dans la caricature.

Satisfaite de son entretien sur le rôle d’Alsakan et les revendications sénatoriales de son collègue, elle se retourna ensuite vers lui :

" Je vais vous dire ce que je peux faire actuellement, Monsieur Clawback. Comme l’a souligné le sénateur Fylesan, il est presque impossible militairement de parvenir à une telle manœuvre, surtout à l’heure où le fait ennemi se fait … pressant. Nous pourrions tout simplement signer l’arrêt non pas de Monsieur K’lark, mais de toutes nos flottes. Néanmoins … Grâce aux réformes entreprises récemment, j’ai peut-être une solution à vous soumettre, qui synthétiserait efficacement tout ce que nous avons évoqué. "

Des réformes faites récemment. Auto-congratulation ou simple allusion ? pensa Voyl avec un grincement mental. Maintenant qu’elle en avait le pouvoir, Ress Laz’ziark prenait des airs de Père Novelle, cette figure patriarcale connue intergalactiquement pour distribuer un présent aux enfants ayant eu de bonnes notes à chaque année standard. Ainsi, ce serait à celui qui l’aiderait de son mieux, avec le plus de zèle, à passer pour la grande sauveuse de la Rotonde, qui se verrait offrir un fabuleux cadeau à la loterie ministérielle. Voyl en aurait levé les yeux au ciel, s’ils ne s’étaient pas trouvés au beau milieu de l’espace.

" Les services secrets sont sans nul doute les plus à même d’opérer dans ce cas précis, oui. Cep...

- Vous me direz que cela va prendre du temps. Je vais vous répondre que oui... "

Cette fois, il ne fut plus question de vouloir l’arrêter : la machinerie était lancée. Ress Laz’ziark était de retour, après un court passage à vide, et fous qu’ils avaient été de la croire épuisée. Emportée dans une sorte de frénésie rhétorique, la ministre ne s’arrêtait plus, enchaînait les phrases sans qu’ils ne puissent envisager d’en glisser une. Et à quoi bon ? La tirade de la balosar se suffisait à elle seule. On pouvait sentir les années d’exercice derrière, ils n’avaient pas affaire à une débutante. En revanche, un tournant inattendu fit revenir Clawback sur le chemin de l’écoute, tandis qu’il s’en était éloigné progressivement, déjà lassé du patriotisme tonitruant qui seyait mieux aux foules qu’aux mathématiciens. Rêvait-il, ou la ministre de la Justice venait à peine de proposer au sénateur un marocain en échange de ses précieux services ? Sur l’instant, Voyl la dévisagea avec une surprise suspicieuse. Il y avait bien de quoi rire : celle qui se prévalait de pourfendre à coup de sabre les profiteurs et les lèche-pantoufles en venait à utiliser les mêmes méthodes pour les mêmes fins. La boucle était bouclée, et peut-être sans le savoir, Ress Laz’ziark venait-elle de comprendre qu’on ne changeait pas les règles d’un jeu sans les avoir auparavant acceptées. C’est ce que lui-même avait fait, dans le temps, et continuait de faire. Mais lui, au moins, n’avait jamais prétendu le contraire.

Clawback avait la vague impression de se retrouver assis devant une estrade, à écouter une figure montante du Noyautisme – bien que le mouvement ait trouvé sa fin il y avait plus de trente années standards maintenant – en train de faire se lever les habitants du Noyau pour défendre « leur patrie contre les envahisseurs de la Bordure ». Pour faire renaître « la grandeur de la République ». Il hésitait : devait-il applaudir, à la manière de ceux qui saluent la prestation d’un politique au sortir d’un discours fleuve sur la grandeur de la nation galactique ? Pas vraiment.

" Votre raisonnement est correct, mais il inclut un paramètre trop incertain pour être considéré aussi fiable sans plus de réflexion : vous considérez le cas où nos ennemis ont une faculté de raisonnement logique semblable à la nôtre. Or, ce sont des sith. L’affaire Janos, toutes les scènes de guerre qui nous ont été tant rabâchées, les agissements des impériaux sur leurs mondes conquis, tout cela concourt à me faire dire que cette hypothèse est grandement improbable : dans le cas où nous ayons affaire à des fous cliniques, notre plan ne tient plus. Car nous ne pourrons plus attendre d’eux des réactions cohérentes. Faire souffrir ou tuer, de ce que j’en sais, n’a jamais eu l’air de beaucoup déranger ces monstres. Tout dépendrait donc de l’influence que les quelques éléments sensés puissent éventuellement avoir sur tous les autres ! J’ose dire que c’est risqué. "

Et risqué était un mot tabou de la langue muun – au point que ses anciennes versions aujourd’hui seulement connues de quelques historiens chevronnés n’en portaient pas trace. Sûr et fiable, en revanche, comportaient plus de quinze synonymes.

" Je ne suis pas financier de formation, mais bien mathématicien cryptologue. C’est à cette fin que j’ai jadis été engagé dans les Communications. "

Et non pas nécessairement pour le carnet d’adresse de papa, disait son regard lorsqu’il descendait un mère vingt plus bas pour regarder la Dame de Tôle rivetée à ses convictions comme l’hyperdrive aux hyperpropulseurs d’un navire.

" Jouer les intermédiaires avec les services de décryptage ne me pose aucun problème, je dirais même que j’y suis tout disposé selon une répartition efficace des compétences. Je doute que vous ayez besoin d’une analyse de marché dans les heures à venir. "

Ceci étant dit, il tenait pour acquis qu’elle ne se débine pas au dernier moment. Trop habitués aux minauderies des politiques pour ne pas envisager le pire, Clawback envisageait déjà un plan B, J et Z dans un recoin de son cerveau, assistant au redémarrage du bolisar sur les chapeaux de roue.

" Vous, Monsieur Clawback, vous voulez que votre monde soit en sécurité. Que ce genre de manœuvre ne soit plus jetée au vent sans que vous ne puissiez prévenir vos concitoyens. Vous refusez de voir les muuns enchaînés au pied de l’Impératrice. "

Je vous ai compris !
Rendez-vous donc dans deux ans, chère madame, et vous direz sans doute que j'avais mal compris.
Il se retint de pousser un long soupir, de relâcher tout cet air maintenant lourd qu’il avait gardé dans les poumons.

Emportée par sa vindicte contre il ne savait pas trop quoi – les possibilités étaient vastes – le représentant regarda la ministre de la Justice s’en prendre à la table dans un élan de rage, pour s’élancer à corps perdu dans un final digne d’un opéra. A ceci près qu’il n’avait pas vraiment espéré que la dithyrambe se termine sur quelques fines allusions à leur incapacité – à Fylesan et à lui, on pouvait douter que la jeune jedi fut incluse dans un tel tir groupé – à mettre leurs « gamineries d’enfants gâtés » de côté pour rallier la grande et belle cause de la Resspublique Galaz'tique.

" Tous nos regrets, nos calculs politiques, nos haines n’y pourront rien. "

Elles y peuvent tout ! se dit Clawback dans son humeur maussade in peto, ce sont elles qui font et défont les gouvernements.

Il ne pouvait pas ignorer la somme considérable de piques et de reproches voilés en tous genre qu’elle venait de leur faire, sous couvert d’un beau discours sur l’unité pan-planétaire. En réalité, ces mêmes reproches lui étaient servis depuis des années – et même par Ress elle-même ou ceux qui la suivaient. Rien d’étonnant donc. Si sa volonté était de les aiguillonner par tant de verve, elle venait de réussir, mais pas dans le sens où elle le voulait. S’il y avait bien une chose que Clawback n’appréciait pas, c’était bien que l’on traite – et lui-même par la même occasion – de sale égoïste, voleur et, ainsi que toute une collection d’adjectifs tous moins heureux les uns que les autres. On n’effaçait pas des années de clivages politiques d’un revers de manche. Ce pourquoi il ne put s’empêcher d’accuser le coup, de son éternel demi-sourire cynique :

" Sous-entendus : nous ne le sommes pas encore ? Il me semblait pourtant que nous en étions membres depuis vingt-cinq mille ans. Autant pour moi. "

Derrière l'humour pincé, un reproche clair et sans ambiguïté pour qui voudrait le lire. Il ne cachait même pas sa déception. C’était le prendre pour un idiot et espérer qu’il ne s’en rende pas compte ! Un peu trop fort en épices pour un muun.

