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Se plonger dans les affaires qui lui étaient confiées pour éviter de penser à ses tourments était difficile, mais c’était la seule solution qu’elle avait trouvé. La Twi’lek se massait les tempes en tâchant de se concentrer sur les informations qu’elle essayait de mémoriser sur un datapad posé sur ses genoux, dans sa cellule de Korriban.
Pas celle qu’on lui avait donné lorsqu’elle était arrivée, non. Elle avait désormais une chambre digne de ce nom, où un droïde passait chaque jour faire le ménage, et qui comportait même une petite lucarne donnant sur le paysage sec et accidenté de la planète aride. Le sable, le soleil, le vent… Myir avait descendu le store pour éviter de penser à tout ce qu’elle avait vécu dans ces paysages récemment. Ces souvenirs ne faisaient que parasiter sa concentration.
Lorsqu’elle entendit la sonnerie du communicateur, Myir sursauta avant de se lever pour répondre. Ses mains étaient fébriles en pianotant sur l’appareil, et elle dût reconnaître ressentir une pointe de déception lorsque le nom du correspondant s’afficha. Ce n’était pas Emhyr. Qu’avait-elle cru ? Il respectait leur engagement. Elle se sentit idiote, mais tâcha de se concentrer néanmoins sur la silhouette qui se matérialisait devant elle.
Ysanne semblait déjà s’être remise de sa blessure. Vêtue d’une tenue d’entraînement, son ton était relativement calme, et non chargé de reproches comme la Twi’lek s’y était attendue. La jeune femme savait décidément se maîtriser, en comparaison des autres apprentis. Une grande qualité selon Myir. Un autre atout évident était la volonté d’Ysanne de s’améliorer. Elle avait analysé les causes de son échec, et c’était un bon point même si elle n’avait pas trouvé par elle-même la parade adéquate.
- Bonjour Ysanne. Félicitations pour votre attitude proactive. C’est avec cet esprit de perfectionnement que vous parviendrez à être une bretteuse redoutable, approuva-t-elle d’une voix douce, mais ferme. La deuxième solution que vous évoquez est en effet celle privilégiée par les utilisateurs de l’Ataru. Sans s’obliger à ne jamais tourner le dos à leurs adversaires, leurs déplacements sont prévus pour ne pas laisser de faille dans leur défense lorsqu’ils porteront leur attaque : s’ils attaquent en utilisant leur lame à revers, leur déplacement sera programmé de manière à bondir de côté pour être hors d’atteinte, par exemple. Ce sont des stratégies à travailler sans relâche pour qu’elles deviennent naturelles.
Il fallait des années pour maîtriser totalement l’Ataru. Si Ysanne avait du temps devant elle, cependant, le Tournoi des Apprentis approchait très rapidement, lui.
- Il va vous falloir inventer vous-mêmes ces mouvements et les répéter sans relâche pendant des mois, après quoi vous les éprouverez à mon contact dans un prochain duel. Cela couplé à votre renforcement musculaire, et vous verrez rapidement une amélioration considérable de vos compétences au sabre laser. Cependant, je le sais, vous cherchez des solutions plus immédiates, afin de ne pas vous mettre en difficulté lors du Tournoi. Avec un peu de chance, votre vitesse sera suffisante et leur entraînement pas encore assez de bon niveau pour vous porter un tel coup, mais nous ne pouvons pas, en effet, nous en remettre uniquement à la chance. Essayer de préparer quelques déplacements types que vous alternerez et qui ne sont pas si dangereux que celui que vous avez tenté contre moi. Puis lors du tournoi, alternez-les sans être répétitives, afin que l’adversaire ne puisse prévoir vos bottes.
La Twi’lek s’interrompit. Serait-elle présente lors de ce fameux Tournoi ? Elle devait avouer être intéressée de voir le résultat des entraînements d’Ysanne, autant que de pouvoir mesurer les talents réels de la jeunesse Sith. Prendrait-elle elle-même un apprenti un jour ? Elle ne se sentait pas prête à l’heure actuelle : elle n’était pas tout à fait stable, elle le savait.
