Invité
Anonymous
J'ouvre un œil. Le monde est bleu. Bleu électrique. Une surface carrée me domine. Le plafond, je crois.
 
Je vois. Je revois. Mes yeux... Oui, c'est vrai. On m'en a mis de nouveaux. Des cybernétiques. Alors ce sera ça : des traits cyans, des surfaces bleu foncé... Je ne reverrai plus jamais les couleurs. Tant pis. Je m'en moque, des couleurs.
 
J'ai mal à la tête, surtout. Et à la mâchoire. C'est affreux. Je me caresse le menton... Mais... Cette forme... Que m'ont-ils fait ? Je me lève brusquement. Trop brusquement. Un vertige me prend. Je dois me rasseoir dans la précipitation. Un lit. C'est sur un lit que je me suis assis. C'est sur un lit que j'étais endormi. Je dois me trouver dans une chambre d'hôtel. Quelle planète ? Aucune idée. Je verrai ça plus tard. Pour l'instant, mon visage... Je tente de me relever, y parviens tant bien que mal, me dirige vers une forme que j'identifie à une porte. Me voici dans la salle de bain. A droite, une baignoire miteuse ; à gauche, un lavabo et un miroir. Je m'approche... et découvre mon nouveau visage...
 
« Non... Ce n'est pas possible... Ils... »
 
Je ferme les yeux. C'est un cauchemar. Les rouvre.
 
« Non ! Noooooon ! »
 
Ma voix... Même elle est changée. Bien plus rauque, bien plus sombre... Ils ont fait de moi un monstre.
 
« Nooooooooon ! C'est impossible ! Impossible... »
 
Soudain, une main se met à taper brutalement sur la porte de ma chambre. Je tourne la tête, déporte le regard une nouvelle fois sur le miroir, puis sors de la salle de bain. J'ouvre la porte. Un Twi'lek se tient devant moi. Un cadran dans le bas de mon œil droit m'indique qu'il est vert. Moi, je ne peux le voir.
 
« Non mais ça va pas d'hurler comme ç... », commence-t-il à crier, avant de poser les yeux sur mon visage et de soudain changer d'expression. « Euh... Non... Ce n'est rien. Ne vous en faites pas. Une bonne journée, hein ! » Et de s'enfuir sans demander son reste.
 
La peur. Tout ce que je vais leur inspirer, désormais, c'est la peur. Ne pas repenser à mon heure de gloire, sur Aargau, où je tenais dans mes bras les enfants de mes électeurs en offrant de grands sourires aux caméras...
 
Maintenant que la porte de ma chambre est ouverte, je ne peux m'empêcher de faire un pas en avant. Une odeur nauséabonde m'envahit les narines. Je m'avance jusqu'à un balcon qui donne sur une cour. Mes yeux cybernétiques y identifient une cantina. Plus loin, en arrière plan, se dresse un gigantesque palais aux tours rondes. Je plisse les yeux. Où suis-je ? J'intercepte un passant :
 
« Excusez-moi. », lui demandé-je, une nouvelle fois surpris par la gravité de ma propre voix. « Pouvez-vous me dire sur quelle planète nous nous trouvons ? »
 
C'est encore la peur que je lis sur le visage de l'humain, comme sur celui du Twi'lek, une peur mêlée de surprise – il n'est pas très courant de poser une telle question.
 
« Euh... Sur Nal Hutta. », répond-il, et sur ces mots il prend lui aussi ses jambes à son cou.
 
Nal Hutta. Oui, évidemment. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ? L'odeur pestilentielle, les palais de forme ronde... Au moins, j'étais déjà arrivé là où je comptais me rendre. Ici, personne n'en voudrait à ma peau. Les Jedis avaient-ils lu dans mes pensées, ou n'était-ce qu'un simple concours de circonstances ? Sûrement ont-ils raisonné comme moi : dans cette partie de la Galaxie, je ne suis recherché de personne. Le Temple doit également avoir des raisons toutes particulières de m'envoyer dans l'espace Hutt. Je n'ai aucune idée de l'actualité : il faudra que je me renseigne.
 
« Ah ! Vous ! »
 
Je me retourne. Un autre Twi'lek, plein d'embonpoint celui-là, s'approche de moi. Au moins n'a-t-il pas l'air effrayé par mon visage, lui.
 
« Ça fait six jours que vous êtes là. Soit vous payez pour des jours de plus, soit vous déguerpissez. »
 
Six jours ? Je suis resté si longtemps endormi ? Je comprends mieux pourquoi j'ai si mal au crâne.
 