Il bougea, peu pressé de prendre racine là où il avait planté ses talons depuis de longues minutes, et contourna lentement la table à coup de longue foulées calculées, pour se retrouver face au tableau de commande, sans y toucher.

" Vous vous sous-estimez, madame Laz’ziark, vous nous sous-estimez par la même occasion. Nous pouvons faire bien plus : nous pouvons faire basculer le Sénat. Nous pouvons renverser l'hyperpropulsion, si nous jouons la bonne combinaison de cartes au bon moment. En réalité, nous n'avons même pas encore joué : comment croire que l'on peut déjà avoir perdu ? "

Une étincelle mauvaise animait de nouveau son œil, tandis qu’il suivait la circulations des points bleus sur la carte.

" Personne, au sein de la Rotonde ou ailleurs, ne soutiendra plus le gouvernement après pareille manœuvre suicidaire. Il faudrait être fou pour le faire, ou bien souhaiter sa propre mort médiatique et sociale. La galaxie va donc perdre une reine. Une reine, qui sous le voile doucereux de jolies promesses irréalistes et complaisantes s’est faite élire par ceux ayant voulu la croire ! Une reine n’ayant à peine que quelques années de politique derrière elle et complètement naïve, en plus d’être teintée d’une inconscience patentée ! Je ne prétendrai jamais connaître les causes de tels agissements, parce que la logique et la rationalité n’en admettront aucune. Ce ne peut donc être que d’origine irrationnelle : ce qui n’a rien à voir avec l’exercice du pouvoir. Ceci démontre cela. On ne confie pas une galaxie à un être qui décide sans réflexion. "

A son tour, il frappa le verre de la table, de l'index, pointé à la verticale vers l'un des nœuds du quadrillage holographique.

" Conclusion. Nous savons vous comme moi qu’à l’heure actuelle, le renvoi de Kira n’est qu’une question de temps. Ses soutiens ne se comptent même plus sur les doigts d’une main humaine, et quelque soit l’issue de cette bataille catastrophique, elle ne sera plus en mesure de remplir son rôle après un tel manquement aux fondements de la République. Une République sans tête est vulnérable, nous en faisons présentement les frais. Conséquence : cet état de fait ne durera pas, d’une manière ou d’une autre. "

Autrement dit – et il avait bien regardé Laz’ziark en disant cela – la voie serait libre pour ceux ayant les dents assez longues pour s’y engouffrer. Mais le sol serait glissant. Le combat, sanglant.

" Le choix que nous avons est donc de saisir l’opportunité qui nous est offerte, ou bien de la laisser passer, et ne pas venir se plaindre par la suite si le jeu part en queue de Hutt. Le Sénat fulmine : je pense que je ne vous apprendrais rien si je vous dis que cette colère peut tout à fait être bien mieux employée qu’à faire augmenter le niveau sonore dans un amphithéâtre. Utilisons-là plutôt pour obtenir son aval pour mener nos manœuvres dans le secteur et voter une poursuite du combat. Nous avons trois voix, c’est bien plus qu’il n’en faut pour se faire écouter. "

Il se tourna cette fois vers l’homme blond.

" Que l’on soit clair : je n’ai jamais exigé ce qui n’est pas exigible, et encore moins la mise en danger de la flotte républicaine. Je demande seulement à pouvoir rendre des comptes en toute conscience à mon peuple et ses représentants, à savoir que ce qui peut être tenté l’aura été. Je ne suis pas tenu d’accomplir l’impossible, pas plus qu’aucun d’entre vous. Si l’extraction du sénateur se révèle un échec, nous n’en réclamerons pas davantage : la République aura accompli la seule chose que nous le lui ayons jamais demandé en échange de nos services et de notre adhésion : l’assistance en cas de danger. Point final. "

Après tout, ils étaient une nation bien plus adulte que leurs manies de maniaques avares ne le laissaient croire. Le pragmatisme était leur foi, les règles écrites et signées, leurs dogmes. Il s’interrompit, la fatigue l’emportant un instant sur sa détermination à ne pas fléchir.

" D’autre part, je n’ai jamais fait mystère de mes opinions personnelles : oui, une guerre contre l’Empire est nécessaire. Je crois que l’impasse dans laquelle nous a jeté Kira prouve que je ne m’étais pas tant trompé. Plus nous attendons, et plus l’Empire s’y prépare ! Plus nous tentons d’acheter la paix, et plus nous paierons cher de nos vies ces reculs naïfs. Les sith ne voudront jamais la paix – il jeta un œil à Ress et à Dalla – les jedi le savent certainement mieux que quiconque ! Ils n’attendent que d’être suffisamment forts pour sortir de leur tanière et nous sauter à la gorge. Ce qu’ils ne manqueront pas de faire s’ils parviennent à passer. C’est pourquoi je prends l’initiative, au nom du Conseil d’Administration du CBI, nos bâtiments lourds aux côtés de l’armée républicaine pour verrouiller le secteur Myto. Si vos vaisseaux les plus maniables peuvent nous couvrir, notre puissance de feu devrait sans problème dissuader les sith de s’approcher davantage sans renfort. "

Ce serait une première. Allait-il parvenir à échafauder une stratégie vaillante ? Une probabilité non négligeable que ce ne soit finalement pas le cas était à considérer. Il devrait alors se débrouiller, et par des chemins autrement moins officiels, pour s’assurer que l’Empire ne bénéficie en aucune façon de l’aide de Klark. Il était temps, à presque soixante ans, d’envisager un nouveau volet à sa carrière, un qu’il n’avait jamais envisagé : chef de guerre. Drôle de manteau pour un muun.

" Maintenant, si nous sommes bien d’accord, je souhaiterai que nous ne perdions pas une seconde de plus avant de nous atteler à la tâche colossale qui nous attend. J’ai pour ma part des comptes à rendre, et je ne suis pas porté sur la procrastination. Je contacte de ce pas mes services. Si vous voulez bien ouvrir l’un des canaux du Furtivo, je me charge de faire la liaison entre vos services et les nôtres. "

Il s'était instinctivement tourné vers la petite twi'lek jedi, devant la console.
Invité
Anonymous

Ce débat devenait agaçant et Jeresen se retenait de ne pas taper du poing sur la table. Ils ne pouvaient rien faire en cet instant, quelque fut la situation du sénateur Klark, alors pourquoi continuer à discuter sur ce sujet ? C’était inutile. Ils étaient coincés. Aucun d’eux n’avait le pouvoir de faire évoluer les choses. Par ailleurs, on ne savait rien de l’état de Klark.

« Et qui vous dit qu’il n’a pas déjà cédé ? Nous ne savons pas quand ces vidéos ont été enregistrées. Ce peut-être un piège, une tentative pour nous tromper. Le fait est que la situation actuelle n’est pas encourageante. Il nous est impossible de retirer des navires engagés en réserve pour porter secours à un sénateur dont nous ne connaissons ni l’état, ni sa position. Sans oublier, comme vous nous l’avez habilement suggéré, que nous ne savons pas quelles sont les forces en présence dans la zone où le sénateur Klark est détenu. »

Jeresen n’était pas au gouvernement et il ne dépendait pas de la hiérarchie militaire républicaine. Il ne pouvait pas ordonner à une flotte de faire ceci ou cela sans l’aval de l’État-Major de la République. Ce qu’on lui suggérait était impossible Il pouvait certes envoyer des navires Alsakanis, mais il n’en ferait rien, car la situation du sénateur Klark était bien trop incertaine. Où était-il ? Était-il seulement encore en vie ? Pouvaient-ils envoyer une mission de secours ? Serait-ce sans danger ? Il y avait trop d’inconnues.