- Vous avez d’autres questions ?
- Spoiler:
- Toutes mes excuses j'avais oublié notre sujet avec l'event @.@
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Après s'être concentrée une minute sur son datapad, la Twi'lek releva soudain les yeux vers l'hologramme fluet de la jeune apprentie. Si la question l'avait surprise, elle tâcha cependant de n'en rien laisser paraître. C'était pourtant bien la première fois, finalement, qu'au sein de l'Empire quelqu'un s'intéressait à cette question. Quelques mois auparavant, le sujet l'aurait hérissé. Mais le temps s'écoulait et effaçait la vivacité des émotions, permettant à Myir de pouvoir songer à cette période de sa vie avec distance, si ce n'était avec un peu plus d'objectivité qu'auparavant.
Elle prit une brève inspiration.
- Mon passage de la lumière à l'ombre... semble avoir été différent du vôtre, fit-elle, pensive.
Maintenant qu'elle y pensait, le processus avait été d'une aisance redoutable. C'était la fin de sa vie de Jedi qui avait été douloureuse, mais la souffrance avait toujours été cachée au fond de son coeur. Le côté obscur l'avait brusquement soulagée de ce poids, ce qui avait achevé de la convaincre de la voie à suivre. Cependant, pouvait-elle décemment raconter à Ysanne ce qui s'était réellement produit ? Rares avaient été les témoins de l'affrontement entre Darth Ynnitach et Myir Alshain. La guerrière ne savait si elle devait être fière ou avoir honte de cet évènement. Elle choisit de ne pas tout dévoiler.
- C'est arrivé sur Byss, expliqua-t-elle, décidée à s'en tenir aux faits. J'avais désobéi à l'Ordre Jedi en souhaitant aller au contact des Sith. C'est comme ça que je me suis trouvée face à l'Impératrice. A sa puissance et à celle des Seigneurs Noirs du passé, séduits par sa destinée. C'est difficile à décrire ; cela a été pour moi une révélation. Mon esprit a été en contact avec les plus grands artisans du côté obscur, et j'ai compris que là était la vérité, qu'elle m'avait été dissimulée depuis toujours, et que plus jamais je ne pourrais l'oublier.
Elle haussa les épaules.
- Par ailleurs, ma vie de Jedi ne me menait nulle part. Je faisais des efforts pour le Conseil, qui ne reconnaissait pas ma valeur, et dont les missions ne permettaient pas à la galaxie de mieux se porter, comme je croyais pourtant en être l'objectif. Je n'avais plus de sens dans ma vie. L'Empire m'en a redonné un.
Oui, c'était aussi simple que cela. Aujourd'hui, les Jedi la croyait morte. Grand bien leur en fît et enterrée sous les décombres de Byss.
Mais elle était différente d'Ysanne. Myir, au Temple, n'avait jamais vraiment noué d'amitié particulière. Aucun ami ne risquait de resurgir du passé. Sauf peut-être son maître... à qui elle ferait certainement pitié. S'il venait lui demander de l'aide... Elle se savait assez froide et calculatrice pour obtenir quelque chose pour l'Empire en échange.
Elle soupira. Elle n'avait jamais été fine psychologue et n'était probablement pas en mesure d'aider la jeune femme. Mais il fallait essayer tout de même. On n'envoyait pas balader l'apprentie de l'Impératrice... Elle acquiesça donc.
- C'est important que vous soyez en mesure de reconnaître vos faiblesses. Si vos anciens amis en sont, il faut que vous fassiez en sorte que cette situation ne puisse jamais arriver, tout simplement. Mais pour être tout à fait honnête...
La Twi'lek afficha une mine bienveillante. Cela ne lui arrivait que rarement.