Je ne veux pas d'embrouilles. Et je n'ai aucune raison de rester dans ce motel.
 
« C'est bon. Je fais mes affaires et je m'en vais. »
 
Je retourne dans ma chambre. Sur une forme cylindrique que j'identifie à une table de chevet, se trouve du matériel médical. Au sol, gît un sac à dos. J'y mets médicaments et sondes, prends le sac sur mes épaules, et repars sur le balcon d'où je rejoins la cour intérieure.
 
Et maintenant ? Libre. Je suis libre. Espionné, mais libre. Que faire de cette liberté ? Ah, et cette migraine qui m'empêche de penser...
 
Le premier réflexe qui me vient à l'esprit est de rentrer dans la cantina. Je ne suis allé dans l'un de ces établissement qu'une seule fois dans ma vie, un soir de désespoir, alors que mon Apprentie venait de m'abandonner. Il faut s'imaginer que désormais, ces lieux seront le pain quotidien de mon existence... Dans la cantina, un écran affiche les nouvelles. La voix de la présentatrice effleure mon esprit. "... chaos de Nar Shaddaa... La chancelière Kira a déclaré..." La chancelière Kira ? L'information me frappe de plein fouet. Je ne m'y attendais pas. C'est trop d'un seul coup. Beaucoup trop. Ma réinsertion dans le monde réel ne va vraiment pas être facile, pour toute une série de paramètres imprévus. Je préfère ne plus prêter attention aux écrans. Pas pour l'instant. Je me renseignerai plus tard sur la politique. Pour le moment, je ne suis pas prêt. Et cette migraine qui ne cesse pas...
 
Je m'avance près du bar. C'est un Bith qui le tient. Il me dévisage d'un air que je ne parviens pas à déchiffrer, choc des races oblige.
 
« À manger. », dis-je seulement – je n'ai pas envie de parler.
 
« Je vous sers le plat du jour ? »
 
« Tant que c'est mangeable, oui. »
 
Ce "oui", contrasté par la gravité de ma voix, a quelque chose de ridicule. Un "ouais" aurait été plus adapté à mon nouveau visage. Faudra-t-il que je transforme jusqu'à ma posture ? Ai-je seulement le choix ? Mais j'ai bien trop mal à la tête pour réfléchir à ces questions.
 
« Et vous prendrez à boire avec ça ? », me demande le Bith en me tendant une assiette remplie de haricots en sauce.
 
J'hésite quelques instants.
 
« Un brandy. Un brandy assandran. »
 
Depuis combien de temps n'en ai-je pas bu ? Lorsque j'étais sénateur, j'en consommais tous les jours. Cette époque est révolue depuis bien longtemps.
 
« Assandran, j'ai pas, mais j'ai un brandy maison qui est pas dégueu. »
 
« Ça fera l'affaire. »
 
Il me sert un verre que je prends avec mon assiette, avant de m'installer dans un coin éloigné des écrans. Les haricots ont un goût aussi étrange que leur odeur, mais ils se mangent. Le brandy, en revanche, est infect. Je consomme ma plâtrée sans réfléchir, ne me concentrant que sur mon alimentation.
 
Une fois que j'ai fini, un réflexe étrange me vient : sur la table, je griffonne avec mon couteau "CÔME JANOS". Pourquoi ? Aucune idée. Pourtant, Maître Don m'a bien spécifié que je n'avais pas le droit de révéler mon identifié à quiconque. Tant pis. Après tout, on peut bien inscrire le nom d'une autre personne que soi.
 
« Ça vous amuse, d'écrire sur les tables comme ça ? »
 
Je me retourne. Un vieillard édenté. Dès qu'il me voit, il perd son sourire.
 
« Eh ! J'rigolais, hein. »
 
Je ne réponds rien.
 
« J'suis un fidèle de c'te cantina et j'aime bien causer avec les nouveaux v'nus. C'est qui, ce Côme Janos ? Ce nom-là m'dit quelque chose... »
 
J'hésite quelques instants.
 
« Un homme mort et enterré depuis bien longtemps. », dis-je finalement.
 
« Aucun intérêt d'en parler, alors. Et vot' nom à vous, c'est quoi ? »
 
Que répondre ? Je ne me suis même pas trouvé de nouveau nom... Mes yeux se portent de nouveau sur mon inscription : "CÔME JANOS". Côme Janos...
 
« Jon Mac Soen. Oui, je m'appelle Jon Mac Soen. »
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
skin made by
© jawn