«Sachant cela, nous sommes désolés, mais nous ne pouvons rien faire de plus sans d’avantage d’informations. Ce n’est pas de notre ressort. »

Il écarta les bras, pour signifier son impuissance, mais pas pour longtemps. L’annonce de la jeune Padawan, avec sa voix innocente, bouscula les pensées ordonnées de Jeresen. Chaque mots fut traité et pesé par son esprit alors que la vérité se dessinait sous ses yeux, que les points de l’escadre en question disparaissaient de la projection holographique. Ses muscles semblèrent perdre de leur force et il s’agrippa discrètement à la table pour ne pas tomber sous le coup de l’annonce. Les images projetées autrefois pas Darth Ynnitach dans son esprit refirent presque immédiatement surface. Les épaves flottantes de navires, ensembles difformes de duracier à la dérive dans le vide sidéral flottaient au cœur de ses pensées, alors que les paroles de l’Impératrice revenaient en échos. Les paroles de la défaite, sa défaite. Il se souvenait de sa lecture des rapports des pertes de la bataille d’Artorias, ainsi que la liste infinie des membres d’équipages ayant péri ce jour-là, alors qu’il était incapable de faire quoi que ce soit. Les propos qu’il avait lancé à Je’styylir avant son départ du Gardien du Tionese venait les remplacer alors qu’une boule venait se nouer dans son ventre, qu’il se sentait soudainement étourdi.

Dès le début de la bataille, il avait bien vu qu’il serait impossible de l’emporter, que l’Empire les attendait et que leur seul avantage avait été balayé. Il avait vu l’escadre en question se faire ravager, mais il avait cru en ses chances. Il avait réussi à frapper la flotte Impériale, mais il avait dû quitter son poste. Il avait laissé sa place au Grand Maitre de l’Ordre Jedi alors qu’il aurait dû ordonner la retraite.

La Chancelière Kira les avait menés à l’abattoir, et il ne pouvait rien faire pour leur venir en aide. Cette insolente, cette imbécile avait tué tout ces gens pour rien, sans raison, dans un combat perdu d’avance. Elle était responsable de tout cela, à cause d’un caprice digne d’une enfant de dix ans. Cette même Chancelière qui, selon les dires de la Padawan, s’était elle-même mise dans une situation des plus improbables.

Tant mieux. Qu’elle y crève. Qu’elle n’en revienne jamais, pour qu’il n’ait pas à s’occuper de son cas lui-même. Il se retint de frapper la table d’un coup de poing rageur, alors qu’il ne contrôlait plus rien, lui qui était de nature méthodique, qui aimait tout contrôler dans les moindres détails. Elle allait devoir payer pour tout ces morts, pour tout ces blessés qui avaient cru agir pour le bien de la République, mais qui se retrouvaient au cœur d’une bataille inutile, un véritable gâchis, une énorme débâcle.

Il n’avait pas besoin d’entendre ses propos être rebutés de la sorte, alors qu’il n’avait fait que proposer des solutions. Son regard saphir habituellement envoûtant avait laissé place à la chaleur ardente de la colère et de la haine, alors que le sénateur qu’il était retrouvait doucement sa contenance, que ses muscles retrouvaient leur force, qu’il retrouvait la volonté de se battre. Il expirait, inspirait. Lentement. Il reprenait peu à peu son calme, avant de finalement s’immiscer de nouveau dans le dialogue pour exposer sa pensée :

« Non. Ce n’est pas ce que nous demandons. »

La phrase était courte et sèche. Le ton était bien plus dur, et réprobateur. Sa colère ne s’était pas encore totalement estompée, et Ress en faisait les frais malgré lui.

Jeresen ne pouvait accepter de se voir refouler de la sorte, quand bien même ce fut par une personne qu’il respectait et admirait beaucoup. Une personne avec qui il avait échangé des moments intimes. Ce qu’il allait dire ensuite risquait de briser toute cette amitié, toute cette entente qu’il avait réussi à tisser avec Ress Laz’ziark. Pire, il risquait de tout perdre pour de bon. Son ventre s’était de nouveau noué en réponse à cette crainte, mais il devait le faire. Il devait le faire car ce qui était en jeu était à des parsecs bien plus importants que leur relation mutuelle, que leur amitié. Il s’agissait de l’avenir de la République.

Ce n’était pas rien.

Il l’avait laissé faire, parler. Il l’avait laissé écouler toute sa haine, toute sa colère. Il se demandait encore pourquoi Ress Laz’ziark avait si subitement tourné, changé. Jeresen n’était pas au fait de la présence de son fils au sein d’une escadre qu’il avait vu voler en éclats. S’il tenait une attention toute particulière à connaître les hommes et les femmes qu’il avait sous ses ordres, il ne pouvait pas non plus retenir le nom et les visages de dizaine de milliers de personnes.

Il restait humain.

Lui aussi avait envie de laisse éclater son amertume, sa rage face à tant de vies sacrifiées pour rien, pour une cause inutile, pour le prestige. Un prestige dont la République ne verra sans doute pas le jour. S’il devait sacrifier tout ce qu’il ressentait pour la Balosar dans le but d’aider la République, alors il était prêt à le faire et son regard saphir glissa vers Ress Laz’ziark, avec pour mission d’essayer de percer à jour ce qu’elle ressentait à cet instant.

Il était désolé. Il espérait sincèrement ne pas tout briser.

« Et c’est justement là que vous vous trompez. Les forces armées des mondes fédérées sont sans doute celles qui connaissent le mieux les secteurs où elles opèrent. Leurs états-majors sont les plus à même de savoir quelle stratégie adopter pour bénéficier pleinement des avantages tactiques de la région en question. De plus, les influences des mondes comme Corellia, Coruscant ou Alsakan sont telles qu’ils sont aptes à rallier le reste des systèmes se situant dans leur voisinage. Ce que la République n’a jamais réussi à faire, car il y a justement trop de voix à entendre, à écouter, à apaiser et à convaincre. En agissant de cette manière, nous réduisons ce nombre de voix à quatre. L’état fédéral et nous.

Nous vous offrons un moyen de vous retirer une épine du pied, dans une situation dont l’urgence doit prôner sur les nécessités d’une égalité républicaine qui, vous le savez tout comme nous, n’a jamais réellement existé. Regardez Balosar. Est-ce là un monde jouissant des mêmes droits qu’Alderaan ? Non, et vous êtes bien placée pour le savoir. Pourquoi ? Car le système républicain n’a jamais été égalitaire. Il a toujours favorisé les voix des puissants dans des situations qui ne légitimaient en rien cela. Mais la situation, aujourd’hui, est bien différente et requiert cet état de fait. »


La bordure, toujours la bordure. La Ligue des Mondes Périphériques avait incarné la Bordure et ça n’avait rien donné, si ce n’est une succession de catastrophes.

« La Bordure n’a plus les moyens de se défendre. Plus depuis que le gouvernement a subtilisé sa flotte à la suite des événements de Makem Te. La Bordure dépend désormais de l’État Fédéral tout autant que nos forces. Nous sommes à l’aube d’événements qui vont décider de l’avenir de la République, les Impériaux ne s’arrêteront pas à Dubrillion et, de ce que nous avons compris, nous n’avons aucune concertation ni plan pour les stopper. »

Sinon, des manœuvres auraient déjà été entreprises pour offrir plus de marge aux forces déjà engagées sur Dubrillion. Une diversion, ou bien une toute nouvelle offensive. Bref, quelque chose. Sauf qu’il n’y avait rien.