- … je ne pense pas qu'aucun de vos amis, sachant que vous êtes désormais l'apprentie de l'Impératrice des Sith, vous demandera jamais de l'aide en tant que Jedi, Ysanne. Soit ce seront de futurs alliés obscurs, auquel cas il sera intéressant de leur tendre la main... Soit ils vous tendront un piège, car ils auront perdu toute confiance en vous.
Cruelle vérité. Myir ne croyait pas en l'amitié. Chez les Jedi comme chez les Sith, les relations n'étaient que jeux de pouvoir et de domination permanents.
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Myir hocha la tête en un signe affirmatif, pensive. Il était étrange comme, à l’époque où elle n’était qu’une padawan, elle avait pu maîtriser les jeunes aspirants qui étaient recalés aux épreuves et condamnés à suivre une voie moins prestigieuse au sein des Corps Jedi. A ce moment de sa vie, il lui semblait naturel que ces êtres moins doués qu’elle fussent écartés pour laisser place à son talent. En réalité, ces rejetés étaient un vivier pour le côté obscur, méprisé par le reste de l’Ordre. Encore une preuve que la tolérance des Jedi avait bien des limites. Être passé à côté du talent d’Ysanne était bien une piètre performance.
La Twi’lek fronça les sourcils, un peu surprise de la question de l’apprentie. S’inquiéter de ces amitiés passées lui semblait futile. Mais par expérience, elle savait que les autres avaient beaucoup plus de considération qu’elle. Elle haussa les épaules.
- Je ne peux en être sûre, répondit-elle, évasive, mais il y a peu de chance pour qu’on vous accueille à bras ouverts. Depuis le temps… Vos amis ont sûrement fait le deuil de votre existence.
L’hologramme d’Ysanne paraissait inquiet. Ses propos étaient-ils trop brutaux ? Pourtant, Myir n’évoquait que sa vérité. Elle laissa échapper un bref soupir.
- Il n’y a qu’un moyen de le savoir, conclut-elle. Il faudra aller les rencontrer un jour. Vous verrez alors de vos yeux ce qu’ils sont devenus. Ce que votre amitié est devenue.
Un tel conseil ne serait peut-être pas apprécié de l’Impératrice. Pourtant, la Twi’lek ne pensait pas qu’Ysanne put faire le chemin inverse et retourner au Temple. Voir ses anciens camarades la rejeter ou l’ignorer à cause de son appartenance à l’Empire ne ferait que l’aider à couper définitivement les ponts avec ce passé mielleux qui l’entravait. Mais ce ne serait certainement pas pour tout de suite.
- Vous devriez laisser le passé là où il est pour le moment, Ysanne, reprit la guerrière d’une voix qui se voulait un peu plus douce. Il y a un temps pour tout… Et en ce moment, c’est le temps de vous préparer au mieux au Tournoi des Apprentis. Vous allez devoir honorer votre maîtresse, ce fameux jour, et cela devrait vous inquiéter bien plus que vos vieux amis qui appartiennent désormais à un autre monde. Ne laissez pas vos souvenirs vous détourner de votre but.
Puis elle se redressa, jetant un œil à l’horloge numérique qui égrenait les secondes sur sa table de nuit. Il ne lui restait plus qu’une petite heure pour continuer d’étudier.
- Si vous n’avez plus de question, Ysanne, je vais vous laisser. Je ne pourrai être présente le jour du tournoi… Mais je veux entendre des bonnes nouvelles lorsqu’il sera terminé. N’est-ce pas ?
La Twi’lek avait bien l’intention de vérifier que l’apprentie serait au meilleur de son état d’esprit mental pour affronter cette épreuve. Ne connaissant guère le niveau des autres apprentis, il n’était pas facile de savoir quelles étaient les chances pour Ysanne de remporter au moins quelques combats. Mais meilleur serait le résultat, meilleur serait le regard de l’Impératrice envers Myir… Elles avaient donc toutes tout intérêt à ce que ce tournoi se déroulât au mieux…
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