« Oh, pitié, ne nous parlez pas de ça. Ce qu’offre la Constitution à ce sujet ne sert strictement à rien. Ce… président n’est qu’une marionnette. Il n’a rien fait et ne fera jamais rien. Le mettre devant le Sénat, devant sa propre forfaiture, est inutile si l’on ne règle pas le problème à ses origines : la Chancelière Kira et la Ministre Holdol. Remplacer cet homme ne servira à rien si ces gens-là restent au pouvoir. En réalité, et nous l’affirmons de nouveau, ce Président de Commission ne sert à rien. »

Traduction, le poste ne l’intéressait absolument pas. Il ne serait jamais ce pantin inutile sur lequel le gouvernement faisait pression pour qu’il ne révèle rien. Si Jeresen devait avoir un rôle dans la suite des événements, il serait décisionnel. Il était hors de question qu’il passe encore son temps à observer les choses se dérouler, encore et encore, de la plus stupide des façons.

Son monde n’accepterait pas qu’il puisse en être autrement.

Jeresen détourna son regard, le laissant se porter sur le Muun alors que les paroles de Ress Laz’ziark s’étaient à nouveau recentrées sur le sort du Sénateur de Muunilinst. Que pouvait-il dire, alors que la Balosar ne laissait absolument aucun espace pour le moindre commentaire ? Il se contenta donc d’écouter les tirades en rongeant son frein. La Balosar affirmait ne rien pouvoir faire, et pourtant elle semblait bien en affirmer le contraire. Certes, les options militaires manquaient et il ne pouvait pas être d’une grande aide concernant le renseignement. Du moins, il ne le pouvait plus depuis des années.

Ce que disait alors Ress Laz’ziark était exact. Il l’avait lui-même énoncé. Ces enregistrements étaient peut-être truqués, et destinés à jeter la République dans un piège plus grand. En revanche, affirmer que les Impériaux faisaient preuve d’ingéniosité était peut-être un peu trop exagéré. Il n’y avait qu’à regarder Makem Te pour comprendre qu’ils n’étaient pas très malins. Ils avaient attaqué sans raison, avec une force ridiculement faible. Et là, sur Dubrillion, il ne faisait que se défendre en ramenant plus de vaisseaux. En réalité, ce n’était pas l’ingéniosité de l’Empire qu’il fallait vanter, mais bien la stupidité de la République.

Jeresen restait songeur à ce sujet. Combien de fois la République avait-elle agi sans réfléchir ? Artorias était peut-être la première fois. Lancer toute une flotte tout droit dans un piège était un plan de dégénéré. Le traité qui avait suivi était tout aussi aberrant. Vendre une planète Républicaine depuis des millénaires au profit d’un monde sans importance était impensable. La République l’a pourtant fait. On pouvait aussi citer les événements de Byss, avec l’idée farfelue de faire traverser tout une flotte Impériale au cœur du territoire Républicain pour renforcer un peu plus le pouvoir des Sith sur leur empire. Après tout, comment cela pouvait-il mal tourner ?

Et maintenant il y avait Dubrillion, la deuxième bataille de Dubrillion, qui allait sans doute se terminer comme la première.

Dans l’échec.

« Dire qu’ils sont ingénieux est peut-être osé. Nous avons surtout commis de grosses erreurs. Cependant, ils ne sont pas totalement cinglés pour autant. Ils servent des intérêts que nous ne comprenons pas. Ils savent se montrer imprévisibles, mais ça nous pourrions l’être également si nous avions les bonnes personnes aux bonnes places. Par exemple, attaquer Dubrillion aurait pu être une bonne idée si cet assaut avait été mené conjointement à d’autres frappes qui, elles, auraient été inattendues.

Nous sommes en partie de l’avis de la Ministre Laz’ziark. Pour l’instant, le Sénateur leur est plus utile vivant que mort. En le gardant en vie, ils gardent leur moyen de pression sur Muunilinst. Et c’est tout ce qui les intéresse. Votre monde est un des poumons financiers de la République. En agissant sur vous, c’est la République qu’ils veulent mettre à genoux. Et nous ne les laisserons pas faire. Ce qu’elle vous propose est un bon moyen de nous faire gagner du temps, alors saisissez l’occasion.»


Son doigt avait tapé sur la table, comme pour indiquer un fait, une évidence. Son regard, lui, restait rivé sur le Muun quelques instants avant de glisser vers la Balosar.

« Nous ne remettons pas en cause vos compétences, Monsieur Clawback. Mais ce que vous demandez n’est pas de notre ressort mais de celui du gouvernement. »

Ress Laz’ziark, à vous l’honneur de répondre à cette proposition qui la concernait directement. Après tout, pourquoi pas ? On avait bien donné tout les codes de cryptage à une enfant de douze-treize ans sans que ça ne pose le moindre questionnement éthique, alors on pouvait bien laisser l’opportunité à Voyl Clawback de prouver son efficacité.

Sérieusement, était-il le seul à constater là encore la stupidité de l’armée fédérale ? Non pas qu’il remettait en cause l’intégrité de la Padawan Tellura, mais les responsabilités qui lui incombaient étaient bien trop lourdes pour elle. Et surtout, on ne donne pas des clés de chiffrement et de déchiffrement d’une telle importance à une inconnue, Jedi ou pas. Son regard dévia un instant vers la jeune fille, inquisiteur. Que feraient-ils, si elle leur cachait certains éléments ? Le pouvoir qu’elle avait entre ses mains était immense. En avait-elle seulement conscience ?

Un petit bip caractéristique de son comlink venait le tirer de ses pensées, et il retira l’objet cylindrique d’une de ses larges poches pour en lire rapidement le contenu. Le message venait de Jonn, son assistant qui était occupé entre la Rotonde et les affaires internes qui secouaient Alsakan. Il n’y avait que quelques mots synthétisant une pensée, un fait : Nouvelles importantes. Communication urgente souhaitée.

Il soupira. Était-ce de bonnes ou de mauvaises nouvelles ? Si la seconde hypothèse était privilégiée, il s’en passerait. Il en avait déjà eu son quota pour la journée.

Son nom, prononcé par la Balosar, le fit relever la tête et le regard, l’immergea à nouveau dans ce débat houleux. Un débat qu’il aurait préféré éviter pour se mettre immédiatement au travail.
Les propos étaient exacts, Ress savait où taper pour attirer son attention. Jeresen n’aimait pas les surprises, tout comme le reste de son monde. Il avait besoin de contrôler les choses, de voir les problèmes arriver avant qu’ils ne se soient installés. La République manquait d’efficacité sur le plan militaire, mais c’était uniquement pour les raisons qu’il avait déjà énoncé. Il avait proposé une solution, un moyen de rallier un Sénat en proie à la peur. Alsakan avait vécue bien trop d’événements de la sorte pour avoir peur. Son monde était à l’image de son sénateur. Alsakan était soignée, méthodique dans ses actions. Il avait vécu des guerres meurtrières contres les Sith, mais aussi et surtout contre la République. Cela faisait des millénaires que la noblesse, que les militaires avaient échafaudé des plans et des protocoles visant à parer à toutes les éventualités. Des méthodes pouvant être appliquées contre un ennemi extérieur à la République et arrivant aux frontières de l’Hégémonie, mais aussi des protocoles et des plans visant à paralyser la République.

Alsakan était apte à se protéger. Elle s’y est toujours préparée. Et parmi les protocoles d’urgence, il devait bien y en avoir un ou deux pour ce genre de situations. Alsakan ne laisserait pas tomber la République. Pas tant qu’il en serait le Sénateur.

Il y avait forcément une solution, et celle dont évoquée tout à l’heure par Ress Laz’ziark se dévoilait enfin. Ainsi, les dés étaient jetés, et ils n’étaient pas tous au goût de Jeresen. L’état de la Chancelière Kira était critique, et il savait lui aussi que la décision du Sénat n’impacterait que la Vice-Chancelière et le gouvernement. Emalia Kira en serait immunisé. La Balosar avait raison, la Chancelière était devenue un danger. Jeresen n’avait cessé de le répéter.

En soit, la votation de l’incapacité de la Chancelière ne lui poserait aucun problème. Il signerait volontiers les yeux bandés. En revanche, c’était bien la suite qui lui plaisait moins. Il s’était toujours opposé à l’idée de pouvoir offrir autant de pouvoir à une seule personne. Il avait mis en garde contre la nomination de Ragda Rejliidic en qualité de Ministre Spécial à l’époque d’Artorias. Les dérives étaient trop grandes, et les souvenirs du Pius Dea et leurs croisades fanatiques au nom de la République revenaient à son esprit.

Son regard saphir se planta de nouveau dans celui de la Balosar. Elle voulait ce poste, elle voulait avoir tout ces pouvoirs. Et lui, il pouvait lui offrir un soutien de taille dans cette entreprise. Il pouvait être parmi ceux qui la mèneraient au sommet de la République. Mais la question restait entière : malgré tout ce qu’il ressentait pour elle ; malgré le fait qu’il la connaissait bien ; représentait-elle un danger pour la République ? Ce qu’elle promettait pour sauver le sénateur Klark était beau, bien amené, et semblait même sincère. Pourtant, qui garantissait qu’elle agirait bien de la sorte, et non pas comme le représentant de Bakura l’avait fait à l’époque ?

Les promesses qu’elle lui faisait, à lui, étaient-elles vraiment sincère, comme le reste de leur amitié ? Ou bien cherchait-elle à se jouer de lui, comme Emalia Kira l’avait fait ? il avait déjà mit sa confiance en une autre personne, et la déception fut grande. Ress Laz’ziark lui offrait un poste, ce poste dont il ne voulait pas. Il ne voulait pas paraître comme un des bourreaux de cette démocratie, ce système étrange qui prônait l’égalité pour ne servir que de l’inégalité. Il ne voulait pas d’un rôle spécial tout comme il n’avait jamais voulu de la Chancellerie.

Il secoua la tête, alors que le Muun prenait la parole. Il avait besoin de réfléchir, d’être certain qu’il faisait le bon choix. En soutenant Ress Laz’ziark, il aurait les moyens de la surveiller, de s’assurer qu’elle ne succombe pas aux tentations des pouvoirs conférés par les titres spéciaux. Et il aurait les moyens de s’assurer que plus jamais la République ne se lancera dans des manœuvres suicidaires. C’était un bon choix, il en avait désormais la certitude. Là où il ne pouvait rien faire à l’époque de Rejliidic, il aurait les moyens de faire stopper les choses si elles allaient trop loin. Il en serait de même pour lui.

Il s’appuya légèrement sur la table, alors que Voyl Clawback finissait son long discours qui contenait des idées qu’il partageait. Mais pas que.

Mais d’abord, son regard se tourna vers Ress. Il déglutit un instant, doutant encore un peu de sa décision :

«Vous voulez cette position, et vous l’aurez. Mais nous nous refusons de travailler avec une partie du gouvernement d’Emalia Kira, tout comme nous refusons de n’être qu’un vulgaire conseiller dont il sera facile de balayer les droits, et même le titre spécial. La Ministre Holdol doit, tout autant que la Chancelière Kira, être évincée. Il est hors de question qu’une personne incompétente, en ces temps troubles, ne puisse prendre la place laissée vacante par Madame la Ministre. »

Il voulait ce poste. Il voulait ne plus être un spectateur. C’était assez clair.

« En ce qui concerne le reste du gouvernement, et c’est à ce sujet que nous sommes en désaccord avec Monsieur Clawback, tout ses membres ne sont pas responsables de ce qu’il se passe en ce jour. Certains ne furent sans doute même pas informés. Ce qui, nous l’espérons, est votre cas. Ce qui se passe aujourd’hui ne doit pas se transformer en chasse aux sorcières. Un nouveau gouvernement doit être reformé si cela s’avère nécessaire. »

Il se tourna vers le Muun.

« Ce n’est pas négociable. Nous ne pouvons pas prendre le risque, alors que la République est menacée, d’organiser de nouvelles élections pour nommer un nouveau Chancelier dont les buts, les objectifs nous sont inconnus. Il nous quelqu’un capable de lutter, et de tenir la barre. Croyez-nous, convaincre le Sénat sera chose aisée après ce qu’il vient de se passer. L’Empire refusera la paix, que nous perdions ou gagnions cette bataille. Le Sénat n’aura pas le choix que de nous appuyer. »

Jeresen s’écarta légèrement pour ne pas laisser ses jambes s’engourdir avant de sortir son comlink. L’ouverture était parfaite pour laisser Jonn s’exprimer.

« Mais peut-être devrions-nous en prendre la température, connaître sa position actuelle ? Notre délégation a émit le souhait de prendre contact avec nous, et notre assistant est actuellement en plein débat au cœur de la Rotonde. Posons-lui la question... »

… et obtenons les réponses.

« Vous permettez ? » dit-il aussitôt en désignant la projection holographique.

Pure question rhétorique.

Il s’avança et inséra son comlink dans la console pour l’utiliser comme projecteur holographique. L’image ne tarda pas à disparaître pour laisser place à la forme numérique de son assistant, et représentant d’Alsakan à la Rotonde en son absence. L’homme semblait éreinté, les traits de visage se faisant plus lourds, plus cernés que d’habitude. Sans doute avait-il passé de durs moments au cœur de l’assemblée qui devait être en ébullition.

Il sembla surpris par le fait que Jeresen n’était plus seul et prit quelques secondes pour cerner chaque individu avant de fixer le sénateur.

« Est-ce bien judicieux, Monsieur ? »

« De leur faire entendre la situation actuelle sur Alsakan ? Elle doit être exposée. De prendre des nouvelles de la situation au Sénat ? C’est un choix légitime. Alors dîtes nous, où en sommes-nous ? »

Cacher la chose ne servait à rien. Tôt ou tard, les services Républicains auraient appris les nouvelles concernant Alsakan, ainsi que le Sénat. Que ce soit de manière directe, ou par l’intermédiaire de leurs informateurs. Il espérait juste que ces informations seraient meilleures que celles balancées par la Padawan Tellura.

« Soit. Concernant Alsakan, d’abord. D’après les dernières nouvelles, votre père s’est porté à l’Archaïad il y a une dizaine de minutes pour défendre, au cours d’une session extraordinaire, la nécessité d’appuyer la République en ces heures troubles. Le débat est houleux, et les résultats sont incertains. Mais ce n’est pas réellement important. » Il marqua une pause, semblant chercher ses mots. « Le fait est que Son Altesse Royale a prit les devants et fermement condamné les volontés bellicistes d’une partie de l’Archaïad, celle qui voulait profiter de l’occasion pour se porter à Coruscant. Il a ordonné de les faire arrêter. »

La chose était dite, le problème éventé.

« Il a vraiment fait cela ? » rétorqua un Jeresen qui en cachait pas son étonnement face à une situation qu’il pensait jusqu’alors improbable. Impensable, même.

« En effet. Il semblerait que Vondar Fylesan ait habilement manœuvré grâce aux informations que vous lui avez fournies et prit directement contact avec Son Altesse avant de se rendre devant l’Archaïad. Mais ce n’est pas tout. »

Nouvelle pause.

« Son Altesse a également fait usage de son autorité pour dissoudre ses Conseils et placer le commandement des forces armées, dont il a ordonné la mobilisation totale, sous sa direction. Suite à cela, et étant donné la situation, il a également décidé d’activer le protocole Agave pour appuyer les armées Républicaines avant de vous donner une autorité temporaire sur les forces navales de l’Hégémonie ; le temps que la situation ne rentre dans l’ordre. »

Jeresen resta immobile, encaissant les nouvelles tel un roc fendant les vagues de l’océan géant de Mon Calamari. Son regard pivota de la Padawan Tellura jusqu’à Voyl Clawbak, en passant par Ress.

Le commandement suprême, à lui ? Fird avait réellement court-circuité toute la hiérarchie militaire pour donner les pouvoirs militaires de toute une nation à son sénateur sous la justification qu’il était le mieux au fait de la situation ?

C’était une décision grave qu’il n’aurait lui-même jamais pris, car donner autant de pouvoir à une seule et unique personne était extrêmement dangereux. Le risque de dérives était important, mais ce choix ne prouvait qu’une chose : le Roi d’Alsakan, chef suprême de l’Hégémonie, faisait entièrement confiance en son sénateur même si ce dernier avait d’abord agi aux côtés d’une Chancelière douteuse.

C’était la seule explication qui venait à l’esprit de Jeresen Fylesan alors qu’il se retrouvait avec des pouvoirs exceptionnels.

« Vous êtes sérieux ? Mais alors, qu’en est-il des Conseils ? »

La situation était telle qu’il en avait oublié la raison essentiel de cet appel : le Sénat.

« Nous ne pouvons l’être plus. Les escadres armées ont déjà prit l’Axe* jusqu’à Brentaal pour remonter l’Hydienne jusqu’à Bogden. Concernant les Conseils, le nom de votre père ne cesse pas de revenir pour en prendre la direction. La situation sur Alsakan risque de changer de manière drastique dans les mois à venir, et Son Altesse compte sur vous et votre famille. »

Jeresen opina légèrement du chef. Le Roi Fird avait décidé de l’appuyer jusqu’au bout, de prendre le parti de soutenir la République contre la menace extérieure. En faisant ce choix, il plaçait Alsakan en avant, et annonçait clairement au reste de la République sa volonté de poursuivre le conflit, quel que soit le résultat des événements de Dubrillion. La guerre était inévitable.

Le Sénat le savait mais ne voulait pas l’admettre. Jeresen n’était pas dupe. Il avait été envoyé négocier pour la paix alors qu’il ne l’avait jamais voulu. Mais à ce propos…

« Et concernant le Sénat ? »

« C’est compliqué. Nous pensons qu’il ne se passera rien avant que les évènements ne se soient tassés. Ils sont trop occupés à savoir sur qui taper, et à vouloir protéger leurs propres intérêts. Ils ont tous peur de tout perdre, surtout les mondes de la Bordure. Ils sont remontés, mais maintenant que nous avons une position claire de l’Hégémonie dans cette affaire, nous devrions pouvoir rassembler notre influence pour tenter de convaincre que la seule issue possible est la guerre. Que vouloir la paix signifiera des concessions humiliantes, inacceptables. Mais il va nous falloir plus de soutiens. »

« Oui, nous sommes d’accord. Essayez de voir ce que vous pouvez faire pour rassembler. Vous êtes l’hommes de la situation, Jonn. Vous êtes sur place, c’est à vous qu’incombe cette responsabilité. » Il marqua une pause, posant une main sur la console, près de son datapad. « Nous vous remercions pour vos éclaircissements, Jonn. Nous avons beaucoup à faire, vous également. Vous faites de l’excellent travail. Continuez comme ça. Restez disponible, nous vous recontacterons rapidement. »

Et il coupa la communication, la projection numérique vacillant avant de disparaître pour mieux faire renaître l’imagerie initiale. Il ne retira pas son comlink, car il était le seul moyen d’établir une connexion sécurisée avec sa délégation, sans que rien ne puisse être enregistré par des individus mal intentionnés.

Jeresen laissa plonger son regard dans ceux de ses interlocuteurs avant de laisser échapper un long soupir. Le poids qui reposait sur ses épaules venait de doubler, si ce n’est tripler. Il savait ce qu’il devait faire maintenant qu’il avait les mains libres ; que la position de son monde était claire, précise ; qu’il n’y avait plus de risque de voir la flotte d’Alsakan se déverser sur Coruscant.

Suite aux propos de Jonn, il devait éclaircir la situation et donner des garanties. Il devait expliquer ce qu’était ce plan, ce qu’il était prêt à faire avec les forces d’Alsakan pour protéger la République. Il posa les coudes sur la table, s’appuyant dessus pour se porter en avant.

« Nous ne vous cacherons pas qu’Alsakan entretient des relations houleuses avec Coruscant et une partie de la République. Tout le monde le sait. Pour votre information, le protocole Agave est un plan Alsakani qui visait, en cas de conflit avec Coruscant et l’État Fédéral, à paralyser temporairement l’économie Républicaine en frappant le Nord du territoire, et notamment le poumon financier de Muunilinst, les chantiers de Bilbringi et les ressources de Mygeeto avec une force de frappe numériquement inférieure aux forces adverses. Ce protocole est sensé être appliqué conjointement avec d’autres protocoles confidentiels, mais la situation est actuellement bien différente. Si Son Altesse a décidé de le déclencher, c’est qu’il se prête bien à la situation. »

Il lança à l’intention de Voyl Clawback :

« Il n’est pas question d’un conflit contre Coruscant et il n’y aura évidemment pas donc d’occupation, ni même de frappe contre la République et Muunlinst. »

Puis, il reprit pour tous en activant une représentation holographique de la galaxie :

« En revanche, le plan repose sur des bases utiles que nous allons réutiliser pour assister la République. Nous suggérons de déployer les forces d’Alsakan de chaque côté du secteur de Myto, dans les secteurs de Raioballo et Obtrexta, pour offrir une ligne de défense efficace et imperméable. Aucun navire ennemi de devra passer, quoi qu’il en coûte. »

Il marqua une pause, se redressant pour projeter sur la carte ses prévisions.

« Nos forces de combat ont récemment été modernisées, et notre nouvelle classe de navire a été pensé pour défaire les forces Impériales et les leurs navires de guerre lourds. Avec notre aide, ils ne passeront pas. De plus, en se disposant ainsi sur les flancs, nous pourrons facilement rediriger des forces sur le secteur Myto si jamais les forces de Muunilinst se retrouvent submergées. De plus, la République pourra ainsi rediriger une partie de ses forces soit vers Dubrillion, soit vers d’autres secteurs pour renforcer leur protection. Nous pourrions d’ailleurs suggérer la retraite aux forces engagées dès que notre réserve de force sera suffisamment conséquente.»

Jeresen se tourna alors de nouveau vers le Muun avec une confiance certaine en son plan :

« Il nous faudra stationner des navires de réserves sur Dantooine, Mygeeto et Muunilinst. Nous aurons besoin, pour cela, du soutien total de votre monde, Monsieur Clawback. »

Il ne pouvait pas dire non. C’était impensable. Après tout, Muunilinst n’était-elle pas située dans le secteur Obtrexta ? S’il refusait de ravitailler les navires d’Alsakan sur son monde, alors ce dernier serait livré à la merci des forces impériales car sa flotte serait à des années-lumière de là.

Il fixa la Balosar, son regard se posant sur ses antennes.

« Vous vouliez que nous fassions un geste, que nous montrions notre volonté de nous engager pour la République. C’est chose faite. Nous ne serons pas un pantin facilement manipulable. Nous voulons des responsabilités. Vous nous avez fait des promesses, et nous espérons que vous les tiendrez. Nous placeront nos navires sous contrôle de l’État-Major Républicains pour établir un consensus suite à cela. Vous avez notre soutien, et peut-être, bientôt, celui de toute la Rotonde.

Alors ne nous décevez pas.»


Il ne parlait pas qu’au nom de son monde, en prononçant ses derniers mots, mais bel et bien également du lien qui les unissaient. Au nom de leur amitié ; de leur séances communes à l’Opéra ; de leurs diners ; de leur intimité. Il avait toujours estimé que Ress était différente des autres. Elle avait l’occasion de le lui montrer. De montrer qu’il n’avait pas tort en affirmant qu’elle changerait les choses là où les autres s’étaient montrés incapables de le faire.

Mais à présent, il était temps d’en finir avec le Muun.

« Sachez que nous ferons tout pour sauver le Sénateur Klark si un de nos navires se retrouvent en situation de le faire. Donnez-nous ses coordonnées avec certitude et nous ferons le travail si la République est dans l’incapacité de le faire. Tout comme vous, nous sommes partisans de la guerre, et cela depuis la première heure. L’inaction de la République a permit le renforcement de l’Empire, et la guerre ne se terminera pas en un jour. Si nous avons soutenu la Chancelière Kira suite aux événements de Makem Te, ce fut seulement parce qu’elle était le seul choix qu’il nous restait, le moins risqué, et parce que ses promesses étaient en adéquation avec notre pensée. Des promesses qu’elle n’a pas respectées. Notre soutien à son égard est donc terminé. »

La chose était dite. Oui, il avait soutenu Emalia Kira et il avait eu tort. Il s’était fait rouler, comme il l’avait été il y a bien des années. Il était hors de question que les hommes morts sous ses ordres à cette occasion l’aient été pour rien.

« Toutes ces querelles sont désormais futiles. Nous ne sommes plus ans une situation où nous pouvons perdre notre temps à nous répandre en insultes, en remarques désobligeantes ou end ébats inutiles. Incarnons une République unie plutôt que divisée. Nous avons les capacités de mener la République à la victoire, de réveiller la machine de guerre qui a de tout temps défait ses ennemis. Incarnons non pas que la République, mais aussi son avenir. »

Son regard fit un ultime tour d’horizon.

« Bâtissons-le. Ensemble. »
Dalla Tellura
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Dès qu'elle eut finit de parler et que son esprit se détacha un instant des données qu'elle avait tant bien que mal réussi à rassembler pour son rapport, Dalla fut submergée par l'intensité de émotions qui émanaient de Ress Laz'ziark. La ministre s'était assise (Dalla ne s'en était pas rendu compte tout de suite parce que de point de vue de la taille, cela ne faisait pas une grande différence), mais Dalla avait senti la force de sa haine déferler sur la pièce. Elle n'était pas très avancée encore dans la maîtrise de la Force, elle ne savait pas bien sonder les esprits et les cœurs, mais il était impossible de passer à côté de cela.
Dalla frissonna. Par deux fois, elle avait rencontre un sith. Si le deuxième avait été plutôt calme, cherchant seulement à négocier au milieu de la panique de Félucia, le premier était plein de rage. Les sentiments qu'elle ressentait maintenant chez la ministre étaient différents, mais ils la terrifiaient tout autant. Elle n'avait aucune idée de ce qui avait pu provoquer cette réaction : cela devait être quelque chose qu'elle avait dit, parce que Ress Laz'ziark n'était pas dans cet état avant qu'elle parle, mais quoi ? Les nouvelle qu'elle avait données n'étaient pas toutes bonnes, mais une personne comme elle devait avoir suffisamment de sang-froid pour résister à de mauvaises nouvelles…
Dalla savait que la haine était très mauvaise, que les jedi ne devaient pas s'y abandonner, de risque de sombrer dans le Côté Obscur. Il devait en être à peu près pareil pour ceux qui ne maîtrisaient pas la Force. D'un point de vue moral et psychologique, en tout cas.
La haine que ressentait la ministre ne sembla pas diminuer, pour autant, Dalla se sentit vite moins submergée par elle. Par une sorte de méditation de non jedi, Ress Laz'ziark avait dû la contrôler, la canaliser.

Dalla avait les genoux qui tremblaient quand la ministre prit la parole, d'une voix étonnamment calme. Quel incroyable maîtrise de soi ! Quelle volonté, aussi. Elle l'avait senti quand elle s'était brièvement tournée vers elle.

[HRP : si la réaction et l'interprétation de Dalla ne te vont pas, dis-moi, et j'éditerai]

-Néanmoins … Avant toute chose, toute tractation, toute pensée, je tiens à rappeler une chose. Actuellement, je ne suis que Ministre de la Justice. Je n’ai donc aucunement le pouvoir de changer la constitution de l’Etat-Major … Ou la Constitution elle-même, puisque c’est proprement ce que sous-entend votre demande, Sénateur.

Dalla n'avait pas vraiment écouté la discussion, et elle fut stupéfaite d'entendre parler de changer la Constitution. Était-ce bien le moment ? Ne valait-il pas mieux sauver les soldats, les civils menacer, la Chancelière, même, bien qu'aucun d'eux ne semblât lui être particulièrement attaché ?

Elle est motivée par la haine. La haine est mauvaise conseillère ! songea-t-elle.

-J’entends bien vos arguments, mais je doute de leur applicabilité immédiate, surtout pour des mondes qui ont connu autant de désaccord. Et à titre personnel, j’admets que cette entorse à l’égalité républicaine au motif de l’urgence me laisse légèrement dubitative au niveau de l’image de favoritisme que cela pourrait renvoyer. Vos hommes vont mourir pour la République. Les miens aussi. Les compatriotes de Monsieur Clawback également. A partir de là … Soit nous avons tous une voix, car chaque vie sacrifiée pour la communauté compte, et c’est proprement ingérable. Soit certains sont plus égaux que d’autres.

Pourtant, pour autant que Dalla pouvait en juger, ses paroles restaient tout à fait sensées, rationnelles, et même assez justes.
Mais Dalla se sentait un peu perdue dans toutes ces questions de gouvernance. D'ailleurs, elle avait des renseignements à collecter. Elle jeta un dernier coup d’œil inquiet à Ress Laz'ziark. Dalla commençait à se demander si elle n'avait rêvé ou exagéré cette bouffée de haine, tout à l'heure…

Nar Shaddaa… Que se passait-il à Nar Shaddaa ?

-La place sera bientôt libre. Et je ne doute pas qu’une candidature de qualité, par un homme d’expérience, émerge rapidement. La candidature d’un homme sur laquelle tous puissent compter pour contrôler les velléités des uns et des autres. Qui n’aurait pas de mal à être soutenue par un certain nombre de sénateurs soucieux de voir la Constitution respectée.

Dalla releva la tête, de nouveau prise de frissons. Que voulait dire la ministre ? Était-elle en train de leur proposer…

Nar Shaddaa ! Occupe-toi de Nar Shaddaa !

Elle remit l'oreillette qui avait glissé quand elle observait la ministre.

-… réussi à pénétrer dans le bâtiment. Ils ont réussi à prendre contact avec un groupe de jedi, mais toujours aucun signe de la délégation républicaine. On ne sait même pas s'il y a des survivants…

Dalla avait effectué un recherche dans la base de données des du haut commandement, et elle finit par tomber sur la liste des jedi impliqués. Son cœur se serra.

Wen, Kolin et son maître, la chevalière Belluma. Il y avait le padawan Lugliiamo aussi. Elle ne le connaissait pas personnellement, mais c’était une légende au Temple. Un hutt jedi ! Comment allaient-ils tous ?

Dans la liste des communications entre unités, elle reconnut une petite icône qui ne pouvait signifier que « vidéo ». Elle cliqua dessus et vit une immense tour apparaître sur l'écran. Il devait s'agir de la tour du Conseil. De ce qu'elle entendait, l’explosion redoutée n'avait pas encore eu lieu, mais le bâtiment était déjà dans un sale état. Beaucoup de fenêtres et de baies vitrées avaient volé en éclat, et les étages les plus élevés semblaient s'être déjà effondrés.

-Je vous répète le message tel que mes hommes me l'ont transmis : Borenga est allé trop loin, il va mourir, vous aussi si vous le soutenez. Le bâtiment est miné, il va exploser dans quinze minutes -ça fait déjà moins que ça maintenant !-, vous pouvez encore l'abandonner et fuir.

Dalla n'avait aucune idée de qui était ce Borenga, mais elle n'avait aucune envie que Wen, Kolin, le chevalier Belluma et tous les autres explosent ou soient écrasés par des tonnes d'acier de béton !

Elle commença à farfouiller dans les données disponibles sur la tour du Conseil, et tomba sur une vision thermique du bâtiment. Malheureusement, de nombreux incendies semblaient s'être déclenchés, et ils empêchaient de distinguer les formes de chaleur plus faibles comme les êtres vivants.

Dalla continua à farfouiller , en jetant de temps à autre des coups d’œil à l'heure. Combien de temps avait pu déjà s'écouler depuis le début des quinze minutes ? Il lui semblait que cela faisait une éternité, mais le bâtiment était toujours là.

Sans le faire exprès, elle afficha la liste des commandements jedi, et elle vit que maître Don avait encore perdu une escadre, la numéro III.

C'est terrible, songea-t-elle, et elle s'apprêta à réduire la fenêtre pour retourner au sort de ses amis, mais elle s'interrompit soudain.

Pourquoi se renseigner plus sur ses amis sur Nar Shaddaa, alors qu'aucune information ne lui parvenait, et qu'au contraire elle avait tout un tas de données qui lui arrivait de Dubrillon et des alentours ? Parce que c'était de ses amis qu'il était question ? Alors qu'elle ne connaissait pas les autres ?
Elle soupira et enleva son oreillette.
Maîtres Don, Manteer et Fyëlen avaient perdu plusieurs vaisseaux, mais autant qu'elle pouvait en juger sur la carte, c’était aussi le cas des impériaux. Elle avait beaucoup de mal à comprendre quoi que ce soit à la bataille, tout ce qu'elle voyait, c'était des vaisseaux de différentes tailles qui volaient les uns entre les autres, se tiraient dessus, s'évitaient, se fonçaient dessus. Il y en avait même tout un groupe qui semblait surgi de nulle part, et qui avait déjà été presque décimé par les impériaux. Ils avaient dû sortir de l''hyperespace pour tomber dans un piège. Les pauvres !
Il se passait quelque chose d'un peu bizarre au niveau de la thermosphère, mais elle était bien incapable de dire quoi.


-Les sith ne voudront jamais la paix les jedi le savent certainement mieux que quiconque !

Elle avait déjà du mal à se concentrer avec la discussion du ministre, du représentant du Clan Bancaire et du sénateur, si en plus on la prenait à témoin ! Elle hocha néanmoins vaguement la tête d'un air triste. Mais elle commençait à s'inquiéter, parce qu'elle ne voyait pas l'Attaque Frontale, mais elle fut distraite de la Chancelière par les mots « mission annulée, évacuation » qui s'affichèrent dans l'intitulé de mission de maître Vorkosigan. Que se passait-il ? « Code THX-1138 ». Cela lui disait quelque chose… Elle avait dû le voir en classe, mais impossible de s'en rappeler.

Quand est-ce qu'elle avait regardé l'heure la dernière fois ? Elle jeta un œil à la tour du Conseil de Nar Shaddaa, se trompa de fenêtre et vit que le palais impérial semblait avoir été stoppé (il lui sembla voir des gens sauter de ses fenêtres et se jeter dans le vide, mais elle préféra penser que ce n'était que son imagination). La tour du Conseil était toujours là… Penser à Kolin et à la chevalière Belluma lui rappela Galdur. Où était-il en ce moment ? Elle était sûre qu'il participait au conflit, d'une façon ou d'une autre. Était-il en grave danger, lui aussi ? Dan quelle situation rocambolesque et inattendue s'était-il encore fourré ?

Et où donc était cette fichue Attaque Frontale ? Elle avait beau sélectionner le vaisseau dans la liste républicaine, elle ne voyait aucun point rouge apparaître. L'avaient-ils détruit ? Un très gros vaisseau impérial se tenait là où elle avait vu le vaisseau de la chancelière la dernière fois.
Elle finit par repérer le vaisseau… au milieu des astéroïdes. Cela ne lui semblait pas très prudent…

-Et nous sommes limités alors que nous pourrions réussir là où Emalia Kira a échoué.
Nous pouvons unir la République, et non l’asservir à des plans personnels. Nous pouvons représenter tout ce qu’elle compte de différences et de diversité.

Dalla se sentait toujours mal à l'aise dans ce qu'elle ressentait des émotions de Ress Laz'ziark. Néanmoins, elle devait admettre que son discours était tout à fait saisissant, qu'elle était d'un calme remarquable, et que, finalement, compte tenu de la situation dans laquelle Emalia Kira s'était fourrée, ses paroles étaient plutôt convaincantes et tentantes. Pouvait-on prendre de bonnes décisions sous le coup de sentiments aussi néfastes ? Ou la balosar était-elle à ce point maîtresse d'elle-même qu'elle parvenait à suivre ses idéaux malgré l’intensité de ce qu'elle éprouvait ?

-Incarnons une République unie plutôt que divisée. Nous avons les capacités de mener la République à la victoire, de réveiller la machine de guerre qui a de tout temps défait ses ennemis. Incarnons non pas que la République, mais aussi son avenir. Bâtissons-le. Ensemble.

Dalla fut ramenée à la réalité par ces dernières paroles du sénateur. Il avait autant de verve que la ministre, mais il lui inspirait moins confiance.

Profitant du bref instant où 'ils se regardaient tous trois intensément, Dalla reprit la parole.

-Nous avons encore perdu l'escadre III de la flotte de Maître Don, mais l'attaque du palais impérial semble avoir été stoppée. La… la chancelière s'est réfugiée… dans la ceinture d’astéroïdes…

Mal à l'aise de tous les sous-entendus qu'elle imaginait dans ce que s'étaient dit ses trois vis-à-vis, elle se crut obligée d'ajouter :

-Elle est ainsi à l'abri des vaisseaux impériaux, notamment des grands croiseurs, qui ne peuvent se faufiler là où elle est.

Ils devaient le savoir aussi bien qu'elle.

-Maître Vorkosigan a été confronté à un code THX 1138.

Il restait à espérer qu'ils aient mieux appris leurs leçons qu'elle sur le chapitre.

-Et, euh… La tour du Conseil de Nar Shaddaa risque d'exploser d'un moment à l'autre. Il semblerait qu'il s'agisse de représailles contre Borenga…

Espérons qu'ils sachent qui il est et qu'ils ne me le demandent pas !

-...mais la délégation républicaine semble prise au piège. Plusieurs équipes ont été envoyées après eux.

Elle aurait bien ajouté quelque chose sur le fait de ne pas agir sous le coup de la colère, de la haine ou de l'exaspération. Mais elle ne se sentait vraiment pas de le faire. C'était peut-être son rôle en tant que membre de l'Ordre Jedi, mais elle n'avait pas le courage de mettre en cause les décisions de ces trois personnages. D'autant qu'elle n'était pas sûre de comprendre ce qu'elles étaient réellement, et ce qu'elles impliquaient. Peut-être devrait-elle en parler au Conseil. Mais pour l'heure, elle devait continuer à surveiller l'avancée des fronts.
Cela avait l'air de bouger du côté du Conquérant.
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Bientôt, les nouvelles tombent à bord du Furtivo, fidèlement retransmises par la jeune padawan : parmi les bonnes nouvelles, la Chancelière est saine et sauve et l’armée républicaine aidée des Jedi sur Dubrillion est parvenue à s’emparer des défenses planétaires afin de repousser les impériaux hors du système. Cependant, le bilan est lourd : les flottes républicaines ont été complètement décimées. Ceux qui ont survécu ne l’ont pu que grâce au retrait des troupes impériales désireuses de protéger leur Impératrice, dont le vaisseau a été abordé par des Jedi. C’est au prix de ces pertes que la République parvient enfin à contrôler Dubrillion.

Il ne fait pas de doute que le Sénat est en plein chaos. Certains sont furieux que les hostilités n’aient pas cessé dès qu’ils l’aient demandé. D’autres, percevant la victoire même mitigée de la République, estiment que la motion de censure n’a peut-être pas lieu d’être. Mais tous sont d’accord pour vociférer sur le même sujet : la Chancelière, ses alliés, les représentants sur place… Est-ce que quelqu’un sur place va enfin être décidé à entendre ses protestations ?

Monsieur Clawback est bien aise d’échapper à ce genre de problèmes inutilement chronophages. Il s’attèle à la tâche qui est la sienne avec brio. L’arrêt des hostilités, en outre, facilitera certainement l’extraction de Klark. Dans quel état celui-ci leur reviendra, cela reste encore à découvrir…

Dalla Tellura & Voyl Clawback remportent cette joute !

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